Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1874-10-24
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 octobre 1874 24 octobre 1874
Description : 1874/10/24 (Numéro 2594). 1874/10/24 (Numéro 2594).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 24 Octobre 1874
N° 2594. Edition quotidienne.
. M
w
PA.R1S
tin an.A\ K8 fr.
Six mois.... a 30
Trois mois 16
Le numéro, à Paris : 15 cent.;
r— Départements : 20 »
boveaux
[Paris, 10, rue des Saints-Pères.
Oa s'abonne, à Rome, \ia delle Stimate, 22,23,24.
Samedi 24 Octobre 1874
DÉPARTEMENTS.
Un an.., i 88 fr.
Six mois . - SO
Trois mois.,,.....' 16
Édition semi-quotidienne
Un an, 32 fr.—Six mois, 17 fr.—Trois mois, 9 fr.'
L'Univers ne répond pas des manuscrits gui lu! sont adressai,
ajvnr outcrs
hh, ch. lagrange, cerï et 0 e , 6, place de la besrte. *
FRANCE
PARIS, 23 OCTOBRE 187è
Factions et Fractions
m -Au nombre des rédacteurs du Rappel
il en est un qui se fait remarquer par
une singularité presque bizarre en pa
reil lieu : d'ordinaire, quand il prend la
plume, c'est pour dire quelque chose.
S'il vous arrive dè rencontrer dans ce
journal la signature Asseline, lisez l'ar
ticle : il y a chance que vous y trouve
rez un aperçu. Nous disons un aperçu,
nous ne disons point une. idée. Une
idée c'est la perception d'un rapport
vrai, d'une loi réelle du monde moral
ou de J'ordre politique; cela peut me
ner fort loin et engager plus qu'on ne
voudrait. Le parti radical vit dé fic
tions; il ne peut toucher que discrète
ment et d'une main craintive à. une
vérité quelconque, sous peine de s'y
blesser tout le premier et dè fort en
dommager sa frêle enveloppe de décla
mations et dé sophismës. Aussi l'écri
vain que nous venons de. nommer se
contente-t-il prudemment d'entrevoir
le point lumineux ; les déductions ne
sont pas poussées très avant, mais en
fin il y a par là, quelquefois, une lueur,
une indication, quelque chose de très
différent, en un mot, des lieux com-
* muns de M. Auguste Yacquerie ou des
écœurantes mignardises de M. Loc
kroy.
Tout récemment, nous avons noté
lin de ces petits Asseline, mettant le
doigt fort prestement au point malade
du parti conservateur. Les divisions
de ce parti, sans doute, et l'impuis
sance qui en est la suite, sont chose
banale; mais il y a une certaine ma
nière de dire, une certaine façon de
toucher la jointure qui rend une dé
monstration plus probante et plus
poignante. Le raisonnement, ou, si
l'on veut, l'apologue était emprunté
aux règles de l'arithmétique. La ma
jorité conservatrice,si majorité il y a,
est un assemblage d'éléments dépareil
lés. On ne saurait dire proprement
qu'elle se compose de telle et telle
partie; le mot exact est qu'elle se dé
compose en plusieurs fractions hétéro
gènes ; quant & masser ces tronçons,
a les ramener à l'unité, à en faire un
tout, autant chercher la ^quadrature
du cercle. Le malheur dés fractions
conservatrices, c'est que chacune a
«on dénominateur particulier et y tient
absolument. Orléanisme, impérialisme,
septennalisme, septennalisme - orléa
niste^ septennalisme-impérialiste, au
tant de dénominateurs inassociables
faisant obstacle au groupement des
forces. Ayez un tiers, un quart, un
septième : il n'y a pas moyen d'addi
tionner telles quelles ces fractions aux
dénominateurs disparates. Il est vrai
que les chiffres abstraits sont de meil
leure composition que les partis poli
tiques ; les fractions diversement dé
nommées se laissent faire une opéra
tion fort simple, connue sous le nom
de réduction au même dénominateur,
moyennant laquelle on les met d'ac
cord ensemble et on les totalise sans
difficulté. Les fractions politiques ré
sistent opiniâtrement à ce travail de
fusion, par le motif qu'elles sont des
factions en même temps que des frac
tions, et qu'elles tiennent avec énergie
à leur dénominateur, qui est leur dra
peau et leur symbole.
Au nom des grands intérêts conser
vateurs, on blâme fort cet entêtement.
Il serait plus simple de reconnaître
qu'il est dans la nature des choses. Il
est naturel que les partis tiennent au
principe où réside leur force, leur vi
talité, leur cohésion, leur raison d'ê
tre. La dernière chose qu'un homme
ou une secte se laisse persuader est
de consentir à ne pas être. L'histoire
n'offre pas d'exemple de différends de
ce genre terminés à l'amiable, simple
ment par voie de discussion ou de per
suasion. Pour mettre fin aux divergen
ces,, il n'y a qu'un coup de force ou da
fortune portant définitivement au pou
voir une des factions qui divisent le
pays. Les dissidences, alors, disparais
sent ou sont réputées disparaître ; la
pluralité des opinions est prohibée;
constitutioanellement, il n'y en a plus
qu'une, celle qui est en possession du
pouvoir. Les choses sont mises au point
ou nous ramena là révocation de l'édit
de Nantes : II n'y a plus d'hérétiques.
C'est une fiction, dit-on ; soit, mais
une fiction impérative et qui dispose
de l'argument de la force, passé dans
l'ordre-dés faits ; rien ne ressemble da
vantage à une vérité.
- Il faut savoir se résigner aux lois
inéluctables. Les partis ne se conver
tissent pas les uns les autres ; les frac
tions ne" se soumettent à une autre
fraction et n'en subissent le dénomina
teur que par droit deconquête; à cela il
n'y a rien à faire. Prêchez, paîrocinez
jusqu'à la Pentecôte, vous n'avancerez
pas d'une semelle. Le parlementaris
me orléaniste assure qu'il a la raison
la plus forte ; les bonapartistes ont la
même prétention; on ne sort pas de ce
conflit de raisons convaincantes au
même degré. Pour trancher le débat et
faire trébucher la balance, il ne s'agit
pas de la raison la plus forte, il fau
drait la raison du plus fort.
On objecte qu'il y aurait moyen de
s'entendre sur le terrain des principes
généraux de- conservation et d'ordre.
Les principes généraux ont leur incon
testable utilité, comme thèse d'école,
cela peut suffire pour discourir, c'est
absolument insuffisant pour créer un
gouvernement défini et le munir d'or
ganes vivants et agissants.. On pérore,
en général, on ne produit rien, on ne
fait rien qu'en particulier et dans une
forme déterminée. On plante un pom
mier ou un tilleul, on ne plante pas
un arbre en général. Un arbre indé
terminé, n'ayant pas de généalogie
propre et n'appartenant à aucune fa
mille végétale, cela.n'existe pas dans
la "nature. La politique est, comme tout
le reste, assujettie à ce§ indéclinables
règles de sens commun. On connaît
des consitutions césariennes et des
constitutions parlementaires; on ne
connaît pas et l'on jie conçoit guère
de constitution simplement et indéter-
minément conservatrice. Toute consti
tution est l'œuvre d ? une opinion, l'af
firmation d'un principe et d'une forme
politique et, tout ensemble, l'exclusion
des autres formes. Les formes po
litiques ne sont pas plus assimila
bles et co-pénétrables l'une par l'au
tre que les figures géométriques.
On n'imagine pas de compromis ou
d'assimilation possible des formes
élémentaires du prisme et de la sphè
re, du carré et du triangle. Un gou
vernement n'existe que pour protéger
l'ordre social en même temps qu'il se
protège et, se défend lux-même. Pour
se défendre, il importe tout d'abord
d'être organisé et de vivre ; on n'est
organisé, on ne vit que sous une con
figuration arrêtée qui est elle-même
et ne peut êtra simultanément diffé
rente d'elle-même.Dàns le désarroi du
temps présent, le septennat a été in
venté, régime neutre, constitution &*■
inorpbe, la seule propice, assure-t-on,
au fusionnement des diverses opinions
conservatrices. Le septennat ne s'a
chemine et ne nous achemine avec
quelque certitude qu'à un but connu,
qui est le terme fixé d'avance -pour
l'expiration du pouvoir septennal ;
quant aux questions urgentes à ré
soudre, il les laisse au point de dé
part. Les docteurs en septennat peu
vent disserter à perte d'haleine tou
chant l'économie de ce régime; ils
n'arrivent pas à se mettre d'accord
pour le définir.
