Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1876-04-26
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 avril 1876 26 avril 1876
Description : 1876/04/26 (Numéro 3133). 1876/04/26 (Numéro 3133).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
V//t/ / 4
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Mercredi Ê6 Avril 1876
N s 3133. — Edition quotidienne
Mercredi 26 Avril 1876
PARIS
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FRANCE
PARIS, 25 AVRIL 1876
Ouvriers et patrons
Nous avons déjà parlé d'une confé
rence de M. Çhesson sur les rapports
entre patrons et ouvriers. A cause de
son importance il nous paraît bon d'y
revenir; aussi bien -l'intérêt de la
question n'a pas vieilli. Après une
vive esquisse de la physionomie des
anciens corps de métiers, M, Cb.es-
son a jeté un coup d'œil sur la elasse
agricole au moyen âge. Il y a en France
de vieille date, une conspiration per
sistante contre l'histoire. C'est particu
lièrement à propos de la condition des
gens de nain-morte que la légende ré
volutionnaire a accumulé et ne cesse
pas d'accumuler les inepties, les ca
lomnies, les doléances et les compatis-
sances hypocrites. Inutilement les vieil
les chartes, les chroniques, tous les té
moignages contemporains, toupies do
cuments originaux protestent. Inutile
ment les faits manquent aux détrac
teurs des siècles chrétiens. On fait butin
de tout. Une boutade en l'air d'un écri
vain, quelque anecdote isolée et défi
gurée. quelque sornette imbécile ra
massée on ne sait où par on ne sait qui,
tiennent lieu de faits probants. Le dix-
huitième siècle, épris de l'état de na
ture, a vécu des années sur le sauvage
de l'Aveyron. Maint lettré, maint bour
geois libéral ne supporte pas qu'on ré
voque en doute la misère où étaient
plongés les habitants de la campagne
dans l'ancien régime. A preuve, il vous
mettra sous les yeux le paysan de La-
bruyère.
Le nom de serf, les qualificatifs de
vilains ou de manants, employés dans
une acception méprisante, ont été pu
rement des mensonges du langage.
Ces mots ont dérouté l'opinion, brouillé
et perverti l'histoire, et fait à souhait
le jeu de la Révolution. Les légistes
déshonoraient le droit féodal pour le
mieux détruire. Us avaient tout inté
rêt à abolir les vieilles coutumes et à
leur substituer le droit romain, qu'ils
étaient seuls à connaître et qui, les
rendant les arbitres de tous les inté
rêts, leur livrait par la force des cho
ses toutes les fonctions et toutes les
magistratures. Les avocats ont été la
{jlaie chronique de la société française;
eur travail a préparé de longue main
la Révolution, laquelle n'a été, en 89
et présentement, que la victoire des
avocats. Ils ont faussé la langue et fa
briqué les odieux vocables qui semble
raient marquer d'un signe d'abjection
la classe des cultivateurs au moyen
âge. Serf est le mot servus francisé.
Cette traduction est d'un faussaire; au
cune ne justifie mieux le proverbe ita
lien tradutore traditore. Entre l'escla
vage antique et ce qu'on a si impro
prement appelé le servage de la glèbe,
il y a des distances d'abîme. L'homme
de glèbe était homme libre, jouissant
des droits civils et des droits de fa
mille, propriétaire du domaine utile
de la terre qu'il cultivait.
Comme tout homme libre, il avait
des obligations ; notamment, il était
tenu envers son seigneur de certaines
redevances et d'un certain nombre de
corvées. Ces charges étaient d'une mo
dération qui étonne et créaient à l'hom
me de main-morte une situation très
préférable à celle des fermiers et mé
tayers d'aujourd'hui.L'imagination des
légistes a inventé des adagjes à faire
dresser les cheveux, celui-ci entre au
tre : Entre le vilain et son seigneur, il
ri est nul juge, fors Dieu. Il suffit de par
courir les archives des parlements et
des bailliages ; on y voit en maint en
droit qu'il y avait des juges pour vider
les différends entre les seigneurs et
leurs tenanciers. On y voit que les
paysans du moyen âge plaidaient gail
lardement avec le baron du lieu, qu'ils
plaidaient pour des griefs minimes et,
le plus habituellement, gagnaient leurs
procès. Ce qu'on débite de l'état d'ab
jection des serfs est vrai comme l'his
toire de la Barbe-Bleue. On lit au Livre
des Fiefs lombards que des serfs pou
vaient, comme tous autres, recevoir
l'investiture d'un fief. D'autre part, le
savant abbé Hanauer, dans son inté
ressante Etude sur les paysans de F an
cienne Alsace , nous apprend que des
gentilshommes tenaient à titre de serfs
et mortaillables des terres dépendant
des abbayes. La flétrissure attachée à
la condition serve est simplement une
fable.
En eflet, on cherche ce qu'il pou
vait bien y avoir de dérogeant à pos
séder un domaine sous certaines obli
gations, parfaitement honnêtes et com
patibles avec la dignité humaine. Les
serfs étaient des métayers héréditaires
et perpétuels. Le trait caractéristique
de la tenure en servage était que le te
nancier ne pouvait abandonner la
terre et en délaisser la culture sans
perdre son droit au domaine utile. Sa
condition, à ce point de vue, ne diffé
rait point de la condition du feuda-
taire possesseur d'une • terre noble.
Celui-là aussi, sa vie durant, et après
lui son héritier, devaient servir le fief,
et s'il arrivait qu'il refusât le service
de l'épée ou la foi et l'hommage, le fief
tombait en commise et faisait retour
au seigneur dominant. La terre en
mainmorte était le fief de la charrue,
comme la terre noble le fief de l'épée;
propriété oblige. Cette maxime, oubliée
de nos jours, était la loi de la pro
priété féodale à tous les degrés.
La terre en mainmorte n'était pas
sujette au partage; elle .était possédée
et cultivée indivisément par les tenan
ciers. De là le nom de compaings ou
compaignons donné aux mainmortables
d'un même domaine. Compaignons si
gnifiait gens rompant le même pain,
vivant sous le même toit, mangeant leur
pain ensemblement, comme disent , les
vieilles coutumes. C'était la commu
nauté non les individus qui était censée
propriétaire. Ce système exemptait la
terre en mainmorte du droit de muta
tion par décès. Rien en effet n'était
changé à la mort d'un membre de
l'association;^ la communauté demeu
rait propriétaire comme auparavant;
il n'y avait pas de mutation, partant
pas d'ouverture à un droit quelconque
de succession. Guy Coquille, dans sa
Coutume du Nivernais, et, après lui,
M. Troplong, dans sa savante préface
du Traité des Sociétés, ont décrit les
mœurs patriarcales de ces associations
de cultivateurs, et la paix, le bon or
dre, la rustique abondance qui y ré
glaient. C'est là l'histoire, écrite sur
pièces probantes et faisant justice des
déclamations.
De vivantes et multiples attaches
liaient au sol l'homme des champs et
l'ouvrier des villes à sa corporation.
Partout s'offrait l'aspect de la vie sé
dentaire, avec ses saines influences,
avec la haute moralité et la sécurité
qu'elle comporte. La misère des exis
tences flottantes était inconnue. Les
écrivains révolutionnaires vont répé
tant qu'il n'était nulle part question
du peuple dans l'ancien régime. Effec
tivement, la France était un composé
de corporations et d'associations, ayant
toutes leurs privilèges, leur point
.d'honneur,, leurs traditions, dont elles
étaient fières et qu'elles gardaient
comme un patrimoine. Il n'y avait
réellement pas de peuple, si, par peu
ple j on entend ces sombres multitudes
humaines, sans assiette et sans direc
tion, toujours menaçantes ou mena
cées, toujours prétest se soulever au
premier souffle d'orage.
Le progrès et les révolutions ont dis
sous ces solidarités vigoureuses. La
science ou plutôt des doctrines de con
vention décorées du nom de science,
ont réduit en théorie l'état de 'guerre
entre les classes: Les économistes par
ticulièrement ont été les artisans aetifs,
les vibrions, pourrait-on dire, de ce tra
vail de disjonction et de désassociation
des membres "de la grande famille
chrétienne. Adam Smith a * découvert
qu'il n'y a pas de maîtres et dé servi
teurs, pas de lien moral des uns aux
autres; mais simplement un contrat.
