Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1879-08-19
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 août 1879 19 août 1879
Description : 1879/08/19 (Numéro 4318). 1879/08/19 (Numéro 4318).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 19 Août 1879
N 4 4318 — Edition quotidienne;
Mardi 19 Août 1879
PARIS
Un an 55 fr. »
Six mois. 28 50
Trois mois 15 »
15 cent.
20 -
Un Numéro, à Paris. .....
— Départements.
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
On s'abonne, à Rome, place du Gesù, S \
DÉPARTEMENTS
Un an 55 fr. »
Six mois ; 28 ' BO
Trois mois 15 »
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÀSGE, 01RF et G'% 6, place delà Bourse
FRANGE
PARIS, 18 AOUT i879
Barnabé Chauvelot
Un coup douloureux frappe la ré
daction de Y Univers. Notre très cher
collaborateur, M. Barnabé Chauvelot,
est mort presque soudainement la nuit
dernière, alors que rien ne faisait re
douter cette fin si prompte d'une ma
ladie qui se déclarait à peine. C'est au
milieu de l'avant dernière nuit, en effet,
que notre collaborateur sentit comme
une douleur aiguë l'atteindre au cœur.
11 perdit aussitôt connaissance et, dans
cet état, d'où aucune médication ne
put le faire revenir, il est mort au bout
de vingt et une heures, sans dou
leur apparente, avec un calme dont
son màle.visage, sur son lit de mort,
garde la noble et profonde empreinte.
Appelé en toute hâte, le prêtre n'a
pu que faire les dernières onctions sur
le malade ; mais nous avons pleine
confiance que la mort aura trouvé prêt
notre collaborateur, car on sait la foi
vive et pratique dont il était pénétré.
On peut même dire que, dans son es
prit, presque insouciant des choses
matérielles, la cause de l'Eglise et la
lutte pour Dieu tenaient une place ex
clusive et dominante. Animé pour les
combats de la vérité, passionné pour
la défendre, parce que, dans son
triomphe, il entrevoyait le salut de
la France,, il semblait exercer un
véritable apostolat parmi ses collè
gues qu'il rencontrait à Versailles
dans cette tribune des journalistes qui
a si souvent retenti de ses brûlantes
apostrophes, dont il faisait autant d'a
pologies. En dépit de cette attitude qui
le tenait, pour ainsi dire, toujours en
guerre, nous croyons pouvoir affirmer
qu'il ne connut pas d ennemis parmi
ses plus ardents adversaires, car ceux
mêmes qu'il flagellait impitoyable
ment l'estimaient pour sa rude fran
chise et son incomparable loyauté.
Ils rendaient non moins universel
lement hommage au talent qu'il dé
ployait dans ces polémiques quotidien
nes, et dont* ses lettres parlementaires,
consacrées aux travaux de la Chambre
des députés, portaient si vivement la
trace. C'est là, nos lecteurs le savent,
qu'il répandait à profusion les traits
de sa verve intarissable. Il semble que
dans ce labeur soutenu quotidienne
ment durant des années entières, un
autre eût senti la fatigue ou le décou
ragement le saisir au bout de quelques
mois. Lui résistait, grâce aux élans de
l'indignation que soulevait en son
âme le spectacle des iniquités révolu
tionnaires et qu'il ressentait non moins
vivement au dernier jour qu'au
premier. C'était, d'ailleurs, une nature
d'athlète.
Doux comme les gens forts, il
ri'aspirait qu'à une vie calme où il
aurait pu, dans l'admiration des cho
ses de la nature et dans l'étude des
sciences qu'il aimait avec passion,
pousser lui-même, avec la tendre sol
licitude qui tenait son cœur de père,
l'éducation de ces deux petites filles
qu'il laisse orphelines et dont il culti
vait l'âme avec tant d'amour, aidé par
la vaillante mère qu'il avait à ses
côtés»
11 jouissait d'autant mieux de ce
bonheur, qu'il avait connu jadis des
jours troublés. Un instant égaré par
Proudhon dans le mouvement révolu
tionnaire de 1848, il avait été son se
crétaire et il fut même appelé à subir
les conséquences judiciaires de cette
intimité. Mais, en cette retraite for
cée, la foi chrétienne reprit vite le
dessus dans son âme loyale qui n'a-
yait cédé qu'à un tourbillon. ^Lui-
même nous a souvent conté qu'à la
lecture de YImitation il avait senti se
faire en son esprit une vive lumière,
Dès ce jour, il redevint pleinement
chrétien, ne gardant de ses anciennes
relations avec le chef du proudhonis-
me que le plus vif attrait pouf l'étude
de la question sociale, à laquelle il
avait enfin trouvé la vraie solution
qu'y donne l'Eglise et qu'on cherche
rait vainement ailleurs.
C'est au milieu de ces études, en 1
pleine possession d'un talent dont la
maturité s'épanouissait et promettait
des fruits en abondance, enfin dans le
repos qu'il consacrait avec tant de joie
aux siens après la fatigue d'une lon
gue session parlementaire, que le bon
Bieu l'a rappelé à lui. Ceux-là seuls
qui ont pu voir de près notre cher
collaborateur comprendront toute l'é
tendue de notre perte. Us s'associeront
& nous pour lui hâter le chemin du
ciel, en priant avec ferveur pour l'â
me de PB soldat dévoué de l'Eglise ;
dans leurs prières, ils n'oublieront pas
non plus la veuve et les deux jeunes
enfants qui s'appuyaient avec t&nt de
confiance sur le bras de celui qui s'ei}.
est allé, leur montrant Dieu comme
espérance, mais, humainement, les
laissant dans quelle désolation !
obsèques de notre collaborateur
(auront lieu demain, à midi, en l'égli
se de Notrjc-Deme des Champs, sa pa
roisse. Les pers.Gr .DPS qui n'auraient
point reçu de lettre de ftïipe-part, sont
priées de considérer le présent ayig
comme une invitation.
C'est un spectacle tout ensemble cu
rieux et triste que l'attitude des jour
naux révolutionnaires en face de la
récente Encyclique pontificale. Dans
ce document mémorable, d'une ins
piration si liante et où se révèlent des
vues si profondes, la plupart, ignorant
même ce dont ils parlent et n'ayant
peut-être pas lu la pièce qu'ils ba
fouent, cherchent matière àdes sarcas
mes qui font rire d'eux-mêmes et de
leur impuissance. Comment seraient-
ils capables de comprendre toute la
beauté de cet enseignement ceux qui,
tout en se flattant de n'en croire qu'à
la raison, ont renié depuis longtemps
toute raison et tout bon sens ? Quoi
donc, s'écrie le Siècle, « physiciens,
chimistes, physiologistes, sociologis-
tes, avant de publier une découverte,
devront s'assurer préalablement si elle
est en concordance avec la Somme de
la foi catholique contre les gentils du
théologien du treizième siècle! Quel ar
gument contre les congrégations reli
gieuses! »
Cela dit, on devrait croire au moins
que le Siècle fournira quelque preuve
de ce qu'il avance et prendra soin de
justifier, autrement que par ce beau
dédain, le jugement sommaire qu'il
porte ainsi d'un document qu'il n'a
pas même la loyauté d'analyser. Mais
il n'a garde. En effet, il pourrait lui
arriver de tomber sur certain passage
de l'Encyclique où le Pape, bien loin'
de témoigner la moindre défiance aux
études scientifiques, en vante les dé
couvertes. Il est vrai qu'en même
temps Léon XIII rappelle les principes
qui doivent régler les rapports de la
raison et de la foi ; il est vrai encore
que l'Encyclique constate en fait cet
accord prouvé, pour beaucoup de faits,
par les plus belles et les plus récentes
découvertes de la science. Mais cet
aveu répugne au Siècle , et plutôt que
de le faire connaître à ses lecteurs, il
aura soin de travestir le document
pontifical. En cela, d'ailleurs, il est
imité par le XIX 0 Siècle, qui s'écrie, à
propos de l'Encyclique :
Ce que nous venons de lire avec un
grand effort de palience nous semble du
Pie IX tout pur. A supposer que Léon XIII
ait voulu faire ici, comme on le prétend,
une démonstration politique, c'est une dé
monstration qui n'équivaut qu'à une décla
ration -d'immobilité. Un pareil acte est-il
avantageux pour le saint-siège? Est-il utile
aux intérêts de l'Eglise catholique ? Cela
peut paraître douteux; mais, sans doute
Léon XIII se place à un point de vue très
différent du nôtre pour en juger.
Quoi qu'il en soit, c'est en plein moyen-
âge que le pape actuel prétend immobiliser
la science et l'enseignement catholiques.
