Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1870-05-29
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 mai 1870 29 mai 1870
Description : 1870/05/29 (Numéro 1117). 1870/05/29 (Numéro 1117).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Dimanche 29 Mai 1870
N* 1117. — Edition quotidienne.
dimanche 29 Mai 187©
PARIS
Un an «... 60 fr
Six mois . 31
Trois mois 16
Le numéro ; 15 centimes.
BUREAUX
Paris, 10, rue des Saints-Pères. /<>,
/ ^
On s'abonne, à Rome, au bureau de la Civ'iltà cat/oqcèp '
via del Gesu, Cl.
DÉPARTEMENTS '
Un an...-. 66 fr«
Six mois 34
Trois mois........18
Édition
Un an, 36 fr.—Six mois, 19 fr.—Trois mois, 10 .fr,
L'Univers ne répond pas des manuscrits quilul «ont adressé*,
ASXO.VCES
Hï. Ch. LAGRANGE, CEliP et Ci», C, place de II Ctorie.
Urp: Àd. Laine, nie des Saints-Pères, 1|.
Ceux de nos souscripteurs dont l'abon
nement expire le 31 mai sont priés de
le renouveler le plus promptement possible,
s'ils ne veulent pas éprouver de retard
dans tenvoi du journal.
Il est indispensable de joindre la der
nière bande à la demande de renouvelle
ment , ainsi qu'aux réclamations pour
changement d'adresse ou autres.
Le mode le plus simple et le plus
prompt est l'envoi d'un bon sur la poste
ou d'un mandat à vue sur Paris, à l'ordre
du Gérant.
FRANCE
MAKIS,. 28 MAI lîHO
Rouir pendant le Concile
GIT
Mardi, 24 mai.
Je reviens au contraste dont je vous
parlais hier. J'en ai sous les yeux
un trait notable. Tandis que le disqui-
siteur s'appliquait à sa pièce morale
et moulait sa feuille de latin de Gaule
sur son 'français d'Ostrogothie , un
membre émin'ent du Concile publiait
dans la vraie langue de Rome un no
ble volume dont la conclusion va au
même sujet : Elucubratio de Dogmatica
summi pontificis infallibilitate ejusque
definibilitate, per R. P. S. Josephum
Cardoni , Archiepiscopum Edclessenum.
Le contraste, comme vous voyez, appa
raît dès le titre. Le vénérable Archevê
que d'Edesse, honoré de toute l'Italie
comme savant et comme moraliste du
premier ordre, ne se pose pas en di
recteur des consciences épiscopnles. Il
vient parler d'une question qu'il a é-
tudiée pour lui-même autant que pour
les autres, et rendre compte des mo-
. tifs de sa conviction.
Il est poli, modeste et il raisonne.
La question,, loyalement posée, est
loyalement étudiée en toutes ses rami
fications, dans la Sainte-Ecriture, dans
la tradition, dans l'histoire ecclésias--
tique, dans les circonstances présentes.
Toutes les objections sont examinées
et résolues avec une grande probité de
savoir, une grande netteté de juge
ment et de langage. Ce beau paécis de
la controverse, où rien n'est donné à
la passion ni à la phrase, ne contient
pas moins de 174 grandes pages in-8°
dans lesquelles on ne peut signaler ni
omission, ni superfluité. C'est une ma
nière de travailler dont la-polémique
antiinfaillibiliste n'a pas du tout
fourni le modèle. En dépit de notre
disquisiteur, l'Archevêque d'Edesse,
dans un résumé ferme , comme tout
son travail, conclut à la délinibilité
dogmatiqueet non-seulement à l'oppor
tunité, mais à la nécessité de la défi
nition. Je doute que le disquisiteur en
treprenne de réfuter une œuvre qui
l'éloigné tant de sa petite manière de
voir, mais je doute encore plus que
cette œuvre le fasse baisser d'un milli
mètre dans l'estime qu'il a pour sa
casuistique, et si j'apprenais qu'il est
toujours convaincu qu'on ne peut vo
ter l'infaillibilité sans pécher gravissime
contre la vérité, la foi, la justice et
'unité de l'Eglise, rien ne m'étonne-
rait moins; et je ne serais pas étonné
non plus que le petit Français lui don
nât raison. .
En attendant, les consulteurs de la
Commission de dogmatique pour les
travaux du Concile, dans une lettre
adressée au Saint-Père, ont voulu ren
dre témoignage au livre de Mgr Car
doni, qui exprime leurs propres con
victions. Je vous envoie cette lettre, et
je vous prie d'en reproduire le texte
latin. Il reposera ceux qui ont lu. le la
tin du disqujsiteur.
J'y joins un témoignage d'un autre
genre, que je reçois à l'instant de La
Chapelle Saint-Denis, près Paris, com
me pour me servir de conclusion. Il
prouvera à nos contradicteurs que je
ne veux pas dissimuler la force de leurs
adhérents, et je conviens que celui-ci
peut s'appeler Légion. C'est un bel
exemple et pris sur le fait de la lu
mière que la presse peut répandre
dans les masses :
CH.VNSON DE L'INFAUUBIUTK.
Le Saint-Père a (ail do la fausse monnaie
En se persuadant de son infiiillibi/itt',
Si un de nous en avait fait autant,
On l'aurait puni au carcan,
Et condamné par la loi à perpétuité.
Il a compté suis la société moderne probablement.
Qui a marchée en avant sans son consentement,
Les saintes décrétâtes du moyen âge.
Ne sont plus à la mode ni en usage,
Pas même chez les peuples sauvages.
Les saints Pères du Concile par obéissance où bêtise
Au Saint Père se soumettront pour faire à sa guise,
D'un simple mortel, un saint homme infaillible.
Avec l'aille du Saint-Esprit notre petite planète,
Verra de tous les livres penseurs faire place naite.
Les bons pères jésuites, par sainte politique,
Ont réso us de dominer tous les catholiques,
En- leurs faisant croireqnedes vessies sont des lanternes;
Mais parmi eus il y en a qui n'en'veuillent pas,
Et qui en rient en en prenant leurs ébas.
Un saint Evêque de. France a protesté aveii humilité.
Contre le saint orgueil de l'infaillibilité,
Mais le saint Veuillot l'a escommnnié,
En attendant.qu'il vienne dans le saint Concile s'expliquer
Ce qu'il fera sans aucune difficulté.
'De tous ces pieux et saints personnages,
Nous en ferons un ragoût où un potage,
Et pour la risé et le bonheur du monde,
Nous leurs souhaitons du bonheur dans l'antre monde,
En attendant que nous fassions le grand voyage.
Je tirè-àiijWt'cela l'espérance d'un
prochain appaisement de l'opposition
conciliaire. Il faut remarquer que tous
ces anonymes violents et injurieux,
qui compromettent déplorablement
tant de noms honorables, n'engagent,
en définitive, personne. On ne les
chasse pas, c'est vrai, mais on ne les
avoue pas, et aucun membre du Con
cile n'est officiellement lié à ces fâ
cheux auxiliaires. Le plus avancé peut
dire, comme le théologien de Mgr
Maret : « Je ne connais point ces gens-
là, je ne les ai point chargés de parler
pour moi, je ne peux répondre ni de
leûr mauvaise foi, ni de leur ignorance,
ni de leur audace. Ce que j'ai dit et
ce que j'ai signé était selon le droit',
et j'ai le droit de ne pas répondre d'au
tre chose. »
C'est là, Dieu merci, le vrai de la
situation dans le Concile. Elle ouvre
une voie large à tous les rapproche
ments, à tous les retours, et je suis
toujours convaincu qu'il y en aura
beaucoup lorsqu'un certain enivre
ment de la lutte sera dissipé. Les yeux
exercés et tranquilles voient venir cet
heureux irioment.
cm
Rome, 2o mai.
Il paraît que j'ai outrepassé mon
but dans la critique que je me suis
permise, il y a quelques jours, sur
une lacune de YOEuvre de la Pro
pagation de la foi. Moitié par erreur,
moitié par cette bonne volonté
connue du gallicanisme lyonnais
pour lés doctrines de l'Univers , on
me signale comme un ennemi de
l'œuvre, moi ! Certains gros Lyonnais
qui sont ici, personnages vertueux,
pieux et volontiers furieux, s'empor
tent sur un mot, comme ils en ont la
regrettable habitude, même lorsqu'il
n'y a pas de mot. Ils disent qu'ayant
attaqué toutes les gloires nationales de
la France, il faut bien que j'attaque
aussi les gloires de l'Eglise, et qu'a
près avoir injurié Berryer mourant, je
ne pouvais manquer de diffamer Lyon
apostolique. J'ai souvent, affaire à des
logiciens de ce genre. Le fond de tout
cela, c'est que jecrois le Pape infail
lible, d'où il suit que ces Lyonnais
importants ne le sont point; te pré
texte, c'est que j'ai dit que la Propa
gation de la foi « ne doit pas rester
dans les catacombes lyonnaises où elle
est née. » On me demande ce que j'en
tends par les catacombes lyonnaises.