Le travail est une marchandise soumise
comme toute autre à la loi de l'offre et
de la demande. L'ouvrier a exécuté le
travail, le patron a payé le prix conve
nu : tout deux sont quittes et rede
viennent étrangers l'un pour l'autre.
De droit la marchandise travail est
assujettie aux fluctuations de l'offre.
Deux patrons courent après un ou
vrier, a dit M. Ghesson. La marchan
dise est en hausse, l'ouvrier fera la loi.
Deux ouvriers courent après le même
patron : c'est le tour du capital de par
ler en maître; le patron, en toute lé
gitimité, raccourcira le salaire. Que
s'il survient une suspension d'affaires
et que les produits manufacturés sura
bondent, le maître fermera son usine
et, avec une entière quiétude de con
science, jettera ses ouvriers sur le
pavé. Telle est la doctrine ; elle souffle
la haine et la guerre, et elle règne en
souveraine dans l'industrie et dans ce
qu'on appelle la science.
Le salut est dans le retour à la per
manence des engagements.^
Les difficultés sont sérieuses. Ou
tre les paradoxes des économistes, la
vapeur, le perfectionnement et la puis
sance croissante des machines s'oppo
sent au. rétablissement des rapports
de famille entre les ouvriers et les maî
tres. La petite et la moyenne industrie
se prêteraient surtout à la formation
de ces liens durables. La petite et la
moyenne industrie disparaissent de
plus en plus. La vapeur nous a conquis
plutôt que nous ne l'avons conquise.
Autour des gigantesques automates
mus par cet agent vainqueur se grou
pent des centaines, presque des mil
liers d'ouvriers, recrutés au hasard et
au jour le jour, sans attache de cœur,
ou seulement d'habitude, à l'atelier. Le
matériel d'une grande usine surpasse
les proportions des fortunes privées ;
d'ordinaire, il est la propriété d'une so
ciété par, actions. L'ouvrier n'a réelle
ment pas de patron; «il ne peut être
question de lien moral. L'ouvrier n'a
devant lui qu'une société anonyme, un
être de raison, une abstraction sans
humanité et sans entrailles. L'entre
prise de ramener l'industrie aux mœurs
de famille offre des difficultés sans
nombre. Il y faut de la charité, de
l'abnégation, et que les grands in
dustriels se persuadent qu'ils n'ont
pas reçu de la Providence l'uni
que mission de fâire fortune. Plu
sieurs ont abordé la tâche avec dé
vouement et atteint d'admirables ré
sultats. Les initiatives personnelles ont
tout à faire et feront tout dans cette
voie de moralisation et de réconcilia
tion de la classe ouvrière; elles ne ré
clameront nul concours de la loi et de
l'Etat. Toutefois, si les hommes qui se
dévouent ne demandent pas à la loi de
leur venir en aide, au moins seraient-
ils en droit de lui demander de ne pas
leur faire obstacle. La petite et moyenne
industrie sera toujours ce qu'il y a de
plus propice à la moralisation du tra
vail. La petite industrie a pour princi
pal ennemi le code civil, qui partage
implacablement l'atelier à la mort du
chef de maison. La modeste usine à
moteur hydraulique tiendrait encore
devant la concurrence des vastes as
sociations de capitaux. Elle ne peut
tenir contre cet impitoyable article 815
qui dépèce l'héritage à chaque décès.
Toutes les mesures réparatrices se
donnent la main et s'appellent l'une
l'autre. Que le code laisse seulement
la famille se gouverner elle-même et
les chefs de maison faire eux-mêmes
leur testament. A ce prix il redevien
dra possible de fonder œuvre qui dure
et de revenir aux saines traditions du
travail de famille.
• P H . S ERRET.
L'exposé des œuvres de Mgr Lavige-
rie fait à l'assemblée générale des co
mités catholiques par un des mission
naires d'Alger, a déplu à la République
française ; M. Gambetta ne veut pas
que les Arabes deviennent français en
devenant catholiques ; il préfère qu'ils
restent d'iïhplacables ennemis de la
France toujours prêts à se soulever,
dès qu'ils croiront le moment favo
rable.
Un des calomniateurs anonymes qui
opèrent pour le compte de l'ex-dicta-
teur, attaque les œuvres, si françaises
parce = qu'elles sont catholiques, de
Mgr l'archevêque d'Alger. Comme tou
jours, il procède par des mensonges
affirmés hardiment, d'un ton tran
chant comme si. c'étaient des vérités
indiscutables. « Mentez hardiment, »
disait Voltaire ; si ses disciples n'ont
pas hérité de son esprit, au moins ont-
ils su profiter de son conseil.
Attaquer de front l'origine des œu
vres de Mgr Lavigerie, c'était osé,
même pour , un rédacteur de la Répu
blique française , Comment, en effet, in
criminer la conduite d'un archevêque
qui, voyant des milliers d'enfants
abandonnés mourir de faim, les a re
cueillis sans s'inquiéter de la dépense,
comptant sur la charité catholique qui
ne lui a pas fait défaut ? Ni les tribus,
ni les familles ne pouvaient nourrir
les enfants dont quelques-uns servi
rent à d'épouvantables repas; l'admi
nistration était impuissante devant un
désastre qu'elle n'avait pu prévenir et
dont l'intensité et l'étendue dépas
saient toutes les prévisions. Seul Mgr
Lavigerie se dévoua et arracha des
milliers d'enfants à une mort cer
taine.
N'osant attaquer en face cette con
duite si chrétienne, la République fran
çaise se rabat sur «la mendicité sa
vamment organisée; » elle, insinue
qu'il ne faut voir là qu'une « charité
intéressée. » Si « élever et nourrir des
orphelins est une œuvre louable et
utile, » avant d'admirer la charité
épiscopale, il ne faut "pas oublier que
« le but principal et avoué était bien
plutôt de former une milice catholique
destinée à combattre la religion natio
nale, » c'est-à-dire le mahométisme.,
C'est là une odieuse calomnie ; le
« but principal et avoué », le but
unique était de venir au secours de
malheureux enfants qui mouraient de
faim. C'est pour cela que les bourses
des catholiques se sont ouvertes, que
les œuvres se sont fondées. Certaine
ment, la République française ne l'i
gnore pas, car les appels de Mgr La
vigerie sont encore présents à toutes
les mémoires.
Dans la suite, les OEuvres se sont
étendues, Mgr l'archevêque d'Alger ne
pouvait abandonner les « orphelins »
qu'il avait recueillis et dont les famil
les avaient disparu. En grandissait
sous les soins maternels des religieu
ses, les enfants ont été tout naturelle
ment amenés à comparer la charité ca
tholique etl'égoïsme musulman, etbeau-
coup ont demandé le baptême. C'est là ce
qui indigne la République française , et
elle insinue que « dés moyens inqua
lifiables ont été employés pour conver
tir d'autorité les enfants indigènes
que la famine avait mis aux mains
d'une charité intéressée. » C'est un
nouveau mensonge, dont le journal
radical a conscience, car il se garde
bien, et nous lui portons le défi, de
citer un seul de ces « moyens inquali
fiables. »
Il se borne à invoquer l'aucorité du
Réveil; autant invoquer contre l'armée
française l'autorité des Pyat, des Ranc
et des Rochefort, ces insulteurs dé nos
soldats pendant la Commune et
après. Le « prosélytisme, tyrannique »
n'a jamais existé. Les enfants que leurs
parents ont réclamés ont été rendus,
et si le nombre en a été si peu consi
dérable, la faute n'est certainement
pas à l'archevêque. Quant aux « orphe
lins » complètement abandonnés, ils
n'ont été admis au baptême que lorsque
leur âge et leur antécédents permet
taient de croire leur conversion sé
rieuse. Un évêque — M, Gambetta ne
peu l'ignorer — respecte trop le sacre
ment du baptême pour l'administrerde
force ; on ne joue pas ainsi avec les
sacrements dans l'Eglise catholique.
