m AN KÊË.-r 85.
BUREAUX A PARIS F roë d« Valois (Palsls-Roytl); n: 10J
B
JEUDI 26 MARS 1857.
tanemens des départcmeas. '
TROIS MOIS.;g.%jg.''? f ï. i S
sa mois.^.
ÏJN AN • ..V^( * V • « » o • . t
16 FE.
.32 m. '
64 FH.
POUR LES PATS ÉTBAKGEBS, TOll 16 tabl6a*
yubJiè les s et 20 de chaque mois. _
(npiimcrl* I.^BOHITACB, ne
POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
Àhonnemcns do Paris.
trios mois. rVi f r./r?ïv 13
six MoiS'....vrm ,, rr î r: 26 n;
un- ait.. .32 ra.
UN NUMÉRO 20 CENTIMES.
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, Les abonnemens datent des l«
'■■■; ■>.•'■. de chaque mois.
chez Mî P aris j régisseur' dès' Journaux;
I igofet C»; 8, .plaça delà Bourse*
et 16 .2
- •%,
PARIS, 25 MARS.
-La chambre des députés du Piémont
Tient d'adopter, sur la proposition du gou
vernement, un projet de loi destiné à ré
soudre une question,' qui a été soulevée:
plus'd'une fois dans notre pays, et qui l'a
été tout récemment encore à propos des
mesures restrictives prises par la Banque
de France : celle de savoir si la loi dôit po
ser un maximum au taux de l'intérêt.
On sait faè la Banque, afin de maintenir •
entre son encaisse métallique et Ses émis-*
sions de billets la proportion' commandée
par l'expérience, avait dû élever le taux de
l'intérêt et réduire le tèrme des échéances
des effets admis à l'escompte. La première
de ces deux mesures fut acceptée avec ré
signation par le commerce. Mais il n'en
fut pas de même de la seconde, qui gênait
les habitudes etqui dérangeaitles conditions
ordinaires destrànsactions, Onaurait mieux
aimé que la Banque portât le taux de l'es
compte encore plus haut, et qu'elle ne tou
chât pas au terme des échéances. Et,~ en
effet, il est facile de < comprendre qu'une
plus grande élévation du taux de l'escompte
serait moins préjudiciable au commercé,
. qui en serait quitte "pour payer l'argent un
peu plus cher, et qui, d'ailleurs, pourrait, à
son tour, exiger un plus haufprix'des ser
vices qu'il rend au consommateur. * ■
'Mais, en présence de la législation exis
tante, le choix n'était pas facultatif. Le Code
a posé une limite- au taux de l'intérêt^
Il poVte expressément que l'intérêt con
ventionnel ne pourra excéder, en matière
civile, 5 G/0, ni, én matière de commer
ce, 6 0/0, le tout sans retenue. Ainsi donc,
lorsque la Banque de France avait porté
le taux de l'escompte à 6 0/0, elle ne pou
vait aller, plus loin, et, si cette mesure n'é
tait pas suffisante pour atteindre le but, il
lui fallait nécessairement recourir à un
autre moyen qu'elle pût employer concur
remment. La réduction du terme des effets
admis à l'escompte, n'était donc,-jusqu'à
un certain' 1 point, que la conséquence de là
limite imposée par la loi au taux de l'inté--
rêt commercial. j
En Angleteire, comme cjiez nous, on
avait autrefois réglementé le commerce de
l'argent. Le taux maximum de l'intérêt,fixé
par Henri Vliï à 10 0/0, fut réglé par ûn sta
tut de la reine Anne à .5 Q/0. On pronon
çait .la nullité contre tout, contrat dans
lequel un intérêt plus considérable serait
stipulé. Mais es décret tomba peu à peu en
-désuétude? Enfin, après plusieurs déroga
tions autorisées par différens bills, des actes
rendus successivement sous Georges III et
sous la reine Victoria, abolirent définitive
ment la limitation du taux de l'intérêt pour
les lettres de change, billets à ordre ou
tous contrats, d'emprunt excédant 10 liv.
sterl., pQiirvii que l'emprunt ne fût,pas ga
ranti par une hypothèque foncière. .»
Ainsi, sous çe rapport, la Banque d'An
gleterre jouit actuellement d'une latitude
-que n'a pâ^la Banque de France relie
règle son escompte sur le cours du change,
sans qu'aucune " prescription vienne l'ar
rêter. Quand elle reconnaît une différen
ce, préjudiciabië' entre le cours de l'Angle
terre et celui du continent, quand les effets
• affluent'à Londres pour s'y faire escompter,
elle élève le taux de l'escompte, et nousl'a^
vous vue le porter jusqu'à 7 0/0. Alors, le
change baisse et, comme l'expliquait.fort
bien.M. de Gavour à la chambre piémofc-
taise, la Banque empêche ou restreint, de
cette manière, l'exportation des capitaux
anglais. - ! "
Le Piémont va également abolir la limite
légale de l'intérêt conventionnel. Devons--
noua suivre l'exemple qui nous a été donné
par l'Angleterre et que le petit royaume de
Sardaigne nous donne à son tour? Nous
croyons que la léponse ne serait pas dou
teuse, si la question devait se décider, uni
quement par des considérations économie
ques.
Le taux de l'intérêt, sous quelque forme
qu',ilsoit payé, comprend un véritable lover
de l'instrument appelé capital, et, de plus,
umrprime d'assurance destinée à couvrir
les risques de perte auxquèls il est exposé.
Or, on comprend qu'il n'est guères possi
ble de fixer, de par la loi, une limite aux
variations d'élémens qui peuvent cjùnger
d'une manière radicale, tous l'influence"
des circonstances générales et sous l'action
d'une multitude de circonstances particu
lières. Il y a là quelque, chose qui, par :sa
nature même, échappe ^législateur.
" Pour ne parler que de ce qui touche plus
spécialement le loyer du capital,, il varie ,
comme toutes les valeurs,- en -raison de
l'offre ou de la demande. Il monte ou bais
se selon que la quantité de capitaux dispoT^
nibles est plus ou moins.considérable rela
tivement à celle qui est réclamée. Plus la
demande pour" emprunter est vive, ou plus
Jes capitaux disponibles sont rares, et plus
le taux de l'intérêt s'élève; il baisse, au
contraire, quand la demande.'s'arrête ou
quand les capitaux disponibles" abondent
sur le marché: Le capital mobilier obéit
donc à une loi supérieure à toutes: les lois
écrites, à une loi économique qui est l'are-:
gle commune de toutes les valeurs.
Il paraît d'ailleurs résulter de l'expé
rience universelle, que les lois, qui ont
voulu inùposer une barrière à la hausse de
l'intérêt, gênent presque toujours le com
merce au lieu de le servir. On peut surtout
consulter, à ce sujet, les"résolutions qui
ont présidé à l'abolition successive ,des
mesures de ce genre en Angleterre.
« C'est l'opinion du comité, disait la com
mission de la chambre des communes '
chargée d'examiner le bill de 1818; que
les lois, qui règlent ou qui limitent le
taux de l'intérêt .ont été; éludées sur une
grande échelle, et qu'elles n'ont pas at
teint lé but qu'on se proposait en fixant
Un maximum ; que, dans les années qui
viennent de s'écouler; le taux réel ayant
constamment excédé le taux fixé par la
loi , la législation 1 n'a fait qu'aggraver
lés dépenses supportées par les emprunr :
leurs; que ces emprunteurs se sont vus
contraints de recourir à divers systèmes
imaginés pour masquer un intérêt supé
rieur à l'intérêt légal, et qu'en définitive :
ceux qui avaient à emprunter ont dû tan
tôt supporter des frais considérables, tantôt -
vendre à des prix onéreux» »
Plus tard, lorsque des enquêtes furent
faites sur les, conséquences de l'abrogation.'
de ces lois, les .témoignages ont été à peu
près unanimes sur les bons résultats qu'elle ,
avait produits. La cour des directeurs de
la.Banque d'Angleterre déclarait que cette
abrogation avait grandement facilité les
opérations de la Banque • qu'elle ^tait in-
dispensablé, au. maniement de la circu
lation. Les négocians .affirmaient que ,
grâce à la liberté' dû taux de l'intérêt ,
ils avaient pu .se procurer de l'argent et
conduire leurs affaires avec une extrême
facilité. S'il leur avait fallu quelquefois,
dans les moméns de crise, payer l'ar
gent plus cher, .c'était un sacrifice -qui
correspondait k~ une perte minimê. Une*
maison de commerce, qui avait • fait es
compter 100,000 francs à 6 p. 0(0 au lieu
de 5 p. 0/0, n'avait supporté en*définitive
qu'un surcroît de frais de 1,000 fr. Or,
qu'était-ce que. ce . sacrifice, clsmparative^
ment à celui qu'elle aurait subi, si le capi
tal, se retirant devant la loi du maximum;
lui avait fait défaut, et si elle avait .été ré
duite à vendre à tout prix 1
La question, 'envisagée uniquement, au
point de . vue commercial; nè semblerait
donc pas douteuse. Mais il y a d'autres;
considérations qui viennent la compliquer»
Il faut tenir, compte de l'état des lumières
et des mœurs. En Angleterre, où l'in
dustrie -et le commerce jouent un si
grand rôle , où les travailleurs de tou
tes les classes «ont familiarisés avec les
principes économiques qui les régissent,
cette réforme a été d'autant plus facile;
qu'elle était en quelque sorte sollicitée par
l'opinion. Chez nous, il règne encore beau
coup d'erreurs, beaucoup de préjugés sur
cette matière, 'et ce qui était demandé de
l'autre côté du détroit pourrait être Jort
mal accueilli par une partie de nos po pù-
lations. On pourrait craindre-que l'usure,
qui dévore quelques-unes de nos campa
gnes, ne se trouvât encore surexcitée par
l'abrogation pure et simple des peines qui
la frappent ou qui la menacent actuelle
ment.- • '
D'ailleurs ^Angleterre elle-même n'a pro
cédé qu'avec beaucoup de ménagemens.