Au siècle de Darwin il oppose le siècle de
saint Thomas d'Aquin. Les œuvres de
saint Thomas doivent être désormais la
source de tout enseignement politique, phi
losophique, voire de tout progrès des
sciences physiques.
Nous ne savons si le XJX° Siècle se
rend bien compte de tout le ridicule
qu'il se donne lorsqu'il oppose le siècle
île Darwin (!) au siècle de saint Tho
mas d'Aquin. On dit que M. Darwin
est un grand savant, et c'est sans
doute l'avis des singes dont il s'occupe
de restituer les parchemins; mais, en
regard de ce personnage, il semble,
pour emprunter le mot du Constitution
nel , que « l'Aristide chrétien du moyen
âge » n'ait vraiment pas trop à rou
gir. Nous consentons même que l'on
inette en parallèle les grands hommes
du siècle de saint Thomas et les génies
darwinesques, les chefs-d'œuvre du
treizième siècle en architecture et ceux;
de nos jours ; et nous demandons où
apparaîtront, avec la pensée la plus
forte et la plus s&pe d'ejlp-même, le
sentiment le plus élevé de Fart et sa
sa plus parfaite exécution ?
Faut-il traiter plus sérieusement les
détracteurs de l'Encyclique qui ? comme
le National, s'attendaient à y voir une
pénonse aux projets Ferry et raillent
les catholiques 4? ce que cette réponse
ne s'y trouve pas? S'il avait lu (l'un
QBjl moins distrait ou moins hostile, le
National , gy contraire, aurait pu voir
que cette-réponse est faitp d&ng l'Ency
clique, et qu'elle est faite très-ample
ment. Que sont, en effet, les projets
Ferry, si fie n'est un véritable défi porté
par la déraison moderne aux principes
qui, chez tous les peuples dignes de ce
nom, ont constamment présidé à tous
les ovdses l'enseignement?
Or, CÔ sont ces principes, expression
de la raison même, QU6 revendique
hautement et qu'enseigne à nouveau
le souverain Pontife, les rapportant
aux données traditionnelles de la foi,
Qu'importe à ce propos que les cuis
tres du National prêtent au souverain
Pontife la pensée d .3 faire reculer l'es
prit humain de dix siècles? Est-ce qqe
la vérité se date d'après un siècle ou
un autre, et quand on proclame au
jourd'hui les vérités reconnues conf
ine telles il y a dix siècles parce qu'el
les sont aussivieilles que le monde,n'a-
t-on pas le droit de prendre en pitié
ceux qui, se grisant de leurs songes
creux, proclament, à l'encontre, les
droits de l'erreur parce que cette er
reur a vu le jour dix siècles après la
vérité? Cecj rj'est crue de l'ineptie. Mais
voici-îa mauvaise f foi.
D£ns un siècle, s'écrie le National, où les
découvertes des sciences expérimentales
ont renouvelé la face du monde, c'est aux
subtilités absurdes de la casuistique, c'est
aux discussions niaises sur « l'être et l'es
sence », sur « la corporalité ou l'incorpora-
IHl 4e? gênreï e| des? espèces » tjue le chef
de l'Eglise veuf, ramener les jeunes intelli
gences! Les applications de la vapeur et de
l'électricité, les merveilles de la chimie et
delà physiologie modernes, lui paraissent
méprisables, comparées aux rêveries de la
métaphysique. I! donnerait volontiers toutes
les trouvailles d'Edison, toutes les études
de M. Pasteur sur les fermentations, ou
de M. Paul Bert sur l'air comprimé, pour
une bonne dissertation sur 1' « essence des
universaux. »
Ou bien l'écrivain du National n'a
pas lu l'Encyclique et il en parle selon
l'instinct pervers de ses haines reli
gieuses, ou bien il l'a lu, et comment
n'a-t-il pas été frappé par un passage
qui est la contradiction directe et for
melle des grote sques assertions alignées
plus haut ! Voici, entre autres choses,
ce que dit Léon XIII sur ce grave su
jet :
...Les sciences physiques elles-mêmes, si
appréciées à cette heure, et qui, illustrées
de tant de découvertes, provoquent de toute
part une admiration sans bornes, ces scien
ces, loin d'y perdre, gagneraient singuliè
rement à une restauration de l'ancienne
philosophie. Ce n'est point assez, pour fé
conder leur étude et assurer leur avance
ment, que de se borner à l'examen des faits
et à la contemplation de la nature; mais les
faits constatés, il faut s'élever plus haut et
s'appliquer avec soin à reconnaître la na
ture des choses corporelles et à rechercher
les lois auxquelles elles obéissent ainsi que
les principes d'où décodent et l'ordre
qu'elles ont entre elles, et l'unité dans leur
variété et leur mutuelle affinité dans la di
versité. On ne peut s'imaginer combien la
philosophie scolastique, sagement ensei
gnée, apportera à ces recherches de force,
de lumière et de ressources.
A ce propos, il importe de prémunir les
esprits contre la souveraine injustice que l'on
fait à celte philosophie en l'accusant de met-
Ire obstacle au progrès et à l'accroissement des
sciences naturelles, Comme les scolastiques,
suivant en cela les sentiments des saints
pères, enseignent à chaque pas, dans l'an
thropologie, que l'intelligence ne peut s'é
lever que par les choses sensibles à la con
naissance des êtres incorporels et immaté
riels, ils ont compris d'eux-mêmes l'utilité
pour le philosophe de sonder attentivement
les secrets de la nature, et Remployer un
long temps à l'étude des choses physiques.
C'est, en effet, ce qu'ils firent. Saint Tno-
mas, le bienheureux Albert le Grand, et
d'autres princes de la scolastique, ne s'ab
sorbèrent pas tellement dans la contempla
tion philosophique qu'ils n'aient aussi ap
porté un grand soin à la connaissance des
choses naturelles ; bien plus, dans cet or
dre de connaissances, il est plus d'une de
leurs affirmations, plus d'un de leurs prin
cipes, que les maîtres actuels approuvent,
et dont ils reconnaissent la justesse.' En
outre, à notre époque même, plusieurs doc
teurs des sciences physiques, hommes de
grand renom, témoignent publiquement et
ouvertement que, entre les co?iclusions cer
taines de la physique moderne et les principes
philosophiques de Vécole, il n'existe en réalité
aucune contradiction,
Les traits que nous avons soulignés
suffisent à faire éclater la mauvaise
foi des contradicteurs de l'enseigne
ment pontifical. Sous ce rapport, les
gens de la République française peuvent
aller de pair avec les manœuvres du Na
tional. Que répondre, par exemple, à
un argument qui se produit ae la
sorte ;
Il faut vraiment un fonds prodigieux de
naïveté et de bonhomie pour s'imaginer
qu'on va rencjre .au dix^neuvième siècle un
service signalé, en le renvoyant aux écoles
du treizième siècle, sur la paille infecte de
la rue du Fouarre, ou dans les salles basses
de Iq. rue des Cordiers.
Ainsi parle la République, où M.
Paul Bert est le porte-drapeau de la
science moderne. C'est par des facé-
lies pareilles qu'on se flatte, en ce
lieu, de mettre à néant les hautes le
çons contenues dans l'Encyclique
JEtemi Patris. On ne saurait, il faut
bien le dire, confesser plus piteuse
ment que la prétendue raison moderne
se trouve à court devant l'exposition
forte et calme des droits qui appar
tinrent de tpqt temps à la vérité,
Au surplus, nous 'avons un aveu plus
direct encore, et c'est celui du Temps.