Si, d'ailleurs, il s'était produit un
« prosélytisme tyrannique » ayant re
cours à des « moyens inqualifiables
pour convertir les enfants, » l'admi
nistration française y aurait mis bon
ordre. La République française présente
le gouvernement impérial comme ayant
donné son appui à l'œuvre des orphe-
linate arabes ; c'est encore un men
songe. L'administration française dont
le chef était alors le maréchal de Mac-
Mahon, s'est au contraire, montrée très
hostile, et il a fallu toute la fermeté
de Mgr Lavigerie pour triompher des
obstacles qui lui ont été suscités. C'est
un fait public, dont nous pourrions
apporter de nombreuses preuves à la
République, si elle péchait par igno
rance.
Dans sa haine, le journal de M. Gam
betta va jusqu'à se déclarer partisan
de la propriété indivise, et jusqu'à re
procher à Mgr Lavigerie d'acheter des
terrains aux Arabes. Or, s'il est un re
proche que les feuilles radicales aient
prodigué à l'administration algérienne,
c'est d'avoir trop longtemps respecté
les coutumes arabes, relativement à
l'indivision de la propriété. Faut-il
conclure de cette contradiction que
l'indivision, mauvaise quand il s'agit
d'acquéreurs radicaux, devient respec
table dès que l'acquéreur est un arche
vêque ou simplement un catholique?
Si telle est la pensée de M. Gambetta,
qu'il la formule en projet de loi; peut-
être trouvera-t-il dans cette Chambre,
dont il se targue d'être le maître, une
majorité pour voter, qu'avant d'ac
quérir une propriété arabe, un citoyen
français devra marcher sur la croix.
Mais à quoi bon insister sur ces
odieuses calomnies ? Elles ne méritent
pas la discussion, il suffit de les signa
ler. Seulement il faut reconnaître que la
République française choisit bien son
moment pour exciter les musulmans.
Le général Carteret a été appelé dans
le sud par un soulèvement dont la
cause principale est la prédication d'un
marabout faisant appel à la guerre,
sainte contre les chrétiens. Du reste,
depuis la conquête d'Alger, ce legs
suprême du drapeau blanc, toutes les
révoltes ont été l'œuvre du fanatisme.
Abd-el-Kader lui-même, notre plus
redoutable adversaire, a dû sa puis
sance bien moins à ses éminentes
qualités administratives et militaires
qu'à ses titres de marabout, de thaleb,
de hadji et à sa descendance plus ou
moins authentique du prophète. C'est
pour cela que le maréchal Bugeaud,
qui n'était pas clérical, favorisait,
malgré les tendances du gouverne
ment, la création d'un orphelinat arabe
par le R. P. Brumault.
Aux généraux qui lui disaient avec
un effroi comique que le R. p. Bru
mault était jésuite — c'était à l'épo
que du Juif-Errant d'Eugène Sue, —
il répondait : « Que m'importe ! Au
moins les enfants recueillis par le R.
P. Brumault ne nous tireront pas de
coups de fusil. » Parole de bon sens
qui dépasse, non peut-être l'intelli
gence, mais certainement le patrio
tisme de la République française.
A. Rastoul.
Nous croyons inutile de reproduire
en son texte la lettre de M. Wessélistky,
publiée par le Nord et signalée hier
par le télégraphe. Il suffira de dire que
le signataire, Herzégovinien d'origine
et sujet russe, se défend d'être un-agent
du gouvernement moscovite. Si donc
il s'est abouché avec les chefs insur
gés, c'est, dit-il, en son propre et privé
nom. A la bonne heure ! Mais croit-on
que les insurgés auraient pris garde à
M. Wessélistky, s'il n'avait été qu'un
simple sujet russe, et lui-mêfne, croit-
on qu'il se serait aventuré à nouèr des
négociations ou même à donner des
conseils, s'il n'avait été charge d'au
cune mission ?
Que cette mission n'ait pas été offi
cielle, nous le croyons sans peine, car
cela ne se pouvait en face de l'Eu
rope. Mais que M. Wesselistky fut un
officieux agissant avec l'agrément de
la Russie, cela n'est pas douteux. Au
besoin, son propre témoignage servi
rait à l'établir, car il rappelle qu'après
avoir causé avec les insurgés, il se
rendit en Russie où le prince Gort-
schakoff lui donna, peut-on dire; _de
véritables instructions. Ce sont ces in
structions que M. Wessélistky rap
porta à la Sutorina, et ce qui^ achève
de prouver qu'il jouait un rôle plus
grand que son personnage, c'est que
les chefs insurgés lui remirent alors
une adresse contenant leurs vœux,avec
prière de transmettre cet acte aux
grandes puissances et à la Porte.
M. Wessélistky ne conteste rien de
tout cela; mais alors il confesse tout
ce qu'il voulait indirectement nier. Il
est clair,' en effet, qu'un particulier,
quel qu'il fût, n'aurait pu se charger
de faire auprès des puissances cette
démarche extrardiplomatique si l'on
n'avait ; pensé, — non sans raison, r—
qu'il agissait.,, sinon d'ordre, au. moins
avec l'agrément du gouvernement
russe. L'on en peut légitimement con
clure que celui-ci, comme nous l'a
vons dit, joue double jeu dans cette
affaire, et c'est ce que nous voulions
constater.
Auguste Roussel.
■ <() > ■
L'Agence russe publie la dépêche sui
vante :
Saint-Pétersbourg, 2-1 avril, 8 h. 30, soir.
Les déclarations de l'Allemagne, de la
France, de l'Autriche et de l'Italie à Cons-
tantinople ont été très catégoriques.
Sur les déclarations de l'Angleterre, nous
n'ayons pas encore ici de renseignements ;
mais comme il s'agit de la paix générale, le
sens de ces déclarations, ne nous parait pas
douteux. -
C'est surtout le langage tenu de ^Vienne
qui a été explicite.
Par suite de ces communes remontran
ces des cabinets, la Porte a déclaré n'avoir
aucune intention d'attaquer le Monténégro.
Comment les savants anraient mal fait la lune?
Il y a quelques années un journal où
M. Francisque Sarcey avait longtemos
étalé ses pesanteurs, terminait cette
collaboration en l'appelant franc-cuistre.
Le mot eut du succès, et suivit 1 hom
me dans tous ses triomphes. Il nous
revient à propos de la Bible, sur la
quelle M. Sarcey vient de se permettre
une forte franc-cuistrerie.
Le savant abbé Moigno, parlant du
miracle de Josué, qui a tant amusé les
incrédules, en avait proposé repectueu-
sement une explication scientifique,
tout en lui laissant son caractère miracu
leux. Il avait fait comprendre que Dieu,
qui s'est donné à lui-même un brevet
de membre de l'Institut {Quia Deus scien-
tiarum Dominus est), fait ses miracles
scientifiquement, comme dès l'origine
et encore il fait toute chose, c'est-à-dire
que la science, qui n'y connaît rien,
connaît néanmoins qu'il n'y a rien à
reprendre. Mais notre Sarcey n'admet
point cela. Fort des quatre règles d'a
rithmétique, qui constituent sa mathé
matique, sa philosophie, sa littéra
ture et sa théologie, il nié à Dieu l'exis
tence, par conséquent la science. C'est
sa manie de dire que Dieu n'existe pas,
et de se croire l'un des plus forts parmi
ceux qui s'élèvent à cette originalité.
Il va par les estaminets en distribuer
les preuves, qu'il fait payer trois sous
pièce, sur quoi il gagne deux liards.
Mais la mode est par là. Une chope ne
paraîtrait pas bonne, si elle n'était
assaisonnée de cet ail, tellement
que de ses bénéfices il a déjà acheté
une maison. C'est lui qui l'a appris au
monde. Or, dit-il, cette maison prouve
bien que Dieu n'existe pas, etn'esjpàs
tout-puissant, ou qu'il doit compter
avec moi. Si vous voulez croire à l'exis
tence de Dieu, alors croyez que je suis
le rival de Dieu.
Si Dieu existait, il saurait que je le
brave, et s'il était tout-puissant, il jet
terait par terre ma maison et celle de
tel autre* roi de la terre qui le persé
cute, car les rois de la terre suivent
assez les exemples qu'ils reçoivent de
moi; ou il me priverait de la lumière
du soleil, ce qui ferait décamper mes
locataires du devant, ou il me jouerait
quelque autre tour. A sa place (sup
posé qu'il existe), je ne serais nulle
ment embarrassé pour me venger. Or,
il ne se venge pas, tout me réussit.
