Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-02-25
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 février 1860 25 février 1860
Description : 1860/02/25 (Numéro 56). 1860/02/25 (Numéro 56).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
45 ANNEE — N 56
BUREAUX 4 PARIS ; rue de Valois (Palais-Royal), n # 10/ -
SAMEDI 25 FEVRIER 1860*
âBONNEMENS DES DEPMTÉIMS.
ïrois M0is..; , .7.7.r; 1 2 16 rft<
six mois . . vr. wis - -32 fr.
irô ah.;;;.*î.?;m7,;ïî FR «
un ui un traînants, vali letahlew
r publiMe* I et so da ohaquemoii. i
Impi. 1. BONIFACS, r. de* Boùs-Knfans, il.
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JOURNAL POLITIQUE, LITTERAIRE
L* mode D'àBOiamaon le plus simple est l'envoi d'un bon de poste ou d'un effet
- «ur Paris, à l'ordre de t'iDUunsTRiTXitt du journal, rue de Valois, n* iO<; .|
La Ittiru m tnvait (Pmrjtnt ftoa ivmncms ionf +tfuiitl
Les articles dépensés ne sont pa3 rendus. , .
A »<
UNIVERSEL.
• : I
4B0NPÏENS DEÇOIS.
TROIS MOis.j'ivr.T.iïS 13 FRÎ
six itois 26 fr.-
UN AN. .\T; .?;; .r;;;ï3 82 fr;
UN NUMÉRO 20 CENTptESj
Les iboanemens datent des i« et t<
; de abaque mol*.
Ses mcwhcm 3hu<. reçues "chez M. P àmii , régisseur des 6 grands journaux}
rue I^ïre-Dame-des-Victoire?, n. 40, (place de la Bourse.)
PARIS, 24 FEVRIER.
Le rapport de S. Exc. M. le ministre
' de l'agriculture, du commerce et .des trâ-|
.'vaux publias, relatif A la suppression
■ des- droits-sur les laines, justifie pleinement
la nécessité des réformes qu'il propose et
qui sontJa réalisation du programme éco-
• nomique inauguré par la lettre du 5 janvier.
Les résultats que des réductions partielles et
successives opérées de 1833 à 4836 ont déjà!
donnés et que'nousàvons fait connaître dans
u-n de nos précédera numéros, ont fait mon-,
ter les importations de lainesde 6,500,000
à io millions de kilogram., tout en laissant
son essor à la production nationale. Un tel
état de, choses était i certes une excitation
suffisante pour le gouvernement à entrer
dans une,voie- de réformes plus radicales,,
sans qu'op pût lui reprocher de se lancer
dans les aventures; et pourtant un journal
publiait, ces jours-ci, les plaintes d'un-agri-
culteur que la routine aveiigle encore, et
qui déplorait le triste état dans lequel al-;
laient plonger notre-agriculture les réfor
mes projetées sur les tarife des laines. r
Cette .erreur, d'autres la partagent^ sans;
doute; il est de notre devoir de contribuer,
à la dissiper;ne revenons pas sur les chif-j
fres que nous, avons déjà cités ; ils mon-
treut la consommatidn toujours croissante!
des Iaine^importées et des laines indigènes!
ainsi que l'insuffisance de ■ ces dernières ;
ce sont seulement des données qui permet-,
' tent d'asseoir des probabilités pour l'ave-;
nir; nous Irons chercher une preuve con-;
cluante, parce qu'elle reposé sur.-;des i faits: ■
■ accomplis, en Angleterre, où le principe de
la liberté commerciale est en application
. depuis quinze années. ■ i I
En 4842, la laine étrangère, — en Angle
terre, — était sujette à un droit variant dé
! 1/â à, 1 den. (5 à 10 centimes) par; livre ; la: *
laine des* colonies anglaises entrait libre-:
ment. Dans;cette année on a importé en
; laine coloniale 18,'467,212 livres,, et en lai
ne étrangère 27,144,995.v Cette protection;
' qui était destinée à profiter aux producteurs
f du pays et des colonies, a été abolie en 4844
, • et, quelques années après,.en 1853,.l'aug
mentation èst telle que les importations at-
' teignent les chiffres suivans : lai ae colo-
: niale 66 ,982,280 livres,' c'est-à-dire :plus
du triple qu'en 1842; laine étrangère,
S0,5i9,902 liv, c'est-à-dire presque le dou-j
"ble". L'abolition de la protection n'a pas été;
i on le voit, préjudiciable à la production co
loniale et,-pendant le même temps, la p.ro-
. duction des laines du pays a augmenté aus-
•JSi ;:mais là.'consommition, développée pan
"le régime de la.liberté, test devenue èi con-{
"sidérable, que,malgré toutes ces augmenta-»
■ tions, lesdemandes oût élôvéle prix de 1842
: de 11 den, la livre à i sh 6d.eiïl833 (t fr;
15 C. à 1;85 C.j. ; * ■ !
EnFrance,la Situation estla même.a L'ex-
• j> périehee a prouvé, est-il dit dans le rap-
» port de M. Rouher, que le prix de la
b laine est'indépendant de l'action du tarif;
■ » : et qii'à mësuré que les droits sont deve4
» nuis plus modérés, la prix ahaussé, parçe
» quela demande atoujours.été supérieure
» à l'offre. » ' • |
Qué valant donc les appréhensions des
producteurs dè laine indigène ? , i
■ Puisque noué sommes sur ce terrain* pousr
sons un peir plus "en avant. ; . . , ; . ' }
■Une communication laite par un êconor
miste distingué de l'Angleterre, et dont l'ho
norable M. Wolowski nous a gracieusement
'admis à faire aussi notre profit, permet de
juger dés avantages que nos voisins ont
déjà recueillis de l'application de ce systè-
. me, qu'ils'ont très largement pratiqué ; les
résultats acquis, les espérancesréalisées leur
indiquent la route à suivre : c'est de comp_lé*
ter 1'oçuvre.sj. héqr eusemènt 'commencée.'
Les chiffres qui font l'objet de cette inté
ressante -communication sont relevés à trois
époques diflérentes : en 1842, avànt-la ré
forme commerciale ; en 1853, après,"cette
réforme ; enfin en 1858, c'est-à-dire la der
nière année où les renseignement statisti
ques peuvent être facilement recueillis et
groupés. . - , .
Les importations et les exportations à cas
diverses.époques, vont nous donner "d'abord
des' résultats en bloc; nous - étudierons en
suite lc% détails. Les importations sont re
présentées; en 1842, par 63,200,000,liyçes
sterling (valeur officielle); nous les trouvons
montées en 1853, à 123,000^000 livres,près-
qu'au double;- et*, en: 1858, à 138-,000,000.
. Pendant temps,'' les exportations sont-
'elles demeurées stationnaires? Ont-elles
failli à la loi économique? Ont-èlles aug
menté parallèlement aux importations,
pour quelles produits pussent s'acheter
avec le^pfçduits? Voyons : En 1842,'la va
leur exportée est dë 47,300,000 livi st.; elle
s'accroît dans la môme proportion que l'im
portation; en'4833, nous constatons que le
montant, des exportations est de 98,700,000
:liv..isû, c'est-à-dire le double, pour arriver
en 1838 à 116,600,000 liv. st.
Pourxépondreaux exigences d'une aug
mentation si rapide dans, ses transactions
-commerciales, il a fallu à l'Angle terre,'cela
va sans dire, un mouvement de navigation
plus considérable la marine - étrangère a
profité'de ^ces transports .< plus multipliés,
mais lamarine anglais^ k eu sa lairge part
aussi daps cette augmentation tandis' qu'ien
4842 le tonnage des navires britanniques,
enttés du sortis avec cargaison,, ne s'élevait
qu'à5,415 ; 821 tonneaux, il £9 comptait en
1853 par 0,064,705 tonneaux, et 11,114,330
en 1858, et le tonnage des navires '■ étran
gers partait de 1,930,983 tonneaux pour ar-
,river.,!en 1858, à 7,64(^631 tonneaux. .
Par une conséquence toute naturelle, la
construction navale se ressentait aussi de
! cette augmentation; pour un -tonnage 'de
129,929 tonneaux. Représentant les navires
de commerce construits en 1842, les chan
tiers fournissent en 1853 et en 1858 des bâ-
• timens jaugeantensemble203,171 et 208,050
tonneaux. Il est à remarquer que la propor
tion croît plus rapidement pour les navires,
'àvapeurqtie poutlesnavires à voiles.
Nous pourrions ; montrer l'influence qu'a
eue sur- les finances et- sur la dette d'Auglé-
terre l'application dê sjDn système commer
cial ; nous nous bornerons à examiner, ( sous
oe rapport, les douQoes'iet les accises. Elles
se lient plus intimement air sujet; qui nous
occupe. >
. Les revenus provenant de ces- sources
étaient, en 1842, dé 33,842,791 liv. sterl. La-
diminution "résultant de réductions,et.de
suppressions de droits de douanes était éva
lués à 8,630,000 v liv. st. Donc s'il n'y "avait
pas eu d'augoaentatipn par le revenu, d'au-
très articles, lea.-douanes et accises:n'au-
raient dû -produire- que 25,000,000 liv.' en,
1858; eh bien! malgré ces énormes.réduc
tions, ellesont produit40,087,703 .1iVi, c'est'
: —:—:—: ; i
à dire beàucoup plus qu'en 1842. j r ' [
< Les effets sur la production et le commfcr- !
ce sont'plus saisissans encore. Nous avons!
vu^quèls ils ont été pour les laines; poùr le.
blé indigène, la; production s'est'accrue dai
1842 à 1853 de plus de 25 0/0; pour les soies ;
On rélève des chiffres que l'espace noùs con- w
damne à passer sous silence, mais qui Sont
d'une, éloquence incontestable. Arrêtons- i
nous un instant aux sucres ï 1 nous trouvons :
en 1842 le sucre étranger prohibé, le sucre
colonial' soumis à un droit de 25 sh. 2 d. ;
par quintal (31 fr. 45 c. par 51 kilos) ; l'im- ;
portation poiir la consommation est ide
193/i23 tonnes d£ 1,015 kilog. Depuis,von ;
admet les sucres étrangers concurremment '
avec les sucres coloniaux> et tous les -droits \
sont réduits considérablement. La çon- <
sommation s'élève en 1853 à'' ! 363,641 tofi- i
nés; et à 424,523 en 1858» En décomposant*
ce dernier nombre, on voit le' sucre colo- '
niai y-figurer pour. 268,395 tonnes. Les-co
lonies, loin d'être ruinées pailla concurren- 1
ce,étrangère, ainsi que le '.pronostiquaient '
les détracteurs de la réforme^ commercial, !
ont etivoyé de leurs proddits '500/0 dé plus !
que ^lorsqu'elles avaient le monopole du !
marché. -
En jetant un regard djésintéreisé sQr les ;
statistiques anglaises des dernières années, '
on est forcé de reconnaître qu'en dix ans :
de liberté commerciale la production a plus
progressé que dans le dernier siècles-tout '
entier, . Ces progrès devaient ;se traduire t
évidémmentf par une augmentation, de 'la ;
prospérité publique: Si nous consultons
les bilans de- la Banque d'Angleterre : aux \
diverses époques qui nous servent' de
dates comparatives, que trouvons-no us?'En !