Le.journal radical prouve S souhait
l'impuissance des fractions conserva
trices à agir de concert et à constituer
gtitji que ce soit. Nous .lui demande
rions de pousser un peu plus sa pointe,
Il est commode de faire aux autres
l'application d'une vérité désagréable;
le républicanisme, est, lui aussi, une
fraction ; pas plus que l'impérialisme
ou l'orléanisme, il ne peut prétendre
apparemment nous faire accepter son
dénominateur par la force ou le char
me du raisonnement. Ceci, au surplus,
va très au delà des petites querelles et
des misérables compétitions de partis.
Tout ce qui ressort des chocs d'opi
nions, c'est l'impossibilité de rien as
seoir sur l'opinion, c'est l'absurdité de
prétendre constituer et gouverner avec
elle ou par elle. La promiscuité des
opinions constituantes et gouvernan
tes, est une débauche de l'esprit, une
aberration, une chimère entièrement
semblable à la promiscuité des prin
cipes et des formes politiques dans une
même constitution. Il n'est que temps
de s'arracher à la tyrannie de ces fic
tions abêtissantes et de revenir aux
lois de nature, aux vérités né
cessaires qui régissent les sociétés.
Il existe, grâces à Dieu, de ces vé
rités qui ne se mettent pas aux voix
et ne dépendent pas du hasard des
majorités. Deux et deux font qua
tre; la ligne droite est le plus court
cheînin : voilà des axiomes qui s'im
posent et n'attendent pas, pour forcer
l'acquiescement, un vote des comices.
Il se rencontre dans l'ordre social et
politique des vérités semblablement
subjugantes et qui défient 1er contra
diction. Voici de ces réalités, rendues
effroyablement évidentes par un siècle
de convulsions et de calamités : les
peuples sont propres à être gouvernés,
non à se gouverner eux-mêmes, sauf
dans le cercle de leurs intérêts de fa
mille et delocalité. L'autorité comporte
la supériorité ; par conséquent, il est
contre sa nature d'être déléguée, de
sortir d'un pacte ou d'un mandat, de
subir, en un mot, une condition qui
deur, sa primauté en Europe, son
droit d'arbitrage et de redressemen
reconnu du monde entier. Le droi
est du côté où se montrent le salut e
la nécessité. Le droit du roi à nous
relever de no» ruines, à nous sauver
de nous-mêmes, le droit de la France
à être sauvée par la royauté, voilà
l'évidence éclatante, une évidence qui
nous presse, qui nous assiège. Toute
discussion est rebattue, toute contro
verse épuisée. Il ne reste plus d'excuse
aux hommes politiques qui, tenant en
main la destinée, peuvent s'attarder
encore au rêve d'Un gouvernement
d'opinion et de quelque constitution
hybride.
P h . S brrbtj
ïa fait sujette de la nation qui reçoit
d'elle la-"direction et le commande-
nature. L'hérédité dé la royauté est de
droit naturel, de même que l'hérédité
du nom et du patrimoine. Toute per
pétuité, toute continuité, toute con
servation, tout épanouissement pro
cède de la loi héréditaire. Cette loi
régit la création, l'ordre moral et so
cial des choses aussi bien que leur
économie corporelle et organique.
Toute tradition, tout précepte, toute
patrie, toute forme, tout type de l'être
est un héritage. La puissance et la
prospérité des nations se mesurent à
leur attachement à la loi d'hérédité.
Une loi de nature, nécessairement, se
-manifeste dans l'histoire. L'hérédité
monarchique a fait la France, sa gran-
La plupart des journaux signalent
un discours prononcé par M. le duc
Decazes comme président du conseil
général de la Gironde, et que nous re
produisons plus loin. Nous ayons à
peine besoin de constater qu'il estsep-
tennaliste. Mais il y a présentement
des septennalistes de tant d'espèces,
qu'il ne peut être indifférent de savoir
en quelle catégorie se range M. le mi
nistre des affaires étrangères. Pour bien
rendre la chose, il faudrait dire,
croyons-nous, que M. le duc Decazes
est un septennaliste intransigeant. A
la vérité, le ministre réédite les paro
is du maréchal prononcéés à Lille,
quand il faisait appel aux modérés de
tous les partis; mais, au lieu de la pla
cidité du chef de l'Etat, M. le duc De
cazes nous fait voir un visage terri
ble, et la façon dont il parle $ imposer
silence aux impatients de tous les par
tis, lui donne comme un faux air de
Neptune brandissant son trident et fai
sant retentir ses Quos ego. -
Nous ne savons quels desseins nou
veaux présage cette attitude. Sans in
sister sur l'étrangeté qui se rencontre
à voir un ministre se disant libéral
n'avoir aux lèvres que le mot de ré
pression, il est permis de se deman
der comment s'y prendra M. Decazes,
lorsque la Chambre sera de retour,
pour écarter les motions diverses des
impatients dont il parle. Avec les jour-
nalistes on a beau jeu, grâce à l'état
de siégé ; avec les candidats à la dé-
putation, c'est déjà plus difficile, et
un collègue de M. Decazes, M. de Cha-
baud La Tour, vient d'en faire l'expé
rience en Anjou.Avec les députés, cela
peut même devenir périlleux, et il est
a présumer que, si M. le duc Decazes
est amené à développer son program
me du haut de la tribune, il le fera
d'un autre ton.
Mais est-ce bien un programme que
nous indique M. le ministre des affai
res étrangères? En tout cas, c'est un
programme de négation qu'il nous
semble aussi difficile de traiter sérieu
sement que de prendre pour unique
support clu septennat. M. le duc De
cazes, qui ne, s'embarrasse guère de
principes, peut avoir imaginé que ce
léger bagage suffisait à conduire pen
dant sept ans le gouvernement d'un
pays comme la France. Peut-être mê
me admet-il d'ores et déjà que la Cham-
bre ferait œuvre sage en prenant la
double décision de ne se pas dissoudre
avant l'année 1880 et de garder pen
dant ce temps le ministère qui pré
sentement nous régit. Mais ce sont là
des calculs dont le moindre défaut est
dene tenir compte ni des principes, ni
des faits, ni des hommes. Au premier
choc parlementaire, M. le duc Decazes
pourra s'apercevoir de leur inanité.
A uguste R oussel.
A l'occasion, les républicains savent
se faire agneaux ; ils ne parlent pag
toujours, le langage de M. Challemel-
Lacour. Aujourd'hui, le Siècle s'appro
che doucement des légitimistes, et s'a-
dressant « à cette foule d'hommes ho
norables, intelligents, instruits, maî
tres de grandes fortunes, dont l'in
fluence, qui pourrait s'exercer d'une
façon si heureuse pour la grandeur
de la France, diminue chaque-jour et
se perd au grand dommage du pays, »
il les adjure en ces termes de venir à
la république i,
Qu'eipèrent-ils donc de l'empire? le main-
tien de la tranquillité publique? ils savent à
qusl titre précaire l'empire l'a donnée un mo
ment à la France. L'accroissement de leur
fortune ? ils ne s'abusent pas sur la prétendue
prospérité matérielle des dix-huit ans de rè
gne et sur le prix dont il à fallu la payer. La
liberté ? les amis de l'empire ne se gêaent
pas pour menacer de l'exil et de la proscrip
tion quiconque se targuera (le fidélité à ses
convictions. Le triomphe de la papauté? s'il
pouvait leur rester quelque illusion sur la poli
tique religieuse de celui qui voulait donner au
Pape un palais et un jardin, ils n'ont qu'à lire
les journaux bonapartistes; leur mutisme sur
le rappel de l'Orénoque leur apprendra ce
que la papauté peut attendre de l'empire.
Le Siècle a raison sur ces points.
Aussi, ni les légitimistes ni les catho
liques ne veulent-ils revenir à l'em
pire; mais comme la république ne
leur offre non plus aucun des avanta
ges énumérés par le Siècle, ils préfè
rent s'en tenir à la royauté, qu'ils
appelent de leurs vœux, laissant les
républicains et les bonapartistes s'ap
précier à leur mérite.
— ■■■■ ■
FEUILLETON DE L'UNIVERS
OU 24 octobre
REVUE SCIENTIFIQUE
tib discours de m. dumas en l'honneur de
m. élie de beaumont
M. Elie de Beaumont a eu cette gloire
de témoigner pour la vérité jusqu'à la
fin; ayant eu cette fortune aujourd'hui singu
lière d'être loué hautement pour tout ce qu'il
y avait d'excellent en lui et de faire servir à
l'affirmation de la vérité tout ce que l'on eût
pu croire offert seulement à sa mémoire.
M. Dumas ne s'y est pas trompé. Inter
prète de l'Académie des sciences dans ce
dernier adieu qu'il venait porter à_un con
frère, il n'a point songé à séparer le chrétien
du savant, ni à déguiser l'homme de bien sous
l'homme de science. Mais il les a montrés
l'un avec l'autre réalisant, dans une large et
féconde carrière, cette alliance aujourd'hui
réputée contradictoire de la science et de la
foi.
