Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1870-05-01
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 mai 1870 01 mai 1870
Description : 1870/05/01 (Numéro 1090). 1870/05/01 (Numéro 1090).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Bimanclie 1 er Mai 1870
N* 1090 — Edition quotidienn®.
"Dimanche 1 er Mai
PARIS "
Un an 60 fr.
Six mois 31
Trois mois 16
Le numéro : 15 centimes.
OTJIÏEACX
Paris, 10, rue des Saints-Pères.
On s'abonne, à Rome, au bureau de la Civil/à cattoltcap ! ' t'"
,i..i /■» l "Z> Jl- •
DÉPARTEMENTS '
Un an ..\. 66 fr.
34
18
FRANCE
PARIS. 30 AVRIL 1S70
Nous recevons la dépêche suivante :
Rome, 29 avril, o li.-du soir.
Aujourd'hui, le Concile a reçu Fan-
nonce officielle de la discussion très
prochaine de l'infaillibilité, et les pre
mières pièces concernant ce dogme
ont été distribuées. La cause est donc
enfin introduite, à l'immense conten
tement des cœurs catholiques.
rendissime, avec la bienveillance qui
vous distingue, cette manifestation de
nos sentiments et notre adhésion à
votre jugement.
_» Joseph , Evêque d'Urgel.
7 Michel , Evêque de Cuença.
Rome, aux ides d'avril de l'an 1870.
lioiue pendaut le Cunciie
Mgr l'Evêque de Strasbourg a reçu
la lettre suivante :
Illustrissime et Révérendissime
Seigneur,
Nous vous félicitons -de tout cœur et
par une adhésion sans réserve de l'acte
de haute sagesse et de sollicitude pas-
torale, par lequel vous avez condamné,,
le 13 février dernier, les lettres de M.
A. Gratry, écrits d'une si triste célé
brité, où ce prêtre, pour nier la di
vine prérogative 'de'l'infaillibilité d'en
seignement en matière de foi et de
mœurs, promise et conférée par N.-S.
J.-^C, au bienheureux Pierre, prince
des Apôtres, et à tous ses successeurs
légitimes sur le Siège apostolique de
Rome,— s'est efforcé de ranimer des
controverses surannées sur quelques
points obscurs, controverses auxquelles
on peut appliquer ce que Juvénal dit
des déclamations des écoliers : Elles
assassinent les maîtres condamnés à F ennui
de les entendre cent fois. (Sat. 7. v. 154.J
Occidit miseros crambe repetita ma-
gistros.
Ce n'est point sans titre que vous
avez pris l'initiative de prononcer celte
censure, propre à réprimer la superbe
et la témérité de ce prêtre ; on devait
l'attendre de vous : car ce prêtre élevé,
formé à la sainte vie sacerdotale dans
votre diocèse, pouvait, par l'influence
qu'il s'y est acquise, détourner, une
partie de vos ouailles du sentier de la
vérité, et s'adressant à elles dans une
langue qui est la leur, communiquer
plus facilement à ùn grand nombre le
venin de sa doctrine, et pervertir- leur
esprit et leur cœur. ,
Cette aveugle témérité, cette parade
d'érudition indigeste de la part d'un
prêtre eût été excusable, peut-être, il
y a deux siècles, lorsqu'il se rencontra
des hommes qui, enhardis par la pa
tience et la mansuétude du Pontife
Romain, et empressés de faire leur
cour aux puissances séculières et d'o
béir servilement au bon plaisir des
rois, se donnèrent, au grand dommage
et au grand scandale de l'Eglise, la
peine de rechercher dans toute l'anti
quité des témoignages toujours obscurs,
jamais concluants, souvent contradic
toires, pour envelopper de nuages,
pour couvrir d'obscurités une vérité
non encore définie, au lien de vouer
et leurs soins et leurs talents à faire
briller cette même vérité de l'éclat ra
dieux de la parole de Dieu écrite et
traditionnelle, et de la confesser avec
toute l'ardeur du zèle et le courage de
la liberté.
Mais aujourd'hui elle est intolérable,
la témérité de ce. prêtre qui-ose^ en
face du Concile œcuménique du Vati
can, préjuger, décider meme la plus
grave de toutes les questions, tandis
que l'humilité chrétienne lui com
mande d'attendre le jugement solennel
et infaillible de l'Eglise enseignante,
et s'arroge le rôle de maître, au lieu
de se tenir dans la condition de disci
ple. A ce tort qu'il s'est fait à lui-
même, se joint le mal qu'il fait à au
trui, le scandale qu'il cause, en jetant
le trouble, l'inquiétude, les préjugés
dans l'esprit des demi-savants en phi
losophie, en théologie, en droit canon,
et parmi ces personnes qui puisent
toute leur science dans la lecture des
journaux, et en les provoquant à
manquer de respect et d'obéissance
envers l'autorité du magistère infailli
ble de l'Eglise. Il agit ainsi, étrange
conduite ! comme si cette autorité en
seignante, directement établie de Dieu,
ressemblait à la royauté parlementaire,
et était soumise comme celle-ci aux
règles, aux principes du parlementa
risme de nos jours, et livrée aux dis
cussions de la foule. Certes, les princes
de l'Eglise ne dédaignent point d'écou
ter un prêtre, d'accueillir les observa
tions d'un membre du second ordre de
la hiérarchie ; d'examiner, de méditer
les arguments, les raisons qu'il leur
présente modestement, avant qu'ils ne
prononcent un jugement selennel, soit
pour définir une vérité, soit pour con
damner une erreur. Mais ces mêmes
pi'inces de l'Eglise, les Evêques, n'em
pruntent pas la règle de leurs juge
ments aux impressions mobiles de la
joule, et bien moins encore, s'assujet
tissent-ils dans leurs jugements à ce
que l'on appelle, dans le langage du
jour, l'opinion publique, que l'on pro
clame la reine du monde. Mais si quel
que ecclésiastique vraiment savant ren
contrait quelque argument sérieux
qui aurait pu échapper aux Evêques,
il ferait certainement chose utile, il
rendrait un véritable service, en le
communiquant à l'un des Pères du
Concile, qui ne manquerait pas de s'en
servir pour procurer a l'auguste assem
blée tout les moyens d'éviter l'er
reur.
Accueillez, Frère bien-aimé et Révé-
LXXX
Rome, 20 avril.
Tandis que vous vous préparez au
périlleux divertissement « plébisci
taire », lequel, d'ici, me semble diffi
cilement devoir être grave, devoir êire
clair et devoir être divertissant, je
continue de suivre le cours des fêtes
catholiques et romaines, pleines par
tout de lumière, de sécurité et de joie.
Je vous ai parlé de la bénédiction, de
la coupole enflammée, du feu d'arti
fice représentant la Jérusalem céleste,
de l'illumination prodigieuse allumée
par tout le peuple en l'honneur du
souverain, avec le concours de tous les
arts. J'ai sauté par-dessus d'autres
fêtes, par exemple de grandes courses
à l'instar de la civilisation moderne.
Ces courses, très applaudies et très
populaires, et qui changent pour un
jour la physionomie de Rome,, d'où
elles enlèvent toutes les voitures, se
font aux environs du tombeau de Ce-
cilia Metella, ce qui ne laisse pas de
donner à la civilisation moderne un
certain dessous qui, dans Rome, à mon
avis, lui manque rarement. On m'as
sure qu'elles ont été brillanlcs même
au point de vue du cheval. Il y avait
des gentlemen-riders, je l'ai lu sur l'af
fiche en propre anglais. Mon incom
pétence m'empêche de vous en décrire
le mérite. Je ne vous dirai donc pas si
Hypathie , à M. Bishop, a battu Journal,
à M. Reporter. Je n'ai vu en toute ma
vie qu'une seule course. C'était à La
Guerche-sur-l'Aubois, diocèse de Bour
ges. Des hommes en sac couraient
pour gagner un canard d'honneur;
deux se cassèrent absolument le nez.
Le vainqueur fut porté en triomphe et
l'on parla de le nommer député. Mais
ce souvenir déjà lointain, non plus que
celui de quelques hommes très distin
gués que j'ai vu courir pour entrer à
l'Académie, ne saurait me mettre en
état dç juger les courses romaines, où
d'ailleurs je n'assistais pas.
