Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-31
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 janvier 1849 31 janvier 1849
Description : 1849/01/31 (Numéro 31). 1849/01/31 (Numéro 31).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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S'adreHar franco, pour la rédaotitB*
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PARIS, 50 JANVIER.
. La République de l'ordre a remporté dans
la journée d'hier deux victoires, qui, grâce;
au ciel ! ne sont achetées ni par du sang
ni par des larmes. La raison seule a triom
phé dans l'Assemblée, et dès. à présent, on
peut le dire, a supprimé le péril d'un dé
plorable conflit entre les pouvoirs. Et au
dehors de l'Assemblée, la force publique,
déployée à propos dans toute son énergie
préventive, nous a épargné la douleur de
voir se réaliser la prévision, trop malheu
reusement fondée, d'un conflit dans la
ville.
Exposons dans sa vérité la situation cri
tique où se trouvait le Gouvernement, et
nous la rapprocherons ensuite des calom
nies par lesquelles les partis anarchiques
s'efforcent de la défigurer, dans l'espoir de
faire tourner à la honte de ce Gouverne
ment ce qui est tout à son honneur. Le
pouvoir était hier en face de deux questions :
l'une dans la chambre, l'autre dans la rue.
On sait comment les Montagnards et les so
cialistes sont parvenus à passionner, à dé
naturer tout ce qui se rattache à la proposi
tion Rateau, en présentant sans cesse les
pétitions demandant à la chambre de mettre
un terme à son mandat, comme des somma
tions impérieuses auxquelles sa dignité, de
vait résister, et l'appel fait à son patriotisme
comme une tentative de contrainte, exercée
sur sa faiblesse. Ces excitateurs ne se bor-
aaiént pas à souffler le feu dans l'Assemblée;
ils la menaçaient, et ils lui disaient que si elle
cédait, le peuple de Paris ne céderait pas;
que si elle ne restait pas à son poste pour
défendre la République contre la réaction,
le peuple saurait bien défendre lui-même
la République contre l'Assemblée;
Ainsi posée, ainsi défigurée, la question
était pleine de difficultés créées par l'arti
fice des partis. Ce n'était pas assez. La réor
ganisation de la garde mobile, exploitée ha
bilement parles anarchistes, vint faire coïn
cider avec le débat le plus épineux devant la
chambre, une menace de collision dans Pa
ris. Prendre desmesuresmilitaires pour pré
venir ce dernier danger, c'était offrir à la
mauvaise foi de ses adversaires l'occasion de
soulever contre le pouvoir les préventions, les
soupçons.de l'Assemblée *0n ne manquerait
pas de dire que la force publique convoquée
pour prévenir l'émeute,était destinée à inti
mider la représentation nationale, que ce
n'était plus" seulement avec des pétitions que
la campagne contre la chambre se faisait,
mais avec des baïonnettes et du canon. Le
gouvernementnesedissimulaitpas que toutes
ces choses se diraient. Ellessesontdites, elles
së répètent encore ce matin, et se répéteront
long-temps encore. Il avait prévu qu'elles
produiraient un certain effet à son préjudice
sur le vote. Elles l'ont produit. Mais entre
l'inconvénient de compliquer sa position
personnelle et celui de laisser à l'émeute la
chance d'un commencement d'exécution, le
gouvernement n'a pas hésité. Il a couru au
péril public, et il l'a conjuré par le formi
dable appareil de la défense.
Plus le Gouvernement a réussi, plus il
devait être calomnié. Il a étouffé le mal
dans son germe, naturellement on nie qu'il
y ait eu legermedu mal. Il n'a pas employé
le système qui laisse le champ libre à l'a
gression pour la mesurer et pour y propor
tionner la résistance. Le général. Changar
nier a tout de suite donné à celle-ci des di
mensions telles qu'elles ont découragé l'at
taque. Selon l'habitude, on lui reproche
d'avoir inventé le péril qu'il a prévenu ; et
ceux qui le lui reprochent sont ceux qui
ont tout fait pour en provoquer l'explosion.