J'achète une maison, j'ai des locataires
qui me paient leur place au soleil. Je
nie son miracle de Josué et le soleil
est à moi; j'ai même de la gloire; en
un mot, c'est moi, franc cuistre, qui
existe et qui démolis Dieu. Donc, Dieu
n'existe pas. TJbi est deus eorum?
..Tels sont les raisonnements de M.
Sarcey. Il ne manque pas de rencon
trer beaucoup de gens qui, mettant
à sec leurs chopes et leurs poches, di
sent : En effet!
C'est pourquoi, ayant entendu par
ler de l'abbé Moigno et de sa phy
sique cléricale, M. Sarcey a résolu de
donner un coup de pied dans cette
physique et dans cet abbé. Il est con
vaincu que rien ne peut résister à un
coup de pied de sa main. L'abbé Moi
gno est auteur, entre autres choses,
de soixante volumes in-8°, com
posant la plus recherchée des Re
vues encyclopédiques ; il l'a écrite
en vingt-quatre ans, et il y a dépensé
plus d'un demi-sîècle d'études compé
tentes. Mais qu'est-ce que cela pour le
pied qui compose la main de M. Sar
cey? Dans son demi-siècle d'études,
M. Moigno n'a pas gagné de quoi se
payer une baraque pour loger sa col
lection, tandis que M. Sarcey possède
une maison avec écurie et remise, et
un électeur à lui balaye devant sa
porte.
Partant de là, il a 'écrit tranquille
ment dans son journal : la B ibt.k et
LA SCIENCE N'ONT RIEN DE COMMUN 1,'UNE
AVEC L'AUTRE.
Et l'électeur qui balaye, et M. About,
et M. Gambetta, et peut-être le futur
ministre de l'instruction publique et
des cultes, que rien n'empêche d'être
le même que le citoyen balayeur, ont
dit: En effet!
Les vieux savants sont d'ordinaire
patients et dédaigneux. Qu'est-ce que
cela leur fait que M. Sarcey jacasse À
deux liards l'argument, et allègue Isa
propre existence et sa propre science
pour prouver la non-existence et l'in
solence de Dieu! Ils savent bien que
Dieu n'est pas d'hier, que. M. Sarcey
ne sera pas de demain, et que l'hom
me qui croit n'avoir à craindre ni Dieu
ni les sergents est sujet à dire beau
coup de sottises. Néanmoins, quelque
fois aussi les vieux savants se laissent
. importuner ; l'ignorance outrecuidante
les ennuie. Alors il leur arrive d'at
traper quelques paires d'oreilles qui
offensent l'horizon. Depuis un demi-
siècle, M. Moigno, est tout à fait con
vaincu que la Bible et la science vivent
et doivent vivre ensemble de très bon
-accord. Dans les moments où elles ne
la faute_de s'entendent pas, ce serait,
selon lui, la science. Dans ces moments-
là, dit-il, faute de prudence, la science
a le cerveau trop creux, ou l'estomac
trop plein. Dans les deux cas, elle dé
raisonne. M. Moigno a donc saisi les
oreilles de M. Sarcey, qui se trouvent,
ô prodige, être les propres oreilles du
grand Laplace... M. Sarcey ne le sa
vait peut-être pas. . ■
Le grand Laplace, auteur de la Mé
canique céleste, celui qui crut n'avoir
pas besoin de l'hypothèse Dieu pour
expliquer '
' Des cieux l'admirable structure,
a prétendu démontrer un jour que la
Bible el la science n'ont rien de commun.
Il ne l'a pas dit tout à fait comme
M. Sarcey ; il ne l'aurait pu ; mais en
fin il l'a dit, et ce jour-là il a parlé
comme M. Sarcey, lequel, depuis ce
jour-là, parle comme lui. C'est pour
quoi M. |Moigno lui fait une leçon in
téressante, tenant toujours Jes oreilles
de M. Sarcey à la main.
On y voit que, d'après Laplace et
les savants, Dieu n'a pas fait la lune
comme la Genèse le raconte, parce
que la lune alors ne serait pas scién-
tificpie et ne remplirait pas son but ;
d'où il suit ou que Dieu n'a pas inspi
ré l'auteur de ce chapitre important de
la Genèse, ou n'a pas su faire la lune
comme il l'avait conçue ; et encore,
que la Nature se chargeant toute seule
de fabriquer la luné, n'aurait pas su
s'y prendre et l'aurait faite très gau
chement, aucun membre de l'Institut
ne se trouvant là pour lui dicter de jus
tes mesures. Ces mesures, M. Laplace
les eût indiquées : Il fallait faire la lune
comme ceci et comme cela ! Mais voilà
que ces mesures ont été vérifiées, et la
lune eût été manquée complètement.
Telle qu'elle est, elle sert à mille choses
qui ne peuvent se passer d'elle et qui
ne seraient plus servies. M. Moigno
fait comprendre que c'est Dieu qui a
fait la lune, qu'il l'a bien faite, que la
Genèse le dit comme il faut, et que le
grand Laplace, Mathieu Garo et Fran-
cuistre sont exactement le même per
sonnage lorsqu'ils se plaignent de n'a
voir pu exposer leurs vues
Au conseil de Celui que prêche leur curé.
Voici la démonstration de M. Moi
gno :
l . v.
LA LUNE LUMINAIRE DE LA TERRE
La Genèse affirme de là manière la plus
lormelle qu'entre leâ diverses fins de sa
création la lune a pour « destination d'é-.
« clairer la terre pendant la nuit. (Genèse,
« ch. I, v. 24.) « Qu'il soit fait deux lumi-
« naires dans le firmament du ciel ; qu'ils
« séparent le jour et la nuit, et qu'ils ser»
« vent à indiquer les temps, les fours et les
« années, qu'ils luisent dans la nuit et qu'ils
« éclairent la terre. Dieu fit ainsi deux grands
« luminaires, l'un plus brillant pour prési-
« der au jour, l'autre moins brillant pour
« présider à la nuit'. Et il los a placés dans
« le firmament du ciel pour luire sur la
« terre. »
La Genèse affirme donc que la lune a été
créée en partie pour éclairer la terre ; et,
s'il est un fait palpable dan^ le monde, c'est
que la lune éclaire la terre, que sa lumière
es utile à l'homme, qui la fait servir à plu
sieurs de ses besoins, et que la raison tend
naturellement à conclure que cet éclaire-
ment est une des causes finales de : la
lune.
Qui aurait cru jamais que ce fait si pa
tent, que cette vérité si simple seraient
l'objet d'un démenti donné de sang-froid
par le plus illustre des astronomes mathé
maticiens ' du monde, élève autrefois en
théologie, arrivé alors au faîte de la gloire,
mais égaré, hélas ! et incrédule.
Voici donc que, page 233 du Système du
monde, 6 me édition de 1835, Laplace s'est
laissé aller à dire :
« Quelques partisans des causes finales
« ont imaginé que la lune avait été donnée
« à la terre pour l'éclairer pendant les
« nuits. Dans ce cas, la nature n'aurait donc
« pas atteint le but qu'elle se serait proposé,
« puisque souvent nous sommes privés à
« la fois de la lumière du soleil et de celle
« de la lune. »
Ce dernier membre de phrase est étran
ge, le soleil et la lune évidemment ne peu
vent pas et ne doivent pas nécessairement
éclairer en même temps la terre ; parler de
leur éclairage simultané, c'est véritable
ment naïf! Mais cette naïveté n'est rien au
près de la négation formelle ou explicite du
fait que la lune a été donnée à la terre pour
l'éclairer. Laplace ne s'est pas contenté de
donner à la nature, c'est-à-dire & Dieu un
démenti, il a tenu à lui faire la leçon, car il
ajoute :
« Pour y parvenir, pour faire de la lune
« un luminaire de la terre, il eut suffi de
« mettre à l'origine la lune en opposition
« avec le soleil, dans le plan même de l'é-
« cliptique, à une distanoe de la terre
« égale à la centième partie de la distance
« de la terre au soleil, et de donner à la
« lune et à la terre des vitesses parallèles,
/
Mercredi Ê6 Avril 1876
N s 3133. — Edition quotidienne
Mercredi 26 Avril 1876
PARIS
Un an 88 fr.