Nous le reconnaissons, ce journal a
fait* effort pour se montrer moins in
convenant que ses pareils. Son résu
mé de l'Encyclique est fait avec une
dèrtaine bonne 1 foi qui n'exclut pas
une préoccupation, à chaque instant
visible, de dénaturer par un côté le
document pontifical.; mais, en somme,
le lecteur feut y voir à peu près ce
qu'il contient. « L'Eglise, écrit le Temps,
se reconnaît en possession de la vérité
absolue. Pour elle, la vérité n'est plus
à trouve)?, la philosophie est fai|e ; et 1§
tâche du philosophe consiste "non pas
à chercher cé qui CSt Y™!, t 'it'
iîiontrer de mieux en mieux la vérité
qu'il possède et à réfuter plus claire
ment et plus sûrement chaque jour les
erreurs qui naissent ou renaissent de
vant lui. »
Oui, voilà bien un exposé de doctri
nes que nous reconnaissons, et nous
ajoutons que, pour tout philosophe di
gne de ce' nom, cette conception de la
philosophie, c'est l'idéal dont doit s'ins
pirer quiconque y fixe son esprit. En
effet, si l'esprit de l'homme n'est pas
fait pour la vérité, à quoi tendent ses
recherches? Et si la possession de 1»
vérité doit être le but constant de ses
efforts, quelle satisfaction plus com
plète peut-il éprouver que celle d'qng
entièpé possession " de la vérité abso
lue? La vérité a-t-elle donc un passé,
un présent ou un avenir? N'est-elle pas
de tout temps, la même toujours, et si
l'esprit humain s'est dévoyé des che
mins qui y conduisent, n'est-ce pas
p. vrai progrès de l 'y çai$ener, bien
■ que ces chemins aient été tracés et
fréquentés il y a mille ans? Cependant
voici l'étrange conclusion du Temps :
L'Encyclique de Léon XIII n'est pas seu
lement un retour vers le passé ; c'est une
tetitative d'arrêter le développement futur de
la pensée humaine. Elle est une conséquence
logiquement tirée de la croyance à la pos
session de la vérité absolue. Quiconque est
convaincu que la vérité n'est pas décou
verte, mais qu'elle se découvre jour par
jour, qu'elle est l'idéal toujours poursuivi
et jamais complètement atteint par la pen
sée humaine, que le plus grand effort et le
plus grand honneur pour les hommes sont
de la chercher toujours, avec le désespoir de
jamais la posséder tout entière, quiconque
est animé de cette passion scientifique,
laissera les doctrines qui se meurent retourner
aux œuvres de leurs morts illustres, et il pré
férera, à cette mort de l'esprit qn'on nous
recommande, le libre développement de la
pensée, avec ses doutes et ses erreurs, mais
aussi avec sa foi dans l'avenir, ses efforts
puissants, sa grandeur et sa vie.
On nous dispensera d'insister lon
guement sur la réfutation d'une thèse
exposée en des termes qui la rédui
sent à n'être que la glorification du
plus vaste scepticisme. Remarquons,
en effet, cet aveu du Temps, qu'il pré
fère « les doutes et les erreurs » à la
vérité absolue. C'est vainement que,
pour trouver quelque excuse à cette
monstruosité, il veut mettre en doute
la vitalité des doctrines que l'Eglise
continue d'enseigner, comme elle les
a toujours enseignées. E11 somme, il
est facile de résumer l'ensemble des
doctrines que le magnifique génie de
saint Thomas a creusées pour en faire
le puissant chef-d'œuvre proposé à no
tre admiration.
Les commandements et Je Credo,
telle est la synthèse dont la Somme
n'est que l'admirable développement.
Or, le Temps voudrait-il "nous indiquer
comme morte ou près de mourir une
seule des vérités qu'ils renferment. Et,
s'il veut rester en dehors du domaine
propre de la foi dont le symbole énu-
mère les dogmes, veut-il choisir par
mi les commandements celui qui ex
primerait une vérité qui se meurt? Au
contraire,pourrait-il nous montrer une
seule des vérités essentielles à la vie
d& sociétés et qui, pour emprunter
son langage, ne soit pas découverte
ou se découvre au jour le jour?
Soutiendra-t-il, par exemple, que si
l'enfant doit respecter aujourd'hui son
père, il n'était pas hier tenu de ce
respect parce que cette vérité n'était
pas découverte, ou bien qu'il n'en sera
plus tenu demain parce que cette vé
rité aura fait son temps ? Que si cette
thèse aboutit manifestement au ridi
cule et à la dissolution sociale, qu'en
conclure, à propos de l'Encyclique
pontificale, sinon qu'en reeûmrnân-
dant une méthode d'enseignement,
vieille, il est vrai, d'il y a dix siècles
et plus, mais reconnue très propre à
fixer dans les esprits la vérité qui de
meure, le Pape a fait une œuvre de
progrès véritable et de véritable civi
lisation ?
Auguste Roussel.
Nous recevons de Rome la dépêche
suivante ;
Rome, 17 août, 4 h. soir.
Aujourd'hui a eu lieu dans l'église Saint-
Louis des Français une magnifique céré
monie,
S. Em. le cardinal Chigi, ancien nonce à
Paris, a conféré la consécration épiscopale
à Mgr Vladimir Czacki, désigné pour suc
céder à Mgr Meglia. Le futur nonce a
reçu le titre d'archevêque de Salamine in
part/bus infidelium.
On lit dans le Morbihannais :
Le cléricalisme, voilà l'ennemi! Ce mot
d'ordre commence à trouver de l'écho jus
qu'au fond de nos campagnes bretonnes :
Le dinianche, 3 août, dans une com
mune voisine de Pontivy, le clergé de la
paroisse venait de terminer les offices reli
gieux, lorsque tout à coup des cris sau
vages se firent entendre sous les fenêtres
de la sacristie. Ces cris étaient poussés par
un individu en état complet d'ivressp, Le
poir|g crispé, l'œil en feu, cet énergumène
vomissait contre le clergé les injures les
plus grossières, accompagnées .'de sinistres
menaces. Procès-verbaj fut immédiatement
dressé par, le brigadier de gendarmerie.
Le parquet de Pontivy a été informé des
exploits de cet illustre citoyen, auquel son
titre de conseiller municipal a'em^êchûrà
pas d'apprendre qu'il y a encore enFrancç
des lois qui punissent l'ivresse et les oui
tpges aux ministres dû culte,
Nos lecteurs ont déjà vu par le récit
de l'attentat de Meudon que les abomi
nables excitations, tolérées et encou
ragées par le gouvernement contre le
Clergé, commencent à produire des
fruits sérieux. « Le catholicisme, c'est
l'ennemi »; la formule trouve aujour
d'hui beaucoup de partisans tout prêts
à passer de la théorie à l'application.
Voici, en effet, ce que nous lisons daqs
la Gazette de Douai ;
Lti ville de Douai a été jeudi soir le théâ
tre d'un attentat de ce genre. M. l'abbé
Dayez, archiprôtre de Saint-Pierre, rentrait
chez lui à neuf heures et demie, après avoir
p^ssé toute la soirée au confessionnal, lors
que, en approchant de sa demeure, il se vit
suivi par un sous-officier du 15 e d'artillerie
qui s'écria : « Tiens, un curé, il faut que je
lui coupe le cou! » et à l'instant eet homœo,
dégainant, porta sur la tête de M. l'arehi-
prêtre un violent coup de sabre ; le coup,
heureusement amorti parle chapeau, glissa
s.nr'ia soie^ mais p'çn atteignit p,as ip,oii^ à
l'épaule M. l'abbé Dayez, sans pourtant en
tamer les vêtements.
Plusieurs personnes, témoins de cette
agression inouïe, allèrent avertir le poste
voisin; le sous-officier fut arrêté. Cet indi
vidu qui, croyons-nous, appartient au train
de l'artillerie, venait le matin même de con
tracter un nouvel engagement de cinq ans ;
il commencera son second congé par la
prison.
Il faut bien faire remarquer cette
fois que le criminel dont on vient de
lire l'exploit appartient à l'armée. Cet
exemple prouve que le gambettisme a
fait de grands progrès dans le dépar
tement du général Gresley, ou, à force
d'entendre la glorieuse Marseillaise,
l'envie vient aux « baïonnettes intelli
gentes » de verser un peu de « sang
impur » en attendant mieux.
Le Petit Parisien publie une nou
velle lettre de M. Jules Simon. Il la
donne comme ayant été envoyée en
réponse aux anciens électeurs de M.
Jules Simon, lorsqu'il se présentait
dans le quartier de Charonne. Cette
lettre, où M. Jules Simon était assez
impertinemment traité de « citoyen
sénateur », était remplie de somma
tions plus ou moins brutales, relati
ves au fameux article 7. Voici la ré
ponse de M. Jules Simon :
Messieurs et chers concitoyens.
L'article 7, au sujet duquel vous m'écri
vez, fera du tort à la république et n'en fera
qu'à elle.
Les maisons qu'on veut fermer change
ront de maîtres en apparence et ne chan
geront pas de doctrines.
Les républicains auront renoncé au prin
cipe de la liberté d'enseignement, qui est
une des libertés les plus nécessaires, et ce
sera une honte de l'avoir demandée quand
nous n'étions pas les maîtres et de la sup
primer à présent que nous le sommes.
C'est précisément parce que j'ai promis
d'être en tout temps fidèle à la liberté que
je combats un article qui est une atteinte à
la liberté.
