Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1870-05-21
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 mai 1870 21 mai 1870
Description : 1870/05/21 (Numéro 1110). 1870/05/21 (Numéro 1110).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Sartictlt 21 Mai H7 1
N* 4110 — Edition auotidiflnn»
Samedi 2 i Mai i 8?$
PARIS
Un an.......... 60 fr.
Six mois 31
Trois mois.. 1' . 16
DÉPARTEMENTS
Un an 66 fr.
Six mois . 34
Trois mois... 18
FRANCK
Î'AÎUS. 20 MAI 1870
Qouie pendMut le Concile
XCVII
Rofne, 17 mai.
Dans sa Réponse à Mgr l'Archevêque
de Matines, Mgr l'Evêque d'Orléans a
écrit cette phrase :
Faisons un grand Concile; développons les
vives et fécondes puissances de l'Eglise...;
dissipons enfin par des déclarations nettes,
précises, formelles, tous ces affreux malen
tendus qui nous dévorent. Voilà comment
nous ramènerons il nous ce siècle qui nous
fuit, et comment nous pourrons sauver la
société, qui crie au secours par toutes les voix
.de ses souffrances et de ses périls.
Dom Guéranger, je crois, a signalé
ici du louche et du creux. 11 y paraît
assez clairement, comme en maint au
tre endroit, que, selon Mgr l'Evêque
d'Orléans, le chef de l'Eglise n'a eu ni
l'idée du « grand Concile, » ni le sens
des « affreux malentendus qui nous dé
vorent, » ni la parfaite intelligence des
moyens de « ramener le siècle qui
nous fuit, » et « sauver la société qui
crie au secours. » Toute l'opposition
conciliaire roule sur cette défaillance
du Pape. C'est le thème des journaux
«. inspirés » et « assistés, .» résumés par
la brochure surpique. L'on y retrouve
fréquemment « les malentendus qui
nous dévorent. » Ces malentendus me
semblent bien vouloir faire entendre
que le Pape ne s'y entend pas. Mais le
P. Ramière veut tourner cela d'une au
tre façon.
— Oui, dit-il, faisons un grand Con
cile ! Et il déroule sur* ce mot toute
une , brochure intitulée : Le programme
du Concile tracé par Monseigneur l'Evê
que d'Orléans. Il y a peut-être dans ce
titre un peu d'ironie; néanmoins, le
P. Ramière est à demi pris par le
texte dont il scrute les profondeurs.
Il en aime l'élan et la pompe, et il
part d'un même élan et d'une même
pompe pour le temple de la concorde,
paraissant croire que son adversaire
va s'y laisser entraîner. Je doute que
nous touchions à cet . aimable dé
nouement. Mais il est certain que le
P. Ramière indique le vrai moyen de
faire un grand Concile en dissfpant les
malentendus qui nous dévorent.
Le vrai moyen de faire un grand
Concile, c'est de décréter la foi; il n'y
a rien de plus grand. La foi étant un
feu très ardent et très lumineux, par
ce feu seront aussitôt détruits les af
freux malentendus, enfants des ténè
bres. Plus de nuit, plus de monstres,
plus de malentendus, mais au contrai
re un bien entendu général. Donc, que
la foi parle haut, qu'on s'entende bien,
et nous ne serons plus dévorés; tout au,
contraire, la clarté de la foi dévorera
le malentendu. C'est si simple, et nous
cherchons tant!
Le P. Ramière déduit ses raisons
comme il a coutume de faire, en bon
ordre et en bon style, o.— Développons
les vives et fécondes puissances de
l'Eglise... » Il prouve très bien que la
plus vive et féconde puissance de l'E
glise est sa tête, et non passes têttâ,
et que l'Eglise n'a des tètes que parce
qu'eile a une tète. —,« Dissipons enfin
par des déclarations nettes, précises,
formelles, tous les affreux malenten
dus qui nous dévorent.... » Il prouve
très bien- que les déclarations victo
rieuses dont on a besoin partout ne
peuvent être nettes, précises, formel
les, opportunes et telles qu'il les faut,
qu'autant qu'il y a une tête pour les
affirmer. Il le prouve avec la même
dextérité et la même solidité à l'égard
des malentendus théologiques et à l'é
gard des malentendus politiques.-Partout
l'autorité de la tête est nécessaire, car
la saine politique découle de la saine
théol 'Oglàl -Wiïr savoir ce que l'on doit
faire, il faut premièrement savoir c:e
que l'on doit croire. Qui le dira s'il n'y
a pas de tète? Et si plusieurs têtes le
disent sans accord possible, qui le
saura?
Tout cela, c'est de l'A. B. G. Mais,
comme il est manifeste que le monde
ne sait plus lire, et que beaucoup dë
gens considérables s'appliquent à dé
chirer les livres et à bouleverser l'al
phabet, il faut remercier ceux qui con
sentent à nous apprendre les lettres.
Le P. Ramière mérite une grande re
connaissance pour lo soin qu'il met à
remplir cet office, plein ■ d'ennujs et
même de péril.
Mgr Francesco Nardi, membre du
haut tribunal romain de la Rote, est un
autre gardien très vigilant du bon sens
public en matière de foi, et qui sait
bien ce qu'il en coûle. Il a de vastes
connaissances, une dialectique vigou
reuse, un talent d'écrire tout à fait
élevé, il s'est placé au premier rang
parmi les défenseurs de la justice.
Tout cela lui vaut des injures de choix.
Plusieurs messieurs de la plume qui
ont tourné mal, et d'autres qui ne pro
mettent pas de bien finir, ne font au
cune difficulté d'adresser à Mgr Nardi
les outrages personnels les plus gros
siers, sans autre motif que l'incapaci é
où ils sont de lui répondre autre
chose. Ces hommes austères, scru
puleux d'intrigues, ees hommes dé
sintéressés l'accusent d'ambition. Ils
sont toutes sortes de choses qu'il n'est
pas. On les voit ramper, grimper, se
faufiler; on les voit paraître à toutes
les feoêtres sans qu'on leur connaisse
aucun moyen d'ouvrir correctement
aucune porte. Ils sont irréprochables
néanmoins ; Dieu les avait faits pour
les grandeurs et les fortunes. QuanTà
Mgr Nardi, qui ne monte que sur la
brèche, il est très répréhensible d'y
paraître si souvent. Il ne se laisse pas
arrêter par ces clameurs. Il retourne
vaillamment au rempart, imperturba
ble dans sa politesse comme dans son
courage.
Il a fait, il y a quelques mois; une
réfutation des fameuses Observations de
Mgr l'Evêque d'Orléans. Jeté par mor
ceaux dans les colonnes d'un journal
italien, cet ouvrage n'a pas été assez
connu. Je le regarde comme un mo
dèle de polémique: Rien n'est omis,
tout est bref, tout va au but. C'est
savant sans emphase, net sans séche
resse-, courtois sans impertinence, sans
platitude et sans labeur.
Les premiers chapitres ont un inté
rêt pa-ticulier. L'auteur recherche l'o
rigine et l'original de ces fameuses
Observations qui ont paru en allemand,
en anglais, en français, peùt-êlre en
Arabe et enfin en italien. Si l'original
est français, comme on l'a pensé, la
traduction a été lue avant le texte.
Mais Mgr Nardi croit avoir de bonnes
raisons pour croire que l'original est
allemand, de Munich. Et alors nous,
fière France, nous n'aurions lu et ad
miré qu'une traduction!
Quoiqu'il en- soit,Téminent publi-
ciste italien prend la pièce et la dé
monte avec une rare sûreté de main.
De l'examen de ses diverses parties, il
résulte que depuis six ou neuf mois,
la polémique faillibiliste n'a rien in
venté, et qu'elle a été en réalité mise
hors de combat dès le premier jour.
Li criminelle ingérence de la presse
catholique, la chute du Pape Ëonorius
et colles des autres Papes prétendus
hérétiques et errants, l'intérêt des
protestants, des schismatiques et des
idolâtres, les affreux malentendus,
l'unanimité morale, le péril d'exciter
la colère et les représailles de l'Europe
incrédule, tout se trouve condensé
dans ce prenàier factum français ou
allemand, et tout est ruiné par cette
première réfutation italienne. Les prin
cipaux faux textes et les principaux
faux faits viennent de là et sont re
dressés ici. Depuis six mois, on s'est
acharné à amplifier les Observations
omnilingues de Munich ou d'Orléans.
On a écrit des volumes, mais c'est
toujours la même chose. Seul, le P.