1842, le montant des dépôts à oette Banque !
n'atteignait que 9>063,000liv. sterl. En 1833,
il a doublé et s'élève à 18,232,000 liv. Enfin, ;
en 1858, il a dépassé 20 .millions sterling. >
L'actif de cet établissement financier s'est
élevé dans de notables proportions. Ettl842, i
il eEt .de,30,lB90i((00 liv. sterl. de 44,80i,000 5
en 1853, et nous le trouvons en 1858 à plus
de i8 millions.. ... ■
La condition sociale du peuple a trouvé
aussi dans la réforme un élément rsalutaire ;
-etmoral-; l'aisance et l'abondance'aident;
puissamment , à la pratique "des devoirs so-î
ciaux. Les statistiques judiciaires consta- '
tent que,pendant ces quinze années, la pro
portion du nombre des accusés à la popu-.
lation s'est abaissée -de 193 à 91 individus'
pour 100,000 habitans, 'soit de plus de:
50 0/0. Les dépôts faits .aux caisses d'épargne 1
ont monté de 25,319,336 à 36,193,400 liv/
sterl., augméntatiôn qui témoigne de la
prospérité des classes ouvrières, et pendant:
î le même temp3 le paupérisme tend à.di-
minber. Les sommes dépensées en 1842:
pour secourir lespaùvr'esontété cfe 5,208,027
liv. st., soit, eu égard au chiffre de la popu-.'
lation, 6 «h. 5 d. 1/4 par têtev En'1858; cette
proportion se trouve réduite à 6 sh. 1/4 par;
tête,.après, être'mômé id-esceodue^^en 1853 à
5 sh. 8 d. par tête. .
Il' nous serait facile de mulliplier nos ci-j
tations: nous avons préféré les.choisir; Elle&
établissent surabondamment qiie cha'qii^
jôur les faits s'accumulent pour proyyer les,
avantages Incontestables conquis par l'An-i
gleterre dans le court espace de. douze à
quinze années par l'adoption et la mise, en
pratique des principes, du libre commerce.'
Elles nous montrent d'avance ce que la|
France peut attendre, à-son tour, du nbu4
veau régime économique ; dont la lettre im
périale pose. les - termes et dont le rapport
dô M. le ministre de l'agriculture, du com
merce et des travaux publics est la premiè
re application.
i 1 . F. P révost.
TELEGRAPHIE PRIVEE
- Londres, 24 février.
: Dans la Chambre des lords, lord Carnarvon •
appellerattentiondelaChambre sur, la nouvelle;
annonçant que le maréchal OlDonnell fiituiie
condition delà paix de l'extension "du territoire
espagnol en Afrique. L'orateur désire savoir si
le gouvernement a.reçu à ce sujet des infor
mations, une telle extension de territoire étant «
incompatible avec la déclaration faite par le
gouvernement, espagnol à l'ambassadeur de
la .Grande-Bretagne, , ' ;
;i-e ^ministre répond qu' il ignore si e. ltèrri- ;
toire sur lequel la victoire a été obtenue, a été
donné à l'Éjpagne. ; .
Vienne, 24 février.
Le Wandtrer a été saisi. ' ,
L'Ost Deutsche Post a reçu un premier aver
tissement. ' „ 3
T . , Turin, â3 février. >
Le clergé milanais, réuni hier en congréga
tion, a formulé "deux adressés" pour" témoigner •
de son. dévoûment au roi,et .à la patrie. Ces
adresses ont été présentées au gouverneur, qui ;
doit les remettre à S. M. Le bruit relatif a un
projet de proclamation du roi aux populations
de l'Italie centrale est controuvé. , , :
f.-TTurin, 24 février.
Milan, 24 février.—-Le roi a reçu aujourd'hui
la députation du clergé milanais, qui lui a re
mis use adresse. S. M. a exprimé sa satisfaction
.pour les sentimens contenus dans l'adresse.Elle
a ajouté: «Dans un moment où les partis poli
tiques cherchent à troubler les coûscieqcsssur
prétexte 'du .pouvoir temporel, il m'est cher
d'accueillir les, sentimens du clergé milanais,
v dignes de son ancienne renommée. Le clergé -
s'accorde avec moi en reconnaissant qu'il est
d'une haute importance que l'autorité 1 spiri- '
tûelle ne doit pas se mêler de la, question po
litique. » , '
• r . Marseille , 24 février.
Le vapeur Louise, de la/compagnie Valéry,
venant de- Libourne et allant à Bastia, puis à
Marseille, a. sombré hier, à quatre heures du
matin, contre la jetée avancée de Bastia, Une
dépêche," adressée, aux' assureurs du navire,
parle de cinquante victimes, y compris le ca
pitaine. Lespassagers étaient au nombre de 84/
. . . Madrid, 23 février, 8 li. 30. soir.
La Corr&pondencia dït .que lç gouvernement
travaille .d'une manière active pour la solution
de questions extérieures.
Le traité d'amitié avec le Pérou est terminé.
L'affaire delàdsttevis-à-vis du Danemarckpour
le péage du Sund par la marine espagnole est
déji avancée.
Rien de nouveau du théâtre de la guerre.
Tout porte à croire qu'elle continuera.
Madrid, 23 février.
Hier, à onz» heures du matin, on n'avait
pas encore reçu de réponse du Maroc aux pro
positions de paix du gouvernement espagnol.
Le . ,maréchal O'Donnell se préparait à de
nouvelles opérations. Ilattendait des chameaux
pour se mettre en route. . '
Ordre avait été donné à la division basque
de joindre l'armée d'opération. ,
(Bavas-Builitr.)
ff
r
Contrairement à l'attente de lord Pal-
.meps^on, là Chambre des Communes, n'a
pu encore terminer hier soir- le débat sui
la motion de M. Ducane. On annonce que
le vote n'aura lieu qu'à une heure très
avancéé dans.la nuit .de vendredi à samedi.
11 nous faut donc attendre à demain pour
cou naître le résultat de cette importante
discussion. Une dépêche télégraphique éva
lue à 60 ou 80 voix la majorité prévue en
faveur du ministère. >
Un seul orateur marquant a été enten
du,. parait-il, dans la séance d'hier. C'est
.M- pright, dont une dépêche télégraphique
résume; le discours en termes très brefs.
Et] attendant la décision de la' Chambre
des .Communes, les journaux anglais's'oc-
cupent de questions secondaires, ou , ré-
Ïiètent les argumens connus pour ou contre
e budget. Le Morning-Post, cependant,
tout en déclarant io le succès du minis
tère n'est p, I îux ; s'applique à faire
coniprenùi j nr >nservateurs que, s'ilB
venaient à trior.ipher, leur victoire mê
me leur susciterait k l'intérieur des^ em
barras extrêmes, a Admettons pour up
moment, dit-il, que l'amendement 'de
M. Ducane soit voté, et qu'à la veille d'un !
bill de réforme qui est inévitable, le.pays
Soit consulté sur le maintien des* impôts in r
directs qui mettent, à un si haut prix les ar
ticles consommés sous lé'toit de l'artisan. »
Que s'en suivrait-il ? • " :
- « M- Ducane et ses amis poussent la Chambre
à refuser .de-réduire le prix des articles con
sommés par les masses, afin d'épargner , aux,
classes supérieures et aux classes moyennes]
le surcroit d'un penny ajouté à l'income taxJ Si
une semblable proposition était adoptée, tous
les libéraux se rendraient aux hustings ayant,
à la bouche le crLde: Législation de privilégiés! ;
v Comment le parti conservateur résisterait-i 1 '
au torrent? La dé4sion de la Chambre des
Communes ferait accuser la constitution du
Parlement, et la clameur poussée contre,la lé- ;
gislatioin privilégiée se confondrait avec cellè
qui réclame un bill de réformé radicale. 11 ep
résulterait qu'une mesure de réforme par
lementaire qui satisferait les .'masses dans
un cas, ne .les ! satisferait pas dans l'autré. 5
Le libéralisme gagnerait du terrain; > le radi-
r calisme deviendrait puissant;, la législation
prendrait un.aspect différent; le pârji conser
vateur ruinerait ' toutes ses espérances, et se
réduirait à une slmpleifraction dans le pays.
» Ainsi, l'alternative dans laquelle le malen
contreux amendement dé M. Ducane place le
parti,est celle, de voir une.défaite se transfor-,
iner en une déroute, et la victoire elle-même,;
si elle était possible, en une déroute plus com-1
pléte_encore.» , .... . ■ • j
Il est vraisemblable qu'au fond les tories
pensent un peu comme le Morning-Poit, et
quîils regretteraient d'avoir à s'acquitter de -
nouveau, et dans de semblables circonstan
ces, de !atâçhe.périUeuse-de..présenter un;
bill de réforme. « Qiioi qu'il en soit, ajoutei
le journal ministériel, le rejet de l'amende
ment est chose si évidente, si certaine, qu'il,
est presque inutile d'insister sur la iausse:
tactique,que viennént d'adopter encore les.
conservateurs. » H.-M ahie M artin.
PARLEMENT ANGLAIS.
chàmb&s des communes. —Séance du 23 février.
Il est présenté pour, et ,eontre les principaux*
points contenus au budget plusieurs pétitions qui;
occupent d'abord une grande partie de la séance
du soir. •" • • ■.. "
M. B. Wood demande au chancelier de l'éohi-'
quier si, dans le cas où il y aurait sur les vins,
* en avril 1861, une autre réduction, on accordera,
à cett^époque le drawback ou rabais sur les vins
• rouges de Portugal et de France, en conformité
des ordres, ,de î'aeoise ,du il juillet 1843 et. du
20 juillet 1853 et de l'acte de l'accise du 21 juil
let' 1843.
le chancelier de l'échiquier répond que, lorsqu'il
a fait son exposé flnanoier dans la précédente.
séance, il n'a pas eu l'occasion de s'expliquer com
plètement sur ce sujet comme il l'aurait désiré.