Je reviens aux fêtes qui n'ont rien
d'anglais ni rien d'étrusque ; car les
Etrusques faisaient" courir, et j'ai vu
un vase de toute antiquité (à moins
que le marquis Campana ne l'ait tiré
de sa belle imagination pour le mettre
dans sa belle collection) dont la scène
semble prise à Epsom ou au bois de
Boulogne; ce sont les mêmes hommes et
les mêmes bêtes efflanqués. Je suis ici
pourvous parlerdequelque chose quisoit
plus vraiment romain. Il y a des fêtes,
il y en a sans relâche, qui sont abso
lument romaines. La science, l'art, le
Concile, surtout le Pape sont les fêtes
de tous les jours dans une fête de tou
tes les heures qui est le printemps. 0
terre de Dieu, douce pour l'homme, où
toujours et partout quelque chose d'ai
mable et de-grand chante aux yeux, à
l'oreille, à l'intelligence, au cœur. On
y a ses tristesses, et parfois elles sont
formidables. L'ennui même s'y fait
sentir, cet «incurable ennui » dont
parle Bossuet, tellement incurable
qu'il se réveille jusque dans ces splen
deurs et qu'il y vient tourmenter sa
débile proie. Mais que de dictâmes
pour le rendormir! On le rendort, on
le noie dans l'enivrement de la lumiè
re, de l'art, de l'histoire, dans le flot
large et profond de la pensée.
La fête commence avec le jour. Lé
coq chante. — Est-ce parce que Rome
est la ville de saint Pierre? Mais dans
cette grande Rome on entend chanter
les coqs. — L'Ave Maria sonne très no
blement, sur un rhythme" qui rappelle
la saltation de David devant l'arche,
les marchands des rues jettent leur an
nonce chantée, et du ciel bleu il pleut
de l'or. C'est lemoment d'aller à la messe
dans quelque belie grande église. On
en a de belles et grandes partout; les
très grandes et «très belles sont fré
quentes. J'ai dans mon quartier la
Trinité des Monts, Sainte-Marie du Peu
ple, Sant'-Andréa delle Fratte , où vibre
encore le miracle de Ratisbonne, Saint-
Charles du Corso et vingt autres, dont
chacune a son caractère plus austère
ou plus joyeux; son histoire, ses tom
beaux, ses peintures, ses statues, ses
marbres, ses reliques, les unes très
fréquentées, les autres silencieuses et
presque désertes, mais aucune n'est
déserte absolument. Les cierges sont
allumés, il y a des assistants «tu saint
sacrifice. C'est là que l'on peut voir
combien la vie religieuse est abon
dante et sérieuse dans Rome. Entre
ces maisons de Dieu, brillantes d'or
dre, de richesse et d'éclat, antiques et
rajeunies, je choisis, quand j'ai le
temps, la magnifique église de Saint-
Ignace du Collège Romain. Je vais jus
que-là, séduit par le plaisir d'être plus
longtemps dans les rues où l'ombre et
la lumière luttent si vigoureusement,
toutes deux riches et se faisant réci
proquement valoir, toutes deux vict©-
rieuses. L'église de Saint-Ignace est
un chef-d'œuvre de proportion, de
pompe et de gravité. Je la compare
rais à une reine d'Espagne, du ternes
qu'il y avait une Espagne et des rei
nes. La décoration est d'une unité har
monieuse, d'une richesse immense, non
pas outrée ; d'admirables marbres, de
beaux et graves tableaux, d'élégantes
statues animent cette architecture faite
pour eux. On en peut contester le style
général, mais il a son caractère, son
mouvement et sa force qui sont à lui,
et, cette harmonie est d'une grande
valeur dans l'art. La lumière même
qui entre dans l'édifice s'y trouve
mesurée comme il convient à l'en
semble. Je crois qu'il ne serait pas
difficile de lire Saint-Ignace. Un
monument que l'on peut lire a déjà
son mérite. Tâchez par exemple de
lire nos nouvelles églises de Paris, et
vous sentirez les heurts, les lacunes,
les cacophonies et les ignorances dont
elles se composent,. Saint-Ignace du
Collège Romain est lepoëmede laCorn-
pagnie de Jésus, et c'est un beau
poëme, plein d'épisodes grandioses
très variés et parfaitement rattachés
au plan générai. Beaucoup de con
trastes, point de discords, un élan im
mense et perpétuel dans une règle
toujours gardée. On se plaît là dans
ce repos qui ne cesse pas d'être un
combat, dans ce combat qui ne cesse
pas d'être une victoire. Les messes,qui.
ne manquent pas d'assistants, sont,
nombreuses. Les prêtres qui les disent
sont presque tous professeurs de ce
grand Collège Romain ; tous ces
professeurs sont gens de mérite, et
il y a parmi eux de très savants hom
mes, en.i possession d'une grande et
juste renommée. 11 suffit de citer le P,
Perrone, le P. Seechi. Il y a parmi eux
aussi des persécutés, des exilés, des
missionnaires revenus par ordre des
terres lointaines où les avait envoyés
l'obéissance, prêts à repartir pour
d'auires lointains et pour d'autres pé
rils, au premier ordre qui leur sera
donné. En lesvoyant célébrer la messie
devant ces autels consacrés aux Saints
de la Compagnie, apôtres, confesseurs,
martyrs, eif songeant à cette longue
histoire pleine de lumière, de sang et
de miracles, on s'explique pourquoi,
malgré les rois, les bourreaux et les
gens de lettres, il y a toujours des Jé
suites. C'est une grande merveille que
la ténacité du bon sens humain, et avec
la ténacité du bon Dieu, elle fait de
grandes merveilles.
Je ne veux pas vous décrire les fê
tes qui suivent la fête de la messe dans
une église de R.ome. On ne peut pas
tout prendre et tout dire en un jour.
Mais, puisque je suis au Collège Romain,
je n'en sortirai pas encore, et je ferai
mention d'une fête de la science qu'on
y a donnée l'autre jour. C'était sous
forme de conférence — des courses et
des conférences scientifiques, vous
voyez que Rome est « au pas. » — Le
conférencier était le P. Seechi. Il a in
vité quelques personnes, il en est venu
mille, beaucoup de Cardinaux, trois
cents Evêques, le reste de prêtres et
laïques romains et étrangers". Auditoi
re qui me semble encore donner un
dessous aux villes de la civilisation. Ce
rare public étant rassemblé dans Vaula
grande du Collège, le -P. Secchi s'en
est emparé, l'a enlevé, voilà bien le
mot, et lui a fait faire un voyage d'en
viron deux heures dans le soleil. Je ne
vous décrirai pas ce voyage. C'est ici
que je suis souverainement incompé
tent. J'ai bien vu les courses, àLaGuer-
che-sur-l'Aubois, mais ce soleil, à pré
sent que je viens de le parcourir, j'en
suis aveuglé. Ce que je peux vous dire,
c'est qu'il y a là dedans beaucoup de
charbon et d'autres choses qui brûlent
ensemble et donnent chacune leur
couleur, qui pleut ici en poussière d'or
le matin, et poussière d'or et de pour
pre le soir. Que cela vous suffise pour
lemoment. Je n'ai pas tout entendu,
je n'ai pas retenu tout ce que j'ai en
tendu, et je ne saurais pas répéler
tout ce que j'ai retenu et compris, grâ
ce à la parole nette et limpide du P. Sec
chi, accompagnée d'expériences char
mantes. Après une seconde séance, qui
aura lieu ce soir, l'émineni astronome,
cédant à ma prière, voudra bien faire
lui-même un résumé pour les lecteurs
de YUnivers. J'espère que, pour le coup,
ils seront contents de moi, puisque jo
leur aurai valu cette grâce de choix.
Malheureusement ijs n'auront pas ces
belles et ingénieuses expériences qui
nous montraient à peu près (car il y a
encore des obscurités) comment le so
leil nous éclaire, et ce que sont les ta
ches du soleil, et que Dieu'est grand
dans la fabrication du soleil comme
dans la fabrication .des insectes. Ils
n'auront pas non plus le spectacle vé
ritablement émouvant de cet, incom
parable auditoire rassemblé de toutes
les parties du monde, et si attentif et
si charmé.
Autre fête : c'était hier soir, au Pala
tin, dans le palais de Néron. La scien
ce, l'art,, le Concile, le printemps et le
Pape y étaient. Le Pape chez Néron,
le Vicaire du Christ chez le vicaire de
Satan! Mais je vois bien que ceci me
mènerait loin. Je tâcherai demain, si
riep ne vient à la traverse, ou plus
tard, de vous dire l'impression et de
vous décrire la scène, toute simple
d'ailleurs. Les antiquaires romains a-
vaient fait leur dîner annuel pour cé
lébrer il natale de Rome, et, à cette oc
casion, le Saint-Père, qui leur avait
envoyé quelques bouteilles de son vin,
est venu, en Médicis leur dire bonjour
et visiter les fouilles que dirige savam
ment le baron Visconti. L'on vous con
tera cela, et comment au dîner l'un
des savants convives a servi la troisiè
me porte de Borna qnadrata , tout nou
vellement retrouvée. Vous savez que
ces antiquaires se nomment Visconti,
Rossi, Rosa, et que c'est déjà beaucoup,
et plus que quantité de grosses acadér
mies ne pourraient fournir, et qu'il y
en a d'autres encore. Mais je veux seu
lement vous dire que j'ai vu Pie IX. ,
Après ces énormes fatigues de la
Sep^ine-Sainte et des fêtes qui ont
suivi, en dépit des audiences~vraiment
terribles depuis l'ouverture du Concile,
et plus lourdes durant cette quinzaine,
le Saint-Père, Dieu soit béni, se porte
très bien. Il a bon visage, sa démar
che est vaillante comme sa voix, cette
voix qui porte de la loggia de Saint-
Pierre à l'extrémité de la place Rasii-
cucci, passant sur cent mille têtes. Il
y avait là beaucoup d'Evêques et quel
ques centaines de personnes. M. Vis
conti lui a adressé un discours, on lui
a servi un sonnet qui venait de pous
ser, il a pris une glace et s'est ensuite
promené dans les fouilles. Là, chacun
a-pu l'aborder et lui baiser la main.