Ainsi, én 1819, on commençait par déroger
au statut de la reine Anne, en décidant
seulement qu'une lettre de change ou
un billet â. ordre qui serait déclaré nul
poiîr cause d'usure; serait valable dans les ;
mains d'un possesseur de bonne foi. En
1833, on n'abrogeaUles lois sur l'usure qu'en
,ce qui concernait les lettres de change et
billets àordre de trois mois d'échéance et au
dessous. Pliis tard, on étendit l'exemption
aux effets doni l'échéance n'excédait pas .
, une année, puis enfin; à tous les. contrats
d'emprunt. Aujourd'hui même, les._prêts
mobiliers au-dessous de/10 livret ster
ling, c'est-à 1 -dire les-prêts à la petite
semaine, tombent encore sous le.coup des
. lois sur l'usure. Il en est de même des prêts
hypothécaires. Si,'en Angleterre, où l'opi
nion publique était favoràble à l'abrogation
des lois limitatives de l'intérêt, on a pris tant
de précautions, il y aurait encore bien plus
de ménagemens à employer chez nous pour
réalisér une réforme, qui, nous le craignons
bien, n'aurait pas lès sympathies populai
res, et qui , pour conjurer des dangers
vrais ou supposés, aurait .peut-être besoin ;
d'être précédée de nouveaux dévelôppe-
mens dei nos.institutions de crédit. »
• J. BDRAT.
La Conférence pour l'affaire de NeucM-
tel a tenu au jourd'hui sa quatrième séance,
au ministère des affaires étrangères.
M. Kern, envoyé extraordinaire de Suis
se, y assistait.
Les journaux anglais nous apportent au- !
jourd'hui le document suivant. C'est le pro- !
gramme officiel de lord Palmerston :.
- ; Adresse de lord palmerston aux électeurs de
Tiverton. , ;
Messieurs-, .........
. :■ Le parlement ayant été dissous, pour donner .
aux électeurs duRoyaume-Uni l'occasion d'expri- '
mer leur opinion sur l'état des affaires puBlir <
ques, je me présente à vous pour solliciter de '
nouveau .le mandat que vous avez bien voulu
me confler depuis long-temps. :
La question soumise à l'appréciation du pays
• est de savoir dans quelles mains les destinées ,
de la nation seront remises..Cette chaige côn-, '•
tinuera-t èile à êtfe confiée à la présente ad-
- ministratfon, ou bien sera-t-elle transmise à.
cette agrégation d'élémens hétérogènes dont '
l'action combinée a amené, dans ces derniers
temps, un vote de censure contre le gouverne
ment de S. M. ? .
Les titres de l'administràtion actuelle à la
confiance du pays 'sont basés sur des faits et
des évéuemens cjui formeront un chapitre im- .
portant dans l'histoire de notre époque. Nous :
avons pris la direction des affaires, pour obéir
à notre souveraine, à un moment rempli de s
difficultés, au milieu d'une grande guerre et ;
alors que ces hommes qui jusqu'alors avaient
^té considérés comme chefs de partis,. refu
saient,par un motif ou par un autre, de prendré ;
la responsabilité des affaires ou ne pouvaient ,
former une administration qui, dans leur opi- i
nion, fût à la hauteur de la crise. La guerre^
dans laquelle le pays était engagé a été condui- i
.te avec Vigueur et énergie, avec la sincère coopé- !
ration de nos braves alliés, les-Français, les ;
Sardes i et les [Turcs; elle a été heureusement ;
terminée, et il en est résulté un traité de paix
qui a atteint le but que l'on se proposait, et i
qui a assuré aux alliés aes conditions qui avaient
été envisagées, par quelques-uns d'entre, eux,
comme ne devant meme pas être proposées et,
comme impossibles à obtenir. 1 . > r
Lors de l'exécution des stipulations dé ce
traité, des,difficultés s'élevèrent sur des ques-"
tions de grande importance. Ces difficultés,
le gouvernement de S; M-., par sa fermeté.'
dans les négociations, a fortement contribué à
les résoudre d'une manière satisfaisante,et les .
résultats que le traité- avait* en vue ont été :
complètement atteints en ce qui concernait les
uestions qui avaient donné naissance aux dif-
cultés dont je parle. . .
Au commencement, de la dernière session du >
qi
&
parlement, nous annonçâmes l'intention de
supprimer la partie de l'income^tax destinée à
subvenir aux frais de la guerre, et nous pré-
SPîitf.'.nes au budget une majorité de 80 voix.
- La #uen'3 de Perse, qui avait eu pour cause
les agressions et les violations des engagement
commises par le gouvernement persan, a été
terminée par un trafté de paix conclu à Paris;
Nos relations diplomatiques avec les Etats-
Unis ont été régulièrement rétablies par la no-j
mination de lord Napier .et son départ pour
■ Waslnngtôn. ; - '
Dcs.documens ont été présentés au parle-
'ment, qui expliquent les raisons qui ont' obligé
les gouVerneniens devance et d'Angleterre à
retirer de Naples leurs légations, et aucun'
. membre du parlement n'a donné, avis : d'une
motion qui dût être fondée sur ces documens,
€'est que, sur aucune de ces questions, l'op
position n'a cru possible de diriger contre le
gouvernement une attaque: victorieuse...
Mais des événemens d'une grinde importan
ce ont eu lieu en. Chine. Le gouvernement de
S. M. n'avait pu lés prévoir et ils ne sont pas
la conséquence de. mesures prises par lui.
Un barbare, insolent, exerçant l'autorité à
Canton, a outragé le pavillon anglais, violé lès
traités, offert des primes pour les têtes des su-t
jcts anglais qui résidaient dans cette partie d&
. la Chine, «t conspiré leur ruine parle meur-i
tre, l'assassinat et le poison. ■
". Les autorités anglaises civiles et militaires
- de la station ont pris les mesures qui leur ont
iparu convenables et nécessaires pour obtenir
. ; satisfaction, et réparation,'et le gouvernement
de S. M. a approuvé la conduite tenue par ces
; autorités pour venger l'honneur national et
défendre les droits nationaux. Une coalition dé
parti? politiques, qu'on n'avait jamais vus
unis, jusqu'à la; dernière session, a voté une
résolution déclarant injustifiable la conduite
' tenue par nos agens en Chine, et par suite cen-
' surant le gouvernement de S. M. pour avoir
approuvé.cette conduite. .
Mais si cette conduite est injustifiable, le
fouvemement anglais, au lieu de demander
es excuses, doit en faire. Au lieu d'exiger sa
tisfaction du commissaire chinois,, il doit lui
offrir des réparations, et, cette conduite, le?
adversaires coalisés dû gouvernement doivent,
pour rester conséquens avec eux-mêmes, se
tenir prêts à la suivre, si leur victoire parle
mentaire les Installe au pouvoir. "
Le peuple anglais donnera-t-il son appui à-
des hommes qui se sont ainsi efforcés de l'aire
dp l'humiliation et de la dégradation de leur
patrie un marche-pied pour escalader le pou-
■ voir? .
J'affirme en toute assurance que telle ne se-
. ra pas la rêpûpse des électeurs, du Royaume-
, Uni à l'appel qui leur est fait en ce mondent. :
: Nous offrons au pays un gouvernement, fon
dé sur des principes tout. diffêrens. Au dehors,
-nous nous efforcerons de la manière la plus,
sérieuse de procurer la paix, mais la paix avec
honneur'et sécurité, là'paix avec'le maintie
des droits nationaux, la paix avec la sécuriti
pour nos; concitoyens dans, les pays étrangers.
An-dedans, nous prendrons pour règle de notre
; conduite une judicieuse et sage économie, une
amélioration progressive; dans tout ce qui con
cerne le bien-être . .de la, nation, l'extension
croissante deTéduca'fyo'n dans le peuple et touî-
tes les réformes que-rendront," de temps à au
tre, nécessaires, le changement des circonstan
ces et le développement de l'intelligence .po
pulaire. ' ' "'.
; ¥ailà avec quel programmé je mo préséhte i.
vous, ét J'attends avec confiance le résultat
de la .part que vous allez prendre à la déci
sion solennelle .que les électeurs du Royaumer
Uni sont appelés à rendré. 1
; J'ai l'honneur d'être, Messieurs,
Votre obéissant et dévoué serviteur^
PALMERSTON.
94, Piccadflly.'23 mars. ; ,
La (îa»e«e autrichienne, sous la daté de
Vienne, le 20 mars, s'exprime de la ma-
: nière suivante au sujet du rappel de M. de
Paar, ambassadeur d'Autriche à Turin : ;
/ « Le gouvernement sarde manifeste de plus
en plus ouvertement sa pensée de conquérir
l'Italie en la révolutionnant. Dans les derniers
temps, cette pensée s'est produite avec une \ior
* lence et une passion fébriles. Les grands résul
tats de l'apparition personnelle de l'empereur
dans ses pays héréditaires italiens paraissent
avoir enlevé aux gens d'au-delà du Tessin. les
derniers vestiges de -la raison. Le désespoir
donne de la colère, les partis révolutionnaires
se trouvent saisis d'une irritabilité maladive,
quand lés réformes.sages leur enlèvent sûre*-
ment et constamment au terrain. Voilà com
ment il s'explique'que le comte Cavour charge
les finances de son pays, qui souffrent encore
du dernier emprunt dépense inutilement, d'une
somme de 5 millions, qui montera au moins
à 10, pour rétablir une forteresse sur la fron
tière autrichienne. Lès : objections qui ont été
; faites:dans la chambre sarde contre l'utilité
des fortifications d'Alexandrie, sont restées
• sans effet, car le gouvernement sarde tenait
moins à des moyens stratégiques qu'à crier à la
population italienne. ■ « Persévérez, nous nous
préparons..» Le comte Cavour l'a dit expres
sément : « La fortification d'Alexandrie est
une conséquence^ notre politique,, qui con
siste ' à dêl'and-re les droits légitimes de l'I
talie. » La çhambr'e sarde a fait > preuve d'nn
aveuglement déplorable, en accordant après
un tel exposé .. aiH ùss là demande dutçouver-
nement à .400 voix de majorité. Maintenant un
représentant du gouvernement autrichien ne
peut plus rester avec honneur dans une telle
société, et il est probable que dans ce moment
même la légation autrichienne quitte Turin.»
