Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1879-07-12
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 juillet 1879 12 juillet 1879
Description : 1879/07/12 (Numéro 4281). 1879/07/12 (Numéro 4281).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 12 Juillet 1870
N° 428-1 —r Édition quotidienne;
Samedi 12 Juillet 1879
PARIS ■
Un an. . . . 55 fr. »
Six mois.. ^23 50
Trois mois * 15 »
Un Numéro, à Paris
— Départements. 2Q.—
BUREAUX ' . . " /.
Paris, 10, Rue des Saints-Pères ' i ,
fia s'aSiorane. & Iiontei place du Cesû, 8/ ..
■ i \t u-:y
/
DÉPARTEMENTS
tjn an .*•••..■«. S5&. b
Six mois. 28 '60
Trois mois. . 15 »
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répend pas des manuscrits qui lui sont adressés
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. FRANCE
PARIS, H JUILLET 1879
Nous recevons communication de la
lettre suivante, que Mgr Freppel, évê-
què d'Angers, vientd'adi'esser àM. Paul
Bert :
-, Angers, 10 juillet 1879.
Monsieur le député,
Je lis, dans le compte Tendu officiel
de la séance de lundi 7 juillet, ces pa
roles que vous avez cru devoir pronon
cer devant la Chambre des députés :
« Jusqu'à ce que vous ayez apporté à
cette tribune la preuve que les textes
que j'ai cités sont, je ne dirai pas tron
qués, le mot est trop commode quand
il s'agit d'une citation nécessairement
incomplète, mais tronqués de façon à ce
que le sens en soit changé... (Très bien!
à gauche.) oui, le jour où vous aurez
apporté à cette tribune cette preuve,
vous aurez le droit de dire, à la face de
la Chambre, que je suis un calomnia
teur. »
On ne saurait peser la question dans
des termes plus précis. La calomnie,
en- matière de citations, consiste, en
effet, à « tronquer les textes de façon
que le sens en soit changé. » Or, c'est
précisément ce que vous avez fait dans
la séance de lundi dernier, à propos
du P. Gury, et je viens vous le dire, et
vous le prouver, non pas à la face de
la Chambre, dont je n'ai pas l'honneur
de faire partie, mais à la face du pays
devant lequel j'ai le droit de parler.
Vous jugerez, après cela, si vos propres
paroles né vous font pas^un devoir de
vous appliquer à vous-même l'épithète.
que vous avez déclaré vouloir accep
ter, dans le cas où l'on ferait la démon
stration que vous avez provoquée avec
tant d'assurance.
I. — Voici textuellement vos paroles.
Vous faites dire au P. Gury : « Les clercs
sont-ils tenus d'obéir aux lois ? Répon
se : Certainement non, lorsqu'elles
sont contraires aux immunités ecclé
siastiques.» Et vous ajoutez de votre
chef /«Voila pour la politique. C'est
très simple, c'est une bonne formule
générale. »
C'est très simple, en effet, monsieur
le député, mais, en même temps, c'est
très faux. Le texte que vous citez est
le vôtre; ce n'est pas celui du P. Gury
Voici le texte du savant moraliste :
« Les clercs sont-ils liés par les lois
civiles? Réponse : Ils ne sont pas liés
certainement par les lois contraires à
l'immunité ecclésiastique encore en vi-
!iueui\ adhuc vigenti»( l).Ce mot, vous le
supprimez, etee mGt change tout. Vous
généralisez là où le P. Gury fait les ré
serves nécessaires. Vous lui faites par
ler des immunités ecclésiastiques dans
n'importe quel état de choses ; et lui
ne parle que des immunités ecclésias
tiques là où elles sont encore en vi
gueur, adhuc vigenti. G'st bien là, sans
.le moindre doute, «tronquer un texte
de façon à ce que le sens en - soit chan
gé; »"et, par conséquent, je dois vous
laisser le soin d'appliquer à qui de droit
l'épithète en question.
il. — Mais voici qui est plus fort.
Vous invitez la Chambre à contrôler le
texte suivant : «Tityre, pasteur de bre
bis, a été condamné par le tribunal à
l'amende qt à .des dommages-intérêts
pour avoir commis certains dégâts
dans un champ avec son troupeau ;
mais il juge, ce pasteur.malheureux,
que la sentence est inique. » « Le ca-
suiste, dites-vous, en parlant du P.
Gury, se. demande si Tityre peut se
compenser des dommages-intérêts sur
les biens du particulier qui le poursuit,
et de l'amende sur les biens du fisc. Et
il répond affirmativement sans hésita
tion. »
Voilà, monsieur le député, la solution
que vous prêtez au P.Gury.Eh bien.j'aile
ie^ret de vous dire que vous avez étran
gement abusé de la confiance de vos
auditeurs. Dans le cas particulier que
vous avez cru devoir, soumettre au ju
gement dé la Chambre, le moraliste
affirme précisément le contraire de ce
que vous lui imputez. Vous faites dire
au P. Gury que Tityre a pu légitime
ment se compenser "des dommages-in
térêts sur les biens du particulier qui
le poursuit et de l'amende sur les biens
du fL?c; et le P. Gury déclare, au con
traire. ce Tityre a agi injustement
en usant de cette compensation occul
ta • Inhibe eqit Tityrus occulte se compen-
tndi ; qu'il 4 "«Ijtution,
ergo Tityrus ad restituhonem tenelur (2).
(2) Casus consckntix, tom3 l f p. 69.
(i) Cornpendium iheol. inor., jonie I,
Edit. de 1883,
Pour qui avez-vous donc pris les dépu
tés devant lesquels vous vous permet
tez une telle falsification des textes?
Pensiez-vous, pas hasard, que l'on ne
vérifierait pas vos citations? Et si, d'a
près votre définition, la calomnie con
siste à « tronquer les textes de façon à
i ù
ce que le sens en soit change, » pou-
vez-vous donc vous flatter d'échapper
à une condamnation que vous avez
prononcée d'avance contre vous-même?
\\oir le Post-scriptum.)
III. —Nouvel exemple : «Je vais con
tinuer à vous faire rire, dites-vous, en
vous adressant à la Chambre des dépu
tés, car voici (page 299) l'histoire d'un
nommé Pomponius qui, pour se ven
ger, a essayé de tuer d'un coup de fu
sil la chèvre d'un certain Maurus ; il a
manqué la chèvre, mais il a tué du
coup la vache de Marinus, couchée
près de là. On demande à quoi (il est
obligé ? Et Gury répond : A rien. (Hila
rité.) •
«Et,en effet,il n'est pas tenu à cause
de la chèvre qu'il visait, puisqu'il l'a
manquée, et il n'est pas tenu envers le
propriétaire de la vache qu'il a tuée,
parce qu'il ne la visait pas. » (Applau
dissements et rires bruyants à gauche
et au centre.) »
Je ne nie pas, veuillez bien le remar-
quer f monsieur le député, que les aven
tures de la chèvre de Maurus et de la
vache de Marinus ne soient de nature
à occuper l'attention du Parlement fran
çais. Il faut bien qu'il en soit ainsi, puis
que vous vous êtes donné la peine d'en
saisir vos collègues. Seulement il n'est
pas permis, même à un physiologiste,
de traduire par « viser » nullatenus
prœvidere damnum , « ne prévoir en
aucune façon le dommage », comme
s'exprime °le P. Gury. Cette simple
substitution de mots, intentionnelle
ou non, suffit pour « tronquer le texte
de façon à ce que le sens en soit chan
gé ». On peut être tenu à restitution
lorsqu'on tue un animal, même en ne
le visant pas, pour cause d'impru
dence; mais quand ou ne prévoit le
dommage en aucune manière, ne in
confuso quidem, suivant l'expression du
moraliste, il n'y a ni applaudissements
ni rires bruyants qui puissent enlever
au cas de conscience sa délicatesse et
sa difficulté. Pourquoi donc ne pas re
produire les textes tels qu'ils sont, lors
qu'on se propose d'en donner le véri
table sens? J'ajoute, ce qui est capital,
que. dans la pensée du P. Gury, il ne
s'agit que du . for intérieur, où il ne
peut y avoir de péché, quand le fait
n'a été ni voulu ni prévu d'aucune
sorte. Mais l'éminent moraliste n'en
maintient pas moins l'obligation de
restituer en conscience, après la sen
tence du juge : Datur■ tamen obligatio
restituendi in conscientia ex culpa mere
juridica, post sententiam judicis (3). En
reproduisant ces paroles indispensa
bles pour le sens au texte, vous man
quiez, il est vrai, l'effet que vous vou
liez obtenir; mais vous auriez rendu à
l'auteur incriminé la justice que vous
lui deviez.