Je ne suis pas plus que vous partisan
des écoles congrégfnistes. Je crois que les
écoles de l'Etat som les meilleures à tous
les points de vue. On peut encore les per
fectionner. Ne vaut-il pas mieux y travailler
avec énergie que de déclarer, comme on le
fait par l'article 7, qu'on se sent en danger
d'être battus, et qu'on a recours aux lois
de proscription comme les régimes despo
tiques?
Agréez, messieurs et chers concitoyens,
l'assurance de mes sentiments fraternels,
J y les S imon .
Dans un grand nombre d'écoles con-
gréganistes, le jour de la fête de l'As
somption, les sœurs ont adressé leurs
adieux aux élèves dont les sépare l'os
tracisme du conseil municipal.
Ces adieux ont été émouvants, et les
pères et mères de famille ont mani
festé l'indignation que l'iniquité répu
blicaine cause dans la population, no
tamment dans la classe ouvrière. Mais
en même temps ils ont promis aux
sœursque leurs enfants les suivraient
dans les écoleg libres, qui seront ou
vertes partout où la hame impie du
conseil municipal aura chassé des éco
les communales les maîtresses congré-
ganistes.
C'est aujourd'hui que s'ouvre la ses
sion des conseils généraux.
Cette session présente cet intérêt
particulier qu'elle s'ouvre après la dis
cussion qui a eu lieu à la Chambre
sur les projets Ferry, et avant le débat
qui s'engagera au Sénat. Nos assem
blées départementales émettront-elles
des tœux pour les lois de M, Jules
Ferry, et pour la liberté de l'enseigne-
ment? Ou bien, la majorité d'entre
elles croira-t-elle devoir s'abstenir?
Nous ne tarderons pas à être fixés sur
ce point.
Il n'est pas inutile de rappeler à
cette occasion ce qui s'est passé dans
la session dernière au sujet des lois de
l'enseignement,
31 cons.e'ls généraux ont émis un
vœu défavorable aux projets de lois.
14 ont émis un vœu favorable,
7 ont passé à l'ordre du jour sur les
vœux proposés.
5 ont voté la question préalable.
Ejifm SS conseiîs n'ont pas été saisis
de ia question-
5 Dan; 6es derniers, à l'exception de
ueux, la majorité est républicaine.
M. Littré écrivait, au mois de no
vembre 1850, dans ses Progrès du so
cialisme, qui ont paru en Variétés dans
le National de ce temps-là :
11 est établi que, pour prévoir l'avenir
avec quelque certitude, il importe bien
moins de consulter les lumières des politi
ques de profession, qui ne vivent plus que
sur des traditions usées, que les lumières
de la science sociale et de la philosophie
positive.
Voyons ce que vaut la méthode ;
M. Littré, grand oracle, avec M. Com
te, de la « philosophie positive », se
mêlait alors de vaticiner. Il prédisait
l'avenir aux bonnes gens. Quelques
années plus tôt, il prophétisait déjà en
ces termes, dans son traité de la Phi
losophie positive :
Qui ne voit la Ipaduuce des sociétés mo
dernes var-s la paix se manifester avec force
au milieu des perturbations qui, dans uq
temps moins pacifique, auraient inévitable
ment suscité des lattes sanglantes?- Aujour
d'hui t pour les populations éclairées, cou-
chérir egt pour ainsi dire un mot vide de
sens. A quoi servirait, par exemple, ù la
France de conquérir l'Allemagne, à l'Allema
gne de conquérir la France, puisque, 'entre
peuples d'un développpement égal, la condi
tion du vainqueur ne peut pas être autre
que celle du vaincu?
(National du 26 novembre 1844.)
Que dites-vous de la prophétie? Les
« sociétés modernes » ont vu depuis
lors leurs « incontestables tendances
vers la paix » se manifester par des
guerres dont lenumération serait lon
gue et que tout le monde a présentes
à la mémoire.
M. Littré revient souvent à sa théo
rie favorite ; deux mois avant, il écri
vait :
De nos jours voilà trente-six ans d'une
paix européenne non interrompue. Sans
doute ce n'est, si je puis ainsi parler, qu'une
paix négative ; mais, plus elle dure, plus les
éléments de paix positive se fortifient, et,
dans peu d'années,'ils seront assez puis
sants pour écarter définitivement toute
crainte sérieuse.
Le seul danger réel vient des demi-bar
bares du Nord, des serfs enrégimentés qu'un
despote fait marcher à son gré; mais la
moindre intelligence entre la France, l'Alle
magne et l'Italie annullera l'influence du
septentrion sauvage.
(National, 3 septembre 1849.)
Le seul danger, hélas, n'était pas,
malgré la philosophie positive, « dans
lès serfs enrégimentés et dans le sep
tentrion sauvage ».
Les théories de M. Littré devaient
l'amener fatalement à demander, de
consort avec les Jules Favre, les Jules
Simon, les Pelletan et autres philoso
phes ejusdem farints la suppression
des^ armées permanentes : eh 1850
il réclamait déjà une « immense ré
duction de l'armée, qui est un poids
insupportable pour les contribuables
et un danger pour les finances. »
L'armée française était, suivant M.
Littré et ses adeptes^ une superféta-
tion en un siècle de progrès, une me
nace pour la liberté, et il exprimait
ainsi ses craintes positivistes :
De même que l'Autriche entretient une
armée énorme, non pour combattre la Rus
sie, mais pour comprimer l'Italie; de même
que la Prusse se tient sur le pied de guerre
non pour guerroyer contre le Nord ou là
Midi, mais pour contenir les démocrate 15
de même le gouvernement français ne par-dè
quatre ou cinq cent mille hommes sous les
armes pour aucune crainte qu'il ait d'une
pression étrangère ; il l a ga,rQe contre Vin,
teneur. ■
(lb octobre 1849.)
Avec de telles idées, le chef de l'é
cole positiviste devait faire bon mar
ché de nos gloires nationales. Ses,théo-
ries révolutionnaires l'amenaie^ par
une pente naturelle, à renier,'quoi
qu'il en dise, toute idée de patrie et à
prédire un des crimes les plus mons
trueux de la Commune : le renverse
ment de la colonne Vendôme. C'est la
seule de ses prédictions qui se soit réa
lisée :
Aux yeux de la démocratie européenne,
les guerres du commencement de ce siècle
ont été de véritables guerres civiles, et, de
même que nous n'attristons pas nos villes
et nos campagnes par la vue de trophées
érigés en l'honneur d'une défaite des Ven
déens, de même nous devons bannir les
trophées qui humilient les uns sans profit
pour les autres. Le monument de Water
loo sera détruit par la main de ceux qui
1 ont élevé ; mais auparavant un tel exem
ple, essentiellement démocratique , sera donné
par la France et suivi par le reste de l'Oc
cident. On effacera chez nous les marques des
victoires de l'Empire, et, chez les autres
peuples, on effacera les marques des vic
toires sur l'Empire, jusqu'à ce qu'enfin un
drapeau dont on conviendra réunisse sous
ses plis toute la famille européenne sans
effacer les drapeaux nationaux, car le ré
gime positif, loin d'annuler les nationalités,
rendra aux provinces une place légitime.
(24 septembre 1849.)
Les républicains de la Commune
ont essayé en effet « d'effacer chez
nous les marques des victoires de
l'Empire ; » mais « les autres peuples »
n'ont pas accordé à M, Littré la réci
procité qu'il demandait.
Il serait curieux dç savoir si M. Lit
tré croit encore Ma « tendance mani
feste des Sociétés modernes vers la
paix universelle, » à l'impossibilité
d'une guerre dont l'auteur ne serait
pas le « septentrion sauvage, » à l'ab
solue nécessité de la suppression des
armées permanentes et des marques
des victoires de l'Empire ; mais, quoi
que pense aujourd'hui M. Littré, il
n'en est pas moins instructif. Com
bien sont négatives, pour ne pas dire
plus, les prédictions du chef de l'école
positiviste !
Dernier détail des tumultes de Lyon.
Plusieurs des personnes arrêtées ont
été indignement volées et détroussées,
non pas peut-être par les agents de
police, mais par les aides ou les chefs
que la police s'était donnés dans ce
guet-apens.
Ces honorables blousiers, dit la ÎJécentra-
limtion, se ruaient en masse sur les ci
toyens arrêtés à tort ou à raison, et, pour
venir plus promptement à bout de leur ré
sistance, loin de les prendre par les senti
ments, les saisissaient de telle façon qv a f a '
douleur physique anéantissait bientôt les
viotimes, qu'on enlevait à demi évanouies
grâce à ce barbare et atroce "procédé.
D autres, voulant sans ' cl oute prouver leur
solUcitude à ceux a^-jig enlevaient, avaient
soin de les debar> a sser de leur montre et
de leurporte-iocnnaie.