Hélas! tout bonnement, j'entends les
cartons où s'engouffrent les relations
des missionnaires, trop souvent pour
n'en sortir jamais, et lorsqu'elles en
sortent, c'est pour disparaître dans un
recueil trop peu connu du monde, où
elles demeurent et meurent sans avoir
produit tout le fruit qu'elles pourraient
donner. J'avais fait cette critique à qui
de droit, sans succès, avant de l'expri
mer publiquement.
Les deux recueils de la Propagation
de la Foi, paraissant, l'un tous les deux
mois, l'autre toutes les semaines, ne
sont pas, à mon avis, composés com
me il faudrait. Ils languissent lorsqu'ils
pourraient être pleins de vie, et ils ont
un art d'éteindre le feu qui me semble
un véritable miracle à rebours. Mais
c'est mon regret, et non pas mon af
faire. Les directeurs de la Propagation
de la Foi île sont pas forcés de savoir
diriger des journaux ; ils peuvent avoir
leurs raisons, que j'ignore et que je n'ai
pas le droit de leur demander, pour les
faire comme ils font. Je leur adresse
un autre reproche, qui est de la com
pétence de tous les souscripteurs : c'est
d'accaparer les relations des mission
naires, et de ne point permettre, je sou
ligne le mot, qu'il en paraisse une ail
leurs que chez eux, dût-elle ne paraî
tre jamais.
Cette loi xlu commencement de l'œu
vre a pu être justifiée en ce temps-là.
Mais il y a cinquante ans, et elle est
devenue blessante et nuisible. Il con
vient de l'abroger. Par respect pour
les missionnaires, on doit les laisser
choisir leur public et adresser leurs
relations à qui bon leur semblera. Les
supérieurs ecclésiastiques, sans l'aveu
desquels rien ne doit passer, sont là
pour prévenir les abus possibles. Je ré
clame donc cette liberté, d'abord pour
les missionnaires, ensuite pour toute la
presse catholique et non catholique.
Cela est d'autant plus légitime que les
Annales , qui, je crois, n§ rapportent rien,
n'y perdront rien. Elles y gagneront, au
contraire, la publicité, qui est leur seul
but. On publie noblement les Annales
pour provoquer des vocations et des au
mônes, non pour un gain quelconque.
Ce dessein sera puissamment secondé
par une liberté qui répandra la con
naissance de l'œuvre dans des régions
où elle n'arrive pas.
Voilà donc ce que je réclame, rien
autre chose : mais j'ai l'intention de le
réclamer énergiquement et l'espérance
de l'obtenir promptement, parce que
c'est juste et parce que je m'adresse à
des hommes intelligents et dévoués.
Toute autre pensée est loin de mon
esprit. Si des réformes d'un autre
genre paraissent opportunes, je l'igno
re, et je n'y entends rien. Elles seront
faites en cas de besoin, sans que la
presse ait à s'en occuper. "Les bonnes
volontés parfaitement éclairées ne
manquent pas.- Quant à moi, je n'ai
que la plus grande admiration pour la
conception de l'œuvre et le plus grand
respect pour le dévouement et le dé
sintéressement avec lequel elle a été
servie et administrée. Depuis cin
quante ans, il s'est toujours trouvé à
Lyon' et à Paris, à Lyon surtout,
des hommes d'une situation sociale éle
vée, pleins de probité et de zèle, qui lui
ont donné gratuitement et modeste
ment les soins et le temps qu'il fallait,
ce qui n'est pas peu-de chose,- et qui
au secours de leur travail ont souvent
ajouté celui de leur fortune. Il y a là
une tradition formée dont l'appui de
vient de plus en plus précieux. Qui ne
craindrait d'affaiblir cette force, lors
que loin d'être épuisée elle peut en
core grandir? 11 ne s'agit donc pas d'a
bandonner la catacombe lyonnaise,
mais au contraire de la consacrer en
bâtissant au-dessus une belle et vaste
église, largement ouverte, où les
payens et les infidèles eux-mêmes puis
sent entrer, voir et entendre. Et beau
coup de ceux qui n'auraient point pé
nétré dans la catacombe ne sortiront
point du sanctuaire sans s'être mis à
genoux et sans avoir prié. Ceux-là re
viendront.
Louis Veuillot.
La Gazette de France est dans la joie :
son correspondant de Rome lui écrit
que la discussion sur le schéma de la
primauté et de l' infaillibilité durera si
longtemps qu'on n'en peut prévoir la
fin. Ce même correspondant lui fait
connaître en détail les discours pro
noncés dans le Concile par les Pères
opposés à une définition. Elle cite, d'a
près lui, entre "guillemets comme tex
tuelles, des phrases d'un Evêque hon
grois et de Mgr Héfélé, si occupé, en
ce moment, à détruire l'autorité qu'on
se pressait ingénuement d'accorder à
son histoire des Conciles.
Mgr l'Evêque de Dijon n'est pas cité
entre guillemets, comme Mgr Héfélé,
mais on parle néanmoins. de son dis
cours avec complaisance. Voici ce pas
sage :
Quand à Mgr de Dijon, il n'était brait, le
soir, que de son discours, si noble, si digne,
si ferme, si épiscopal : c'était à qui le louerait
davantage.
La question qu'il avait traitée était aussi la
question d'opportunité; et il avait démontré
avec tant de clarté et de force les périls d'a
bord, et ensuite l'inutilité de la définition,
que le lendemain lé bruit se répandait que le
schéma, ou du moins le chapiLre qui regarde
l'infaillibilité, allait être retiré.
Mais il n'en était rien, comme bien vous
pensez, et, dans la congrégation suivante,
c'est-à-dire la dix-septième, la discussion con
tinuait.
Prétendre qu'après le discours du
vénérable Evêque de Dijon il a été
question de retirer le chapitre de l'in
faillibilité, c'est outrer la louange jus
qu'à l'extrême maladresse.
Nous verrons si le correspondant de
la Gazette de France, complétant son
récit, constatera que Mgr l'Evêque de
Strasbourg a réfuté, point par point,
et avec une force, une science, un
succès dont Rome a retenti,- tout le
discours de Mgr Rivet!
Le correspondant de la Gazette
ajoute :
On entendit d'abord Mgr David, qui fut
très écouté; puis Mgr de Saint-Gall, suivi
des plus grands théologiens du Concile. Il
parla contre la définition, et, dépeignant l'é
tat des esprits en Suisse, signala à l'attention
de Evêques ces associations qui se forment
en ce pays contre la croyance à l'infaillibilité,
et déclara aux Pères que c'était vouloir abso
lument chasser le catholicisme de ces con
trées que de poursuivre la définition.
La Gazette de France néglige et né
gligera de constater que Monseigneur
l'Evêque de Saint-Gall est le seul Evê
que suisse opposé à une définition. Or,
cet isolement suffit à prouver : ou que
Monseigneur l'Evêque de Saint-Gall
n'a pu dire ce qu'on lui fait dire, ou
qu'il se, serait étrangement trompé
sur la situation des esprits en Suisse.
La Gazette nous accordera, en effet,
que les autres Evêques suisses sont des
hommes de quelque valeur, de quel
que expérience, et ne veulent certaine
ment pas chasser le catholicisme de
leur pays.
Eugène Veuillot.
Nous avons annoncé ç^ue Mgr l'Ar
chevêque de Paris avait parlé dans
l'une des dernières congrégations du
Concile. Notre correspondant n'avait
pas entendu dire que ce discours eût
été particulièrement remarqué; il se
bornait à nous rapporter que l'habile
orateur s'était rangé -de côté de Mgr
Duparilotip. Nous trouvons aujour
d'hui dans la Gazette de France un ré
sumé de ce même discours; nous le
donnons sans y rien retrancher et sans
prétendre le moins du monde en ga
rantir l'exactitude :
Vint ensuite l'Archevêque de Paris. Quand
il monta en chaire, un grand nombre d'Evê-
ques et de Cardinaux quittèrent leurs places
et se rapprochèrent de l'orateur. Chacun
était impatient de l'entendre. Mgr Darboy,
qui avait été fatigué quelques jours aupara
vant, au point qu'on avait craint qu'il rie pût
se rendre à la congrégation d'aujourd'hui,
lut son discours d'une voix un peu faible pour
la salle, mais très animée, et souvent pres
sante, éloquente. Il a vivement impressionné
son auditoire. Son discours était admirable
ment enchaîné; il était impossible, disait un
Evêque en sortant du Concile, d'y mettre
plus de méthode, do logique et de précision.