11 n'est pas à souhaiter qu'il y ait une explication,
en cette circonstance: mais, dit-il, je la donnerai
en comité sur le tarif des douanes. Le gouverne
ment h'a'pas l'intention qu'il y ait un drawback
proportionnel à la différence existant entre le
droit actuel et le droit de 3 sh. A l'égard dei l'acte
.de l'accise de 1343, 11 a été spécialement révo
qué il y a huit ans.
Sir Joseph Paxlon. —Je désire demander au chan
celier de l'échiquier s'il est dans l'esprit du nou
veau-traité d'accorder au gouvernement français
la (acuité d'augmenter les droits sur les soies an-,
glaises importées en France et qui sont actuelle-.,
ment de 30 0/0 ad valorem. •
Le chancehtr de l'échiquier. — Il existe un gràtid
nombre d'aiticles qui sont l'objet de transactions
commerciales entre les deux pays, et ù. l'égard
desquels il n'y a aucun engagement de pris dans
le traité. : 11 n'existe, d'ailleurs, entre les deux gou-
verneinens, aucun engagement autre que ceux
mentionnés dans le traité. Nous nous croyons,
cependant, sutilsamment autorisés à penser qu'il
n'entre pas dans les intentions de la France d'ac
croître les droits dont sont trappés les articles im
portés. de ce pays, et dont le. traité ne s'est pas
ofccupé. En tout oas, le gouvernement français fera
sou& peu de jours - connaître en détail seiwmten
tions en ce qui ooncerne les articles non'compris
au-traité. ,
M. Knox demande au chancelier de l'échiquier
si, d'après les changemens projetés, les vins étran
gers et les liqueurs pourrontètre transportés dans
les. villes de l'intérieur, et dans ce cas si les droits
seront perdus par l'accise.
Lechancelier de l'échiquier dit que l'inti
-"établir un
jue vil le di
point praticable. <. . i
Répondant a M. Kinglçk», lord J. Rus.
que les documens qui complètent li
garantie dont on >avait, demandé la
tio'n jeudi .dernier, .dans ia discussion
Savoie et à Nice,, se trouvent dans
^es. documens.def.rEtat,, ,\
, M. Hubbard, reprend le débat sr.r la motionne
U. Ducapie, rela.iiye i au budget. Il combat le traité
.français, en insistant, sur ce -point que tous le»'
avantages; sont.du cOté de Ja Francs. Les conces
sions faites par l'Angleterre doivent avoir leur ef
fet immédiat ; mais celles de la France, les prin
cipales du moins,, sont- reculées j usqu'à 186*. Maîn-
tenant,jiour parlèr le .langage de la Cité, une pro
messe ae paiement de la part de -la France'n'est
pas une valeur négociable. M. Çobden, à la Vérité,
a converti l'Empereur aux principes du libre-
échange; mai», pour l'Angleterre, 'c^est payer trop
cher d'une augmentation de deux pence par
livre sur i'income-tax. la satisfaction de donner au
gouvernement impérial de France une leçon 'd'é
conomie politique. . .
Le'débat continuait au départ du courrier. Il
n est pas: probable, selon toute apparence, qu*
se termine avant samedi matin.
Le service Havas-Bullier complète par les
dépêches télégraphiques, qui suivent les r.en-
seignemens sur la dernière séance du Par
lement.
' . h ; Londres, 23 février, 9 h. 30. toir.
Le vote sur l'amendement de M. Ducane est
attendu' pour demain. La majorité pour le gou
vernement sera probablement de CO à 80.
La discussion qui avait été ajournée sur l'a
mendement de M. Ducane, continue.
,,, M. Hubb'ai d, ancien gouverneur de la Ban
que d'Angleterre, appuie l'amendement. Le
.traité est seulement! favorable à la France.
Pourquoi n'avpir pas demandé à la Rrance^de
désarmer, afin que l'Angleterre, de son côté,
fasse aussi des réductions î , '
11., Raines défend à la fois le traité et le
budget.
Londres, 24 lévrier, 2 h. matin.
M. Blachburn parle contre l'amendement
M. Baring attaque le traité. . .
M. Bright. dit que le pays entier approuve le
budget, et l'adoption de l'amendement aurait
pour résultat de nous aliéner la France et de *
provoquer un changement de ministère avec
augmentation des contributions indirectes. Si
' l'ancienne ligue des céréales existait encore,
elle aurait approuvé le traité. Il est faux que
es traité implique une soumission à la France;
la France accorde plus que l'Angleterre en ad
mettant des articles plus importans que les
Vins, esprits, soies'. La France réduit les droits
sur onze articles dont l'importation donnait
95 millions pat an. Quant aux charbons, M. .
Bright s'attache à prouver qu'il est.absurde de
prétendre que le traité devrait être rejeté à •
cause de cet artiela, , N
M. Witheside soutient l'amendement.
Le débat est ajourné.
Nous trouvons* dans l'Indépendance la dé
pêche adressée par M. le baron de Schlei-
nitz, ministre des affaires étrangères de
Pfusse, à M. le comte de Bernstorff, minis
tre de Pru?se à Londres , et relative aux
conditions d'accession de la Prusse au Con
grès projeté à la fln de l'an.dernier :
« Berlin, le 25 novembre 1859.
» M. le chargé d'affaires de S.: M. B. a bien vou
lu me donner lecture et laisser^opie d'une dépê
che que lord John Hussell lui a adressée, en date
'du lt courant, relativement à là réunion prochai
ne d'un Congres pour le règlement do la question
italienne.
» Après avoir constaté d ins cette pièce, dont je
joins ci-'aptés copie, qu'aux yeux du gouverne
ment britannique, il est entendu qu'un tel Gon-
grè'S pourra S'occuper de la situation de l'Italie en-
. HAnrt ûf nû oana A* I I k I n.. x_i i.
principal, seureiaire.a mai croit devoir appe
ler plus particulièrement notre attention sur un
point important^ de là solution duquel il déclare
que le gouvernement de S. M. B. iera principale
ment dépendre sa participation au Congrèf.
s Ce point, qui aurait déjà antérieurement fait
l'objet d'un échange de communications entre les
oabinets de Londres et de Paris, et au sujetdunuel
le gouvernement anglais désire connaître les in
tentions des deux grandes puissances qui, comme
l'Angleterre, se sont abstenues de prendre part a
' FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 25 FÉVRIER.
CARINE.
; vi. i
Mirius, en lui voyant lever l'a tête, s'était
replié vivement en arrière, avait franchi
; l'angle que coupait en deux son balcon; et
s'était rejeté daxis sa chambre sans attiref
l'attention de personne., . . , i
.Rentré chez lui, il n'y retrouva point le
calme il était : au 'contraire plus agité et
plus perplexe quG jamais.Cependant il avait
vu Carine! Ge nom, qui l'avait préoccupé
tout un jour, qui, tuut- wi jour, était de
meuré pour lui. provocant^ et " mystérieux
comme une énigme, il savait majnteiiant à
quelle individualité toute charmante et {ou-
te poétique il appartenait.
Carine était une belle et jeune créature:
elle vivait sous son "toit ; près de lui peut-
être.... Il était certain de tout cela; înai?
que de choses 1 encore il lui restait > api-
prendre, etqu'il était loiu.de tout savoir ! •
Etait-ce line jeune femme ou ,' unq jeune
fille 9 la sœur d'Elfride, Ja fille de M. Tef
gner î Etait-ce une étrangère, recueillie par
la compassion de la famille? était-ce un^
enfant coupable et. punie? j
Cette réclusion à laquelle on la condamj-
nait, si elle ne s'y condamnait point 'elle-
même, était-elle un caprice ou ua châti
ment? cachait-elle une faute ou un mal
heur ? Toutes ces questions, Mari us'se les
posait à lui-même; il les agitait dans son
ame avec la vive ardeur de sa nature et de
sa jeunesse, et il ne pouvait point les rér
soudre. ' ' . .,i
Je né saiss'il dormit bâaucoupcette nuit,-
là; mais ce que je puis du moins 1 affirmer],
' c'est qu'il n'avait jamais tant rêvé.
Le lendemain, dès qu'il entendit dans la
'maison de son hôte ces jmlie< petits bruits
■ auxquels on reconnaît que 1 activité deJa vie
succède enfin .à l'inerte repos; :du sommeil
et de la nuit, il descendit dans le jardin,, et
allas'asseoir surlebanc où,pendantsaveille
il avait vu Carine ; il lui semblait qusil choi
sissait de préférence la place même où elle
s'était plus lOflg-temps arrêtée ; puis,"voyant
qu'il était seul dans le-jardin", il entra dans
le massiftrois des petites fleurs jetées là par. lè fan
tôme nocturne. .
- Si, en< ce moment, il. eût levé les yeux
sur la maison, il eût. pu voir les rideaux
.blancs d'une fenêtre s'entr'ouvrir un. mo
ment, et une tête pensive suivre attentiver
ment chacim de ses mouvemens, comme
lui-même^spèadant la nuit, il avait suivi
ceux de Carine. " . ?
" Plus calme,:maintenant, tt la. tête.enfin
rafraîchie paivles douces brises du matin,
Marius remonta chez lui, se jeta sur son lit,
tout habillé, et fit ua somme. - >
Il Se réveilla unpeu tard; aussi se rappelant
les; ombrageuses susceptibilités de son hôte
à l'endroit de l'exactitude , il ne prit que le
temps de faire une toilette sommaire tt
expeditive pour «ne pas condamner à une-
attente insupportable l'estomac le mieux
réglé de Gothenbourg.
: Il en ifut idigoement récompensé j car il
entra le premier dans la salle à manger, un
quart de seconde avant Tagner, qui crut lui
taire uncompliment sans pareil en assurant*
qu'il n'avait jamais rencontié; ni une mon
tre ni un Français qui fusseut à l'àeurè
mieux que lui".