Que n'ont-ils pas dit pour exciter contre le
pouvoir la garde mobile soumise à une
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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^^j^-jation indispensable? Ils deman-,
tient une réduction de l'armée et des écono
mies, et ils se. sont indignés de la réduction
naturelle, nécessaire faite sur les cadres évi
demment trop vastes du corps le plus dis
pendieux. Ils avaient appelé en juin ces
jeunes-soldats des traîtres à la République;
ils ont accusé le Gouvernement d'avoir
voulu frapper dans ces mêmes soldats les
défenseurs de la République. Toute cette
provocation n'était pas restée sans effet. Il
est constant que sous l'influence de ces sug
gestions funestes, un plan de révolte était
combiné. Les sections organisées se tenaient
prêtes à profiter de l'incident qui venait en
aide à l'effervescence produite par la ques
tion qui devait se traiter àl*Assemblée. L'im
minence d'une lutte est incontestable. Le
déploiement immense des précautions dé
fensives a tout fait rentrer sous terre. La so
ciété armée a montré sa puissance. Nous avons
eu, au lieu des j ournéés de juin, une victoire pa
cifique par la démonstration soudaine d'une
grande force. Qu'importe après cela d'être
calomnié par les partis ? Le Gouvernement
en sera dédommagé par les. remercîmens de
la France.
Cependant, quand il sauvait ainsi au de
hors la paix publique compromise, ces me
sures compromettaient, comme nous l'avons
dit, la question si importante engagée dans
l'Asàembléc. Les orateurs de l'opposition ne
manquaient pas de faire vibrer dafis le cœur
des représentans les cordés les plus sensibles
qui soient dans les cœurs français, celles de
l'honneur et du courage. Ils montraient à
l'Assemblée l'appareilmilitaire au milieu du
quel elle délibérait. Ils lui faisaient entendre
qu'il avaitpour but dë l'intimider ; ilslui répé
taient sans cesse qu'elle était sous une pres
sion extérieure contre laquelle sa dignité
lui imposait le devoir de se raidir. M. Jules
Favre tournait et retournait cet argument.
On exploitait les incidens qui pouvaient lui
donner une apparence de valeur. Il agissait
évidemment sur les consciences et révoltait,
la fierté des représentans qui se laissaient '
prendre à ce piège. Aussi les Montagnards
ont-ils renoncé à la parole et ont-ils voulu
que l'Assemblée votât sous l'impression du
sentiment qu'on cherchait à exciter en elle.
Ils ont réussi jusqu'à un certain point, nous
n'en doutons pas. Parmi les votans qui ont
adopté les conclusions de M. Grévy, un cer
tain nombre assurément l'ont fait pour ne
pas encourir le reproche de faiblesse. Cette
manœuvre a diminué la majorité qui a ad
mis la seconde lecture pour la proposition
Rateau. Et voilà pourquoi cette victoire de
scrutin est moralement supérieure à son ex
pression numérique. Quand on ne votera
plus sous l'impression d'une susceptibilité
d'honneur, cette majorité grandira.
Les journaux montagnards ët socialistes
le sentent bien. Rien ne leur coûte pour ca
lomnier le Gouvernement et soii double suc
cès. L'Assemblée elle-même, dont ils glori
fiaient la résistance, ils la déshonorent par
l'interprétation qu'ils donnent à son vote.
La peur a vaincu, dit la Réforme. Aiiisi, après
avoir exploité le courage des représentans
avant le voite, après le scrutin on les accuse
de lâcheté. Car il va sans dire que le péril
n'existait pas, et que c'est la contre-révolu
tion qui l'a créé pour paralyser le crédit et
les affaires, et pour intimider la représenta
tion. La Démocratie pacifique fait un article
triomphant sur la provocation déjouée. Les
provocateurs sont ceux qui ont tout préve
nu. Le Peuple- félicite les républicains d'a
voir fait manquer par son inaction le coup
d'Etat tenté par le Gouvernement. Enfin,
la Révolution démocratique et sociale, qui
prend pour elle et son parti ces paroles con-
! ténues dans la proclamation de M.Faucher :
les mêmes ennemis qui attaquèrent l'ordre so-
' cial dans les journées de juin, se venge de
>< *
s$ défaite par la menace. Le peuple cnoi-.
