Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1879-03-31
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 mars 1879 31 mars 1879
Description : 1879/03/31 (Numéro 4180). 1879/03/31 (Numéro 4180).
Description : Note : erreur de numérotation. Note : erreur de numérotation.
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 31 Mars 1870
PARIS
ïln an. 55 fr. »
Six mois. 23 50
Trois mois • •. • • 15 »
Un Numéro, à Paris. ..... 15 cent.
— Départements. 20 —
SUREAUX
Paris, iO, Rue des Saints-Pères
N* 4180 •»» Édition qïîoadtenni.
Lundi 31 Mars 137Ô
Un an. . .
Six mois..
Trois mois
dép^ti^ents
estr.»
28' 50
45 »
Édition semi -quotidienne
• Un an. 30 fr. -» Six mois, 46 fr. — Trois mois? 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adrets
ANNONCES
MM. a. IAGRANG3, CERF et (?% ô^pîaee de la Bourse
gssssgassssssB*""^
saasssaESBB
deux de nos souscripteurs dont l'abon-
tiemcnt expire le 31 mars sont priés de
le renouveler dès à présent pour, éviter
toute interruption dans la réflSptiou du
journal.
lie meilleur mode de "renouvellement est
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Toute demande de changement d'adresse
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bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
/-
FRANGÉ
M.BIS, 30 M
Y- >
A IIS ,1579 ,... /
LETTRE
de son éminence le
CARDINAL ARCHEVÊQUE de PARIS
de monseigneur '
l'archevêque de larisse, coadjuteur
de paris
et de •nos seigneurs
les ''évêques de meaux, chartres, bl01s,,
versailles, orléans
Aux membres des deux Chambres
au sujet des
PROJETS DE LOI RELATIFS
a la
Réorganisation du Conseil supérieur de Haslruction
et a la
LIBERTÉ Cg iŒŒEST SUPÉRIEUR
• Paris, le â6 mars 1879.
"Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
La. Chambre des députes vient d'être
saisie de-deux projets de loi relatifs à
1 enseignement. L'apparition inatten
due de ces propositions a causé l'émo-
ftion la plus vive, qu'explique trop bien
Mur caractère visiblement contraire à
îa liberté et à la religion. Ge qui aug
mente l'étonnfement et les alarmes,
®' e st .de voir le gouvernement prendre
l 'initiative de ces* projets et provoquer
lui-même le Parlement à des mesures
°ù il es t impossible de ne pas recon
naître une œuvre de parti.
Alors que l'opinion, justement sou
levée, trouve dans la presse périodique
tant de chaleureux interprètes, les re
présentants du pays ne pourront être
surpris d'entendre aussi, sur ce grave
sujet, la voix des évêques. Il ne s'agit
pas ici d'une de ces questions pure-
"ment politiques auxquelles nous nous
sommes fait une loi de rester étran
gers : il s'agit d'intérêts qui touchent
à la conscience religieuse des fidèles
confiés à nos soins. Nous ne pourrions
nous taire sans trahir le devoir de no
tre charge. Nous parlerons donc, avec
le respect dû à ceux, qui sont revêtus
de la puissance législative, mais nous
parlerons avec liberté pour vous faire
part des inquiétudes qui nous oppres
sent.
La loi de 1850, complétée par celle
de 1875, avait fait une œuvre de vraie
liberté. En abolissant le monopole de
l'Etat dans l'enseignement, elle n'a
vait rétabli de privilèges pour per
sonne. Et si les catholiques ont été
presque seuls à user des droits rendus
a tous, cela prouve seulement qu'ils
ont su trouver dans leurs convictions
religieuses le courage de s'imposer les
sacrifices qu'entraîne l'usage de la li
berté.
Aujourd'hui vingt-neuf années de
possession ont fait passer cette liberté
dans les mœurs ; le pays est couvert
des œuvres qu'elle a créées. L ensei
gnement, supérieur, affranchi a son
tour, n'a pas tardé à fournir la preuve
de sa féconde vitalité. Moins de quatre
ans lui ont suffi pour essayer ses for
ces dans des fondations qui n'ont pas
coûté moins de quinze millions, fruit
spontané de la générosité des chré
tiens.
Et c'est après cela qu'une-mesure
violente vient remettre en question
des droits trois fois consacrés par la
loi, par le temps, par le sacrifice! En
vérité, un tel procédé a de quoi sur
prendre de la part de ceux qui repré
sentent la puissance publique d'une
grande nation, car il blesse l'équité et
compromet l'intérêt public.
, L'équité défend de renverser brus
quement l'économie d'une loi si impor
tante, dont l'élaboration lente et pro
gressive remonte à cinquante ans en
arrière, puisque le principe en était
inscrit dans la Charte de 1830. En
voyant ce développement régulier de
la liberté d'enseignement, ceux qui
entraient en jouissance des droits suc
cessivement reconnus, étaient fondés
à croire qu'ils bâtissaient sur un ter
rain solide et qu'aucun péril d'évic
tion ne menaçait dans un avenir pro
chain une possession acquisé au prix
des plus grands sacrifices.
Quant à l'intérêt public, nous le re
garderions comme gravement com-
jromis le jour où il serait prouvé que
es fluctuations politiques, malheureu
sement si fréquentes dans notre pays,
peuvent ébranler les lois fondamehv
tales, st qu'un changement de minis
tère, accident plus commun encore
„o régime. parieméntaire, suffit à
luotiver la violation d'une parole so
lennelle donnée au nom de la France
à des millions'de citoyens.
Ainsi s'explique, avant, toute discus
sion, la répulsion que les .nouveaux
projets de loi ont renpontrée dans l'opi
nion^ Tout le monde a compris, à la
première lecture, que ces projets me
naçaient les intérêts de la liberté, fai
saient rétrograder la législation vers
le monopole, blessaient les droits sacrés
de la conscience-, ruinaient lies fonda
tions de la g-éîiérosité privée et ren
versaient les situations les plus légiti
mement acquises.
Ï1 faut maintenant examiner briève
ment les projets ministériels clans
leurs principales dispositions.
Nous dirons peu de chose du pre
mier, celui qui' tend à reconstituer sur
de nouvelles bases les grands conseils
de l'instruction. Les législateurs de
1850 avaient compris que l'enseigne
ment, devenu libre,- ne pouvait être
administré de la même manière qu'au
temps du monopole. Quand l'Etat était
seul à enseigner, les divers conseils de
l'instruction étaient des juridictions
purement universitaires. Il était logi
que de n'y introduire que des repré
sentants de l'Université dfe l'Éiat, Du
jour où tous les citoyens furent admis
à l'honneur et aux responsabilités de
1 enseignement, il convenait de con
stituer, entre l'Etat, enseignant et les
maîtres libres, une juridiction mixte,
ou toutes les grandes institutions So
ciales seraient représentées^ afin d'en
lever a 1 intervention de la puissance
publique toute apparence de partiali
té. Voila pourquoi, \a magistrature,
I armee, le cq^ ise jj figurent dans
le cone^j supérieur, à côté des fonc-
unnaires de l'Université; car le sen
timent de la justice, celui même des
convenances, ne permettent pas de
donner au corps universitaire seul
l'administration de l'enseignement li
bre. Les autres corps constitués n'in
terviennent pas moins à propos pour
garantir la haute indépendance de ce
conseil, qui est anssi un tribunal. Dès
lors, comment s'étonner que la loi y
ait également réservé une place aux
ministres de la religion? L'Eglise, qui
fut longtemps la seule institutrice des
peuples, pouvait-elle être exclue des
conseils ou se traitent les affaires
de l'instruction ? Les souvenirs du
; passé,, les services rendus à la science
j et aux lettres, la nécessité de l'élément
religieux pour la formation de la jeu-
nesse, appelaient naturellement les
membres du clergé dans cette repré
sentation de toutes les influences so-
•ciales.