Cependant, sans être doué d'une pénér
tration excessive, il était laciie de s'apercer
voir qu'il y- avait comme un nuage-sur le
front de :l honpête négociant. .Aussi, après
la bienvenue, qu'il souhaita, du reste, très
cordialement > au jeune homme, : il croisa
ses mains derrière son dos, et, silencieusej-
ment, se promena de long en large dans la
saile à manger. 11 alla même une fois eu
deux dans la vestibule^ puis à la porte de. là
rue et à celle du jardin. Eafia, voyant qu'il
était bientôt dix heures, et que la majes
tueuse Utrique, d'un air important et af
fairé, commençaità disposer les plats sur la
table, il s'arma d'une résolution soudaine,
et, passant un bras sous celui de Dangiade,
après} avoir fait avec lui deux ou trois
lois le tour de la salle à manger :
— Je ne vous connais, dit il, que depuis
hier, et< pourtant il, me semble que nous
sommes ;de vieux aniis» tant, je me. sens de
confiance en vous. Je crois que no.us som- j
mets destinés à passer quelque temps en
semble, e.t que vous me ferez un jour la
grâce de regarder cette maison comme la
vôtre : il vaut donc mieux que je vous pré- :
vienne tout d'abord d'une chose dont il'se
rait impossible que vous ne Unissiez point
tôt ou tard par vous apercevoir. ;
• Après cet exorde par insinuation, Tegû'er
se tut quelques instant sans doute pour at
tendre la réponse de son.hôte. Miis, com
me celui-ci ne semblait point - disposé à
l'interrompre, après avoir- toussé une ou
deux fois, ainsi que font certains ptédioa-
leurs entre le premier et le second point de
leur discours : , ; . ■ > .
Vous connaissez déjà/continua-t-il en
baissant les yeux, ma femme et ma - fille;
maisEifride et Mme Tegner ne sont-pas
toute , ma famille; vous verrez"encore une "
autre personne. . Si, daasses paroles ou
.dans ses actions,.il vous arrivait de remar
quer quelque chose qui ne vous semblât
point parfaitement correct, il vaudrait
mieux, -— du moins je vous en prie, ~ ne i
pas paraître vous en apercevoir. j
Marius Dangiade, à qui ces mots causaient
une émotion çéaible, fit un geste muet d'as
sentiment, et Tegner reprit :
—• Cette personne...
, — Que vous appelez Carine, je crois?
— î -Ahl voussavez son nom?
— Ne l'avez-vous point prononcé deux
fois hier devant moi? «
—Eh bien ! Cirine n'est pas... a
M. Karl-Joan Tegner n'eut pas même le-
temps d'achever sa phrase; la porte du ves -j:
tibuie qui donnait dans la salle à manger!
s'ouvrit, ^et Mme Tegner parut, accompagnée
do deux jeunes filles : la première était El-
fride, avec laquelle, depuis la veille, Dan
giade avait fait a-:sez ample connaissance
pour, qu'elle lui tendît cordialement une
main que le jeune homme serrasans façon
dans la sienne, à l'anglaûe, c'est-à-dire très
fort, et .en imprimant, au bras je ne sais
quelle vibration, capable de lui désarticu
ler l'épaule.. Nos. pères baisaient la main
des femmes ; nous Ja secouons.
L'autre jeune fille,'qui semblait avoir ira
an ou deux, moins. qu'Eifride,. se tenait lui
peu en arrière de Mme Tegner.. O al eût dit
;qu'elle voulait? se perdre dans son ombre.
Le négociant hésita quelque peu avant de
la présenter à son hôte; cependant la pre
nant par la main : , -
— Carine! lui dit-il, sans la désigner au-
trément. , ,
Marius depuis longtemps avait resonnu
sa vision nocturne. Mais comme il ne l'a
vait vue qu'à une certaine, distance, il l'éxa-
\
mlnà avec une attention curieuse," dont Te
négociant ne s'étonna point, car il l'attribua
auvCostume dalécarlien qae portait la jeune
fille,! trop pittoresque pour ne point frapper
un artiste.
Quant à Elfride, elle suivaitTavec une at
tention non moins, vive, quoique très bien
veillante, toutes lesi mpressions qui se suc
cédaient sur la physionomie mobile et chan
geante du Français.
Mais Marius se sentit observé, et il don
na aussitôt à ses traits un masque impéné
trable, tout en se promettant de ne point
perdre une seule occasion de continuer
ses.intéressantes études.
Quant à celle que l'on appelait Carine,
elle fit à Marius, qui n'était qu'un étranger
pour elle, un salut léger d'une parfaite in
différence, et, sans prendre autrement gar
dé à lui, elle s'assit à la place qui semblait
lui être habituelle, à la gauche de M. Te
gner.
. Marius n'était pas seulement un artiste ::
c'était un homme,qui avait l'usage du mon
de et qui savait vivre. Il comprit tout de
suite qu'U se trouvait dans une position dé
licate et difficile; qu'il y avait des souffran
ces autour de lui; que sa présence pourrait
les aggraver., et qu il ne devait plus main
tenant songer, qu'à une prompte retraite,,
aussitôt qu'il pourrait l'essayer en sauvant
les apparences. L'important, . maintenant,
c'était de'faire bonne contenance et d'em-
êcher qu'une impression, d'ailleurs bien
«fi
aturelle de malaise et de contrainte , ne
vînt assombrir les visages pendant cette
première rencontre entre Carine et lui. Il
fit donc appel à toutes les ressources de
son entrain, de sa verve et dô sa belle hu
meur: il eut de l'esprit, , de la gaité, des
saillies. Il'expliqua la théorie de la bouilla
baisse à Tester, à propos d'une certaine
sauce de truiteà laquelle il retourna; parla
religion à l'austère ; Brigitte, et chiffonna
les modes parisiennes avec Elfride. Il eût
volontiers essayé de pousser* pendant qu'il
se sentait en train, une légère reconnais
sance du côté, de Carine : mais il faut, bien
convenir, qu'il en fat .pour ses frais, et.que
la belle insouciante n'eut pas même 1 air
de soupçonner ses intentions. Une fois ou
deux, cependant, au milieu de la conversa
tion de Marius avec Elfride, on eût pu voir
un faible sourire trembler aucoin .de ses lè-
vres; mais, sans oser,toutefois s'épanouir
sur .sa bouche sérieuse. Quand il fut certain
qu'elle comprenait parfaitement le français,
ainsi dureste que toute lafamilleTegner—car
tandis que la Norvège, oublieuse de la Fran
ce, se tourne de plus enplus du côté de l'An
gleterre, la Suède reste fidèle à notre lan
gue et à notre littérature—ils'oecupa d'elle
indirectement, mais constamment. Une fois,
une seule fois, il crut remarquer, qu'elle
avait arrêté sur lui son œil rêveur ; mais
Marius ayant, au même instant, tourné la
tête de son côté, elle baissa promptement
ses paupières; pas assez vite cependant pour
que l'artiste n'eût pas le temps de plonger
à travers ce regard jusqu'à l'ame même, où
il croyait deviner une tristesse profonde.
Pendant le reste du déjeûner, la jeune fille
demeura complètement insensible à tout
ce qui se passait autour d'elle.
Marius, tout en causant beaucoup, pour
endormir les susceptibilités, peut-être déli
cates et jalouses, de la famille; profita de
l'espèce dé concentration dans laquelle la
jeune fille se plongeait comme à plaisir. Il
admirait son. élégance naturelle et sa grâce
exquise, à l'égal de sa beauté. Il trouvait un
charme infini à ce regard profond et voilé;
ses tempes délicates et transparentes sem
blaient lui révéler toutes les tendresses de
celles qui furent créées pour aimer et pour
souffrir. f
; Quoiqu'elle eût à peine prononcé quel-
(jaes paroles, sa voix parut à Marius possé
der la sonorité du timbre, à la fois le plus
pénétrant et le plus pur. Lors même qu'el
le parlait bas, cette voix charmante avait
cette qualité particulière et ce don si ràre
d'émouvoir, que l'on ne peut rendre que
par un mot : voix sympathique ! Selon l'ex
pression un peu vulgaire; peut-être, mais
très juste, cette voix portait loin. Comme,
au moment de son apparition nocturne>
Marius voyait'toujours dans Carine quelque
chose de maladif, de vague, et même d'un
peu étrange qui faisait dire tout bas : Une
grande douleur a passé par là!
Grâce à l'entretien et aux efforts vrai
ment inouïs que fltle Marseillais pour main
tenir la i conversation pendant tout le dé
jeûner, la glace tut rompue : "on ne sen
tit pas trop de contrainte, et tout le mon
de sembla prendre son parti de voir un
étranger si brusquement introduit dans
les mystères .même les plus intimes de la
famille.. A'ussi la belle humeur à laquelle
l'excellent Tegner tenait tant, sans doute
parce qu'il avait remarqué À quel point elle
facilitait chez lui la digestion, avait complè
tement reparu sur son visage, lorsque sa
chère Elfride prépara le thé cômmela veille.
Carine, qui n'avait même pas approché ses
lèvres des/verres dans lesquels le domesti
que lui avait versé de la bière et du vin, et
qui n'avait bu que de l'eau pure, sortit un
peu avant la fia du repas, et Marius put re
marquer qu'en partant elle avait emporté
avec elle la dernière trace d'inquiétude
chez ses hôtes. Elle n'avait, du reste, rien
fait qui pût justifier leurs craintes.
Le déjeûner fini, il prit son album et ses
crayons, et s'en alla courir dans la • cam
pagne, sous prétexte d'étude. A vrai dire,
il avait besoin d'être seul. Fut-il seul vrai
ment , au milieu de cette nature grau-
diose et triste;'de ces montagnes couvertes
de bruyères, de ces rochers granitiques cou
ronnés de l'éternelle verdure des sapins,
où déjà n'emportait-il point avee lui par
tout une image que le temps, sans doute,
n'avait point encore gravée dans son ame,
mais qui passait et repassait devant ses
yeifx? C'est là ce que lui seul pourrait dire.
Tout ce que nous savons, nous son histo
rien, — c'est que. jusqu'ici, Marius n'avait
jamais quitté le Midi, et qu'il ne connaissait
que les teints bistrés, les. yeux bruns, les
cheveux d'un noir sombre comme l'ébène,
ou lustrés de bleu comme l'aile du corbeau; '
Dieu me garde de médire de la beauté des
femmes de Marseille. Il y a là cent familles
qui ont gardé, comme un héritage incon
testé de leurs aïeux, la splendeur de leur
type oriental.-Nulle part, en Europe du
moins, je n'ai vu de bouches plus pures,
de profils plus fiers, de fronts plus fine
ment modelés, en un mot des têtes vivan,-
tes calquées plus fidèlement sur l'immor
telle beauté des statues et .des médailles de
la Sicile et de Grèce. .
Mais, si éclatante qu'elle soit, la beauté
brune n'a guère qu'une note, et, quand on
l'a suffisamment chantée, on se rappelle
que la gamme complète en a sept, sans
compter les dièzes et les bémols.
Indépendamment de ce prestige de l'in
connu qui l'entourait, si plein de séduction
pour une nature jeune et avide de-toutes
les émotions delà vie, Carine était encore
pour Marius toute une révélation :1a révéla
tion de cette beauté blonde qui fut celle
d'Eve, de Vénus et d'Hélène, de toutes les
femmes auxquelles le monde idolâtré des
artistes et des poètes éleva jadis des autels,
BUREAUX 4 PARIS ; rue de Valois (Palais-Royal), n # 10/ -
SAMEDI 25 FEVRIER 1860*
âBONNEMENS DES DEPMTÉIMS.