sira son Jf>ur et son heure, dit ce journal. :
Le peuple bientôt fera justice. Ces calomnies,
ces colères, ces menaces des journaux mon
tagnards et socialistes s'ajoutent à la salis-
faction des bons citoyens pour témoigner \
que la journée d'hier est doublement bonne. <
Nous ne croyons pas que M. Sarrans se
félicite maintenant de la malencontreuse
pensée qui l'a poussé aujourd'hui à monter
à la tribune, et du rôle qu'il y a joué. Ce
rôle n'échappe à l'odieux que par le ridicu
le. 11 est impossible de faire preuve dé plus
de légèreté, pour ne pas employer un mot
plus sévère, et ce qui serait excusable chez
un écolier, l'est beaucoup moins chez un
homme qui n'est plus précisément jeune, et
qui fait ' partie de l'Assemblée nationale.
Quelques-uns de nos Montagnards oublient
trop qu'on n'est pas suffisamment autorisé
par le titre de représentant *du peuple à
usurper, sous prétexte d'interpellations, les
momens d'une grande assemblée : il faut en
core y être autorisé par la valeur de ce que
l'on a à dire.
M. Sarrans s'est établi à la tribune, dè?
le début de la séance, comme un homme
qui portait dans sa tête les destinées du
monde ; il a enflé sa voix, arrondi son
geste et commencé du ton le plus lamenta
ble, un récit très dramatique qui, malheu
reusement, étdt encore plus romanesque.
Un colonel de la garde nationale, M. Fores
tier, avait été arrêté, que disons-nous, en
levé à la tête de sa légion, sans autre motif
que d'avoir écrit au président de l'Assem
blée qu'il mettait la 6 e légion à sa disposi
tion. M. Sarrans reculait d'horreur devant
les idées que faisait naître dans son cerveau
l'arrestation, l'enlèvement d'un colonel pour
un pareil motif.
Un autre fait, non moins grave, achevait
de le glacer d'épouvante. M. Sarrans, à qui
rien n'échappe, a bien vu hier que M. Mar-
rast avait cédé à un sentiment d'indulgence,
à la faiblesse d'un cœur trop miséricordieux,
en rendant compte de ce qui s'est passé entre
lui et le Gouvernement au sujet des précau
tions prises pour protéger l'Assemblée ; il y
a surtout une certaine lettre du général
Changarnier qui impose à M. Sarrans le de
voir de venger l'honneur de l'Assemblée, à
défaut d'un président trop faible ou trop
clément. M. Sarrans, n'a pas vu cette lettre r
mais il la sait par cœur; il en cite des phra
ses, et elles sont abominables. Quand on se
récrie autour de lui, M. Sarrans , de l'air
d'un homme qui possède à fond la science
des formes et qui veut rester parlementaire,
secoue la tête en disant qu'il ne garantit pas
les termes.
; Voilà un homme bien informé, ne man
querait, pas de se dire quelque étranger qui ne
connaîtrait pas nos Montagnards : heureuse
l'Assemblée qui possède dans son sein des
membres aussi perspicaces et aussi dévoués ;
ce n'est pas un mince mérite que de savoir
découvrir la vérité, c'en est un plus grand
encore que d'avoir le courage de la dire en
face aux ministres, et de demander une en
quête sur leur conduite. Par malheur il se
trouve que le Gouvernement n'avait pas
même connaissance de la lettre écrite par le
colonel Forestier au président de l'Assem
blée, et que cet officier a été arrêté pour de
tout autres motifs, pour des faits dont la jus
tice est saisiê. Quant à cette lettre abomina
ble du général Changarnier, dont M. Sar-
sans avait fait l'analyse, dont il avait cité
des phrases, garantissant le sens, s'il ne ga
rantissait pas les termes, le président de
l'Assembléé en a donné lecture, et rien, ni
dans le fond, ni dans les expressions, n'a
l'analogie la plus lointaine avec ce qu'avait
débité M. Sarrans.