11 y a én France beaucoup d'honnêtes gens,
et il ne peut être indifférent à M. Dumas d'a
voir mérité en cette rencontre toute leur re
connaissance. La science élevée est l'alliée
naturelle de Dieu. Dieu est le lieu des idées,
a dit Platon. La science, qui est idée ou créa
tion, est donc toute portée vers Dieu. Mais la
fausse science, ou la science reçue, qui est
mémoire, compilation ou rabâchage, est vé
ritablement dispensée de remonter si haut.
Voici en partie le discours de M. Dumas :
« L'Académie des sciences, que j'ai la pé
nible mission de représenter dans cette triste
cérémonie, est plongée dans la plus grande
douleur, et son deuil sera partagé par toutes
les sociétés suivantes du monde. Le confrère
illustre, l'homme vénéré que nous accompa
gnons à sa dernière demeure, l'un des plus
savants hommes de ce siècle, n'appartenait pas
seulement à notre compagnie ou même à la
France ; son nom glorieux personnifiait, dans
tous les pays civilisés et parmi toutes les na
tions, la géologie elle-même dans son accep
tion la plus sûre et la plus haute.
« La carrière de M. Elie de Beaumont a été
si bien remplie jusqu'à sa dernière heure, le
coup funeste qui l'enlève à notre affection a
été tellement soudain, qu'il faut remettre &
des moments plus calmes l'appréciation de
ses titres, si puissants et si divers, à la recon
naissance publique et au respect de la posté
rité/...
« Ce fut un grand événement, et l'Académie
entendit, en 1829, avec une émotion profon
de, les révélations du jeune géologue, venant
établir, sur d'incontestables preuves, que les
plus vieilles chaÎDes de montagnes de la
France étaient celles de la Côte-d'Or en
Bourgogne ; que les Pyrénées et les Apen
nins étaient venus plus tard; que le mont
Blanc lui-même était encore moins ancien en
date, et le Saint-Gotbard plus jeune que lui...
«Vers la]fin du siècle^dernier, Werner avait
établi la chronologie des événements qui ont
donné à la portion plutonique de la croûte
solide du globe sa contexture générale, en
déterminant l'ordre de succession des roches,
minéraux ou métaux qui la constituent.
a Au commencement de celui-ci, Cuvier et
Brongniart avaient fait voir que les fossiles
déposés dans les terrains tertiaires avaient
inscrit, par leur présence même dans les cou
ches neptuniennes, la date de leur formation
d'une manière précise et durable.
« M. Elie de Beaumont, complétant cette
trilogie, venait prouver, à son tour, que les
chaînes de montagnes platoniques ont été
soulevées à use époque qui se place après le
dépdt de tous les terrains sédimentaires qu'el
les ont entraînés dans leur mouvement d'as
cension, et avaùt le dépôt de ceux dont les
assises se montrent horizontales dans leur
voisinage.
« Les montagnes étaient donc un gonflement
de l'écorce du glob8, refoulant les mers au
loin et entraînant au-dessus de leur ancien ni
veau les couches solides déposées dans leur
fond.
«Après avoir reconstitué ainsi, par une vue
de l'esprit, ce qui a dû se passer dans une de
ces révolutions superficielles du globe, M.
Elie de Beaumont remonte au psaume CXIII,
ancienne et poétique expression d'une éton
nante justesse de la pensée scientifique mo
derne, jît rappelle ces paroles : « Devant la
« face du Seigneur, la terre s'est émue ; la
« mer le vit et s'enfuit; les montagnes bon-
« dirent comme des béliers et les collines
« comme des agneaux. » _
« La manière de travailler do M. Elfe de
Beaumont et le tour de son génie, se révèlent
tout entiers dans ces trois circonstances. L's
matériaux sur lesquels va se fondér sa doctri
ne sont recueillis avec patience et contrôlés
avec une rigoureuse exactitude. Sa vive ima
gination en tire des conséquences sublimes.
Sa piété les rattache, sans effort, aux textes'
sacrés. Observateur infatigable, persévérant
et sûr; poëte à sa manière, et poëte passion
né pour toutes les idées élevées ; chrétien tou
jours et chrétien convaincu : tel se montrait
M. Elie de Beaumont dans cette œuvre ad
mirable de sa jeunesse ; tel il est resté toute
sa vie.
« M. Elie de Beaumont était doué de l'esprit
le plus droit, du cœur le plus ferme et de
l'âme la plus hante; personne ne fut jamais
plus fidèle dans ses amitiés.Etranger à toutes
les combinaisons, il se laissait toujours diriger
par la passion du bien et par l'amour du vrai.
Tous les talents le trouvaient prêt à les soute
nir avec la plus rare bienveillance ; toutes les
injustices prêt à les combattre avec une im
placable ténacité et souvent même avec une
véhémence bien éloignée des habitudes polies
et réservées de sa vie ordinaire.
« Membre et secrétaire perpétuel de l'Aca
démie des sciences, professeur au collége,de
rahee, inspecteur général des mines, séna
teur, grand officier de la Légion d'honnenr,
. Elie de Beaumont avait obtenu tout ce
qui pouvait honorer sa carrière; il n'avait ja
mais rien demandé, il n'avait pas eu à s'offrir:
on était toujours venu le chercher.
« Grand exemple ! Utile leçon I Le travail,
les dons du génie, la sérénité de l'âme et la
dignité de la vie suffisent dans notre pays,
dont il ne faut pas trop médire, pour élever
les hommes à leur niveau.
« Les nombreux et longs voyages entrepris
dans toutes les parties de la France et de
l'Europe par M. Elie de Beaumont l'avaient
longtemps privé des douceurs de la vie de
famille. Ses habitudes étant devenues plus
sédentaires, il avait contracté une union of
frant tous les gages d'un bonheur accompli.
La personne d'uae haute distinction, apparte
nant à l'illustre famille de Quélen, qui était
devenue sa compagne, était digne, par so:i
intelligence" élevée, d'être associée à sa gloire.
«La^mort prématurée de MtneElie de Beau
mont, après quelques années d'une vi6.com-
mune qui lui avait fait apprécier les douceurs
du foyer domestique, fut pour lui le plus
grand des chagrins,que pouvaient seuls adou
cir les so : ns et la tendresse du fils de son
frère, véritable fils pour lui, et de ses petits-
neveux.
«Le courage calme qu'il déploya plus tard à
Paris, pendant le siège et sous le coup des
affreux événements de la Commune, tout en
tier à ses devoirs et à la surveillance des inté
rêts de l'Académie, pouvait faire illusion;
mais la tristesse profonde avec laquelle il
avait assisté aux malheurs de la patrie, n'ex
pliquait que trop l'altération sensible que
nous observions avec Inquiétude dans sa
santé.
«Il a plu à la Providence de le rappeler à
elle à ce moment, dont il s'était fait une
grande joie, où sa famille réunie autour de
son foyer hospitalier, dans l'antique domaine
de ses ancêtres, se préparait à célébrer le
soixante seizième anniversaire de sa nais
sance.
« Ilélas ! ce j our de fête est devenu, soudais,
un jour de deuil. Mais M. Elie de Beaumont
comprenait tous ses devoirs; il n'en négli
geait aucun ; il était toujours prêt, et si l'ange
On nous écrit de Rome, le 18 oc
tobre :
Personne n'a oublié comme, il y a trois
an?, même certains esprits honnêtes et de
bonne foi trouvaient à redire à ce que le
Saint-Père ne quittât pas Rome. On préten
dait que, partout où il irait, il serait reçu à
bras ouverts, même par les gouvernements.
Nous n'en avons jamais douté pour les popu
lations catholiques; quant aux gouverne
ments, nous ne partagions nullement cette
opinion. Nous nous sommes fiés à l 'inspira-
iion du souverain Pontlfa et à l'admirable
prévoyance de son premier minisire, et nous
n'avons pas sur la conscience d'avoir pro
noncé un mot ou écrit une parole qui*eût pu
passer pour un encouragement au départ du
Saint-Père.
Mais on nous répondait qu'en dehors dti
bon accueil que le Saint-Père jurait reçu
partout; encore le séjour du Saint-Père à
Rome devait nécessairement porter à la con
ciliation et à un modus vivendi avec les usur
pateurs. Ôr, aujourd'hui, après une, épreuve
de quatre longues années, personne ne parle
plus de conciliation, ni de modus vivendi. Nos
persécuteurs eux-mêmes avouent maintenant
qu'il est impossible, et quelques-uns à peine
espèrent qu'avec un nouveau Pape ils pour
ront plus aisément arracher une conciliation
à la papauté. Mais; nous n'y sommes pas,
grâce au ciel; le Saint-Père se porte à mer
veille, et, vu sa santé et la longévité tradi
tionnelle de sa famille, il ne serait pas.éton
nant qa'il régnât encore de longues années
pour le bien et la gloire de l'Eglise.