Pas un mot de trop; tout allait droit au but.
L'orateur a d'abord protesté avec énergie
contre l'introduction violente et irrégulière
de la question de l'infaillibilité, pour laquelle
il a fallu laisser de côté tous les travaux com
mencés depuis cinq mois.
C'était là un point délicat, quand on sait
sous quelles influences et par quels ordres-la
question est ainsi arrivée au Concile : l'ora
teur s'en est tiré avec habileté; et Son Em.
le Cardinal Capalti, chargé des exécutions dans
les circonstances difficiles, n'a pas osé l'inter
rompre. Mgr Darboy a ensuite attaqué le
schéma lui-môme, et particulièrement le cha
pitre de l'infaillibilité. Il a démontré que la
question était mal posée; qu'elle l'était d'une
manière équivoque, et il a demandé aux au
teurs de s'expliquer. Il n'y est pas fait men
tion des Evêques ; on n'y parle que du Pape;
et cependant, aurait dit Mgr Darboy, vous
ne voulez pas d'une infaillibilité séparée ; le
mot personnel même ne vous convient pas ;
vous nous l'avez déclaré.
Eh bien ! il faut que nous sachions à quoi
nous en tenir ; expliquez-vous : les Evêques,
l'épiscopat catholique sont-ils pour rien ou
pour quelque chose dans les définitions de
foi ? Là est la question;
Mgr Darboy a ensuite abordé le point de
vue de l'opportunité, et, en homme qui con-
nai t son temps et son pays, il a déclaré aux
Pères que cette définition ne lui faisait en
trevoir que périls et malheurs.
Il a vivement, lui aussi, flétri cette presse
qui, depuis l'ouverture du Concile surtout,
et particulièrement en France, semble n'a
voir à tâche que de soulever les clergés contre
les Evêques.
Le correspondant de la Gazette de
France ajoute :
En sortant de cette séance, plusieurs Evê
ques infaillibilistes déclaraient qu'après avoir
entendu de tels discours, il était évident pour
eux que la définition ferait plus de mal que
de bien; qu'il valait mieux laisser les choses
dans l'état où elles sont et ne pas courir le
risque de jeter l'Eglise dans un tel abîme.
- C'est l'habitude du correspondant de
la Gazette et aussi du correspondant du
Français de rencontrer des Evêques in
faillibilistes opposés à l'infaillibilité.
Eugène Veuillot.
On avait annoncé une journée par
lementaire. La gauche et la droite de
vaient unir leurs efforts, et le ministère
pouvait être compromis. Tout s'est
borné à un tour de bague oratoire,
couru par MM. Bethmont et Duvernois.
On s'estime sans doute heureux cy6n-
tendre les orateurs des Alpes et de la
Charente : ils. sont pour donner une
fière idée de l'éloquence française; mais
l'événement d'hier a paru prouver
qu'ils étaient aussi incapables l'un que
l'autre de causer la moindre terreur
au ministère.
L'éloquence de M. Bethmont est
foncièrement innocente. Il a beau vou
loir l'envenimer et lui donner du tour,
il n'y réussit'pas. Tout est plat et terne,
le geste, l'organe, le débit aussi bien
que le raisonnement. Tout inspire une
sorte de compassion. Voilà un pauvre
homme à qui manque la mine et la
force autant que la logique ; les élégan
ces qu'il veut atteindre lui font courir
risque de paraître ridicule. Il penche
la tête d'un côté et avance la main de
l'autre, avec la grâce d'un perroquet
lâchant une cerise qu'il aurait trouvée
amère. Et que dit-il dans cette atti
tude? Des pauvretés qui révoltent la
droite .qu'il désir© se concilier.
A travers les miettes de M. Picard
et de M. Favre que ramasse et que res
sasse ce pauvre avocat, ce qui ressort
le mieux de son discours, c'est le des
sein du Corps législatif d'être libéral.
M. Granier de Cassagnac, qui s'est
tant moqué, et avec raison, des libé
raux, ne veut pas être traité de con
servateur. Il faut désormais, pour lui
être agréable, l'appeler un conserva
teur-libéral. Il y tient absolument, et
M. Zorn de Bulach y tient autant que
lui.
Faut-il leur faire de la peine pour si
peu? et M. Bethmont n'est-il pas bien
inspiré de les piquer sur ce point, lors
qu'il vise à les lancer contre le minis
tère? Ce sorjt leurs griefs d'ailleurs
qu'il expoâe, et il demande compte au
cabinet de la dispersion du comité
plébiscitaire. Il eût voulu, après le
plébiscite, que ce comité subsistât pour
donner plus de force au parti conser
vateur-libéral.
A ce propos M. Bethmont a dit quel
ques choses assez justes, qui n'ont
été ni goûtées ni entendues, sur la
variabilité des opinions de la fonc-
tionnocratie. Je ne sais si le parti
conservateur a la naïveté de croire
que ses opinions sont toujours exacte
ment représentées par l'administration.
Combien de fois, depuis soixante
ans, les honnêtes gens, les véritables
amis de l'ordre et de la civilisation,
ont-ils eu à gémir des tendances anti
sociales de nos gouvernements ? Com
bien de fois ont-ils pu réagir contre les
extravagances du temps et modérer
quelque peu la marche de lasociété sur
cette pente révolutionnaire où tout
s'incline et se précipite ? Mais de bonne
foi un comité où siégeaient MM. Du
vernois et Dréolle pouvait-il être une
pièce de salut?
Dans les termes où elle se trouvait
posée, la question était des plus misé
rables et des moins intéressantes. Ce
comité plébiscitaire qui, pour convain
cre le clergé de la nécessité de se ral
lier à la nouvelle constitution de l'Em
pire, adressait aux curés les imperti
nences irréligieuses du Peuple ou du
Public ; ce comité, à vrai dire, ne pou
vait être qu'un témoignage superflu du
désordre d'idées et de la confusion
de principes où vivent bien des gens,
même de ceux. qui voudraient être
honnêtes, et qui pour la plupart sont
des révolutionnaires épeurés ou fati
gués menés par des ambitieux vulgai
res et sans conviction.
La petite et ennuyeuse harangué de
M. Bethmont a eu cependant tout l'ef
fet qu'elle se proposait ; et M. Duver
nois, membre du comité plébiscitaire,
a pris la parole. L'éloquence de M. Du
vernois est toujours en espérance.
Quand elle viendra, elle donnera à l'o
rateur des Alpes des allures plus mo
destes, et lui conseillera de dissimuler
un peu la légitime admiration qu'il a de
lui-même. Elle lui apprendra qu'un
geste vulgaire n'est pas de l'aisance, et
qu'une certaine désinvolture n'est pas
de la politesse. Elle lui enseignera l'art
du débit oratoire, et surtout lui pro
curera un organe pour se faire enten
dre, car jusqu'à présent le retentisse
ment de la voix de M. DuVernois paraît
se concentrer dans les poils de sa
moustache. Sans les interruptions de
M. Ollivier et les applaudissements de
M. Dugué de la Fauconnerie, on ne
saurait supposer que quelqu'un ait
saisi un traître mot de ce que ddébite
l'orateur.
Ce qu'il dit est le plus simple du
monde, Il demande un privilège. Il ne
voit pas la nécessité à abroger l'arti
cle 291 sur les associations; mais cet
article, à son avis, laisse au ministère
le droit d'autoriser ses amis à former
des associations poliques. Or, M. Du
vernois se déclare l'ami du ministère :
il reproche bien au cabinet certaine
inertie et il le félicite de n'avoir pas
tenu exactement les promesses témé
raires du 24 février.
M. le garde des sceaux s'est bien
gardé de discuter ses déclarations du
24 février. Il a examiné l'article 291,
en a expliqué la teneur et a déclaré que
cet article existait, qu'il le fallait res
pecter en attendant qu'on le discutât,
et qu'il était' l'objet d'un examen. II
a déclaré d'ailleurs que le gouverne
ment était décidé de maintenir l'ap
plication de cet article contre les
associations politiques. Peut-être en
expliquant le mécanisme de cette
disposition légals, M. le garde des
sceaux en a-t-il quelque peu amoin
dri la portée ? Il a assuré que cet
article n'avait jamais eu en vue l'ip
terdiction des associations religieu
ses ou littéraires, et que le but de la
loi de 1834, en obligeant ces associa
tions à demander l'autorisation préala
ble du gouvernement, avait été d'at
teindre les associations politiques bien
capables de prendre diverses mas
ques; et il.a assuré, à l'honneur de la
France, que jamais aucun de ses gou
vernements réguliers n'avait voulu in
terdire les associations religieuses.