Six mois 50
Trois mais 16
Le numéro, à Paris : 15 cent. >
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FRANCE
PARIS, 25 AVRIL 1876
Ouvriers et patrons
Nous avons déjà parlé d'une confé
rence de M. Çhesson sur les rapports
entre patrons et ouvriers. A cause de
son importance il nous paraît bon d'y
revenir; aussi bien -l'intérêt de la
question n'a pas vieilli. Après une
vive esquisse de la physionomie des
anciens corps de métiers, M, Cb.es-
son a jeté un coup d'œil sur la elasse
agricole au moyen âge. Il y a en France
de vieille date, une conspiration per
sistante contre l'histoire. C'est particu
lièrement à propos de la condition des
gens de nain-morte que la légende ré
volutionnaire a accumulé et ne cesse
pas d'accumuler les inepties, les ca
lomnies, les doléances et les compatis-
sances hypocrites. Inutilement les vieil
les chartes, les chroniques, tous les té
moignages contemporains, toupies do
cuments originaux protestent. Inutile
ment les faits manquent aux détrac
teurs des siècles chrétiens. On fait butin
de tout. Une boutade en l'air d'un écri
vain, quelque anecdote isolée et défi
gurée. quelque sornette imbécile ra
massée on ne sait où par on ne sait qui,
tiennent lieu de faits probants. Le dix-
huitième siècle, épris de l'état de na
ture, a vécu des années sur le sauvage
de l'Aveyron. Maint lettré, maint bour
geois libéral ne supporte pas qu'on ré
voque en doute la misère où étaient
plongés les habitants de la campagne
dans l'ancien régime. A preuve, il vous
mettra sous les yeux le paysan de La-
bruyère.
Le nom de serf, les qualificatifs de
vilains ou de manants, employés dans
une acception méprisante, ont été pu
rement des mensonges du langage.
Ces mots ont dérouté l'opinion, brouillé
et perverti l'histoire, et fait à souhait
le jeu de la Révolution. Les légistes
déshonoraient le droit féodal pour le
mieux détruire. Us avaient tout inté
rêt à abolir les vieilles coutumes et à
leur substituer le droit romain, qu'ils
étaient seuls à connaître et qui, les
rendant les arbitres de tous les inté
rêts, leur livrait par la force des cho
ses toutes les fonctions et toutes les
magistratures. Les avocats ont été la
{jlaie chronique de la société française;
eur travail a préparé de longue main
la Révolution, laquelle n'a été, en 89
et présentement, que la victoire des
avocats. Ils ont faussé la langue et fa
briqué les odieux vocables qui semble
raient marquer d'un signe d'abjection
la classe des cultivateurs au moyen
âge. Serf est le mot servus francisé.
Cette traduction est d'un faussaire; au
cune ne justifie mieux le proverbe ita
lien tradutore traditore. Entre l'escla
vage antique et ce qu'on a si impro
prement appelé le servage de la glèbe,
il y a des distances d'abîme. L'homme
de glèbe était homme libre, jouissant
des droits civils et des droits de fa
mille, propriétaire du domaine utile
de la terre qu'il cultivait.
Comme tout homme libre, il avait
des obligations ; notamment, il était
tenu envers son seigneur de certaines
redevances et d'un certain nombre de
corvées. Ces charges étaient d'une mo
dération qui étonne et créaient à l'hom
me de main-morte une situation très
préférable à celle des fermiers et mé
tayers d'aujourd'hui.L'imagination des
légistes a inventé des adagjes à faire
dresser les cheveux, celui-ci entre au
tre : Entre le vilain et son seigneur, il
ri est nul juge, fors Dieu. Il suffit de par
courir les archives des parlements et
des bailliages ; on y voit en maint en
droit qu'il y avait des juges pour vider
les différends entre les seigneurs et
leurs tenanciers. On y voit que les
paysans du moyen âge plaidaient gail
lardement avec le baron du lieu, qu'ils
plaidaient pour des griefs minimes et,
le plus habituellement, gagnaient leurs
procès. Ce qu'on débite de l'état d'ab
jection des serfs est vrai comme l'his
toire de la Barbe-Bleue. On lit au Livre
des Fiefs lombards que des serfs pou
vaient, comme tous autres, recevoir
l'investiture d'un fief. D'autre part, le
savant abbé Hanauer, dans son inté
ressante Etude sur les paysans de F an
cienne Alsace , nous apprend que des
gentilshommes tenaient à titre de serfs
et mortaillables des terres dépendant
des abbayes. La flétrissure attachée à
la condition serve est simplement une
fable.
En eflet, on cherche ce qu'il pou
vait bien y avoir de dérogeant à pos
séder un domaine sous certaines obli
gations, parfaitement honnêtes et com
patibles avec la dignité humaine. Les
serfs étaient des métayers héréditaires
et perpétuels. Le trait caractéristique
de la tenure en servage était que le te
nancier ne pouvait abandonner la
terre et en délaisser la culture sans
perdre son droit au domaine utile. Sa
condition, à ce point de vue, ne diffé
rait point de la condition du feuda-
taire possesseur d'une • terre noble.
Celui-là aussi, sa vie durant, et après
lui son héritier, devaient servir le fief,
et s'il arrivait qu'il refusât le service
de l'épée ou la foi et l'hommage, le fief
tombait en commise et faisait retour
au seigneur dominant. La terre en
mainmorte était le fief de la charrue,
comme la terre noble le fief de l'épée;
propriété oblige. Cette maxime, oubliée
de nos jours, était la loi de la pro
priété féodale à tous les degrés.
La terre en mainmorte n'était pas
sujette au partage; elle .était possédée
et cultivée indivisément par les tenan
ciers. De là le nom de compaings ou
compaignons donné aux mainmortables
d'un même domaine. Compaignons si
gnifiait gens rompant le même pain,
vivant sous le même toit, mangeant leur
pain ensemblement, comme disent , les
vieilles coutumes. C'était la commu
nauté non les individus qui était censée
propriétaire. Ce système exemptait la
terre en mainmorte du droit de muta
tion par décès. Rien en effet n'était
changé à la mort d'un membre de
l'association;^ la communauté demeu
rait propriétaire comme auparavant;
il n'y avait pas de mutation, partant
pas d'ouverture à un droit quelconque
de succession. Guy Coquille, dans sa
Coutume du Nivernais, et, après lui,
M. Troplong, dans sa savante préface
du Traité des Sociétés, ont décrit les
mœurs patriarcales de ces associations
de cultivateurs, et la paix, le bon or
dre, la rustique abondance qui y ré
glaient. C'est là l'histoire, écrite sur
pièces probantes et faisant justice des
déclamations.
De vivantes et multiples attaches
liaient au sol l'homme des champs et
l'ouvrier des villes à sa corporation.
Partout s'offrait l'aspect de la vie sé
dentaire, avec ses saines influences,
avec la haute moralité et la sécurité
qu'elle comporte. La misère des exis
tences flottantes était inconnue. Les
écrivains révolutionnaires vont répé
tant qu'il n'était nulle part question
du peuple dans l'ancien régime. Effec
tivement, la France était un composé
de corporations et d'associations, ayant
toutes leurs privilèges, leur point
.d'honneur,, leurs traditions, dont elles
étaient fières et qu'elles gardaient
comme un patrimoine. Il n'y avait
réellement pas de peuple, si, par peu
ple j on entend ces sombres multitudes
humaines, sans assiette et sans direc
tion, toujours menaçantes ou mena
cées, toujours prétest se soulever au
premier souffle d'orage.
Le progrès et les révolutions ont dis
sous ces solidarités vigoureuses. La
science ou plutôt des doctrines de con
vention décorées du nom de science,
ont réduit en théorie l'état de 'guerre
entre les classes: Les économistes par
ticulièrement ont été les artisans aetifs,
les vibrions, pourrait-on dire, de ce tra
vail de disjonction et de désassociation
des membres "de la grande famille
chrétienne. Adam Smith a * découvert
qu'il n'y a pas de maîtres et dé servi
teurs, pas de lien moral des uns aux
autres; mais simplement un contrat.