Gratry a eu le mérite de changer un
peu'la couleur du plan primitif en al
lumant des feux de Bengale. Quel
homme que le P. Gratry! Parmi tant
d'indigents, il a su innover ; parmi
tant d'obstinés, il a le génie de se tai
re ! Mettons toujours le P. Gratry à part.
Si j'étais chargé de le peindre, je
l'entourerais de lys à cause de sa
candeur, et de coquelicots pour figu
rer la grâce éclatante de son style. A
ses pieds on verrait un bréviaire bien
relié en chagrin bleu, et bien fermé
de fermoirs coquéts. D'une main il dé
plierait le paravent de la prudence, de
l'autre, il remettrait son épée au four
reau. Et il aurait un air songeur et fin,
en regardant deux personnages allégo
riques : un petit ange, le rasoir à la
main, pour lui rafraîchir la tonsure,
un petit diable q^i veut lui coller sur
la tète le chapeau d'académicien. •
Chassez ce mauvais petit diable, P.
Gratry, et s'il s'entête, prenez en guise
d'exorcisme l'opuscule de Mgr Nardi,
dont un ecclésiastique français vient de
nous donner une version vive et fidèle.
Vous verrez là plusieurs malentendus
scientifiques analogues à ceux qui ont
dévoré votre temps et votre réputation
d'homme sérieux. La correction qu'on
leur fait subir vous instruira, sans
vous donner le déplaisir de tomber sur
vous.
Pour terminer sur l'opuscule de Mgr
Nardi, il faut remercier M. Palmé, qui
a pris un rang distingué parmi les édi
teurs infaillibilisles. Il a donné une
physionomie charmante à cet excel
lent petit ouvrage. C'est une innova
tion, et il est agréable de voir une bro
chure catholique imprimée avec élé
gance et non pas uniquement « comme
pour l'amour de Dieu. »
Je profite de l'occasion, et j'adresse
les mêmes compliments et les mêmes
remerciements, mieux mérités encore,
à M. l'abbé Cheruel, curé' de Saint-
llonoré, de Paris, pour la réimpression
qu'il a fait faire du livre de messire
Louis Abelly, évêque de Rodez, sur
Vobéissance et soumission qui est due à N.
S.-P. le Pape, en ce qui regarde les choses
de la foi. Je lis avec délices ce traité
que je ne connaissais pas, et que le
jansénisme avait si habilement fait
tomber en oubli. Quel bon savoir,
quelle belle langue, que tout cela sent
bien l'étude, la méditation et toutes les
saines vigueurs de l'esprit ! — Et que
nous sommes loin de tout cela, quoi
que généralement académiciens ! Il
faut bien avouer que la polémique ex
térieure sur la question de l'infailli
bilité nous entraîne* à sa suite dans
d'étranges misères. Élle nous fait
discuter sur des textes et des af
faires de rien ; sur des phrases et des
emphases, sur des caquets histori
ques, sur moins encore, sur la sonori
té de la salle des séances! Nous voyons
plus de tactiques essayées que de prin
cipes produits et appuyés, et enfin les
grandes-raisons sont tirées du monle
extérieur,' de la disposition des princes
et des pentes de l'opinion publique.
Tout cela « fait de la peine. » On' s'en
console en lisant ces bons vieux livre!,
où la véritable doctrine, la véritable
histoire et la véritable piété, se forti
fiant l'une l'autre, tiennent de si beaux
conseils et s'arrêtent à de si fermes et
lumineuses résolutions.
C'est le mérite de cet ouvrage d'A-
belly, remis en lumière avec tant
d'opportunité. L'on voudra bien que
je me plaise à dire que lo prêtie dis
tingué-qui nous l'a rendu, fut, daps sa
jeunesse, le correspondant à Rome de
Y Univers. Le premier, je crois, il en
treprit de tenir les catholiques de
France au courant des choses de Ro
me, et de faire un journal romain
dans un journal de Paris. Il y a de
cela vingt-cinq ans. Cette famille de
YUnivers a été entêtée et persévé
rante! Mais elle n'a pas perdu ses
peines. Chose étrange! en me re
portant à ce temps-là, je me rap
pelle des épisodes de la correspon
dance de M. l'âbbé Cheruel, qui se re
nouvellent aujourd'hui du côté des
mêmes personnages, ramenés sur le
même terrain. Les hommes ne vieillis
sent pas tant que l'on croit, et la sup
pression de Y-Univers était demandée à
Grégoire XVI comme elle a été deman
dée récemment à Pie IX, par la même
Importance, pour les mêmes raisons...,
qui n'étaient peut-être pas données.
Mais je reviens au livre d'Abelly. Il
n'est pas seulement instructif par la
vigueur et l'abondance de la doctrine
sur le point qui occupe aujourd'hui
l'attention des esprits sérieux ; il est
encore agréable par le style, plein de
noblesse, de bon sens et de droiture;
il est même amusant par l'actua
lité.
Je viens de dire que les hommes ne
vieillissent pas ; je devrais dire qu'ils
ne meurent pas : la polémique d'Abelly
ne nous montre pas seulement la fai
blesse du peu d'arguments que nos
adversaires opposent à la constante
foi de l'Eglise; elle nous montre sou
vent les personnages eux-mêmes. Ils
étaient jansénistes dans ce temps-là, et
refusaient les constitutions du Pape.
C'était le fond de leurs sophismes con
tre l'infaillibilité
.Ils avaient les mêmes procédés, le mê^
me entêtement d'ignorance, et dans le
chœur on entendait les mêmes voix.
Les dames dont on a tant parlé ces
jours-ci, avaient leur rôle, qu'elles rem-
plissaient-^vec ardeur. Le bon Abelly
leur donne un salut en passant. Il rap
pelle ce que saint Jérôme écrivait à la
vierge Demetriado pour l'empêcher de
se laisser prendre aux brochures de
Ru fin et de tomber dans les filets des
origénistes : « Le vrai bien de votre
« âme m'oblige de vous exhorter à de-
« meurer toujours dans la foi de Notre
« Saint-Père le Pape Innocent qui, est
« le successeur d'Anastase au Saint-
ci Siège apostolique, et que vous
«. preniez bien garde ( quoique
« vous vous croyiez bien prudente et
« sage) de recevoir, sous quelque pré-
« texte que ce soit, une doctrine étran-
« gère. '» Sur quoi Baronius observe
que saint Jérôme ne parle pas de saint
Augustin, quoique Demetriade, retirée
en Afrique, pût aisément consulter le
grand et saint docteur. Il lui parle
d'Innocent pour cette raison : « qu'il
« savait très bien que la foi catholique
« est toujours conservée pure et entière
« avec plus de certitude en la Chaire
« de Pierre. »
Louis V euilixt,
Notre correspondant ordinaire de
Rome nous envoie de nouveaux dé
tails sur la cérémonie de Saint>
Marie-des-Anges, pour la distribution
des récompenses aux exposants. Tout
se qui se rattache à Rome est digne
d'intérêt, et doit, malgré la préoccu
pation où nous tiennent le Concile et
la politique, avoir sa place, surtout
quand il s'agit d'un dessein de Pie IX
ayant trait à l'unité catholique.
Et d'abord le Pape a-t-il véritable
ment sujet d'espérer la réalisation de
son dessein par l'Exposition ùniver-
selle? Oui, et pour trois raisons prises
dans le fait même de la présence à
Rome des exposants. J'indiquerai ces
trois raisons.
La première est dans l'empresse
ment même et le zèle de ces exposants
à se rendre à l'appel du Pape; la se
conde est dans les études qu'ils ont
faites à Rome des types romains con
sacrés-, comme aussi du rapproche
ment de leurs propres produits ; la
troisième est dans le désir qu'ils ma
nifestent hautement de suivre com
plètement les directions que Rome vou
dra leur donner.
Les trois raisons étant indiquées, il
est facile d'en tirer cette conséquence,
que désormais beaucoup d'ecclésias
tiques et d'Evêques voulant se con
former pleinement au rit romain, trou
veront dans les artistes et les indus
triels qui ont figuré à Rome des faci
lités nouvelles et une intelligence plus
éclairée.
Le Saint-Père, activement secondé
par Son Eminence le Cardinal Berardi,
a dit et répété qu'il était heureux de la
manifestation des artistes et des indus
triels catholiques, qu'il voulait qu'on
ne négligeât aucun moyen de leur
être agréable et de leur témoigner la
reconnaissance du Saint-Siège. Et les
exposants qui ont sa cela et qui ont
vu se réaliser pour eux les ordres de
Pie IX, n'en sont que plus désireux de
se faire les propagateurs de la coutu
me romaine et d'exécuter leurs œu
vres selon les exigences du rit, de la
liturgie et de la bonne école archéo
logique.