C'est contre cette conception émi
nemment juste et sage que le projet
de loi vous propose de réagir. Le nou
veau conseil supérieur, si la loi est
adoptée, compterait cinquante mem
bres. Sur ce nombre, quarante-six ap
partiendraient aux corps enseignants
de l'Etat; quatre membres, seulement
représenteraient l'enseignement libre;
encore ne seraient-ils plus désignés
par le choix de leurs pairs, mais nom
més par le ministre seul. Même exclu
sion au sein des conseils académiques :
là l'enseignement libre ne compterait
j que deux représentants sur plus de
; vingt membres. Les autres corps con-
jstitués, la magistrature, le conseil
|d'Etat, l'armée, l'Eglise seraient abso
lument écartés.
j Avoir relevé ces dispositions du pro
jet, c'est avoir jugé l'œuvre tout en
tière. Les évêques se consoleraient ai
sément d'une exclusion qui leur serait
; commune avec leurs éminents collè
gues de l'ordre judiciaire, administra
tif ou militaire ; mais ils ne pourraient
mue regretter de voir ainsi sacrifier
I I intérêt de la jeunesse et le progrès
ides études à des théories fausses et dé
menties par l'expérience.
Mais le second projet de loi est bien
autrement grave, et mérite de notre
part vn examen plus étendu.
Ce document est intitulé : Projet de
loi relatif à la liberté de /'enseignement
supérieur. Son vrai titre devrait être :
Projet destructif de la liberté de l'en
seignement à tous les degrés.
D'abord il dépouille nos universités,
nos facultés du nom qui affirme leurs
prérogatives. Les questions de nom
sont loin d'être indifférentes. Très
souvent l'opinion se forme d'après les
mots, surtout quand un long usage en
a consacré la signification. Or.le lan
gage, interprète fidèle de coutumes
séculaires, identifie chez nous ces
deux expressions : enseignement supé
rieur et enseignement des facultés. En
dehors des facultés, où se prennent
les inscriptions et où se délivrent les
grades, il n'y a, dans l'appréciation
commune, que des études privées, des
répétitions, des conférences. Sans
doute on peut grouper ensemble ces
éléments de préparation aux examens,
on peut former des écoles libres;
mais le public aura de la peine à les
distinguer de ces cours préparatoires
qu'on pouvait également organiser
sous le régime du monopole.
Par là, l'enseignement supérieur li
bre serait atteint dans sa dignité.
Amoindri et découronné, il n'attirerait
plus à lui les hommes distingués, qui
faisaient déjà preuve de dévouement
en s'associant a des fondations diffici
les. Le recrutement des maîtres serait
tari dans sa source, et le recrutement
des élèves deviendrait plus laborieux
de jour en jour. La situation inférieure
faite à l'école libre humilie l'étudiant
qui la fréquente ; l'instruction obliga
toire dans une école rivale l'inquiète
et le décourage. Enfin la révision an
noncée dans les tarifs deg droits d'exa
men pourrait hier rendre illusoire; si
ces fr-uls étaient augmentés, le béné
fice de l'inscription gratuite.
C'est ainsi que la liberté de l'ensei
gnement supérieur est atteinte par
1 ensemble au ] îoiet s aojlc utie
disposition qui blesse la liberté a tous
I s riepT-i certt^' uufiili ' L-tHë
1 article 7 : « Nul n est admis a parti-
« ciper a renseignement public ou li-
« bre, ni a diriger un établissement
« de quelque ordre que ce, soit, s'il ap
te paftient à une congrégation reli
ef gieiise non autorisée. »
On s'étonne tout d'abord de voir
une disposition aussi grave, dont l'ef
fet serait d'anéantir l'enseignement li
bre aux degrés secondaire et primaire,
introduite, accidentellement dans,une
loi destinée à régir l'enseignement su
périeur.
L'article 7 porte un coup sensible
aux écoles supérieures. Car le jour où
les plus nombreux et les plus floris
sants des collèges libres seraient fer
més -, lë itefctûtemënt des écoles libres
de droit, de médecine, etc., devien
drait à peu près impossible, et nous
retomberions de fait sous le joug du
monopole.
Mais la principale portée de l'article
7 n'esi.jMu&4à^fiU&jioil, être cherchée
d&ns le sort qui serait réservé aux
collèges libres et aux écoles primai
res. Ce n'est plus la loi récente de
1875, c'est la loi de 1850 qui est abro
gée dans ses dispositions les plus es
sentielles.
La loi de. 1850 reconnaissait à tout
Français remplissant certaines condi-
tions°d'âge, de capacité, de moralité,
le droit d'ouvrir un collège ou une
école.. Elle formulait certaines incapa
cités, motivées uniquement par l'in
suffisance ou l'immoralité du maître.
Le projet ministériel introduit une in
capacité nouvelle dont seront frappés
tous les membres dès congrégations
non autorisées. Des citoyens, respecti
vement dignes et capables d'enseigner
la jeunesse, en seront déclarés indi
gnes et incapables, s'ils ont conçu le
dessein de poursuivre ensemble cette
œuvre de dévouement, d'observer une
même forme de vie, de chercher dans
une commune prière le courage
qu'exige cette austère profession, de
placer leur persévérance sous la con
sécration des mêmes serments.
Pour justifier cette innovation atten
tatoire à la liberté, l'auteur du projet
essaye de rattacher son œuvre à la lé
gislation antérieure. « L'article 7, dit
« Y Exposé des motifs, est un des plus
; « importants de la loi nouvelle... Nous
« ne voulons en atténuer ni le carac-
î« tère ni la portée. C'est de propos dé-
« libéré et après mûre réflexion que
« le gouvernement... vous propose de
;« reconnaître et d'appliquer un des
« principes les plus anciens et les plus
■;« constants de notre droit public. »
Ce principe ancien et constant, c'est,
dit-on, l'illégalité de l'existence des
Icongrégations non reconnues.
Ici il faut dissiper toute équivoque.
Les congrégations non reconnues
n'ont pas d'existence légale, c'est-à-
dire que la- loi ne leur confère ni le
caractère de personnes civiles, ni au
cun privilège corporatif distinct des
droits individuels de leurs membres.
S'ensuit-il que ces congrégations
aient une existence illicite aux yeux
de la loi? Cette conclusion est insou
tenable. Si on l'admet, il faut aller
jusqu'à dire que tout ce que la loi ne
sanctionne pas lui est réputé contraire
et mérite d être puni. L'exagération
de cette conséquence suffit à condam
ner le principe d'où elle découle.
Mais il y a plus : ce principe aurait'
pour effet de rendre impossible la re
connaissance légale elle-même ; car
l'Etat ne reconnaît jamais une asso
ciation qui n'a pas commencé d'être.
La raison, pour l'Etat, d'accorder le
privilège de la reconnaissance, ce sont
les services rendus, c'est le caractère
d'utilité publique constaté par une en
quête ou par des témoignages. D'or
dinaire, il faut qu'une association ait
fait ses preuves pendant de longues
années avant d'obtenir de la puissance
publique la faveur qui la consacre.
L'Eglise agit de même à l'égard des
ordres religieux : elle leur impose de
longues épreuves avant de sanction
ner leur existence par l'institution ca
nonique. Ainsi l'exigent la sagesse et
l'intérêt public. La reconnaissance
légale est la récompense d'une" exis
tence de fait qui s'est signalée par des
bienfaits : et ce qui appelle la récom
pense deviendrait le corps du délit?
On ne peut concevoir une plus étrange
confusion d'idées, une plus bizarre
contradiction.
""Ainsi le bon sens repousse l'illéga
lité qu'on reproche aux congrégations
non autorisées. C'est en vain qu'on
prétend appuyer cette théorie sur des
précédents historiques et juridiques :
en matière d'équité, les précédents ne
sont pas tout: ils ne sauraient justifier
ce qui est injuste.
Au reste, les faits qu'on exhume
d'un passé plus ou moins éloigné, se
sont produits dans un monde politique
et social tout à fait différent du no
tre. Cela est évident pour les faits
qu'on emprunte à l'ancien régime ; et
l'on peut s'étonner à bon droit de voir
les admirateurs passionnés de l'es
prit moderne aller chercher dans l'ar
senal des lois antérieures à la Révolu
tion les armes dont Ils «^rvent au
jourd'hui contre la liberté de l'Eglise.
Les ordonnances de 1828 appartien
nent à une, époque plus rapprochée
de nous, iiiaië cjtti ne peut pas davan
tage nous servir ici de niouëîé! J la
liberté d'enseignement n'existait alors
pour personne : les jésuites n'ensei
gnaient qui j ar olerance dans quel-
ques petits séminaires. Le roi leur re
tirait le bêt fîce de ce lu tolérance; la
mesure est. mauvaise et assurément
peu libérale : elle trouva dans le coiï-
seil du monarque d éloquents adver
saires, dont 1 argumen a lion conser
verait aujourd hui toute sa force £1).