IV. — Encore un mot dont l'oubli
va « tronquer le texte de façon à ce
que le sens en soit changé ». Il s'agit,
dites-vous, d'un certain Adalbert qui,
ayant voulu tuerTitius son ennemi, a
tué par erreur Caius son ami. Que
doit-on penser d'Adalbert? Adalbert
doit être complètement excusé du péché
d'homicide; car son acte externe n'é
tait pas formellement dirigé contre
Caius, qu'il a tué involontairement.
Et vous ajoutez : «Voici donc, en 1865,
l'application au meurtre d'une doc
trine très commode. Si vous voulez,
sans péché, tuer quelqu'un, le secret
est bien simple : vous n'avez qu'à dé
sirer assassiner un individu et à tirer
sur l'autre à côté. » Ni votre citation
n'est exacte, monsieur le député, ni
votre conclusion logique. Voici le texte,
qu'il eût fallu traduire exactement
pour échapper au reproche de calom
nie : « Adalbert est excusé de tout pé
ché à raison d'homicide commis, ra-
tione homicidii patrati (4), » s'il n'a pu i
prévoir en aucune façon le meurtre de ;
Caius, par exemple s'il a pris soin de j
s'assurer que nul autre ne pouvait
être frappé. Vous supprimez le mot
patrati et les deux propositions condi
tionnelles qui le suivent. Or, tout est
là, dans le cas dont il s'agit. Ylinten-
tion de tuer Titius n'en reste-pas moins
criminelle ; mais le fait purement maté
riel du meurtre do Caius, dans les con
ditions que suppose le moraliste,, et
que vous avez soin de passer sous si
lence, ne saurait être un péché, puis
que la voloùté n'y entre absolument
pour rien.
Je crois vous avoir fourni pour la
plupart de vos citations de lundi der
nier la preuve que vous désiriez. Lais
sez-moi seulement ajouter un. mot,
monsieur le député. Vous devez trou
ver comme nous que nous assistons
depuis quelques jours à un spectacle
des plus étranges. Je ne parle pas de
vous qui n'avez encore publié, que je
sache, aucun ouvrage où l'on puisse
trouver l'ensemble de vos opinions
philosophiques, ni de la Chambre des
députés dont je ne veux ni ne dois ap
précier les sentiments. Mais dans cette
presse qui attaque avec acharnement
es moralistes catholiques, il se joue
en ce moment une pièce qui serait fa
cétieuse si elle n'était lugubre. Ce sont
des partisans de l'école positiviste, de
l'école déterministe et de l'école maté
rialiste; ce sont des hommes qui nient
ouvertement la spiritualité de l'âme,
c'est-à-dire le fondement et la condi
tion essentielle de la morale, du libre
arbitre, de la responsabilité person
nelle; ce sont des hommes qui, à la
suite de Buchner, de Moleschott et de
Vogt, dont ils se font les très humbles
disciples, passent leur vie à répéter que
« Dieu est une vieille hypothèse désor-
« mais bannie de la science, et à la-
« quelle il n'y a plus qu'à porter _ les
« derniers coups; que tout ce qui ne
« tombe pas sous le sens est faux et
« non avenu; que l'homme n'est au-
« tre chose que ce qu'il mange;
« que sa pensée provient du phos-
« phore de son cerveau; que sa con-
« science n'est également qu'une pro-
« priété de la matière; que l'âme est
« le produit d'une certaine combinai-
« son de la matière, et que ceux qui
« soutiennent encore son immortalité
<( no méritent pas qu'on leur réponde;
« que les actions de l'homme sont fa
rt talement soumises aux lois régula-
« trices de l'univers, et que tout en lui
« est déterminé par des influences
« physiques » ; ce sont des hommes
pour lesquels, à moins d'une inconsé
quence évidente, palpable, il ne peut
y avoir ni bien ni mal, ni vertu ni vice,
ni mérite ni démérite, mais de nurs
phénomènes psychologiques qui, aans
leur système, ne sauraient avoir rien
d'absolu ni d'impératif ; ce sont de tels
hommes, dis-je, qui cherchent à sou
lever l'opinion contre la plus, haute-
école de vertu et de sainteté qu'il y ait
dans le monde. En vérité, c'est une
ignominie pour la France et un scan
dale pour le monde entier.
Agréez, monsieur le député, l'hom
mage de votre très humble serviteur,
•5- C H .-E sîile,
■—v Evoque d'Angers.
P. S. — Je lis à l'instant la réponse
que vous -venez de faire à M. Granier
de Cassagnac, qui vous signalait la
même infidélité dans votre citation.
Cette réponse aggrave la faute. Il y a
trois ces, sous le nom de Tityre, posés
par le P. Gury à la page citée. Que
failc-s-vous? Vous appliquez au pre
mier cas : Tityrus pastor ovium , etc.,
la solution du deuxième cas : Ejusdem
asellus nocte rjuadam, prêtant ainsi au
moraliste un sentiment qui n'est pas
le sien. Dans le premier cas, il y a
faute de la part du berger, puisqu'il
aurait dû veiller sur son troupeau;
dans le deuxième cas, il n'y a de sa
part nulle faute, même juridique, puis-
qee le dommage est causé par un ani
mal qu'un voleur avait enlevé de l'é-
table. En confondant les deux cas, et
en donnant au premier la solution du
deuxième, vous mettiez le moraliste
en faute ; mais, permettez-moi de vous
le répéter, la faute est ailleurs : dans
la manière dont vous arrangez les
textes.
Dans ce déchaînement de passions
sottes et basses contre les ordres reli
gieux et les jésuites en particulier, le
Journal des Débats s'est distingué par
sa mauvaise tenue. Non content de
parler pour son propre compte, il con
tinue de se prévaloir des citations de
MM. Ferry, Spuller et Paul Iiert, pour
approuver le vote de la loi contre la
liberté d'enseignement.
Justice a déjà été faite en partie de
ces citations déloyales. Pour celles de
M. Paul Bert, en particulier, on a com
mencé et on continuera à lui montrer
quelles sont toutes falsifiées ou déna
turées, et qu'il ne reste, vis-à-vis de
lui et des siens, qu'à tirer la conclu
sion que lui-même formulait en dé
fiant ses adversaires de lui prouver la
fausseté de ses textes.
La réunion du Cirque d'Hiver
p. 77.
(3) Comptmdïain t. ?, p. jii. Le P. Gury ren-
>ie à cette page pour l'explication du cas. p
voie à cette page pour 1 expiica
falîau * ire . ou se ' aire *
(4-) Casus h P'
Comment raconter le spectacle que nous
avons eu sous les.yeux, hier soir, pondant
trois heures, au Cirque d'hiver? M. le
comte de Muny devg.it parler sur l'ensei
gnement congréganisle, et dès huit heures,
toutes les places étaient envahies dans le
vaste amphithéâtre. Quatre mille personnes
au moins étaient là. Au dehors, il en restait
presque autant, qui exprimaient vivement
leur regret de ne pouvoir arriver jusqu'à
l'enceinte déjà, remplio. A celles-là le comité
de l'enseignement doit une revanche pour
reconnaître leur zèle. Avec le concours du
Vaillant orateur catholique, espérons qu'el
les pourront prochainement l'obtenir.
La conférence avait été annoncée pour
huit heures et demie. Précisément à cette
heure on voit entrer M. le duc de la Roehe-
foucauld-Bisaccia, suivi de M. le comte de
Mun et d'un groupe nombreux de sénateurs
et de députés. Lorsqu'ont pris fin les ap
plaudissements qui saluent leur présence,
M. le duc de la Rochcfoucauld-Bisaccia,
président, expose en. quelques mots l'objet
de la réunion. A considérer la multitude
qui se presse dans la salle, qui peut dou
ter, dit-il, que la question de l'enseigne
ment religieux ait remué profondément la
population parisienne, atteinte dans ce
qu'elle a de plus cher : l'âme de ses enfants ?
Vivement applaudi à plusieurs reprises, M.'
le duc de la Rochefoucauld termine en don
nant la parole à M. le comte A. de Mûri,
qu'accueille à son tour une double salve
d'applaudissements.
Ici, force nous est de renoncer à tout
compte rendu. Nous sommes assez heu
reux' pour commencer dps aujourd'hui la
reproduction complète de l'incomparable
discours prononcé par l'ancien député de
Pontivv. Mais si ceux qui le liront peu
vent deviner à peu près quel effet il a dû
produire, comment rendre l'enthousiasme
et l'émotion de ceux qui ont pu l'entendre !