Nous lisons dans le Courrier de l'A llemd'
gne orientale , sous la date de Vienne, 21
mars; les explications suivantes sur le même
sujet : . ■ .
« Le chargé d'affaires d'Autniche à Turin a
reçu cette semaine l'ordre de quitter la capi
tale delà Sardaigne, et de se rendre à Vienne.
Mais le cabinet impérial, en se détermi
nant, dans, le séntiment de sa dignité, à ce
rappel, a eu soin en même temps de lui enle
ver tout, caractère qui pourrait compromettre
les intérêts de la paix.'Nous apprenons que
le, comte Paar n'a nullement reçu l'ordre de
demander ses: passeports et de notifié; au
cabinet piémontais une rupture des relations
diplomatiques. Lé chargé d'affaires d'Autriché
prendra congé du comte. Cavour dans la forme
usitée pour les départs. ordinaires ; il est ap-,
felé à Vienne pour répondre, personnellement
certaines questions , et s'il n'est pas en po
sition de dire quand il reviendra et si , mê
me }1 reviendra, c'est là une conséquence de
rapports dont l'amélioration-est aux mains dii
comte Cavour lui-même. L'Autriche maintient
ouverte la porte d'une politique conciliant
.te. Elle nè demande rien qui touche le meios
du monde à la prospérité,'à l'honneur, à la
sûreté, du Piémont; elle prétend seulement
que les grands biens qu'elle respecte dans les
autres Etats lui soient' assurés également. Vrai
ment le fort n'a jamais élevé vis -à-vis du fai
ble des prétentions plus modérées. »
On lit enfin dans la Gazette nationale de
Vienne, du 20 mars :
; « On apprend que la seconde note remise au
cabinet piémontais développe ce thème ; Que
l'Autriche, animée du plus vif désir de procurer
le plus grand bien possible à ses sujets lombards-
vénitiens, désirait aussi dans son intérêt, ou
devait désirer trouver dans le reste de l'Italie
des gouveraemem et des administrations bien
Organisés; muis elle ne pouvait ''souffrir que
son droit fût attaqué systématiquement par les
organes deJa presse piémontaise. Cette note
n'a,été envoyée, qu'après le retour de LL. MM.
à Vienne. . . .
. , »On apprendquelordPalmerston n'approuve
pas la conduite au Piémont et qu'il lui con
seillera de suivre une politique moins agitatrice!
;ll paraît aussisqu'on vvoit d'un mauvais œil, à
Londres lé rapprochement entre le Piémont et
la Russie, et l'ostentation avec laquelle il s'est
fait. . "• " ■' ; . ;.
1 » Un conseil de cabinet de plusieurs heures
a été tenu hier sous / la présidence de l'empe
reur. Oa assure quedés affaires de Hongrie en
étaient l'objet. On né croit pas çriie des modi
fications de principes soient, opérées dans l'or
ganisation actuelle de ce pays ; mais on réali
sera toutes les .améliorations administrative 6
compatibles avec le système de la centralisa
tion, et on fera droit aux réclamations'des pro-
testans hongrois. » ;
. La Gazette dè la Bourse, de Berlin, du 23
mars, rend ainsi'compte 'de la" séance-de ce
jour à la chambre des députés : -. " "... " ^
«Au commencement de la séance, le prési
dent du conseil a déposé à la chambre des dé
putés le traité du péage du Sund. Une com
mission spécialeaéte nommée aussitôt et char
gée de faire son rapport le plus tôt possibles ;
- » On a repris alors la discussion générale des
nouvelles lois d'impôt. M. de Bardeleben, le
ministre desfinances, le ministre de la guerre;
le commissaire dù gouvernement Bager, et Ml
Krupka ont pris successivement la parole. La
discussion a été fermée après que la chambre
a eu entendu encore une fois le rapporteur de
la commission.
» A la fin de la séance, le président du con
seil a déposé les traités conclus entre la Prusse
et la Russie sur la jonction des chemins de
fer. » ' ■ : - :
Nous recevons, par le paquebot Niagara,
nos journaux des Etats-trnis jusqu'au 10
marsl. Nous lisons dans le Neiv- York-IJerald:
/ « Le prochain congrès, on le sait, ne se réu
nira pas avant le inois.de décembre prochain.
» La cour suprême .des Etata-Uais a rendu
vendredi une décision des plus importantes
pour les propriétaires d'esclaves. Ce tribunal,
qui juge en dernier ressort l'interprétation de
la Constitution et des lois, a décrète que les nè
gres ou hommes de couleur,libres ou esclaves;
ne, sont pas citoyens des Etats-Unis en vertu
de la Constitution fédérale; que l'ordonnance
-de 1787 a été remplacéepar la Constitution; que
le compromis du Missouri de 1820 était un acte
inconstitutionnblj que * les propriétaires d'es
claves ont le droit de conduire leurs esclaves
dansées territoires; que la Tondition légale
d'un esclave dans un Etat à esplaves n'est pas
affectée par un séjour temporaire dans un Etat
.libre; et que le congrès n'a aucune autorité sur
la question de l'esclavage, dans un territoire et
ne peut déléguer aucuns pouvoirs à ce sujet
aux! législatures territoriales.
» Le premier tribunal judiciaire de l'Union .
décide donc, qu'en vertu de la Constitution, les ;
nègres; qu'ils soient libres ou non, ne sont pas,
citoyens, c'est-à-dire que la Constitution a
été faite pour les blancs et que le nègre, comb
ine citoyen, est entièrement ignoré. La con
séquence ... de cette décision c'est [que toutes
les Constitutions et toutes les lois existant dans
les Etats libres et-qui accordent aux nègres les
droits èt les privilèges de citoyen sont annu
lées; car il est déclaré formellement dans la
Constitution qu'être citoyen d'un Etat, c'est
être citoyen des -Etats-Unte (art. 4, sec. 2), et
qu'il doit jouir des privilèges et immunités de
citoyen dans lès différens Etatsi v
j » En-ce qui touche l'ordonnance fédérale de
1781 et le compromis du Missouri dé 1830 , 1*
cour suprême affirme la validité du bill du
Kansas-Nebraska, comme la véritable politique
constitutionnelle, eu égard à l'esclavage dans
t^rritnîfPS
» Quant aux esclaves en transit à travers lès
Etats libres, la décision détermine qu'ils res
teront la propriété de leurs maîtres. ~
» Mais ce qu'il y a de plus important dans,
les décisions suprêmes, c'efet que le congres
n'a aucune autorité : et ne .peut en déléguer
aucune à propos de la question de l'esolavago
dans les: territoires. Il ne reste maintenant au
parti républicain et aux aboUtionistes qu'à se .
soumettre ou à se révolter, et nous craignons
bien que la question de l'escisvage va être agi
tée avec une nouvelle ardeur. » '
Nous avons parlé, il y a quelques jour?,'
d'une.sanglante échauffouree qui avait si
gnalé un meeting - politique au Kansas. il
s'agissait de flétrir la conduite indigné d'un
.M. Sherrard qui, désappointé dans ses es
pérances ambitieuses par le gouverneur
Geary, l'avait insulté en pleine rue après
avoir annoncé l'intention de le tuer.
La Tribune, de Washington, publie dans
sa correspondance du Kansas un récit des
plus dramatiques de cet épisode de la vie
politique dans ce territoire. Il est écrit j»ar
un témoin, oculaire, et nous en.reprodui
sons la partie la plus intéressante :
' ^Lorsque la majorité du comité eutpré-;'
qu'on ne prît une décision. Jones s'ap
procha. Plusieurs personnes qui se trouvaient
sur la ' plateforme, et parmi lesquelles se
troiivait Bénnett du Lecompton Union, commen
cèrent'à parler à la fois. Vainement le prési
dent s'efforça-t-il de maintenir l'ordre. M. Sher
rard, qui se trouvait dans-la foule immédiate
ment en face de lui, voulait aussi parler. Il
s'exprimait -avec violence et finit par monter
sur la plateforme inférieure. ,
» Sherrard était unjeune homme fortement
bâti, ayant le teint très coloré'et une expression
sauvage et turbulente. La crosse d'un revolver
de Colt sortait de sa ceinture. 11 s'écriadès l'a-
bordaVec ia plus grande agitation : « Je dénonce
ceux qui voudraient juger mes actions ! je dé
nonce peur qui voteraient pour Ir résolutions
dé la majorité comme des menteurs et des lâ
ches. » il fit une paupe et reprit : « Je dénonce
tout homme présent ou absent qui osera con-
damnerma conduite, comme un menteur etun
lâche!.»:-.
» Il suffisait d'uncouprd'œil pour voir qu'une
< bataillepréméditée allait ooinmencér. Des signes
expressifs étaient 'échangées entre les compa-
gnons!de;Sherrard. On pouvait voir des hommes
passer la' main sous leurs habits pour faire
tourner sur leur taille la ceinture de leur re
volver.' Evidemment la violence et les défis de
Sherrardétaient une satisfaction pourbeaucoup
d'entre: eux; Aloïs un M. Shepherd, quidemeu-
rè près .de Lecompton, autrefois juge de paix;
du pàrti de l'esclavage, aujourd'hui converti a
la cause du travail libre, s'avança et dit qu'A
voterait pour les résolutions parce qu'il le»
trouvait justes. — Eh! bien, je vous dénoncé"
comme un menteur et un lâche ! s'écria Sher
rard.
» A ces mots, il s'élança dans la foule, tom
me pour se préparer aù combat. Ils se trou»
•vaient tous deux seulement à qaelques pieds
de moi. Je vis quelqu'un brandir une canne;
mais si ce fut Sbepherd ou tout autre , c'est ce
que je ne saurais aire, car dans le même ins-;
tant, la détonation d'un revolver se fit enten-*
dre. Sherrard avait tiré un pistolet et fait leu
sur Shepherd.