Vive Pie IX! Vive le Pape-Poi! Vive le
Pape infaillible! à pleine poitrine. C'est
toujours la même scène. L'infaillibilité
est ainsi proclamée dans les rues, au
moins une fois chaque jour, ^ par la
voix du peuple en attendant la voix
de Dieu. Je suis témoin qu'on y est
parfaitement accoutumé, et que cela
ne paraît en aucune sorte hérétique ni
sentant l'hérésie.
Et la voix de Dieu, quand vieridra-
t-elle? Ah! il faut savoir attendre, il
faut surtout, savoir priei*. Samedi der
nier, on comptait sur quelque chose
pow dimanche. Le dimanche a passé,
rien n'est venu. Sera-ce pour cette se
maine? Chi lo sa? Il faut bien avouer
que Pie IX ne montre aucune hâte. On
me l'avait bien dit : il ne se hâtera
points il ne reculera point. Il connaî
tra le moment de Dieu, et il le pren
dra. On dit maintenant que ce sera
pour la Saint-Pierre. Là-dessus, quel
ques-uns s'écrient que tout est gagné,
d'auires que tout est perdu. Je crois
qu'il n'y aura rien de gagné, rien de
perdu, et que tout simplement le fruit
tombera, lorsqu'il sera mûr ; et j'ajoute
que personne, mais personne ne le
croit loin de sa pleine et parfaite ma
turité.
Vous avez lu maintenant la Consti
tution proclamée dimanche en session
publique. Vous avez lu les dix-huit
anathèrnes portés contre l'erreur, dans
la vieille forme de 1a. souveraineté de
l'Eglise. Beaucoup de gens disaient
qu'il n'y aurait plus d'anathèmes,
quelques-uns disaient qu'il n'en fallait
plus. Les voilà, les voilà pour l'éter
nité; et, à mon avis, tout le travail de
i'vo' L ; qui s'est fait depuis cent ans
tom'oe caduc'. Plus d'une pauvre rai
son s'en indigne aujourd'hui qui de
main sera éclairée, s'avouera vaincue,
et en rendra des actions de grâces im
mortelles.
Louis V euillot.
Voici un article de Y Osservatore cat-
tolico de Milan qui-intéresse toute la
presse catholique, et que nous nous
empressons de faire connaître à nos
lecteurs. Nous l'empruntons au numéro
du 23 avril :
C'eât avec une satisfaction véritable que
nous avons lu dans le Veneto callolico !a rela
tion d'une audinncc que Sa Sainteté a daigné
accorder à des Vénitiens, et dans laquelle
Elle a fait un éloge particulier de ce jour
nal. Les paroles du Saint-Père méritent
d'être reproduites, parce qu'elles intéressent,
toute la presse catholique et répondent à des
accusations sans cesse renouvelées, non-seu
lement par les méchants, mais trop souvent
malheureusement par beaucoup de prêtres
qui ne veulent pas en reconnaître l'impor-'
tance.
Voici donc ce qu'aurait dit le Saint-Père :
« Je puis vous dire que le Concile
« fait les frais du journalisme et, bien
« ou mal, remplit ses colonnes : men-
« songes, exagérations, que sais-je en-
« core? tout lui est bon. Heureuse-
ci ment qu'en Italie nous avons aussi
« de bons journaux, qui paralysent le
« mal opéré par les mauvais, .le vous
« dirai même que, dans aucun pays, il
« n'y a, proportion gardée, autant de
« bons journaux qu'en Italie.
« Vous aussi, à Venise, vous avez un
« bon journal. Je le lis quelquefois : il
« est vraiment bon... Oui, c'est un bon
« journal, continua l'angélique Pon-
« tife; jo le lis, je le lis. Oh! vraiment,
« et on voudrait que la presse catho-
« lique se tût!...
«Je pourrais, mais je ne le veux
« pas, vous nommer certains person-
« nages qui, non-seulement mainte-
« riant, mais depuis plus de dix ans,
« se sont présentés à moi, me priant
« d'interposer mon autorité pour faire
« taire là pressé catholique, qui, selon
« eux, est cause de tous les maux de
(( l'Eglise de Jésus-Christ. Savez-vous
« ce que je leur ai répondu? —. Bien
« volontiers, messieurs; mais à condi-
« tion, et vous m'en donnerez votre
« parole, que dorénavant il n'y aura
« plus aucune feuille anticatholique.
« Qu'est-ce en effet? Ces messieurs
(( voudraient bâillonner la bouche dos
« autres pour être seuls les maîtres de
« la conversation. Je ne dis pas qu'une
« feuille catholique ne puisse jamais
« sortir un peu de la ligne : obligés
« d'écrire chaque jour, ce n'est pas une
« merveille si, pris à l'impjoviste, les
« écrivains ne gardent pas à chaquo mi
te nute la tempérance delà plume. Oh!
« à notre époque, ces journaux sont
« vraiment nécessaires et l'ont un grand
« bien. »
On n'a plus le loisir de réfléchir à
ce qui se passe, tant les événements
sont rapides et graves. Nous sommes
à la veille d'iin vote qui doit décider
du sort de !a France, on ne songe,
qu'au parti à prendre, et presqu j i
sonne n'a l'air de s'apercevoit 1 i
comédie politique qui va se jo îei
haut en bas. Quelle leçon cepcn ni
le spectacle du moment ne nou i
ne-t-il pas !
A moins de vingt ans d'intervane,
le même peuple est appelé parle mê
me souverain à voter sur sa Constitu
tion ; mais tout est différent dans le
langage du souverain, dans les dispo
sitions du peuple, dans le vole à é-
mettre, dans la Constitution à sanc
tionner.
En 1852, le chef de l'Etat, dans sa
proclamation au peuple français, di
sait :
Dans ce pays de centralisation, l'opinion
publique a sans cesse tout rapporté au chef
du gouvernement, le bien comme le mal.
Aussi, écrire en tête d'une ckurlo que le chef
est irresponsable, c'est mentir au sentiment
public, c'est vouloir établir une fiction qui
s'est trois lois évanouie au bruit des révolu
tions.
La Constitution actuelle proclame, au con
traire, que le chef que vous avez élu est res
ponsable di-vant vous... Étant responsable,
il taut que son action soit libre et sans en
trave. De là l'obligation d'avoir des minis
tres qui soient les auxiliaires honorés et puis
sants de sa pensée, mais qui ne forment plut-
un conseil responsable, composé de membres
solidaires, obstacle journalier à l'impulsion
particulière du chef de l'Etat, expression
d'une politique émanée des Chambres, et par
là même exposée à des changements fré
quents qui empochent tout esprit de suite,
toute application d un svsieme régulier.
... Le Corps legislatu discute librement, la
loi, l'adopte ou la-repousse : mais H n v in
troduit pas i li piu i-i i ce e
ments qui d i g u u\^ tout t 3 o
mie d'un s, t eciln u i ! t
primitif. A plus lorte raison nui [
initiative patli ni nt u luiimth ou <
si graves abus, et qui permettait a chaque
député de se substituer a tout propos au gou
vernement en présentant les projets tes
moins étudies, tes moins approfondis.
La Chambre n étant pius en présence des
ministres, et les projets de loi étant soute
nus par les orateurs du conseil d'Etat, le
temps ne se perd plus en vaines interpella
tions, en accusations frivoles, en luttes pas
sionnées, dont l'unique but était de renverser
les ministres pour les remplacer.
... Le Sénat n'est plus, comme la Chambre
des pairs, le pùle reflet de la Chambre des
députés, répétant à. quelques jours d'inter
valles tes mêmes discussions suc uu autre
ton. 11 est le dépositaire du pa-'te fondamen
tal, etc.
... Une Constitution est Pi iup il i >
on ne saurait laisser une tro s 'i y î p
améliorations. Aussi la Constitution .présente
n'a-t-elie lixé que çe qu'il était impossible de
laisser incertain. Elle n'a-pas enterme dan.-.,
un cercle infranchissable-les destinées d'un
grand peuple; elle a laissé aux changements
une assez large voie pour qu'il y au, cîarm
les grandes crises, d'autres i io^ n de sd il
que l'expédient désastreux des révolutions '!