C'est donc ainsi que quelques hommes
comprennent le mandat de représentant du
peuple; c'est là le respect qu'ils portent à
l'Assemblée dont ils font partie. Le premier
commérage-leur suffit pour s'élancer à la
tribune, pour demander des mises en accu
sation et des enquêtes. Ce qu'un homme sé-
rieu;x, T»*£^entiment de sa propre dignité et
de la dignitVurî hionde où il vit, n'oserait
pas dire dans un salon, on le porte à la tri
bune de l'Assemblée nationale. On'suspend
lès travaux d'une grande assemblée, on in
terrompt les discussions les plus graves, et sur
la foi de bruits dont on n'a pas pris la peine
de vérifier l'origine, la valeur, et dont la
moindre réflexion aurait fait voir l'inanité,
on vient émettre les assertions les plus in
exactes et les plus ridicules.
M. Marrast, avant de donner lecture de
la lettre de M. le général Changarnier, a
rappelé sévèrement à M. Sarrans qu'accuser
le général d'avoir écrit au président de l'As
semblée une lettre inconvenante, qui n'au
rait point été appréciée comme elle devait
l'être, ce n'était pas seulement calomnier le
chef de la garde nationale parisienne, c'était
aussi accuser le président et le bureau de
l'Assemblée de n'avoir point eu le sentiment
de leur dignité, et d'avoir toléré une insulte
à la représentation nationale. Mais pourquoi
demander à un Montagnard de calculer la
portée de ses paroles, l'essentiel n'est-il pas
qu'il parle? M. Marrast n'a-t-il pas entendu,
quelques instans plus tard, M. Bac et M. Flo
con reprendre, sur l'insulte faite à l'Assem
blée par le général Changarnier, les mêmes
phrases, les mêmes gestes, les mêmes in
flexions de voix que M. Sarrans.
. M. Bac est venu donner lecture de la pro
clamation de M. Léon Faucher, et insistant*
sur la phrase où le ministre signale au mé
pris de Paris et de la France les instigateurs
de révolte qui voudraient renouveler les
journées de juin, il a prétendu être désigné
lui et ses amis par cette phrase. Nous ne ci
terons point de proverbe à M. Bac, nous
dirons même que cette protestation, de sa
part, et cette apologie étaient inattendues.
Qu'y a-t-il eu de commun entre l'insurrec
tion de juin et la Montagne, même socia
liste ? que peut-il y avoir de commun entré
la Montagne et les complots qui se trament
aujourd'hui? M. Bac oublie-t-ilque c'est lui
et ses amis qui ont mis le ministère en ac
cusation ; et que c'est une attaque et non un
plaidoyer qu'il doit porter à la tribune.
M. Flocon, qui ne sait point parler com
me M. Bac, mais qui n'est point avocat, est
resté bien plus fidèle au rôle et à l'attitude
du parti : au lieu de faire des apologies et
des doléances, il a laissé là les proclamations
ministérielles et les journaux de province ,
et il a pris bravement l'offensive. Vous sau
rez donc qu'un coup d'Etat a été tenté hier,
que la croyance en existe dans l'opinion pu
blique. Les ministres ont ourdi un complot
dont le premier acte a été de faire insulter
l 'Assemblée en prenant dès mesures pour la
protéger; le second, d'arrêter, dans le colo
nel Forestier, un officier indiscipliné ; le
troisième, de prendre des précautions pour
que l'ordre ne pût être troublé. Heureuse
ment le Gouvernement a été intimidé, et M.
Flocon laisse à deviner à quels excès celle
peur subite l'a empêché de se porter.
Voilà les pauvretés que l'Assemblée natio
nale a été réduite à entendre pendant des
heures, au moment où ses instans son t récla
més par les lois les plus graves et les plus
urgentes ; et, pour couronner l'œuvre, les
mêmes hommes ont déposé une demande
d'enquête, pour servir sans doute de pendant
à la mise en accusation du ministère. Nous
sommes certains d'avance que les mêmes si
gnatures sont apposées au bas de ces deux
documens. Ridicule oblige. .
M. Guinard et M. Edgard Quinet, tous
deux colonels dans la garde nationale pari-
siénne, ont pris texte de l'arrestation de M.