Le travail est une marchandise soumise
comme toute autre à la loi de l'offre et
de la demande. L'ouvrier a exécuté le
travail, le patron a payé le prix conve
nu : tout deux sont quittes et rede
viennent étrangers l'un pour l'autre.
De droit la marchandise travail est
assujettie aux fluctuations de l'offre.
Deux patrons courent après un ou
vrier, a dit M. Ghesson. La marchan
dise est en hausse, l'ouvrier fera la loi.
Deux ouvriers courent après le même
patron : c'est le tour du capital de par
ler en maître; le patron, en toute lé
gitimité, raccourcira le salaire. Que
s'il survient une suspension d'affaires
et que les produits manufacturés sura
bondent, le maître fermera son usine
et, avec une entière quiétude de con
science, jettera ses ouvriers sur le
pavé. Telle est la doctrine ; elle souffle
la haine et la guerre, et elle règne en
souveraine dans l'industrie et dans ce
qu'on appelle la science.
Le salut est dans le retour à la per
manence des engagements.^
Les difficultés sont sérieuses. Ou
tre les paradoxes des économistes, la
vapeur, le perfectionnement et la puis
sance croissante des machines s'oppo
sent au. rétablissement des rapports
de famille entre les ouvriers et les maî
tres. La petite et la moyenne industrie
se prêteraient surtout à la formation
de ces liens durables. La petite et la
moyenne industrie disparaissent de
plus en plus. La vapeur nous a conquis
plutôt que nous ne l'avons conquise.
Autour des gigantesques automates
mus par cet agent vainqueur se grou
pent des centaines, presque des mil
liers d'ouvriers, recrutés au hasard et
au jour le jour, sans attache de cœur,
ou seulement d'habitude, à l'atelier. Le
matériel d'une grande usine surpasse
les proportions des fortunes privées ;
d'ordinaire, il est la propriété d'une so
ciété par, actions. L'ouvrier n'a réelle
ment pas de patron; «il ne peut être
question de lien moral. L'ouvrier n'a
devant lui qu'une société anonyme, un
être de raison, une abstraction sans
humanité et sans entrailles. L'entre
prise de ramener l'industrie aux mœurs
de famille offre des difficultés sans
nombre. Il y faut de la charité, de
l'abnégation, et que les grands in
dustriels se persuadent qu'ils n'ont
pas reçu de la Providence l'uni
que mission de fâire fortune. Plu
sieurs ont abordé la tâche avec dé
vouement et atteint d'admirables ré
sultats. Les initiatives personnelles ont
tout à faire et feront tout dans cette
voie de moralisation et de réconcilia
tion de la classe ouvrière; elles ne ré
clameront nul concours de la loi et de
l'Etat. Toutefois, si les hommes qui se
dévouent ne demandent pas à la loi de
leur venir en aide, au moins seraient-
ils en droit de lui demander de ne pas
leur faire obstacle. La petite et moyenne
industrie sera toujours ce qu'il y a de
plus propice à la moralisation du tra
vail. La petite industrie a pour princi
pal ennemi le code civil, qui partage
implacablement l'atelier à la mort du
chef de maison. La modeste usine à
moteur hydraulique tiendrait encore
devant la concurrence des vastes as
sociations de capitaux. Elle ne peut
tenir contre cet impitoyable article 815
qui dépèce l'héritage à chaque décès.
Toutes les mesures réparatrices se
donnent la main et s'appellent l'une
l'autre. Que le code laisse seulement
la famille se gouverner elle-même et
les chefs de maison faire eux-mêmes
leur testament. A ce prix il redevien
dra possible de fonder œuvre qui dure
et de revenir aux saines traditions du
travail de famille.
• P H . S ERRET.
L'exposé des œuvres de Mgr Lavige-
rie fait à l'assemblée générale des co
mités catholiques par un des mission
naires d'Alger, a déplu à la République
française ; M. Gambetta ne veut pas
que les Arabes deviennent français en
devenant catholiques ; il préfère qu'ils
restent d'iïhplacables ennemis de la
France toujours prêts à se soulever,
dès qu'ils croiront le moment favo
rable.
Un des calomniateurs anonymes qui
opèrent pour le compte de l'ex-dicta-
teur, attaque les œuvres, si françaises
parce = qu'elles sont catholiques, de
Mgr l'archevêque d'Alger. Comme tou
jours, il procède par des mensonges
affirmés hardiment, d'un ton tran
chant comme si. c'étaient des vérités
indiscutables. « Mentez hardiment, »
disait Voltaire ; si ses disciples n'ont
pas hérité de son esprit, au moins ont-
ils su profiter de son conseil.
Attaquer de front l'origine des œu
vres de Mgr Lavigerie, c'était osé,
même pour , un rédacteur de la Répu
blique française , Comment, en effet, in
criminer la conduite d'un archevêque
qui, voyant des milliers d'enfants
abandonnés mourir de faim, les a re
cueillis sans s'inquiéter de la dépense,
comptant sur la charité catholique qui
ne lui a pas fait défaut ? Ni les tribus,
ni les familles ne pouvaient nourrir
les enfants dont quelques-uns servi
rent à d'épouvantables repas; l'admi
nistration était impuissante devant un
désastre qu'elle n'avait pu prévenir et
dont l'intensité et l'étendue dépas
saient toutes les prévisions. Seul Mgr
Lavigerie se dévoua et arracha des
milliers d'enfants à une mort cer
taine.
N'osant attaquer en face cette con
duite si chrétienne, la République fran
çaise se rabat sur «la mendicité sa
vamment organisée; » elle, insinue
qu'il ne faut voir là qu'une « charité
intéressée. » Si « élever et nourrir des
orphelins est une œuvre louable et
utile, » avant d'admirer la charité
épiscopale, il ne faut "pas oublier que
« le but principal et avoué était bien
plutôt de former une milice catholique
destinée à combattre la religion natio
nale, » c'est-à-dire le mahométisme.,
C'est là une odieuse calomnie ; le
« but principal et avoué », le but
unique était de venir au secours de
malheureux enfants qui mouraient de
faim. C'est pour cela que les bourses
des catholiques se sont ouvertes, que
les œuvres se sont fondées. Certaine
ment, la République française ne l'i
gnore pas, car les appels de Mgr La
vigerie sont encore présents à toutes
les mémoires.
Dans la suite, les OEuvres se sont
étendues, Mgr l'archevêque d'Alger ne
pouvait abandonner les « orphelins »
qu'il avait recueillis et dont les famil
les avaient disparu. En grandissait
sous les soins maternels des religieu
ses, les enfants ont été tout naturelle
ment amenés à comparer la charité ca
tholique etl'égoïsme musulman, etbeau-
coup ont demandé le baptême. C'est là ce
qui indigne la République française , et
elle insinue que « dés moyens inqua
lifiables ont été employés pour conver
tir d'autorité les enfants indigènes
que la famine avait mis aux mains
d'une charité intéressée. » C'est un
nouveau mensonge, dont le journal
radical a conscience, car il se garde
bien, et nous lui portons le défi, de
citer un seul de ces « moyens inquali
fiables. »
Il se borne à invoquer l'aucorité du
Réveil; autant invoquer contre l'armée
française l'autorité des Pyat, des Ranc
et des Rochefort, ces insulteurs dé nos
soldats pendant la Commune et
après. Le « prosélytisme, tyrannique »
n'a jamais existé. Les enfants que leurs
parents ont réclamés ont été rendus,
et si le nombre en a été si peu consi
dérable, la faute n'est certainement
pas à l'archevêque. Quant aux « orphe
lins » complètement abandonnés, ils
n'ont été admis au baptême que lorsque
leur âge et leur antécédents permet
taient de croire leur conversion sé
rieuse. Un évêque — M, Gambetta ne
peu l'ignorer — respecte trop le sacre
ment du baptême pour l'administrerde
force ; on ne joue pas ainsi avec les
sacrements dans l'Eglise catholique.