Mais au pomt de.vue de la législation
scolaire, des espi it qui 1-1 étaient point
hostiles à l'Eglise croyaient pouvoir
soutenir les ordonnances : il ne le pour
raient plus sous le régime actuel, qui
est celui de la liberté. Les précédents
cessent aoiic d'être un. argument sé
rieux en faveur du projet iriinMériel.-
Si l'article 7 n'a pour lui ni la jus
tice, ni la raison, ou faut-il donc en
chercher la véritable inspiration? Nous
avons la douleur de le constater : c'est
dans les préjugés ët les préventions
injustes contre les associations reli
gieuses.
Les congrégations non reconnues
sont nombreuses en France. L'Etat
ne craint pas d'entrer en relations
avec .elles pour leur confier des misè
res à soulager, des plaies morales à
guérir, ici des enfants vagabonds à
recueillir, là de jeunes détenus à mo
raliser. Il leur a même quelquefois
demandé des évêques. Etnul ne songe
à s'en étonner. Mais dans leur œuvre
principale, qui est l'éducation de la
jeunesse, les ennemis de la religion
affectent de découvrir un péril public;
pour justifier cette hostilité, ils inven
tent des griefs imaginaires et soulè
vent les passions aveugles contre des
hommes qui ne méritent que la re
connaissance.
Ainsi s'explique en particulier l'ar
deur avec laquelle on poursuit la plus
illustre et la plus nombreuse des con
grégations enseignantes, la compa
gnie de Jésus. On lui en veut plus qu'à
toute autre, parce que la liberté d'en
seignement est exercée par elle avec
une puissance incomparable et incon
testée.
Les jésuites ont, depuis trois cents
ans, joué un rôle principal dans l'édu
cation de la jeunesse. Leur influence a
été considérable sur la formation litté
raire des deux siècles précédents. Vol
taire, qui fut leur élève, a su leur ren
dre justice : « J'ai été élevé pendant
« sept ans, disait-il, chez des nommes
« qui se donnent des peines gratuites
<( et infatigables à former l'esprit et le
« cœur de la jeuneose... Rien n'effa
ce cera dans mon cœur la mémoire du
« P. Porée... Jamais homme ne rendit
« l'étude et la vertu plus aimables...,
« etc. » Mais, avec les sciences et la
littérature, ils enseignent l'amour de
la religion, le respect des parents et
de l'autorité; ils forment des élèves
dont l'influence chrétienne s'exerce
dans tous les rangs de la sdciété ; et
cette influence leur est reprochée com
me un empiétement intolérable. Pour
les discréditer, tous les moyens sont
bons ; on reproduit des calomnies su
rannées dont il a été fait cent fois jus
tice; on invoque même d'anciennes
controverses qui ont agité et passionné
nos pères, sans vouloir remarquer que
ces luttes avaient le plus souvent leur
origine dans des discussions de l'or
dre. théologique qui n'ont plus de rai
son d'être. Et parce que cette illustre
compagnie, répandue dans tout l'uni
vers, toujours prête aux entreprises du
zèle et aux périls des missions loin
taines, a besoin de se rallier autour
d'un supérieur unique, qui réside d'or
dinaire auprès du Saint-Siège, on re
présente les jésuitès français comme
les membres d'une milice étrangère,
dont l'esprit et les tendances sont une
menace pour la patrie.
Ne s'aperçoit-on pas que les jésuites
ne sont pas seuls atteints par ces
odieuses et absurdes accusations? Est-
ce que nous, évêques et prêtres, nous
cessons d'être Français parce, que nous
reconnaissons pour notre chef, dans
l'ordre religieux, le souverain Pontife,
dont le siège est à Rome ? Est-ce que
cette autorité spirituelle a jamais im
posé la moindre contrainte à nos sen
timents patriotiques? La France sait
qu'il n'en est rien; elle sait qu'elle
(1) Voici ce que Mgr Frayssinous disait au roi
Charles X, au moment où l'on discutait les ordon
nances de 1 828, avant leur publication : « M. Por-
talis, Sire, regarde l'existence actuelle des jésui
tes comme illégale ; moi, je professe l'opinion
contraire. A mes yeux, les jésuites d'aujourd'hui
ne sont pas ceux d'autrefois. Les anciennes lois
ne leur sont pas applicables. Mon opinion, que
j'ai soutenue l'an dernier à la Chambre des pairs,
est partagée par de très savants jurisconsultes,
tels que M. Pardessus et M. Delvincourt, doyen
de la faculté de droit de Paris. Ce n'est plus
qu'une congrégation d'individus, mettant en com
mun leues intérêts, suivant, parce que cela leur-
plaît, la règle de saint Ignace, soumis à des su
périeurs, mais toujours sous le bon plaisir des
évêques, qui peuvent, à leur gré, admettre ou
repousser, garder ou renvoyer les maîtres et les
chefs d'établissements qui leur sont adressés par
les supérieurs. Il est vrai que les jésuites recon
naissent un supérieur général étranger; mais les
étrangers ont bien au milieu d'eux des prêtres de
Saint-Lazare et des sœurs de Saint-Vincent de
Paul, encore que le supérieur général des uns et
la supérieure générale des autres résident en
France. Ne suffit-il pas ici, pour parer aux in
convénients, de la police et surveillance géné
rale, qui est dans la main de l'autorité ? A force
de raisonnements, ne voudrait-on pas aussi nous
souetraire à la suprématie spirituelle du Pape,
sous prétexte que c'est un supérieur étranger? »
peut comote? sur le dévouement % ab
solu du cîergé, qui ss recrute parmi
ses enfants. Les jésuites français font
paftie de ce clergé national, et la pra
tique des vertes religieuses ne fait qu'a
jouter à l'amour qu'ils portent à leur
pays.
Aussi, personne n'obtiendra des évê
ques qu f ilS' séparent leur cause de celle
des congrégations religieuses. Ces ins
tituts font partie intégrante de la con
stitution de l 'Eglise; jamais, depuis
qu'elle a une existence publique, l'E
glise n'a été privée de leur concours.
C'e'st dans leurs rangs seulement
qu'elle peut recruter, en des propor
tions suffisantes, les auxiliaires dont
elle a besoin pour faire face à une
partie de sa mission.
L'apostolat lointain, l'enseignement
h tous les degrés, la grande prédica
tion, la culture des sciences sacrées
et orofanes, la formation du jeune
clergé, voilà des travaux de première
nécessité, dont les ouvriers se recru-
tëiït principalement dans les ordres
religieux; si ces homaié,?; nouS
apportent une coopération iîliJ s p en ~
sable, avaient besoin d'êitê recoiiîlu»
par l'Etat, le devoir de l'Etat serait de
les reconnaître. Mais ils ne demartr
derit qU'ûrie seule chose, la liberté de
continuer, soUs la garantie du^ droit
commun, leur mission d© dévoue
ment.
Dans les temps de • prospérité, on
les trouve partout où il y a des servi
ces à rendre; et quand viennent les
jours mauvais, on les retrouve encore
préparés au sacrifice.
Tels la France les a vus k l'heure de
nos désastres : tandis que les éiètes
formés par leurs soins tombaient aux
premiers rangs des défenseurs de la
patrie, les religieux se montraient di
gnes d'avoir servi de maîtres à de
jeunes héros; ils étaient à leurs côtéâ
au milieu des combats, soutenant leur
courage et pansant leurs blessures.
Bientôt la guerre civile vint aggra
ver les maux de la guerre étrangère.
Alors qu'une révolte criminelle armait
contre l'ordre public des Français éga
rés, on sait quel fut le sort des domi
nicains, des jésuites, des prêtres de
Picpus et des Missions Etrangères. Les
restes de quinze d'entre eux repesent
au milieu de nous. La cendre de ces
martyrs n'est pas encore refroieie, et
déjà l'on vient proposer aux représen
tants de la nalion des lois de pros
cription contre les frères de ceux qui
ont péri pour la cause du droit et de la
religion.