La version que je vous envoie du
discours de Sa Sainteté, témoigne hau
tement de sa satisfaction. Peut-être le
Journal de Rome nous donnera-t-il une
version plus approuvée. En attendant,
il est bon de publier celle-ci :
« Je suis très satisfait, a dit le Saint-
« Père, de tout ce qui est advenu, et
« cela signifie que je suis très recon-
« naissant. J'exprime donc mes remer-
« ciments à tout ceux qui, venant des
« contrées éloignées, se sont unis aux
« Romains pour contribuer à ma joie,
« en ornant d'œuvres d'art et de ma
te gnificences industrielles ce cloître
« où naguère régnait le silence et où
« viennent d'éclater des applàudisie-
« ments si mérités. Tout cela sert
« d'ailleurs à prouver que l'Eglise
« n'est pas ennemie du progrès, mais
« qu'elle en-est l'amie, comme aussi
« qu'elle ne garde pas l'immobilité
« dont on lui fait tant de reproches.
« Nous aimons le véritable dévelop-
« pement social en .ee qu'il a d'utile.
« N'avons-nous pas raccourci les dis-
« tances, facilité la transmission de la
« pensée, multiplia les collèges et les
d cabinets universitaires? Mais une
« fois admises les nouvelles chaires
« d'enseignement, il est désirable que
« cet enseignement soit dans les muins
« de l'Eglise, laquelle a reçu de Dieu
« la mission d'enseigner. Emîtes docetc.
.<< Pourquoi ne cesse-t-on de dire que
« l'Eglise est immobile? Il est vrai
« qu'elle se maintient dans l'immobi-
« lité contre tout ce qui est nuisible
« ou contre tout ce qui ne doit pas
« être admis. En cela son immobilité
« lui vient de l'immobilité de Dieu.
« Cependant il n'est pas vrai qu'elle
« prescrive de nouveaux dogmes. Elle
« ne fait que donner une plus grande
« extension aux vérités universellement
« admises et se conformer aux circons-
« tances et aux besoins de la société,
«en tirant du trésor de-sa doctrine
« les choses anciennes et nouvelles,
« nova et votera; tantôt elle remet en
« vigueur ce qui était tombé en désué-
« tude, et tantôt sanctionne ce que l'u-
« sage a conservé, ne négligeant ja-
« mais d'employer les remèdes appor
te tuns, que dis-je, nécessaires aux cir-
« constances.
«... Mais je ne puis continuer ce
« discours ; ce n'est ni le lieu, ni le mo-
« ment. Et puisqu'on m'a demandé
« une bénédiction, je vous la donne,
« non point la bénédiction de Jacob et
« d'Abraham, mais la bénédiction de
« Jésus-Chrrêt.
« Je bénis donc vos arts, vos indus-
« tries et votre commerce. Je bénis
« vos familles et vos personnes, et je
« veux que ma bénédiction fasse vos
« intentions honnêtes, qu'elle vous ac-
« compagne dans la vie et fasse naître
« des fleurs sur votre chemin, comme
« aussi qu'elle vous soit présente à
« l'heure de votre mort. »
On a remarqué que le Pape s'atten
drissait en prononçant, ces dernières
paroles ; aussi a-t-il chanté d'une voix
entrecoupée la formule Bénédictin
Dei, etc.
Trente-six Cardinaux et la plupart
des Evêques assistaient à cette splen-
dide cérémonie, dorit>on ne retrouve
rait point, sans aucun doute, le sou
venir dans l'es annales de l'Eglise.
Jamais les arts et l'industrie n'avaient
été ainsi honorés par toute la hiérar
chie ecclésiastique unie au Saint-
Siège.
Pour extrait : S. D esqoers.
La loi des délits de la presse, si sou
vent interrompue et reprise, s'avance
vers son dénouement sans beaucoup
passionner la Chambre. La passion é-
chauffe et trouble les esprits ; espé
rons que grâce au calme dont ils jouis
sent, nos législateurs nous donner
ont une loi bien faite. Espérons. La
nouvelle loi reconnaît aux écrivains
accusés d'avoir diffamé un fonction
naire public le droit de faire la preuve
des faits allégués. C'est un droit re
doutable. Les termes qui l'instituent
seront discutés sans doute au jourd'hu i :
le débat sur l'article 2'â ayant été ré
servé.
Un amendement de M. Mathieu qui
a été repoussé, avait pour but de con
cilier l'acquittement de l'écrivain avec
l'honneur du fonctionnaire se plai
gnant d'allégations diffamatoires. Cet
amendement consistait à poser au juty
une seconde question supposant que
l'écrivain pouvait être renvoyé de la
plainte, sans être parvenu à fournir
la preuve des allégations qu'il avait
formulées. L'amendement de M. Ma
thieu, soutenu par M. Pinard, et atta
que par M. Crémieux, a été repoussé
par la commission. La nouvelle loi
veut-elle un duel à mort entre le fonc
tionnaire atteint et l'écrivain qui l'a
attaqué ?
Ces conditions draconiennes ne sont
guère de nos mœurs. Aussi a-t-on
proposé d'introduire à côté du recours
au criminel devant le jury, un recours
î'U civil devant les juges. Les fonction
naires se plaignant de diffamations
auraient ainsi contre l'écrivain acquit
té pour sa bonne foi ou pour toute
autre raison, la ressource des domma
ges-intérêts. Cette ressource un peu
bien ménagée et conduite avec un cer
tain art, pourrait facilement amener
la ruine des journaux par trop désa
gréables. C'est M. Philis qui a indiqué
cette mine. Elle parait de droit com
mun. La commission a réservé sa li
berté de la viser dans la loi.
L'article 32, relatif à la vente et à
la réimpression des ouvrages condam
nés, a été renvoyé à la commission
après tfn débat long et confus, auquel
ont pris part MM. Ollivier et Grévv.
L'article 33 autorise la mise en li
berté provisoire sous caution de tout
écrivain arrêté en vertu d'un mandat.
L'article a été adopté, malgré les objur
gations de M. Esquiros contre la pri
son préventive.
En réglant l'ordre du jour, M. le
président avertit la Chambre qu'elle
aura à procéder aujourd'hui à l'élec
tion d'un vice-président. M. Schneider
avait compté sans M. Pelletan, qui crie
qu'Illion bride, qu'il ne faut pas perdre
de temps, que devant l'orgie des pro
cès de presse, le législateur ne peut
avoir de plufe ardent soucique de ren
voyer les écrivains à des juges qui ju
gent, non à des juges qui condam
nent.
Cette sortie, plus paternelle d'ail
leurs, on le sait, que politique, n'a
échauffé personne ; et le Corps législa
tif procédera aujourd'huià l'élection
d'un quatrième vice-président, en rem
placement de M. Mège, dev nu ministre
de l'instruction publique.
L éon A ubin-eau.
Nous recevons de aotre correspon
dant ordinaire de Rome les nouvelles
suivantes :
On parle d'un entretien entre M. le
général Kanzler etM.legénéralDumont,
dans lequel ces deux officiers ont ar
rêté la conduite à tenir dans les éven-
FEUILLETON DE VUNIVERS
DU 19 MAI
BEAUX-ARTS
Exposition de 18<0
PREMIER ARTICLE
L'Exposition de 1870 ne diffère des précé
dentes que par l'augmentation du nombre des
objets exposés. Le livret contient cette fois
5,444 numéros d'ordre, ce qui fait 1,214 de
plus que l'année dernière. C'est là un beau
chiflre. Le malheur, c'est que le progrès de
l'art, dès longtemps annoncé et toujours at
tendu, ne répond pas à cette progression
numérique. Cependant la souche est encore
vigoureuse, les branches se multiplient, les
fleurs même abondent : l'arbre n'est pas
mort, mais cette surabondance de fleurs, et
surtout de feuillage, nuit singulièrement
à la production des fruits. Aussi deviennent-
ils de 'plus en plus rares, et le peu qu'on en
voit paraît souffrir. Ils s'étiolent avant d'a
voir atteint leur pleine formation : ils sont
piqués et tombentsur le sol avant d'avoir con-
deusé leurs sucs et leurs parfums sous l'en
veloppe suave et transparente de la maturité.
La fourmilière s'en trouve bien : les flâ
neurs, les gros bourgeois, les petits salortiers
surtout, s'accommodent parfaitement de ce
régime. Ils trouvent au salon la pâture qui
convient à leurs appétits; mais les vrais ama
teur et surtout les vrais artistes se dégoûtent
du festin, et se lassent de plus en plus de pié
tiner autour de cette monstrueuse et bouil
lonnante gamelle, où tant d'Auvergnats^ ont
mis leurs épices et trempé leurs doigts. —
Les plus intrépides en ont assez. — Ils ré
clament pour les gloutons l'institution d'une
exposition libre, c'est-à-dire la boutique per
manente. Ils demandent pour les gens sobres,
discrets et délicats, l'exposition triennale ou
quinquennale, sous la sanction d'un jury
quelconque, mais non point exclusivement
élu, comme aujourd'hui, par le suffrage uni
versel.