Certes, il nous a été donné d'admirer sou
vent l'éloquence du vaillant orateur catholi
que, mais jamais, il faut, le dire, nous ne
l'avions vu, soutenu par un tel souffle,
monter à de telles hauteurs. Et que dire du
geste, de la voix, du regard qui, à mesure
qu'il dénonçait et fléLrissait les attentats de
la persécution, à mesure aussi qu'il racon
tait et glorifiait les œuvres de l'Eglise dans
l'éducation, arrachaient au public des ex
plosions d'enthousiasme ou d'indignation?
A chaque instant des bravos, des applau
dissements, des cris de Vivent les frères !
arrêtaient l'orateur, qui reprenait pour pro
voquer presque aussitôt;les mêmes frémis
sements. Quand il a parlé du vénérable la
Salle, quand il a évoqué la grande et belle
figure du F. Philippe, quand il a montré le
crucifix inspirant et pouvant seul inspirer
•le dévouement, dont les hommes du pou
voir aujourd'hui ne veulent plus, les accla
mations se transformaient en une immense
rumeur qui, .par les portes ouvertes de la
salle, devait porterau loin sur les boule
vards les échos de cette admirable mani
festation.
Qu'ajouter encore? A onze heures, quand
l'orateur, dans une péroraison magnifique,
après avoir pris tout l'auditoire à témoin,
s'écriait : « Nous sommes la conscience
publique, et nous ne nous tairons pas! »> ce
sont des milliers do voix qui ont répondu
à son appel; et quand, tout entière debout,
l'assistance a été interpellée par M. le
duc de la Rochefoucauld pour savoir si elle
adhérait à la Çprmule de protestation dont
il venait de donner lecture, c'est par un
immense cri qu'il lui a été répondu: « Tous/
tous ! oui, tous nous sommes avec vous ! »
Nous nous trompons.- Sur ces quatre
mille personnes, une seule main s'est levée
à la contre-épreuve. 11 était bon de le con
stater, et M. le président en a pris acte de
vant l'assistance, dont cet isolé n'a fait
ainsi que proclamer l'unanimité. Cela fait
on entend une voix qui s'adresse à M. le duc
de la Rochefoucauld-Bisaccia : « Monsieur
le président, s'écrie l'auditeur avec force, au
nom de tous les pères de familles, donnez la
main, je vous prie, à M. de Mun, pour le
remercier de son généreux ot éloquent dis
cours. » Des applaudissements éclatent
Oui] oui ! vous avez, raison ! s'écrie-t-on de
toute part, et pendant que M. le duc de la
Rochefoucauld, s'avançant vers M. de
Mun, lui presse les deux mains dans une
étreinte énergique, toute l'assemblée se
lève, une double salve d'applaudissements
se fait entendre et un seul cri qui clôt cette
magnifique séance : Vive M. de Mun !
A uguste R oussel.
On nous écrit de Versailles (Sénat),
le 10 juillet :
Le Sénat républicain continue à prendre
des mesures de précaution contre le curé
des commissions hospitalières. Ce curé est
dangereux et encombrant. Il gêne, à n'en
pas douter, le progrès des> institutions ré
publicaines et l'essor de la charité libre-
penseuse. Que sa présence soit nécessaire
aux pauvres, aux malades, peu importe;
un gouvernement républicain n'a pas à s'oc
cuper d'aussi mesquines considérations. Ce
qu'il faut, c'est chasser ce curé: le Sénat l'a
supprimé aujourd'hui en première lecture,
et la seconde ne tardera guère.
L'opération ne s'est pas laite sans débats.
L'honorable M. Chesnelong a parlé deux
fois encore, malgré ses dgux .discours de la
dernière séance ; il proposait un article ad
ditionnel appelant dans les commissions ad
ministratives un ecclésiastique désigné par
l'autorité diocésaine. C'était détruire la dis
position du projet la plus chère aux républi
cains. L'orateur ne s'en est pas caché, aussi
a-t-il pris de haut la question, sans se lais
ser arrêter par les grognements et les mur
mures d'une majorité-plus qu'intolérante. .
Il faut l'ignorance et la haine anti-reli
gieuse de nos majorités parlementaires ac
tuelles, pour nier que la présence du clergé
soit' indispensable' dans les commissions
administratives. .Car, enfin, qui, peut con
naître mieux que le curé d'une commune
ses misères et ses malheureux? Le curé est
un véritable trait d'union entre la charité
publique etla charité privée ; il est à la lois,
comme l'a si bien dit M. Chesnelong,
l'homme de Dieu et l'homme du peuple,
c'est donc le peuple que. frappera la loi nou
velle. Quel moyen d'ailleurs de ne pas at
teindre le peuple quand on nie la religion
et ses ministres?
Comme,il avait une cause détestable à
défendre sans péril, le ministère s'est mon
tré dans la personne de M. Martin-Feuillée.
On a oublié sans doute, la présence de ce
député un peu obscur dans les conseils du
gouvernement, où il fait peu de bruit, mais
il n'en est pas moins vrai qu'il est encore;
à l'heure actuelle, sous-secrétaire d'Etat à
l'intérieur. M. Martin-Feuillée a donc es
sayé de répondre à M. Chesnelong; il l'a
fait maladroitement, et, si les votes des
majorités n'étaient pas acquis d'avance, il
eût perdu la partie.
Comment M. Martin-Feuillée, tout sous-
secrétaire de M. Lepèrc qu'il soit, peut-il
considérer comme une réponse des lieux
communs sur l'égalité républicaine? La ré
publique, dit-il, ne veut pas de prjyjlèsrp*
Le mot est un peu gros. .Groîj. a ï t _ on p"^*
qu il s agit de générales ou de pla
ces de sous-secrétaire.d'Etat? Mais accep
tons le mot et 1 hypothèse do cette égalité
chimérique, dont la théorie plaît si fort aux
républicains qu'ils n'en laissent rien voir
dans la pratique. Pourquoi créer un privi
lège en faveur du maire? Mais, puis»»»
privilège il y*, R'pa - ag UQ ^
cle hisser à l'autorité préfecto
rale le droit, le soin de nommer dans les
. commissions des administrateurs agréables
au gouvernement?
La vérité vraie, c'est que le gouvernement
républicain ne veut tolérer nulle part l'om
bre d'une opposition, et qu'en somme il
entend mettre sa main radicale sur les liô :
pitaux, les hospices et les bureaux de bien?
l'aisance.
Qu'est-ce encore que cette théorie qui
consiste à regarder comme biens commu
naux les établissements hospitaliers? Les
dons et les legs des catholiques, qui for
ment la presque totalité du budget consi
dérable de la charité française, doivent-ils
donc être gérés uniquement par les agents
d'une autorité préfectorale dont l'on connaît
assez l'esprit anti-religieux pour savoir
qu'elle ne choisira jamais de curés, quoi
qu'en dise M. le sous-secrétairo d'Etat, et
par des municipalités trop souvent radica
les et libre-penseuses?
— Mais, riposte finement M. Martin-
.Feuillée, il y a quelque part une commune
dont le curé à prélevé sur les ressources
du bureau de bienfaisance les redevances
de plusieurs enfants à l'école congréga
nisle. Voilà un abus intolérable.
S'il s'était agi d'une école laïque, peut-
être M. le sous-secrétaire d'Etat aurait-il
été moins sévère; mais tenons comme légi
times son indignation et les applaudisse
ments de ses amis. Ainsi, c'est parce qu 'un
curé en France s'est mis dans son tort qu'il
faut une loi pour expulser des commissions
tous les autres curés !
M. Robert-Dehault, voyant la situation
compromise par M. Martin-Feuillé, est venu
à la rescousse; il a défendu ce qu'il appelle
les droits de l'administration et le privilège
des maires, « les véritables représentants
du domaine des pauvres. » Du moment que
les maires représentent si bien les intérêts
des pauvres, les curés ne servent à rien.
Ainsi en a décidé la majorité républi
caine.
Le Sénat était en veine de travail; sur
les instances du général Billot, et malgré
de légitimes réclamations, il a voté l'urgence
et la discussion immédiate du projet relatif
au classement du réseau complémentaire
d'intérêt général.
Nous avons eu l'étonnement d'entendre
M. Krantz faire les plus justes critiques du
projet, montrer le péril des immenses chan
tiers qui nécessitent l'appel des ouvriers
étrangers, « ces condottieri de la paix »,
prouver que la multiplicité des chemins de
fer ne constitue pas tout le bonheur des
peuples, même au point de vue commercial,
démolir en un mot la base fragile de ces rê
veries gigantesques et dangereuses qu'on
appelle les projets Freycinet.