Aujourd'hui des actes de clémence,
devant lesquels nos cœurs de pasteurs
ne sauraient se fermer, rappellent de
l'exil de nombreux coupables; fau-
dra-t-il que le pardon généreusement
accordé devienne le signal de la per
sécution contre les frères des victi
mes?
Si de telles mesures étaient prises, la
dignité et l'honneur de la France en
seraient atteints. Aucune subtilité de
jurisprudence, ne fera comprendre à
un peuple loyal et généreux qu'on
puissa traiter ainsi des corporations
qui se sont illustrées par leur dévoue
ment, et qui ne demandent qu'à se dé
vouer toujours. Ne se souviendra-t-on
de leurs services que pour créer con
tre eux des incapacités légales et les
exclure de l'enseignement? Car, nous
l'avons déjà dit, c'est bien là qu'il en
faudrait venir. Les incapacités ancien
nes n'ont-pas été seulement obscurcies,
comme dit monsieur le ministre, par
la loi de 1850, elles ont disparu devant
une législation qui, par des progrès
successifs, nous a conduits enfin au
régime de la liberté.
D'ailleurs, en cette circonstance ,
l'opinion s'est prononcée; l'enseigne
ment secondaire libre appartient en
grande partie aux congrégations non
reconnues. Les familles ont manifesté
leurs préférences pour les instituteurs
que l'on voudrait interdire. Dans cette
entreprise, le pouvoir trouverait sur
son chemin une partie notable, nous
pourrions dire la majorité de la nation,
parce qu'il s'agit ici de l'intérêt le plus
élevé, le plus vivace, le plus réfrae-
taire à l'oppression : l'intérêt de la
conscience. L'enfant dans la famille
porte la ressemblance physique de son
père; et le père veut encore imprimer
à son fils sa ressemblance morale.
C'est par l'éducation qu'il entend le
faire à son image. Refuser au père le
libre choix des maîtres qui formeront
son enfant, c'est faire à sa conscience
la plus cruelle et la plus tyrannique
violence.
Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Vous êtes les dépositaires de la plus
grande puissance qui soit.dans la so
ciété civile, la puissance de faire des
lois. Mais vous n'ignorez pas que cette
puissance a été placée dans vos mains
par la volonté nationale, et qu'elle
vous est confiée pour le bien de tous,
pour l'ordre public, pour la paix so
ciale.
Voilà pourquoi nous nous adressons
à vous avec confiance. Vous ne vou
drez pas mettre le pouvoir législatif
au service des passions d'un parti.
Vous représentez dans notre pays
une forme politique nouvelle, qu'on
a annoncée comme la tutrice de toutes
les libertés. Défiez-vous des conseillers
qui voudraient identifier la cause de
ce gouvernement avec celle de leurs
préjugés et de leurs antipathies.
Ceux-là, s'ils obtenaient de vous le
concours nécessaire à l'exécution de
leurs desseins, pourraient faire à la
religion-beaucoup de mal, mais ils en
feraient plus encore au régime qu'ils
croient servir : ils le détourneraient
des voies pacifiques pour le faire ren
trer dans sa tradition historique d in
tolérance et de persécution.
Votre sagesse, messieurs, vous pré
servera de cette faute. Evêques et pas
teurs des âmes, nous en appelons- a
votre justice, à votre prudence, à votre
patriotisme. Nous vous adjurons de
refuser la sanction de vos suffrages à
des propositions législatives que rien
ne justifie et que condamnent d'a
vance la liberté, l'amour' de la paix
publique, les droits acquis, la parole
donnée au nom du pays, la conscience
de tous les hommes religieux. De tels
projets ne pourraient avoir pour avo
cats que ceux qui oseraient vettir
avouer à la tribune française le des
sein d'éteindre en France la religion
catholique, mère de la civilisation et
des vertus sociales.
Pour nous, messieurs, nous ne de
mandons au pays que le droit -de nous
dévouer à ses vrais intérêts : et notre
VCBu I e pl us c h er es ' i de trouver dans
la libéré de notre apostolat le moyen
de travailler à sa prospérité et à sa
grandeur.
Veuillez bien agréer, messieurs les
sénateurs et messieurs les députes,
l'assurance de notre haute considé
ration.
f J. H ipp., cardinal G uibert, archevêque
de Pâris
f F bançois, Archevêque de Larisse, co-
adjuteur de Paris.
■J- A uguste, évêque de Meaux.
•j- L. E ugène, évêque dç Chartres,
f C harles, évêque de Bloisv
f P aul, évêque de Versailles,
f P ierre, évêque d'Orléans.
La bonne mère Pauline
Nous avons noté la mort et les funé
railles de la bonne mère Pauline,
septième Petite-Sœur des Pauvres, dé
cédée il y a huit jours, au lieu de son
travail, dans une maison de sa con
grégation. Nous devons ajouter quel
ques mots sur cette humble et grande
vie, l'une des gloires de la miséricor
dieuse Eglise en notre temps. Nous
avons vu commencer les Petites-Soeurs
des Pauvres, et YLnivers a été l'un
des témoins de la mère Pauline, de
puis le berceau jusqu'à la tombe. Qù'i!
nous soit permis d'y revenir un in
stant ; c'est un glorieux _ fragment
de l'histoire éternelle du christianisme.
Pauline Deniëul naquit le 18 avril
1830. Ses parents étaient de bons ou
vriers pauvres. Ils vivaient du travail
de leurs mains. Son père vint cher
cher de l'ouvrage à Saint-Servan, au
près de Saint-Malo. D'humbles reli
gieuses y tenaient un petit couvent de
l'Adoration, auquel elles avaient atta
ché une école gratuite pour les en
fants pauvres. Denieul y déposa sa.
fille, et bientôt les religieuses, remar
quant la gentillesse et le bon naturel
de l'enfant pauvre, résolurent de la
faire entrer dans leur pauvre maison,
pensant que Dieu payerait bien ce
qu'elle coûterait : Dieu est le père qui
paye toujours. Les parents acceptè
rent , et ce fut fait. Pauline parut
tout de suite un enfant de prédilection.
Elle reçut ayee fruit les soins que
réclamait son indigence et rendit l'a
mour à qui le lui donnait.
A huit ans, elle voulut se confes
ser. Les bonnes religieuses* la condui
sirent au confesseur du couvent. C'é
tait une autre grâce de Dieu.
Ce jeune prêtre était nouveau venu
dans la. maison, dans la ville et dans
le saint ministère. Il rêvait de fonder
une œuvre de charité nouvelle dont il
avait trouvé le plan dans l'Evangile et
dont il s'étonnait de n'être pas
effrayé. Après l'ordination, se rele
vant des, pieds de son évêque, en foute
déjà pour le poste qui venait de lui
être assigné, par hasard à ce qu'il lui
semblait, mais pourtant sans se mé
prendre sur ce hasard, il avait lu le
chapitre VI de saint Jean,- la distribu
tion des pains. En ce moment, il crut
lire et comprendre pour la première
fois.
Le peuple est rassemblé sur les
bords du lac de Tibériade, au nombre
de plus de cinq mille hommes, sans
compter les femmes et les enfants. Ils
ont faim. Jésus regarde cette foule qui
est venue pour le voir. Il dit à Phi
lippe : « Où achèterons-nous le pain
pour donner à manger à tout le mon
de?» Philippe répond : «En eût-on
pour 200 deniers, cela ne suffirait pas
pour que chacun en eût tant soit peu. »
Et André, frère de Simon Pierre, pre
nant la parole, ajoute : « Il y a ici un
petit garçon qui a cinq pains d'orge
et deux poissons, mais qu'est-ce que
cela pour tant de gens?» Jésus, ayant
ainsi constaté les ressources, fait as
seoir la foule sur l'herbe, prend les
cinq pains et les distribue à ceux qui
étaient assis. Il leur donna de même
des deux . poissons autant qu'ils en
voulurent. Après qu'ils furent rassa
siés, il dit aux disciples : « Amassez
les morceaux qui sont restés afin que
rien ne se perde. » Us les ramassent
et emplissent douze corbeilles des mor
ceaux qui étaient restés après que
tous en eurent mangé; et ceux qui
avaient vu le miracle de Jésus di
saient : « C'est vraiment le Prophète
qui doit venir dans le monde. »
C'est là Oe que l'abbé Le Pailleur
PARIS
ïln an. 55 fr. »
Six mois. 23 50
Trois mois • •. • • 15 »
Un Numéro, à Paris. ..... 15 cent.