Cette proposition peut être bonne, mais en
core qu'on l'adoptât, il est permis de douter
qu'elle fournisse au nouveau ministre des
beaux-arts le moyen de remédier à tout le
mal engendré par le fait des administrations
précédentes. Ce ne serait encore là qu'une
tentative de réforme, tentative heureuse ou
infructueuse, selon qu'elle ge rattacherait à un
plan général bien combiné ou n'aurait d'au
tre but que de se prêter à l'inconstance de
l'opinion. L'opinion, c'est-à-dire le goût, le
sens artistique moderne et l'art contempo
rain, sont atteints de la môme maladie, ont
les mêmes capri»es et les mêmes défauts :
de quelque côté qu'ils se tournent ou qu'on
les retourne, ils pousseront toujours les mê
mes gémissements. Il faut donc les observer
"et les traiter, mais non pas les consulter, et
puisque ministre il y a, c'est au ministre à
opérer, à appliquer le fer et le feu, à mett'.e
aussi le baume sur la plaie; autrement son
ministère n'aurait vraiment pas d'objet.
S'il ose entreprendre la cure, nous lui
souhaitons bon courage, et dans ce cas nous
devrons tout à la fois le louer et le plaindre.
— Pourquoi ? — C'est qu'avant tout il devra
se résoudre à n'être point populaire,et même
à ne point jouir du résultat complet de sa
grande entreprise, vu l'instabilité fatale des
pouvoirs parlementaires. D'autres que lui
couronneront l'édifice, mais du moins il aura
l'honneur d'avoir fait passer la charrue sur
les orties en laissant provisoirement dans le
fond du sillon son renom d'homme aimable
et chômant, et tous les agréments de son
ministère, ne gardant d'autre ambition que
de conquérir une gloire posthume et de
s'assurer la reconnaissance de ses arrière-
neveux.
Est-il homme à se chauffer de ce bois-là?
Nous l'ignorons, mais nous en avons connu
un qui n'eût pas hésité à mettre le feu au
fagot. Celui-là se nommait Ingres : il s'y en
tendait. Son procédé était radical, et afin que
personne n'en ignorât, et que messieurs les
surintendants et ministres des beaux-arts
présents et futurs en fassent tôt ou tard leur
profit,,il a eu soin de formuler la recette que
nous allons transcrire :
LE SALON
« Je vais toucher, je le sens bien, une
corde délicate. Je sais d'avance tout ce qu'on
peut m'objecter en faveur des expositions au-
Salon, tout ce qu'on peut dire sur l'impor
tance qu'ont, pour l'existence ou la réputa
tion des artistes, ces fêtes solennelles depuis
si longtemps adoptées, protégées par le gou
vernement ; mais, quant à moi, je déclare le
Salon une chose impossible , inutile aujour
d'hui à tous les points de vue, et, de plus,
j'y vois un, usage dangereux, un moyen de
corrompre çt de détruire l'art comme je
l'entends ; car le Salon, tel que nos mœurs
l'ont fait, tue l'art pour ne vivifier que le
métier.
« Et d'abord, faudra-t~il tout recevoir (ex
cepté cependant les objets contraires aux
mœurs), par la raison qu'on n'a pas le droit
de refuser l'œuvre d'un citoyen français,
souvent père de famille, vivant de son état,
et à qui ce refus ferait du tort auprès de sa
clientèle? Au point où en sont venues les
choses, et à supposer que le Salon doive être
maintenu, je serais presque tenté d'avoir
celte opinion. Faudra-t-il, au contraire, n'ad
mettre que certains travaux triés parun jury?
Mais trouvez donc un jury en communauté
suffisante d'idées et de principes pour savoir
exactement à quels choix s'arrêter, [}our ne
pasltre tiraillé en tout sens par la difficulté
de l'entente, par la crainte de la lutte ou par
l'exemple de l'extrême indulgence !
« Ensuite, quels mécomptes peut amener
pour l'artiste une mauvaise place ou le hasard
d'un mauvais voisinage! Combien de pein
tres, auteurs chacun d'un bon tableau, qui ne
le reconnaissent plus eux-mêmes, perdu qu'il
est dans l'énormité du lieu ou défiguré par le
contraste avec ce qui l'environne, avec des
peintures à fracas qui usurpent à son détri
ment l'attenLion ! Enfin, comment ce qui a
lieu pour les admissions n'aurait-il pas lieu
de même pour les récompenses? Aussi sont-
elles toujours assez mal réparties. Sans soup
çonner, Dieu m'en garde, la bonne foi et la
loyauté des juges, on peut dire qu'en général
ils jugent tout de travers. Vraiment, dans
l'intérêt même de ces pauvres artistes, je de
manderais qu'on supprimât le Salon.- •
« Et quant aux intérêts de J'art, à pîui
forte raison cette suppression serait-elle né
cessaire. Le Salon étouffe et corrompt le sen
timent du grand, du beau ; les artistes sont
poussés à y exposer par l'appât du gain, par
la désir de se faire remarquer à tout prix,
par la prétendue bonne fortune d'un sujet
excentrique propre à produire de l'effet et à
amener une vente avantageuse. Aussi le Sa
lon n'est-il plus, à la lettre, qu'un magasin
de tableaux à vendre, un bazar où le nombre
énorme des objets assomme et où l'industrie
règne à la place de l'art.
« Voilà ma pensée. On ne l'accueillera pas,
je le crains, on la saura du moins. Dussé-je
être seul à protester contre les Salons, je pren
testerai toujours (1). » '
Ce jugement est net et sévère, mais aussi
tout ce que l'on voit à l'Exposition, tout ce
qui en résulte, tout c: que l'on en dit, le con
firme. Plus que jamais, le salon est le liéu de
perversion du génie national. L'arène est en
combrée d'histrions vulgaires, dont les voix
discordantes couvrent celles des poëtes, tan
dis que l.es héros ravalés aa rôle de gladia
teurs en sont réduits, non plus à se disputer
la palme, mais à se perforer eux-mêmes, de
la fagon la plus extravagante possible, at'n
d'obtenir un instant la faveur des regards et
les applaudissements ironiques de la pl::be
qui occupe les gradins de l'amphUéâtre.
Cette foule oisive, élégante et blasée, c'est
le suffrage universel, c'est le roi du jour qui
s'amuse, qui donne vingt sous pour voir ma
il) Ingres, sa vie, ses travaux, sa doctrine,
d'après les , notes manuscrites et les lettres du
maître, par le vicomte Henri Dehiborde. — Pa
ris. 1870.
noeûvrer Courbet, Millet et Manet, et qui
donnerait bien volontiers deux francs pour
voir exécuter d'un seul coup quelques lima-
tiques, statuaires, architectes ou peintres,
qui s'obstinent à vouloir retenir sur la pente
delà décadence absolue, età ramener dans les
voies traditionnelles, l'art français, l'art des
Libergier, des Pierre de Montereau, celui de
Germain Pilon, de Jean Goujon et de Robert
Pinaigrier, l'art du Poussin, de Mansard et
de Lesueur, celui qui a illustré tous les rè
gnes et toutes les époques de notre histoire,
.et qui enfin sommeille depuis 1789, à ce que
disent nos Mécènes, et à leur grande sur
prise; car, en effet, depuis lors, et jamais au
paravant, l'art national, affranchi de toute
servitude, a conquis une tribune accessible
à tous et quasi permanente, celle que nous
appellerions volontiers, en traduisant la
pensée de M. Ingres, le gibet de l'expo
sition.
Toutefois, si l'Exposition telle qu'elle est
instituée exerce sur l'art contemporain une
influence funeste, et le soutient à peu près
comme la corde soutient le pendu, il faut re
connaître qu'elle ne parvient pas tout à fait à
l'étrangler. Une force surnaturelle et invin
cible s'y oppose. Aussi-retrouvons-nous en
core au Salon des œuvres qui coriservenL un
certain éclat, un reflet lumineux de la tradi
tion. Celles-là n'ont point été faites exclusi
vement en vue de l'exposition, elles y sont
venues, pour ainsi dire, accidentellement et
par contrainte, ayanL d'ailleurs une autre
destination. OEuvres décoratives, monumen
tales, soumises par conséquent aux lois» in
flexibles du grand art, elles n'obtiennent pas
toujours la faveur du publie, naturellement
N* 4110 — Edition auotidiflnn»
Samedi 2 i Mai i 8?$
PARIS
Un an.......... 60 fr.