ïrois M0is..; , .7.7.r; 1 2 16 rft<
six mois . . vr. wis - -32 fr.
irô ah.;;;.*î.?;m7,;ïî FR «
un ui un traînants, vali letahlew
r publiMe* I et so da ohaquemoii. i
Impi. 1. BONIFACS, r. de* Boùs-Knfans, il.
k k
W m ~ - " W" ^
JOURNAL POLITIQUE, LITTERAIRE
L* mode D'àBOiamaon le plus simple est l'envoi d'un bon de poste ou d'un effet
- «ur Paris, à l'ordre de t'iDUunsTRiTXitt du journal, rue de Valois, n* iO<; .|
La Ittiru m tnvait (Pmrjtnt ftoa ivmncms ionf +tfuiitl
Les articles dépensés ne sont pa3 rendus. , .
A »<
UNIVERSEL.
• : I
4B0NPÏENS DEÇOIS.
TROIS MOis.j'ivr.T.iïS 13 FRÎ
six itois 26 fr.-
UN AN. .\T; .?;; .r;;;ï3 82 fr;
UN NUMÉRO 20 CENTptESj
Les iboanemens datent des i« et t<
; de abaque mol*.
Ses mcwhcm 3hu<. reçues "chez M. P àmii , régisseur des 6 grands journaux}
rue I^ïre-Dame-des-Victoire?, n. 40, (place de la Bourse.)
PARIS, 24 FEVRIER.
Le rapport de S. Exc. M. le ministre
' de l'agriculture, du commerce et .des trâ-|
.'vaux publias, relatif A la suppression
■ des- droits-sur les laines, justifie pleinement
la nécessité des réformes qu'il propose et
qui sontJa réalisation du programme éco-
• nomique inauguré par la lettre du 5 janvier.
Les résultats que des réductions partielles et
successives opérées de 1833 à 4836 ont déjà!
donnés et que'nousàvons fait connaître dans
u-n de nos précédera numéros, ont fait mon-,
ter les importations de lainesde 6,500,000
à io millions de kilogram., tout en laissant
son essor à la production nationale. Un tel
état de, choses était i certes une excitation
suffisante pour le gouvernement à entrer
dans une,voie- de réformes plus radicales,,
sans qu'op pût lui reprocher de se lancer
dans les aventures; et pourtant un journal
publiait, ces jours-ci, les plaintes d'un-agri-
culteur que la routine aveiigle encore, et
qui déplorait le triste état dans lequel al-;
laient plonger notre-agriculture les réfor
mes projetées sur les tarife des laines. r
Cette .erreur, d'autres la partagent^ sans;
doute; il est de notre devoir de contribuer,
à la dissiper;ne revenons pas sur les chif-j
fres que nous, avons déjà cités ; ils mon-
treut la consommatidn toujours croissante!
des Iaine^importées et des laines indigènes!
ainsi que l'insuffisance de ■ ces dernières ;
ce sont seulement des données qui permet-,
' tent d'asseoir des probabilités pour l'ave-;
nir; nous Irons chercher une preuve con-;
cluante, parce qu'elle reposé sur.-;des i faits: ■
■ accomplis, en Angleterre, où le principe de
la liberté commerciale est en application
. depuis quinze années. ■ i I
En 4842, la laine étrangère, — en Angle
terre, — était sujette à un droit variant dé
! 1/â à, 1 den. (5 à 10 centimes) par; livre ; la: *
laine des* colonies anglaises entrait libre-:
ment. Dans;cette année on a importé en
; laine coloniale 18,'467,212 livres,, et en lai
ne étrangère 27,144,995.v Cette protection;
' qui était destinée à profiter aux producteurs
f du pays et des colonies, a été abolie en 4844
, • et, quelques années après,.en 1853,.l'aug
mentation èst telle que les importations at-
' teignent les chiffres suivans : lai ae colo-
: niale 66 ,982,280 livres,' c'est-à-dire :plus
du triple qu'en 1842; laine étrangère,
S0,5i9,902 liv, c'est-à-dire presque le dou-j
"ble". L'abolition de la protection n'a pas été;
i on le voit, préjudiciable à la production co
loniale et,-pendant le même temps, la p.ro-
. duction des laines du pays a augmenté aus-
•JSi ;:mais là.'consommition, développée pan
"le régime de la.liberté, test devenue èi con-{
"sidérable, que,malgré toutes ces augmenta-»
■ tions, lesdemandes oût élôvéle prix de 1842
: de 11 den, la livre à i sh 6d.eiïl833 (t fr;
15 C. à 1;85 C.j. ; * ■ !
EnFrance,la Situation estla même.a L'ex-
• j> périehee a prouvé, est-il dit dans le rap-
» port de M. Rouher, que le prix de la
b laine est'indépendant de l'action du tarif;
■ » : et qii'à mësuré que les droits sont deve4
» nuis plus modérés, la prix ahaussé, parçe
» quela demande atoujours.été supérieure
» à l'offre. » ' • |
Qué valant donc les appréhensions des
producteurs dè laine indigène ? , i
■ Puisque noué sommes sur ce terrain* pousr
sons un peir plus "en avant. ; . . , ; . ' }
■Une communication laite par un êconor
miste distingué de l'Angleterre, et dont l'ho
norable M. Wolowski nous a gracieusement
'admis à faire aussi notre profit, permet de
juger dés avantages que nos voisins ont
déjà recueillis de l'application de ce systè-
. me, qu'ils'ont très largement pratiqué ; les
résultats acquis, les espérancesréalisées leur
indiquent la route à suivre : c'est de comp_lé*
ter 1'oçuvre.sj. héqr eusemènt 'commencée.'
Les chiffres qui font l'objet de cette inté
ressante -communication sont relevés à trois
époques diflérentes : en 1842, avànt-la ré
forme commerciale ; en 1853, après,"cette
réforme ; enfin en 1858, c'est-à-dire la der
nière année où les renseignement statisti
ques peuvent être facilement recueillis et
groupés. . - , .
Les importations et les exportations à cas
diverses.époques, vont nous donner "d'abord
des' résultats en bloc; nous - étudierons en
suite lc% détails. Les importations sont re
présentées; en 1842, par 63,200,000,liyçes
sterling (valeur officielle); nous les trouvons
montées en 1853, à 123,000^000 livres,près-
qu'au double;- et*, en: 1858, à 138-,000,000.
. Pendant temps,'' les exportations sont-
'elles demeurées stationnaires? Ont-elles
failli à la loi économique? Ont-èlles aug
menté parallèlement aux importations,
pour quelles produits pussent s'acheter
avec le^pfçduits? Voyons : En 1842,'la va
leur exportée est dë 47,300,000 livi st.; elle
s'accroît dans la môme proportion que l'im
portation; en'4833, nous constatons que le
montant, des exportations est de 98,700,000
:liv..isû, c'est-à-dire le double, pour arriver
en 1838 à 116,600,000 liv. st.
Pourxépondreaux exigences d'une aug
mentation si rapide dans, ses transactions
-commerciales, il a fallu à l'Angle terre,'cela
va sans dire, un mouvement de navigation
plus considérable la marine - étrangère a
profité'de ^ces transports .< plus multipliés,
mais lamarine anglais^ k eu sa lairge part
aussi daps cette augmentation tandis' qu'ien
4842 le tonnage des navires britanniques,
enttés du sortis avec cargaison,, ne s'élevait
qu'à5,415 ; 821 tonneaux, il £9 comptait en
1853 par 0,064,705 tonneaux, et 11,114,330
en 1858, et le tonnage des navires '■ étran
gers partait de 1,930,983 tonneaux pour ar-
,river.,!en 1858, à 7,64(^631 tonneaux. .
Par une conséquence toute naturelle, la
construction navale se ressentait aussi de
! cette augmentation; pour un -tonnage 'de
129,929 tonneaux. Représentant les navires
de commerce construits en 1842, les chan
tiers fournissent en 1853 et en 1858 des bâ-
• timens jaugeantensemble203,171 et 208,050
tonneaux. Il est à remarquer que la propor
tion croît plus rapidement pour les navires,
'àvapeurqtie poutlesnavires à voiles.
Nous pourrions ; montrer l'influence qu'a
eue sur- les finances et- sur la dette d'Auglé-
terre l'application dê sjDn système commer
cial ; nous nous bornerons à examiner, ( sous
oe rapport, les douQoes'iet les accises. Elles
se lient plus intimement air sujet; qui nous
occupe. >
. Les revenus provenant de ces- sources
étaient, en 1842, dé 33,842,791 liv. sterl. La-
diminution "résultant de réductions,et.de
suppressions de droits de douanes était éva
lués à 8,630,000 v liv. st. Donc s'il n'y "avait
pas eu d'augoaentatipn par le revenu, d'au-
très articles, lea.-douanes et accises:n'au-
raient dû -produire- que 25,000,000 liv.' en,
1858; eh bien! malgré ces énormes.réduc
tions, ellesont produit40,087,703 .1iVi, c'est'
: —:—:—: ; i
à dire beàucoup plus qu'en 1842. j r ' [
< Les effets sur la production et le commfcr- !
ce sont'plus saisissans encore. Nous avons!
vu^quèls ils ont été pour les laines; poùr le.
blé indigène, la; production s'est'accrue dai
1842 à 1853 de plus de 25 0/0; pour les soies ;
On rélève des chiffres que l'espace noùs con- w
damne à passer sous silence, mais qui Sont
d'une, éloquence incontestable. Arrêtons- i
nous un instant aux sucres ï 1 nous trouvons :
en 1842 le sucre étranger prohibé, le sucre
colonial' soumis à un droit de 25 sh. 2 d. ;
par quintal (31 fr. 45 c. par 51 kilos) ; l'im- ;
portation poiir la consommation est ide
193/i23 tonnes d£ 1,015 kilog. Depuis,von ;
admet les sucres étrangers concurremment '
avec les sucres coloniaux> et tous les -droits \
sont réduits considérablement. La çon- <
sommation s'élève en 1853 à'' ! 363,641 tofi- i
nés; et à 424,523 en 1858» En décomposant*
ce dernier nombre, on voit le' sucre colo- '
niai y-figurer pour. 268,395 tonnes. Les-co
lonies, loin d'être ruinées pailla concurren- 1
ce,étrangère, ainsi que le '.pronostiquaient '
les détracteurs de la réforme^ commercial, !
ont etivoyé de leurs proddits '500/0 dé plus !
que ^lorsqu'elles avaient le monopole du !
marché. -
En jetant un regard djésintéreisé sQr les ;
statistiques anglaises des dernières années, '
on est forcé de reconnaître qu'en dix ans :
de liberté commerciale la production a plus
progressé que dans le dernier siècles-tout '
entier, . Ces progrès devaient ;se traduire t
évidémmentf par une augmentation, de 'la ;
prospérité publique: Si nous consultons
les bilans de- la Banque d'Angleterre : aux \
diverses époques qui nous servent' de
dates comparatives, que trouvons-no us?'En !