» Ce qui suivit défie toute description. She»
pherd tira son arme et fit feu une fois, la halle
traversa la foule, au plus épais des combat
tans, Sherrard continua à tirer sur lui à plu
sieurs reprises,tandis que Shepherd, lui Taisant
face à moins d'un yard de distance, essayait
dè rendre le feu, coup pour coup, son arme ra
tant toujours. , .
» Bieu sait combien firent comme eux. Ima
ginez un groupe d'hommes furieux, les yeux
flamboyans cherchant à chosir un ennemi,
tous le revolver, au poing. Les coups de pis
tolet se succédant au milieu de cris et d'im
précations, les volutes de fumée's'élevant en
spirale à chaque explosion de la poudre, et les
blessés ou ceux qui ne croyaient pas avoir sujet
decombattréj ou qui voulaient éviter les balles
sillonnantl'air en tout sens,sepj , écipitant pèle-
mèleau-dehors. Une balle qui vint sifflèràmes
oreilles me rappela que cette querelle n'était
pas la mienne, et que la distance pouvait ajou
ter beaucoup au charme de la perspective. Je
wsaaraaag
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 26 MARS-
LES AMOURS
DE
CHIFFONNÉTTE.
• Lord Henry Roebuck, grand et beau jeu
ne homme de vingt-cinq ans, lieutenant
aux horse-guards de S. M- Ja reine Victo
ria, fouettait du bout de sa cravache les
fleurs rosee et bleues d'un massif d'horten
sias,' capricieusement semés au bord d'un
bowling-green, dansia cour d'honneur de
Roebuck-Park. ; '
De temps en temps, il jetait un.coup d'œil
impatient sur le cadran, de pierre d'une-
horloge monumentale qui s'éle vait au frem-
ton.de la façade du % châleau, accosté d'une
licorne bleue et d'un léopard armé.
• Toujours en retard ! murmurait-il en
sifflant un petit air de chasse; et il alla-ca-
resser deux magnifiques chevaux, que te
naient par la bride des grooms en petite -
livrée; les .nobles bêles hennissaient ét
piaffaient; leur robe alezan brûlé miroitait
au soleil. .
Une jeune femme "descendit lentement.
les marches du perron, relevant les longs
plis de sa jupe noire, avec plus de grâce
"que l'on n'en trouve d'ordinaire chez les
Anglaises. - ..
— Enfin! dit lord Henry en faisant quel
ques pas au devant d'elle. v
— Oh ! fit la jeune femme, est-ce un re
proche, cousin? ' ^
: —■ Non, chère Arabelle, ce n'est qu'une
plainte.
A là bonne heure ! Je vous par.donne.
Dfe vous avoir attendue, fit-il en riant, et il
secoua deux fois la main que lui tendait
lady Arabelle, puis, avec la souplesse et la
force d'un écuver rompu au manège, il
enleva la jeune fémme et la mit en selle.
Lui-même- sauta à cheval.,.rendit la
main, et tous deux partirent, bercés par
cette molle et gracieuse allure que l'on
appelle le galop de chasse. Bientôt ils fran
chirent là grille en fer doré de la cour
d'honneur et disparurent sous une sombre
avenue de châtaigniers,mêlés de grands or
mes et de platanes aux larges feuilles. ;
On eût pu voir, au même instant, un pe
tit rideau de mousseline, une minute en
trouvert, se refermer à une fenêtre du
troisième étage. Une jeune tille, qui venait
de quitter sa table à ouvrage, se rassit tran
quillement, et ^aiguille, voltigeant de Ci
de là, reprit sa course infatigable. -
- — Est-ce que miss Cbiffonnelte voudrait
aussi monter à cheval I demanda la voix
joyeuse mais, un peu vulgaire d'un homme
encore jeune, quise tenait debout sur le
seuil de la porte.
— Je n'ai pas dit cela, William, reprit '
la jeune fille en souriant. '
— Et vous avez raison, dit-il, il a fait so
leil trop matin, il pleuvra avant midi; et
puis, continua-t-il en lui prenant la main,
il vaut mieux finir votre robe de noce 1 . Com- '
me le blanc doit vous aller ! Vous serez rà- •
vissante en mariée,-Madame William;., car
à partir dé demain vous ne vous appellerez
plus Chiffonnette l La jeune fille baissa la
tête et rougit comme doit faire toute miss
bien élevée à qui on parle d'amour ou de
mariage. ~ * '
'• ~'U.
Elle né s'était jamais appelée Chiffonnet- -
te ; son vrai- nom était Mary, un nom bien
anglais, et je n'ai jamais trop "su pourquoi
on lui avait donné l'autre, car elle n'avait
pas le petit «il éveillé, le nez 'fnpon et la
bouche mutine des minois chiffonnés. C'é
tait au contraire uDe beauté calme, modes
te et sentimentale. Elle était née dans ce
comté de Middlesex, où leeSaxon et le Nor
mand ont mêlé leur sang pour former un
des plus beaux produits que l'on puisse
jamais envoyer à une exposition universelle
da la race humaine. Nulle part les femmes
n'ont les cheveux plus longs, lès yeux plus
grands et la bouche plus petite : et Mary -
était bellecomme la plus belle-fille du Mid- ■
dlesex.On eût admiré, sur les feùflles'de vé
lin d'un album aristocratique, sa peau trans-,
parente et veloutée-tout à la fols, son front
qui avait toujours l'air de rêver, ses yeux un
peu trop pâles, mais ombragés de grands
cils qui semblaient adoucir leurs regards en
les voilant. Quand ,elle souriait, — elle ne
riait presque jamais, — on apercevait entre
ses lèvres, des lueurs blanches, humides,
toutes nacrées, comme il arrive quand on
ouvre un écrin de perles. Ses cheveux
blonds flottaient en mille boucles légères,
le long de ses joues et sur son cou; on' eût
dit un nuage d'or. Dès qu'elle parlait, .de
petites fossettes se,creusaient au coin de
sa bouche et au bord de son menton; com-
rae les mille rides qui frissonnent au ma-,
.tin sur le miroir d'un lac. Ajoutez qu'elle
avait des mains trop jolies pour rien faire, :
et que cependant elle travaillait toujours,
car elle était pauvre, Chiffonnette ! C'était,
du reste, son seul défaut. Av'ee une dot
c'eût été-une fille accomplie. _ -
Son père, feu Georges Ashburnt, avait eu
le tort de ne lui en point laisser.
Georges Ashburnt était, de son vivant,
vicaire de la petite paroisse de Roebuck..
Veuf à trente ans d'une charmante créa
ture, plus belle que riehe, et qu'il perdit
après l'avoir-adorée six ans, il resta,char
gé de sa fllte, qu'il éleva fort-mal. .
Cet excellent Georges n'était pas du tout
ce que l'on appelle- un.homme positif : Il
avait l'habitude de répéter qu'à chaque jour
suffit son pain,' et celui du Ïèndeinaïn ne lé
préoccupait jamais. Du reste, il était fou
de sa illie et l'habillait comme une pou
pée; le plus clair de sa cure y posait; rien
n'était trop heau pour elle. Elle était aussi
bien mise que la fille d'un lordi Mais il eut
du. moins la sagesse de ne pas lui donner
ce que l'on appelle vulgairement de l'édu
cation ; je veux dire" qu'il ne gâta point par
une demi-science son naturel charmant; il
n'en fit point un bas-bleu, il la laissa fem ;
me. Mais il ne put éviter un tort que pour
tomber dans un autre : s'il n'en fit point
une savante, il en fit une tête romanesque.
Presque toutes les Anglaises sont romanes
ques.;; jusqu'à vingt ans. H est vrai que le
plus souvent elles écrivent le mot : Maria
ge à côté du mot: Fin, sur la dernière page
de leur roman. *
Mary aimait passionnément la lecture.
Les ■ in ^ folios de la bibliothèque pater-'
nellë n'étaient, pas fort réjouissons : ils
étaient d'ailiçurs écrits presque^tous en la
tin, On les échangea contre du bon anglais.-
Peu à peu la théologie quitta la maison de
la cure. Les paroissiens ne songèrent point
à s'en plaindre : il n'en avaient guère; be
soin, et uirpeu de simple morale, le di
manche, faisait bien mieux leur affaire ; et
la morale ne se trouve pas seulement dans
les gros livres : elle x est partout où on sait
la voir.
Mary eut bientôt lu les dix-huit ou vingt
volumes achetés à la ville voisine ; «Ile en
demanda d'autres : qui a lu, lira. Son père
prit un abonnement à ces bibliothèques
afnbulantes que les Anglais appellent Ci'r*
culating, libraries . Pour quelques shillings:,
par mois, on recevait au. presbytèr» toutes
les nouveautés de Londres. Oh ! le beau
jour quand les livres arrivaient à Roebuck I
Comme Mary savait choisir !.;. elle devinait
un auteur, rien qu'en voyant la couvertu
re; certaines nuances l'attiraient : elle ayait
,été si heureuse avec un in-octavo lilas ! ses
pressentimens ne l'avaient presque jamais
trompée. Il était rare qu'elle fît fausse route;
rien qu'à voir un titre, elle devinait si le
héros était sympathique. Quand elfe avait
fait son choix, elle s'en allait au bout du
jardin, sous 4a tonnelle de chèvrefeuille;
par une belle matinée bleue de printemps,
et elle lisait, en respirant le parfum des'
fleurs. »
Les bouvreuils et les fauvettes qui babil-
laient dans les haies voltigeaient de bran
che en branche autour d'elle, et, penchant
la tête, la regardaient de côté. Ou bien, si
déjà c'était le soir et l'hiver, assise dans lé
petit parloir, à côté de son père, près du
poêle qui gronde et de la bouilloire qui
chante, les coudes sur ses genoux, la tête
, dans sa main, le livre sur la table, à moitié
cachée par ses grands cheveux qui pendent;
elle lisait. Elle lisait avec une ardeur, une
passion, et-, si j'ose dire, une conscienife
sans égale. Elle se mettait à la place de
l'héroïne et devenait infailliblement amou-
BUREAUX A PARIS F roë d« Valois (Palsls-Roytl); n: 10J
B
JEUDI 26 MARS 1857.
tanemens des départcmeas. '
TROIS MOIS.;g.%jg.''? f ï. i S
sa mois.^.