Forestier pour se décerner à eux-mêmes
des certificats de civisme et entretenir l'As
semblée de leurs propres vertus. M. Buvi-
gnier qui n'est pas encore colonel, mais qui
a obtenu 250 voix socialistes ^ir 10,000 vo
tans, dans la première légion, montait éga
lement à la tribune pour faire l'éloge de M.
Forestier et le sien propre, quand l'Assem- 1
blée a mis fin à tous ces commérages et à
toutes ces réclames, en passant à l'ordre du
jour.
L'Assemblée nationale, après l'incident
dont nous venons de rendre compte, a en
tamé la seconde délibération du projet de
loi relatif ,à l'impôt sur les successions et les
donations.
Le projet a été attaqué par plusieurs ora
teurs; on a prétendu que la situation de nos
finances n'exigeait pas l'établissement' de
nouveaux impôts, et... qu'il était possible de
rétablir l'équilibre en réduisant les dépenses;
on a reproché à l'impôt proposé, d'entamer
le capital et de porter atteinte au droit de
succession dans la famille ; il n'a. pas été
difficile à M. Parieu de réfuter ces objections;
il a répondu, à ceux qui parlaient d'écono
mies, que, malgré les réductions indiquées
dans le projet de budget, nous étions encore
menacés d'un déficit de 2 ou 3Q0 millions;
il a fait remarquer, ensuite, quant aux
attaques dirigées contre le principe même
de l'impôt, que tout' impôt a des inconvé-
niens, que les meilleurs ne sont, à. propre
ment parler, que les moins mauvais, que f
l'impôt sur les successions est de ce nom
bre, que d'ailleurs il existe déjà, et qu'il
rie s'agit que de l'augmenter, qu'enfin
il entame moins le capital que l'impôt fon
cier, par exemple, attendu qu'en deman
dant, à chaque génération, une quote-part
de la valeur même de la propriété, on cause
en réalité moins de dommage aux fortunes,
particulières, que lorsqu'on prélève chaque
année une quote-part de leur revenu.
La discussion générale sur l'article 1 er ,
qui contient toute la loi, étant épuisée, on a
passé aux amendemens. Le débat s'est d'a
bord établi sur un amendement qui tendait
à ne faire porter l'impôt que sur l'actif net,
c'est à dire déduction faite des dettes et
charges de l'hérédité ; c'eût été ouvrir la,
porte à des fraudes nombreuses et compro
mettre le produit de l'impôt au lieu de l'a;ug- i
menter; l'amendement combattu par MM. j
Passy et Dupin a été rejeté. Il en a été de
même d'un autre amendement qui avait
pour but de frapper du même droit les
mutations des biens meubles et immeu
bles. L'Assemblée a ensuite adopté pour
la ligne directe le droit de 75 centimes
sur les valeurs mobilières, droit égal au
triple de celui qui est actuellement perçu ;
mais elle a rejeté le droit de 1 fr. 50 sur les
immeubles, que la commission avait propo
sé et qui équivalait à une augmentation
proportionnelle du, droit existant ; M. Pas
sy a fait alors remarquer l'anomalie singu
lière qui résultait de ce double vote, puis-
qu'après avoir adopté un droit triple sur les
meubles, qui font partie des successions pau
vres, elle avait repoussé de tripler également
le droit sur les immeubles qui apparlienrient
à des citoyens plus aisés; en conséquence,
l'article a été, sur sa demande, renvoyé à la.
commission.
- . - ■ • • > '. \
Plusieurs journaux ont annoncé qu'hier,
pendant que M. le Président de la Républi
que parcourait à cheval le front des lignes
de la garde nationale, de la garde mobile et
de l'armée, des cris : A bas les ministres ! se
seraient fait entendre plusieurs fois sur son
passage, et que, sur les demandes réitérées
qui lui auraient été faites d'un nouveau mi
nistère, il aurait répondu : Vous l'aurez !