Un autre ingénieur républicain, M. Var
roy, s'est précipité à la tribune pour répon
dre à son contradicteur, mais il se faisait
tard et M. Varroy a dû rentrer son dis
cours. On le subira demain.
On nous écrit de Versailles (Cham
bre des députés), le 10 juillet :
Le citoyen Floquet a lu son rapport sur
la loi dite des garanties. Le citoyen Gam
betta, ayant exigé le droit de requérir au
tant de troupes qu'il le voudra, et cela di
rectement, c'est-à-dire sans le consente
ment du ministre de la guerre, la commis
sion s'est hâtée d'obtempérer à cet ordre et
a, en conséquence, demandé l'annulation
de l'article 5 du projet voté par le Sénat, en
vertu duquel le droit de réquisition devait
être subordonné à une entente avec le mi
nistre de la guerre. En demandant cette
grave mesure, le rapporteur Floquet, loin
d'avoir cet air vainqueur qui en fait un des
fantoches les plus achevés de cette Cham
bre, était en proie à un tremblement ner
veux dont il ne pouvait maîtriser les accès.
Mesurait-il les conséquences de son acte,
et prévoyait-il qu'une nouvelle dictature
gambettiste pourrait en sortir, comme la
plante de sa graine ? Je le crois, tant il pa
raissait changé. Mais qu'il en ait eu con
science ou non, le danger n'en existe, pas
moins, et si le Sénat, auquel la loi modifiée
par la majorité sera renvoyée, ne s'oppose
pas. à cette modification, il étendra son pou
voir à toute l'armée et redeviendra, comme
en 1870 à Bordeaux, le véritable ministre
de la guerre.
En entendant la lecture du rapport Flo
quet, nous nous demandions contre qui
cette loi, dite de garanties, pourrait bien j
être dirigée. j
Ce n'est pas contre les conservateurs.
Gambetta les déclare chaque jour impuis
sants, anéantis. Et d'ailleurs, les conserva
teurs, loin de faire des émeutes contre la
société, ii'enfontmême plus contre l'émeute
elle-même.
Ce n'est pas non plus contre le peuple
souverain. Qui donc pourrait faire aux ré
publicains amvé3 l'injure de les supposer
capables de se révolter contre leur souve
rain et de lui servir des balles au lieu des
fêtes promises? Cela ne s'est jamais vu. Et
puis, qu'ont-ils k craindre de ce souverain?
Es>çq que le citoyen Floquet, à la suite de
tous ses confrères, ne nous a pas fait un
portrait des plus riants du nouveau rei?
Est-ce qu'il fut jamais plus doux, plus bé
nigne, plus pacifique, plus docile aux ordres
de ses commis, plus soumis à §e« fcaprices,
plus crédules et plus por^ ^ se payer dé
mots sonopçs et > vivre de promesses?
•^l'jre qui donc alors? Eh! parbleu,
c'est contre les jésuites. On ne s'explique
rait pas autrement la concentration des for
ces militaires dans les mains du citoyen
Gambetta. Du reste, la discussion du rap
port, qui aura lieu dans les premiers jours
de la semaine prochaine, achèvera de lever
tous nos doutes sur ce point.
Ainsi qu'il avait été convenu, la discus
sion générale du budget a été ouverte par
un long discours du citoyen Allain-Targé.
Cet çrateur pâteux et prétentieux aoys a
appris ce que nous savions mieux qufi lui»
c'est-à-dire que la carte à payer cette an
née ne serait pas mince. A la vue des char
ges qui accablent et qui menacent d'écraser
son malheureux peuple souverain, le lieu
tenant et familier du citoyen Gambetta
verse un pleur.de compassion philanthro
pique, et demande avec une insistance
émue le dégrèvement de l'impôt. 11 a un
moyen, lui Allain-Targé, de combler le dé
ficit, c'est d'en revenir à la conversion du
5 0[0, c'est-à-dire d'avoir recours à un ex
pédient que tout condamne, pour ser
vir une politique aux abois et reculer da
quelques jours une échéance que de telles
mesures ne feront que rendre plus terrible
et plus désastreuse.
M. le ministre des finances ne voulant
pas, d'autres diraient ne pouvant pas, tom
ber dans la même faute qu'au commence
ment de l'année, et se refusant à troubler
dans leur paisible existence tous ces bra
ves gens qui alimentent par leur épargna
les sources du crédit et du travail, a dé
claré avec netteté et fermeté qu'il était ré
solu à combattre tous les amendements
ayant trait à.la conversion. :
Le citoyen Allain-Targé a prétendu que
sous tous les gouvernements on' avait de
mandé des dégrèvements et que les gou~
vernements n'y avaient jamais consenti.
C'est une erreur. En 1852, le gouverne
ment effectua un dégrèvement de 17 centi
mes additionnels généraux à l'état fon
cier. '
Que la république en fasse autant!
La Chambre des députés va discuter
demain le projet de loi sur le conseil
d'Etat. Les deux dispositions princi
pales du projet du gouvernement con
sistent, dans l'augmentation du per
sonnel et dans la création d'une sec
tion de législation. Celle-ci, composée
de « jurisconsultes », sera appelée à
préparer les lois civiles et criminel
les, et à concourir ainsi à la besogne
législative des Chambres. Le nombre
des conseillers d'Etat en service ordi
naire sera porté de 22 à 32; celui des
conseillers en service extraordinaire,
de 15 à 18; il y aura 30 maîtres de re
quêtes au lieu de 24 et 36 auditeurs.
C'est de ce conseil d'Etat renouvelé et
accru, moyennant quelques départs et
quelques adjonctions, que le gouver
nement attend une plus grande con
formité d'dpinions et d l aotes avec le
régime actuel ; c'est à lui qu'il compte
déférer la question pendante depuis
Çlus d'un an, et toujours ajournée, des;
ecoles congréganistes, que les préfets
ne cessent pas, en attendant, de fer
mer l'une après l'autre, contre tout
droit.
Quoique le gouvernement trouve des
garanties suffisantes pour sa politique
dans cette transformation du conseil
d'Etat, la gauche veut beaucoup plus.
Sa commission a ajouté au projet mi
nistériel une disposition radicale qui
tend à la dissolution du conseil d'Etat
actuel 'et à la réorganisation complète
de son personnel, au mépris de la
Constitution, des droits acquis et de
l'intérêt public. La gauche veut un
conseil d'Etat à son image, un con
seil d'Etat qui soit sa créature et l'exé
cuteur complaisant de ses volontés.
' Après cette réforme, ses projets se
porteront sur la magistrature, qu'elle
veut également dissoudre pour la re
constituer à sa manière et l'avoir sous
la main.
Il y a là une tendance manifeste de
la majorité républicaine à vouloir tout
absorber en elle. Déjà le pouvoir exé
cutif lui est à peu près soumis; main
tenant elle vise à s'emparer du pouvoir
judiciaire. Quand elle aura réuni dans
ses attributions la réalité des trois pou
voirs, il ne lui restéra plus qu'à en sup
primer le nom et les organes et à s'é
riger en Convention.
Nous recevons de Y Agence Bavas
la communication suivante :
On nous communique la n'ote suivante :
Plusieurs journaux ont donné, comme prove -
nantde source officielle, des renseignements sur
les récoltes et sur l'importance du déficit à com
bler pour nos -approvisionnynents en blé.
Aucune appréciation de ce genre n'a été faite
dans le sein du conseil des ministres, et l'on ne
saurait trop recommander au public de se tenir
en garde contre des bruits de nature à l'induire
en erreur.
En fait, cette communication offi
cieuse, si elle dément que les rensei
gnements signalant le défaut des ré
coltes viennent du gouvernement, se
garde bien de dire que ces renseigne
ments sont erronés.
Son silence sur ce point important
est significatif.
Funérailles du prince impérial,
On nous écrit de Londres :
i
Lonàres,'10 juillet, soir.
Je reviens de Chiskhurst. Dans 'ia petite
église de Sainte-Marie, si petite et si mo
deste que plus d'un village de France ne
s'en contenterait pas, le drame apparaît pro
digieux, saisissant. Le contraste est extra
ordinaire.
Dans la chapelle de, gauche, le tombeau
de celui qui fut empereur des Français. Sur
le granit, ces simples mots :
NAPOLÉON III
R. I. P.
A deux pas, en face du maître-autel, les
tapissiers et epaployés- des pompes funè-
N° 428-1 —r Édition quotidienne;
Samedi 12 Juillet 1879
PARIS ■
Un an. . . . 55 fr. »
Six mois.. ^23 50
Trois mois * 15 »
Un Numéro, à Paris
— Départements. 2Q.—
BUREAUX ' . . " /.