M. le garde des sceaux est un légiste.
Il ne connaît pas seulement le texte de
la loi : il en sait les diverses interpréta
tions données par' le législateur même :
il a cité des paroles de M. Guizot qui
paraissent bien conclure en effet à ce
sens généreux que M. Ollivier exalte.
Mais à côté des lois et des interpréta
tions qu'on leur donne, au moment où
on les fait voter, il y a l'histoire, c'est-
à-dire l'application pratique et quoti
dienne de ces lois. Or, les associations
religieuses ont été interdites en France;
elles ont eu longtemps une existence
à peine tolérée, et toujours menacée.
Lors de l'ordre du jour de 1843 contre
les Jésuites, proposé par M. -Thiers,
M. Guizot n'eut même pas le courage
de porter à la Chambre les arguments
en faveur des associations religieuses
qu'il avait posés lors de la discussion
de la loi de 1834.
Après le discours de M. Ollivier, M.
Guyot-Montpayroux a pris la parole.
La Chambre n'était guère disposée à
l'écouter, Il a parlé néanmoins au mi
lieu du tumulte, et les électeurs de
Brioude pourront lire au Journal officiel
ce qu'il ne nous a pas été donné d'en
tendre.
Avant de laisser procéder au vote, M.
d'Andelarre a voulu parler aussi. Le dé
bat était épuisé, et on n'avait aucun
besoin de discours. M. d'Andelarre
tenait à poser la question. Il a déclaré
qu'en présence des déclarations de M.
le ministre de la justice sur l'art. 291,
il voterait l'ordre du jour purement et
simplement sous toutes rêserxes. Cette
déclaration a eu un succès de fou
rire. L'ordre du jour pur et simple
sans réserves avait été demandé par
M. Ollivier. Il a été voté à une quasi
unanimité.
Après le vote sans discussion des
propositions concernant le budget ex
traordinaire de la ville de Paris, un
débat assez confus s'est élevé sur le
jeu des commissions saisies de diver
ses propositions analogues ; et la pro
position de M. Iiaentjens relative à l'im
pôt sur le revenu a été renvoyée à
la commission déjà saisie d'une propo
sition de M. Cochin, sur l'impôt des
valeurs mobilières.
Dans le cours de la séance MM.;
Pelletan et Guyot-Montpayroux ont
demandés la suppression de l'hôtel des
Invalides.
Léo?; Auisinkau.
Depuis quarante-huit heures il n'est
bruit que de ce qu'on appelle la « gau
che constitutionnelle. » D'après le Gau
lois, qui a mis au monde 'cette nou
velle, la gauehe constitutionnelle se
rait formée de dix-sept députés de la
gauche ayant M. Picard à leur tête et
qui se sépareraient de leurs collègues
en ce point fondamental : recon
naissant la forme de l'empire, ils-pour-
suivraient la réalisation de leur pro
gramme, jnême comme ministres, s'ils
étaient appelés à ce poste.
Voici les noms des députés qui com
poseraient ce groupe nouveau dans la
Chambre :
MM. Picard,-de Jouvencel, Le Cesae,
Riondel,. Choiseul, Barthélémy Saint-
Hilaire, Kératry, Bethmont, Rampon,
Malézieux, Lefèvre-Po'ntalis, duc de
Marmier, Javal, Wilson,. Steenaekers,
Guyot-Montpayroux.
...
Tous les journaux glosaient hier sur
ce grave incident, qui paraissait cer
tain. A peu près tous s'accordaient à
dire que du moment où la gauche se
faisait constitutionnelle, elle devenait
respectable, et l'Empire était sauvé.
Mais aujourd'hui, le Siècle publie la
note suivante, vraisemblablement com
muniquée par M.JPicard, qui dément à
la fois et confirme la séparation.
Les députés réunis mercredi soir chez leur
collègue M, Ernest Picard ont afiimé unani
mement la résolution de continuer à prendre
part aux délibérations de la gauche, dont ils
n'entendent pas se séparer.
Les dissidences . qui peuvent exister entre
eux et leurs collègues ne portant pas sur les
principes, ne leur paraissent pas de nature à
motiver une scission.
Fermement placés sur le terrain de la sou
veraineté nationale, ils veulent le triomphe
des principes démocratiques par le suffrage
universel. Cette attitude les dispense de ré
pondre aux insinuations portées dans cette
circonstance contre quelques-uns d'entre
eux.
Peut-être aurons-nous l'explication
de cette énigme, d'ailleurs peu impor
tante. Quand même il serait établi
qu'il y a une gauche constitutionnelle,
et quand même la gauche actuelJe.se
séparerait en deux camps présidés l'un
par M. Picard, l'autre par M. Raspail,
M. Jules Favre ou M. Gambetta, cola
sans doute affaiblirait la gauche, mais
que cela dût faire une révolution
dans l'empire, on ne pourrait nous le
persuader.
Auguste Roussel.
—
On nous signale un acte incroyable
qui vient de se passer à Calvi (Corse).
A la suite du vote plébiscitaire, et sur
une dépêche de Paris annonçant les
résultats du scrutin, le commissaire de
police aurait organisé, dans les rues,
de bruyantes manifestations, auxquelles
prirent part des hommes avinés, des
femmes suspectes et des gamins des
rues, en poussant des cris de: Vive
l'Empereur , mêlés de toutes sortes de
chants.
Si les choses s'étaient bornées là, il
y aurait de quoi protester contre l'in
convenance de pareilles scènes. Mais
on alla plus loin. Sur la proposition de
l'on ne sait qui, cette foule, s'empor-
tant à un véritable acte de folie, se
précipita vers l'église, dont . le pré
tendit forcer les portes pour y enton
ner un Ta Boum, on l'honneur du sou
verain dont les meneurs de la bande
portaient le buste enguirlandé.
A l'aspect de cette foule, en enten
dant ses vociférations et ses chants d'i
vresse, le clergé, de Calvi, voyant qu'on
allait profaner le lieu saint, s'opposa
résolûment à ce qu'on ouvrît les por
tes de l'Eglise à cette horde. Elle dût
s'éloigner après que le commissaire
eut injurié le clergé si noblement et
fermement fidèle à son devoir.
Il suffit de signaler de pareils faits
à la réprobation de tous les honnêtes
gens. Mais que faut-il penser de l'au
torité administrative qui pourrait les
tolérer?
Le secrétaire de la rédaction,
E, SCIJNAITER.
,— .
La Gazette d'Augsbovrg donne le
texte français de la Note confidentielle
remise par le représentant de la Con
fédération du Nord à Rome, M. d'Ar-
nim, au Cardinal Antonelli, pour ap
puyer le trop fameux Mémorandum.
Voici cette pièce :
Rome, le 23 avril.
Monseigneur,
Le gouvernement impérial de France nous
a donné connaissance du Mémorandum relatif
au Concile, que Sa Sainteté a daigné reçu soir
des mains de l'ambassadeur de France.
Le cabinet des Tuileries ayant demandé au
gouvernement de la Confédération de l'Alle
magne du Nord d'appuyer les observations
qu'il vient de soumettre au Saint-Père com
me président du Concile, nous n'avons pu
hésiter à nous associer à une démarche con-r
sidérée comme opportune, comme urgente
même, par beaucoup de catholiques désireux
de voir aboutir les délibérations du Concile à
une œuvre de paix religieuse et sociale.
En effet, le gouvernement de la Confédé
ration, témoin de l'agitation profonde qui rè
gne au sein de l'Eglise en Allemagne, man
querait à ses devoirs s'il ne voulait constater
l'identité des appréciations développées dans
la pièce française, avec les graves préoccu
pations qui, en Allemagne, se son' emparées
des esprits, .effrayés à l'idée que des résolu
tions conciliaires, prises en dépit de l'avis
presque unanime de l'épiscopat allemand, ne
puissent créer des situations pénibles, on im
posant aux consciences des luttes sans issue.
Ce n'est pas tout. Il est de notoriété publi
que que les Evêques allemands, qui, h nos
yeux comme aux yeux du Saint-Siège, sont
les représentants légitimes des 'catholiques
allemands, — pas plus que l'épiscopat de
l'empire austro-hongrois, n'ont pu s'appro
prier les vues _qui paraissent dominer au
Concile. Par des documents publiés dans les
journaux, et dont l'authenticité n'a jamais
été contestée, nos Evêques ont rempli le de
voir de signaler d'avance les déplorables ré
sultats qui seraient, ft craindre si l'autorité
suprême de l'Eglise et la majorité du Concile
voulaient, sans tenir compte des votes con
traires d'une minorité importante, procéder
à la déclaration de certains décrets qui,
en introduisant sous forme dedéfinitions dog
matiques des modifications profondes dan»
la délimitation de l'autorité, attribuée à cha
que degré de la hiérarchie, ne pourraient
manquer d'altérer en même temps lapositioa
N* 1117. — Edition quotidienne.
dimanche 29 Mai 187©
PARIS
Un an «... 60 fr
Six mois . 31
Trois mois 16
Le numéro ; 15 centimes.