Si, d'ailleurs, il s'était produit un
« prosélytisme tyrannique » ayant re
cours à des « moyens inqualifiables
pour convertir les enfants, » l'admi
nistration française y aurait mis bon
ordre. La République française présente
le gouvernement impérial comme ayant
donné son appui à l'œuvre des orphe-
linate arabes ; c'est encore un men
songe. L'administration française dont
le chef était alors le maréchal de Mac-
Mahon, s'est au contraire, montrée très
hostile, et il a fallu toute la fermeté
de Mgr Lavigerie pour triompher des
obstacles qui lui ont été suscités. C'est
un fait public, dont nous pourrions
apporter de nombreuses preuves à la
République, si elle péchait par igno
rance.
Dans sa haine, le journal de M. Gam
betta va jusqu'à se déclarer partisan
de la propriété indivise, et jusqu'à re
procher à Mgr Lavigerie d'acheter des
terrains aux Arabes. Or, s'il est un re
proche que les feuilles radicales aient
prodigué à l'administration algérienne,
c'est d'avoir trop longtemps respecté
les coutumes arabes, relativement à
l'indivision de la propriété. Faut-il
conclure de cette contradiction que
l'indivision, mauvaise quand il s'agit
d'acquéreurs radicaux, devient respec
table dès que l'acquéreur est un arche
vêque ou simplement un catholique?
Si telle est la pensée de M. Gambetta,
qu'il la formule en projet de loi; peut-
être trouvera-t-il dans cette Chambre,
dont il se targue d'être le maître, une
majorité pour voter, qu'avant d'ac
quérir une propriété arabe, un citoyen
français devra marcher sur la croix.
Mais à quoi bon insister sur ces
odieuses calomnies ? Elles ne méritent
pas la discussion, il suffit de les signa
ler. Seulement il faut reconnaître que la
République française choisit bien son
moment pour exciter les musulmans.
Le général Carteret a été appelé dans
le sud par un soulèvement dont la
cause principale est la prédication d'un
marabout faisant appel à la guerre,
sainte contre les chrétiens. Du reste,
depuis la conquête d'Alger, ce legs
suprême du drapeau blanc, toutes les
révoltes ont été l'œuvre du fanatisme.
Abd-el-Kader lui-même, notre plus
redoutable adversaire, a dû sa puis
sance bien moins à ses éminentes
qualités administratives et militaires
qu'à ses titres de marabout, de thaleb,
de hadji et à sa descendance plus ou
moins authentique du prophète. C'est
pour cela que le maréchal Bugeaud,
qui n'était pas clérical, favorisait,
malgré les tendances du gouverne
ment, la création d'un orphelinat arabe
par le R. P. Brumault.
Aux généraux qui lui disaient avec
un effroi comique que le R. p. Bru
mault était jésuite — c'était à l'épo
que du Juif-Errant d'Eugène Sue, —
il répondait : « Que m'importe ! Au
moins les enfants recueillis par le R.
P. Brumault ne nous tireront pas de
coups de fusil. » Parole de bon sens
qui dépasse, non peut-être l'intelli
gence, mais certainement le patrio
tisme de la République française.
A. Rastoul.
Nous croyons inutile de reproduire
en son texte la lettre de M. Wessélistky,
publiée par le Nord et signalée hier
par le télégraphe. Il suffira de dire que
le signataire, Herzégovinien d'origine
et sujet russe, se défend d'être un-agent
du gouvernement moscovite. Si donc
il s'est abouché avec les chefs insur
gés, c'est, dit-il, en son propre et privé
nom. A la bonne heure ! Mais croit-on
que les insurgés auraient pris garde à
M. Wessélistky, s'il n'avait été qu'un
simple sujet russe, et lui-mêfne, croit-
on qu'il se serait aventuré à nouèr des
négociations ou même à donner des
conseils, s'il n'avait été charge d'au
cune mission ?
Que cette mission n'ait pas été offi
cielle, nous le croyons sans peine, car
cela ne se pouvait en face de l'Eu
rope. Mais que M. Wesselistky fut un
officieux agissant avec l'agrément de
la Russie, cela n'est pas douteux. Au
besoin, son propre témoignage servi
rait à l'établir, car il rappelle qu'après
avoir causé avec les insurgés, il se
rendit en Russie où le prince Gort-
schakoff lui donna, peut-on dire; _de
véritables instructions. Ce sont ces in
structions que M. Wessélistky rap
porta à la Sutorina, et ce qui^ achève
de prouver qu'il jouait un rôle plus
grand que son personnage, c'est que
les chefs insurgés lui remirent alors
une adresse contenant leurs vœux,avec
prière de transmettre cet acte aux
grandes puissances et à la Porte.
M. Wessélistky ne conteste rien de
tout cela; mais alors il confesse tout
ce qu'il voulait indirectement nier. Il
est clair,' en effet, qu'un particulier,
quel qu'il fût, n'aurait pu se charger
de faire auprès des puissances cette
démarche extrardiplomatique si l'on
n'avait ; pensé, — non sans raison, r—
qu'il agissait.,, sinon d'ordre, au. moins
avec l'agrément du gouvernement
russe. L'on en peut légitimement con
clure que celui-ci, comme nous l'a
vons dit, joue double jeu dans cette
affaire, et c'est ce que nous voulions
constater.
Auguste Roussel.
■ <() > ■
L'Agence russe publie la dépêche sui
vante :
Saint-Pétersbourg, 2-1 avril, 8 h. 30, soir.
Les déclarations de l'Allemagne, de la
France, de l'Autriche et de l'Italie à Cons-
tantinople ont été très catégoriques.
Sur les déclarations de l'Angleterre, nous
n'ayons pas encore ici de renseignements ;
mais comme il s'agit de la paix générale, le
sens de ces déclarations, ne nous parait pas
douteux. -
C'est surtout le langage tenu de ^Vienne
qui a été explicite.
Par suite de ces communes remontran
ces des cabinets, la Porte a déclaré n'avoir
aucune intention d'attaquer le Monténégro.
Comment les savants anraient mal fait la lune?
Il y a quelques années un journal où
M. Francisque Sarcey avait longtemos
étalé ses pesanteurs, terminait cette
collaboration en l'appelant franc-cuistre.
Le mot eut du succès, et suivit 1 hom
me dans tous ses triomphes. Il nous
revient à propos de la Bible, sur la
quelle M. Sarcey vient de se permettre
une forte franc-cuistrerie.
Le savant abbé Moigno, parlant du
miracle de Josué, qui a tant amusé les
incrédules, en avait proposé repectueu-
sement une explication scientifique,
tout en lui laissant son caractère miracu
leux. Il avait fait comprendre que Dieu,
qui s'est donné à lui-même un brevet
de membre de l'Institut {Quia Deus scien-
tiarum Dominus est), fait ses miracles
scientifiquement, comme dès l'origine
et encore il fait toute chose, c'est-à-dire
que la science, qui n'y connaît rien,
connaît néanmoins qu'il n'y a rien à
reprendre. Mais notre Sarcey n'admet
point cela. Fort des quatre règles d'a
rithmétique, qui constituent sa mathé
matique, sa philosophie, sa littéra
ture et sa théologie, il nié à Dieu l'exis
tence, par conséquent la science. C'est
sa manie de dire que Dieu n'existe pas,
et de se croire l'un des plus forts parmi
ceux qui s'élèvent à cette originalité.
Il va par les estaminets en distribuer
les preuves, qu'il fait payer trois sous
pièce, sur quoi il gagne deux liards.
Mais la mode est par là. Une chope ne
paraîtrait pas bonne, si elle n'était
assaisonnée de cet ail, tellement
que de ses bénéfices il a déjà acheté
une maison. C'est lui qui l'a appris au
monde. Or, dit-il, cette maison prouve
bien que Dieu n'existe pas, etn'esjpàs
tout-puissant, ou qu'il doit compter
avec moi. Si vous voulez croire à l'exis
tence de Dieu, alors croyez que je suis
le rival de Dieu.
Si Dieu existait, il saurait que je le
brave, et s'il était tout-puissant, il jet
terait par terre ma maison et celle de
tel autre* roi de la terre qui le persé
cute, car les rois de la terre suivent
assez les exemples qu'ils reçoivent de
moi; ou il me priverait de la lumière
du soleil, ce qui ferait décamper mes
locataires du devant, ou il me jouerait
quelque autre tour. A sa place (sup
posé qu'il existe), je ne serais nulle
ment embarrassé pour me venger. Or,
il ne se venge pas, tout me réussit.