Paris, 10, Rue des Saints-Pères ' i ,
fia s'aSiorane. & Iiontei place du Cesû, 8/ ..
■ i \t u-:y
/
DÉPARTEMENTS
tjn an .*•••..■«. S5&. b
Six mois. 28 '60
Trois mois. . 15 »
Édition semi-quotidienne
Un an. 30 fr. — Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répend pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
. Ch. LAGRAM, CEEP'et C ie , 6, place de la Bourse
Ceux de nos souscripteurs donc l'abon
nement expire lo 15 juillet sont priés de
le renouveler dès à présent pour éviter
toute interruption dans la réception du
Journal.
Le meilleur mode de renouvellement est
l'envoi d'un mandat sur la poste ou d'un
chèque à vue, à l'ordre de l'administrateur
du journal" Y joindre l'une des dernières
bandes du journal.
Les abonnements datent des i" et iô de
chaque mois.
Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50. . centimes en timbres-
poste.
. FRANCE
PARIS, H JUILLET 1879
Nous recevons communication de la
lettre suivante, que Mgr Freppel, évê-
què d'Angers, vientd'adi'esser àM. Paul
Bert :
-, Angers, 10 juillet 1879.
Monsieur le député,
Je lis, dans le compte Tendu officiel
de la séance de lundi 7 juillet, ces pa
roles que vous avez cru devoir pronon
cer devant la Chambre des députés :
« Jusqu'à ce que vous ayez apporté à
cette tribune la preuve que les textes
que j'ai cités sont, je ne dirai pas tron
qués, le mot est trop commode quand
il s'agit d'une citation nécessairement
incomplète, mais tronqués de façon à ce
que le sens en soit changé... (Très bien!
à gauche.) oui, le jour où vous aurez
apporté à cette tribune cette preuve,
vous aurez le droit de dire, à la face de
la Chambre, que je suis un calomnia
teur. »
On ne saurait peser la question dans
des termes plus précis. La calomnie,
en- matière de citations, consiste, en
effet, à « tronquer les textes de façon
que le sens en soit changé. » Or, c'est
précisément ce que vous avez fait dans
la séance de lundi dernier, à propos
du P. Gury, et je viens vous le dire, et
vous le prouver, non pas à la face de
la Chambre, dont je n'ai pas l'honneur
de faire partie, mais à la face du pays
devant lequel j'ai le droit de parler.
Vous jugerez, après cela, si vos propres
paroles né vous font pas^un devoir de
vous appliquer à vous-même l'épithète.
que vous avez déclaré vouloir accep
ter, dans le cas où l'on ferait la démon
stration que vous avez provoquée avec
tant d'assurance.
I. — Voici textuellement vos paroles.
Vous faites dire au P. Gury : « Les clercs
sont-ils tenus d'obéir aux lois ? Répon
se : Certainement non, lorsqu'elles
sont contraires aux immunités ecclé
siastiques.» Et vous ajoutez de votre
chef /«Voila pour la politique. C'est
très simple, c'est une bonne formule
générale. »
C'est très simple, en effet, monsieur
le député, mais, en même temps, c'est
très faux. Le texte que vous citez est
le vôtre; ce n'est pas celui du P. Gury
Voici le texte du savant moraliste :
« Les clercs sont-ils liés par les lois
civiles? Réponse : Ils ne sont pas liés
certainement par les lois contraires à
l'immunité ecclésiastique encore en vi-
!iueui\ adhuc vigenti»( l).Ce mot, vous le
supprimez, etee mGt change tout. Vous
généralisez là où le P. Gury fait les ré
serves nécessaires. Vous lui faites par
ler des immunités ecclésiastiques dans
n'importe quel état de choses ; et lui
ne parle que des immunités ecclésias
tiques là où elles sont encore en vi
gueur, adhuc vigenti. G'st bien là, sans
.le moindre doute, «tronquer un texte
de façon à ce que le sens en - soit chan
gé; »"et, par conséquent, je dois vous
laisser le soin d'appliquer à qui de droit
l'épithète en question.
il. — Mais voici qui est plus fort.
Vous invitez la Chambre à contrôler le
texte suivant : «Tityre, pasteur de bre
bis, a été condamné par le tribunal à
l'amende qt à .des dommages-intérêts
pour avoir commis certains dégâts
dans un champ avec son troupeau ;
mais il juge, ce pasteur.malheureux,
que la sentence est inique. » « Le ca-
suiste, dites-vous, en parlant du P.
Gury, se. demande si Tityre peut se
compenser des dommages-intérêts sur
les biens du particulier qui le poursuit,
et de l'amende sur les biens du fisc. Et
il répond affirmativement sans hésita
tion. »
Voilà, monsieur le député, la solution
que vous prêtez au P.Gury.Eh bien.j'aile
ie^ret de vous dire que vous avez étran
gement abusé de la confiance de vos
auditeurs. Dans le cas particulier que
vous avez cru devoir, soumettre au ju
gement dé la Chambre, le moraliste
affirme précisément le contraire de ce
que vous lui imputez. Vous faites dire
au P. Gury que Tityre a pu légitime
ment se compenser "des dommages-in
térêts sur les biens du particulier qui
le poursuit et de l'amende sur les biens
du fL?c; et le P. Gury déclare, au con
traire. ce Tityre a agi injustement
en usant de cette compensation occul
ta • Inhibe eqit Tityrus occulte se compen-
tndi ; qu'il 4 "«Ijtution,
ergo Tityrus ad restituhonem tenelur (2).
(2) Casus consckntix, tom3 l f p. 69.
(i) Cornpendium iheol. inor., jonie I,
Edit. de 1883,
Pour qui avez-vous donc pris les dépu
tés devant lesquels vous vous permet
tez une telle falsification des textes?
Pensiez-vous, pas hasard, que l'on ne
vérifierait pas vos citations? Et si, d'a
près votre définition, la calomnie con
siste à « tronquer les textes de façon à
i ù
ce que le sens en soit change, » pou-
vez-vous donc vous flatter d'échapper
à une condamnation que vous avez
prononcée d'avance contre vous-même?
\\oir le Post-scriptum.)
III. —Nouvel exemple : «Je vais con
tinuer à vous faire rire, dites-vous, en
vous adressant à la Chambre des dépu
tés, car voici (page 299) l'histoire d'un
nommé Pomponius qui, pour se ven
ger, a essayé de tuer d'un coup de fu
sil la chèvre d'un certain Maurus ; il a
manqué la chèvre, mais il a tué du
coup la vache de Marinus, couchée
près de là. On demande à quoi (il est
obligé ? Et Gury répond : A rien. (Hila
rité.) •
«Et,en effet,il n'est pas tenu à cause
de la chèvre qu'il visait, puisqu'il l'a
manquée, et il n'est pas tenu envers le
propriétaire de la vache qu'il a tuée,
parce qu'il ne la visait pas. » (Applau
dissements et rires bruyants à gauche
et au centre.) »
Je ne nie pas, veuillez bien le remar-
quer f monsieur le député, que les aven
tures de la chèvre de Maurus et de la
vache de Marinus ne soient de nature
à occuper l'attention du Parlement fran
çais. Il faut bien qu'il en soit ainsi, puis
que vous vous êtes donné la peine d'en
saisir vos collègues. Seulement il n'est
pas permis, même à un physiologiste,
de traduire par « viser » nullatenus
prœvidere damnum , « ne prévoir en
aucune façon le dommage », comme
s'exprime °le P. Gury. Cette simple
substitution de mots, intentionnelle
ou non, suffit pour « tronquer le texte
de façon à ce que le sens en soit chan
gé ». On peut être tenu à restitution
lorsqu'on tue un animal, même en ne
le visant pas, pour cause d'impru
dence; mais quand ou ne prévoit le
dommage en aucune manière, ne in
confuso quidem, suivant l'expression du
moraliste, il n'y a ni applaudissements
ni rires bruyants qui puissent enlever
au cas de conscience sa délicatesse et
sa difficulté. Pourquoi donc ne pas re
produire les textes tels qu'ils sont, lors
qu'on se propose d'en donner le véri
table sens? J'ajoute, ce qui est capital,
que. dans la pensée du P. Gury, il ne
s'agit que du . for intérieur, où il ne
peut y avoir de péché, quand le fait
n'a été ni voulu ni prévu d'aucune
sorte. Mais l'éminent moraliste n'en
maintient pas moins l'obligation de
restituer en conscience, après la sen
tence du juge : Datur■ tamen obligatio
restituendi in conscientia ex culpa mere
juridica, post sententiam judicis (3). En
reproduisant ces paroles indispensa
bles pour le sens au texte, vous man
quiez, il est vrai, l'effet que vous vou
liez obtenir; mais vous auriez rendu à
l'auteur incriminé la justice que vous
lui deviez.