BUREAUX
Paris, 10, rue des Saints-Pères. /<>,
/ ^
On s'abonne, à Rome, au bureau de la Civ'iltà cat/oqcèp '
via del Gesu, Cl.
DÉPARTEMENTS '
Un an...-. 66 fr«
Six mois 34
Trois mois........18
Édition
Un an, 36 fr.—Six mois, 19 fr.—Trois mois, 10 .fr,
L'Univers ne répond pas des manuscrits quilul «ont adressé*,
ASXO.VCES
Hï. Ch. LAGRANGE, CEliP et Ci», C, place de II Ctorie.
Urp: Àd. Laine, nie des Saints-Pères, 1|.
Ceux de nos souscripteurs dont l'abon
nement expire le 31 mai sont priés de
le renouveler le plus promptement possible,
s'ils ne veulent pas éprouver de retard
dans tenvoi du journal.
Il est indispensable de joindre la der
nière bande à la demande de renouvelle
ment , ainsi qu'aux réclamations pour
changement d'adresse ou autres.
Le mode le plus simple et le plus
prompt est l'envoi d'un bon sur la poste
ou d'un mandat à vue sur Paris, à l'ordre
du Gérant.
FRANCE
MAKIS,. 28 MAI lîHO
Rouir pendant le Concile
GIT
Mardi, 24 mai.
Je reviens au contraste dont je vous
parlais hier. J'en ai sous les yeux
un trait notable. Tandis que le disqui-
siteur s'appliquait à sa pièce morale
et moulait sa feuille de latin de Gaule
sur son 'français d'Ostrogothie , un
membre émin'ent du Concile publiait
dans la vraie langue de Rome un no
ble volume dont la conclusion va au
même sujet : Elucubratio de Dogmatica
summi pontificis infallibilitate ejusque
definibilitate, per R. P. S. Josephum
Cardoni , Archiepiscopum Edclessenum.
Le contraste, comme vous voyez, appa
raît dès le titre. Le vénérable Archevê
que d'Edesse, honoré de toute l'Italie
comme savant et comme moraliste du
premier ordre, ne se pose pas en di
recteur des consciences épiscopnles. Il
vient parler d'une question qu'il a é-
tudiée pour lui-même autant que pour
les autres, et rendre compte des mo-
. tifs de sa conviction.
Il est poli, modeste et il raisonne.
La question,, loyalement posée, est
loyalement étudiée en toutes ses rami
fications, dans la Sainte-Ecriture, dans
la tradition, dans l'histoire ecclésias--
tique, dans les circonstances présentes.
Toutes les objections sont examinées
et résolues avec une grande probité de
savoir, une grande netteté de juge
ment et de langage. Ce beau paécis de
la controverse, où rien n'est donné à
la passion ni à la phrase, ne contient
pas moins de 174 grandes pages in-8°
dans lesquelles on ne peut signaler ni
omission, ni superfluité. C'est une ma
nière de travailler dont la-polémique
antiinfaillibiliste n'a pas du tout
fourni le modèle. En dépit de notre
disquisiteur, l'Archevêque d'Edesse,
dans un résumé ferme , comme tout
son travail, conclut à la délinibilité
dogmatiqueet non-seulement à l'oppor
tunité, mais à la nécessité de la défi
nition. Je doute que le disquisiteur en
treprenne de réfuter une œuvre qui
l'éloigné tant de sa petite manière de
voir, mais je doute encore plus que
cette œuvre le fasse baisser d'un milli
mètre dans l'estime qu'il a pour sa
casuistique, et si j'apprenais qu'il est
toujours convaincu qu'on ne peut vo
ter l'infaillibilité sans pécher gravissime
contre la vérité, la foi, la justice et
'unité de l'Eglise, rien ne m'étonne-
rait moins; et je ne serais pas étonné
non plus que le petit Français lui don
nât raison. .
En attendant, les consulteurs de la
Commission de dogmatique pour les
travaux du Concile, dans une lettre
adressée au Saint-Père, ont voulu ren
dre témoignage au livre de Mgr Car
doni, qui exprime leurs propres con
victions. Je vous envoie cette lettre, et
je vous prie d'en reproduire le texte
latin. Il reposera ceux qui ont lu. le la
tin du disqujsiteur.
J'y joins un témoignage d'un autre
genre, que je reçois à l'instant de La
Chapelle Saint-Denis, près Paris, com
me pour me servir de conclusion. Il
prouvera à nos contradicteurs que je
ne veux pas dissimuler la force de leurs
adhérents, et je conviens que celui-ci
peut s'appeler Légion. C'est un bel
exemple et pris sur le fait de la lu
mière que la presse peut répandre
dans les masses :
CH.VNSON DE L'INFAUUBIUTK.
Le Saint-Père a (ail do la fausse monnaie
En se persuadant de son infiiillibi/itt',
Si un de nous en avait fait autant,
On l'aurait puni au carcan,
Et condamné par la loi à perpétuité.
Il a compté suis la société moderne probablement.
Qui a marchée en avant sans son consentement,
Les saintes décrétâtes du moyen âge.
Ne sont plus à la mode ni en usage,
Pas même chez les peuples sauvages.
Les saints Pères du Concile par obéissance où bêtise
Au Saint Père se soumettront pour faire à sa guise,
D'un simple mortel, un saint homme infaillible.
Avec l'aille du Saint-Esprit notre petite planète,
Verra de tous les livres penseurs faire place naite.
Les bons pères jésuites, par sainte politique,
Ont réso us de dominer tous les catholiques,
En- leurs faisant croireqnedes vessies sont des lanternes;
Mais parmi eus il y en a qui n'en'veuillent pas,
Et qui en rient en en prenant leurs ébas.
Un saint Evêque de. France a protesté aveii humilité.
Contre le saint orgueil de l'infaillibilité,
Mais le saint Veuillot l'a escommnnié,
En attendant.qu'il vienne dans le saint Concile s'expliquer
Ce qu'il fera sans aucune difficulté.
'De tous ces pieux et saints personnages,
Nous en ferons un ragoût où un potage,
Et pour la risé et le bonheur du monde,
Nous leurs souhaitons du bonheur dans l'antre monde,
En attendant que nous fassions le grand voyage.
Je tirè-àiijWt'cela l'espérance d'un
prochain appaisement de l'opposition
conciliaire. Il faut remarquer que tous
ces anonymes violents et injurieux,
qui compromettent déplorablement
tant de noms honorables, n'engagent,
en définitive, personne. On ne les
chasse pas, c'est vrai, mais on ne les
avoue pas, et aucun membre du Con
cile n'est officiellement lié à ces fâ
cheux auxiliaires. Le plus avancé peut
dire, comme le théologien de Mgr
Maret : « Je ne connais point ces gens-
là, je ne les ai point chargés de parler
pour moi, je ne peux répondre ni de
leûr mauvaise foi, ni de leur ignorance,
ni de leur audace. Ce que j'ai dit et
ce que j'ai signé était selon le droit',
et j'ai le droit de ne pas répondre d'au
tre chose. »
C'est là, Dieu merci, le vrai de la
situation dans le Concile. Elle ouvre
une voie large à tous les rapproche
ments, à tous les retours, et je suis
toujours convaincu qu'il y en aura
beaucoup lorsqu'un certain enivre
ment de la lutte sera dissipé. Les yeux
exercés et tranquilles voient venir cet
heureux irioment.
cm
Rome, 2o mai.
Il paraît que j'ai outrepassé mon
but dans la critique que je me suis
permise, il y a quelques jours, sur
une lacune de YOEuvre de la Pro
pagation de la foi. Moitié par erreur,
moitié par cette bonne volonté
connue du gallicanisme lyonnais
pour lés doctrines de l'Univers , on
me signale comme un ennemi de
l'œuvre, moi ! Certains gros Lyonnais
qui sont ici, personnages vertueux,
pieux et volontiers furieux, s'empor
tent sur un mot, comme ils en ont la
regrettable habitude, même lorsqu'il
n'y a pas de mot. Ils disent qu'ayant
attaqué toutes les gloires nationales de
la France, il faut bien que j'attaque
aussi les gloires de l'Eglise, et qu'a
près avoir injurié Berryer mourant, je
ne pouvais manquer de diffamer Lyon
apostolique. J'ai souvent, affaire à des
logiciens de ce genre. Le fond de tout
cela, c'est que jecrois le Pape infail
lible, d'où il suit que ces Lyonnais
importants ne le sont point; te pré
texte, c'est que j'ai dit que la Propa
gation de la foi « ne doit pas rester
dans les catacombes lyonnaises où elle
est née. » On me demande ce que j'en
tends par les catacombes lyonnaises.