Six mois 31
Trois mois.. 1' . 16
DÉPARTEMENTS
Un an 66 fr.
Six mois . 34
Trois mois... 18
FRANCK
Î'AÎUS. 20 MAI 1870
Qouie pendMut le Concile
XCVII
Rofne, 17 mai.
Dans sa Réponse à Mgr l'Archevêque
de Matines, Mgr l'Evêque d'Orléans a
écrit cette phrase :
Faisons un grand Concile; développons les
vives et fécondes puissances de l'Eglise...;
dissipons enfin par des déclarations nettes,
précises, formelles, tous ces affreux malen
tendus qui nous dévorent. Voilà comment
nous ramènerons il nous ce siècle qui nous
fuit, et comment nous pourrons sauver la
société, qui crie au secours par toutes les voix
.de ses souffrances et de ses périls.
Dom Guéranger, je crois, a signalé
ici du louche et du creux. 11 y paraît
assez clairement, comme en maint au
tre endroit, que, selon Mgr l'Evêque
d'Orléans, le chef de l'Eglise n'a eu ni
l'idée du « grand Concile, » ni le sens
des « affreux malentendus qui nous dé
vorent, » ni la parfaite intelligence des
moyens de « ramener le siècle qui
nous fuit, » et « sauver la société qui
crie au secours. » Toute l'opposition
conciliaire roule sur cette défaillance
du Pape. C'est le thème des journaux
«. inspirés » et « assistés, .» résumés par
la brochure surpique. L'on y retrouve
fréquemment « les malentendus qui
nous dévorent. » Ces malentendus me
semblent bien vouloir faire entendre
que le Pape ne s'y entend pas. Mais le
P. Ramière veut tourner cela d'une au
tre façon.
— Oui, dit-il, faisons un grand Con
cile ! Et il déroule sur* ce mot toute
une , brochure intitulée : Le programme
du Concile tracé par Monseigneur l'Evê
que d'Orléans. Il y a peut-être dans ce
titre un peu d'ironie; néanmoins, le
P. Ramière est à demi pris par le
texte dont il scrute les profondeurs.
Il en aime l'élan et la pompe, et il
part d'un même élan et d'une même
pompe pour le temple de la concorde,
paraissant croire que son adversaire
va s'y laisser entraîner. Je doute que
nous touchions à cet . aimable dé
nouement. Mais il est certain que le
P. Ramière indique le vrai moyen de
faire un grand Concile en dissfpant les
malentendus qui nous dévorent.
Le vrai moyen de faire un grand
Concile, c'est de décréter la foi; il n'y
a rien de plus grand. La foi étant un
feu très ardent et très lumineux, par
ce feu seront aussitôt détruits les af
freux malentendus, enfants des ténè
bres. Plus de nuit, plus de monstres,
plus de malentendus, mais au contrai
re un bien entendu général. Donc, que
la foi parle haut, qu'on s'entende bien,
et nous ne serons plus dévorés; tout au,
contraire, la clarté de la foi dévorera
le malentendu. C'est si simple, et nous
cherchons tant!
Le P. Ramière déduit ses raisons
comme il a coutume de faire, en bon
ordre et en bon style, o.— Développons
les vives et fécondes puissances de
l'Eglise... » Il prouve très bien que la
plus vive et féconde puissance de l'E
glise est sa tête, et non passes têttâ,
et que l'Eglise n'a des tètes que parce
qu'eile a une tète. —,« Dissipons enfin
par des déclarations nettes, précises,
formelles, tous les affreux malenten
dus qui nous dévorent.... » Il prouve
très bien- que les déclarations victo
rieuses dont on a besoin partout ne
peuvent être nettes, précises, formel
les, opportunes et telles qu'il les faut,
qu'autant qu'il y a une tête pour les
affirmer. Il le prouve avec la même
dextérité et la même solidité à l'égard
des malentendus théologiques et à l'é
gard des malentendus politiques.-Partout
l'autorité de la tête est nécessaire, car
la saine politique découle de la saine
théol 'Oglàl -Wiïr savoir ce que l'on doit
faire, il faut premièrement savoir c:e
que l'on doit croire. Qui le dira s'il n'y
a pas de tète? Et si plusieurs têtes le
disent sans accord possible, qui le
saura?
Tout cela, c'est de l'A. B. G. Mais,
comme il est manifeste que le monde
ne sait plus lire, et que beaucoup dë
gens considérables s'appliquent à dé
chirer les livres et à bouleverser l'al
phabet, il faut remercier ceux qui con
sentent à nous apprendre les lettres.
Le P. Ramière mérite une grande re
connaissance pour lo soin qu'il met à
remplir cet office, plein ■ d'ennujs et
même de péril.
Mgr Francesco Nardi, membre du
haut tribunal romain de la Rote, est un
autre gardien très vigilant du bon sens
public en matière de foi, et qui sait
bien ce qu'il en coûle. Il a de vastes
connaissances, une dialectique vigou
reuse, un talent d'écrire tout à fait
élevé, il s'est placé au premier rang
parmi les défenseurs de la justice.
Tout cela lui vaut des injures de choix.
Plusieurs messieurs de la plume qui
ont tourné mal, et d'autres qui ne pro
mettent pas de bien finir, ne font au
cune difficulté d'adresser à Mgr Nardi
les outrages personnels les plus gros
siers, sans autre motif que l'incapaci é
où ils sont de lui répondre autre
chose. Ces hommes austères, scru
puleux d'intrigues, ees hommes dé
sintéressés l'accusent d'ambition. Ils
sont toutes sortes de choses qu'il n'est
pas. On les voit ramper, grimper, se
faufiler; on les voit paraître à toutes
les feoêtres sans qu'on leur connaisse
aucun moyen d'ouvrir correctement
aucune porte. Ils sont irréprochables
néanmoins ; Dieu les avait faits pour
les grandeurs et les fortunes. QuanTà
Mgr Nardi, qui ne monte que sur la
brèche, il est très répréhensible d'y
paraître si souvent. Il ne se laisse pas
arrêter par ces clameurs. Il retourne
vaillamment au rempart, imperturba
ble dans sa politesse comme dans son
courage.
Il a fait, il y a quelques mois; une
réfutation des fameuses Observations de
Mgr l'Evêque d'Orléans. Jeté par mor
ceaux dans les colonnes d'un journal
italien, cet ouvrage n'a pas été assez
connu. Je le regarde comme un mo
dèle de polémique: Rien n'est omis,
tout est bref, tout va au but. C'est
savant sans emphase, net sans séche
resse-, courtois sans impertinence, sans
platitude et sans labeur.
Les premiers chapitres ont un inté
rêt pa-ticulier. L'auteur recherche l'o
rigine et l'original de ces fameuses
Observations qui ont paru en allemand,
en anglais, en français, peùt-êlre en
Arabe et enfin en italien. Si l'original
est français, comme on l'a pensé, la
traduction a été lue avant le texte.
Mais Mgr Nardi croit avoir de bonnes
raisons pour croire que l'original est
allemand, de Munich. Et alors nous,
fière France, nous n'aurions lu et ad
miré qu'une traduction!
Quoiqu'il en- soit,Téminent publi-
ciste italien prend la pièce et la dé
monte avec une rare sûreté de main.
De l'examen de ses diverses parties, il
résulte que depuis six ou neuf mois,
la polémique faillibiliste n'a rien in
venté, et qu'elle a été en réalité mise
hors de combat dès le premier jour.
Li criminelle ingérence de la presse
catholique, la chute du Pape Ëonorius
et colles des autres Papes prétendus
hérétiques et errants, l'intérêt des
protestants, des schismatiques et des
idolâtres, les affreux malentendus,
l'unanimité morale, le péril d'exciter
la colère et les représailles de l'Europe
incrédule, tout se trouve condensé
dans ce prenàier factum français ou
allemand, et tout est ruiné par cette
première réfutation italienne. Les prin
cipaux faux textes et les principaux
faux faits viennent de là et sont re
dressés ici. Depuis six mois, on s'est
acharné à amplifier les Observations
omnilingues de Munich ou d'Orléans.
On a écrit des volumes, mais c'est
toujours la même chose. Seul, le P.
Gratry a eu le mérite de changer un
peu'la couleur du plan primitif en al
lumant des feux de Bengale. Quel
homme que le P. Gratry! Parmi tant
d'indigents, il a su innover ; parmi
tant d'obstinés, il a le génie de se tai
re ! Mettons toujours le P. Gratry à part.