IV. — Encore un mot dont l'oubli
va « tronquer le texte de façon à ce
que le sens en soit changé ». Il s'agit,
dites-vous, d'un certain Adalbert qui,
ayant voulu tuerTitius son ennemi, a
tué par erreur Caius son ami. Que
doit-on penser d'Adalbert? Adalbert
doit être complètement excusé du péché
d'homicide; car son acte externe n'é
tait pas formellement dirigé contre
Caius, qu'il a tué involontairement.
Et vous ajoutez : «Voici donc, en 1865,
l'application au meurtre d'une doc
trine très commode. Si vous voulez,
sans péché, tuer quelqu'un, le secret
est bien simple : vous n'avez qu'à dé
sirer assassiner un individu et à tirer
sur l'autre à côté. » Ni votre citation
n'est exacte, monsieur le député, ni
votre conclusion logique. Voici le texte,
qu'il eût fallu traduire exactement
pour échapper au reproche de calom
nie : « Adalbert est excusé de tout pé
ché à raison d'homicide commis, ra-
tione homicidii patrati (4), » s'il n'a pu i
prévoir en aucune façon le meurtre de ;
Caius, par exemple s'il a pris soin de j
s'assurer que nul autre ne pouvait
être frappé. Vous supprimez le mot
patrati et les deux propositions condi
tionnelles qui le suivent. Or, tout est
là, dans le cas dont il s'agit. Ylinten-
tion de tuer Titius n'en reste-pas moins
criminelle ; mais le fait purement maté
riel du meurtre do Caius, dans les con
ditions que suppose le moraliste,, et
que vous avez soin de passer sous si
lence, ne saurait être un péché, puis
que la voloùté n'y entre absolument
pour rien.
Je crois vous avoir fourni pour la
plupart de vos citations de lundi der
nier la preuve que vous désiriez. Lais
sez-moi seulement ajouter un. mot,
monsieur le député. Vous devez trou
ver comme nous que nous assistons
depuis quelques jours à un spectacle
des plus étranges. Je ne parle pas de
vous qui n'avez encore publié, que je
sache, aucun ouvrage où l'on puisse
trouver l'ensemble de vos opinions
philosophiques, ni de la Chambre des
députés dont je ne veux ni ne dois ap
précier les sentiments. Mais dans cette
presse qui attaque avec acharnement
es moralistes catholiques, il se joue
en ce moment une pièce qui serait fa
cétieuse si elle n'était lugubre. Ce sont
des partisans de l'école positiviste, de
l'école déterministe et de l'école maté
rialiste; ce sont des hommes qui nient
ouvertement la spiritualité de l'âme,
c'est-à-dire le fondement et la condi
tion essentielle de la morale, du libre
arbitre, de la responsabilité person
nelle; ce sont des hommes qui, à la
suite de Buchner, de Moleschott et de
Vogt, dont ils se font les très humbles
disciples, passent leur vie à répéter que
« Dieu est une vieille hypothèse désor-
« mais bannie de la science, et à la-
« quelle il n'y a plus qu'à porter _ les
« derniers coups; que tout ce qui ne
« tombe pas sous le sens est faux et
« non avenu; que l'homme n'est au-
« tre chose que ce qu'il mange;
« que sa pensée provient du phos-
« phore de son cerveau; que sa con-
« science n'est également qu'une pro-
« priété de la matière; que l'âme est
« le produit d'une certaine combinai-
« son de la matière, et que ceux qui
« soutiennent encore son immortalité
<( no méritent pas qu'on leur réponde;
« que les actions de l'homme sont fa
rt talement soumises aux lois régula-
« trices de l'univers, et que tout en lui
« est déterminé par des influences
« physiques » ; ce sont des hommes
pour lesquels, à moins d'une inconsé
quence évidente, palpable, il ne peut
y avoir ni bien ni mal, ni vertu ni vice,
ni mérite ni démérite, mais de nurs
phénomènes psychologiques qui, aans
leur système, ne sauraient avoir rien
d'absolu ni d'impératif ; ce sont de tels
hommes, dis-je, qui cherchent à sou
lever l'opinion contre la plus, haute-
école de vertu et de sainteté qu'il y ait
dans le monde. En vérité, c'est une
ignominie pour la France et un scan
dale pour le monde entier.
Agréez, monsieur le député, l'hom
mage de votre très humble serviteur,
•5- C H .-E sîile,
■—v Evoque d'Angers.
P. S. — Je lis à l'instant la réponse
que vous -venez de faire à M. Granier
de Cassagnac, qui vous signalait la
même infidélité dans votre citation.
Cette réponse aggrave la faute. Il y a
trois ces, sous le nom de Tityre, posés
par le P. Gury à la page citée. Que
failc-s-vous? Vous appliquez au pre
mier cas : Tityrus pastor ovium , etc.,
la solution du deuxième cas : Ejusdem
asellus nocte rjuadam, prêtant ainsi au
moraliste un sentiment qui n'est pas
le sien. Dans le premier cas, il y a
faute de la part du berger, puisqu'il
aurait dû veiller sur son troupeau;
dans le deuxième cas, il n'y a de sa
part nulle faute, même juridique, puis-
qee le dommage est causé par un ani
mal qu'un voleur avait enlevé de l'é-
table. En confondant les deux cas, et
en donnant au premier la solution du
deuxième, vous mettiez le moraliste
en faute ; mais, permettez-moi de vous
le répéter, la faute est ailleurs : dans
la manière dont vous arrangez les
textes.
Dans ce déchaînement de passions
sottes et basses contre les ordres reli
gieux et les jésuites en particulier, le
Journal des Débats s'est distingué par
sa mauvaise tenue. Non content de
parler pour son propre compte, il con
tinue de se prévaloir des citations de
MM. Ferry, Spuller et Paul Iiert, pour
approuver le vote de la loi contre la
liberté d'enseignement.
Justice a déjà été faite en partie de
ces citations déloyales. Pour celles de
M. Paul Bert, en particulier, on a com
mencé et on continuera à lui montrer
quelles sont toutes falsifiées ou déna
turées, et qu'il ne reste, vis-à-vis de
lui et des siens, qu'à tirer la conclu
sion que lui-même formulait en dé
fiant ses adversaires de lui prouver la
fausseté de ses textes.
La réunion du Cirque d'Hiver
p. 77.
(3) Comptmdïain t. ?, p. jii. Le P. Gury ren-
>ie à cette page pour l'explication du cas. p
voie à cette page pour 1 expiica
falîau * ire . ou se ' aire *
(4-) Casus h P'
Comment raconter le spectacle que nous
avons eu sous les.yeux, hier soir, pondant
trois heures, au Cirque d'hiver? M. le
comte de Muny devg.it parler sur l'ensei
gnement congréganisle, et dès huit heures,
toutes les places étaient envahies dans le
vaste amphithéâtre. Quatre mille personnes
au moins étaient là. Au dehors, il en restait
presque autant, qui exprimaient vivement
leur regret de ne pouvoir arriver jusqu'à
l'enceinte déjà, remplio. A celles-là le comité
de l'enseignement doit une revanche pour
reconnaître leur zèle. Avec le concours du
Vaillant orateur catholique, espérons qu'el
les pourront prochainement l'obtenir.
La conférence avait été annoncée pour
huit heures et demie. Précisément à cette
heure on voit entrer M. le duc de la Roehe-
foucauld-Bisaccia, suivi de M. le comte de
Mun et d'un groupe nombreux de sénateurs
et de députés. Lorsqu'ont pris fin les ap
plaudissements qui saluent leur présence,
M. le duc de la Rochcfoucauld-Bisaccia,
président, expose en. quelques mots l'objet
de la réunion. A considérer la multitude
qui se presse dans la salle, qui peut dou
ter, dit-il, que la question de l'enseigne
ment religieux ait remué profondément la
population parisienne, atteinte dans ce
qu'elle a de plus cher : l'âme de ses enfants ?
Vivement applaudi à plusieurs reprises, M.'
le duc de la Rochefoucauld termine en don
nant la parole à M. le comte A. de Mûri,
qu'accueille à son tour une double salve
d'applaudissements.
Ici, force nous est de renoncer à tout
compte rendu. Nous sommes assez heu
reux' pour commencer dps aujourd'hui la
reproduction complète de l'incomparable
discours prononcé par l'ancien député de
Pontivv. Mais si ceux qui le liront peu
vent deviner à peu près quel effet il a dû
produire, comment rendre l'enthousiasme
et l'émotion de ceux qui ont pu l'entendre !