Hélas! tout bonnement, j'entends les
cartons où s'engouffrent les relations
des missionnaires, trop souvent pour
n'en sortir jamais, et lorsqu'elles en
sortent, c'est pour disparaître dans un
recueil trop peu connu du monde, où
elles demeurent et meurent sans avoir
produit tout le fruit qu'elles pourraient
donner. J'avais fait cette critique à qui
de droit, sans succès, avant de l'expri
mer publiquement.
Les deux recueils de la Propagation
de la Foi, paraissant, l'un tous les deux
mois, l'autre toutes les semaines, ne
sont pas, à mon avis, composés com
me il faudrait. Ils languissent lorsqu'ils
pourraient être pleins de vie, et ils ont
un art d'éteindre le feu qui me semble
un véritable miracle à rebours. Mais
c'est mon regret, et non pas mon af
faire. Les directeurs de la Propagation
de la Foi île sont pas forcés de savoir
diriger des journaux ; ils peuvent avoir
leurs raisons, que j'ignore et que je n'ai
pas le droit de leur demander, pour les
faire comme ils font. Je leur adresse
un autre reproche, qui est de la com
pétence de tous les souscripteurs : c'est
d'accaparer les relations des mission
naires, et de ne point permettre, je sou
ligne le mot, qu'il en paraisse une ail
leurs que chez eux, dût-elle ne paraî
tre jamais.
Cette loi xlu commencement de l'œu
vre a pu être justifiée en ce temps-là.
Mais il y a cinquante ans, et elle est
devenue blessante et nuisible. Il con
vient de l'abroger. Par respect pour
les missionnaires, on doit les laisser
choisir leur public et adresser leurs
relations à qui bon leur semblera. Les
supérieurs ecclésiastiques, sans l'aveu
desquels rien ne doit passer, sont là
pour prévenir les abus possibles. Je ré
clame donc cette liberté, d'abord pour
les missionnaires, ensuite pour toute la
presse catholique et non catholique.
Cela est d'autant plus légitime que les
Annales , qui, je crois, n§ rapportent rien,
n'y perdront rien. Elles y gagneront, au
contraire, la publicité, qui est leur seul
but. On publie noblement les Annales
pour provoquer des vocations et des au
mônes, non pour un gain quelconque.
Ce dessein sera puissamment secondé
par une liberté qui répandra la con
naissance de l'œuvre dans des régions
où elle n'arrive pas.
Voilà donc ce que je réclame, rien
autre chose : mais j'ai l'intention de le
réclamer énergiquement et l'espérance
de l'obtenir promptement, parce que
c'est juste et parce que je m'adresse à
des hommes intelligents et dévoués.
Toute autre pensée est loin de mon
esprit. Si des réformes d'un autre
genre paraissent opportunes, je l'igno
re, et je n'y entends rien. Elles seront
faites en cas de besoin, sans que la
presse ait à s'en occuper. "Les bonnes
volontés parfaitement éclairées ne
manquent pas.- Quant à moi, je n'ai
que la plus grande admiration pour la
conception de l'œuvre et le plus grand
respect pour le dévouement et le dé
sintéressement avec lequel elle a été
servie et administrée. Depuis cin
quante ans, il s'est toujours trouvé à
Lyon' et à Paris, à Lyon surtout,
des hommes d'une situation sociale éle
vée, pleins de probité et de zèle, qui lui
ont donné gratuitement et modeste
ment les soins et le temps qu'il fallait,
ce qui n'est pas peu-de chose,- et qui
au secours de leur travail ont souvent
ajouté celui de leur fortune. Il y a là
une tradition formée dont l'appui de
vient de plus en plus précieux. Qui ne
craindrait d'affaiblir cette force, lors
que loin d'être épuisée elle peut en
core grandir? 11 ne s'agit donc pas d'a
bandonner la catacombe lyonnaise,
mais au contraire de la consacrer en
bâtissant au-dessus une belle et vaste
église, largement ouverte, où les
payens et les infidèles eux-mêmes puis
sent entrer, voir et entendre. Et beau
coup de ceux qui n'auraient point pé
nétré dans la catacombe ne sortiront
point du sanctuaire sans s'être mis à
genoux et sans avoir prié. Ceux-là re
viendront.
Louis Veuillot.
La Gazette de France est dans la joie :
son correspondant de Rome lui écrit
que la discussion sur le schéma de la
primauté et de l' infaillibilité durera si
longtemps qu'on n'en peut prévoir la
fin. Ce même correspondant lui fait
connaître en détail les discours pro
noncés dans le Concile par les Pères
opposés à une définition. Elle cite, d'a
près lui, entre "guillemets comme tex
tuelles, des phrases d'un Evêque hon
grois et de Mgr Héfélé, si occupé, en
ce moment, à détruire l'autorité qu'on
se pressait ingénuement d'accorder à
son histoire des Conciles.
Mgr l'Evêque de Dijon n'est pas cité
entre guillemets, comme Mgr Héfélé,
mais on parle néanmoins. de son dis
cours avec complaisance. Voici ce pas
sage :
Quand à Mgr de Dijon, il n'était brait, le
soir, que de son discours, si noble, si digne,
si ferme, si épiscopal : c'était à qui le louerait
davantage.
La question qu'il avait traitée était aussi la
question d'opportunité; et il avait démontré
avec tant de clarté et de force les périls d'a
bord, et ensuite l'inutilité de la définition,
que le lendemain lé bruit se répandait que le
schéma, ou du moins le chapiLre qui regarde
l'infaillibilité, allait être retiré.
Mais il n'en était rien, comme bien vous
pensez, et, dans la congrégation suivante,
c'est-à-dire la dix-septième, la discussion con
tinuait.
Prétendre qu'après le discours du
vénérable Evêque de Dijon il a été
question de retirer le chapitre de l'in
faillibilité, c'est outrer la louange jus
qu'à l'extrême maladresse.
Nous verrons si le correspondant de
la Gazette de France, complétant son
récit, constatera que Mgr l'Evêque de
Strasbourg a réfuté, point par point,
et avec une force, une science, un
succès dont Rome a retenti,- tout le
discours de Mgr Rivet!
Le correspondant de la Gazette
ajoute :
On entendit d'abord Mgr David, qui fut
très écouté; puis Mgr de Saint-Gall, suivi
des plus grands théologiens du Concile. Il
parla contre la définition, et, dépeignant l'é
tat des esprits en Suisse, signala à l'attention
de Evêques ces associations qui se forment
en ce pays contre la croyance à l'infaillibilité,
et déclara aux Pères que c'était vouloir abso
lument chasser le catholicisme de ces con
trées que de poursuivre la définition.
La Gazette de France néglige et né
gligera de constater que Monseigneur
l'Evêque de Saint-Gall est le seul Evê
que suisse opposé à une définition. Or,
cet isolement suffit à prouver : ou que
Monseigneur l'Evêque de Saint-Gall
n'a pu dire ce qu'on lui fait dire, ou
qu'il se, serait étrangement trompé
sur la situation des esprits en Suisse.
La Gazette nous accordera, en effet,
que les autres Evêques suisses sont des
hommes de quelque valeur, de quel
que expérience, et ne veulent certaine
ment pas chasser le catholicisme de
leur pays.
Eugène Veuillot.
Nous avons annoncé ç^ue Mgr l'Ar
chevêque de Paris avait parlé dans
l'une des dernières congrégations du
Concile. Notre correspondant n'avait
pas entendu dire que ce discours eût
été particulièrement remarqué; il se
bornait à nous rapporter que l'habile
orateur s'était rangé -de côté de Mgr
Duparilotip. Nous trouvons aujour
d'hui dans la Gazette de France un ré
sumé de ce même discours; nous le
donnons sans y rien retrancher et sans
prétendre le moins du monde en ga
rantir l'exactitude :
Vint ensuite l'Archevêque de Paris. Quand
il monta en chaire, un grand nombre d'Evê-
ques et de Cardinaux quittèrent leurs places
et se rapprochèrent de l'orateur. Chacun
était impatient de l'entendre. Mgr Darboy,
qui avait été fatigué quelques jours aupara
vant, au point qu'on avait craint qu'il rie pût
se rendre à la congrégation d'aujourd'hui,
lut son discours d'une voix un peu faible pour
la salle, mais très animée, et souvent pres
sante, éloquente. Il a vivement impressionné
son auditoire. Son discours était admirable
ment enchaîné; il était impossible, disait un
Evêque en sortant du Concile, d'y mettre
plus de méthode, do logique et de précision.