Si j'étais chargé de le peindre, je
l'entourerais de lys à cause de sa
candeur, et de coquelicots pour figu
rer la grâce éclatante de son style. A
ses pieds on verrait un bréviaire bien
relié en chagrin bleu, et bien fermé
de fermoirs coquéts. D'une main il dé
plierait le paravent de la prudence, de
l'autre, il remettrait son épée au four
reau. Et il aurait un air songeur et fin,
en regardant deux personnages allégo
riques : un petit ange, le rasoir à la
main, pour lui rafraîchir la tonsure,
un petit diable q^i veut lui coller sur
la tète le chapeau d'académicien. •
Chassez ce mauvais petit diable, P.
Gratry, et s'il s'entête, prenez en guise
d'exorcisme l'opuscule de Mgr Nardi,
dont un ecclésiastique français vient de
nous donner une version vive et fidèle.
Vous verrez là plusieurs malentendus
scientifiques analogues à ceux qui ont
dévoré votre temps et votre réputation
d'homme sérieux. La correction qu'on
leur fait subir vous instruira, sans
vous donner le déplaisir de tomber sur
vous.
Pour terminer sur l'opuscule de Mgr
Nardi, il faut remercier M. Palmé, qui
a pris un rang distingué parmi les édi
teurs infaillibilisles. Il a donné une
physionomie charmante à cet excel
lent petit ouvrage. C'est une innova
tion, et il est agréable de voir une bro
chure catholique imprimée avec élé
gance et non pas uniquement « comme
pour l'amour de Dieu. »
Je profite de l'occasion, et j'adresse
les mêmes compliments et les mêmes
remerciements, mieux mérités encore,
à M. l'abbé Cheruel, curé' de Saint-
llonoré, de Paris, pour la réimpression
qu'il a fait faire du livre de messire
Louis Abelly, évêque de Rodez, sur
Vobéissance et soumission qui est due à N.
S.-P. le Pape, en ce qui regarde les choses
de la foi. Je lis avec délices ce traité
que je ne connaissais pas, et que le
jansénisme avait si habilement fait
tomber en oubli. Quel bon savoir,
quelle belle langue, que tout cela sent
bien l'étude, la méditation et toutes les
saines vigueurs de l'esprit ! — Et que
nous sommes loin de tout cela, quoi
que généralement académiciens ! Il
faut bien avouer que la polémique ex
térieure sur la question de l'infailli
bilité nous entraîne* à sa suite dans
d'étranges misères. Élle nous fait
discuter sur des textes et des af
faires de rien ; sur des phrases et des
emphases, sur des caquets histori
ques, sur moins encore, sur la sonori
té de la salle des séances! Nous voyons
plus de tactiques essayées que de prin
cipes produits et appuyés, et enfin les
grandes-raisons sont tirées du monle
extérieur,' de la disposition des princes
et des pentes de l'opinion publique.
Tout cela « fait de la peine. » On' s'en
console en lisant ces bons vieux livre!,
où la véritable doctrine, la véritable
histoire et la véritable piété, se forti
fiant l'une l'autre, tiennent de si beaux
conseils et s'arrêtent à de si fermes et
lumineuses résolutions.
C'est le mérite de cet ouvrage d'A-
belly, remis en lumière avec tant
d'opportunité. L'on voudra bien que
je me plaise à dire que lo prêtie dis
tingué-qui nous l'a rendu, fut, daps sa
jeunesse, le correspondant à Rome de
Y Univers. Le premier, je crois, il en
treprit de tenir les catholiques de
France au courant des choses de Ro
me, et de faire un journal romain
dans un journal de Paris. Il y a de
cela vingt-cinq ans. Cette famille de
YUnivers a été entêtée et persévé
rante! Mais elle n'a pas perdu ses
peines. Chose étrange! en me re
portant à ce temps-là, je me rap
pelle des épisodes de la correspon
dance de M. l'âbbé Cheruel, qui se re
nouvellent aujourd'hui du côté des
mêmes personnages, ramenés sur le
même terrain. Les hommes ne vieillis
sent pas tant que l'on croit, et la sup
pression de Y-Univers était demandée à
Grégoire XVI comme elle a été deman
dée récemment à Pie IX, par la même
Importance, pour les mêmes raisons...,
qui n'étaient peut-être pas données.
Mais je reviens au livre d'Abelly. Il
n'est pas seulement instructif par la
vigueur et l'abondance de la doctrine
sur le point qui occupe aujourd'hui
l'attention des esprits sérieux ; il est
encore agréable par le style, plein de
noblesse, de bon sens et de droiture;
il est même amusant par l'actua
lité.
Je viens de dire que les hommes ne
vieillissent pas ; je devrais dire qu'ils
ne meurent pas : la polémique d'Abelly
ne nous montre pas seulement la fai
blesse du peu d'arguments que nos
adversaires opposent à la constante
foi de l'Eglise; elle nous montre sou
vent les personnages eux-mêmes. Ils
étaient jansénistes dans ce temps-là, et
refusaient les constitutions du Pape.
C'était le fond de leurs sophismes con
tre l'infaillibilité
.Ils avaient les mêmes procédés, le mê^
me entêtement d'ignorance, et dans le
chœur on entendait les mêmes voix.
Les dames dont on a tant parlé ces
jours-ci, avaient leur rôle, qu'elles rem-
plissaient-^vec ardeur. Le bon Abelly
leur donne un salut en passant. Il rap
pelle ce que saint Jérôme écrivait à la
vierge Demetriado pour l'empêcher de
se laisser prendre aux brochures de
Ru fin et de tomber dans les filets des
origénistes : « Le vrai bien de votre
« âme m'oblige de vous exhorter à de-
« meurer toujours dans la foi de Notre
« Saint-Père le Pape Innocent qui, est
« le successeur d'Anastase au Saint-
ci Siège apostolique, et que vous
«. preniez bien garde ( quoique
« vous vous croyiez bien prudente et
« sage) de recevoir, sous quelque pré-
« texte que ce soit, une doctrine étran-
« gère. '» Sur quoi Baronius observe
que saint Jérôme ne parle pas de saint
Augustin, quoique Demetriade, retirée
en Afrique, pût aisément consulter le
grand et saint docteur. Il lui parle
d'Innocent pour cette raison : « qu'il
« savait très bien que la foi catholique
« est toujours conservée pure et entière
« avec plus de certitude en la Chaire
« de Pierre. »
Louis V euilixt,
Notre correspondant ordinaire de
Rome nous envoie de nouveaux dé
tails sur la cérémonie de Saint>
Marie-des-Anges, pour la distribution
des récompenses aux exposants. Tout
se qui se rattache à Rome est digne
d'intérêt, et doit, malgré la préoccu
pation où nous tiennent le Concile et
la politique, avoir sa place, surtout
quand il s'agit d'un dessein de Pie IX
ayant trait à l'unité catholique.
Et d'abord le Pape a-t-il véritable
ment sujet d'espérer la réalisation de
son dessein par l'Exposition ùniver-
selle? Oui, et pour trois raisons prises
dans le fait même de la présence à
Rome des exposants. J'indiquerai ces
trois raisons.
La première est dans l'empresse
ment même et le zèle de ces exposants
à se rendre à l'appel du Pape; la se
conde est dans les études qu'ils ont
faites à Rome des types romains con
sacrés-, comme aussi du rapproche
ment de leurs propres produits ; la
troisième est dans le désir qu'ils ma
nifestent hautement de suivre com
plètement les directions que Rome vou
dra leur donner.
Les trois raisons étant indiquées, il
est facile d'en tirer cette conséquence,
que désormais beaucoup d'ecclésias
tiques et d'Evêques voulant se con
former pleinement au rit romain, trou
veront dans les artistes et les indus
triels qui ont figuré à Rome des faci
lités nouvelles et une intelligence plus
éclairée.
Le Saint-Père, activement secondé
par Son Eminence le Cardinal Berardi,
a dit et répété qu'il était heureux de la
manifestation des artistes et des indus
triels catholiques, qu'il voulait qu'on
ne négligeât aucun moyen de leur
être agréable et de leur témoigner la
reconnaissance du Saint-Siège. Et les
exposants qui ont sa cela et qui ont
vu se réaliser pour eux les ordres de
Pie IX, n'en sont que plus désireux de
se faire les propagateurs de la coutu
me romaine et d'exécuter leurs œu
vres selon les exigences du rit, de la
liturgie et de la bonne école archéo
logique.