— Départements. 20 —
SUREAUX
Paris, iO, Rue des Saints-Pères
N* 4180 •»» Édition qïîoadtenni.
Lundi 31 Mars 137Ô
Un an. . .
Six mois..
Trois mois
dép^ti^ents
estr.»
28' 50
45 »
Édition semi -quotidienne
• Un an. 30 fr. -» Six mois, 46 fr. — Trois mois? 8 fr. 50
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adrets
ANNONCES
MM. a. IAGRANG3, CERF et (?% ô^pîaee de la Bourse
gssssgassssssB*""^
saasssaESBB
deux de nos souscripteurs dont l'abon-
tiemcnt expire le 31 mars sont priés de
le renouveler dès à présent pour, éviter
toute interruption dans la réflSptiou du
journal.
lie meilleur mode de "renouvellement est
l'envoi d'un mandat sur la poste ou d'un
«chèque à vue, à l'ordre de l'adminis Ira tour
du journal. Y joindre l'une des dernières
Mandes Les abonnements datent dés 1 er et i§ do
chaque mois.
Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
/-
FRANGÉ
M.BIS, 30 M
Y- >
A IIS ,1579 ,... /
LETTRE
de son éminence le
CARDINAL ARCHEVÊQUE de PARIS
de monseigneur '
l'archevêque de larisse, coadjuteur
de paris
et de •nos seigneurs
les ''évêques de meaux, chartres, bl01s,,
versailles, orléans
Aux membres des deux Chambres
au sujet des
PROJETS DE LOI RELATIFS
a la
Réorganisation du Conseil supérieur de Haslruction
et a la
LIBERTÉ Cg iŒŒEST SUPÉRIEUR
• Paris, le â6 mars 1879.
"Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
La. Chambre des députes vient d'être
saisie de-deux projets de loi relatifs à
1 enseignement. L'apparition inatten
due de ces propositions a causé l'émo-
ftion la plus vive, qu'explique trop bien
Mur caractère visiblement contraire à
îa liberté et à la religion. Ge qui aug
mente l'étonnfement et les alarmes,
®' e st .de voir le gouvernement prendre
l 'initiative de ces* projets et provoquer
lui-même le Parlement à des mesures
°ù il es t impossible de ne pas recon
naître une œuvre de parti.
Alors que l'opinion, justement sou
levée, trouve dans la presse périodique
tant de chaleureux interprètes, les re
présentants du pays ne pourront être
surpris d'entendre aussi, sur ce grave
sujet, la voix des évêques. Il ne s'agit
pas ici d'une de ces questions pure-
"ment politiques auxquelles nous nous
sommes fait une loi de rester étran
gers : il s'agit d'intérêts qui touchent
à la conscience religieuse des fidèles
confiés à nos soins. Nous ne pourrions
nous taire sans trahir le devoir de no
tre charge. Nous parlerons donc, avec
le respect dû à ceux, qui sont revêtus
de la puissance législative, mais nous
parlerons avec liberté pour vous faire
part des inquiétudes qui nous oppres
sent.
La loi de 1850, complétée par celle
de 1875, avait fait une œuvre de vraie
liberté. En abolissant le monopole de
l'Etat dans l'enseignement, elle n'a
vait rétabli de privilèges pour per
sonne. Et si les catholiques ont été
presque seuls à user des droits rendus
a tous, cela prouve seulement qu'ils
ont su trouver dans leurs convictions
religieuses le courage de s'imposer les
sacrifices qu'entraîne l'usage de la li
berté.
Aujourd'hui vingt-neuf années de
possession ont fait passer cette liberté
dans les mœurs ; le pays est couvert
des œuvres qu'elle a créées. L ensei
gnement, supérieur, affranchi a son
tour, n'a pas tardé à fournir la preuve
de sa féconde vitalité. Moins de quatre
ans lui ont suffi pour essayer ses for
ces dans des fondations qui n'ont pas
coûté moins de quinze millions, fruit
spontané de la générosité des chré
tiens.
Et c'est après cela qu'une-mesure
violente vient remettre en question
des droits trois fois consacrés par la
loi, par le temps, par le sacrifice! En
vérité, un tel procédé a de quoi sur
prendre de la part de ceux qui repré
sentent la puissance publique d'une
grande nation, car il blesse l'équité et
compromet l'intérêt public.
, L'équité défend de renverser brus
quement l'économie d'une loi si impor
tante, dont l'élaboration lente et pro
gressive remonte à cinquante ans en
arrière, puisque le principe en était
inscrit dans la Charte de 1830. En
voyant ce développement régulier de
la liberté d'enseignement, ceux qui
entraient en jouissance des droits suc
cessivement reconnus, étaient fondés
à croire qu'ils bâtissaient sur un ter
rain solide et qu'aucun péril d'évic
tion ne menaçait dans un avenir pro
chain une possession acquisé au prix
des plus grands sacrifices.
Quant à l'intérêt public, nous le re
garderions comme gravement com-
jromis le jour où il serait prouvé que
es fluctuations politiques, malheureu
sement si fréquentes dans notre pays,
peuvent ébranler les lois fondamehv
tales, st qu'un changement de minis
tère, accident plus commun encore
„o régime. parieméntaire, suffit à
luotiver la violation d'une parole so
lennelle donnée au nom de la France
à des millions'de citoyens.
Ainsi s'explique, avant, toute discus
sion, la répulsion que les .nouveaux
projets de loi ont renpontrée dans l'opi
nion^ Tout le monde a compris, à la
première lecture, que ces projets me
naçaient les intérêts de la liberté, fai
saient rétrograder la législation vers
le monopole, blessaient les droits sacrés
de la conscience-, ruinaient lies fonda
tions de la g-éîiérosité privée et ren
versaient les situations les plus légiti
mement acquises.
Ï1 faut maintenant examiner briève
ment les projets ministériels clans
leurs principales dispositions.
Nous dirons peu de chose du pre
mier, celui qui' tend à reconstituer sur
de nouvelles bases les grands conseils
de l'instruction. Les législateurs de
1850 avaient compris que l'enseigne
ment, devenu libre,- ne pouvait être
administré de la même manière qu'au
temps du monopole. Quand l'Etat était
seul à enseigner, les divers conseils de
l'instruction étaient des juridictions
purement universitaires. Il était logi
que de n'y introduire que des repré
sentants de l'Université dfe l'Éiat, Du
jour où tous les citoyens furent admis
à l'honneur et aux responsabilités de
1 enseignement, il convenait de con
stituer, entre l'Etat, enseignant et les
maîtres libres, une juridiction mixte,
ou toutes les grandes institutions So
ciales seraient représentées^ afin d'en
lever a 1 intervention de la puissance
publique toute apparence de partiali
té. Voila pourquoi, \a magistrature,
I armee, le cq^ ise jj figurent dans
le cone^j supérieur, à côté des fonc-
unnaires de l'Université; car le sen
timent de la justice, celui même des
convenances, ne permettent pas de
donner au corps universitaire seul
l'administration de l'enseignement li
bre. Les autres corps constitués n'in
terviennent pas moins à propos pour
garantir la haute indépendance de ce
conseil, qui est anssi un tribunal. Dès
lors, comment s'étonner que la loi y
ait également réservé une place aux
ministres de la religion? L'Eglise, qui
fut longtemps la seule institutrice des
peuples, pouvait-elle être exclue des
conseils ou se traitent les affaires
de l'instruction ? Les souvenirs du
; passé,, les services rendus à la science
j et aux lettres, la nécessité de l'élément
religieux pour la formation de la jeu-
nesse, appelaient naturellement les
membres du clergé dans cette repré
sentation de toutes les influences so-
•ciales.