N 4 4318 — Edition quotidienne;
Mardi 19 Août 1879
PARIS
Un an 55 fr. »
Six mois. 28 50
Trois mois 15 »
15 cent.
20 -
Un Numéro, à Paris. .....
— Départements.
BUREAUX
Paris, 10, Rue des Saints-Pères
On s'abonne, à Rome, place du Gesù, S \
DÉPARTEMENTS
Un an 55 fr. »
Six mois ; 28 ' BO
Trois mois 15 »
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. Ch. LAGRÀSGE, 01RF et G'% 6, place delà Bourse
FRANGE
PARIS, 18 AOUT i879
Barnabé Chauvelot
Un coup douloureux frappe la ré
daction de Y Univers. Notre très cher
collaborateur, M. Barnabé Chauvelot,
est mort presque soudainement la nuit
dernière, alors que rien ne faisait re
douter cette fin si prompte d'une ma
ladie qui se déclarait à peine. C'est au
milieu de l'avant dernière nuit, en effet,
que notre collaborateur sentit comme
une douleur aiguë l'atteindre au cœur.
11 perdit aussitôt connaissance et, dans
cet état, d'où aucune médication ne
put le faire revenir, il est mort au bout
de vingt et une heures, sans dou
leur apparente, avec un calme dont
son màle.visage, sur son lit de mort,
garde la noble et profonde empreinte.
Appelé en toute hâte, le prêtre n'a
pu que faire les dernières onctions sur
le malade ; mais nous avons pleine
confiance que la mort aura trouvé prêt
notre collaborateur, car on sait la foi
vive et pratique dont il était pénétré.
On peut même dire que, dans son es
prit, presque insouciant des choses
matérielles, la cause de l'Eglise et la
lutte pour Dieu tenaient une place ex
clusive et dominante. Animé pour les
combats de la vérité, passionné pour
la défendre, parce que, dans son
triomphe, il entrevoyait le salut de
la France,, il semblait exercer un
véritable apostolat parmi ses collè
gues qu'il rencontrait à Versailles
dans cette tribune des journalistes qui
a si souvent retenti de ses brûlantes
apostrophes, dont il faisait autant d'a
pologies. En dépit de cette attitude qui
le tenait, pour ainsi dire, toujours en
guerre, nous croyons pouvoir affirmer
qu'il ne connut pas d ennemis parmi
ses plus ardents adversaires, car ceux
mêmes qu'il flagellait impitoyable
ment l'estimaient pour sa rude fran
chise et son incomparable loyauté.
Ils rendaient non moins universel
lement hommage au talent qu'il dé
ployait dans ces polémiques quotidien
nes, et dont* ses lettres parlementaires,
consacrées aux travaux de la Chambre
des députés, portaient si vivement la
trace. C'est là, nos lecteurs le savent,
qu'il répandait à profusion les traits
de sa verve intarissable. Il semble que
dans ce labeur soutenu quotidienne
ment durant des années entières, un
autre eût senti la fatigue ou le décou
ragement le saisir au bout de quelques
mois. Lui résistait, grâce aux élans de
l'indignation que soulevait en son
âme le spectacle des iniquités révolu
tionnaires et qu'il ressentait non moins
vivement au dernier jour qu'au
premier. C'était, d'ailleurs, une nature
d'athlète.
Doux comme les gens forts, il
ri'aspirait qu'à une vie calme où il
aurait pu, dans l'admiration des cho
ses de la nature et dans l'étude des
sciences qu'il aimait avec passion,
pousser lui-même, avec la tendre sol
licitude qui tenait son cœur de père,
l'éducation de ces deux petites filles
qu'il laisse orphelines et dont il culti
vait l'âme avec tant d'amour, aidé par
la vaillante mère qu'il avait à ses
côtés»
11 jouissait d'autant mieux de ce
bonheur, qu'il avait connu jadis des
jours troublés. Un instant égaré par
Proudhon dans le mouvement révolu
tionnaire de 1848, il avait été son se
crétaire et il fut même appelé à subir
les conséquences judiciaires de cette
intimité. Mais, en cette retraite for
cée, la foi chrétienne reprit vite le
dessus dans son âme loyale qui n'a-
yait cédé qu'à un tourbillon. ^Lui-
même nous a souvent conté qu'à la
lecture de YImitation il avait senti se
faire en son esprit une vive lumière,
Dès ce jour, il redevint pleinement
chrétien, ne gardant de ses anciennes
relations avec le chef du proudhonis-
me que le plus vif attrait pouf l'étude
de la question sociale, à laquelle il
avait enfin trouvé la vraie solution
qu'y donne l'Eglise et qu'on cherche
rait vainement ailleurs.
C'est au milieu de ces études, en 1
pleine possession d'un talent dont la
maturité s'épanouissait et promettait
des fruits en abondance, enfin dans le
repos qu'il consacrait avec tant de joie
aux siens après la fatigue d'une lon
gue session parlementaire, que le bon
Bieu l'a rappelé à lui. Ceux-là seuls
qui ont pu voir de près notre cher
collaborateur comprendront toute l'é
tendue de notre perte. Us s'associeront
& nous pour lui hâter le chemin du
ciel, en priant avec ferveur pour l'â
me de PB soldat dévoué de l'Eglise ;
dans leurs prières, ils n'oublieront pas
non plus la veuve et les deux jeunes
enfants qui s'appuyaient avec t&nt de
confiance sur le bras de celui qui s'ei}.
est allé, leur montrant Dieu comme
espérance, mais, humainement, les
laissant dans quelle désolation !
obsèques de notre collaborateur
(auront lieu demain, à midi, en l'égli
se de Notrjc-Deme des Champs, sa pa
roisse. Les pers.Gr .DPS qui n'auraient
point reçu de lettre de ftïipe-part, sont
priées de considérer le présent ayig
comme une invitation.
C'est un spectacle tout ensemble cu
rieux et triste que l'attitude des jour
naux révolutionnaires en face de la
récente Encyclique pontificale. Dans
ce document mémorable, d'une ins
piration si liante et où se révèlent des
vues si profondes, la plupart, ignorant
même ce dont ils parlent et n'ayant
peut-être pas lu la pièce qu'ils ba
fouent, cherchent matière àdes sarcas
mes qui font rire d'eux-mêmes et de
leur impuissance. Comment seraient-
ils capables de comprendre toute la
beauté de cet enseignement ceux qui,
tout en se flattant de n'en croire qu'à
la raison, ont renié depuis longtemps
toute raison et tout bon sens ? Quoi
donc, s'écrie le Siècle, « physiciens,
chimistes, physiologistes, sociologis-
tes, avant de publier une découverte,
devront s'assurer préalablement si elle
est en concordance avec la Somme de
la foi catholique contre les gentils du
théologien du treizième siècle! Quel ar
gument contre les congrégations reli
gieuses! »
Cela dit, on devrait croire au moins
que le Siècle fournira quelque preuve
de ce qu'il avance et prendra soin de
justifier, autrement que par ce beau
dédain, le jugement sommaire qu'il
porte ainsi d'un document qu'il n'a
pas même la loyauté d'analyser. Mais
il n'a garde. En effet, il pourrait lui
arriver de tomber sur certain passage
de l'Encyclique où le Pape, bien loin'
de témoigner la moindre défiance aux
études scientifiques, en vante les dé
couvertes. Il est vrai qu'en même
temps Léon XIII rappelle les principes
qui doivent régler les rapports de la
raison et de la foi ; il est vrai encore
que l'Encyclique constate en fait cet
accord prouvé, pour beaucoup de faits,
par les plus belles et les plus récentes
découvertes de la science. Mais cet
aveu répugne au Siècle , et plutôt que
de le faire connaître à ses lecteurs, il
aura soin de travestir le document
pontifical. En cela, d'ailleurs, il est
imité par le XIX 0 Siècle, qui s'écrie, à
propos de l'Encyclique :
Ce que nous venons de lire avec un
grand effort de palience nous semble du
Pie IX tout pur. A supposer que Léon XIII
ait voulu faire ici, comme on le prétend,
une démonstration politique, c'est une dé
monstration qui n'équivaut qu'à une décla
ration -d'immobilité. Un pareil acte est-il
avantageux pour le saint-siège? Est-il utile
aux intérêts de l'Eglise catholique ? Cela
peut paraître douteux; mais, sans doute
Léon XIII se place à un point de vue très
différent du nôtre pour en juger.
Quoi qu'il en soit, c'est en plein moyen-
âge que le pape actuel prétend immobiliser
la science et l'enseignement catholiques.