Certes, il nous a été donné d'admirer sou
vent l'éloquence du vaillant orateur catholi
que, mais jamais, il faut, le dire, nous ne
l'avions vu, soutenu par un tel souffle,
monter à de telles hauteurs. Et que dire du
geste, de la voix, du regard qui, à mesure
qu'il dénonçait et fléLrissait les attentats de
la persécution, à mesure aussi qu'il racon
tait et glorifiait les œuvres de l'Eglise dans
l'éducation, arrachaient au public des ex
plosions d'enthousiasme ou d'indignation?
A chaque instant des bravos, des applau
dissements, des cris de Vivent les frères !
arrêtaient l'orateur, qui reprenait pour pro
voquer presque aussitôt;les mêmes frémis
sements. Quand il a parlé du vénérable la
Salle, quand il a évoqué la grande et belle
figure du F. Philippe, quand il a montré le
crucifix inspirant et pouvant seul inspirer
•le dévouement, dont les hommes du pou
voir aujourd'hui ne veulent plus, les accla
mations se transformaient en une immense
rumeur qui, .par les portes ouvertes de la
salle, devait porterau loin sur les boule
vards les échos de cette admirable mani
festation.
Qu'ajouter encore? A onze heures, quand
l'orateur, dans une péroraison magnifique,
après avoir pris tout l'auditoire à témoin,
s'écriait : « Nous sommes la conscience
publique, et nous ne nous tairons pas! »> ce
sont des milliers do voix qui ont répondu
à son appel; et quand, tout entière debout,
l'assistance a été interpellée par M. le
duc de la Rochefoucauld pour savoir si elle
adhérait à la Çprmule de protestation dont
il venait de donner lecture, c'est par un
immense cri qu'il lui a été répondu: « Tous/
tous ! oui, tous nous sommes avec vous ! »
Nous nous trompons.- Sur ces quatre
mille personnes, une seule main s'est levée
à la contre-épreuve. 11 était bon de le con
stater, et M. le président en a pris acte de
vant l'assistance, dont cet isolé n'a fait
ainsi que proclamer l'unanimité. Cela fait
on entend une voix qui s'adresse à M. le duc
de la Rochefoucauld-Bisaccia : « Monsieur
le président, s'écrie l'auditeur avec force, au
nom de tous les pères de familles, donnez la
main, je vous prie, à M. de Mun, pour le
remercier de son généreux ot éloquent dis
cours. » Des applaudissements éclatent
Oui] oui ! vous avez, raison ! s'écrie-t-on de
toute part, et pendant que M. le duc de la
Rochefoucauld, s'avançant vers M. de
Mun, lui presse les deux mains dans une
étreinte énergique, toute l'assemblée se
lève, une double salve d'applaudissements
se fait entendre et un seul cri qui clôt cette
magnifique séance : Vive M. de Mun !
A uguste R oussel.
On nous écrit de Versailles (Sénat),
le 10 juillet :
Le Sénat républicain continue à prendre
des mesures de précaution contre le curé
des commissions hospitalières. Ce curé est
dangereux et encombrant. Il gêne, à n'en
pas douter, le progrès des> institutions ré
publicaines et l'essor de la charité libre-
penseuse. Que sa présence soit nécessaire
aux pauvres, aux malades, peu importe;
un gouvernement républicain n'a pas à s'oc
cuper d'aussi mesquines considérations. Ce
qu'il faut, c'est chasser ce curé: le Sénat l'a
supprimé aujourd'hui en première lecture,
et la seconde ne tardera guère.
L'opération ne s'est pas laite sans débats.
L'honorable M. Chesnelong a parlé deux
fois encore, malgré ses dgux .discours de la
dernière séance ; il proposait un article ad
ditionnel appelant dans les commissions ad
ministratives un ecclésiastique désigné par
l'autorité diocésaine. C'était détruire la dis
position du projet la plus chère aux républi
cains. L'orateur ne s'en est pas caché, aussi
a-t-il pris de haut la question, sans se lais
ser arrêter par les grognements et les mur
mures d'une majorité-plus qu'intolérante. .
Il faut l'ignorance et la haine anti-reli
gieuse de nos majorités parlementaires ac
tuelles, pour nier que la présence du clergé
soit' indispensable' dans les commissions
administratives. .Car, enfin, qui, peut con
naître mieux que le curé d'une commune
ses misères et ses malheureux? Le curé est
un véritable trait d'union entre la charité
publique etla charité privée ; il est à la lois,
comme l'a si bien dit M. Chesnelong,
l'homme de Dieu et l'homme du peuple,
c'est donc le peuple que. frappera la loi nou
velle. Quel moyen d'ailleurs de ne pas at
teindre le peuple quand on nie la religion
et ses ministres?
Comme,il avait une cause détestable à
défendre sans péril, le ministère s'est mon
tré dans la personne de M. Martin-Feuillée.
On a oublié sans doute, la présence de ce
député un peu obscur dans les conseils du
gouvernement, où il fait peu de bruit, mais
il n'en est pas moins vrai qu'il est encore;
à l'heure actuelle, sous-secrétaire d'Etat à
l'intérieur. M. Martin-Feuillée a donc es
sayé de répondre à M. Chesnelong; il l'a
fait maladroitement, et, si les votes des
majorités n'étaient pas acquis d'avance, il
eût perdu la partie.
Comment M. Martin-Feuillée, tout sous-
secrétaire de M. Lepèrc qu'il soit, peut-il
considérer comme une réponse des lieux
communs sur l'égalité républicaine? La ré
publique, dit-il, ne veut pas de prjyjlèsrp*
Le mot est un peu gros. .Groîj. a ï t _ on p"^*
qu il s agit de générales ou de pla
ces de sous-secrétaire.d'Etat? Mais accep
tons le mot et 1 hypothèse do cette égalité
chimérique, dont la théorie plaît si fort aux
républicains qu'ils n'en laissent rien voir
dans la pratique. Pourquoi créer un privi
lège en faveur du maire? Mais, puis»»»
privilège il y*, R'pa - ag UQ ^
cle hisser à l'autorité préfecto
rale le droit, le soin de nommer dans les
. commissions des administrateurs agréables
au gouvernement?
La vérité vraie, c'est que le gouvernement
républicain ne veut tolérer nulle part l'om
bre d'une opposition, et qu'en somme il
entend mettre sa main radicale sur les liô :
pitaux, les hospices et les bureaux de bien?
l'aisance.
Qu'est-ce encore que cette théorie qui
consiste à regarder comme biens commu
naux les établissements hospitaliers? Les
dons et les legs des catholiques, qui for
ment la presque totalité du budget consi
dérable de la charité française, doivent-ils
donc être gérés uniquement par les agents
d'une autorité préfectorale dont l'on connaît
assez l'esprit anti-religieux pour savoir
qu'elle ne choisira jamais de curés, quoi
qu'en dise M. le sous-secrétairo d'Etat, et
par des municipalités trop souvent radica
les et libre-penseuses?
— Mais, riposte finement M. Martin-
.Feuillée, il y a quelque part une commune
dont le curé à prélevé sur les ressources
du bureau de bienfaisance les redevances
de plusieurs enfants à l'école congréga
nisle. Voilà un abus intolérable.
S'il s'était agi d'une école laïque, peut-
être M. le sous-secrétaire d'Etat aurait-il
été moins sévère; mais tenons comme légi
times son indignation et les applaudisse
ments de ses amis. Ainsi, c'est parce qu 'un
curé en France s'est mis dans son tort qu'il
faut une loi pour expulser des commissions
tous les autres curés !
M. Robert-Dehault, voyant la situation
compromise par M. Martin-Feuillé, est venu
à la rescousse; il a défendu ce qu'il appelle
les droits de l'administration et le privilège
des maires, « les véritables représentants
du domaine des pauvres. » Du moment que
les maires représentent si bien les intérêts
des pauvres, les curés ne servent à rien.
Ainsi en a décidé la majorité républi
caine.
Le Sénat était en veine de travail; sur
les instances du général Billot, et malgré
de légitimes réclamations, il a voté l'urgence
et la discussion immédiate du projet relatif
au classement du réseau complémentaire
d'intérêt général.
Nous avons eu l'étonnement d'entendre
M. Krantz faire les plus justes critiques du
projet, montrer le péril des immenses chan
tiers qui nécessitent l'appel des ouvriers
étrangers, « ces condottieri de la paix »,
prouver que la multiplicité des chemins de
fer ne constitue pas tout le bonheur des
peuples, même au point de vue commercial,
démolir en un mot la base fragile de ces rê
veries gigantesques et dangereuses qu'on
appelle les projets Freycinet.