La Constitution de iBijâ soumise
dans ses points principaux à l'accep
tation du peuple, fut votée par sept
millions cinq cent mille suffrages.
Une nouvelle Constitution toute con
traire à la première est soumise au
jourd'hui à l'acceptation du peuple,
et le souverain, dans uu langage tout
différent, propose au peuple de la ra
tifier.
Lu Constitution de -1870 consacre ie
« mensonge » et la « fiction » de
l'irresponsabilité du chef de l'Etat.
Elle établit un conseil responsable
des ministres, « obsiacle journalier à
l'impulsion du chef de l'Etat, expres
sion d'une politique exposée à des
changements fréquents qui empêchent
tout, esprit de suite, toute application
d'un système régulier. »
Elle restitue au Corps législatif le
droit d'introduire « de ces amende
ments qui dérangent souvent toute
l'économie d'un système et l'ensemble
d'un projet primitif, » et « cette initia
tive parlementaire qui était la source
de si graves abus. »
Elle remet « la Chambre en pré
sence des ministres », elle autorise ces
« vaines interpellations où le temps se
perd », et ces «luttes passionnées dont
l'unique but est de renverser les mi
nistres pour les remplacer».
Par elle, le Sénat, transformé en se
conde Chambre législative, redevient,
« comme !a Chambre des pairs, le
pâle reflet de la Chambre des députés,
répétant, à quelques jours d'inter
valle les mêmes discussions sur un
autre ton. »
Enfin, elle n'est plus perfectible. Le
temps n'a plus rien à faire dans une
Constitution qui n'est plus' « l'œuvre
du temps », mais qui a été l'aile en un
jour à perpétuité ; la « voie largo aux
améliorations» est fermée, et il n'y a
plus, « dans les grandes crises, d'au
tres moyens de salut, que l'expédient
désastreux des révolutions. »
Telle est la nouvelle Constitution im
muable et parfaite, objet du plébis
cite.
En la présentant au peuple, ie sou
verain s'est contredit lui-même; pour
la voter, le peuple doit se déjuger.
Voilà ,bien une singulière si Tua lion.
Le chef de l'Etat en est venu à quali
fier de réformes libérales des institu
tions politiques condamnées par lui
vingt ans auparavant; la nation se
trouve amenée à désirer le retour
d'anciennes institutions qui i'ont con
duite plusieurs fois aux révolutions ci
dont elle s'était débarrassée avec em
pressement ; le même suffrage univer
sel est appelé à défaire ce qu'il a fait
et à refaire ce qu'il a défait.
Ces contradictions et ces change
ments en un si'court espace de temps,
sont assurément l'indice d'un mauvais
principe de gouvernement et d'un
mauvais état politique. La France, de
puis b9, a p;issé par une série de Révo
la î ms, sans avoir pu trouver, chemin
h s ml,'une bonne Constitution, une
lorme stable de gouvernement, un
oi e.jpégulier deJ,runsmission du pou
voir. Elle if "vécTf de secousses et de
vicissitudes ; elle a changé autant de
[ois ae dynasties qu'il y avait de pré
tendant, justes ou injustes, à ^sou
veraineté ; elle a essayé de toutes les
formes de gouvernement, et adopté
toutes les Constitutions du
jour. Au
milieu de tous ces changements, elle
n'a guère connu que la stabilité du dé
sordre, et la régularité des révolutions!
Cette nouvelle hisloire a une date :
elle commence en 89, mais en89 aussi
furent inaugurés les immortels et im
muables principes qui changèrent tout
alors, les droits de Dieu comme les
devoirs de l'homme, et qui depuis
ont été inscrits en iète de toutes les
immortelles et imnuablqs Constitu
tions.du peuple français.
Nous allons encore en faire une de ces
immortelles et immuables Constitutions
où sont encore inscrits les immortels
et immuables principes de 89. Tout y
est réglé, tout est définitif : la dynas
tie, l'hérédité du pouvoir, la forme du
gouvernement, les principes politiques
de « la France impériale et démocrati
que. » Une seule chose y manquera, ce
seul article vrai de nos Constitutions
modernes : en F rance l'anarchie règne
ET LA RÉVOLU i ION scccfcde.
A utour L otii.
- Nous avons donné hier la déclaration
du comité que préside M. Dufaure et
qui avait appuyé aux dernières élec
tions la candidature de M. Thiers.
t'e^i' pièce, qui recommande le non ou
l'abstention, a une imporlanceparticu
lière. Le compte rendu de la- réunion
dont elle est sortie y'montre la dé
claration de guerre du parti orléa
niste à l'empire libéral. On avait cru
depuis quatre mois à un rapproche- -
ment des fidèles de la branche cadette
vers lo gouvernement actuel. S'ils s'en
rapprochaient, c'était avec le projet
d'appliquer le vers fameux :
.i'i:ieJjt',;s5e muii rivai, mais c'est pour l'étouffer.
Les journaux convoqués à la réunion
uu comité Thiers étaient le Journal de
Paris , le Temps, le Français (notre petit
I / > in / , nuv^ m'euniste qu'Orléanais)
et le Centre Gauc/te.
Voua comment cette dernière feuille
rend oompie de la réunion :
Hier ,-iU soir se sont réunis chez M. Lam
bert de bainte-Croix, rue du Luxembourg,
li-s pt-uicipaux membres du comité électoral
u i \ tu ueres élections, a soutenu et l 'ait
tiiO.iipher- la candidature de l'honorable
M. thiers dans îa 2 r circonscription de la
Seine.
lAissemblée se composait d'environ quatre-
vingts membres. Nous y avons assislé en
qualité de rédacteur en chef du ^Centre gau
che. MM. Hébrard, Hervé, Beslay y repré-'
sentaient les journaux le Temps, le Journal
de Paris et le Français.
M. Dufaure, président du comité h l'épo
que où il tenait ses séances dans les salons
de l 'illustre Berryer, a occupé le fauteuil et
était assisté de \LVî. Alleu et îtaureau.
Après un remarquable et vigoureux dis
cours de M. Dui'aure, M. Dnvergier de ïlau-
ranne a pris la* parole _ pour rendre compte h
la réunion de sa dernière convoi'sation avec
M. Thiers, momentanément absent de Pa
ris. — U a rappelé les diverses circonstances
dans lesquelles M. Thiers avait combattu le
plébiscite eu le quaîitiant d'acte césarien ; il a
•.•lté la lettre t>i explicite adressée par M.
Thiers aux journaux, sur le même sujet, et
le concours prêté par M. Tbier.s à l 'amende
ment Keller du centre gauche.
M. Allou a pris alors la parole pour pro
tester aussi avec une grande élévation de
langage contre la doctrine plébiscitaire.
Ces orateurs ont été couverts d'applaudis
sements.
M. Odilon Barxot, tout en se prononçant
contre le système de l'appel au peuple, t'ait
uaus des conditions semblables, n cher
ché à combattre l'opportunité d'un muni-
leste expose, selon lui, à ne point arrê
ter le pouvoir et à n'être ni. compris ni ac
cueilli du peuple.
M. Odilon Barrot, qui a été écoulé avec
deterence, u saisi cette occasion pour expli
quer dans quelles conditions il avait prêté un
moment son concours au nouvel ordre de
choses. Ses déclarations n'ont rencontré que
peu de laveur, et l'assemblée a résolu unani
mement qu'un manifeste serait rédigé séanca
tenante.
Nous publions en tète du journal cet im
portant document, qui l'ait un grand honneur
a 1 assemnlee dont ii émane et aux personnes
qui l'ont rédigé.
Un mouvement considérable se dessine
en ce moment au sein du parti libéral dans le
sens de ce manileste; des adhésions arrivent
de I ou tes parts.
Quant à_ M. Thiers, il ne se sépare pas de
son comité, et c'est h lui de,juger s'il doit a-
jouter quelque chose aux déclarations si net
tes que l'on vient de lire.
Le Peuple français profite do la cir
constance, et il en a bien le droit, pour
« mesurer I .- j . valeur des concours et la
sincérité dos adhésions » que le minis
tère, tel qu il était avant la dernière
crise, avaitrallié? à l'empire. Il ajoute:
lui enlever un à un tous ses points d'appui,
.jusqu'au jour où l'on aurait pu avoir Facile
ment ■ ai.-,on du sudrage universel et du gou
vernement que 1e suffrage universel a établi.
1 out allai t pour le mieux: déjà on avait
intimidé les protêts, déjà l'on menaçait les
n^hes^dejfi'I'on posait en lace du Parlement
ofiîeieî les candidats de l'avenir, déjà Je par-
ti gouvernemental perdait confiance, déjà la
commission relative h • l'organisation de Pa
ria avait porte atteinte au 'suffrage universel.