C'est contre cette conception émi
nemment juste et sage que le projet
de loi vous propose de réagir. Le nou
veau conseil supérieur, si la loi est
adoptée, compterait cinquante mem
bres. Sur ce nombre, quarante-six ap
partiendraient aux corps enseignants
de l'Etat; quatre membres, seulement
représenteraient l'enseignement libre;
encore ne seraient-ils plus désignés
par le choix de leurs pairs, mais nom
més par le ministre seul. Même exclu
sion au sein des conseils académiques :
là l'enseignement libre ne compterait
j que deux représentants sur plus de
; vingt membres. Les autres corps con-
jstitués, la magistrature, le conseil
|d'Etat, l'armée, l'Eglise seraient abso
lument écartés.
j Avoir relevé ces dispositions du pro
jet, c'est avoir jugé l'œuvre tout en
tière. Les évêques se consoleraient ai
sément d'une exclusion qui leur serait
; commune avec leurs éminents collè
gues de l'ordre judiciaire, administra
tif ou militaire ; mais ils ne pourraient
mue regretter de voir ainsi sacrifier
I I intérêt de la jeunesse et le progrès
ides études à des théories fausses et dé
menties par l'expérience.
Mais le second projet de loi est bien
autrement grave, et mérite de notre
part vn examen plus étendu.
Ce document est intitulé : Projet de
loi relatif à la liberté de /'enseignement
supérieur. Son vrai titre devrait être :
Projet destructif de la liberté de l'en
seignement à tous les degrés.
D'abord il dépouille nos universités,
nos facultés du nom qui affirme leurs
prérogatives. Les questions de nom
sont loin d'être indifférentes. Très
souvent l'opinion se forme d'après les
mots, surtout quand un long usage en
a consacré la signification. Or.le lan
gage, interprète fidèle de coutumes
séculaires, identifie chez nous ces
deux expressions : enseignement supé
rieur et enseignement des facultés. En
dehors des facultés, où se prennent
les inscriptions et où se délivrent les
grades, il n'y a, dans l'appréciation
commune, que des études privées, des
répétitions, des conférences. Sans
doute on peut grouper ensemble ces
éléments de préparation aux examens,
on peut former des écoles libres;
mais le public aura de la peine à les
distinguer de ces cours préparatoires
qu'on pouvait également organiser
sous le régime du monopole.
Par là, l'enseignement supérieur li
bre serait atteint dans sa dignité.
Amoindri et découronné, il n'attirerait
plus à lui les hommes distingués, qui
faisaient déjà preuve de dévouement
en s'associant a des fondations diffici
les. Le recrutement des maîtres serait
tari dans sa source, et le recrutement
des élèves deviendrait plus laborieux
de jour en jour. La situation inférieure
faite à l'école libre humilie l'étudiant
qui la fréquente ; l'instruction obliga
toire dans une école rivale l'inquiète
et le décourage. Enfin la révision an
noncée dans les tarifs deg droits d'exa
men pourrait hier rendre illusoire; si
ces fr-uls étaient augmentés, le béné
fice de l'inscription gratuite.
C'est ainsi que la liberté de l'ensei
gnement supérieur est atteinte par
1 ensemble au ] îoiet s aojlc utie
disposition qui blesse la liberté a tous
I s riepT-i certt^' uufiili ' L-tHë
1 article 7 : « Nul n est admis a parti-
« ciper a renseignement public ou li-
« bre, ni a diriger un établissement
« de quelque ordre que ce, soit, s'il ap
te paftient à une congrégation reli
ef gieiise non autorisée. »
On s'étonne tout d'abord de voir
une disposition aussi grave, dont l'ef
fet serait d'anéantir l'enseignement li
bre aux degrés secondaire et primaire,
introduite, accidentellement dans,une
loi destinée à régir l'enseignement su
périeur.
L'article 7 porte un coup sensible
aux écoles supérieures. Car le jour où
les plus nombreux et les plus floris
sants des collèges libres seraient fer
més -, lë itefctûtemënt des écoles libres
de droit, de médecine, etc., devien
drait à peu près impossible, et nous
retomberions de fait sous le joug du
monopole.
Mais la principale portée de l'article
7 n'esi.jMu&4à^fiU&jioil, être cherchée
d&ns le sort qui serait réservé aux
collèges libres et aux écoles primai
res. Ce n'est plus la loi récente de
1875, c'est la loi de 1850 qui est abro
gée dans ses dispositions les plus es
sentielles.
La loi de. 1850 reconnaissait à tout
Français remplissant certaines condi-
tions°d'âge, de capacité, de moralité,
le droit d'ouvrir un collège ou une
école.. Elle formulait certaines incapa
cités, motivées uniquement par l'in
suffisance ou l'immoralité du maître.
Le projet ministériel introduit une in
capacité nouvelle dont seront frappés
tous les membres dès congrégations
non autorisées. Des citoyens, respecti
vement dignes et capables d'enseigner
la jeunesse, en seront déclarés indi
gnes et incapables, s'ils ont conçu le
dessein de poursuivre ensemble cette
œuvre de dévouement, d'observer une
même forme de vie, de chercher dans
une commune prière le courage
qu'exige cette austère profession, de
placer leur persévérance sous la con
sécration des mêmes serments.
Pour justifier cette innovation atten
tatoire à la liberté, l'auteur du projet
essaye de rattacher son œuvre à la lé
gislation antérieure. « L'article 7, dit
« Y Exposé des motifs, est un des plus
; « importants de la loi nouvelle... Nous
« ne voulons en atténuer ni le carac-
î« tère ni la portée. C'est de propos dé-
« libéré et après mûre réflexion que
« le gouvernement... vous propose de
;« reconnaître et d'appliquer un des
« principes les plus anciens et les plus
■;« constants de notre droit public. »
Ce principe ancien et constant, c'est,
dit-on, l'illégalité de l'existence des
Icongrégations non reconnues.
Ici il faut dissiper toute équivoque.
Les congrégations non reconnues
n'ont pas d'existence légale, c'est-à-
dire que la- loi ne leur confère ni le
caractère de personnes civiles, ni au
cun privilège corporatif distinct des
droits individuels de leurs membres.
S'ensuit-il que ces congrégations
aient une existence illicite aux yeux
de la loi? Cette conclusion est insou
tenable. Si on l'admet, il faut aller
jusqu'à dire que tout ce que la loi ne
sanctionne pas lui est réputé contraire
et mérite d être puni. L'exagération
de cette conséquence suffit à condam
ner le principe d'où elle découle.
Mais il y a plus : ce principe aurait'
pour effet de rendre impossible la re
connaissance légale elle-même ; car
l'Etat ne reconnaît jamais une asso
ciation qui n'a pas commencé d'être.
La raison, pour l'Etat, d'accorder le
privilège de la reconnaissance, ce sont
les services rendus, c'est le caractère
d'utilité publique constaté par une en
quête ou par des témoignages. D'or
dinaire, il faut qu'une association ait
fait ses preuves pendant de longues
années avant d'obtenir de la puissance
publique la faveur qui la consacre.
L'Eglise agit de même à l'égard des
ordres religieux : elle leur impose de
longues épreuves avant de sanction
ner leur existence par l'institution ca
nonique. Ainsi l'exigent la sagesse et
l'intérêt public. La reconnaissance
légale est la récompense d'une" exis
tence de fait qui s'est signalée par des
bienfaits : et ce qui appelle la récom
pense deviendrait le corps du délit?
On ne peut concevoir une plus étrange
confusion d'idées, une plus bizarre
contradiction.
""Ainsi le bon sens repousse l'illéga
lité qu'on reproche aux congrégations
non autorisées. C'est en vain qu'on
prétend appuyer cette théorie sur des
précédents historiques et juridiques :
en matière d'équité, les précédents ne
sont pas tout: ils ne sauraient justifier
ce qui est injuste.
Au reste, les faits qu'on exhume
d'un passé plus ou moins éloigné, se
sont produits dans un monde politique
et social tout à fait différent du no
tre. Cela est évident pour les faits
qu'on emprunte à l'ancien régime ; et
l'on peut s'étonner à bon droit de voir
les admirateurs passionnés de l'es
prit moderne aller chercher dans l'ar
senal des lois antérieures à la Révolu
tion les armes dont Ils «^rvent au
jourd'hui contre la liberté de l'Eglise.
Les ordonnances de 1828 appartien
nent à une, époque plus rapprochée
de nous, iiiaië cjtti ne peut pas davan
tage nous servir ici de niouëîé! J la
liberté d'enseignement n'existait alors
pour personne : les jésuites n'ensei
gnaient qui j ar olerance dans quel-
ques petits séminaires. Le roi leur re
tirait le bêt fîce de ce lu tolérance; la
mesure est. mauvaise et assurément
peu libérale : elle trouva dans le coiï-
seil du monarque d éloquents adver
saires, dont 1 argumen a lion conser
verait aujourd hui toute sa force £1).