ÏJN AN • ..V^( * V • « » o • . t
16 FE.
.32 m. '
64 FH.
POUR LES PATS ÉTBAKGEBS, TOll 16 tabl6a*
yubJiè les s et 20 de chaque mois. _
(npiimcrl* I.^BOHITACB, ne
POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
Àhonnemcns do Paris.
trios mois. rVi f r./r?ïv 13
six MoiS'....vrm ,, rr î r: 26 n;
un- ait.. .32 ra.
UN NUMÉRO 20 CENTIMES.
Le mode d'abonxemïnt le plus simple est l'envoi d'un bon de poste ou d'un effet ài^Paris;, \\\C/ ~
à l'ordre de l' administritedr du. journal, rue de .Valois, n* 10;
Les lettres pu envoit" d'argent NON affranchis sont refutit.
Les articles déposés ne sont pas rendus.
Lu «<0NC35 Si., : ^
- -et ches MM S
, Les abonnemens datent des l«
'■■■; ■>.•'■. de chaque mois.
chez Mî P aris j régisseur' dès' Journaux;
I igofet C»; 8, .plaça delà Bourse*
et 16 .2
- •%,
PARIS, 25 MARS.
-La chambre des députés du Piémont
Tient d'adopter, sur la proposition du gou
vernement, un projet de loi destiné à ré
soudre une question,' qui a été soulevée:
plus'd'une fois dans notre pays, et qui l'a
été tout récemment encore à propos des
mesures restrictives prises par la Banque
de France : celle de savoir si la loi dôit po
ser un maximum au taux de l'intérêt.
On sait faè la Banque, afin de maintenir •
entre son encaisse métallique et Ses émis-*
sions de billets la proportion' commandée
par l'expérience, avait dû élever le taux de
l'intérêt et réduire le tèrme des échéances
des effets admis à l'escompte. La première
de ces deux mesures fut acceptée avec ré
signation par le commerce. Mais il n'en
fut pas de même de la seconde, qui gênait
les habitudes etqui dérangeaitles conditions
ordinaires destrànsactions, Onaurait mieux
aimé que la Banque portât le taux de l'es
compte encore plus haut, et qu'elle ne tou
chât pas au terme des échéances. Et,~ en
effet, il est facile de < comprendre qu'une
plus grande élévation du taux de l'escompte
serait moins préjudiciable au commercé,
. qui en serait quitte "pour payer l'argent un
peu plus cher, et qui, d'ailleurs, pourrait, à
son tour, exiger un plus haufprix'des ser
vices qu'il rend au consommateur. * ■
'Mais, en présence de la législation exis
tante, le choix n'était pas facultatif. Le Code
a posé une limite- au taux de l'intérêt^
Il poVte expressément que l'intérêt con
ventionnel ne pourra excéder, en matière
civile, 5 G/0, ni, én matière de commer
ce, 6 0/0, le tout sans retenue. Ainsi donc,
lorsque la Banque de France avait porté
le taux de l'escompte à 6 0/0, elle ne pou
vait aller, plus loin, et, si cette mesure n'é
tait pas suffisante pour atteindre le but, il
lui fallait nécessairement recourir à un
autre moyen qu'elle pût employer concur
remment. La réduction du terme des effets
admis à l'escompte, n'était donc,-jusqu'à
un certain' 1 point, que la conséquence de là
limite imposée par la loi au taux de l'inté--
rêt commercial. j
En Angleteire, comme cjiez nous, on
avait autrefois réglementé le commerce de
l'argent. Le taux maximum de l'intérêt,fixé
par Henri Vliï à 10 0/0, fut réglé par ûn sta
tut de la reine Anne à .5 Q/0. On pronon
çait .la nullité contre tout, contrat dans
lequel un intérêt plus considérable serait
stipulé. Mais es décret tomba peu à peu en
-désuétude? Enfin, après plusieurs déroga
tions autorisées par différens bills, des actes
rendus successivement sous Georges III et
sous la reine Victoria, abolirent définitive
ment la limitation du taux de l'intérêt pour
les lettres de change, billets à ordre ou
tous contrats, d'emprunt excédant 10 liv.
sterl., pQiirvii que l'emprunt ne fût,pas ga
ranti par une hypothèque foncière. .»
Ainsi, sous çe rapport, la Banque d'An
gleterre jouit actuellement d'une latitude
-que n'a pâ^la Banque de France relie
règle son escompte sur le cours du change,
sans qu'aucune " prescription vienne l'ar
rêter. Quand elle reconnaît une différen
ce, préjudiciabië' entre le cours de l'Angle
terre et celui du continent, quand les effets
• affluent'à Londres pour s'y faire escompter,
elle élève le taux de l'escompte, et nousl'a^
vous vue le porter jusqu'à 7 0/0. Alors, le
change baisse et, comme l'expliquait.fort
bien.M. de Gavour à la chambre piémofc-
taise, la Banque empêche ou restreint, de
cette manière, l'exportation des capitaux
anglais. - ! "
Le Piémont va également abolir la limite
légale de l'intérêt conventionnel. Devons--
noua suivre l'exemple qui nous a été donné
par l'Angleterre et que le petit royaume de
Sardaigne nous donne à son tour? Nous
croyons que la léponse ne serait pas dou
teuse, si la question devait se décider, uni
quement par des considérations économie
ques.
Le taux de l'intérêt, sous quelque forme
qu',ilsoit payé, comprend un véritable lover
de l'instrument appelé capital, et, de plus,
umrprime d'assurance destinée à couvrir
les risques de perte auxquèls il est exposé.
Or, on comprend qu'il n'est guères possi
ble de fixer, de par la loi, une limite aux
variations d'élémens qui peuvent cjùnger
d'une manière radicale, tous l'influence"
des circonstances générales et sous l'action
d'une multitude de circonstances particu
lières. Il y a là quelque, chose qui, par :sa
nature même, échappe ^législateur.
" Pour ne parler que de ce qui touche plus
spécialement le loyer du capital,, il varie ,
comme toutes les valeurs,- en -raison de
l'offre ou de la demande. Il monte ou bais
se selon que la quantité de capitaux dispoT^
nibles est plus ou moins.considérable rela
tivement à celle qui est réclamée. Plus la
demande pour" emprunter est vive, ou plus
Jes capitaux disponibles sont rares, et plus
le taux de l'intérêt s'élève; il baisse, au
contraire, quand la demande.'s'arrête ou
quand les capitaux disponibles" abondent
sur le marché: Le capital mobilier obéit
donc à une loi supérieure à toutes: les lois
écrites, à une loi économique qui est l'are-:
gle commune de toutes les valeurs.
Il paraît d'ailleurs résulter de l'expé
rience universelle, que les lois, qui ont
voulu inùposer une barrière à la hausse de
l'intérêt, gênent presque toujours le com
merce au lieu de le servir. On peut surtout
consulter, à ce sujet, les"résolutions qui
ont présidé à l'abolition successive ,des
mesures de ce genre en Angleterre.
« C'est l'opinion du comité, disait la com
mission de la chambre des communes '
chargée d'examiner le bill de 1818; que
les lois, qui règlent ou qui limitent le
taux de l'intérêt .ont été; éludées sur une
grande échelle, et qu'elles n'ont pas at
teint lé but qu'on se proposait en fixant
Un maximum ; que, dans les années qui
viennent de s'écouler; le taux réel ayant
constamment excédé le taux fixé par la
loi , la législation 1 n'a fait qu'aggraver
lés dépenses supportées par les emprunr :
leurs; que ces emprunteurs se sont vus
contraints de recourir à divers systèmes
imaginés pour masquer un intérêt supé
rieur à l'intérêt légal, et qu'en définitive :
ceux qui avaient à emprunter ont dû tan
tôt supporter des frais considérables, tantôt -
vendre à des prix onéreux» »
Plus tard, lorsque des enquêtes furent
faites sur les, conséquences de l'abrogation.'
de ces lois, les .témoignages ont été à peu
près unanimes sur les bons résultats qu'elle ,
avait produits. La cour des directeurs de
la.Banque d'Angleterre déclarait que cette
abrogation avait grandement facilité les
opérations de la Banque • qu'elle ^tait in-
dispensablé, au. maniement de la circu
lation. Les négocians .affirmaient que ,
grâce à la liberté' dû taux de l'intérêt ,
ils avaient pu .se procurer de l'argent et
conduire leurs affaires avec une extrême
facilité. S'il leur avait fallu quelquefois,
dans les moméns de crise, payer l'ar
gent plus cher, .c'était un sacrifice -qui
correspondait k~ une perte minimê. Une*
maison de commerce, qui avait • fait es
compter 100,000 francs à 6 p. 0(0 au lieu
de 5 p. 0/0, n'avait supporté en*définitive
qu'un surcroît de frais de 1,000 fr. Or,
qu'était-ce que. ce . sacrifice, clsmparative^
ment à celui qu'elle aurait subi, si le capi
tal, se retirant devant la loi du maximum;
lui avait fait défaut, et si elle avait .été ré
duite à vendre à tout prix 1
La question, 'envisagée uniquement, au
point de . vue commercial; nè semblerait
donc pas douteuse. Mais il y a d'autres;
considérations qui viennent la compliquer»
Il faut tenir, compte de l'état des lumières
et des mœurs. En Angleterre, où l'in
dustrie -et le commerce jouent un si
grand rôle , où les travailleurs de tou
tes les classes «ont familiarisés avec les
principes économiques qui les régissent,
cette réforme a été d'autant plus facile;
qu'elle était en quelque sorte sollicitée par
l'opinion. Chez nous, il règne encore beau
coup d'erreurs, beaucoup de préjugés sur
cette matière, 'et ce qui était demandé de
l'autre côté du détroit pourrait être Jort
mal accueilli par une partie de nos po pù-
lations. On pourrait craindre-que l'usure,
qui dévore quelques-unes de nos campa
gnes, ne se trouvât encore surexcitée par
l'abrogation pure et simple des peines qui
la frappent ou qui la menacent actuelle
ment.- • '
D'ailleurs ^Angleterre elle-même n'a pro
cédé qu'avec beaucoup de ménagemens.