Pout allait à ravir, et il ne se passait pas de
joui * sans qu'on ne vit toraber quelque appui
N* 1090 — Edition quotidienn®.
"Dimanche 1 er Mai
PARIS "
Un an 60 fr.
Six mois 31
Trois mois 16
Le numéro : 15 centimes.
OTJIÏEACX
Paris, 10, rue des Saints-Pères.
On s'abonne, à Rome, au bureau de la Civil/à cattoltcap ! ' t'"
,i..i /■» l "Z> Jl- •
DÉPARTEMENTS '
Un an ..\. 66 fr.
34
18
FRANCE
PARIS. 30 AVRIL 1S70
Nous recevons la dépêche suivante :
Rome, 29 avril, o li.-du soir.
Aujourd'hui, le Concile a reçu Fan-
nonce officielle de la discussion très
prochaine de l'infaillibilité, et les pre
mières pièces concernant ce dogme
ont été distribuées. La cause est donc
enfin introduite, à l'immense conten
tement des cœurs catholiques.
rendissime, avec la bienveillance qui
vous distingue, cette manifestation de
nos sentiments et notre adhésion à
votre jugement.
_» Joseph , Evêque d'Urgel.
7 Michel , Evêque de Cuença.
Rome, aux ides d'avril de l'an 1870.
lioiue pendaut le Cunciie
Mgr l'Evêque de Strasbourg a reçu
la lettre suivante :
Illustrissime et Révérendissime
Seigneur,
Nous vous félicitons -de tout cœur et
par une adhésion sans réserve de l'acte
de haute sagesse et de sollicitude pas-
torale, par lequel vous avez condamné,,
le 13 février dernier, les lettres de M.
A. Gratry, écrits d'une si triste célé
brité, où ce prêtre, pour nier la di
vine prérogative 'de'l'infaillibilité d'en
seignement en matière de foi et de
mœurs, promise et conférée par N.-S.
J.-^C, au bienheureux Pierre, prince
des Apôtres, et à tous ses successeurs
légitimes sur le Siège apostolique de
Rome,— s'est efforcé de ranimer des
controverses surannées sur quelques
points obscurs, controverses auxquelles
on peut appliquer ce que Juvénal dit
des déclamations des écoliers : Elles
assassinent les maîtres condamnés à F ennui
de les entendre cent fois. (Sat. 7. v. 154.J
Occidit miseros crambe repetita ma-
gistros.
Ce n'est point sans titre que vous
avez pris l'initiative de prononcer celte
censure, propre à réprimer la superbe
et la témérité de ce prêtre ; on devait
l'attendre de vous : car ce prêtre élevé,
formé à la sainte vie sacerdotale dans
votre diocèse, pouvait, par l'influence
qu'il s'y est acquise, détourner, une
partie de vos ouailles du sentier de la
vérité, et s'adressant à elles dans une
langue qui est la leur, communiquer
plus facilement à ùn grand nombre le
venin de sa doctrine, et pervertir- leur
esprit et leur cœur. ,
Cette aveugle témérité, cette parade
d'érudition indigeste de la part d'un
prêtre eût été excusable, peut-être, il
y a deux siècles, lorsqu'il se rencontra
des hommes qui, enhardis par la pa
tience et la mansuétude du Pontife
Romain, et empressés de faire leur
cour aux puissances séculières et d'o
béir servilement au bon plaisir des
rois, se donnèrent, au grand dommage
et au grand scandale de l'Eglise, la
peine de rechercher dans toute l'anti
quité des témoignages toujours obscurs,
jamais concluants, souvent contradic
toires, pour envelopper de nuages,
pour couvrir d'obscurités une vérité
non encore définie, au lien de vouer
et leurs soins et leurs talents à faire
briller cette même vérité de l'éclat ra
dieux de la parole de Dieu écrite et
traditionnelle, et de la confesser avec
toute l'ardeur du zèle et le courage de
la liberté.
Mais aujourd'hui elle est intolérable,
la témérité de ce. prêtre qui-ose^ en
face du Concile œcuménique du Vati
can, préjuger, décider meme la plus
grave de toutes les questions, tandis
que l'humilité chrétienne lui com
mande d'attendre le jugement solennel
et infaillible de l'Eglise enseignante,
et s'arroge le rôle de maître, au lieu
de se tenir dans la condition de disci
ple. A ce tort qu'il s'est fait à lui-
même, se joint le mal qu'il fait à au
trui, le scandale qu'il cause, en jetant
le trouble, l'inquiétude, les préjugés
dans l'esprit des demi-savants en phi
losophie, en théologie, en droit canon,
et parmi ces personnes qui puisent
toute leur science dans la lecture des
journaux, et en les provoquant à
manquer de respect et d'obéissance
envers l'autorité du magistère infailli
ble de l'Eglise. Il agit ainsi, étrange
conduite ! comme si cette autorité en
seignante, directement établie de Dieu,
ressemblait à la royauté parlementaire,
et était soumise comme celle-ci aux
règles, aux principes du parlementa
risme de nos jours, et livrée aux dis
cussions de la foule. Certes, les princes
de l'Eglise ne dédaignent point d'écou
ter un prêtre, d'accueillir les observa
tions d'un membre du second ordre de
la hiérarchie ; d'examiner, de méditer
les arguments, les raisons qu'il leur
présente modestement, avant qu'ils ne
prononcent un jugement selennel, soit
pour définir une vérité, soit pour con
damner une erreur. Mais ces mêmes
pi'inces de l'Eglise, les Evêques, n'em
pruntent pas la règle de leurs juge
ments aux impressions mobiles de la
joule, et bien moins encore, s'assujet
tissent-ils dans leurs jugements à ce
que l'on appelle, dans le langage du
jour, l'opinion publique, que l'on pro
clame la reine du monde. Mais si quel
que ecclésiastique vraiment savant ren
contrait quelque argument sérieux
qui aurait pu échapper aux Evêques,
il ferait certainement chose utile, il
rendrait un véritable service, en le
communiquant à l'un des Pères du
Concile, qui ne manquerait pas de s'en
servir pour procurer a l'auguste assem
blée tout les moyens d'éviter l'er
reur.
Accueillez, Frère bien-aimé et Révé-
LXXX
Rome, 20 avril.
Tandis que vous vous préparez au
périlleux divertissement « plébisci
taire », lequel, d'ici, me semble diffi
cilement devoir être grave, devoir êire
clair et devoir être divertissant, je
continue de suivre le cours des fêtes
catholiques et romaines, pleines par
tout de lumière, de sécurité et de joie.
Je vous ai parlé de la bénédiction, de
la coupole enflammée, du feu d'arti
fice représentant la Jérusalem céleste,
de l'illumination prodigieuse allumée
par tout le peuple en l'honneur du
souverain, avec le concours de tous les
arts. J'ai sauté par-dessus d'autres
fêtes, par exemple de grandes courses
à l'instar de la civilisation moderne.
Ces courses, très applaudies et très
populaires, et qui changent pour un
jour la physionomie de Rome,, d'où
elles enlèvent toutes les voitures, se
font aux environs du tombeau de Ce-
cilia Metella, ce qui ne laisse pas de
donner à la civilisation moderne un
certain dessous qui, dans Rome, à mon
avis, lui manque rarement. On m'as
sure qu'elles ont été brillanlcs même
au point de vue du cheval. Il y avait
des gentlemen-riders, je l'ai lu sur l'af
fiche en propre anglais. Mon incom
pétence m'empêche de vous en décrire
le mérite. Je ne vous dirai donc pas si
Hypathie , à M. Bishop, a battu Journal,
à M. Reporter. Je n'ai vu en toute ma
vie qu'une seule course. C'était à La
Guerche-sur-l'Aubois, diocèse de Bour
ges. Des hommes en sac couraient
pour gagner un canard d'honneur;
deux se cassèrent absolument le nez.
Le vainqueur fut porté en triomphe et
l'on parla de le nommer député. Mais
ce souvenir déjà lointain, non plus que
celui de quelques hommes très distin
gués que j'ai vu courir pour entrer à
l'Académie, ne saurait me mettre en
état dç juger les courses romaines, où
d'ailleurs je n'assistais pas.