Mais au pomt de.vue de la législation
scolaire, des espi it qui 1-1 étaient point
hostiles à l'Eglise croyaient pouvoir
soutenir les ordonnances : il ne le pour
raient plus sous le régime actuel, qui
est celui de la liberté. Les précédents
cessent aoiic d'être un. argument sé
rieux en faveur du projet iriinMériel.-
Si l'article 7 n'a pour lui ni la jus
tice, ni la raison, ou faut-il donc en
chercher la véritable inspiration? Nous
avons la douleur de le constater : c'est
dans les préjugés ët les préventions
injustes contre les associations reli
gieuses.
Les congrégations non reconnues
sont nombreuses en France. L'Etat
ne craint pas d'entrer en relations
avec .elles pour leur confier des misè
res à soulager, des plaies morales à
guérir, ici des enfants vagabonds à
recueillir, là de jeunes détenus à mo
raliser. Il leur a même quelquefois
demandé des évêques. Etnul ne songe
à s'en étonner. Mais dans leur œuvre
principale, qui est l'éducation de la
jeunesse, les ennemis de la religion
affectent de découvrir un péril public;
pour justifier cette hostilité, ils inven
tent des griefs imaginaires et soulè
vent les passions aveugles contre des
hommes qui ne méritent que la re
connaissance.
Ainsi s'explique en particulier l'ar
deur avec laquelle on poursuit la plus
illustre et la plus nombreuse des con
grégations enseignantes, la compa
gnie de Jésus. On lui en veut plus qu'à
toute autre, parce que la liberté d'en
seignement est exercée par elle avec
une puissance incomparable et incon
testée.
Les jésuites ont, depuis trois cents
ans, joué un rôle principal dans l'édu
cation de la jeunesse. Leur influence a
été considérable sur la formation litté
raire des deux siècles précédents. Vol
taire, qui fut leur élève, a su leur ren
dre justice : « J'ai été élevé pendant
« sept ans, disait-il, chez des nommes
« qui se donnent des peines gratuites
<( et infatigables à former l'esprit et le
« cœur de la jeuneose... Rien n'effa
ce cera dans mon cœur la mémoire du
« P. Porée... Jamais homme ne rendit
« l'étude et la vertu plus aimables...,
« etc. » Mais, avec les sciences et la
littérature, ils enseignent l'amour de
la religion, le respect des parents et
de l'autorité; ils forment des élèves
dont l'influence chrétienne s'exerce
dans tous les rangs de la sdciété ; et
cette influence leur est reprochée com
me un empiétement intolérable. Pour
les discréditer, tous les moyens sont
bons ; on reproduit des calomnies su
rannées dont il a été fait cent fois jus
tice; on invoque même d'anciennes
controverses qui ont agité et passionné
nos pères, sans vouloir remarquer que
ces luttes avaient le plus souvent leur
origine dans des discussions de l'or
dre. théologique qui n'ont plus de rai
son d'être. Et parce que cette illustre
compagnie, répandue dans tout l'uni
vers, toujours prête aux entreprises du
zèle et aux périls des missions loin
taines, a besoin de se rallier autour
d'un supérieur unique, qui réside d'or
dinaire auprès du Saint-Siège, on re
présente les jésuitès français comme
les membres d'une milice étrangère,
dont l'esprit et les tendances sont une
menace pour la patrie.
Ne s'aperçoit-on pas que les jésuites
ne sont pas seuls atteints par ces
odieuses et absurdes accusations? Est-
ce que nous, évêques et prêtres, nous
cessons d'être Français parce, que nous
reconnaissons pour notre chef, dans
l'ordre religieux, le souverain Pontife,
dont le siège est à Rome ? Est-ce que
cette autorité spirituelle a jamais im
posé la moindre contrainte à nos sen
timents patriotiques? La France sait
qu'il n'en est rien; elle sait qu'elle
(1) Voici ce que Mgr Frayssinous disait au roi
Charles X, au moment où l'on discutait les ordon
nances de 1 828, avant leur publication : « M. Por-
talis, Sire, regarde l'existence actuelle des jésui
tes comme illégale ; moi, je professe l'opinion
contraire. A mes yeux, les jésuites d'aujourd'hui
ne sont pas ceux d'autrefois. Les anciennes lois
ne leur sont pas applicables. Mon opinion, que
j'ai soutenue l'an dernier à la Chambre des pairs,
est partagée par de très savants jurisconsultes,
tels que M. Pardessus et M. Delvincourt, doyen
de la faculté de droit de Paris. Ce n'est plus
qu'une congrégation d'individus, mettant en com
mun leues intérêts, suivant, parce que cela leur-
plaît, la règle de saint Ignace, soumis à des su
périeurs, mais toujours sous le bon plaisir des
évêques, qui peuvent, à leur gré, admettre ou
repousser, garder ou renvoyer les maîtres et les
chefs d'établissements qui leur sont adressés par
les supérieurs. Il est vrai que les jésuites recon
naissent un supérieur général étranger; mais les
étrangers ont bien au milieu d'eux des prêtres de
Saint-Lazare et des sœurs de Saint-Vincent de
Paul, encore que le supérieur général des uns et
la supérieure générale des autres résident en
France. Ne suffit-il pas ici, pour parer aux in
convénients, de la police et surveillance géné
rale, qui est dans la main de l'autorité ? A force
de raisonnements, ne voudrait-on pas aussi nous
souetraire à la suprématie spirituelle du Pape,
sous prétexte que c'est un supérieur étranger? »
peut comote? sur le dévouement % ab
solu du cîergé, qui ss recrute parmi
ses enfants. Les jésuites français font
paftie de ce clergé national, et la pra
tique des vertes religieuses ne fait qu'a
jouter à l'amour qu'ils portent à leur
pays.
Aussi, personne n'obtiendra des évê
ques qu f ilS' séparent leur cause de celle
des congrégations religieuses. Ces ins
tituts font partie intégrante de la con
stitution de l 'Eglise; jamais, depuis
qu'elle a une existence publique, l'E
glise n'a été privée de leur concours.
C'e'st dans leurs rangs seulement
qu'elle peut recruter, en des propor
tions suffisantes, les auxiliaires dont
elle a besoin pour faire face à une
partie de sa mission.
L'apostolat lointain, l'enseignement
h tous les degrés, la grande prédica
tion, la culture des sciences sacrées
et orofanes, la formation du jeune
clergé, voilà des travaux de première
nécessité, dont les ouvriers se recru-
tëiït principalement dans les ordres
religieux; si ces homaié,?; nouS
apportent une coopération iîliJ s p en ~
sable, avaient besoin d'êitê recoiiîlu»
par l'Etat, le devoir de l'Etat serait de
les reconnaître. Mais ils ne demartr
derit qU'ûrie seule chose, la liberté de
continuer, soUs la garantie du^ droit
commun, leur mission d© dévoue
ment.
Dans les temps de • prospérité, on
les trouve partout où il y a des servi
ces à rendre; et quand viennent les
jours mauvais, on les retrouve encore
préparés au sacrifice.
Tels la France les a vus k l'heure de
nos désastres : tandis que les éiètes
formés par leurs soins tombaient aux
premiers rangs des défenseurs de la
patrie, les religieux se montraient di
gnes d'avoir servi de maîtres à de
jeunes héros; ils étaient à leurs côtéâ
au milieu des combats, soutenant leur
courage et pansant leurs blessures.
Bientôt la guerre civile vint aggra
ver les maux de la guerre étrangère.
Alors qu'une révolte criminelle armait
contre l'ordre public des Français éga
rés, on sait quel fut le sort des domi
nicains, des jésuites, des prêtres de
Picpus et des Missions Etrangères. Les
restes de quinze d'entre eux repesent
au milieu de nous. La cendre de ces
martyrs n'est pas encore refroieie, et
déjà l'on vient proposer aux représen
tants de la nalion des lois de pros
cription contre les frères de ceux qui
ont péri pour la cause du droit et de la
religion.