Ainsi, én 1819, on commençait par déroger
au statut de la reine Anne, en décidant
seulement qu'une lettre de change ou
un billet â. ordre qui serait déclaré nul
poiîr cause d'usure; serait valable dans les ;
mains d'un possesseur de bonne foi. En
1833, on n'abrogeaUles lois sur l'usure qu'en
,ce qui concernait les lettres de change et
billets àordre de trois mois d'échéance et au
dessous. Pliis tard, on étendit l'exemption
aux effets doni l'échéance n'excédait pas .
, une année, puis enfin; à tous les. contrats
d'emprunt. Aujourd'hui même, les._prêts
mobiliers au-dessous de/10 livret ster
ling, c'est-à 1 -dire les-prêts à la petite
semaine, tombent encore sous le.coup des
. lois sur l'usure. Il en est de même des prêts
hypothécaires. Si,'en Angleterre, où l'opi
nion publique était favoràble à l'abrogation
des lois limitatives de l'intérêt, on a pris tant
de précautions, il y aurait encore bien plus
de ménagemens à employer chez nous pour
réalisér une réforme, qui, nous le craignons
bien, n'aurait pas lès sympathies populai
res, et qui , pour conjurer des dangers
vrais ou supposés, aurait .peut-être besoin ;
d'être précédée de nouveaux dévelôppe-
mens dei nos.institutions de crédit. »
• J. BDRAT.
La Conférence pour l'affaire de NeucM-
tel a tenu au jourd'hui sa quatrième séance,
au ministère des affaires étrangères.
M. Kern, envoyé extraordinaire de Suis
se, y assistait.
Les journaux anglais nous apportent au- !
jourd'hui le document suivant. C'est le pro- !
gramme officiel de lord Palmerston :.
- ; Adresse de lord palmerston aux électeurs de
Tiverton. , ;
Messieurs-, .........
. :■ Le parlement ayant été dissous, pour donner .
aux électeurs duRoyaume-Uni l'occasion d'expri- '
mer leur opinion sur l'état des affaires puBlir <
ques, je me présente à vous pour solliciter de '
nouveau .le mandat que vous avez bien voulu
me confler depuis long-temps. :
La question soumise à l'appréciation du pays
• est de savoir dans quelles mains les destinées ,
de la nation seront remises..Cette chaige côn-, '•
tinuera-t èile à êtfe confiée à la présente ad-
- ministratfon, ou bien sera-t-elle transmise à.
cette agrégation d'élémens hétérogènes dont '
l'action combinée a amené, dans ces derniers
temps, un vote de censure contre le gouverne
ment de S. M. ? .
Les titres de l'administràtion actuelle à la
confiance du pays 'sont basés sur des faits et
des évéuemens cjui formeront un chapitre im- .
portant dans l'histoire de notre époque. Nous :
avons pris la direction des affaires, pour obéir
à notre souveraine, à un moment rempli de s
difficultés, au milieu d'une grande guerre et ;
alors que ces hommes qui jusqu'alors avaient
^té considérés comme chefs de partis,. refu
saient,par un motif ou par un autre, de prendré ;
la responsabilité des affaires ou ne pouvaient ,
former une administration qui, dans leur opi- i
nion, fût à la hauteur de la crise. La guerre^
dans laquelle le pays était engagé a été condui- i
.te avec Vigueur et énergie, avec la sincère coopé- !
ration de nos braves alliés, les-Français, les ;
Sardes i et les [Turcs; elle a été heureusement ;
terminée, et il en est résulté un traité de paix
qui a atteint le but que l'on se proposait, et i
qui a assuré aux alliés aes conditions qui avaient
été envisagées, par quelques-uns d'entre, eux,
comme ne devant meme pas être proposées et,
comme impossibles à obtenir. 1 . > r
Lors de l'exécution des stipulations dé ce
traité, des,difficultés s'élevèrent sur des ques-"
tions de grande importance. Ces difficultés,
le gouvernement de S; M-., par sa fermeté.'
dans les négociations, a fortement contribué à
les résoudre d'une manière satisfaisante,et les .
résultats que le traité- avait* en vue ont été :
complètement atteints en ce qui concernait les
uestions qui avaient donné naissance aux dif-
cultés dont je parle. . .
Au commencement, de la dernière session du >
qi
&
parlement, nous annonçâmes l'intention de
supprimer la partie de l'income^tax destinée à
subvenir aux frais de la guerre, et nous pré-
SPîitf.'.nes au budget une majorité de 80 voix.
- La #uen'3 de Perse, qui avait eu pour cause
les agressions et les violations des engagement
commises par le gouvernement persan, a été
terminée par un trafté de paix conclu à Paris;
Nos relations diplomatiques avec les Etats-
Unis ont été régulièrement rétablies par la no-j
mination de lord Napier .et son départ pour
■ Waslnngtôn. ; - '
Dcs.documens ont été présentés au parle-
'ment, qui expliquent les raisons qui ont' obligé
les gouVerneniens devance et d'Angleterre à
retirer de Naples leurs légations, et aucun'
. membre du parlement n'a donné, avis : d'une
motion qui dût être fondée sur ces documens,
€'est que, sur aucune de ces questions, l'op
position n'a cru possible de diriger contre le
gouvernement une attaque: victorieuse...
Mais des événemens d'une grinde importan
ce ont eu lieu en. Chine. Le gouvernement de
S. M. n'avait pu lés prévoir et ils ne sont pas
la conséquence de. mesures prises par lui.
Un barbare, insolent, exerçant l'autorité à
Canton, a outragé le pavillon anglais, violé lès
traités, offert des primes pour les têtes des su-t
jcts anglais qui résidaient dans cette partie d&
. la Chine, «t conspiré leur ruine parle meur-i
tre, l'assassinat et le poison. ■
". Les autorités anglaises civiles et militaires
- de la station ont pris les mesures qui leur ont
iparu convenables et nécessaires pour obtenir
. ; satisfaction, et réparation,'et le gouvernement
de S. M. a approuvé la conduite tenue par ces
; autorités pour venger l'honneur national et
défendre les droits nationaux. Une coalition dé
parti? politiques, qu'on n'avait jamais vus
unis, jusqu'à la; dernière session, a voté une
résolution déclarant injustifiable la conduite
' tenue par nos agens en Chine, et par suite cen-
' surant le gouvernement de S. M. pour avoir
approuvé.cette conduite. .
Mais si cette conduite est injustifiable, le
fouvemement anglais, au lieu de demander
es excuses, doit en faire. Au lieu d'exiger sa
tisfaction du commissaire chinois,, il doit lui
offrir des réparations, et, cette conduite, le?
adversaires coalisés dû gouvernement doivent,
pour rester conséquens avec eux-mêmes, se
tenir prêts à la suivre, si leur victoire parle
mentaire les Installe au pouvoir. "
Le peuple anglais donnera-t-il son appui à-
des hommes qui se sont ainsi efforcés de l'aire
dp l'humiliation et de la dégradation de leur
patrie un marche-pied pour escalader le pou-
■ voir? .
J'affirme en toute assurance que telle ne se-
. ra pas la rêpûpse des électeurs, du Royaume-
, Uni à l'appel qui leur est fait en ce mondent. :
: Nous offrons au pays un gouvernement, fon
dé sur des principes tout. diffêrens. Au dehors,
-nous nous efforcerons de la manière la plus,
sérieuse de procurer la paix, mais la paix avec
honneur'et sécurité, là'paix avec'le maintie
des droits nationaux, la paix avec la sécuriti
pour nos; concitoyens dans, les pays étrangers.
An-dedans, nous prendrons pour règle de notre
; conduite une judicieuse et sage économie, une
amélioration progressive; dans tout ce qui con
cerne le bien-être . .de la, nation, l'extension
croissante deTéduca'fyo'n dans le peuple et touî-
tes les réformes que-rendront," de temps à au
tre, nécessaires, le changement des circonstan
ces et le développement de l'intelligence .po
pulaire. ' ' "'.
; ¥ailà avec quel programmé je mo préséhte i.
vous, ét J'attends avec confiance le résultat
de la .part que vous allez prendre à la déci
sion solennelle .que les électeurs du Royaumer
Uni sont appelés à rendré. 1
; J'ai l'honneur d'être, Messieurs,
Votre obéissant et dévoué serviteur^
PALMERSTON.
94, Piccadflly.'23 mars. ; ,
La (îa»e«e autrichienne, sous la daté de
Vienne, le 20 mars, s'exprime de la ma-
: nière suivante au sujet du rappel de M. de
Paar, ambassadeur d'Autriche à Turin : ;
/ « Le gouvernement sarde manifeste de plus
en plus ouvertement sa pensée de conquérir
l'Italie en la révolutionnant. Dans les derniers
temps, cette pensée s'est produite avec une \ior
* lence et une passion fébriles. Les grands résul
tats de l'apparition personnelle de l'empereur
dans ses pays héréditaires italiens paraissent
avoir enlevé aux gens d'au-delà du Tessin. les
derniers vestiges de -la raison. Le désespoir
donne de la colère, les partis révolutionnaires
se trouvent saisis d'une irritabilité maladive,
quand lés réformes.sages leur enlèvent sûre*-
ment et constamment au terrain. Voilà com
ment il s'explique'que le comte Cavour charge
les finances de son pays, qui souffrent encore
du dernier emprunt dépense inutilement, d'une
somme de 5 millions, qui montera au moins
à 10, pour rétablir une forteresse sur la fron
tière autrichienne. Lès : objections qui ont été
; faites:dans la chambre sarde contre l'utilité
des fortifications d'Alexandrie, sont restées
• sans effet, car le gouvernement sarde tenait
moins à des moyens stratégiques qu'à crier à la
population italienne. ■ « Persévérez, nous nous
préparons..» Le comte Cavour l'a dit expres
sément : « La fortification d'Alexandrie est
une conséquence^ notre politique,, qui con
siste ' à dêl'and-re les droits légitimes de l'I
talie. » La çhambr'e sarde a fait > preuve d'nn
aveuglement déplorable, en accordant après
un tel exposé .. aiH ùss là demande dutçouver-
nement à .400 voix de majorité. Maintenant un
représentant du gouvernement autrichien ne
peut plus rester avec honneur dans une telle
société, et il est probable que dans ce moment
même la légation autrichienne quitte Turin.»