Au siècle de Darwin il oppose le siècle de
saint Thomas d'Aquin. Les œuvres de
saint Thomas doivent être désormais la
source de tout enseignement politique, phi
losophique, voire de tout progrès des
sciences physiques.
Nous ne savons si le XJX° Siècle se
rend bien compte de tout le ridicule
qu'il se donne lorsqu'il oppose le siècle
île Darwin (!) au siècle de saint Tho
mas d'Aquin. On dit que M. Darwin
est un grand savant, et c'est sans
doute l'avis des singes dont il s'occupe
de restituer les parchemins; mais, en
regard de ce personnage, il semble,
pour emprunter le mot du Constitution
nel , que « l'Aristide chrétien du moyen
âge » n'ait vraiment pas trop à rou
gir. Nous consentons même que l'on
inette en parallèle les grands hommes
du siècle de saint Thomas et les génies
darwinesques, les chefs-d'œuvre du
treizième siècle en architecture et ceux;
de nos jours ; et nous demandons où
apparaîtront, avec la pensée la plus
forte et la plus s&pe d'ejlp-même, le
sentiment le plus élevé de Fart et sa
sa plus parfaite exécution ?
Faut-il traiter plus sérieusement les
détracteurs de l'Encyclique qui ? comme
le National, s'attendaient à y voir une
pénonse aux projets Ferry et raillent
les catholiques 4? ce que cette réponse
ne s'y trouve pas? S'il avait lu (l'un
QBjl moins distrait ou moins hostile, le
National , gy contraire, aurait pu voir
que cette-réponse est faitp d&ng l'Ency
clique, et qu'elle est faite très-ample
ment. Que sont, en effet, les projets
Ferry, si fie n'est un véritable défi porté
par la déraison moderne aux principes
qui, chez tous les peuples dignes de ce
nom, ont constamment présidé à tous
les ovdses l'enseignement?
Or, CÔ sont ces principes, expression
de la raison même, QU6 revendique
hautement et qu'enseigne à nouveau
le souverain Pontife, les rapportant
aux données traditionnelles de la foi,
Qu'importe à ce propos que les cuis
tres du National prêtent au souverain
Pontife la pensée d .3 faire reculer l'es
prit humain de dix siècles? Est-ce qqe
la vérité se date d'après un siècle ou
un autre, et quand on proclame au
jourd'hui les vérités reconnues conf
ine telles il y a dix siècles parce qu'el
les sont aussivieilles que le monde,n'a-
t-on pas le droit de prendre en pitié
ceux qui, se grisant de leurs songes
creux, proclament, à l'encontre, les
droits de l'erreur parce que cette er
reur a vu le jour dix siècles après la
vérité? Cecj rj'est crue de l'ineptie. Mais
voici-îa mauvaise f foi.
D£ns un siècle, s'écrie le National, où les
découvertes des sciences expérimentales
ont renouvelé la face du monde, c'est aux
subtilités absurdes de la casuistique, c'est
aux discussions niaises sur « l'être et l'es
sence », sur « la corporalité ou l'incorpora-
IHl 4e? gênreï e| des? espèces » tjue le chef
de l'Eglise veuf, ramener les jeunes intelli
gences! Les applications de la vapeur et de
l'électricité, les merveilles de la chimie et
delà physiologie modernes, lui paraissent
méprisables, comparées aux rêveries de la
métaphysique. I! donnerait volontiers toutes
les trouvailles d'Edison, toutes les études
de M. Pasteur sur les fermentations, ou
de M. Paul Bert sur l'air comprimé, pour
une bonne dissertation sur 1' « essence des
universaux. »
Ou bien l'écrivain du National n'a
pas lu l'Encyclique et il en parle selon
l'instinct pervers de ses haines reli
gieuses, ou bien il l'a lu, et comment
n'a-t-il pas été frappé par un passage
qui est la contradiction directe et for
melle des grote sques assertions alignées
plus haut ! Voici, entre autres choses,
ce que dit Léon XIII sur ce grave su
jet :
...Les sciences physiques elles-mêmes, si
appréciées à cette heure, et qui, illustrées
de tant de découvertes, provoquent de toute
part une admiration sans bornes, ces scien
ces, loin d'y perdre, gagneraient singuliè
rement à une restauration de l'ancienne
philosophie. Ce n'est point assez, pour fé
conder leur étude et assurer leur avance
ment, que de se borner à l'examen des faits
et à la contemplation de la nature; mais les
faits constatés, il faut s'élever plus haut et
s'appliquer avec soin à reconnaître la na
ture des choses corporelles et à rechercher
les lois auxquelles elles obéissent ainsi que
les principes d'où décodent et l'ordre
qu'elles ont entre elles, et l'unité dans leur
variété et leur mutuelle affinité dans la di
versité. On ne peut s'imaginer combien la
philosophie scolastique, sagement ensei
gnée, apportera à ces recherches de force,
de lumière et de ressources.
A ce propos, il importe de prémunir les
esprits contre la souveraine injustice que l'on
fait à celte philosophie en l'accusant de met-
Ire obstacle au progrès et à l'accroissement des
sciences naturelles, Comme les scolastiques,
suivant en cela les sentiments des saints
pères, enseignent à chaque pas, dans l'an
thropologie, que l'intelligence ne peut s'é
lever que par les choses sensibles à la con
naissance des êtres incorporels et immaté
riels, ils ont compris d'eux-mêmes l'utilité
pour le philosophe de sonder attentivement
les secrets de la nature, et Remployer un
long temps à l'étude des choses physiques.
C'est, en effet, ce qu'ils firent. Saint Tno-
mas, le bienheureux Albert le Grand, et
d'autres princes de la scolastique, ne s'ab
sorbèrent pas tellement dans la contempla
tion philosophique qu'ils n'aient aussi ap
porté un grand soin à la connaissance des
choses naturelles ; bien plus, dans cet or
dre de connaissances, il est plus d'une de
leurs affirmations, plus d'un de leurs prin
cipes, que les maîtres actuels approuvent,
et dont ils reconnaissent la justesse.' En
outre, à notre époque même, plusieurs doc
teurs des sciences physiques, hommes de
grand renom, témoignent publiquement et
ouvertement que, entre les co?iclusions cer
taines de la physique moderne et les principes
philosophiques de Vécole, il n'existe en réalité
aucune contradiction,
Les traits que nous avons soulignés
suffisent à faire éclater la mauvaise
foi des contradicteurs de l'enseigne
ment pontifical. Sous ce rapport, les
gens de la République française peuvent
aller de pair avec les manœuvres du Na
tional. Que répondre, par exemple, à
un argument qui se produit ae la
sorte ;
Il faut vraiment un fonds prodigieux de
naïveté et de bonhomie pour s'imaginer
qu'on va rencjre .au dix^neuvième siècle un
service signalé, en le renvoyant aux écoles
du treizième siècle, sur la paille infecte de
la rue du Fouarre, ou dans les salles basses
de Iq. rue des Cordiers.
Ainsi parle la République, où M.
Paul Bert est le porte-drapeau de la
science moderne. C'est par des facé-
lies pareilles qu'on se flatte, en ce
lieu, de mettre à néant les hautes le
çons contenues dans l'Encyclique
JEtemi Patris. On ne saurait, il faut
bien le dire, confesser plus piteuse
ment que la prétendue raison moderne
se trouve à court devant l'exposition
forte et calme des droits qui appar
tinrent de tpqt temps à la vérité,
Au surplus, nous 'avons un aveu plus
direct encore, et c'est celui du Temps.