Pas un mot de trop; tout allait droit au but.
L'orateur a d'abord protesté avec énergie
contre l'introduction violente et irrégulière
de la question de l'infaillibilité, pour laquelle
il a fallu laisser de côté tous les travaux com
mencés depuis cinq mois.
C'était là un point délicat, quand on sait
sous quelles influences et par quels ordres-la
question est ainsi arrivée au Concile : l'ora
teur s'en est tiré avec habileté; et Son Em.
le Cardinal Capalti, chargé des exécutions dans
les circonstances difficiles, n'a pas osé l'inter
rompre. Mgr Darboy a ensuite attaqué le
schéma lui-môme, et particulièrement le cha
pitre de l'infaillibilité. Il a démontré que la
question était mal posée; qu'elle l'était d'une
manière équivoque, et il a demandé aux au
teurs de s'expliquer. Il n'y est pas fait men
tion des Evêques ; on n'y parle que du Pape;
et cependant, aurait dit Mgr Darboy, vous
ne voulez pas d'une infaillibilité séparée ; le
mot personnel même ne vous convient pas ;
vous nous l'avez déclaré.
Eh bien ! il faut que nous sachions à quoi
nous en tenir ; expliquez-vous : les Evêques,
l'épiscopat catholique sont-ils pour rien ou
pour quelque chose dans les définitions de
foi ? Là est la question;
Mgr Darboy a ensuite abordé le point de
vue de l'opportunité, et, en homme qui con-
nai t son temps et son pays, il a déclaré aux
Pères que cette définition ne lui faisait en
trevoir que périls et malheurs.
Il a vivement, lui aussi, flétri cette presse
qui, depuis l'ouverture du Concile surtout,
et particulièrement en France, semble n'a
voir à tâche que de soulever les clergés contre
les Evêques.
Le correspondant de la Gazette de
France ajoute :
En sortant de cette séance, plusieurs Evê
ques infaillibilistes déclaraient qu'après avoir
entendu de tels discours, il était évident pour
eux que la définition ferait plus de mal que
de bien; qu'il valait mieux laisser les choses
dans l'état où elles sont et ne pas courir le
risque de jeter l'Eglise dans un tel abîme.
- C'est l'habitude du correspondant de
la Gazette et aussi du correspondant du
Français de rencontrer des Evêques in
faillibilistes opposés à l'infaillibilité.
Eugène Veuillot.
On avait annoncé une journée par
lementaire. La gauche et la droite de
vaient unir leurs efforts, et le ministère
pouvait être compromis. Tout s'est
borné à un tour de bague oratoire,
couru par MM. Bethmont et Duvernois.
On s'estime sans doute heureux cy6n-
tendre les orateurs des Alpes et de la
Charente : ils. sont pour donner une
fière idée de l'éloquence française; mais
l'événement d'hier a paru prouver
qu'ils étaient aussi incapables l'un que
l'autre de causer la moindre terreur
au ministère.
L'éloquence de M. Bethmont est
foncièrement innocente. Il a beau vou
loir l'envenimer et lui donner du tour,
il n'y réussit'pas. Tout est plat et terne,
le geste, l'organe, le débit aussi bien
que le raisonnement. Tout inspire une
sorte de compassion. Voilà un pauvre
homme à qui manque la mine et la
force autant que la logique ; les élégan
ces qu'il veut atteindre lui font courir
risque de paraître ridicule. Il penche
la tête d'un côté et avance la main de
l'autre, avec la grâce d'un perroquet
lâchant une cerise qu'il aurait trouvée
amère. Et que dit-il dans cette atti
tude? Des pauvretés qui révoltent la
droite .qu'il désir© se concilier.
A travers les miettes de M. Picard
et de M. Favre que ramasse et que res
sasse ce pauvre avocat, ce qui ressort
le mieux de son discours, c'est le des
sein du Corps législatif d'être libéral.
M. Granier de Cassagnac, qui s'est
tant moqué, et avec raison, des libé
raux, ne veut pas être traité de con
servateur. Il faut désormais, pour lui
être agréable, l'appeler un conserva
teur-libéral. Il y tient absolument, et
M. Zorn de Bulach y tient autant que
lui.
Faut-il leur faire de la peine pour si
peu? et M. Bethmont n'est-il pas bien
inspiré de les piquer sur ce point, lors
qu'il vise à les lancer contre le minis
tère? Ce sorjt leurs griefs d'ailleurs
qu'il expoâe, et il demande compte au
cabinet de la dispersion du comité
plébiscitaire. Il eût voulu, après le
plébiscite, que ce comité subsistât pour
donner plus de force au parti conser
vateur-libéral.
A ce propos M. Bethmont a dit quel
ques choses assez justes, qui n'ont
été ni goûtées ni entendues, sur la
variabilité des opinions de la fonc-
tionnocratie. Je ne sais si le parti
conservateur a la naïveté de croire
que ses opinions sont toujours exacte
ment représentées par l'administration.
Combien de fois, depuis soixante
ans, les honnêtes gens, les véritables
amis de l'ordre et de la civilisation,
ont-ils eu à gémir des tendances anti
sociales de nos gouvernements ? Com
bien de fois ont-ils pu réagir contre les
extravagances du temps et modérer
quelque peu la marche de lasociété sur
cette pente révolutionnaire où tout
s'incline et se précipite ? Mais de bonne
foi un comité où siégeaient MM. Du
vernois et Dréolle pouvait-il être une
pièce de salut?
Dans les termes où elle se trouvait
posée, la question était des plus misé
rables et des moins intéressantes. Ce
comité plébiscitaire qui, pour convain
cre le clergé de la nécessité de se ral
lier à la nouvelle constitution de l'Em
pire, adressait aux curés les imperti
nences irréligieuses du Peuple ou du
Public ; ce comité, à vrai dire, ne pou
vait être qu'un témoignage superflu du
désordre d'idées et de la confusion
de principes où vivent bien des gens,
même de ceux. qui voudraient être
honnêtes, et qui pour la plupart sont
des révolutionnaires épeurés ou fati
gués menés par des ambitieux vulgai
res et sans conviction.
La petite et ennuyeuse harangué de
M. Bethmont a eu cependant tout l'ef
fet qu'elle se proposait ; et M. Duver
nois, membre du comité plébiscitaire,
a pris la parole. L'éloquence de M. Du
vernois est toujours en espérance.
Quand elle viendra, elle donnera à l'o
rateur des Alpes des allures plus mo
destes, et lui conseillera de dissimuler
un peu la légitime admiration qu'il a de
lui-même. Elle lui apprendra qu'un
geste vulgaire n'est pas de l'aisance, et
qu'une certaine désinvolture n'est pas
de la politesse. Elle lui enseignera l'art
du débit oratoire, et surtout lui pro
curera un organe pour se faire enten
dre, car jusqu'à présent le retentisse
ment de la voix de M. DuVernois paraît
se concentrer dans les poils de sa
moustache. Sans les interruptions de
M. Ollivier et les applaudissements de
M. Dugué de la Fauconnerie, on ne
saurait supposer que quelqu'un ait
saisi un traître mot de ce que ddébite
l'orateur.
Ce qu'il dit est le plus simple du
monde, Il demande un privilège. Il ne
voit pas la nécessité à abroger l'arti
cle 291 sur les associations; mais cet
article, à son avis, laisse au ministère
le droit d'autoriser ses amis à former
des associations poliques. Or, M. Du
vernois se déclare l'ami du ministère :
il reproche bien au cabinet certaine
inertie et il le félicite de n'avoir pas
tenu exactement les promesses témé
raires du 24 février.
M. le garde des sceaux s'est bien
gardé de discuter ses déclarations du
24 février. Il a examiné l'article 291,
en a expliqué la teneur et a déclaré que
cet article existait, qu'il le fallait res
pecter en attendant qu'on le discutât,
et qu'il était' l'objet d'un examen. II
a déclaré d'ailleurs que le gouverne
ment était décidé de maintenir l'ap
plication de cet article contre les
associations politiques. Peut-être en
expliquant le mécanisme de cette
disposition légals, M. le garde des
sceaux en a-t-il quelque peu amoin
dri la portée ? Il a assuré que cet
article n'avait jamais eu en vue l'ip
terdiction des associations religieu
ses ou littéraires, et que le but de la
loi de 1834, en obligeant ces associa
tions à demander l'autorisation préala
ble du gouvernement, avait été d'at
teindre les associations politiques bien
capables de prendre diverses mas
ques; et il.a assuré, à l'honneur de la
France, que jamais aucun de ses gou
vernements réguliers n'avait voulu in
terdire les associations religieuses.