vous l'aurezl •••'/• ' ; V
Ce fait est inexact. . .. . '. ! •
Le chef de l'Etat, en parcourant les rangs -,
dé. la population, des gardes nationales et de >
l'armée, n'a recueilli que l'expression spon- ,
tanéé des sentimens de bienveillante èt de
dévouaient. "Partout, sur , son passage,; ci- ;
toyens et soldats.n'ont fait entendre que des i
acclamations enthousiastes et des encoura-
gemens : « Vous pouvez corripter èur 'noUs !
lui criait-on de toutes parts. Courage ! «oms
vous soutiendrons ! » ; ,
Tels étaient les sentimens de cette foule
(jui le pressait de tous côtés, lui serrait les
mains et lui manifestait le dévoûment le
plus, empressé etleplusyrai. ( Çommuniqué.)
Paris a repris aujourd'hui, son aspect a»- ;
coutumé. Chacun est retourné à ses occupa
tions ordinaires, et les dispositions militaires
extérieures qiii- âvaïent' été maintenues' une
partie de la nuit avaient tout à fait disparu
ce matin. , , , •
L'autori té n'a pas p'otir cela rSnbrièé à de sa
ges mesures de précaution.,Un bataillon du
62° de ligne et un détachement de gendarme
rie mobile occupent l£ Palais-National. Un
bataillon du 4° de ligne est dans l'a cour du
Louvre. D'autres positions importantes res
tent également militairement occupées. '
Les travaux qui avaient été momentané
ment interrompus dans quelques ateliers
et dans quelques chantiers, durant là jour-
née d'hier, ont repris' comme d$ coutume
ce matin. , ; •
A la Bourse, les fonds se sont maintenus
en hausse.
On s'y entretenait de quelques arrestations
opérées, notamment de celles de M. d'Alton-
Shée etdéM. Aubert Roche.' ' 1
On fait courir toutes sortes dè versions sur
les plans que les mesurés prises hier ont fait
avorter, et dont l'autorité a pu, dit-on, se
procurer les preuves.
On lit ce matin dans le Moniteur :
Au rédacteur.
Paris, 218 janvier 1849.
Monsieur,
Votre numéro du 27 contient une circulaire diri
gée contre !a Solidarité républicaine, et adressée aux
préfets par M. Léon Faucher, ministre 1 de l'inté
rieur.: '■ .■ -. ■ : '.JAl .1
Dans cette circulaire, nous lisons que le rainia're:
de l'intérieur a fait fermer,, dès le 42 décembre, le
local dans lequel les membres de la Solidarité répu
blicaine se proposaient de tenir leurs: réunions^'gUe
cette décision a obtenu l'approbation de l'Assemblée
nationale. -, . »
Nous venons, Monsieur, ' en qualité de membres
du conseil général de la SolidUrité républicaine, rec
tifier cette assertion entièrement controuvée.,
Aucune mesure n'a été et ne pouvait être prise
contre te Solidarité pour la fondation dé laquelle
tontes les formalités prescrites par la loi ont été rem
plies. ■ ■■ >" "■ ■ :i ■ '■■■"- '•
Agréez; Monsieur, l'assurance denotre considé
ration.
Ledru-Rollin, représentant du peuple; Martin .Ber
nard, représentant du peuple, président de la So
lidarité républicaine ; Mulé, représentant du peu
ple, trésorier de la Solidarité républicaine ; Ch.
Delescluze, secrétaire général de la Solidarité ré
publicaine ; Deville, représentant du peuple ; Isi
dore Buvignier, représentant du peuple; Léon
Tremplier, ingénieur métallurgique,.vice-tréforier
de la Solidarité républicaine; D. Piletle, ancien
commissaire de la République pour lé déparle
ment du Nord; Savary,: ouvrien cordonnier; Cas-
lainier, ouvrier tailleur; Cholat, représentant du
peuple; Nadaud,'ouvrier maçon; Baconnal, négo
ciant; Dalican, avoéat; Hyzet, ouvrier mécaniciens
Crevât, ancien commissaire de la République po$,
le département de l'Aube; E. Baune , représentant;
du peuple; Ferd. Gambon, représentant dupeu-
'ple; A. Lemaître aîné, homme deiettres; Ma
thieu (Drôme), représentant du- peuple; F. Si-
gnard, représentant du peuple; J. .PégotrOgicr,
représentant du peuple; Mathé (Félix), représen
tant du peuple ; James Demontry, représentant du.
peuple; Joly (Haute-Garonne), représentant dii peu
ple; Amédée Bruys* représentant' du' peuple; J:
Gosset; Cormier; Ch. Ribeyrolles/ rédacteur en
chef de la Réforme.