1842, le montant des dépôts à oette Banque !
n'atteignait que 9>063,000liv. sterl. En 1833,
il a doublé et s'élève à 18,232,000 liv. Enfin, ;
en 1858, il a dépassé 20 .millions sterling. >
L'actif de cet établissement financier s'est
élevé dans de notables proportions. Ettl842, i
il eEt .de,30,lB90i((00 liv. sterl. de 44,80i,000 5
en 1853, et nous le trouvons en 1858 à plus
de i8 millions.. ... ■
La condition sociale du peuple a trouvé
aussi dans la réforme un élément rsalutaire ;
-etmoral-; l'aisance et l'abondance'aident;
puissamment , à la pratique "des devoirs so-î
ciaux. Les statistiques judiciaires consta- '
tent que,pendant ces quinze années, la pro
portion du nombre des accusés à la popu-.
lation s'est abaissée -de 193 à 91 individus'
pour 100,000 habitans, 'soit de plus de:
50 0/0. Les dépôts faits .aux caisses d'épargne 1
ont monté de 25,319,336 à 36,193,400 liv/
sterl., augméntatiôn qui témoigne de la
prospérité des classes ouvrières, et pendant:
î le même temp3 le paupérisme tend à.di-
minber. Les sommes dépensées en 1842:
pour secourir lespaùvr'esontété cfe 5,208,027
liv. st., soit, eu égard au chiffre de la popu-.'
lation, 6 «h. 5 d. 1/4 par têtev En'1858; cette
proportion se trouve réduite à 6 sh. 1/4 par;
tête,.après, être'mômé id-esceodue^^en 1853 à
5 sh. 8 d. par tête. .
Il' nous serait facile de mulliplier nos ci-j
tations: nous avons préféré les.choisir; Elle&
établissent surabondamment qiie cha'qii^
jôur les faits s'accumulent pour proyyer les,
avantages Incontestables conquis par l'An-i
gleterre dans le court espace de. douze à
quinze années par l'adoption et la mise, en
pratique des principes, du libre commerce.'
Elles nous montrent d'avance ce que la|
France peut attendre, à-son tour, du nbu4
veau régime économique ; dont la lettre im
périale pose. les - termes et dont le rapport
dô M. le ministre de l'agriculture, du com
merce et des travaux publics est la premiè
re application.
i 1 . F. P révost.
TELEGRAPHIE PRIVEE
- Londres, 24 février.
: Dans la Chambre des lords, lord Carnarvon •
appellerattentiondelaChambre sur, la nouvelle;
annonçant que le maréchal OlDonnell fiituiie
condition delà paix de l'extension "du territoire
espagnol en Afrique. L'orateur désire savoir si
le gouvernement a.reçu à ce sujet des infor
mations, une telle extension de territoire étant «
incompatible avec la déclaration faite par le
gouvernement, espagnol à l'ambassadeur de
la .Grande-Bretagne, , ' ;
;i-e ^ministre répond qu' il ignore si e. ltèrri- ;
toire sur lequel la victoire a été obtenue, a été
donné à l'Éjpagne. ; .
Vienne, 24 février.
Le Wandtrer a été saisi. ' ,
L'Ost Deutsche Post a reçu un premier aver
tissement. ' „ 3
T . , Turin, â3 février. >
Le clergé milanais, réuni hier en congréga
tion, a formulé "deux adressés" pour" témoigner •
de son. dévoûment au roi,et .à la patrie. Ces
adresses ont été présentées au gouverneur, qui ;
doit les remettre à S. M. Le bruit relatif a un
projet de proclamation du roi aux populations
de l'Italie centrale est controuvé. , , :
f.-TTurin, 24 février.
Milan, 24 février.—-Le roi a reçu aujourd'hui
la députation du clergé milanais, qui lui a re
mis use adresse. S. M. a exprimé sa satisfaction
.pour les sentimens contenus dans l'adresse.Elle
a ajouté: «Dans un moment où les partis poli
tiques cherchent à troubler les coûscieqcsssur
prétexte 'du .pouvoir temporel, il m'est cher
d'accueillir les, sentimens du clergé milanais,
v dignes de son ancienne renommée. Le clergé -
s'accorde avec moi en reconnaissant qu'il est
d'une haute importance que l'autorité 1 spiri- '
tûelle ne doit pas se mêler de la, question po
litique. » , '
• r . Marseille , 24 février.
Le vapeur Louise, de la/compagnie Valéry,
venant de- Libourne et allant à Bastia, puis à
Marseille, a. sombré hier, à quatre heures du
matin, contre la jetée avancée de Bastia, Une
dépêche," adressée, aux' assureurs du navire,
parle de cinquante victimes, y compris le ca
pitaine. Lespassagers étaient au nombre de 84/
. . . Madrid, 23 février, 8 li. 30. soir.
La Corr&pondencia dït .que lç gouvernement
travaille .d'une manière active pour la solution
de questions extérieures.
Le traité d'amitié avec le Pérou est terminé.
L'affaire delàdsttevis-à-vis du Danemarckpour
le péage du Sund par la marine espagnole est
déji avancée.
Rien de nouveau du théâtre de la guerre.
Tout porte à croire qu'elle continuera.
Madrid, 23 février.
Hier, à onz» heures du matin, on n'avait
pas encore reçu de réponse du Maroc aux pro
positions de paix du gouvernement espagnol.
Le . ,maréchal O'Donnell se préparait à de
nouvelles opérations. Ilattendait des chameaux
pour se mettre en route. . '
Ordre avait été donné à la division basque
de joindre l'armée d'opération. ,
(Bavas-Builitr.)
ff
r
Contrairement à l'attente de lord Pal-
.meps^on, là Chambre des Communes, n'a
pu encore terminer hier soir- le débat sui
la motion de M. Ducane. On annonce que
le vote n'aura lieu qu'à une heure très
avancéé dans.la nuit .de vendredi à samedi.
11 nous faut donc attendre à demain pour
cou naître le résultat de cette importante
discussion. Une dépêche télégraphique éva
lue à 60 ou 80 voix la majorité prévue en
faveur du ministère. >
Un seul orateur marquant a été enten
du,. parait-il, dans la séance d'hier. C'est
.M- pright, dont une dépêche télégraphique
résume; le discours en termes très brefs.
Et] attendant la décision de la' Chambre
des .Communes, les journaux anglais's'oc-
cupent de questions secondaires, ou , ré-
Ïiètent les argumens connus pour ou contre
e budget. Le Morning-Post, cependant,
tout en déclarant io le succès du minis
tère n'est p, I îux ; s'applique à faire
coniprenùi j nr >nservateurs que, s'ilB
venaient à trior.ipher, leur victoire mê
me leur susciterait k l'intérieur des^ em
barras extrêmes, a Admettons pour up
moment, dit-il, que l'amendement 'de
M. Ducane soit voté, et qu'à la veille d'un !
bill de réforme qui est inévitable, le.pays
Soit consulté sur le maintien des* impôts in r
directs qui mettent, à un si haut prix les ar
ticles consommés sous lé'toit de l'artisan. »
Que s'en suivrait-il ? • " :
- « M- Ducane et ses amis poussent la Chambre
à refuser .de-réduire le prix des articles con
sommés par les masses, afin d'épargner , aux,
classes supérieures et aux classes moyennes]
le surcroit d'un penny ajouté à l'income taxJ Si
une semblable proposition était adoptée, tous
les libéraux se rendraient aux hustings ayant,
à la bouche le crLde: Législation de privilégiés! ;
v Comment le parti conservateur résisterait-i 1 '
au torrent? La dé4sion de la Chambre des
Communes ferait accuser la constitution du
Parlement, et la clameur poussée contre,la lé- ;
gislatioin privilégiée se confondrait avec cellè
qui réclame un bill de réformé radicale. 11 ep
résulterait qu'une mesure de réforme par
lementaire qui satisferait les .'masses dans
un cas, ne .les ! satisferait pas dans l'autré. 5
Le libéralisme gagnerait du terrain; > le radi-
r calisme deviendrait puissant;, la législation
prendrait un.aspect différent; le pârji conser
vateur ruinerait ' toutes ses espérances, et se
réduirait à une slmpleifraction dans le pays.
» Ainsi, l'alternative dans laquelle le malen
contreux amendement dé M. Ducane place le
parti,est celle, de voir une.défaite se transfor-,
iner en une déroute, et la victoire elle-même,;
si elle était possible, en une déroute plus com-1
pléte_encore.» , .... . ■ • j
Il est vraisemblable qu'au fond les tories
pensent un peu comme le Morning-Poit, et
quîils regretteraient d'avoir à s'acquitter de -
nouveau, et dans de semblables circonstan
ces, de !atâçhe.périUeuse-de..présenter un;
bill de réforme. « Qiioi qu'il en soit, ajoutei
le journal ministériel, le rejet de l'amende
ment est chose si évidente, si certaine, qu'il,
est presque inutile d'insister sur la iausse:
tactique,que viennént d'adopter encore les.
conservateurs. » H.-M ahie M artin.
PARLEMENT ANGLAIS.
chàmb&s des communes. —Séance du 23 février.
Il est présenté pour, et ,eontre les principaux*
points contenus au budget plusieurs pétitions qui;
occupent d'abord une grande partie de la séance
du soir. •" • • ■.. "
M. B. Wood demande au chancelier de l'éohi-'
quier si, dans le cas où il y aurait sur les vins,
* en avril 1861, une autre réduction, on accordera,
à cett^époque le drawback ou rabais sur les vins
• rouges de Portugal et de France, en conformité
des ordres, ,de î'aeoise ,du il juillet 1843 et. du
20 juillet 1853 et de l'acte de l'accise du 21 juil
let' 1843.
le chancelier de l'échiquier répond que, lorsqu'il
a fait son exposé flnanoier dans la précédente.
séance, il n'a pas eu l'occasion de s'expliquer com
plètement sur ce sujet comme il l'aurait désiré.