Ce n'est donc pas de ce point de la ques
tion que nous entendons parler aujourd'hui.
Ce qu'il importe de démontrer actuellement,
e'est»que si le Saint-Père avait choisi le che
min tle l'exil plutôt que le sort de la prison,
sa dignité aurait pu en souffrir. Que l'on se
figure un instant le Pape sur le territoire
français, au moment où M. le duc Decazes-
règne et gouverne, et où il insère dans le
Journal officiel sa fameuse note relative au
départ de l' Orénoque , dans laquelle il affirme
que si le Pape était parti de Rome, il en se-
jait parti contrairement aux désirs de la Fran
ce. Si M. le duc a qualité pour parler du dé
sir -de la France, quelle position le Pape au-
de la mort l'a touché de sou aile sans l'aver
tir, il ne l'a point surpris. Il était de ceux
dont les dettes sont toujours payées. Son
âme immortelle et pure a dû quitter sans
trorîble et sans effroi cette terre, dont il a
tant contribué -à révéler les splendeurs ou à
faire admirer les harmonies. Elle pouvait re
monter calme vers les régions sereines, objet
constant des aspirations de notre vénéré con
frère, et se présenter confiante devant le sou
verain juge, en qui il avait toujours placé ses
espérances et sa foi. » -
Notons encore ce témoignage de M. l'abbé
Moigao, dans son excellente revue ;
« M. Elie de Beaumont savait parfaitement
accorder sa science avec sa foi. Il était sincè
rement chrétien, et aucun des spécieux té
moignages de la géologie en faveur de la pré
tendue antiquité indéfinie de l'homme ne l'a
vait ébranlé. Il a su en toutes circon
stances montrer le faible des objections qu'une
demi-science opposait à la révélation. Les
comptes rendus de l'Académie des sciences
témoignent hautement de son orthodoxie. »
(Les Mondes).
Le seul discours de M. Laboulaye a été
d'une insignifiance totale. Triste interprète
des regrets et des sentiments du collège de
France, il n'a trouvé que des paroles re
grettables :
« Notre collègue nous appartenait depuis
plus de quarante ans : c'était notre doyen...
A la mort de Cuvier, des concurrents déjà cé
lèbres se présentaient pour recueillir l'héri
tage du maître. Néanmoins, l'assemblée des
professeurs choisit à la presque unanimité M.
Elie de Beaumont.,. G 'était le membre le
plus assidu de nos réunions. Ce n'étaient pas
seulement des conseils qu'il nous apportait,
c'était aussi son influence... C'est là, mes
sieurs, un. éloge bien modeste à joindre à
tant de louanges si justement méritées ; mais
en face de cette tombe qui nous parle de
notre fragilité, il est permis de croire, il est
doux d'espérer que devant le Juge suprême,
les vertus de l'homme ne pèsent pas moins que
le génie du savant,.. »
rait'il eue, en s'entendant dire une telle pa
role par un minisfre.français?
' Après l'avoir entendue, que lui restait-il à
faire, sinon à partir? Et où serait-il allé?
Est-ce en Autriche, qui tremble devant l'I
talie et vis-à-vis M. de Bismarcb? Est-ce en
Espagne, où les populations l'auraient voulu
retenir, et où les gouvernants auraient cher
ché à s'en débarrasser, et où, à cause de lui,
des conflits entre gouvernants et gouvernés
auraient dû nécessairement éclater? Néan
moins, M. Decazes a eu grand tort de s'ex
primer avec aussi peu àe respect envers le
ehef auguste de la catholicité. S'il voulait
bien consulter les archives du ministère des
affaires étrangères, il verrait qu'avant lui,
sous M. Thiers, des propositions relatives au
départ du Saint-Père ont été faites à Sa Sain
teté, et qu'elles excluent absolument l'idée
que la France et même le gouvernement d'a
lors ne désiraient pas que le souverain Pon
tife quittât Rome.
La faute qu'il a commise en lançant cette
proposition est d'autant plus grande qu'il a
exposé le Saint-Père à de nouvelles injures
de la presse officieuse de Victor-Emmanuel,
irréfléchie du Journal officiel pour s'écrier :
« Ah ! le gouvernement français comprend
parfaitement que le Pape se trouve à Rome
dans les conditions voulues pour exercer en
pleine liberté son ministère spirituel, et nous
n'avons jamais demandé davantage. Én voici
la preuve. »
M. Decazes avait le droit de rappeler l'O
rénoque, mais il aurait dû le faire sans en
parler. — lia ajouté aux amertumes du
Saint-Père et de tous les bons catholiques,
et il s'est exposé à s'entendre dira qu'il a
parlé au nom de la France sans en avoir eu le
droit. Pour notre compte, nous n'avons re
levé cette affaire que pour prouver que la
Saint-Père a bien fait de ne pas quitter le
Vatican, qu'il ne doit quitter que chassé par
la force. Et Quant à la conciliation, nous som
mes certains qu'il ne choisira jamais une si
tuation qui fasse courir quelque péril à sa
conscience et à son honneur.
G. C. P.
Une correspondance romaine adres
sée à la Décentralisation nous apprend
que, si M. de Corcelles à consenti à
rester comme ambassadeur à Rome
après le rappel de Y Orénoque, ce n'est
que « pour partir dans peu. de temps
avec plus d'éclat. »
Toute la question est.de savoir si le
correspondant exprime ici son opi
nion personnelle ou s'il est l'écho de
l'ambassadeur. Mais cette théorie nous
semble dangereuse de ne pas protes
ter tout d'abord pour se donner le
plaisir, tous les attentats étant con
sommés, de protester avec plus d'é
clat.
Voici le discours de M. le duc De
cazes dont il est parlé plus haut :
Messieurs,
C'est à peine si je me sens le droit de vous
remercier du grand honneur que vous venez
de me faire, et dont je suis cependant si pro
fondément touché.
Ce sont, en effèt, je ne puis ni ne dbis le
méconnaître, des considérations générales du
l'ordrë le plus élevé qui ont décidé de vos
votes, bien plus que la bienveillance ou l'a
mitié que quelques-uns d'entre vous ont bien
voulu me témoigner en tant d'occasions.
Pénétrés de la nécessité de rechercher un
abri où la France puisse trouver un calme re?
fuge pendant cette tempête qui a dispersé les
éléments essentiels de sa force et de sa pros
périté, vous avez voulu manifester et affirmer
l'énergie de ces sentiments, en accueillant,
avec une faveur inespérée pour lui, l'un des
ministres de l'illustre chef auquel l'Assem
blée nationale a confié pour sept ans nos des
tinées, l'un des serviteurs fidèles et convain
cus de ce pouvoir, qui, faisant appel à tous
les hommes modérés, veut imposer silènee,
pendant cette trêve si nécessaire, aux impa
tients de tous les partis, et donner ainsi à
l'Europe étonnée et inquiète de nos divi-
Cela 'paraît totalement absurde, et cela
manque de simplicité. Un non-sens veut être
posé carrément sur ses pattes, et on ne l'en
tortille pas de tant de fanfreluches.
Qu'est-ce que M. Laboulaye veut donc
dire? Et quelle idée se fait-il du Juge
suprême, « qu'il hésite à croire, qu'il ose
à peine espérer que ses vertus person
nelles pèsent autant que son génie devant ce
juge-là? » M. Laboulaye aurait-il quelque
idée de s'être fait lui-même et que son génie
lui appartienne en propre? Et puis quelle
opinion se fait-il de ses vertus pour craindre
qu'elles pèsent moins que son génie? Ne
saute-t-il pas aux yeux que son génie est
comme rien auprès de ses seules vertus poli
tiques? Le Juge suprême ne doit aucune es
pèce de considération au génie de qui que ce
soit ; le génie est chose vile à ses yeux, et il
n'y aura aucun égard, sinon pour exiger de
ses créatures une idée plus haute de ses at
tributs et de ses droits.
Malheureusement le Juge suprême, aujour
d'hui, est assez mal connu au Collège de
France; par suite de cette fâcheuse babitude
que l'on a de L'y évoquer en moyenne une
fois tous les vingt ans, durant une minute,
en face d'une tombe que l'on a bâte de fer
mer. Cela explique jusqu'à un certain point
l'erreur de M. Laboulaye. Le génie de cet
homme distingué y peut aussi réclamer une
petite part; et le soin qu'il accorde à la chose
publique, une autre. Néanmoins «il est per
mis de croire, il est doux d'espérer » qu'il
n'est peut être pas un de nos enfants qui n'ait,
de ce Juge suprême, une idée plus précise et
plus haute. Et ce n'était pas là peine vraiment
de quitter le Collège de France pour venir
gâter et obscurcir aux cœurs de nos jeunes
gens une notion si réellement utile.