La version que je vous envoie du
discours de Sa Sainteté, témoigne hau
tement de sa satisfaction. Peut-être le
Journal de Rome nous donnera-t-il une
version plus approuvée. En attendant,
il est bon de publier celle-ci :
« Je suis très satisfait, a dit le Saint-
« Père, de tout ce qui est advenu, et
« cela signifie que je suis très recon-
« naissant. J'exprime donc mes remer-
« ciments à tout ceux qui, venant des
« contrées éloignées, se sont unis aux
« Romains pour contribuer à ma joie,
« en ornant d'œuvres d'art et de ma
te gnificences industrielles ce cloître
« où naguère régnait le silence et où
« viennent d'éclater des applàudisie-
« ments si mérités. Tout cela sert
« d'ailleurs à prouver que l'Eglise
« n'est pas ennemie du progrès, mais
« qu'elle en-est l'amie, comme aussi
« qu'elle ne garde pas l'immobilité
« dont on lui fait tant de reproches.
« Nous aimons le véritable dévelop-
« pement social en .ee qu'il a d'utile.
« N'avons-nous pas raccourci les dis-
« tances, facilité la transmission de la
« pensée, multiplia les collèges et les
d cabinets universitaires? Mais une
« fois admises les nouvelles chaires
« d'enseignement, il est désirable que
« cet enseignement soit dans les muins
« de l'Eglise, laquelle a reçu de Dieu
« la mission d'enseigner. Emîtes docetc.
.<< Pourquoi ne cesse-t-on de dire que
« l'Eglise est immobile? Il est vrai
« qu'elle se maintient dans l'immobi-
« lité contre tout ce qui est nuisible
« ou contre tout ce qui ne doit pas
« être admis. En cela son immobilité
« lui vient de l'immobilité de Dieu.
« Cependant il n'est pas vrai qu'elle
« prescrive de nouveaux dogmes. Elle
« ne fait que donner une plus grande
« extension aux vérités universellement
« admises et se conformer aux circons-
« tances et aux besoins de la société,
«en tirant du trésor de-sa doctrine
« les choses anciennes et nouvelles,
« nova et votera; tantôt elle remet en
« vigueur ce qui était tombé en désué-
« tude, et tantôt sanctionne ce que l'u-
« sage a conservé, ne négligeant ja-
« mais d'employer les remèdes appor
te tuns, que dis-je, nécessaires aux cir-
« constances.
«... Mais je ne puis continuer ce
« discours ; ce n'est ni le lieu, ni le mo-
« ment. Et puisqu'on m'a demandé
« une bénédiction, je vous la donne,
« non point la bénédiction de Jacob et
« d'Abraham, mais la bénédiction de
« Jésus-Chrrêt.
« Je bénis donc vos arts, vos indus-
« tries et votre commerce. Je bénis
« vos familles et vos personnes, et je
« veux que ma bénédiction fasse vos
« intentions honnêtes, qu'elle vous ac-
« compagne dans la vie et fasse naître
« des fleurs sur votre chemin, comme
« aussi qu'elle vous soit présente à
« l'heure de votre mort. »
On a remarqué que le Pape s'atten
drissait en prononçant, ces dernières
paroles ; aussi a-t-il chanté d'une voix
entrecoupée la formule Bénédictin
Dei, etc.
Trente-six Cardinaux et la plupart
des Evêques assistaient à cette splen-
dide cérémonie, dorit>on ne retrouve
rait point, sans aucun doute, le sou
venir dans l'es annales de l'Eglise.
Jamais les arts et l'industrie n'avaient
été ainsi honorés par toute la hiérar
chie ecclésiastique unie au Saint-
Siège.
Pour extrait : S. D esqoers.
La loi des délits de la presse, si sou
vent interrompue et reprise, s'avance
vers son dénouement sans beaucoup
passionner la Chambre. La passion é-
chauffe et trouble les esprits ; espé
rons que grâce au calme dont ils jouis
sent, nos législateurs nous donner
ont une loi bien faite. Espérons. La
nouvelle loi reconnaît aux écrivains
accusés d'avoir diffamé un fonction
naire public le droit de faire la preuve
des faits allégués. C'est un droit re
doutable. Les termes qui l'instituent
seront discutés sans doute au jourd'hu i :
le débat sur l'article 2'â ayant été ré
servé.
Un amendement de M. Mathieu qui
a été repoussé, avait pour but de con
cilier l'acquittement de l'écrivain avec
l'honneur du fonctionnaire se plai
gnant d'allégations diffamatoires. Cet
amendement consistait à poser au juty
une seconde question supposant que
l'écrivain pouvait être renvoyé de la
plainte, sans être parvenu à fournir
la preuve des allégations qu'il avait
formulées. L'amendement de M. Ma
thieu, soutenu par M. Pinard, et atta
que par M. Crémieux, a été repoussé
par la commission. La nouvelle loi
veut-elle un duel à mort entre le fonc
tionnaire atteint et l'écrivain qui l'a
attaqué ?
Ces conditions draconiennes ne sont
guère de nos mœurs. Aussi a-t-on
proposé d'introduire à côté du recours
au criminel devant le jury, un recours
î'U civil devant les juges. Les fonction
naires se plaignant de diffamations
auraient ainsi contre l'écrivain acquit
té pour sa bonne foi ou pour toute
autre raison, la ressource des domma
ges-intérêts. Cette ressource un peu
bien ménagée et conduite avec un cer
tain art, pourrait facilement amener
la ruine des journaux par trop désa
gréables. C'est M. Philis qui a indiqué
cette mine. Elle parait de droit com
mun. La commission a réservé sa li
berté de la viser dans la loi.
L'article 32, relatif à la vente et à
la réimpression des ouvrages condam
nés, a été renvoyé à la commission
après tfn débat long et confus, auquel
ont pris part MM. Ollivier et Grévv.
L'article 33 autorise la mise en li
berté provisoire sous caution de tout
écrivain arrêté en vertu d'un mandat.
L'article a été adopté, malgré les objur
gations de M. Esquiros contre la pri
son préventive.
En réglant l'ordre du jour, M. le
président avertit la Chambre qu'elle
aura à procéder aujourd'hui à l'élec
tion d'un vice-président. M. Schneider
avait compté sans M. Pelletan, qui crie
qu'Illion bride, qu'il ne faut pas perdre
de temps, que devant l'orgie des pro
cès de presse, le législateur ne peut
avoir de plufe ardent soucique de ren
voyer les écrivains à des juges qui ju
gent, non à des juges qui condam
nent.
Cette sortie, plus paternelle d'ail
leurs, on le sait, que politique, n'a
échauffé personne ; et le Corps législa
tif procédera aujourd'huià l'élection
d'un quatrième vice-président, en rem
placement de M. Mège, dev nu ministre
de l'instruction publique.
L éon A ubin-eau.
Nous recevons de aotre correspon
dant ordinaire de Rome les nouvelles
suivantes :
On parle d'un entretien entre M. le
général Kanzler etM.legénéralDumont,
dans lequel ces deux officiers ont ar
rêté la conduite à tenir dans les éven-
FEUILLETON DE VUNIVERS
DU 19 MAI
BEAUX-ARTS
Exposition de 18<0
PREMIER ARTICLE
L'Exposition de 1870 ne diffère des précé
dentes que par l'augmentation du nombre des
objets exposés. Le livret contient cette fois
5,444 numéros d'ordre, ce qui fait 1,214 de
plus que l'année dernière. C'est là un beau
chiflre. Le malheur, c'est que le progrès de
l'art, dès longtemps annoncé et toujours at
tendu, ne répond pas à cette progression
numérique. Cependant la souche est encore
vigoureuse, les branches se multiplient, les
fleurs même abondent : l'arbre n'est pas
mort, mais cette surabondance de fleurs, et
surtout de feuillage, nuit singulièrement
à la production des fruits. Aussi deviennent-
ils de 'plus en plus rares, et le peu qu'on en
voit paraît souffrir. Ils s'étiolent avant d'a
voir atteint leur pleine formation : ils sont
piqués et tombentsur le sol avant d'avoir con-
deusé leurs sucs et leurs parfums sous l'en
veloppe suave et transparente de la maturité.
La fourmilière s'en trouve bien : les flâ
neurs, les gros bourgeois, les petits salortiers
surtout, s'accommodent parfaitement de ce
régime. Ils trouvent au salon la pâture qui
convient à leurs appétits; mais les vrais ama
teur et surtout les vrais artistes se dégoûtent
du festin, et se lassent de plus en plus de pié
tiner autour de cette monstrueuse et bouil
lonnante gamelle, où tant d'Auvergnats^ ont
mis leurs épices et trempé leurs doigts. —
Les plus intrépides en ont assez. — Ils ré
clament pour les gloutons l'institution d'une
exposition libre, c'est-à-dire la boutique per
manente. Ils demandent pour les gens sobres,
discrets et délicats, l'exposition triennale ou
quinquennale, sous la sanction d'un jury
quelconque, mais non point exclusivement
élu, comme aujourd'hui, par le suffrage uni
versel.