11 n'est pas à souhaiter qu'il y ait une explication,
en cette circonstance: mais, dit-il, je la donnerai
en comité sur le tarif des douanes. Le gouverne
ment h'a'pas l'intention qu'il y ait un drawback
proportionnel à la différence existant entre le
droit actuel et le droit de 3 sh. A l'égard dei l'acte
.de l'accise de 1343, 11 a été spécialement révo
qué il y a huit ans.
Sir Joseph Paxlon. —Je désire demander au chan
celier de l'échiquier s'il est dans l'esprit du nou
veau-traité d'accorder au gouvernement français
la (acuité d'augmenter les droits sur les soies an-,
glaises importées en France et qui sont actuelle-.,
ment de 30 0/0 ad valorem. •
Le chancehtr de l'échiquier. — Il existe un gràtid
nombre d'aiticles qui sont l'objet de transactions
commerciales entre les deux pays, et ù. l'égard
desquels il n'y a aucun engagement de pris dans
le traité. : 11 n'existe, d'ailleurs, entre les deux gou-
verneinens, aucun engagement autre que ceux
mentionnés dans le traité. Nous nous croyons,
cependant, sutilsamment autorisés à penser qu'il
n'entre pas dans les intentions de la France d'ac
croître les droits dont sont trappés les articles im
portés. de ce pays, et dont le. traité ne s'est pas
ofccupé. En tout oas, le gouvernement français fera
sou& peu de jours - connaître en détail seiwmten
tions en ce qui ooncerne les articles non'compris
au-traité. ,
M. Knox demande au chancelier de l'échiquier
si, d'après les changemens projetés, les vins étran
gers et les liqueurs pourrontètre transportés dans
les. villes de l'intérieur, et dans ce cas si les droits
seront perdus par l'accise.
Lechancelier de l'échiquier dit que l'inti
-"établir un
jue vil le di
point praticable. <. . i
Répondant a M. Kinglçk», lord J. Rus.
que les documens qui complètent li
garantie dont on >avait, demandé la
tio'n jeudi .dernier, .dans ia discussion
Savoie et à Nice,, se trouvent dans
^es. documens.def.rEtat,, ,\
, M. Hubbard, reprend le débat sr.r la motionne
U. Ducapie, rela.iiye i au budget. Il combat le traité
.français, en insistant, sur ce -point que tous le»'
avantages; sont.du cOté de Ja Francs. Les conces
sions faites par l'Angleterre doivent avoir leur ef
fet immédiat ; mais celles de la France, les prin
cipales du moins,, sont- reculées j usqu'à 186*. Maîn-
tenant,jiour parlèr le .langage de la Cité, une pro
messe ae paiement de la part de -la France'n'est
pas une valeur négociable. M. Çobden, à la Vérité,
a converti l'Empereur aux principes du libre-
échange; mai», pour l'Angleterre, 'c^est payer trop
cher d'une augmentation de deux pence par
livre sur i'income-tax. la satisfaction de donner au
gouvernement impérial de France une leçon 'd'é
conomie politique. . .
Le'débat continuait au départ du courrier. Il
n est pas: probable, selon toute apparence, qu*
se termine avant samedi matin.
Le service Havas-Bullier complète par les
dépêches télégraphiques, qui suivent les r.en-
seignemens sur la dernière séance du Par
lement.
' . h ; Londres, 23 février, 9 h. 30. toir.
Le vote sur l'amendement de M. Ducane est
attendu' pour demain. La majorité pour le gou
vernement sera probablement de CO à 80.
La discussion qui avait été ajournée sur l'a
mendement de M. Ducane, continue.
,,, M. Hubb'ai d, ancien gouverneur de la Ban
que d'Angleterre, appuie l'amendement. Le
.traité est seulement! favorable à la France.
Pourquoi n'avpir pas demandé à la Rrance^de
désarmer, afin que l'Angleterre, de son côté,
fasse aussi des réductions î , '
11., Raines défend à la fois le traité et le
budget.
Londres, 24 lévrier, 2 h. matin.
M. Blachburn parle contre l'amendement
M. Baring attaque le traité. . .
M. Bright. dit que le pays entier approuve le
budget, et l'adoption de l'amendement aurait
pour résultat de nous aliéner la France et de *
provoquer un changement de ministère avec
augmentation des contributions indirectes. Si
' l'ancienne ligue des céréales existait encore,
elle aurait approuvé le traité. Il est faux que
es traité implique une soumission à la France;
la France accorde plus que l'Angleterre en ad
mettant des articles plus importans que les
Vins, esprits, soies'. La France réduit les droits
sur onze articles dont l'importation donnait
95 millions pat an. Quant aux charbons, M. .
Bright s'attache à prouver qu'il est.absurde de
prétendre que le traité devrait être rejeté à •
cause de cet artiela, , N
M. Witheside soutient l'amendement.
Le débat est ajourné.
Nous trouvons* dans l'Indépendance la dé
pêche adressée par M. le baron de Schlei-
nitz, ministre des affaires étrangères de
Pfusse, à M. le comte de Bernstorff, minis
tre de Pru?se à Londres , et relative aux
conditions d'accession de la Prusse au Con
grès projeté à la fln de l'an.dernier :
« Berlin, le 25 novembre 1859.
» M. le chargé d'affaires de S.: M. B. a bien vou
lu me donner lecture et laisser^opie d'une dépê
che que lord John Hussell lui a adressée, en date
'du lt courant, relativement à là réunion prochai
ne d'un Congres pour le règlement do la question
italienne.
» Après avoir constaté d ins cette pièce, dont je
joins ci-'aptés copie, qu'aux yeux du gouverne
ment britannique, il est entendu qu'un tel Gon-
grè'S pourra S'occuper de la situation de l'Italie en-
. HAnrt ûf nû oana A* I I k I n.. x_i i.
principal, seureiaire.a mai croit devoir appe
ler plus particulièrement notre attention sur un
point important^ de là solution duquel il déclare
que le gouvernement de S. M. B. iera principale
ment dépendre sa participation au Congrèf.
s Ce point, qui aurait déjà antérieurement fait
l'objet d'un échange de communications entre les
oabinets de Londres et de Paris, et au sujetdunuel
le gouvernement anglais désire connaître les in
tentions des deux grandes puissances qui, comme
l'Angleterre, se sont abstenues de prendre part a
' FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 25 FÉVRIER.
CARINE.
; vi. i
Mirius, en lui voyant lever l'a tête, s'était
replié vivement en arrière, avait franchi
; l'angle que coupait en deux son balcon; et
s'était rejeté daxis sa chambre sans attiref
l'attention de personne., . . , i
.Rentré chez lui, il n'y retrouva point le
calme il était : au 'contraire plus agité et
plus perplexe quG jamais.Cependant il avait
vu Carine! Ge nom, qui l'avait préoccupé
tout un jour, qui, tuut- wi jour, était de
meuré pour lui. provocant^ et " mystérieux
comme une énigme, il savait majnteiiant à
quelle individualité toute charmante et {ou-
te poétique il appartenait.
Carine était une belle et jeune créature:
elle vivait sous son "toit ; près de lui peut-
être.... Il était certain de tout cela; înai?
que de choses 1 encore il lui restait > api-
prendre, etqu'il était loiu.de tout savoir ! •
Etait-ce line jeune femme ou ,' unq jeune
fille 9 la sœur d'Elfride, Ja fille de M. Tef
gner î Etait-ce une étrangère, recueillie par
la compassion de la famille? était-ce un^
enfant coupable et. punie? j
Cette réclusion à laquelle on la condamj-
nait, si elle ne s'y condamnait point 'elle-
même, était-elle un caprice ou ua châti
ment? cachait-elle une faute ou un mal
heur ? Toutes ces questions, Mari us'se les
posait à lui-même; il les agitait dans son
ame avec la vive ardeur de sa nature et de
sa jeunesse, et il ne pouvait point les rér
soudre. ' ' . .,i
Je né saiss'il dormit bâaucoupcette nuit,-
là; mais ce que je puis du moins 1 affirmer],
' c'est qu'il n'avait jamais tant rêvé.
Le lendemain, dès qu'il entendit dans la
'maison de son hôte ces jmlie< petits bruits
■ auxquels on reconnaît que 1 activité deJa vie
succède enfin .à l'inerte repos; :du sommeil
et de la nuit, il descendit dans le jardin,, et
allas'asseoir surlebanc où,pendantsaveille
il avait vu Carine ; il lui semblait qusil choi
sissait de préférence la place même où elle
s'était plus lOflg-temps arrêtée ; puis,"voyant
qu'il était seul dans le-jardin", il entra dans
le massif
tôme nocturne. .
- Si, en< ce moment, il. eût levé les yeux
sur la maison, il eût. pu voir les rideaux
.blancs d'une fenêtre s'entr'ouvrir un. mo
ment, et une tête pensive suivre attentiver
ment chacim de ses mouvemens, comme
lui-même^spèadant la nuit, il avait suivi
ceux de Carine. " . ?
" Plus calme,:maintenant, tt la. tête.enfin
rafraîchie paivles douces brises du matin,
Marius remonta chez lui, se jeta sur son lit,
tout habillé, et fit ua somme. - >
Il Se réveilla unpeu tard; aussi se rappelant
les; ombrageuses susceptibilités de son hôte
à l'endroit de l'exactitude , il ne prit que le
temps de faire une toilette sommaire tt
expeditive pour «ne pas condamner à une-
attente insupportable l'estomac le mieux
réglé de Gothenbourg.
: Il en ifut idigoement récompensé j car il
entra le premier dans la salle à manger, un
quart de seconde avant Tagner, qui crut lui
taire uncompliment sans pareil en assurant*
qu'il n'avait jamais rencontié; ni une mon
tre ni un Français qui fusseut à l'àeurè
mieux que lui".
Cependant, sans être doué d'une pénér
tration excessive, il était laciie de s'apercer
voir qu'il y- avait comme un nuage-sur le
front de :l honpête négociant. .Aussi, après
la bienvenue, qu'il souhaita, du reste, très
cordialement > au jeune homme, : il croisa
ses mains derrière son dos, et, silencieusej-
ment, se promena de long en large dans la
saile à manger. 11 alla même une fois eu
deux dans la vestibule^ puis à la porte de. là
rue et à celle du jardin. Eafia, voyant qu'il
était bientôt dix heures, et que la majes
tueuse Utrique, d'un air important et af
fairé, commençaità disposer les plats sur la
table, il s'arma d'une résolution soudaine,
et, passant un bras sous celui de Dangiade,
après} avoir fait avec lui deux ou trois
lois le tour de la salle à manger :
— Je ne vous connais, dit il, que depuis
hier, et< pourtant il, me semble que nous
sommes ;de vieux aniis» tant, je me. sens de
confiance en vous. Je crois que no.us som- j
mets destinés à passer quelque temps en
semble, e.t que vous me ferez un jour la
grâce de regarder cette maison comme la
vôtre : il vaut donc mieux que je vous pré- :
vienne tout d'abord d'une chose dont il'se
rait impossible que vous ne Unissiez point
tôt ou tard par vous apercevoir. ;
• Après cet exorde par insinuation, Tegû'er
se tut quelques instant sans doute pour at
tendre la réponse de son.hôte. Miis, com
me celui-ci ne semblait point - disposé à
l'interrompre, après avoir- toussé une ou
deux fois, ainsi que font certains ptédioa-
leurs entre le premier et le second point de
leur discours : , ; . ■ > .