Je reviens aux fêtes qui n'ont rien
d'anglais ni rien d'étrusque ; car les
Etrusques faisaient" courir, et j'ai vu
un vase de toute antiquité (à moins
que le marquis Campana ne l'ait tiré
de sa belle imagination pour le mettre
dans sa belle collection) dont la scène
semble prise à Epsom ou au bois de
Boulogne; ce sont les mêmes hommes et
les mêmes bêtes efflanqués. Je suis ici
pourvous parlerdequelque chose quisoit
plus vraiment romain. Il y a des fêtes,
il y en a sans relâche, qui sont abso
lument romaines. La science, l'art, le
Concile, surtout le Pape sont les fêtes
de tous les jours dans une fête de tou
tes les heures qui est le printemps. 0
terre de Dieu, douce pour l'homme, où
toujours et partout quelque chose d'ai
mable et de-grand chante aux yeux, à
l'oreille, à l'intelligence, au cœur. On
y a ses tristesses, et parfois elles sont
formidables. L'ennui même s'y fait
sentir, cet «incurable ennui » dont
parle Bossuet, tellement incurable
qu'il se réveille jusque dans ces splen
deurs et qu'il y vient tourmenter sa
débile proie. Mais que de dictâmes
pour le rendormir! On le rendort, on
le noie dans l'enivrement de la lumiè
re, de l'art, de l'histoire, dans le flot
large et profond de la pensée.
La fête commence avec le jour. Lé
coq chante. — Est-ce parce que Rome
est la ville de saint Pierre? Mais dans
cette grande Rome on entend chanter
les coqs. — L'Ave Maria sonne très no
blement, sur un rhythme" qui rappelle
la saltation de David devant l'arche,
les marchands des rues jettent leur an
nonce chantée, et du ciel bleu il pleut
de l'or. C'est lemoment d'aller à la messe
dans quelque belie grande église. On
en a de belles et grandes partout; les
très grandes et «très belles sont fré
quentes. J'ai dans mon quartier la
Trinité des Monts, Sainte-Marie du Peu
ple, Sant'-Andréa delle Fratte , où vibre
encore le miracle de Ratisbonne, Saint-
Charles du Corso et vingt autres, dont
chacune a son caractère plus austère
ou plus joyeux; son histoire, ses tom
beaux, ses peintures, ses statues, ses
marbres, ses reliques, les unes très
fréquentées, les autres silencieuses et
presque désertes, mais aucune n'est
déserte absolument. Les cierges sont
allumés, il y a des assistants «tu saint
sacrifice. C'est là que l'on peut voir
combien la vie religieuse est abon
dante et sérieuse dans Rome. Entre
ces maisons de Dieu, brillantes d'or
dre, de richesse et d'éclat, antiques et
rajeunies, je choisis, quand j'ai le
temps, la magnifique église de Saint-
Ignace du Collège Romain. Je vais jus
que-là, séduit par le plaisir d'être plus
longtemps dans les rues où l'ombre et
la lumière luttent si vigoureusement,
toutes deux riches et se faisant réci
proquement valoir, toutes deux vict©-
rieuses. L'église de Saint-Ignace est
un chef-d'œuvre de proportion, de
pompe et de gravité. Je la compare
rais à une reine d'Espagne, du ternes
qu'il y avait une Espagne et des rei
nes. La décoration est d'une unité har
monieuse, d'une richesse immense, non
pas outrée ; d'admirables marbres, de
beaux et graves tableaux, d'élégantes
statues animent cette architecture faite
pour eux. On en peut contester le style
général, mais il a son caractère, son
mouvement et sa force qui sont à lui,
et, cette harmonie est d'une grande
valeur dans l'art. La lumière même
qui entre dans l'édifice s'y trouve
mesurée comme il convient à l'en
semble. Je crois qu'il ne serait pas
difficile de lire Saint-Ignace. Un
monument que l'on peut lire a déjà
son mérite. Tâchez par exemple de
lire nos nouvelles églises de Paris, et
vous sentirez les heurts, les lacunes,
les cacophonies et les ignorances dont
elles se composent,. Saint-Ignace du
Collège Romain est lepoëmede laCorn-
pagnie de Jésus, et c'est un beau
poëme, plein d'épisodes grandioses
très variés et parfaitement rattachés
au plan générai. Beaucoup de con
trastes, point de discords, un élan im
mense et perpétuel dans une règle
toujours gardée. On se plaît là dans
ce repos qui ne cesse pas d'être un
combat, dans ce combat qui ne cesse
pas d'être une victoire. Les messes,qui.
ne manquent pas d'assistants, sont,
nombreuses. Les prêtres qui les disent
sont presque tous professeurs de ce
grand Collège Romain ; tous ces
professeurs sont gens de mérite, et
il y a parmi eux de très savants hom
mes, en.i possession d'une grande et
juste renommée. 11 suffit de citer le P,
Perrone, le P. Seechi. Il y a parmi eux
aussi des persécutés, des exilés, des
missionnaires revenus par ordre des
terres lointaines où les avait envoyés
l'obéissance, prêts à repartir pour
d'auires lointains et pour d'autres pé
rils, au premier ordre qui leur sera
donné. En lesvoyant célébrer la messie
devant ces autels consacrés aux Saints
de la Compagnie, apôtres, confesseurs,
martyrs, eif songeant à cette longue
histoire pleine de lumière, de sang et
de miracles, on s'explique pourquoi,
malgré les rois, les bourreaux et les
gens de lettres, il y a toujours des Jé
suites. C'est une grande merveille que
la ténacité du bon sens humain, et avec
la ténacité du bon Dieu, elle fait de
grandes merveilles.
Je ne veux pas vous décrire les fê
tes qui suivent la fête de la messe dans
une église de R.ome. On ne peut pas
tout prendre et tout dire en un jour.
Mais, puisque je suis au Collège Romain,
je n'en sortirai pas encore, et je ferai
mention d'une fête de la science qu'on
y a donnée l'autre jour. C'était sous
forme de conférence — des courses et
des conférences scientifiques, vous
voyez que Rome est « au pas. » — Le
conférencier était le P. Seechi. Il a in
vité quelques personnes, il en est venu
mille, beaucoup de Cardinaux, trois
cents Evêques, le reste de prêtres et
laïques romains et étrangers". Auditoi
re qui me semble encore donner un
dessous aux villes de la civilisation. Ce
rare public étant rassemblé dans Vaula
grande du Collège, le -P. Secchi s'en
est emparé, l'a enlevé, voilà bien le
mot, et lui a fait faire un voyage d'en
viron deux heures dans le soleil. Je ne
vous décrirai pas ce voyage. C'est ici
que je suis souverainement incompé
tent. J'ai bien vu les courses, àLaGuer-
che-sur-l'Aubois, mais ce soleil, à pré
sent que je viens de le parcourir, j'en
suis aveuglé. Ce que je peux vous dire,
c'est qu'il y a là dedans beaucoup de
charbon et d'autres choses qui brûlent
ensemble et donnent chacune leur
couleur, qui pleut ici en poussière d'or
le matin, et poussière d'or et de pour
pre le soir. Que cela vous suffise pour
lemoment. Je n'ai pas tout entendu,
je n'ai pas retenu tout ce que j'ai en
tendu, et je ne saurais pas répéler
tout ce que j'ai retenu et compris, grâ
ce à la parole nette et limpide du P. Sec
chi, accompagnée d'expériences char
mantes. Après une seconde séance, qui
aura lieu ce soir, l'émineni astronome,
cédant à ma prière, voudra bien faire
lui-même un résumé pour les lecteurs
de YUnivers. J'espère que, pour le coup,
ils seront contents de moi, puisque jo
leur aurai valu cette grâce de choix.
Malheureusement ijs n'auront pas ces
belles et ingénieuses expériences qui
nous montraient à peu près (car il y a
encore des obscurités) comment le so
leil nous éclaire, et ce que sont les ta
ches du soleil, et que Dieu'est grand
dans la fabrication du soleil comme
dans la fabrication .des insectes. Ils
n'auront pas non plus le spectacle vé
ritablement émouvant de cet, incom
parable auditoire rassemblé de toutes
les parties du monde, et si attentif et
si charmé.
Autre fête : c'était hier soir, au Pala
tin, dans le palais de Néron. La scien
ce, l'art,, le Concile, le printemps et le
Pape y étaient. Le Pape chez Néron,
le Vicaire du Christ chez le vicaire de
Satan! Mais je vois bien que ceci me
mènerait loin. Je tâcherai demain, si
riep ne vient à la traverse, ou plus
tard, de vous dire l'impression et de
vous décrire la scène, toute simple
d'ailleurs. Les antiquaires romains a-
vaient fait leur dîner annuel pour cé
lébrer il natale de Rome, et, à cette oc
casion, le Saint-Père, qui leur avait
envoyé quelques bouteilles de son vin,
est venu, en Médicis leur dire bonjour
et visiter les fouilles que dirige savam
ment le baron Visconti. L'on vous con
tera cela, et comment au dîner l'un
des savants convives a servi la troisiè
me porte de Borna qnadrata , tout nou
vellement retrouvée. Vous savez que
ces antiquaires se nomment Visconti,
Rossi, Rosa, et que c'est déjà beaucoup,
et plus que quantité de grosses acadér
mies ne pourraient fournir, et qu'il y
en a d'autres encore. Mais je veux seu
lement vous dire que j'ai vu Pie IX. ,
Après ces énormes fatigues de la
Sep^ine-Sainte et des fêtes qui ont
suivi, en dépit des audiences~vraiment
terribles depuis l'ouverture du Concile,
et plus lourdes durant cette quinzaine,
le Saint-Père, Dieu soit béni, se porte
très bien. Il a bon visage, sa démar
che est vaillante comme sa voix, cette
voix qui porte de la loggia de Saint-
Pierre à l'extrémité de la place Rasii-
cucci, passant sur cent mille têtes. Il
y avait là beaucoup d'Evêques et quel
ques centaines de personnes. M. Vis
conti lui a adressé un discours, on lui
a servi un sonnet qui venait de pous
ser, il a pris une glace et s'est ensuite
promené dans les fouilles. Là, chacun
a-pu l'aborder et lui baiser la main.