Cette proposition peut être bonne, mais en
core qu'on l'adoptât, il est permis de douter
qu'elle fournisse au nouveau ministre des
beaux-arts le moyen de remédier à tout le
mal engendré par le fait des administrations
précédentes. Ce ne serait encore là qu'une
tentative de réforme, tentative heureuse ou
infructueuse, selon qu'elle ge rattacherait à un
plan général bien combiné ou n'aurait d'au
tre but que de se prêter à l'inconstance de
l'opinion. L'opinion, c'est-à-dire le goût, le
sens artistique moderne et l'art contempo
rain, sont atteints de la môme maladie, ont
les mêmes capri»es et les mêmes défauts :
de quelque côté qu'ils se tournent ou qu'on
les retourne, ils pousseront toujours les mê
mes gémissements. Il faut donc les observer
"et les traiter, mais non pas les consulter, et
puisque ministre il y a, c'est au ministre à
opérer, à appliquer le fer et le feu, à mett'.e
aussi le baume sur la plaie; autrement son
ministère n'aurait vraiment pas d'objet.
S'il ose entreprendre la cure, nous lui
souhaitons bon courage, et dans ce cas nous
devrons tout à la fois le louer et le plaindre.
— Pourquoi ? — C'est qu'avant tout il devra
se résoudre à n'être point populaire,et même
à ne point jouir du résultat complet de sa
grande entreprise, vu l'instabilité fatale des
pouvoirs parlementaires. D'autres que lui
couronneront l'édifice, mais du moins il aura
l'honneur d'avoir fait passer la charrue sur
les orties en laissant provisoirement dans le
fond du sillon son renom d'homme aimable
et chômant, et tous les agréments de son
ministère, ne gardant d'autre ambition que
de conquérir une gloire posthume et de
s'assurer la reconnaissance de ses arrière-
neveux.
Est-il homme à se chauffer de ce bois-là?
Nous l'ignorons, mais nous en avons connu
un qui n'eût pas hésité à mettre le feu au
fagot. Celui-là se nommait Ingres : il s'y en
tendait. Son procédé était radical, et afin que
personne n'en ignorât, et que messieurs les
surintendants et ministres des beaux-arts
présents et futurs en fassent tôt ou tard leur
profit,,il a eu soin de formuler la recette que
nous allons transcrire :
LE SALON
« Je vais toucher, je le sens bien, une
corde délicate. Je sais d'avance tout ce qu'on
peut m'objecter en faveur des expositions au-
Salon, tout ce qu'on peut dire sur l'impor
tance qu'ont, pour l'existence ou la réputa
tion des artistes, ces fêtes solennelles depuis
si longtemps adoptées, protégées par le gou
vernement ; mais, quant à moi, je déclare le
Salon une chose impossible , inutile aujour
d'hui à tous les points de vue, et, de plus,
j'y vois un, usage dangereux, un moyen de
corrompre çt de détruire l'art comme je
l'entends ; car le Salon, tel que nos mœurs
l'ont fait, tue l'art pour ne vivifier que le
métier.
« Et d'abord, faudra-t~il tout recevoir (ex
cepté cependant les objets contraires aux
mœurs), par la raison qu'on n'a pas le droit
de refuser l'œuvre d'un citoyen français,
souvent père de famille, vivant de son état,
et à qui ce refus ferait du tort auprès de sa
clientèle? Au point où en sont venues les
choses, et à supposer que le Salon doive être
maintenu, je serais presque tenté d'avoir
celte opinion. Faudra-t-il, au contraire, n'ad
mettre que certains travaux triés parun jury?
Mais trouvez donc un jury en communauté
suffisante d'idées et de principes pour savoir
exactement à quels choix s'arrêter, [}our ne
pasltre tiraillé en tout sens par la difficulté
de l'entente, par la crainte de la lutte ou par
l'exemple de l'extrême indulgence !
« Ensuite, quels mécomptes peut amener
pour l'artiste une mauvaise place ou le hasard
d'un mauvais voisinage! Combien de pein
tres, auteurs chacun d'un bon tableau, qui ne
le reconnaissent plus eux-mêmes, perdu qu'il
est dans l'énormité du lieu ou défiguré par le
contraste avec ce qui l'environne, avec des
peintures à fracas qui usurpent à son détri
ment l'attenLion ! Enfin, comment ce qui a
lieu pour les admissions n'aurait-il pas lieu
de même pour les récompenses? Aussi sont-
elles toujours assez mal réparties. Sans soup
çonner, Dieu m'en garde, la bonne foi et la
loyauté des juges, on peut dire qu'en général
ils jugent tout de travers. Vraiment, dans
l'intérêt même de ces pauvres artistes, je de
manderais qu'on supprimât le Salon.- •
« Et quant aux intérêts de J'art, à pîui
forte raison cette suppression serait-elle né
cessaire. Le Salon étouffe et corrompt le sen
timent du grand, du beau ; les artistes sont
poussés à y exposer par l'appât du gain, par
la désir de se faire remarquer à tout prix,
par la prétendue bonne fortune d'un sujet
excentrique propre à produire de l'effet et à
amener une vente avantageuse. Aussi le Sa
lon n'est-il plus, à la lettre, qu'un magasin
de tableaux à vendre, un bazar où le nombre
énorme des objets assomme et où l'industrie
règne à la place de l'art.
« Voilà ma pensée. On ne l'accueillera pas,
je le crains, on la saura du moins. Dussé-je
être seul à protester contre les Salons, je pren
testerai toujours (1). » '
Ce jugement est net et sévère, mais aussi
tout ce que l'on voit à l'Exposition, tout ce
qui en résulte, tout c: que l'on en dit, le con
firme. Plus que jamais, le salon est le liéu de
perversion du génie national. L'arène est en
combrée d'histrions vulgaires, dont les voix
discordantes couvrent celles des poëtes, tan
dis que l.es héros ravalés aa rôle de gladia
teurs en sont réduits, non plus à se disputer
la palme, mais à se perforer eux-mêmes, de
la fagon la plus extravagante possible, at'n
d'obtenir un instant la faveur des regards et
les applaudissements ironiques de la pl::be
qui occupe les gradins de l'amphUéâtre.
Cette foule oisive, élégante et blasée, c'est
le suffrage universel, c'est le roi du jour qui
s'amuse, qui donne vingt sous pour voir ma
il) Ingres, sa vie, ses travaux, sa doctrine,
d'après les , notes manuscrites et les lettres du
maître, par le vicomte Henri Dehiborde. — Pa
ris. 1870.
noeûvrer Courbet, Millet et Manet, et qui
donnerait bien volontiers deux francs pour
voir exécuter d'un seul coup quelques lima-
tiques, statuaires, architectes ou peintres,
qui s'obstinent à vouloir retenir sur la pente
delà décadence absolue, età ramener dans les
voies traditionnelles, l'art français, l'art des
Libergier, des Pierre de Montereau, celui de
Germain Pilon, de Jean Goujon et de Robert
Pinaigrier, l'art du Poussin, de Mansard et
de Lesueur, celui qui a illustré tous les rè
gnes et toutes les époques de notre histoire,
.et qui enfin sommeille depuis 1789, à ce que
disent nos Mécènes, et à leur grande sur
prise; car, en effet, depuis lors, et jamais au
paravant, l'art national, affranchi de toute
servitude, a conquis une tribune accessible
à tous et quasi permanente, celle que nous
appellerions volontiers, en traduisant la
pensée de M. Ingres, le gibet de l'expo
sition.
Toutefois, si l'Exposition telle qu'elle est
instituée exerce sur l'art contemporain une
influence funeste, et le soutient à peu près
comme la corde soutient le pendu, il faut re
connaître qu'elle ne parvient pas tout à fait à
l'étrangler. Une force surnaturelle et invin
cible s'y oppose. Aussi-retrouvons-nous en
core au Salon des œuvres qui coriservenL un
certain éclat, un reflet lumineux de la tradi
tion. Celles-là n'ont point été faites exclusi
vement en vue de l'exposition, elles y sont
venues, pour ainsi dire, accidentellement et
par contrainte, ayanL d'ailleurs une autre
destination. OEuvres décoratives, monumen
tales, soumises par conséquent aux lois» in
flexibles du grand art, elles n'obtiennent pas
toujours la faveur du publie, naturellement
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