M. le garde des sceaux est un légiste.
Il ne connaît pas seulement le texte de
la loi : il en sait les diverses interpréta
tions données par' le législateur même :
il a cité des paroles de M. Guizot qui
paraissent bien conclure en effet à ce
sens généreux que M. Ollivier exalte.
Mais à côté des lois et des interpréta
tions qu'on leur donne, au moment où
on les fait voter, il y a l'histoire, c'est-
à-dire l'application pratique et quoti
dienne de ces lois. Or, les associations
religieuses ont été interdites en France;
elles ont eu longtemps une existence
à peine tolérée, et toujours menacée.
Lors de l'ordre du jour de 1843 contre
les Jésuites, proposé par M. -Thiers,
M. Guizot n'eut même pas le courage
de porter à la Chambre les arguments
en faveur des associations religieuses
qu'il avait posés lors de la discussion
de la loi de 1834.
Après le discours de M. Ollivier, M.
Guyot-Montpayroux a pris la parole.
La Chambre n'était guère disposée à
l'écouter, Il a parlé néanmoins au mi
lieu du tumulte, et les électeurs de
Brioude pourront lire au Journal officiel
ce qu'il ne nous a pas été donné d'en
tendre.
Avant de laisser procéder au vote, M.
d'Andelarre a voulu parler aussi. Le dé
bat était épuisé, et on n'avait aucun
besoin de discours. M. d'Andelarre
tenait à poser la question. Il a déclaré
qu'en présence des déclarations de M.
le ministre de la justice sur l'art. 291,
il voterait l'ordre du jour purement et
simplement sous toutes rêserxes. Cette
déclaration a eu un succès de fou
rire. L'ordre du jour pur et simple
sans réserves avait été demandé par
M. Ollivier. Il a été voté à une quasi
unanimité.
Après le vote sans discussion des
propositions concernant le budget ex
traordinaire de la ville de Paris, un
débat assez confus s'est élevé sur le
jeu des commissions saisies de diver
ses propositions analogues ; et la pro
position de M. Iiaentjens relative à l'im
pôt sur le revenu a été renvoyée à
la commission déjà saisie d'une propo
sition de M. Cochin, sur l'impôt des
valeurs mobilières.
Dans le cours de la séance MM.;
Pelletan et Guyot-Montpayroux ont
demandés la suppression de l'hôtel des
Invalides.
Léo?; Auisinkau.
Depuis quarante-huit heures il n'est
bruit que de ce qu'on appelle la « gau
che constitutionnelle. » D'après le Gau
lois, qui a mis au monde 'cette nou
velle, la gauehe constitutionnelle se
rait formée de dix-sept députés de la
gauche ayant M. Picard à leur tête et
qui se sépareraient de leurs collègues
en ce point fondamental : recon
naissant la forme de l'empire, ils-pour-
suivraient la réalisation de leur pro
gramme, jnême comme ministres, s'ils
étaient appelés à ce poste.
Voici les noms des députés qui com
poseraient ce groupe nouveau dans la
Chambre :
MM. Picard,-de Jouvencel, Le Cesae,
Riondel,. Choiseul, Barthélémy Saint-
Hilaire, Kératry, Bethmont, Rampon,
Malézieux, Lefèvre-Po'ntalis, duc de
Marmier, Javal, Wilson,. Steenaekers,
Guyot-Montpayroux.
...
Tous les journaux glosaient hier sur
ce grave incident, qui paraissait cer
tain. A peu près tous s'accordaient à
dire que du moment où la gauche se
faisait constitutionnelle, elle devenait
respectable, et l'Empire était sauvé.
Mais aujourd'hui, le Siècle publie la
note suivante, vraisemblablement com
muniquée par M.JPicard, qui dément à
la fois et confirme la séparation.
Les députés réunis mercredi soir chez leur
collègue M, Ernest Picard ont afiimé unani
mement la résolution de continuer à prendre
part aux délibérations de la gauche, dont ils
n'entendent pas se séparer.
Les dissidences . qui peuvent exister entre
eux et leurs collègues ne portant pas sur les
principes, ne leur paraissent pas de nature à
motiver une scission.
Fermement placés sur le terrain de la sou
veraineté nationale, ils veulent le triomphe
des principes démocratiques par le suffrage
universel. Cette attitude les dispense de ré
pondre aux insinuations portées dans cette
circonstance contre quelques-uns d'entre
eux.
Peut-être aurons-nous l'explication
de cette énigme, d'ailleurs peu impor
tante. Quand même il serait établi
qu'il y a une gauche constitutionnelle,
et quand même la gauche actuelJe.se
séparerait en deux camps présidés l'un
par M. Picard, l'autre par M. Raspail,
M. Jules Favre ou M. Gambetta, cola
sans doute affaiblirait la gauche, mais
que cela dût faire une révolution
dans l'empire, on ne pourrait nous le
persuader.
Auguste Roussel.
—
On nous signale un acte incroyable
qui vient de se passer à Calvi (Corse).
A la suite du vote plébiscitaire, et sur
une dépêche de Paris annonçant les
résultats du scrutin, le commissaire de
police aurait organisé, dans les rues,
de bruyantes manifestations, auxquelles
prirent part des hommes avinés, des
femmes suspectes et des gamins des
rues, en poussant des cris de: Vive
l'Empereur , mêlés de toutes sortes de
chants.
Si les choses s'étaient bornées là, il
y aurait de quoi protester contre l'in
convenance de pareilles scènes. Mais
on alla plus loin. Sur la proposition de
l'on ne sait qui, cette foule, s'empor-
tant à un véritable acte de folie, se
précipita vers l'église, dont . le pré
tendit forcer les portes pour y enton
ner un Ta Boum, on l'honneur du sou
verain dont les meneurs de la bande
portaient le buste enguirlandé.
A l'aspect de cette foule, en enten
dant ses vociférations et ses chants d'i
vresse, le clergé, de Calvi, voyant qu'on
allait profaner le lieu saint, s'opposa
résolûment à ce qu'on ouvrît les por
tes de l'Eglise à cette horde. Elle dût
s'éloigner après que le commissaire
eut injurié le clergé si noblement et
fermement fidèle à son devoir.
Il suffit de signaler de pareils faits
à la réprobation de tous les honnêtes
gens. Mais que faut-il penser de l'au
torité administrative qui pourrait les
tolérer?
Le secrétaire de la rédaction,
E, SCIJNAITER.
,— .
La Gazette d'Augsbovrg donne le
texte français de la Note confidentielle
remise par le représentant de la Con
fédération du Nord à Rome, M. d'Ar-
nim, au Cardinal Antonelli, pour ap
puyer le trop fameux Mémorandum.
Voici cette pièce :
Rome, le 23 avril.
Monseigneur,
Le gouvernement impérial de France nous
a donné connaissance du Mémorandum relatif
au Concile, que Sa Sainteté a daigné reçu soir
des mains de l'ambassadeur de France.
Le cabinet des Tuileries ayant demandé au
gouvernement de la Confédération de l'Alle
magne du Nord d'appuyer les observations
qu'il vient de soumettre au Saint-Père com
me président du Concile, nous n'avons pu
hésiter à nous associer à une démarche con-r
sidérée comme opportune, comme urgente
même, par beaucoup de catholiques désireux
de voir aboutir les délibérations du Concile à
une œuvre de paix religieuse et sociale.
En effet, le gouvernement de la Confédé
ration, témoin de l'agitation profonde qui rè
gne au sein de l'Eglise en Allemagne, man
querait à ses devoirs s'il ne voulait constater
l'identité des appréciations développées dans
la pièce française, avec les graves préoccu
pations qui, en Allemagne, se son' emparées
des esprits, .effrayés à l'idée que des résolu
tions conciliaires, prises en dépit de l'avis
presque unanime de l'épiscopat allemand, ne
puissent créer des situations pénibles, on im
posant aux consciences des luttes sans issue.
Ce n'est pas tout. Il est de notoriété publi
que que les Evêques allemands, qui, h nos
yeux comme aux yeux du Saint-Siège, sont
les représentants légitimes des 'catholiques
allemands, — pas plus que l'épiscopat de
l'empire austro-hongrois, n'ont pu s'appro
prier les vues _qui paraissent dominer au
Concile. Par des documents publiés dans les
journaux, et dont l'authenticité n'a jamais
été contestée, nos Evêques ont rempli le de
voir de signaler d'avance les déplorables ré
sultats qui seraient, ft craindre si l'autorité
suprême de l'Eglise et la majorité du Concile
voulaient, sans tenir compte des votes con
traires d'une minorité importante, procéder
à la déclaration de certains décrets qui,
en introduisant sous forme dedéfinitions dog
matiques des modifications profondes dan»
la délimitation de l'autorité, attribuée à cha
que degré de la hiérarchie, ne pourraient
manquer d'altérer en même temps lapositioa
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