Vive Pie IX! Vive le Pape-Poi! Vive le
Pape infaillible! à pleine poitrine. C'est
toujours la même scène. L'infaillibilité
est ainsi proclamée dans les rues, au
moins une fois chaque jour, ^ par la
voix du peuple en attendant la voix
de Dieu. Je suis témoin qu'on y est
parfaitement accoutumé, et que cela
ne paraît en aucune sorte hérétique ni
sentant l'hérésie.
Et la voix de Dieu, quand vieridra-
t-elle? Ah! il faut savoir attendre, il
faut surtout, savoir priei*. Samedi der
nier, on comptait sur quelque chose
pow dimanche. Le dimanche a passé,
rien n'est venu. Sera-ce pour cette se
maine? Chi lo sa? Il faut bien avouer
que Pie IX ne montre aucune hâte. On
me l'avait bien dit : il ne se hâtera
points il ne reculera point. Il connaî
tra le moment de Dieu, et il le pren
dra. On dit maintenant que ce sera
pour la Saint-Pierre. Là-dessus, quel
ques-uns s'écrient que tout est gagné,
d'auires que tout est perdu. Je crois
qu'il n'y aura rien de gagné, rien de
perdu, et que tout simplement le fruit
tombera, lorsqu'il sera mûr ; et j'ajoute
que personne, mais personne ne le
croit loin de sa pleine et parfaite ma
turité.
Vous avez lu maintenant la Consti
tution proclamée dimanche en session
publique. Vous avez lu les dix-huit
anathèrnes portés contre l'erreur, dans
la vieille forme de 1a. souveraineté de
l'Eglise. Beaucoup de gens disaient
qu'il n'y aurait plus d'anathèmes,
quelques-uns disaient qu'il n'en fallait
plus. Les voilà, les voilà pour l'éter
nité; et, à mon avis, tout le travail de
i'vo' L ; qui s'est fait depuis cent ans
tom'oe caduc'. Plus d'une pauvre rai
son s'en indigne aujourd'hui qui de
main sera éclairée, s'avouera vaincue,
et en rendra des actions de grâces im
mortelles.
Louis V euillot.
Voici un article de Y Osservatore cat-
tolico de Milan qui-intéresse toute la
presse catholique, et que nous nous
empressons de faire connaître à nos
lecteurs. Nous l'empruntons au numéro
du 23 avril :
C'eât avec une satisfaction véritable que
nous avons lu dans le Veneto callolico !a rela
tion d'une audinncc que Sa Sainteté a daigné
accorder à des Vénitiens, et dans laquelle
Elle a fait un éloge particulier de ce jour
nal. Les paroles du Saint-Père méritent
d'être reproduites, parce qu'elles intéressent,
toute la presse catholique et répondent à des
accusations sans cesse renouvelées, non-seu
lement par les méchants, mais trop souvent
malheureusement par beaucoup de prêtres
qui ne veulent pas en reconnaître l'impor-'
tance.
Voici donc ce qu'aurait dit le Saint-Père :
« Je puis vous dire que le Concile
« fait les frais du journalisme et, bien
« ou mal, remplit ses colonnes : men-
« songes, exagérations, que sais-je en-
« core? tout lui est bon. Heureuse-
ci ment qu'en Italie nous avons aussi
« de bons journaux, qui paralysent le
« mal opéré par les mauvais, .le vous
« dirai même que, dans aucun pays, il
« n'y a, proportion gardée, autant de
« bons journaux qu'en Italie.
« Vous aussi, à Venise, vous avez un
« bon journal. Je le lis quelquefois : il
« est vraiment bon... Oui, c'est un bon
« journal, continua l'angélique Pon-
« tife; jo le lis, je le lis. Oh! vraiment,
« et on voudrait que la presse catho-
« lique se tût!...
«Je pourrais, mais je ne le veux
« pas, vous nommer certains person-
« nages qui, non-seulement mainte-
« riant, mais depuis plus de dix ans,
« se sont présentés à moi, me priant
« d'interposer mon autorité pour faire
« taire là pressé catholique, qui, selon
« eux, est cause de tous les maux de
(( l'Eglise de Jésus-Christ. Savez-vous
« ce que je leur ai répondu? —. Bien
« volontiers, messieurs; mais à condi-
« tion, et vous m'en donnerez votre
« parole, que dorénavant il n'y aura
« plus aucune feuille anticatholique.
« Qu'est-ce en effet? Ces messieurs
(( voudraient bâillonner la bouche dos
« autres pour être seuls les maîtres de
« la conversation. Je ne dis pas qu'une
« feuille catholique ne puisse jamais
« sortir un peu de la ligne : obligés
« d'écrire chaque jour, ce n'est pas une
« merveille si, pris à l'impjoviste, les
« écrivains ne gardent pas à chaquo mi
te nute la tempérance delà plume. Oh!
« à notre époque, ces journaux sont
« vraiment nécessaires et l'ont un grand
« bien. »
On n'a plus le loisir de réfléchir à
ce qui se passe, tant les événements
sont rapides et graves. Nous sommes
à la veille d'iin vote qui doit décider
du sort de !a France, on ne songe,
qu'au parti à prendre, et presqu j i
sonne n'a l'air de s'apercevoit 1 i
comédie politique qui va se jo îei
haut en bas. Quelle leçon cepcn ni
le spectacle du moment ne nou i
ne-t-il pas !
A moins de vingt ans d'intervane,
le même peuple est appelé parle mê
me souverain à voter sur sa Constitu
tion ; mais tout est différent dans le
langage du souverain, dans les dispo
sitions du peuple, dans le vole à é-
mettre, dans la Constitution à sanc
tionner.
En 1852, le chef de l'Etat, dans sa
proclamation au peuple français, di
sait :
Dans ce pays de centralisation, l'opinion
publique a sans cesse tout rapporté au chef
du gouvernement, le bien comme le mal.
Aussi, écrire en tête d'une ckurlo que le chef
est irresponsable, c'est mentir au sentiment
public, c'est vouloir établir une fiction qui
s'est trois lois évanouie au bruit des révolu
tions.
La Constitution actuelle proclame, au con
traire, que le chef que vous avez élu est res
ponsable di-vant vous... Étant responsable,
il taut que son action soit libre et sans en
trave. De là l'obligation d'avoir des minis
tres qui soient les auxiliaires honorés et puis
sants de sa pensée, mais qui ne forment plut-
un conseil responsable, composé de membres
solidaires, obstacle journalier à l'impulsion
particulière du chef de l'Etat, expression
d'une politique émanée des Chambres, et par
là même exposée à des changements fré
quents qui empochent tout esprit de suite,
toute application d un svsieme régulier.
... Le Corps legislatu discute librement, la
loi, l'adopte ou la-repousse : mais H n v in
troduit pas i li piu i-i i ce e
ments qui d i g u u\^ tout t 3 o
mie d'un s, t eciln u i ! t
primitif. A plus lorte raison nui [
initiative patli ni nt u luiimth ou <
si graves abus, et qui permettait a chaque
député de se substituer a tout propos au gou
vernement en présentant les projets tes
moins étudies, tes moins approfondis.
La Chambre n étant pius en présence des
ministres, et les projets de loi étant soute
nus par les orateurs du conseil d'Etat, le
temps ne se perd plus en vaines interpella
tions, en accusations frivoles, en luttes pas
sionnées, dont l'unique but était de renverser
les ministres pour les remplacer.
... Le Sénat n'est plus, comme la Chambre
des pairs, le pùle reflet de la Chambre des
députés, répétant à. quelques jours d'inter
valles tes mêmes discussions suc uu autre
ton. 11 est le dépositaire du pa-'te fondamen
tal, etc.
... Une Constitution est Pi iup il i >
on ne saurait laisser une tro s 'i y î p
améliorations. Aussi la Constitution .présente
n'a-t-elie lixé que çe qu'il était impossible de
laisser incertain. Elle n'a-pas enterme dan.-.,
un cercle infranchissable-les destinées d'un
grand peuple; elle a laissé aux changements
une assez large voie pour qu'il y au, cîarm
les grandes crises, d'autres i io^ n de sd il
que l'expédient désastreux des révolutions '!