N° 2594. Edition quotidienne.
. M
w
PA.R1S
tin an.A\ K8 fr.
Six mois.... a 30
Trois mois 16
Le numéro, à Paris : 15 cent.;
r— Départements : 20 »
boveaux
[Paris, 10, rue des Saints-Pères.
Oa s'abonne, à Rome, \ia delle Stimate, 22,23,24.
Samedi 24 Octobre 1874
DÉPARTEMENTS.
Un an.., i 88 fr.
Six mois . - SO
Trois mois.,,.....' 16
Édition semi-quotidienne
Un an, 32 fr.—Six mois, 17 fr.—Trois mois, 9 fr.'
L'Univers ne répond pas des manuscrits gui lu! sont adressai,
ajvnr outcrs
hh, ch. lagrange, cerï et 0 e , 6, place de la besrte. *
FRANCE
PARIS, 23 OCTOBRE 187è
Factions et Fractions
m -Au nombre des rédacteurs du Rappel
il en est un qui se fait remarquer par
une singularité presque bizarre en pa
reil lieu : d'ordinaire, quand il prend la
plume, c'est pour dire quelque chose.
S'il vous arrive dè rencontrer dans ce
journal la signature Asseline, lisez l'ar
ticle : il y a chance que vous y trouve
rez un aperçu. Nous disons un aperçu,
nous ne disons point une. idée. Une
idée c'est la perception d'un rapport
vrai, d'une loi réelle du monde moral
ou de J'ordre politique; cela peut me
ner fort loin et engager plus qu'on ne
voudrait. Le parti radical vit dé fic
tions; il ne peut toucher que discrète
ment et d'une main craintive à. une
vérité quelconque, sous peine de s'y
blesser tout le premier et dè fort en
dommager sa frêle enveloppe de décla
mations et dé sophismës. Aussi l'écri
vain que nous venons de. nommer se
contente-t-il prudemment d'entrevoir
le point lumineux ; les déductions ne
sont pas poussées très avant, mais en
fin il y a par là, quelquefois, une lueur,
une indication, quelque chose de très
différent, en un mot, des lieux com-
* muns de M. Auguste Yacquerie ou des
écœurantes mignardises de M. Loc
kroy.
Tout récemment, nous avons noté
lin de ces petits Asseline, mettant le
doigt fort prestement au point malade
du parti conservateur. Les divisions
de ce parti, sans doute, et l'impuis
sance qui en est la suite, sont chose
banale; mais il y a une certaine ma
nière de dire, une certaine façon de
toucher la jointure qui rend une dé
monstration plus probante et plus
poignante. Le raisonnement, ou, si
l'on veut, l'apologue était emprunté
aux règles de l'arithmétique. La ma
jorité conservatrice,si majorité il y a,
est un assemblage d'éléments dépareil
lés. On ne saurait dire proprement
qu'elle se compose de telle et telle
partie; le mot exact est qu'elle se dé
compose en plusieurs fractions hétéro
gènes ; quant & masser ces tronçons,
a les ramener à l'unité, à en faire un
tout, autant chercher la ^quadrature
du cercle. Le malheur dés fractions
conservatrices, c'est que chacune a
«on dénominateur particulier et y tient
absolument. Orléanisme, impérialisme,
septennalisme, septennalisme - orléa
niste^ septennalisme-impérialiste, au
tant de dénominateurs inassociables
faisant obstacle au groupement des
forces. Ayez un tiers, un quart, un
septième : il n'y a pas moyen d'addi
tionner telles quelles ces fractions aux
dénominateurs disparates. Il est vrai
que les chiffres abstraits sont de meil
leure composition que les partis poli
tiques ; les fractions diversement dé
nommées se laissent faire une opéra
tion fort simple, connue sous le nom
de réduction au même dénominateur,
moyennant laquelle on les met d'ac
cord ensemble et on les totalise sans
difficulté. Les fractions politiques ré
sistent opiniâtrement à ce travail de
fusion, par le motif qu'elles sont des
factions en même temps que des frac
tions, et qu'elles tiennent avec énergie
à leur dénominateur, qui est leur dra
peau et leur symbole.
Au nom des grands intérêts conser
vateurs, on blâme fort cet entêtement.
Il serait plus simple de reconnaître
qu'il est dans la nature des choses. Il
est naturel que les partis tiennent au
principe où réside leur force, leur vi
talité, leur cohésion, leur raison d'ê
tre. La dernière chose qu'un homme
ou une secte se laisse persuader est
de consentir à ne pas être. L'histoire
n'offre pas d'exemple de différends de
ce genre terminés à l'amiable, simple
ment par voie de discussion ou de per
suasion. Pour mettre fin aux divergen
ces,, il n'y a qu'un coup de force ou da
fortune portant définitivement au pou
voir une des factions qui divisent le
pays. Les dissidences, alors, disparais
sent ou sont réputées disparaître ; la
pluralité des opinions est prohibée;
constitutioanellement, il n'y en a plus
qu'une, celle qui est en possession du
pouvoir. Les choses sont mises au point
ou nous ramena là révocation de l'édit
de Nantes : II n'y a plus d'hérétiques.
C'est une fiction, dit-on ; soit, mais
une fiction impérative et qui dispose
de l'argument de la force, passé dans
l'ordre-dés faits ; rien ne ressemble da
vantage à une vérité.
- Il faut savoir se résigner aux lois
inéluctables. Les partis ne se conver
tissent pas les uns les autres ; les frac
tions ne" se soumettent à une autre
fraction et n'en subissent le dénomina
teur que par droit deconquête; à cela il
n'y a rien à faire. Prêchez, paîrocinez
jusqu'à la Pentecôte, vous n'avancerez
pas d'une semelle. Le parlementaris
me orléaniste assure qu'il a la raison
la plus forte ; les bonapartistes ont la
même prétention; on ne sort pas de ce
conflit de raisons convaincantes au
même degré. Pour trancher le débat et
faire trébucher la balance, il ne s'agit
pas de la raison la plus forte, il fau
drait la raison du plus fort.
On objecte qu'il y aurait moyen de
s'entendre sur le terrain des principes
généraux de- conservation et d'ordre.
Les principes généraux ont leur incon
testable utilité, comme thèse d'école,
cela peut suffire pour discourir, c'est
absolument insuffisant pour créer un
gouvernement défini et le munir d'or
ganes vivants et agissants.. On pérore,
en général, on ne produit rien, on ne
fait rien qu'en particulier et dans une
forme déterminée. On plante un pom
mier ou un tilleul, on ne plante pas
un arbre en général. Un arbre indé
terminé, n'ayant pas de généalogie
propre et n'appartenant à aucune fa
mille végétale, cela.n'existe pas dans
la "nature. La politique est, comme tout
le reste, assujettie à ce§ indéclinables
règles de sens commun. On connaît
des consitutions césariennes et des
constitutions parlementaires; on ne
connaît pas et l'on jie conçoit guère
de constitution simplement et indéter-
minément conservatrice. Toute consti
tution est l'œuvre d ? une opinion, l'af
firmation d'un principe et d'une forme
politique et, tout ensemble, l'exclusion
des autres formes. Les formes po
litiques ne sont pas plus assimila
bles et co-pénétrables l'une par l'au
tre que les figures géométriques.
On n'imagine pas de compromis ou
d'assimilation possible des formes
élémentaires du prisme et de la sphè
re, du carré et du triangle. Un gou
vernement n'existe que pour protéger
l'ordre social en même temps qu'il se
protège et, se défend lux-même. Pour
se défendre, il importe tout d'abord
d'être organisé et de vivre ; on n'est
organisé, on ne vit que sous une con
figuration arrêtée qui est elle-même
et ne peut êtra simultanément diffé
rente d'elle-même.Dàns le désarroi du
temps présent, le septennat a été in
venté, régime neutre, constitution &*■
inorpbe, la seule propice, assure-t-on,
au fusionnement des diverses opinions
conservatrices. Le septennat ne s'a
chemine et ne nous achemine avec
quelque certitude qu'à un but connu,
qui est le terme fixé d'avance -pour
l'expiration du pouvoir septennal ;
quant aux questions urgentes à ré
soudre, il les laisse au point de dé
part. Les docteurs en septennat peu
vent disserter à perte d'haleine tou
chant l'économie de ce régime; ils
n'arrivent pas à se mettre d'accord
pour le définir.
Le.journal radical prouve S souhait
l'impuissance des fractions conserva
trices à agir de concert et à constituer
gtitji que ce soit. Nous .lui demande
rions de pousser un peu plus sa pointe,
Il est commode de faire aux autres
l'application d'une vérité désagréable;
le républicanisme, est, lui aussi, une
fraction ; pas plus que l'impérialisme
ou l'orléanisme, il ne peut prétendre
apparemment nous faire accepter son
dénominateur par la force ou le char
me du raisonnement. Ceci, au surplus,
va très au delà des petites querelles et
des misérables compétitions de partis.