Nous le reconnaissons, ce journal a
fait* effort pour se montrer moins in
convenant que ses pareils. Son résu
mé de l'Encyclique est fait avec une
dèrtaine bonne 1 foi qui n'exclut pas
une préoccupation, à chaque instant
visible, de dénaturer par un côté le
document pontifical.; mais, en somme,
le lecteur feut y voir à peu près ce
qu'il contient. « L'Eglise, écrit le Temps,
se reconnaît en possession de la vérité
absolue. Pour elle, la vérité n'est plus
à trouve)?, la philosophie est fai|e ; et 1§
tâche du philosophe consiste "non pas
à chercher cé qui CSt Y™!, t 'it'
iîiontrer de mieux en mieux la vérité
qu'il possède et à réfuter plus claire
ment et plus sûrement chaque jour les
erreurs qui naissent ou renaissent de
vant lui. »
Oui, voilà bien un exposé de doctri
nes que nous reconnaissons, et nous
ajoutons que, pour tout philosophe di
gne de ce' nom, cette conception de la
philosophie, c'est l'idéal dont doit s'ins
pirer quiconque y fixe son esprit. En
effet, si l'esprit de l'homme n'est pas
fait pour la vérité, à quoi tendent ses
recherches? Et si la possession de 1»
vérité doit être le but constant de ses
efforts, quelle satisfaction plus com
plète peut-il éprouver que celle d'qng
entièpé possession " de la vérité abso
lue? La vérité a-t-elle donc un passé,
un présent ou un avenir? N'est-elle pas
de tout temps, la même toujours, et si
l'esprit humain s'est dévoyé des che
mins qui y conduisent, n'est-ce pas
p. vrai progrès de l 'y çai$ener, bien
■ que ces chemins aient été tracés et
fréquentés il y a mille ans? Cependant
voici l'étrange conclusion du Temps :
L'Encyclique de Léon XIII n'est pas seu
lement un retour vers le passé ; c'est une
tetitative d'arrêter le développement futur de
la pensée humaine. Elle est une conséquence
logiquement tirée de la croyance à la pos
session de la vérité absolue. Quiconque est
convaincu que la vérité n'est pas décou
verte, mais qu'elle se découvre jour par
jour, qu'elle est l'idéal toujours poursuivi
et jamais complètement atteint par la pen
sée humaine, que le plus grand effort et le
plus grand honneur pour les hommes sont
de la chercher toujours, avec le désespoir de
jamais la posséder tout entière, quiconque
est animé de cette passion scientifique,
laissera les doctrines qui se meurent retourner
aux œuvres de leurs morts illustres, et il pré
férera, à cette mort de l'esprit qn'on nous
recommande, le libre développement de la
pensée, avec ses doutes et ses erreurs, mais
aussi avec sa foi dans l'avenir, ses efforts
puissants, sa grandeur et sa vie.
On nous dispensera d'insister lon
guement sur la réfutation d'une thèse
exposée en des termes qui la rédui
sent à n'être que la glorification du
plus vaste scepticisme. Remarquons,
en effet, cet aveu du Temps, qu'il pré
fère « les doutes et les erreurs » à la
vérité absolue. C'est vainement que,
pour trouver quelque excuse à cette
monstruosité, il veut mettre en doute
la vitalité des doctrines que l'Eglise
continue d'enseigner, comme elle les
a toujours enseignées. E11 somme, il
est facile de résumer l'ensemble des
doctrines que le magnifique génie de
saint Thomas a creusées pour en faire
le puissant chef-d'œuvre proposé à no
tre admiration.
Les commandements et Je Credo,
telle est la synthèse dont la Somme
n'est que l'admirable développement.
Or, le Temps voudrait-il "nous indiquer
comme morte ou près de mourir une
seule des vérités qu'ils renferment. Et,
s'il veut rester en dehors du domaine
propre de la foi dont le symbole énu-
mère les dogmes, veut-il choisir par
mi les commandements celui qui ex
primerait une vérité qui se meurt? Au
contraire,pourrait-il nous montrer une
seule des vérités essentielles à la vie
d& sociétés et qui, pour emprunter
son langage, ne soit pas découverte
ou se découvre au jour le jour?
Soutiendra-t-il, par exemple, que si
l'enfant doit respecter aujourd'hui son
père, il n'était pas hier tenu de ce
respect parce que cette vérité n'était
pas découverte, ou bien qu'il n'en sera
plus tenu demain parce que cette vé
rité aura fait son temps ? Que si cette
thèse aboutit manifestement au ridi
cule et à la dissolution sociale, qu'en
conclure, à propos de l'Encyclique
pontificale, sinon qu'en reeûmrnân-
dant une méthode d'enseignement,
vieille, il est vrai, d'il y a dix siècles
et plus, mais reconnue très propre à
fixer dans les esprits la vérité qui de
meure, le Pape a fait une œuvre de
progrès véritable et de véritable civi
lisation ?
Auguste Roussel.
Nous recevons de Rome la dépêche
suivante ;
Rome, 17 août, 4 h. soir.
Aujourd'hui a eu lieu dans l'église Saint-
Louis des Français une magnifique céré
monie,
S. Em. le cardinal Chigi, ancien nonce à
Paris, a conféré la consécration épiscopale
à Mgr Vladimir Czacki, désigné pour suc
céder à Mgr Meglia. Le futur nonce a
reçu le titre d'archevêque de Salamine in
part/bus infidelium.
On lit dans le Morbihannais :
Le cléricalisme, voilà l'ennemi! Ce mot
d'ordre commence à trouver de l'écho jus
qu'au fond de nos campagnes bretonnes :
Le dinianche, 3 août, dans une com
mune voisine de Pontivy, le clergé de la
paroisse venait de terminer les offices reli
gieux, lorsque tout à coup des cris sau
vages se firent entendre sous les fenêtres
de la sacristie. Ces cris étaient poussés par
un individu en état complet d'ivressp, Le
poir|g crispé, l'œil en feu, cet énergumène
vomissait contre le clergé les injures les
plus grossières, accompagnées .'de sinistres
menaces. Procès-verbaj fut immédiatement
dressé par, le brigadier de gendarmerie.
Le parquet de Pontivy a été informé des
exploits de cet illustre citoyen, auquel son
titre de conseiller municipal a'em^êchûrà
pas d'apprendre qu'il y a encore enFrancç
des lois qui punissent l'ivresse et les oui
tpges aux ministres dû culte,
Nos lecteurs ont déjà vu par le récit
de l'attentat de Meudon que les abomi
nables excitations, tolérées et encou
ragées par le gouvernement contre le
Clergé, commencent à produire des
fruits sérieux. « Le catholicisme, c'est
l'ennemi »; la formule trouve aujour
d'hui beaucoup de partisans tout prêts
à passer de la théorie à l'application.
Voici, en effet, ce que nous lisons daqs
la Gazette de Douai ;
Lti ville de Douai a été jeudi soir le théâ
tre d'un attentat de ce genre. M. l'abbé
Dayez, archiprôtre de Saint-Pierre, rentrait
chez lui à neuf heures et demie, après avoir
p^ssé toute la soirée au confessionnal, lors
que, en approchant de sa demeure, il se vit
suivi par un sous-officier du 15 e d'artillerie
qui s'écria : « Tiens, un curé, il faut que je
lui coupe le cou! » et à l'instant eet homœo,
dégainant, porta sur la tête de M. l'arehi-
prêtre un violent coup de sabre ; le coup,
heureusement amorti parle chapeau, glissa
s.nr'ia soie^ mais p'çn atteignit p,as ip,oii^ à
l'épaule M. l'abbé Dayez, sans pourtant en
tamer les vêtements.
Plusieurs personnes, témoins de cette
agression inouïe, allèrent avertir le poste
voisin; le sous-officier fut arrêté. Cet indi
vidu qui, croyons-nous, appartient au train
de l'artillerie, venait le matin même de con
tracter un nouvel engagement de cinq ans ;
il commencera son second congé par la
prison.
Il faut bien faire remarquer cette
fois que le criminel dont on vient de
lire l'exploit appartient à l'armée. Cet
exemple prouve que le gambettisme a
fait de grands progrès dans le dépar
tement du général Gresley, ou, à force
d'entendre la glorieuse Marseillaise,
l'envie vient aux « baïonnettes intelli
gentes » de verser un peu de « sang
impur » en attendant mieux.
Le Petit Parisien publie une nou
velle lettre de M. Jules Simon. Il la
donne comme ayant été envoyée en
réponse aux anciens électeurs de M.
Jules Simon, lorsqu'il se présentait
dans le quartier de Charonne. Cette
lettre, où M. Jules Simon était assez
impertinemment traité de « citoyen
sénateur », était remplie de somma
tions plus ou moins brutales, relati
ves au fameux article 7. Voici la ré
ponse de M. Jules Simon :
Messieurs et chers concitoyens.
L'article 7, au sujet duquel vous m'écri
vez, fera du tort à la république et n'en fera
qu'à elle.
Les maisons qu'on veut fermer change
ront de maîtres en apparence et ne chan
geront pas de doctrines.
Les républicains auront renoncé au prin
cipe de la liberté d'enseignement, qui est
une des libertés les plus nécessaires, et ce
sera une honte de l'avoir demandée quand
nous n'étions pas les maîtres et de la sup
primer à présent que nous le sommes.
C'est précisément parce que j'ai promis
d'être en tout temps fidèle à la liberté que
je combats un article qui est une atteinte à
la liberté.
Je ne suis pas plus que vous partisan
des écoles congrégfnistes. Je crois que les
écoles de l'Etat som les meilleures à tous
les points de vue. On peut encore les per
fectionner. Ne vaut-il pas mieux y travailler
avec énergie que de déclarer, comme on le
fait par l'article 7, qu'on se sent en danger
d'être battus, et qu'on a recours aux lois
de proscription comme les régimes despo
tiques?