Nous lisons dans le Courrier de l'A llemd'
gne orientale , sous la date de Vienne, 21
mars; les explications suivantes sur le même
sujet : . ■ .
« Le chargé d'affaires d'Autniche à Turin a
reçu cette semaine l'ordre de quitter la capi
tale delà Sardaigne, et de se rendre à Vienne.
Mais le cabinet impérial, en se détermi
nant, dans, le séntiment de sa dignité, à ce
rappel, a eu soin en même temps de lui enle
ver tout, caractère qui pourrait compromettre
les intérêts de la paix.'Nous apprenons que
le, comte Paar n'a nullement reçu l'ordre de
demander ses: passeports et de notifié; au
cabinet piémontais une rupture des relations
diplomatiques. Lé chargé d'affaires d'Autriché
prendra congé du comte. Cavour dans la forme
usitée pour les départs. ordinaires ; il est ap-,
felé à Vienne pour répondre, personnellement
certaines questions , et s'il n'est pas en po
sition de dire quand il reviendra et si , mê
me }1 reviendra, c'est là une conséquence de
rapports dont l'amélioration-est aux mains dii
comte Cavour lui-même. L'Autriche maintient
ouverte la porte d'une politique conciliant
.te. Elle nè demande rien qui touche le meios
du monde à la prospérité,'à l'honneur, à la
sûreté, du Piémont; elle prétend seulement
que les grands biens qu'elle respecte dans les
autres Etats lui soient' assurés également. Vrai
ment le fort n'a jamais élevé vis -à-vis du fai
ble des prétentions plus modérées. »
On lit enfin dans la Gazette nationale de
Vienne, du 20 mars :
; « On apprend que la seconde note remise au
cabinet piémontais développe ce thème ; Que
l'Autriche, animée du plus vif désir de procurer
le plus grand bien possible à ses sujets lombards-
vénitiens, désirait aussi dans son intérêt, ou
devait désirer trouver dans le reste de l'Italie
des gouveraemem et des administrations bien
Organisés; muis elle ne pouvait ''souffrir que
son droit fût attaqué systématiquement par les
organes deJa presse piémontaise. Cette note
n'a,été envoyée, qu'après le retour de LL. MM.
à Vienne. . . .
. , »On apprendquelordPalmerston n'approuve
pas la conduite au Piémont et qu'il lui con
seillera de suivre une politique moins agitatrice!
;ll paraît aussisqu'on vvoit d'un mauvais œil, à
Londres lé rapprochement entre le Piémont et
la Russie, et l'ostentation avec laquelle il s'est
fait. . "• " ■' ; . ;.
1 » Un conseil de cabinet de plusieurs heures
a été tenu hier sous / la présidence de l'empe
reur. Oa assure quedés affaires de Hongrie en
étaient l'objet. On né croit pas çriie des modi
fications de principes soient, opérées dans l'or
ganisation actuelle de ce pays ; mais on réali
sera toutes les .améliorations administrative 6
compatibles avec le système de la centralisa
tion, et on fera droit aux réclamations'des pro-
testans hongrois. » ;
. La Gazette dè la Bourse, de Berlin, du 23
mars, rend ainsi'compte 'de la" séance-de ce
jour à la chambre des députés : -. " "... " ^
«Au commencement de la séance, le prési
dent du conseil a déposé à la chambre des dé
putés le traité du péage du Sund. Une com
mission spécialeaéte nommée aussitôt et char
gée de faire son rapport le plus tôt possibles ;
- » On a repris alors la discussion générale des
nouvelles lois d'impôt. M. de Bardeleben, le
ministre desfinances, le ministre de la guerre;
le commissaire dù gouvernement Bager, et Ml
Krupka ont pris successivement la parole. La
discussion a été fermée après que la chambre
a eu entendu encore une fois le rapporteur de
la commission.
» A la fin de la séance, le président du con
seil a déposé les traités conclus entre la Prusse
et la Russie sur la jonction des chemins de
fer. » ' ■ : - :
Nous recevons, par le paquebot Niagara,
nos journaux des Etats-trnis jusqu'au 10
marsl. Nous lisons dans le Neiv- York-IJerald:
/ « Le prochain congrès, on le sait, ne se réu
nira pas avant le inois.de décembre prochain.
» La cour suprême .des Etata-Uais a rendu
vendredi une décision des plus importantes
pour les propriétaires d'esclaves. Ce tribunal,
qui juge en dernier ressort l'interprétation de
la Constitution et des lois, a décrète que les nè
gres ou hommes de couleur,libres ou esclaves;
ne, sont pas citoyens des Etats-Unis en vertu
de la Constitution fédérale; que l'ordonnance
-de 1787 a été remplacéepar la Constitution; que
le compromis du Missouri de 1820 était un acte
inconstitutionnblj que * les propriétaires d'es
claves ont le droit de conduire leurs esclaves
dansées territoires; que la Tondition légale
d'un esclave dans un Etat à esplaves n'est pas
affectée par un séjour temporaire dans un Etat
.libre; et que le congrès n'a aucune autorité sur
la question de l'esclavage, dans un territoire et
ne peut déléguer aucuns pouvoirs à ce sujet
aux! législatures territoriales.
» Le premier tribunal judiciaire de l'Union .
décide donc, qu'en vertu de la Constitution, les ;
nègres; qu'ils soient libres ou non, ne sont pas,
citoyens, c'est-à-dire que la Constitution a
été faite pour les blancs et que le nègre, comb
ine citoyen, est entièrement ignoré. La con
séquence ... de cette décision c'est [que toutes
les Constitutions et toutes les lois existant dans
les Etats libres et-qui accordent aux nègres les
droits èt les privilèges de citoyen sont annu
lées; car il est déclaré formellement dans la
Constitution qu'être citoyen d'un Etat, c'est
être citoyen des -Etats-Unte (art. 4, sec. 2), et
qu'il doit jouir des privilèges et immunités de
citoyen dans lès différens Etatsi v
j » En-ce qui touche l'ordonnance fédérale de
1781 et le compromis du Missouri dé 1830 , 1*
cour suprême affirme la validité du bill du
Kansas-Nebraska, comme la véritable politique
constitutionnelle, eu égard à l'esclavage dans
t^rritnîfPS
» Quant aux esclaves en transit à travers lès
Etats libres, la décision détermine qu'ils res
teront la propriété de leurs maîtres. ~
» Mais ce qu'il y a de plus important dans,
les décisions suprêmes, c'efet que le congres
n'a aucune autorité : et ne .peut en déléguer
aucune à propos de la question de l'esolavago
dans les: territoires. Il ne reste maintenant au
parti républicain et aux aboUtionistes qu'à se .
soumettre ou à se révolter, et nous craignons
bien que la question de l'escisvage va être agi
tée avec une nouvelle ardeur. » '
Nous avons parlé, il y a quelques jour?,'
d'une.sanglante échauffouree qui avait si
gnalé un meeting - politique au Kansas. il
s'agissait de flétrir la conduite indigné d'un
.M. Sherrard qui, désappointé dans ses es
pérances ambitieuses par le gouverneur
Geary, l'avait insulté en pleine rue après
avoir annoncé l'intention de le tuer.
La Tribune, de Washington, publie dans
sa correspondance du Kansas un récit des
plus dramatiques de cet épisode de la vie
politique dans ce territoire. Il est écrit j»ar
un témoin, oculaire, et nous en.reprodui
sons la partie la plus intéressante :
' ^Lorsque la majorité du comité eutpré-;'
qu'on ne prît une décision. Jones s'ap
procha. Plusieurs personnes qui se trouvaient
sur la ' plateforme, et parmi lesquelles se
troiivait Bénnett du Lecompton Union, commen
cèrent'à parler à la fois. Vainement le prési
dent s'efforça-t-il de maintenir l'ordre. M. Sher
rard, qui se trouvait dans-la foule immédiate
ment en face de lui, voulait aussi parler. Il
s'exprimait -avec violence et finit par monter
sur la plateforme inférieure. ,
» Sherrard était unjeune homme fortement
bâti, ayant le teint très coloré'et une expression
sauvage et turbulente. La crosse d'un revolver
de Colt sortait de sa ceinture. 11 s'écriadès l'a-
bordaVec ia plus grande agitation : « Je dénonce
ceux qui voudraient juger mes actions ! je dé
nonce peur qui voteraient pour Ir résolutions
dé la majorité comme des menteurs et des lâ
ches. » il fit une paupe et reprit : « Je dénonce
tout homme présent ou absent qui osera con-
damnerma conduite, comme un menteur etun
lâche!.»:-.
» Il suffisait d'uncouprd'œil pour voir qu'une
< bataillepréméditée allait ooinmencér. Des signes
expressifs étaient 'échangées entre les compa-
gnons!de;Sherrard. On pouvait voir des hommes
passer la' main sous leurs habits pour faire
tourner sur leur taille la ceinture de leur re
volver.' Evidemment la violence et les défis de
Sherrardétaient une satisfaction pourbeaucoup
d'entre: eux; Aloïs un M. Shepherd, quidemeu-
rè près .de Lecompton, autrefois juge de paix;
du pàrti de l'esclavage, aujourd'hui converti a
la cause du travail libre, s'avança et dit qu'A
voterait pour les résolutions parce qu'il le»
trouvait justes. — Eh! bien, je vous dénoncé"
comme un menteur et un lâche ! s'écria Sher
rard.
» A ces mots, il s'élança dans la foule, tom
me pour se préparer aù combat. Ils se trou»
•vaient tous deux seulement à qaelques pieds
de moi. Je vis quelqu'un brandir une canne;
mais si ce fut Sbepherd ou tout autre , c'est ce
que je ne saurais aire, car dans le même ins-;
tant, la détonation d'un revolver se fit enten-*
dre. Sherrard avait tiré un pistolet et fait leu
sur Shepherd.