Tout ce qui ressort des chocs d'opi
nions, c'est l'impossibilité de rien as
seoir sur l'opinion, c'est l'absurdité de
prétendre constituer et gouverner avec
elle ou par elle. La promiscuité des
opinions constituantes et gouvernan
tes, est une débauche de l'esprit, une
aberration, une chimère entièrement
semblable à la promiscuité des prin
cipes et des formes politiques dans une
même constitution. Il n'est que temps
de s'arracher à la tyrannie de ces fic
tions abêtissantes et de revenir aux
lois de nature, aux vérités né
cessaires qui régissent les sociétés.
Il existe, grâces à Dieu, de ces vé
rités qui ne se mettent pas aux voix
et ne dépendent pas du hasard des
majorités. Deux et deux font qua
tre; la ligne droite est le plus court
cheînin : voilà des axiomes qui s'im
posent et n'attendent pas, pour forcer
l'acquiescement, un vote des comices.
Il se rencontre dans l'ordre social et
politique des vérités semblablement
subjugantes et qui défient 1er contra
diction. Voici de ces réalités, rendues
effroyablement évidentes par un siècle
de convulsions et de calamités : les
peuples sont propres à être gouvernés,
non à se gouverner eux-mêmes, sauf
dans le cercle de leurs intérêts de fa
mille et delocalité. L'autorité comporte
la supériorité ; par conséquent, il est
contre sa nature d'être déléguée, de
sortir d'un pacte ou d'un mandat, de
subir, en un mot, une condition qui
deur, sa primauté en Europe, son
droit d'arbitrage et de redressemen
reconnu du monde entier. Le droi
est du côté où se montrent le salut e
la nécessité. Le droit du roi à nous
relever de no» ruines, à nous sauver
de nous-mêmes, le droit de la France
à être sauvée par la royauté, voilà
l'évidence éclatante, une évidence qui
nous presse, qui nous assiège. Toute
discussion est rebattue, toute contro
verse épuisée. Il ne reste plus d'excuse
aux hommes politiques qui, tenant en
main la destinée, peuvent s'attarder
encore au rêve d'Un gouvernement
d'opinion et de quelque constitution
hybride.
P h . S brrbtj
ïa fait sujette de la nation qui reçoit
d'elle la-"direction et le commande-
nature. L'hérédité dé la royauté est de
droit naturel, de même que l'hérédité
du nom et du patrimoine. Toute per
pétuité, toute continuité, toute con
servation, tout épanouissement pro
cède de la loi héréditaire. Cette loi
régit la création, l'ordre moral et so
cial des choses aussi bien que leur
économie corporelle et organique.
Toute tradition, tout précepte, toute
patrie, toute forme, tout type de l'être
est un héritage. La puissance et la
prospérité des nations se mesurent à
leur attachement à la loi d'hérédité.
Une loi de nature, nécessairement, se
-manifeste dans l'histoire. L'hérédité
monarchique a fait la France, sa gran-
La plupart des journaux signalent
un discours prononcé par M. le duc
Decazes comme président du conseil
général de la Gironde, et que nous re
produisons plus loin. Nous ayons à
peine besoin de constater qu'il estsep-
tennaliste. Mais il y a présentement
des septennalistes de tant d'espèces,
qu'il ne peut être indifférent de savoir
en quelle catégorie se range M. le mi
nistre des affaires étrangères. Pour bien
rendre la chose, il faudrait dire,
croyons-nous, que M. le duc Decazes
est un septennaliste intransigeant. A
la vérité, le ministre réédite les paro
is du maréchal prononcéés à Lille,
quand il faisait appel aux modérés de
tous les partis; mais, au lieu de la pla
cidité du chef de l'Etat, M. le duc De
cazes nous fait voir un visage terri
ble, et la façon dont il parle $ imposer
silence aux impatients de tous les par
tis, lui donne comme un faux air de
Neptune brandissant son trident et fai
sant retentir ses Quos ego. -
Nous ne savons quels desseins nou
veaux présage cette attitude. Sans in
sister sur l'étrangeté qui se rencontre
à voir un ministre se disant libéral
n'avoir aux lèvres que le mot de ré
pression, il est permis de se deman
der comment s'y prendra M. Decazes,
lorsque la Chambre sera de retour,
pour écarter les motions diverses des
impatients dont il parle. Avec les jour-
nalistes on a beau jeu, grâce à l'état
de siégé ; avec les candidats à la dé-
putation, c'est déjà plus difficile, et
un collègue de M. Decazes, M. de Cha-
baud La Tour, vient d'en faire l'expé
rience en Anjou.Avec les députés, cela
peut même devenir périlleux, et il est
a présumer que, si M. le duc Decazes
est amené à développer son program
me du haut de la tribune, il le fera
d'un autre ton.
Mais est-ce bien un programme que
nous indique M. le ministre des affai
res étrangères? En tout cas, c'est un
programme de négation qu'il nous
semble aussi difficile de traiter sérieu
sement que de prendre pour unique
support clu septennat. M. le duc De
cazes, qui ne, s'embarrasse guère de
principes, peut avoir imaginé que ce
léger bagage suffisait à conduire pen
dant sept ans le gouvernement d'un
pays comme la France. Peut-être mê
me admet-il d'ores et déjà que la Cham-
bre ferait œuvre sage en prenant la
double décision de ne se pas dissoudre
avant l'année 1880 et de garder pen
dant ce temps le ministère qui pré
sentement nous régit. Mais ce sont là
des calculs dont le moindre défaut est
dene tenir compte ni des principes, ni
des faits, ni des hommes. Au premier
choc parlementaire, M. le duc Decazes
pourra s'apercevoir de leur inanité.
A uguste R oussel.
A l'occasion, les républicains savent
se faire agneaux ; ils ne parlent pag
toujours, le langage de M. Challemel-
Lacour. Aujourd'hui, le Siècle s'appro
che doucement des légitimistes, et s'a-
dressant « à cette foule d'hommes ho
norables, intelligents, instruits, maî
tres de grandes fortunes, dont l'in
fluence, qui pourrait s'exercer d'une
façon si heureuse pour la grandeur
de la France, diminue chaque-jour et
se perd au grand dommage du pays, »
il les adjure en ces termes de venir à
la république i,
Qu'eipèrent-ils donc de l'empire? le main-
tien de la tranquillité publique? ils savent à
qusl titre précaire l'empire l'a donnée un mo
ment à la France. L'accroissement de leur
fortune ? ils ne s'abusent pas sur la prétendue
prospérité matérielle des dix-huit ans de rè
gne et sur le prix dont il à fallu la payer. La
liberté ? les amis de l'empire ne se gêaent
pas pour menacer de l'exil et de la proscrip
tion quiconque se targuera (le fidélité à ses
convictions. Le triomphe de la papauté? s'il
pouvait leur rester quelque illusion sur la poli
tique religieuse de celui qui voulait donner au
Pape un palais et un jardin, ils n'ont qu'à lire
les journaux bonapartistes; leur mutisme sur
le rappel de l'Orénoque leur apprendra ce
que la papauté peut attendre de l'empire.
Le Siècle a raison sur ces points.
Aussi, ni les légitimistes ni les catho
liques ne veulent-ils revenir à l'em
pire; mais comme la république ne
leur offre non plus aucun des avanta
ges énumérés par le Siècle, ils préfè
rent s'en tenir à la royauté, qu'ils
appelent de leurs vœux, laissant les
républicains et les bonapartistes s'ap
précier à leur mérite.
— ■■■■ ■
FEUILLETON DE L'UNIVERS
OU 24 octobre
REVUE SCIENTIFIQUE
tib discours de m. dumas en l'honneur de
m. élie de beaumont
M. Elie de Beaumont a eu cette gloire
de témoigner pour la vérité jusqu'à la
fin; ayant eu cette fortune aujourd'hui singu
lière d'être loué hautement pour tout ce qu'il
y avait d'excellent en lui et de faire servir à
l'affirmation de la vérité tout ce que l'on eût
pu croire offert seulement à sa mémoire.
M. Dumas ne s'y est pas trompé. Inter
prète de l'Académie des sciences dans ce
dernier adieu qu'il venait porter à_un con
frère, il n'a point songé à séparer le chrétien
du savant, ni à déguiser l'homme de bien sous
l'homme de science. Mais il les a montrés
l'un avec l'autre réalisant, dans une large et
féconde carrière, cette alliance aujourd'hui
réputée contradictoire de la science et de la
foi.