Agréez, messieurs et chers concitoyens,
l'assurance de mes sentiments fraternels,
J y les S imon .
Dans un grand nombre d'écoles con-
gréganistes, le jour de la fête de l'As
somption, les sœurs ont adressé leurs
adieux aux élèves dont les sépare l'os
tracisme du conseil municipal.
Ces adieux ont été émouvants, et les
pères et mères de famille ont mani
festé l'indignation que l'iniquité répu
blicaine cause dans la population, no
tamment dans la classe ouvrière. Mais
en même temps ils ont promis aux
sœursque leurs enfants les suivraient
dans les écoleg libres, qui seront ou
vertes partout où la hame impie du
conseil municipal aura chassé des éco
les communales les maîtresses congré-
ganistes.
C'est aujourd'hui que s'ouvre la ses
sion des conseils généraux.
Cette session présente cet intérêt
particulier qu'elle s'ouvre après la dis
cussion qui a eu lieu à la Chambre
sur les projets Ferry, et avant le débat
qui s'engagera au Sénat. Nos assem
blées départementales émettront-elles
des tœux pour les lois de M, Jules
Ferry, et pour la liberté de l'enseigne-
ment? Ou bien, la majorité d'entre
elles croira-t-elle devoir s'abstenir?
Nous ne tarderons pas à être fixés sur
ce point.
Il n'est pas inutile de rappeler à
cette occasion ce qui s'est passé dans
la session dernière au sujet des lois de
l'enseignement,
31 cons.e'ls généraux ont émis un
vœu défavorable aux projets de lois.
14 ont émis un vœu favorable,
7 ont passé à l'ordre du jour sur les
vœux proposés.
5 ont voté la question préalable.
Ejifm SS conseiîs n'ont pas été saisis
de ia question-
5 Dan; 6es derniers, à l'exception de
ueux, la majorité est républicaine.
M. Littré écrivait, au mois de no
vembre 1850, dans ses Progrès du so
cialisme, qui ont paru en Variétés dans
le National de ce temps-là :
11 est établi que, pour prévoir l'avenir
avec quelque certitude, il importe bien
moins de consulter les lumières des politi
ques de profession, qui ne vivent plus que
sur des traditions usées, que les lumières
de la science sociale et de la philosophie
positive.
Voyons ce que vaut la méthode ;
M. Littré, grand oracle, avec M. Com
te, de la « philosophie positive », se
mêlait alors de vaticiner. Il prédisait
l'avenir aux bonnes gens. Quelques
années plus tôt, il prophétisait déjà en
ces termes, dans son traité de la Phi
losophie positive :
Qui ne voit la Ipaduuce des sociétés mo
dernes var-s la paix se manifester avec force
au milieu des perturbations qui, dans uq
temps moins pacifique, auraient inévitable
ment suscité des lattes sanglantes?- Aujour
d'hui t pour les populations éclairées, cou-
chérir egt pour ainsi dire un mot vide de
sens. A quoi servirait, par exemple, ù la
France de conquérir l'Allemagne, à l'Allema
gne de conquérir la France, puisque, 'entre
peuples d'un développpement égal, la condi
tion du vainqueur ne peut pas être autre
que celle du vaincu?
(National du 26 novembre 1844.)
Que dites-vous de la prophétie? Les
« sociétés modernes » ont vu depuis
lors leurs « incontestables tendances
vers la paix » se manifester par des
guerres dont lenumération serait lon
gue et que tout le monde a présentes
à la mémoire.
M. Littré revient souvent à sa théo
rie favorite ; deux mois avant, il écri
vait :
De nos jours voilà trente-six ans d'une
paix européenne non interrompue. Sans
doute ce n'est, si je puis ainsi parler, qu'une
paix négative ; mais, plus elle dure, plus les
éléments de paix positive se fortifient, et,
dans peu d'années,'ils seront assez puis
sants pour écarter définitivement toute
crainte sérieuse.
Le seul danger réel vient des demi-bar
bares du Nord, des serfs enrégimentés qu'un
despote fait marcher à son gré; mais la
moindre intelligence entre la France, l'Alle
magne et l'Italie annullera l'influence du
septentrion sauvage.
(National, 3 septembre 1849.)
Le seul danger, hélas, n'était pas,
malgré la philosophie positive, « dans
lès serfs enrégimentés et dans le sep
tentrion sauvage ».
Les théories de M. Littré devaient
l'amener fatalement à demander, de
consort avec les Jules Favre, les Jules
Simon, les Pelletan et autres philoso
phes ejusdem farints la suppression
des^ armées permanentes : eh 1850
il réclamait déjà une « immense ré
duction de l'armée, qui est un poids
insupportable pour les contribuables
et un danger pour les finances. »
L'armée française était, suivant M.
Littré et ses adeptes^ une superféta-
tion en un siècle de progrès, une me
nace pour la liberté, et il exprimait
ainsi ses craintes positivistes :
De même que l'Autriche entretient une
armée énorme, non pour combattre la Rus
sie, mais pour comprimer l'Italie; de même
que la Prusse se tient sur le pied de guerre
non pour guerroyer contre le Nord ou là
Midi, mais pour contenir les démocrate 15
de même le gouvernement français ne par-dè
quatre ou cinq cent mille hommes sous les
armes pour aucune crainte qu'il ait d'une
pression étrangère ; il l a ga,rQe contre Vin,
teneur. ■
(lb octobre 1849.)
Avec de telles idées, le chef de l'é
cole positiviste devait faire bon mar
ché de nos gloires nationales. Ses,théo-
ries révolutionnaires l'amenaie^ par
une pente naturelle, à renier,'quoi
qu'il en dise, toute idée de patrie et à
prédire un des crimes les plus mons
trueux de la Commune : le renverse
ment de la colonne Vendôme. C'est la
seule de ses prédictions qui se soit réa
lisée :
Aux yeux de la démocratie européenne,
les guerres du commencement de ce siècle
ont été de véritables guerres civiles, et, de
même que nous n'attristons pas nos villes
et nos campagnes par la vue de trophées
érigés en l'honneur d'une défaite des Ven
déens, de même nous devons bannir les
trophées qui humilient les uns sans profit
pour les autres. Le monument de Water
loo sera détruit par la main de ceux qui
1 ont élevé ; mais auparavant un tel exem
ple, essentiellement démocratique , sera donné
par la France et suivi par le reste de l'Oc
cident. On effacera chez nous les marques des
victoires de l'Empire, et, chez les autres
peuples, on effacera les marques des vic
toires sur l'Empire, jusqu'à ce qu'enfin un
drapeau dont on conviendra réunisse sous
ses plis toute la famille européenne sans
effacer les drapeaux nationaux, car le ré
gime positif, loin d'annuler les nationalités,
rendra aux provinces une place légitime.
(24 septembre 1849.)
Les républicains de la Commune
ont essayé en effet « d'effacer chez
nous les marques des victoires de
l'Empire ; » mais « les autres peuples »
n'ont pas accordé à M, Littré la réci
procité qu'il demandait.
Il serait curieux dç savoir si M. Lit
tré croit encore Ma « tendance mani
feste des Sociétés modernes vers la
paix universelle, » à l'impossibilité
d'une guerre dont l'auteur ne serait
pas le « septentrion sauvage, » à l'ab
solue nécessité de la suppression des
armées permanentes et des marques
des victoires de l'Empire ; mais, quoi
que pense aujourd'hui M. Littré, il
n'en est pas moins instructif. Com
bien sont négatives, pour ne pas dire
plus, les prédictions du chef de l'école
positiviste !
Dernier détail des tumultes de Lyon.
Plusieurs des personnes arrêtées ont
été indignement volées et détroussées,
non pas peut-être par les agents de
police, mais par les aides ou les chefs
que la police s'était donnés dans ce
guet-apens.
Ces honorables blousiers, dit la ÎJécentra-
limtion, se ruaient en masse sur les ci
toyens arrêtés à tort ou à raison, et, pour
venir plus promptement à bout de leur ré
sistance, loin de les prendre par les senti
ments, les saisissaient de telle façon qv a f a '
douleur physique anéantissait bientôt les
viotimes, qu'on enlevait à demi évanouies
grâce à ce barbare et atroce "procédé.
D autres, voulant sans ' cl oute prouver leur
solUcitude à ceux a^-jig enlevaient, avaient
soin de les debar> a sser de leur montre et
de leurporte-iocnnaie.
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