» Ce qui suivit défie toute description. She»
pherd tira son arme et fit feu une fois, la halle
traversa la foule, au plus épais des combat
tans, Sherrard continua à tirer sur lui à plu
sieurs reprises,tandis que Shepherd, lui Taisant
face à moins d'un yard de distance, essayait
dè rendre le feu, coup pour coup, son arme ra
tant toujours. , .
» Bieu sait combien firent comme eux. Ima
ginez un groupe d'hommes furieux, les yeux
flamboyans cherchant à chosir un ennemi,
tous le revolver, au poing. Les coups de pis
tolet se succédant au milieu de cris et d'im
précations, les volutes de fumée's'élevant en
spirale à chaque explosion de la poudre, et les
blessés ou ceux qui ne croyaient pas avoir sujet
decombattréj ou qui voulaient éviter les balles
sillonnantl'air en tout sens,sepj , écipitant pèle-
mèleau-dehors. Une balle qui vint sifflèràmes
oreilles me rappela que cette querelle n'était
pas la mienne, et que la distance pouvait ajou
ter beaucoup au charme de la perspective. Je
wsaaraaag
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 26 MARS-
LES AMOURS
DE
CHIFFONNÉTTE.
• Lord Henry Roebuck, grand et beau jeu
ne homme de vingt-cinq ans, lieutenant
aux horse-guards de S. M- Ja reine Victo
ria, fouettait du bout de sa cravache les
fleurs rosee et bleues d'un massif d'horten
sias,' capricieusement semés au bord d'un
bowling-green, dansia cour d'honneur de
Roebuck-Park. ; '
De temps en temps, il jetait un.coup d'œil
impatient sur le cadran, de pierre d'une-
horloge monumentale qui s'éle vait au frem-
ton.de la façade du % châleau, accosté d'une
licorne bleue et d'un léopard armé.
• Toujours en retard ! murmurait-il en
sifflant un petit air de chasse; et il alla-ca-
resser deux magnifiques chevaux, que te
naient par la bride des grooms en petite -
livrée; les .nobles bêles hennissaient ét
piaffaient; leur robe alezan brûlé miroitait
au soleil. .
Une jeune femme "descendit lentement.
les marches du perron, relevant les longs
plis de sa jupe noire, avec plus de grâce
"que l'on n'en trouve d'ordinaire chez les
Anglaises. - ..
— Enfin! dit lord Henry en faisant quel
ques pas au devant d'elle. v
— Oh ! fit la jeune femme, est-ce un re
proche, cousin? ' ^
: —■ Non, chère Arabelle, ce n'est qu'une
plainte.
A là bonne heure ! Je vous par.donne.
Dfe vous avoir attendue, fit-il en riant, et il
secoua deux fois la main que lui tendait
lady Arabelle, puis, avec la souplesse et la
force d'un écuver rompu au manège, il
enleva la jeune fémme et la mit en selle.
Lui-même- sauta à cheval.,.rendit la
main, et tous deux partirent, bercés par
cette molle et gracieuse allure que l'on
appelle le galop de chasse. Bientôt ils fran
chirent là grille en fer doré de la cour
d'honneur et disparurent sous une sombre
avenue de châtaigniers,mêlés de grands or
mes et de platanes aux larges feuilles. ;
On eût pu voir, au même instant, un pe
tit rideau de mousseline, une minute en
trouvert, se refermer à une fenêtre du
troisième étage. Une jeune tille, qui venait
de quitter sa table à ouvrage, se rassit tran
quillement, et ^aiguille, voltigeant de Ci
de là, reprit sa course infatigable. -
- — Est-ce que miss Cbiffonnelte voudrait
aussi monter à cheval I demanda la voix
joyeuse mais, un peu vulgaire d'un homme
encore jeune, quise tenait debout sur le
seuil de la porte.
— Je n'ai pas dit cela, William, reprit '
la jeune fille en souriant. '
— Et vous avez raison, dit-il, il a fait so
leil trop matin, il pleuvra avant midi; et
puis, continua-t-il en lui prenant la main,
il vaut mieux finir votre robe de noce 1 . Com- '
me le blanc doit vous aller ! Vous serez rà- •
vissante en mariée,-Madame William;., car
à partir dé demain vous ne vous appellerez
plus Chiffonnette l La jeune fille baissa la
tête et rougit comme doit faire toute miss
bien élevée à qui on parle d'amour ou de
mariage. ~ * '
'• ~'U.
Elle né s'était jamais appelée Chiffonnet- -
te ; son vrai- nom était Mary, un nom bien
anglais, et je n'ai jamais trop "su pourquoi
on lui avait donné l'autre, car elle n'avait
pas le petit «il éveillé, le nez 'fnpon et la
bouche mutine des minois chiffonnés. C'é
tait au contraire uDe beauté calme, modes
te et sentimentale. Elle était née dans ce
comté de Middlesex, où leeSaxon et le Nor
mand ont mêlé leur sang pour former un
des plus beaux produits que l'on puisse
jamais envoyer à une exposition universelle
da la race humaine. Nulle part les femmes
n'ont les cheveux plus longs, lès yeux plus
grands et la bouche plus petite : et Mary -
était bellecomme la plus belle-fille du Mid- ■
dlesex.On eût admiré, sur les feùflles'de vé
lin d'un album aristocratique, sa peau trans-,
parente et veloutée-tout à la fols, son front
qui avait toujours l'air de rêver, ses yeux un
peu trop pâles, mais ombragés de grands
cils qui semblaient adoucir leurs regards en
les voilant. Quand ,elle souriait, — elle ne
riait presque jamais, — on apercevait entre
ses lèvres, des lueurs blanches, humides,
toutes nacrées, comme il arrive quand on
ouvre un écrin de perles. Ses cheveux
blonds flottaient en mille boucles légères,
le long de ses joues et sur son cou; on' eût
dit un nuage d'or. Dès qu'elle parlait, .de
petites fossettes se,creusaient au coin de
sa bouche et au bord de son menton; com-
rae les mille rides qui frissonnent au ma-,
.tin sur le miroir d'un lac. Ajoutez qu'elle
avait des mains trop jolies pour rien faire, :
et que cependant elle travaillait toujours,
car elle était pauvre, Chiffonnette ! C'était,
du reste, son seul défaut. Av'ee une dot
c'eût été-une fille accomplie. _ -
Son père, feu Georges Ashburnt, avait eu
le tort de ne lui en point laisser.
Georges Ashburnt était, de son vivant,
vicaire de la petite paroisse de Roebuck..
Veuf à trente ans d'une charmante créa
ture, plus belle que riehe, et qu'il perdit
après l'avoir-adorée six ans, il resta,char
gé de sa fllte, qu'il éleva fort-mal. .
Cet excellent Georges n'était pas du tout
ce que l'on appelle- un.homme positif : Il
avait l'habitude de répéter qu'à chaque jour
suffit son pain,' et celui du Ïèndeinaïn ne lé
préoccupait jamais. Du reste, il était fou
de sa illie et l'habillait comme une pou
pée; le plus clair de sa cure y posait; rien
n'était trop heau pour elle. Elle était aussi
bien mise que la fille d'un lordi Mais il eut
du. moins la sagesse de ne pas lui donner
ce que l'on appelle vulgairement de l'édu
cation ; je veux dire" qu'il ne gâta point par
une demi-science son naturel charmant; il
n'en fit point un bas-bleu, il la laissa fem ;
me. Mais il ne put éviter un tort que pour
tomber dans un autre : s'il n'en fit point
une savante, il en fit une tête romanesque.
Presque toutes les Anglaises sont romanes
ques.;; jusqu'à vingt ans. H est vrai que le
plus souvent elles écrivent le mot : Maria
ge à côté du mot: Fin, sur la dernière page
de leur roman. *
Mary aimait passionnément la lecture.
Les ■ in ^ folios de la bibliothèque pater-'
nellë n'étaient, pas fort réjouissons : ils
étaient d'ailiçurs écrits presque^tous en la
tin, On les échangea contre du bon anglais.-
Peu à peu la théologie quitta la maison de
la cure. Les paroissiens ne songèrent point
à s'en plaindre : il n'en avaient guère; be
soin, et uirpeu de simple morale, le di
manche, faisait bien mieux leur affaire ; et
la morale ne se trouve pas seulement dans
les gros livres : elle x est partout où on sait
la voir.
Mary eut bientôt lu les dix-huit ou vingt
volumes achetés à la ville voisine ; «Ile en
demanda d'autres : qui a lu, lira. Son père
prit un abonnement à ces bibliothèques
afnbulantes que les Anglais appellent Ci'r*
culating, libraries . Pour quelques shillings:,
par mois, on recevait au. presbytèr» toutes
les nouveautés de Londres. Oh ! le beau
jour quand les livres arrivaient à Roebuck I
Comme Mary savait choisir !.;. elle devinait
un auteur, rien qu'en voyant la couvertu
re; certaines nuances l'attiraient : elle ayait
,été si heureuse avec un in-octavo lilas ! ses
pressentimens ne l'avaient presque jamais
trompée. Il était rare qu'elle fît fausse route;
rien qu'à voir un titre, elle devinait si le
héros était sympathique. Quand elfe avait
fait son choix, elle s'en allait au bout du
jardin, sous 4a tonnelle de chèvrefeuille;
par une belle matinée bleue de printemps,
et elle lisait, en respirant le parfum des'
fleurs. »
Les bouvreuils et les fauvettes qui babil-
laient dans les haies voltigeaient de bran
che en branche autour d'elle, et, penchant
la tête, la regardaient de côté. Ou bien, si
déjà c'était le soir et l'hiver, assise dans lé
petit parloir, à côté de son père, près du
poêle qui gronde et de la bouilloire qui
chante, les coudes sur ses genoux, la tête
, dans sa main, le livre sur la table, à moitié
cachée par ses grands cheveux qui pendent;
elle lisait. Elle lisait avec une ardeur, une
passion, et-, si j'ose dire, une conscienife
sans égale. Elle se mettait à la place de
l'héroïne et devenait infailliblement amou-
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