11 y a én France beaucoup d'honnêtes gens,
et il ne peut être indifférent à M. Dumas d'a
voir mérité en cette rencontre toute leur re
connaissance. La science élevée est l'alliée
naturelle de Dieu. Dieu est le lieu des idées,
a dit Platon. La science, qui est idée ou créa
tion, est donc toute portée vers Dieu. Mais la
fausse science, ou la science reçue, qui est
mémoire, compilation ou rabâchage, est vé
ritablement dispensée de remonter si haut.
Voici en partie le discours de M. Dumas :
« L'Académie des sciences, que j'ai la pé
nible mission de représenter dans cette triste
cérémonie, est plongée dans la plus grande
douleur, et son deuil sera partagé par toutes
les sociétés suivantes du monde. Le confrère
illustre, l'homme vénéré que nous accompa
gnons à sa dernière demeure, l'un des plus
savants hommes de ce siècle, n'appartenait pas
seulement à notre compagnie ou même à la
France ; son nom glorieux personnifiait, dans
tous les pays civilisés et parmi toutes les na
tions, la géologie elle-même dans son accep
tion la plus sûre et la plus haute.
« La carrière de M. Elie de Beaumont a été
si bien remplie jusqu'à sa dernière heure, le
coup funeste qui l'enlève à notre affection a
été tellement soudain, qu'il faut remettre &
des moments plus calmes l'appréciation de
ses titres, si puissants et si divers, à la recon
naissance publique et au respect de la posté
rité/...
« Ce fut un grand événement, et l'Académie
entendit, en 1829, avec une émotion profon
de, les révélations du jeune géologue, venant
établir, sur d'incontestables preuves, que les
plus vieilles chaÎDes de montagnes de la
France étaient celles de la Côte-d'Or en
Bourgogne ; que les Pyrénées et les Apen
nins étaient venus plus tard; que le mont
Blanc lui-même était encore moins ancien en
date, et le Saint-Gotbard plus jeune que lui...
«Vers la]fin du siècle^dernier, Werner avait
établi la chronologie des événements qui ont
donné à la portion plutonique de la croûte
solide du globe sa contexture générale, en
déterminant l'ordre de succession des roches,
minéraux ou métaux qui la constituent.
a Au commencement de celui-ci, Cuvier et
Brongniart avaient fait voir que les fossiles
déposés dans les terrains tertiaires avaient
inscrit, par leur présence même dans les cou
ches neptuniennes, la date de leur formation
d'une manière précise et durable.
« M. Elie de Beaumont, complétant cette
trilogie, venait prouver, à son tour, que les
chaînes de montagnes platoniques ont été
soulevées à use époque qui se place après le
dépdt de tous les terrains sédimentaires qu'el
les ont entraînés dans leur mouvement d'as
cension, et avaùt le dépôt de ceux dont les
assises se montrent horizontales dans leur
voisinage.
« Les montagnes étaient donc un gonflement
de l'écorce du glob8, refoulant les mers au
loin et entraînant au-dessus de leur ancien ni
veau les couches solides déposées dans leur
fond.
«Après avoir reconstitué ainsi, par une vue
de l'esprit, ce qui a dû se passer dans une de
ces révolutions superficielles du globe, M.
Elie de Beaumont remonte au psaume CXIII,
ancienne et poétique expression d'une éton
nante justesse de la pensée scientifique mo
derne, jît rappelle ces paroles : « Devant la
« face du Seigneur, la terre s'est émue ; la
« mer le vit et s'enfuit; les montagnes bon-
« dirent comme des béliers et les collines
« comme des agneaux. » _
« La manière de travailler do M. Elfe de
Beaumont et le tour de son génie, se révèlent
tout entiers dans ces trois circonstances. L's
matériaux sur lesquels va se fondér sa doctri
ne sont recueillis avec patience et contrôlés
avec une rigoureuse exactitude. Sa vive ima
gination en tire des conséquences sublimes.
Sa piété les rattache, sans effort, aux textes'
sacrés. Observateur infatigable, persévérant
et sûr; poëte à sa manière, et poëte passion
né pour toutes les idées élevées ; chrétien tou
jours et chrétien convaincu : tel se montrait
M. Elie de Beaumont dans cette œuvre ad
mirable de sa jeunesse ; tel il est resté toute
sa vie.
« M. Elie de Beaumont était doué de l'esprit
le plus droit, du cœur le plus ferme et de
l'âme la plus hante; personne ne fut jamais
plus fidèle dans ses amitiés.Etranger à toutes
les combinaisons, il se laissait toujours diriger
par la passion du bien et par l'amour du vrai.
Tous les talents le trouvaient prêt à les soute
nir avec la plus rare bienveillance ; toutes les
injustices prêt à les combattre avec une im
placable ténacité et souvent même avec une
véhémence bien éloignée des habitudes polies
et réservées de sa vie ordinaire.
« Membre et secrétaire perpétuel de l'Aca
démie des sciences, professeur au collége,de
rahee, inspecteur général des mines, séna
teur, grand officier de la Légion d'honnenr,
. Elie de Beaumont avait obtenu tout ce
qui pouvait honorer sa carrière; il n'avait ja
mais rien demandé, il n'avait pas eu à s'offrir:
on était toujours venu le chercher.
« Grand exemple ! Utile leçon I Le travail,
les dons du génie, la sérénité de l'âme et la
dignité de la vie suffisent dans notre pays,
dont il ne faut pas trop médire, pour élever
les hommes à leur niveau.
« Les nombreux et longs voyages entrepris
dans toutes les parties de la France et de
l'Europe par M. Elie de Beaumont l'avaient
longtemps privé des douceurs de la vie de
famille. Ses habitudes étant devenues plus
sédentaires, il avait contracté une union of
frant tous les gages d'un bonheur accompli.
La personne d'uae haute distinction, apparte
nant à l'illustre famille de Quélen, qui était
devenue sa compagne, était digne, par so:i
intelligence" élevée, d'être associée à sa gloire.
«La^mort prématurée de MtneElie de Beau
mont, après quelques années d'une vi6.com-
mune qui lui avait fait apprécier les douceurs
du foyer domestique, fut pour lui le plus
grand des chagrins,que pouvaient seuls adou
cir les so : ns et la tendresse du fils de son
frère, véritable fils pour lui, et de ses petits-
neveux.
«Le courage calme qu'il déploya plus tard à
Paris, pendant le siège et sous le coup des
affreux événements de la Commune, tout en
tier à ses devoirs et à la surveillance des inté
rêts de l'Académie, pouvait faire illusion;
mais la tristesse profonde avec laquelle il
avait assisté aux malheurs de la patrie, n'ex
pliquait que trop l'altération sensible que
nous observions avec Inquiétude dans sa
santé.
«Il a plu à la Providence de le rappeler à
elle à ce moment, dont il s'était fait une
grande joie, où sa famille réunie autour de
son foyer hospitalier, dans l'antique domaine
de ses ancêtres, se préparait à célébrer le
soixante seizième anniversaire de sa nais
sance.
« Ilélas ! ce j our de fête est devenu, soudais,
un jour de deuil. Mais M. Elie de Beaumont
comprenait tous ses devoirs; il n'en négli
geait aucun ; il était toujours prêt, et si l'ange
On nous écrit de Rome, le 18 oc
tobre :
Personne n'a oublié comme, il y a trois
an?, même certains esprits honnêtes et de
bonne foi trouvaient à redire à ce que le
Saint-Père ne quittât pas Rome. On préten
dait que, partout où il irait, il serait reçu à
bras ouverts, même par les gouvernements.
Nous n'en avons jamais douté pour les popu
lations catholiques; quant aux gouverne
ments, nous ne partagions nullement cette
opinion. Nous nous sommes fiés à l 'inspira-
iion du souverain Pontlfa et à l'admirable
prévoyance de son premier minisire, et nous
n'avons pas sur la conscience d'avoir pro
noncé un mot ou écrit une parole qui*eût pu
passer pour un encouragement au départ du
Saint-Père.
Mais on nous répondait qu'en dehors dti
bon accueil que le Saint-Père jurait reçu
partout; encore le séjour du Saint-Père à
Rome devait nécessairement porter à la con
ciliation et à un modus vivendi avec les usur
pateurs. Ôr, aujourd'hui, après une, épreuve
de quatre longues années, personne ne parle
plus de conciliation, ni de modus vivendi. Nos
persécuteurs eux-mêmes avouent maintenant
qu'il est impossible, et quelques-uns à peine
espèrent qu'avec un nouveau Pape ils pour
ront plus aisément arracher une conciliation
à la papauté. Mais; nous n'y sommes pas,
grâce au ciel; le Saint-Père se porte à mer
veille, et, vu sa santé et la longévité tradi
tionnelle de sa famille, il ne serait pas.éton
nant qa'il régnât encore de longues années
pour le bien et la gloire de l'Eglise.