Aujourd'hui des actes de clémence,
devant lesquels nos cœurs de pasteurs
ne sauraient se fermer, rappellent de
l'exil de nombreux coupables; fau-
dra-t-il que le pardon généreusement
accordé devienne le signal de la per
sécution contre les frères des victi
mes?
Si de telles mesures étaient prises, la
dignité et l'honneur de la France en
seraient atteints. Aucune subtilité de
jurisprudence, ne fera comprendre à
un peuple loyal et généreux qu'on
puissa traiter ainsi des corporations
qui se sont illustrées par leur dévoue
ment, et qui ne demandent qu'à se dé
vouer toujours. Ne se souviendra-t-on
de leurs services que pour créer con
tre eux des incapacités légales et les
exclure de l'enseignement? Car, nous
l'avons déjà dit, c'est bien là qu'il en
faudrait venir. Les incapacités ancien
nes n'ont-pas été seulement obscurcies,
comme dit monsieur le ministre, par
la loi de 1850, elles ont disparu devant
une législation qui, par des progrès
successifs, nous a conduits enfin au
régime de la liberté.
D'ailleurs, en cette circonstance ,
l'opinion s'est prononcée; l'enseigne
ment secondaire libre appartient en
grande partie aux congrégations non
reconnues. Les familles ont manifesté
leurs préférences pour les instituteurs
que l'on voudrait interdire. Dans cette
entreprise, le pouvoir trouverait sur
son chemin une partie notable, nous
pourrions dire la majorité de la nation,
parce qu'il s'agit ici de l'intérêt le plus
élevé, le plus vivace, le plus réfrae-
taire à l'oppression : l'intérêt de la
conscience. L'enfant dans la famille
porte la ressemblance physique de son
père; et le père veut encore imprimer
à son fils sa ressemblance morale.
C'est par l'éducation qu'il entend le
faire à son image. Refuser au père le
libre choix des maîtres qui formeront
son enfant, c'est faire à sa conscience
la plus cruelle et la plus tyrannique
violence.
Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Vous êtes les dépositaires de la plus
grande puissance qui soit.dans la so
ciété civile, la puissance de faire des
lois. Mais vous n'ignorez pas que cette
puissance a été placée dans vos mains
par la volonté nationale, et qu'elle
vous est confiée pour le bien de tous,
pour l'ordre public, pour la paix so
ciale.
Voilà pourquoi nous nous adressons
à vous avec confiance. Vous ne vou
drez pas mettre le pouvoir législatif
au service des passions d'un parti.
Vous représentez dans notre pays
une forme politique nouvelle, qu'on
a annoncée comme la tutrice de toutes
les libertés. Défiez-vous des conseillers
qui voudraient identifier la cause de
ce gouvernement avec celle de leurs
préjugés et de leurs antipathies.
Ceux-là, s'ils obtenaient de vous le
concours nécessaire à l'exécution de
leurs desseins, pourraient faire à la
religion-beaucoup de mal, mais ils en
feraient plus encore au régime qu'ils
croient servir : ils le détourneraient
des voies pacifiques pour le faire ren
trer dans sa tradition historique d in
tolérance et de persécution.
Votre sagesse, messieurs, vous pré
servera de cette faute. Evêques et pas
teurs des âmes, nous en appelons- a
votre justice, à votre prudence, à votre
patriotisme. Nous vous adjurons de
refuser la sanction de vos suffrages à
des propositions législatives que rien
ne justifie et que condamnent d'a
vance la liberté, l'amour' de la paix
publique, les droits acquis, la parole
donnée au nom du pays, la conscience
de tous les hommes religieux. De tels
projets ne pourraient avoir pour avo
cats que ceux qui oseraient vettir
avouer à la tribune française le des
sein d'éteindre en France la religion
catholique, mère de la civilisation et
des vertus sociales.
Pour nous, messieurs, nous ne de
mandons au pays que le droit -de nous
dévouer à ses vrais intérêts : et notre
VCBu I e pl us c h er es ' i de trouver dans
la libéré de notre apostolat le moyen
de travailler à sa prospérité et à sa
grandeur.
Veuillez bien agréer, messieurs les
sénateurs et messieurs les députes,
l'assurance de notre haute considé
ration.
f J. H ipp., cardinal G uibert, archevêque
de Pâris
f F bançois, Archevêque de Larisse, co-
adjuteur de Paris.
■J- A uguste, évêque de Meaux.
•j- L. E ugène, évêque dç Chartres,
f C harles, évêque de Bloisv
f P aul, évêque de Versailles,
f P ierre, évêque d'Orléans.
La bonne mère Pauline
Nous avons noté la mort et les funé
railles de la bonne mère Pauline,
septième Petite-Sœur des Pauvres, dé
cédée il y a huit jours, au lieu de son
travail, dans une maison de sa con
grégation. Nous devons ajouter quel
ques mots sur cette humble et grande
vie, l'une des gloires de la miséricor
dieuse Eglise en notre temps. Nous
avons vu commencer les Petites-Soeurs
des Pauvres, et YLnivers a été l'un
des témoins de la mère Pauline, de
puis le berceau jusqu'à la tombe. Qù'i!
nous soit permis d'y revenir un in
stant ; c'est un glorieux _ fragment
de l'histoire éternelle du christianisme.
Pauline Deniëul naquit le 18 avril
1830. Ses parents étaient de bons ou
vriers pauvres. Ils vivaient du travail
de leurs mains. Son père vint cher
cher de l'ouvrage à Saint-Servan, au
près de Saint-Malo. D'humbles reli
gieuses y tenaient un petit couvent de
l'Adoration, auquel elles avaient atta
ché une école gratuite pour les en
fants pauvres. Denieul y déposa sa.
fille, et bientôt les religieuses, remar
quant la gentillesse et le bon naturel
de l'enfant pauvre, résolurent de la
faire entrer dans leur pauvre maison,
pensant que Dieu payerait bien ce
qu'elle coûterait : Dieu est le père qui
paye toujours. Les parents acceptè
rent , et ce fut fait. Pauline parut
tout de suite un enfant de prédilection.
Elle reçut ayee fruit les soins que
réclamait son indigence et rendit l'a
mour à qui le lui donnait.
A huit ans, elle voulut se confes
ser. Les bonnes religieuses* la condui
sirent au confesseur du couvent. C'é
tait une autre grâce de Dieu.
Ce jeune prêtre était nouveau venu
dans la. maison, dans la ville et dans
le saint ministère. Il rêvait de fonder
une œuvre de charité nouvelle dont il
avait trouvé le plan dans l'Evangile et
dont il s'étonnait de n'être pas
effrayé. Après l'ordination, se rele
vant des, pieds de son évêque, en foute
déjà pour le poste qui venait de lui
être assigné, par hasard à ce qu'il lui
semblait, mais pourtant sans se mé
prendre sur ce hasard, il avait lu le
chapitre VI de saint Jean,- la distribu
tion des pains. En ce moment, il crut
lire et comprendre pour la première
fois.
Le peuple est rassemblé sur les
bords du lac de Tibériade, au nombre
de plus de cinq mille hommes, sans
compter les femmes et les enfants. Ils
ont faim. Jésus regarde cette foule qui
est venue pour le voir. Il dit à Phi
lippe : « Où achèterons-nous le pain
pour donner à manger à tout le mon
de?» Philippe répond : «En eût-on
pour 200 deniers, cela ne suffirait pas
pour que chacun en eût tant soit peu. »
Et André, frère de Simon Pierre, pre
nant la parole, ajoute : « Il y a ici un
petit garçon qui a cinq pains d'orge
et deux poissons, mais qu'est-ce que
cela pour tant de gens?» Jésus, ayant
ainsi constaté les ressources, fait as
seoir la foule sur l'herbe, prend les
cinq pains et les distribue à ceux qui
étaient assis. Il leur donna de même
des deux . poissons autant qu'ils en
voulurent. Après qu'ils furent rassa
siés, il dit aux disciples : « Amassez
les morceaux qui sont restés afin que
rien ne se perde. » Us les ramassent
et emplissent douze corbeilles des mor
ceaux qui étaient restés après que
tous en eurent mangé; et ceux qui
avaient vu le miracle de Jésus di
saient : « C'est vraiment le Prophète
qui doit venir dans le monde. »
C'est là Oe que l'abbé Le Pailleur
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