Un autre ingénieur républicain, M. Var
roy, s'est précipité à la tribune pour répon
dre à son contradicteur, mais il se faisait
tard et M. Varroy a dû rentrer son dis
cours. On le subira demain.
On nous écrit de Versailles (Cham
bre des députés), le 10 juillet :
Le citoyen Floquet a lu son rapport sur
la loi dite des garanties. Le citoyen Gam
betta, ayant exigé le droit de requérir au
tant de troupes qu'il le voudra, et cela di
rectement, c'est-à-dire sans le consente
ment du ministre de la guerre, la commis
sion s'est hâtée d'obtempérer à cet ordre et
a, en conséquence, demandé l'annulation
de l'article 5 du projet voté par le Sénat, en
vertu duquel le droit de réquisition devait
être subordonné à une entente avec le mi
nistre de la guerre. En demandant cette
grave mesure, le rapporteur Floquet, loin
d'avoir cet air vainqueur qui en fait un des
fantoches les plus achevés de cette Cham
bre, était en proie à un tremblement ner
veux dont il ne pouvait maîtriser les accès.
Mesurait-il les conséquences de son acte,
et prévoyait-il qu'une nouvelle dictature
gambettiste pourrait en sortir, comme la
plante de sa graine ? Je le crois, tant il pa
raissait changé. Mais qu'il en ait eu con
science ou non, le danger n'en existe, pas
moins, et si le Sénat, auquel la loi modifiée
par la majorité sera renvoyée, ne s'oppose
pas. à cette modification, il étendra son pou
voir à toute l'armée et redeviendra, comme
en 1870 à Bordeaux, le véritable ministre
de la guerre.
En entendant la lecture du rapport Flo
quet, nous nous demandions contre qui
cette loi, dite de garanties, pourrait bien j
être dirigée. j
Ce n'est pas contre les conservateurs.
Gambetta les déclare chaque jour impuis
sants, anéantis. Et d'ailleurs, les conserva
teurs, loin de faire des émeutes contre la
société, ii'enfontmême plus contre l'émeute
elle-même.
Ce n'est pas non plus contre le peuple
souverain. Qui donc pourrait faire aux ré
publicains amvé3 l'injure de les supposer
capables de se révolter contre leur souve
rain et de lui servir des balles au lieu des
fêtes promises? Cela ne s'est jamais vu. Et
puis, qu'ont-ils k craindre de ce souverain?
Es>çq que le citoyen Floquet, à la suite de
tous ses confrères, ne nous a pas fait un
portrait des plus riants du nouveau rei?
Est-ce qu'il fut jamais plus doux, plus bé
nigne, plus pacifique, plus docile aux ordres
de ses commis, plus soumis à §e« fcaprices,
plus crédules et plus por^ ^ se payer dé
mots sonopçs et > vivre de promesses?
•^l'jre qui donc alors? Eh! parbleu,
c'est contre les jésuites. On ne s'explique
rait pas autrement la concentration des for
ces militaires dans les mains du citoyen
Gambetta. Du reste, la discussion du rap
port, qui aura lieu dans les premiers jours
de la semaine prochaine, achèvera de lever
tous nos doutes sur ce point.
Ainsi qu'il avait été convenu, la discus
sion générale du budget a été ouverte par
un long discours du citoyen Allain-Targé.
Cet çrateur pâteux et prétentieux aoys a
appris ce que nous savions mieux qufi lui»
c'est-à-dire que la carte à payer cette an
née ne serait pas mince. A la vue des char
ges qui accablent et qui menacent d'écraser
son malheureux peuple souverain, le lieu
tenant et familier du citoyen Gambetta
verse un pleur.de compassion philanthro
pique, et demande avec une insistance
émue le dégrèvement de l'impôt. 11 a un
moyen, lui Allain-Targé, de combler le dé
ficit, c'est d'en revenir à la conversion du
5 0[0, c'est-à-dire d'avoir recours à un ex
pédient que tout condamne, pour ser
vir une politique aux abois et reculer da
quelques jours une échéance que de telles
mesures ne feront que rendre plus terrible
et plus désastreuse.
M. le ministre des finances ne voulant
pas, d'autres diraient ne pouvant pas, tom
ber dans la même faute qu'au commence
ment de l'année, et se refusant à troubler
dans leur paisible existence tous ces bra
ves gens qui alimentent par leur épargna
les sources du crédit et du travail, a dé
claré avec netteté et fermeté qu'il était ré
solu à combattre tous les amendements
ayant trait à.la conversion. :
Le citoyen Allain-Targé a prétendu que
sous tous les gouvernements on' avait de
mandé des dégrèvements et que les gou~
vernements n'y avaient jamais consenti.
C'est une erreur. En 1852, le gouverne
ment effectua un dégrèvement de 17 centi
mes additionnels généraux à l'état fon
cier. '
Que la république en fasse autant!
La Chambre des députés va discuter
demain le projet de loi sur le conseil
d'Etat. Les deux dispositions princi
pales du projet du gouvernement con
sistent, dans l'augmentation du per
sonnel et dans la création d'une sec
tion de législation. Celle-ci, composée
de « jurisconsultes », sera appelée à
préparer les lois civiles et criminel
les, et à concourir ainsi à la besogne
législative des Chambres. Le nombre
des conseillers d'Etat en service ordi
naire sera porté de 22 à 32; celui des
conseillers en service extraordinaire,
de 15 à 18; il y aura 30 maîtres de re
quêtes au lieu de 24 et 36 auditeurs.
C'est de ce conseil d'Etat renouvelé et
accru, moyennant quelques départs et
quelques adjonctions, que le gouver
nement attend une plus grande con
formité d'dpinions et d l aotes avec le
régime actuel ; c'est à lui qu'il compte
déférer la question pendante depuis
Çlus d'un an, et toujours ajournée, des;
ecoles congréganistes, que les préfets
ne cessent pas, en attendant, de fer
mer l'une après l'autre, contre tout
droit.
Quoique le gouvernement trouve des
garanties suffisantes pour sa politique
dans cette transformation du conseil
d'Etat, la gauche veut beaucoup plus.
Sa commission a ajouté au projet mi
nistériel une disposition radicale qui
tend à la dissolution du conseil d'Etat
actuel 'et à la réorganisation complète
de son personnel, au mépris de la
Constitution, des droits acquis et de
l'intérêt public. La gauche veut un
conseil d'Etat à son image, un con
seil d'Etat qui soit sa créature et l'exé
cuteur complaisant de ses volontés.
' Après cette réforme, ses projets se
porteront sur la magistrature, qu'elle
veut également dissoudre pour la re
constituer à sa manière et l'avoir sous
la main.
Il y a là une tendance manifeste de
la majorité républicaine à vouloir tout
absorber en elle. Déjà le pouvoir exé
cutif lui est à peu près soumis; main
tenant elle vise à s'emparer du pouvoir
judiciaire. Quand elle aura réuni dans
ses attributions la réalité des trois pou
voirs, il ne lui restéra plus qu'à en sup
primer le nom et les organes et à s'é
riger en Convention.
Nous recevons de Y Agence Bavas
la communication suivante :
On nous communique la n'ote suivante :
Plusieurs journaux ont donné, comme prove -
nantde source officielle, des renseignements sur
les récoltes et sur l'importance du déficit à com
bler pour nos -approvisionnynents en blé.
Aucune appréciation de ce genre n'a été faite
dans le sein du conseil des ministres, et l'on ne
saurait trop recommander au public de se tenir
en garde contre des bruits de nature à l'induire
en erreur.
En fait, cette communication offi
cieuse, si elle dément que les rensei
gnements signalant le défaut des ré
coltes viennent du gouvernement, se
garde bien de dire que ces renseigne
ments sont erronés.
Son silence sur ce point important
est significatif.
Funérailles du prince impérial,
On nous écrit de Londres :
i
Lonàres,'10 juillet, soir.
Je reviens de Chiskhurst. Dans 'ia petite
église de Sainte-Marie, si petite et si mo
deste que plus d'un village de France ne
s'en contenterait pas, le drame apparaît pro
digieux, saisissant. Le contraste est extra
ordinaire.
Dans la chapelle de, gauche, le tombeau
de celui qui fut empereur des Français. Sur
le granit, ces simples mots :
NAPOLÉON III
R. I. P.
A deux pas, en face du maître-autel, les
tapissiers et epaployés- des pompes funè-
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