Vous connaissez déjà/continua-t-il en
baissant les yeux, ma femme et ma - fille;
maisEifride et Mme Tegner ne sont-pas
toute , ma famille; vous verrez"encore une "
autre personne. . Si, daasses paroles ou
.dans ses actions,.il vous arrivait de remar
quer quelque chose qui ne vous semblât
point parfaitement correct, il vaudrait
mieux, -— du moins je vous en prie, ~ ne i
pas paraître vous en apercevoir. j
Marius Dangiade, à qui ces mots causaient
une émotion çéaible, fit un geste muet d'as
sentiment, et Tegner reprit :
—• Cette personne...
, — Que vous appelez Carine, je crois?
— î -Ahl voussavez son nom?
— Ne l'avez-vous point prononcé deux
fois hier devant moi? «
—Eh bien ! Cirine n'est pas... a
M. Karl-Joan Tegner n'eut pas même le-
temps d'achever sa phrase; la porte du ves -j:
tibuie qui donnait dans la salle à manger!
s'ouvrit, ^et Mme Tegner parut, accompagnée
do deux jeunes filles : la première était El-
fride, avec laquelle, depuis la veille, Dan
giade avait fait a-:sez ample connaissance
pour, qu'elle lui tendît cordialement une
main que le jeune homme serrasans façon
dans la sienne, à l'anglaûe, c'est-à-dire très
fort, et .en imprimant, au bras je ne sais
quelle vibration, capable de lui désarticu
ler l'épaule.. Nos. pères baisaient la main
des femmes ; nous Ja secouons.
L'autre jeune fille,'qui semblait avoir ira
an ou deux, moins. qu'Eifride,. se tenait lui
peu en arrière de Mme Tegner.. O al eût dit
;qu'elle voulait? se perdre dans son ombre.
Le négociant hésita quelque peu avant de
la présenter à son hôte; cependant la pre
nant par la main : , -
— Carine! lui dit-il, sans la désigner au-
trément. , ,
Marius depuis longtemps avait resonnu
sa vision nocturne. Mais comme il ne l'a
vait vue qu'à une certaine, distance, il l'éxa-
\
mlnà avec une attention curieuse," dont Te
négociant ne s'étonna point, car il l'attribua
auvCostume dalécarlien qae portait la jeune
fille,! trop pittoresque pour ne point frapper
un artiste.
Quant à Elfride, elle suivaitTavec une at
tention non moins, vive, quoique très bien
veillante, toutes lesi mpressions qui se suc
cédaient sur la physionomie mobile et chan
geante du Français.
Mais Marius se sentit observé, et il don
na aussitôt à ses traits un masque impéné
trable, tout en se promettant de ne point
perdre une seule occasion de continuer
ses.intéressantes études.
Quant à celle que l'on appelait Carine,
elle fit à Marius, qui n'était qu'un étranger
pour elle, un salut léger d'une parfaite in
différence, et, sans prendre autrement gar
dé à lui, elle s'assit à la place qui semblait
lui être habituelle, à la gauche de M. Te
gner.
. Marius n'était pas seulement un artiste ::
c'était un homme,qui avait l'usage du mon
de et qui savait vivre. Il comprit tout de
suite qu'U se trouvait dans une position dé
licate et difficile; qu'il y avait des souffran
ces autour de lui; que sa présence pourrait
les aggraver., et qu il ne devait plus main
tenant songer, qu'à une prompte retraite,,
aussitôt qu'il pourrait l'essayer en sauvant
les apparences. L'important, . maintenant,
c'était de'faire bonne contenance et d'em-
êcher qu'une impression, d'ailleurs bien
«fi
aturelle de malaise et de contrainte , ne
vînt assombrir les visages pendant cette
première rencontre entre Carine et lui. Il
fit donc appel à toutes les ressources de
son entrain, de sa verve et dô sa belle hu
meur: il eut de l'esprit, , de la gaité, des
saillies. Il'expliqua la théorie de la bouilla
baisse à Tester, à propos d'une certaine
sauce de truiteà laquelle il retourna; parla
religion à l'austère ; Brigitte, et chiffonna
les modes parisiennes avec Elfride. Il eût
volontiers essayé de pousser* pendant qu'il
se sentait en train, une légère reconnais
sance du côté, de Carine : mais il faut, bien
convenir, qu'il en fat .pour ses frais, et.que
la belle insouciante n'eut pas même 1 air
de soupçonner ses intentions. Une fois ou
deux, cependant, au milieu de la conversa
tion de Marius avec Elfride, on eût pu voir
un faible sourire trembler aucoin .de ses lè-
vres; mais, sans oser,toutefois s'épanouir
sur .sa bouche sérieuse. Quand il fut certain
qu'elle comprenait parfaitement le français,
ainsi dureste que toute lafamilleTegner—car
tandis que la Norvège, oublieuse de la Fran
ce, se tourne de plus enplus du côté de l'An
gleterre, la Suède reste fidèle à notre lan
gue et à notre littérature—ils'oecupa d'elle
indirectement, mais constamment. Une fois,
une seule fois, il crut remarquer, qu'elle
avait arrêté sur lui son œil rêveur ; mais
Marius ayant, au même instant, tourné la
tête de son côté, elle baissa promptement
ses paupières; pas assez vite cependant pour
que l'artiste n'eût pas le temps de plonger
à travers ce regard jusqu'à l'ame même, où
il croyait deviner une tristesse profonde.
Pendant le reste du déjeûner, la jeune fille
demeura complètement insensible à tout
ce qui se passait autour d'elle.
Marius, tout en causant beaucoup, pour
endormir les susceptibilités, peut-être déli
cates et jalouses, de la famille; profita de
l'espèce dé concentration dans laquelle la
jeune fille se plongeait comme à plaisir. Il
admirait son. élégance naturelle et sa grâce
exquise, à l'égal de sa beauté. Il trouvait un
charme infini à ce regard profond et voilé;
ses tempes délicates et transparentes sem
blaient lui révéler toutes les tendresses de
celles qui furent créées pour aimer et pour
souffrir. f
; Quoiqu'elle eût à peine prononcé quel-
(jaes paroles, sa voix parut à Marius possé
der la sonorité du timbre, à la fois le plus
pénétrant et le plus pur. Lors même qu'el
le parlait bas, cette voix charmante avait
cette qualité particulière et ce don si ràre
d'émouvoir, que l'on ne peut rendre que
par un mot : voix sympathique ! Selon l'ex
pression un peu vulgaire; peut-être, mais
très juste, cette voix portait loin. Comme,
au moment de son apparition nocturne>
Marius voyait'toujours dans Carine quelque
chose de maladif, de vague, et même d'un
peu étrange qui faisait dire tout bas : Une
grande douleur a passé par là!
Grâce à l'entretien et aux efforts vrai
ment inouïs que fltle Marseillais pour main
tenir la i conversation pendant tout le dé
jeûner, la glace tut rompue : "on ne sen
tit pas trop de contrainte, et tout le mon
de sembla prendre son parti de voir un
étranger si brusquement introduit dans
les mystères .même les plus intimes de la
famille.. A'ussi la belle humeur à laquelle
l'excellent Tegner tenait tant, sans doute
parce qu'il avait remarqué À quel point elle
facilitait chez lui la digestion, avait complè
tement reparu sur son visage, lorsque sa
chère Elfride prépara le thé cômmela veille.
Carine, qui n'avait même pas approché ses
lèvres des/verres dans lesquels le domesti
que lui avait versé de la bière et du vin, et
qui n'avait bu que de l'eau pure, sortit un
peu avant la fia du repas, et Marius put re
marquer qu'en partant elle avait emporté
avec elle la dernière trace d'inquiétude
chez ses hôtes. Elle n'avait, du reste, rien
fait qui pût justifier leurs craintes.
Le déjeûner fini, il prit son album et ses
crayons, et s'en alla courir dans la • cam
pagne, sous prétexte d'étude. A vrai dire,
il avait besoin d'être seul. Fut-il seul vrai
ment , au milieu de cette nature grau-
diose et triste;'de ces montagnes couvertes
de bruyères, de ces rochers granitiques cou
ronnés de l'éternelle verdure des sapins,
où déjà n'emportait-il point avee lui par
tout une image que le temps, sans doute,
n'avait point encore gravée dans son ame,
mais qui passait et repassait devant ses
yeifx? C'est là ce que lui seul pourrait dire.
Tout ce que nous savons, nous son histo
rien, — c'est que. jusqu'ici, Marius n'avait
jamais quitté le Midi, et qu'il ne connaissait
que les teints bistrés, les. yeux bruns, les
cheveux d'un noir sombre comme l'ébène,
ou lustrés de bleu comme l'aile du corbeau; '
Dieu me garde de médire de la beauté des
femmes de Marseille. Il y a là cent familles
qui ont gardé, comme un héritage incon
testé de leurs aïeux, la splendeur de leur
type oriental.-Nulle part, en Europe du
moins, je n'ai vu de bouches plus pures,
de profils plus fiers, de fronts plus fine
ment modelés, en un mot des têtes vivan,-
tes calquées plus fidèlement sur l'immor
telle beauté des statues et .des médailles de
la Sicile et de Grèce. .
Mais, si éclatante qu'elle soit, la beauté
brune n'a guère qu'une note, et, quand on
l'a suffisamment chantée, on se rappelle
que la gamme complète en a sept, sans
compter les dièzes et les bémols.
Indépendamment de ce prestige de l'in
connu qui l'entourait, si plein de séduction
pour une nature jeune et avide de-toutes
les émotions delà vie, Carine était encore
pour Marius toute une révélation :1a révéla
tion de cette beauté blonde qui fut celle
d'Eve, de Vénus et d'Hélène, de toutes les
femmes auxquelles le monde idolâtré des
artistes et des poètes éleva jadis des autels,
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