J'achète une maison, j'ai des locataires
qui me paient leur place au soleil. Je
nie son miracle de Josué et le soleil
est à moi; j'ai même de la gloire; en
un mot, c'est moi, franc cuistre, qui
existe et qui démolis Dieu. Donc, Dieu
n'existe pas. TJbi est deus eorum?
..Tels sont les raisonnements de M.
Sarcey. Il ne manque pas de rencon
trer beaucoup de gens qui, mettant
à sec leurs chopes et leurs poches, di
sent : En effet!
C'est pourquoi, ayant entendu par
ler de l'abbé Moigno et de sa phy
sique cléricale, M. Sarcey a résolu de
donner un coup de pied dans cette
physique et dans cet abbé. Il est con
vaincu que rien ne peut résister à un
coup de pied de sa main. L'abbé Moi
gno est auteur, entre autres choses,
de soixante volumes in-8°, com
posant la plus recherchée des Re
vues encyclopédiques ; il l'a écrite
en vingt-quatre ans, et il y a dépensé
plus d'un demi-sîècle d'études compé
tentes. Mais qu'est-ce que cela pour le
pied qui compose la main de M. Sar
cey? Dans son demi-siècle d'études,
M. Moigno n'a pas gagné de quoi se
payer une baraque pour loger sa col
lection, tandis que M. Sarcey possède
une maison avec écurie et remise, et
un électeur à lui balaye devant sa
porte.
Partant de là, il a 'écrit tranquille
ment dans son journal : la B ibt.k et
LA SCIENCE N'ONT RIEN DE COMMUN 1,'UNE
AVEC L'AUTRE.
Et l'électeur qui balaye, et M. About,
et M. Gambetta, et peut-être le futur
ministre de l'instruction publique et
des cultes, que rien n'empêche d'être
le même que le citoyen balayeur, ont
dit: En effet!
Les vieux savants sont d'ordinaire
patients et dédaigneux. Qu'est-ce que
cela leur fait que M. Sarcey jacasse À
deux liards l'argument, et allègue Isa
propre existence et sa propre science
pour prouver la non-existence et l'in
solence de Dieu! Ils savent bien que
Dieu n'est pas d'hier, que. M. Sarcey
ne sera pas de demain, et que l'hom
me qui croit n'avoir à craindre ni Dieu
ni les sergents est sujet à dire beau
coup de sottises. Néanmoins, quelque
fois aussi les vieux savants se laissent
. importuner ; l'ignorance outrecuidante
les ennuie. Alors il leur arrive d'at
traper quelques paires d'oreilles qui
offensent l'horizon. Depuis un demi-
siècle, M. Moigno, est tout à fait con
vaincu que la Bible et la science vivent
et doivent vivre ensemble de très bon
-accord. Dans les moments où elles ne
la faute_de s'entendent pas, ce serait,
selon lui, la science. Dans ces moments-
là, dit-il, faute de prudence, la science
a le cerveau trop creux, ou l'estomac
trop plein. Dans les deux cas, elle dé
raisonne. M. Moigno a donc saisi les
oreilles de M. Sarcey, qui se trouvent,
ô prodige, être les propres oreilles du
grand Laplace... M. Sarcey ne le sa
vait peut-être pas. . ■
Le grand Laplace, auteur de la Mé
canique céleste, celui qui crut n'avoir
pas besoin de l'hypothèse Dieu pour
expliquer '
' Des cieux l'admirable structure,
a prétendu démontrer un jour que la
Bible el la science n'ont rien de commun.
Il ne l'a pas dit tout à fait comme
M. Sarcey ; il ne l'aurait pu ; mais en
fin il l'a dit, et ce jour-là il a parlé
comme M. Sarcey, lequel, depuis ce
jour-là, parle comme lui. C'est pour
quoi M. |Moigno lui fait une leçon in
téressante, tenant toujours Jes oreilles
de M. Sarcey à la main.
On y voit que, d'après Laplace et
les savants, Dieu n'a pas fait la lune
comme la Genèse le raconte, parce
que la lune alors ne serait pas scién-
tificpie et ne remplirait pas son but ;
d'où il suit ou que Dieu n'a pas inspi
ré l'auteur de ce chapitre important de
la Genèse, ou n'a pas su faire la lune
comme il l'avait conçue ; et encore,
que la Nature se chargeant toute seule
de fabriquer la luné, n'aurait pas su
s'y prendre et l'aurait faite très gau
chement, aucun membre de l'Institut
ne se trouvant là pour lui dicter de jus
tes mesures. Ces mesures, M. Laplace
les eût indiquées : Il fallait faire la lune
comme ceci et comme cela ! Mais voilà
que ces mesures ont été vérifiées, et la
lune eût été manquée complètement.
Telle qu'elle est, elle sert à mille choses
qui ne peuvent se passer d'elle et qui
ne seraient plus servies. M. Moigno
fait comprendre que c'est Dieu qui a
fait la lune, qu'il l'a bien faite, que la
Genèse le dit comme il faut, et que le
grand Laplace, Mathieu Garo et Fran-
cuistre sont exactement le même per
sonnage lorsqu'ils se plaignent de n'a
voir pu exposer leurs vues
Au conseil de Celui que prêche leur curé.
Voici la démonstration de M. Moi
gno :
l . v.
LA LUNE LUMINAIRE DE LA TERRE
La Genèse affirme de là manière la plus
lormelle qu'entre leâ diverses fins de sa
création la lune a pour « destination d'é-.
« clairer la terre pendant la nuit. (Genèse,
« ch. I, v. 24.) « Qu'il soit fait deux lumi-
« naires dans le firmament du ciel ; qu'ils
« séparent le jour et la nuit, et qu'ils ser»
« vent à indiquer les temps, les fours et les
« années, qu'ils luisent dans la nuit et qu'ils
« éclairent la terre. Dieu fit ainsi deux grands
« luminaires, l'un plus brillant pour prési-
« der au jour, l'autre moins brillant pour
« présider à la nuit'. Et il los a placés dans
« le firmament du ciel pour luire sur la
« terre. »
La Genèse affirme donc que la lune a été
créée en partie pour éclairer la terre ; et,
s'il est un fait palpable dan^ le monde, c'est
que la lune éclaire la terre, que sa lumière
es utile à l'homme, qui la fait servir à plu
sieurs de ses besoins, et que la raison tend
naturellement à conclure que cet éclaire-
ment est une des causes finales de : la
lune.
Qui aurait cru jamais que ce fait si pa
tent, que cette vérité si simple seraient
l'objet d'un démenti donné de sang-froid
par le plus illustre des astronomes mathé
maticiens ' du monde, élève autrefois en
théologie, arrivé alors au faîte de la gloire,
mais égaré, hélas ! et incrédule.
Voici donc que, page 233 du Système du
monde, 6 me édition de 1835, Laplace s'est
laissé aller à dire :
« Quelques partisans des causes finales
« ont imaginé que la lune avait été donnée
« à la terre pour l'éclairer pendant les
« nuits. Dans ce cas, la nature n'aurait donc
« pas atteint le but qu'elle se serait proposé,
« puisque souvent nous sommes privés à
« la fois de la lumière du soleil et de celle
« de la lune. »
Ce dernier membre de phrase est étran
ge, le soleil et la lune évidemment ne peu
vent pas et ne doivent pas nécessairement
éclairer en même temps la terre ; parler de
leur éclairage simultané, c'est véritable
ment naïf! Mais cette naïveté n'est rien au
près de la négation formelle ou explicite du
fait que la lune a été donnée à la terre pour
l'éclairer. Laplace ne s'est pas contenté de
donner à la nature, c'est-à-dire & Dieu un
démenti, il a tenu à lui faire la leçon, car il
ajoute :
« Pour y parvenir, pour faire de la lune
« un luminaire de la terre, il eut suffi de
« mettre à l'origine la lune en opposition
« avec le soleil, dans le plan même de l'é-
« cliptique, à une distanoe de la terre
« égale à la centième partie de la distance
« de la terre au soleil, et de donner à la
« lune et à la terre des vitesses parallèles,
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