Ce n'est donc pas de ce point de la ques
tion que nous entendons parler aujourd'hui.
Ce qu'il importe de démontrer actuellement,
e'est»que si le Saint-Père avait choisi le che
min tle l'exil plutôt que le sort de la prison,
sa dignité aurait pu en souffrir. Que l'on se
figure un instant le Pape sur le territoire
français, au moment où M. le duc Decazes-
règne et gouverne, et où il insère dans le
Journal officiel sa fameuse note relative au
départ de l' Orénoque , dans laquelle il affirme
que si le Pape était parti de Rome, il en se-
jait parti contrairement aux désirs de la Fran
ce. Si M. le duc a qualité pour parler du dé
sir -de la France, quelle position le Pape au-
de la mort l'a touché de sou aile sans l'aver
tir, il ne l'a point surpris. Il était de ceux
dont les dettes sont toujours payées. Son
âme immortelle et pure a dû quitter sans
trorîble et sans effroi cette terre, dont il a
tant contribué -à révéler les splendeurs ou à
faire admirer les harmonies. Elle pouvait re
monter calme vers les régions sereines, objet
constant des aspirations de notre vénéré con
frère, et se présenter confiante devant le sou
verain juge, en qui il avait toujours placé ses
espérances et sa foi. » -
Notons encore ce témoignage de M. l'abbé
Moigao, dans son excellente revue ;
« M. Elie de Beaumont savait parfaitement
accorder sa science avec sa foi. Il était sincè
rement chrétien, et aucun des spécieux té
moignages de la géologie en faveur de la pré
tendue antiquité indéfinie de l'homme ne l'a
vait ébranlé. Il a su en toutes circon
stances montrer le faible des objections qu'une
demi-science opposait à la révélation. Les
comptes rendus de l'Académie des sciences
témoignent hautement de son orthodoxie. »
(Les Mondes).
Le seul discours de M. Laboulaye a été
d'une insignifiance totale. Triste interprète
des regrets et des sentiments du collège de
France, il n'a trouvé que des paroles re
grettables :
« Notre collègue nous appartenait depuis
plus de quarante ans : c'était notre doyen...
A la mort de Cuvier, des concurrents déjà cé
lèbres se présentaient pour recueillir l'héri
tage du maître. Néanmoins, l'assemblée des
professeurs choisit à la presque unanimité M.
Elie de Beaumont.,. G 'était le membre le
plus assidu de nos réunions. Ce n'étaient pas
seulement des conseils qu'il nous apportait,
c'était aussi son influence... C'est là, mes
sieurs, un. éloge bien modeste à joindre à
tant de louanges si justement méritées ; mais
en face de cette tombe qui nous parle de
notre fragilité, il est permis de croire, il est
doux d'espérer que devant le Juge suprême,
les vertus de l'homme ne pèsent pas moins que
le génie du savant,.. »
rait'il eue, en s'entendant dire une telle pa
role par un minisfre.français?
' Après l'avoir entendue, que lui restait-il à
faire, sinon à partir? Et où serait-il allé?
Est-ce en Autriche, qui tremble devant l'I
talie et vis-à-vis M. de Bismarcb? Est-ce en
Espagne, où les populations l'auraient voulu
retenir, et où les gouvernants auraient cher
ché à s'en débarrasser, et où, à cause de lui,
des conflits entre gouvernants et gouvernés
auraient dû nécessairement éclater? Néan
moins, M. Decazes a eu grand tort de s'ex
primer avec aussi peu àe respect envers le
ehef auguste de la catholicité. S'il voulait
bien consulter les archives du ministère des
affaires étrangères, il verrait qu'avant lui,
sous M. Thiers, des propositions relatives au
départ du Saint-Père ont été faites à Sa Sain
teté, et qu'elles excluent absolument l'idée
que la France et même le gouvernement d'a
lors ne désiraient pas que le souverain Pon
tife quittât Rome.
La faute qu'il a commise en lançant cette
proposition est d'autant plus grande qu'il a
exposé le Saint-Père à de nouvelles injures
de la presse officieuse de Victor-Emmanuel,
« Ah ! le gouvernement français comprend
parfaitement que le Pape se trouve à Rome
dans les conditions voulues pour exercer en
pleine liberté son ministère spirituel, et nous
n'avons jamais demandé davantage. Én voici
la preuve. »
M. Decazes avait le droit de rappeler l'O
rénoque, mais il aurait dû le faire sans en
parler. — lia ajouté aux amertumes du
Saint-Père et de tous les bons catholiques,
et il s'est exposé à s'entendre dira qu'il a
parlé au nom de la France sans en avoir eu le
droit. Pour notre compte, nous n'avons re
levé cette affaire que pour prouver que la
Saint-Père a bien fait de ne pas quitter le
Vatican, qu'il ne doit quitter que chassé par
la force. Et Quant à la conciliation, nous som
mes certains qu'il ne choisira jamais une si
tuation qui fasse courir quelque péril à sa
conscience et à son honneur.
G. C. P.
Une correspondance romaine adres
sée à la Décentralisation nous apprend
que, si M. de Corcelles à consenti à
rester comme ambassadeur à Rome
après le rappel de Y Orénoque, ce n'est
que « pour partir dans peu. de temps
avec plus d'éclat. »
Toute la question est.de savoir si le
correspondant exprime ici son opi
nion personnelle ou s'il est l'écho de
l'ambassadeur. Mais cette théorie nous
semble dangereuse de ne pas protes
ter tout d'abord pour se donner le
plaisir, tous les attentats étant con
sommés, de protester avec plus d'é
clat.
Voici le discours de M. le duc De
cazes dont il est parlé plus haut :
Messieurs,
C'est à peine si je me sens le droit de vous
remercier du grand honneur que vous venez
de me faire, et dont je suis cependant si pro
fondément touché.
Ce sont, en effèt, je ne puis ni ne dbis le
méconnaître, des considérations générales du
l'ordrë le plus élevé qui ont décidé de vos
votes, bien plus que la bienveillance ou l'a
mitié que quelques-uns d'entre vous ont bien
voulu me témoigner en tant d'occasions.
Pénétrés de la nécessité de rechercher un
abri où la France puisse trouver un calme re?
fuge pendant cette tempête qui a dispersé les
éléments essentiels de sa force et de sa pros
périté, vous avez voulu manifester et affirmer
l'énergie de ces sentiments, en accueillant,
avec une faveur inespérée pour lui, l'un des
ministres de l'illustre chef auquel l'Assem
blée nationale a confié pour sept ans nos des
tinées, l'un des serviteurs fidèles et convain
cus de ce pouvoir, qui, faisant appel à tous
les hommes modérés, veut imposer silènee,
pendant cette trêve si nécessaire, aux impa
tients de tous les partis, et donner ainsi à
l'Europe étonnée et inquiète de nos divi-
Cela 'paraît totalement absurde, et cela
manque de simplicité. Un non-sens veut être
posé carrément sur ses pattes, et on ne l'en
tortille pas de tant de fanfreluches.
Qu'est-ce que M. Laboulaye veut donc
dire? Et quelle idée se fait-il du Juge
suprême, « qu'il hésite à croire, qu'il ose
à peine espérer que ses vertus person
nelles pèsent autant que son génie devant ce
juge-là? » M. Laboulaye aurait-il quelque
idée de s'être fait lui-même et que son génie
lui appartienne en propre? Et puis quelle
opinion se fait-il de ses vertus pour craindre
qu'elles pèsent moins que son génie? Ne
saute-t-il pas aux yeux que son génie est
comme rien auprès de ses seules vertus poli
tiques? Le Juge suprême ne doit aucune es
pèce de considération au génie de qui que ce
soit ; le génie est chose vile à ses yeux, et il
n'y aura aucun égard, sinon pour exiger de
ses créatures une idée plus haute de ses at
tributs et de ses droits.
Malheureusement le Juge suprême, aujour
d'hui, est assez mal connu au Collège de
France; par suite de cette fâcheuse babitude
que l'on a de L'y évoquer en moyenne une
fois tous les vingt ans, durant une minute,
en face d'une tombe que l'on a bâte de fer
mer. Cela explique jusqu'à un certain point
l'erreur de M. Laboulaye. Le génie de cet
homme distingué y peut aussi réclamer une
petite part; et le soin qu'il accorde à la chose
publique, une autre. Néanmoins «il est per
mis de croire, il est doux d'espérer » qu'il
n'est peut être pas un de nos enfants qui n'ait,
de ce Juge suprême, une idée plus précise et
plus haute. Et ce n'était pas là peine vraiment
de quitter le Collège de France pour venir
gâter et obscurcir aux cœurs de nos jeunes
gens une notion si réellement utile.
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