La Constitution de iBijâ soumise
dans ses points principaux à l'accep
tation du peuple, fut votée par sept
millions cinq cent mille suffrages.
Une nouvelle Constitution toute con
traire à la première est soumise au
jourd'hui à l'acceptation du peuple,
et le souverain, dans uu langage tout
différent, propose au peuple de la ra
tifier.
Lu Constitution de -1870 consacre ie
« mensonge » et la « fiction » de
l'irresponsabilité du chef de l'Etat.
Elle établit un conseil responsable
des ministres, « obsiacle journalier à
l'impulsion du chef de l'Etat, expres
sion d'une politique exposée à des
changements fréquents qui empêchent
tout, esprit de suite, toute application
d'un système régulier. »
Elle restitue au Corps législatif le
droit d'introduire « de ces amende
ments qui dérangent souvent toute
l'économie d'un système et l'ensemble
d'un projet primitif, » et « cette initia
tive parlementaire qui était la source
de si graves abus. »
Elle remet « la Chambre en pré
sence des ministres », elle autorise ces
« vaines interpellations où le temps se
perd », et ces «luttes passionnées dont
l'unique but est de renverser les mi
nistres pour les remplacer».
Par elle, le Sénat, transformé en se
conde Chambre législative, redevient,
« comme !a Chambre des pairs, le
pâle reflet de la Chambre des députés,
répétant, à quelques jours d'inter
valle les mêmes discussions sur un
autre ton. »
Enfin, elle n'est plus perfectible. Le
temps n'a plus rien à faire dans une
Constitution qui n'est plus' « l'œuvre
du temps », mais qui a été l'aile en un
jour à perpétuité ; la « voie largo aux
améliorations» est fermée, et il n'y a
plus, « dans les grandes crises, d'au
tres moyens de salut, que l'expédient
désastreux des révolutions. »
Telle est la nouvelle Constitution im
muable et parfaite, objet du plébis
cite.
En la présentant au peuple, ie sou
verain s'est contredit lui-même; pour
la voter, le peuple doit se déjuger.
Voilà ,bien une singulière si Tua lion.
Le chef de l'Etat en est venu à quali
fier de réformes libérales des institu
tions politiques condamnées par lui
vingt ans auparavant; la nation se
trouve amenée à désirer le retour
d'anciennes institutions qui i'ont con
duite plusieurs fois aux révolutions ci
dont elle s'était débarrassée avec em
pressement ; le même suffrage univer
sel est appelé à défaire ce qu'il a fait
et à refaire ce qu'il a défait.
Ces contradictions et ces change
ments en un si'court espace de temps,
sont assurément l'indice d'un mauvais
principe de gouvernement et d'un
mauvais état politique. La France, de
puis b9, a p;issé par une série de Révo
la î ms, sans avoir pu trouver, chemin
h s ml,'une bonne Constitution, une
lorme stable de gouvernement, un
oi e.jpégulier deJ,runsmission du pou
voir. Elle if "vécTf de secousses et de
vicissitudes ; elle a changé autant de
[ois ae dynasties qu'il y avait de pré
tendant, justes ou injustes, à ^sou
veraineté ; elle a essayé de toutes les
formes de gouvernement, et adopté
toutes les Constitutions du
jour. Au
milieu de tous ces changements, elle
n'a guère connu que la stabilité du dé
sordre, et la régularité des révolutions!
Cette nouvelle hisloire a une date :
elle commence en 89, mais en89 aussi
furent inaugurés les immortels et im
muables principes qui changèrent tout
alors, les droits de Dieu comme les
devoirs de l'homme, et qui depuis
ont été inscrits en iète de toutes les
immortelles et imnuablqs Constitu
tions.du peuple français.
Nous allons encore en faire une de ces
immortelles et immuables Constitutions
où sont encore inscrits les immortels
et immuables principes de 89. Tout y
est réglé, tout est définitif : la dynas
tie, l'hérédité du pouvoir, la forme du
gouvernement, les principes politiques
de « la France impériale et démocrati
que. » Une seule chose y manquera, ce
seul article vrai de nos Constitutions
modernes : en F rance l'anarchie règne
ET LA RÉVOLU i ION scccfcde.
A utour L otii.
- Nous avons donné hier la déclaration
du comité que préside M. Dufaure et
qui avait appuyé aux dernières élec
tions la candidature de M. Thiers.
t'e^i' pièce, qui recommande le non ou
l'abstention, a une imporlanceparticu
lière. Le compte rendu de la- réunion
dont elle est sortie y'montre la dé
claration de guerre du parti orléa
niste à l'empire libéral. On avait cru
depuis quatre mois à un rapproche- -
ment des fidèles de la branche cadette
vers lo gouvernement actuel. S'ils s'en
rapprochaient, c'était avec le projet
d'appliquer le vers fameux :
.i'i:ieJjt',;s5e muii rivai, mais c'est pour l'étouffer.
Les journaux convoqués à la réunion
uu comité Thiers étaient le Journal de
Paris , le Temps, le Français (notre petit
I / > in / , nuv^ m'euniste qu'Orléanais)
et le Centre Gauc/te.
Voua comment cette dernière feuille
rend oompie de la réunion :
Hier ,-iU soir se sont réunis chez M. Lam
bert de bainte-Croix, rue du Luxembourg,
li-s pt-uicipaux membres du comité électoral
u i \ tu ueres élections, a soutenu et l 'ait
tiiO.iipher- la candidature de l'honorable
M. thiers dans îa 2 r circonscription de la
Seine.
lAissemblée se composait d'environ quatre-
vingts membres. Nous y avons assislé en
qualité de rédacteur en chef du ^Centre gau
che. MM. Hébrard, Hervé, Beslay y repré-'
sentaient les journaux le Temps, le Journal
de Paris et le Français.
M. Dufaure, président du comité h l'épo
que où il tenait ses séances dans les salons
de l 'illustre Berryer, a occupé le fauteuil et
était assisté de \LVî. Alleu et îtaureau.
Après un remarquable et vigoureux dis
cours de M. Dui'aure, M. Dnvergier de ïlau-
ranne a pris la* parole _ pour rendre compte h
la réunion de sa dernière convoi'sation avec
M. Thiers, momentanément absent de Pa
ris. — U a rappelé les diverses circonstances
dans lesquelles M. Thiers avait combattu le
plébiscite eu le quaîitiant d'acte césarien ; il a
•.•lté la lettre t>i explicite adressée par M.
Thiers aux journaux, sur le même sujet, et
le concours prêté par M. Tbier.s à l 'amende
ment Keller du centre gauche.
M. Allou a pris alors la parole pour pro
tester aussi avec une grande élévation de
langage contre la doctrine plébiscitaire.
Ces orateurs ont été couverts d'applaudis
sements.
M. Odilon Barxot, tout en se prononçant
contre le système de l'appel au peuple, t'ait
uaus des conditions semblables, n cher
ché à combattre l'opportunité d'un muni-
leste expose, selon lui, à ne point arrê
ter le pouvoir et à n'être ni. compris ni ac
cueilli du peuple.
M. Odilon Barrot, qui a été écoulé avec
deterence, u saisi cette occasion pour expli
quer dans quelles conditions il avait prêté un
moment son concours au nouvel ordre de
choses. Ses déclarations n'ont rencontré que
peu de laveur, et l'assemblée a résolu unani
mement qu'un manifeste serait rédigé séanca
tenante.
Nous publions en tète du journal cet im
portant document, qui l'ait un grand honneur
a 1 assemnlee dont ii émane et aux personnes
qui l'ont rédigé.
Un mouvement considérable se dessine
en ce moment au sein du parti libéral dans le
sens de ce manileste; des adhésions arrivent
de I ou tes parts.
Quant à_ M. Thiers, il ne se sépare pas de
son comité, et c'est h lui de,juger s'il doit a-
jouter quelque chose aux déclarations si net
tes que l'on vient de lire.
Le Peuple français profite do la cir
constance, et il en a bien le droit, pour
« mesurer I .- j . valeur des concours et la
sincérité dos adhésions » que le minis
tère, tel qu il était avant la dernière
crise, avaitrallié? à l'empire. Il ajoute:
lui enlever un à un tous ses points d'appui,
.jusqu'au jour où l'on aurait pu avoir Facile
ment ■ ai.-,on du sudrage universel et du gou
vernement que 1e suffrage universel a établi.
1 out allai t pour le mieux: déjà on avait
intimidé les protêts, déjà l'on menaçait les
n^hes^dejfi'I'on posait en lace du Parlement
ofiîeieî les candidats de l'avenir, déjà Je par-
ti gouvernemental perdait confiance, déjà la
commission relative h • l'organisation de Pa
ria avait porte atteinte au 'suffrage universel.
Pout allait à ravir, et il ne se passait pas de
joui * sans qu'on ne vit toraber quelque appui
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