Le Moniteur ajoute :
« La réclamation que l'on vient de lire peut être.
MWMMWBPIWM
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 31JANV.
LE CABINET MME.
TROISIEME PARTIE.
LA GEORGIENNE.
. CHAPITRE XXXI.
l'enchaînement des choses.
Il est assez rare que la Providence laisse plei
nement pénétrer toute la part d'action qu'il lui
plaît prendre dans la conduite des choses humai
nes; mais, quand elle consent, comme ici, à nous
faire assister à ce travail latent par lequel elle
amène une destinée au terme précis qu'elle lui a
marqué, le spectacle de cette déduction est trop
curieux à suivre, pour que nous ne nous arrê
tions pas un moment à récapituler la marche et
le développement successif de celte fatalité bien
évidente qui pesait sur la famille Hulet.
Avant 89, Hulet, le chefactuel du Cabinet noir,
semble avoir été soustrait par son père à leur
nécessité héréditaire. Mais par autant de stations
d'une voie douloureuse, prêtre, dominicain, grand
inquisiteur à Malte, ramené en France sur l'aile
de la Révolution, moine apostat, conventionnel et
enfin régicide, il est, à. la longue, replacé à son
point de départ, et accepte même avec quel-
qu'empressement cette condition d'existence
qu'une sagesse vainement prévoyante avait dé
clinée pour lui.
A son tour, premier né entre les enfans de
Hulet l'apostat, Alexis Hulet doit passer par l'é
troit sentier fait à ceux de sa race.
Quelques années après sa naissance, une
chance imprévue paraît un moment s'ouvrir
pour le dérober à l'étreinte de cette destinée,
mais c'est justement l'amour de sa mère, relu-
sant de le livrer k, l'adoption d'un étranger, qui
vient lui fermer le passage, et, dès lors, à tra
vers mille douleurs de famille, il mûrit pour sa
Yoir notre numéro du 30 janvier.
Toute reproduction, même partielle de cet ouvrage,
est interdite, *\ serait pourmirie comme contrefaçon.
vocation marquée d'en haut.
L'heure venue, son père essaie, si l'on peut
ainsi parler, de le faire entrer dans la rai
nure, l'ardent jeune homme se cabre et résiste,
et il semble que ses instincts d'honneur vont le
préserver : — vous nous reviendrez—lui répofid
tranquillement le directeur du Bureau secret,
et en effet, ramené par un fol amour, le prédes
tiné vient se représenter au joug, et maintenant
la probité relative, qui au moins lui était possi
ble dans cette position descendue, au milieu de
la tempête de ses passions, il ne sait pas l'avoir
sauve. Prévaricateur par vengeance, le voilà ex
posé à toutes les conséquences de ce fâcheux en
traînement,Jet probablement la volonté d'en.haut,
peu habituée à faire aux Hulets crédit de sa jus
tice, ne tardera pas à lui demander compte et
expiation.
Arrivée à ce point, l'influence providentielle,
qui d'abord avait développé lentement et pa
tiemment son influence , sembla précipiter ses
coups.
Le jour même où Alexis s'était triomphalement
présenté chez l'amant de Giorgina et lui avait
dicté ses conditions, par la démarche que Dubi-
gnon avait imprudemment tentée auprès d'un
employé de la police, celle-ci avait été avisée de
l'abus qu'un membre du Cabinet noir faisait de
ses fonctions, et, deux heures après, l'imprudent
jeune homme aussi bien que la lettre dont on
se servit pour faire rendre gorge à l'avare étaient
sous la main de l'autorité.
Ici encore se marqua une cruauté de la des
tinée, et, dans les aveugles calculs de la pruden
ce humaine, c'était dès long-temps Hulet lui
même qui se l'était ménagée.
On se rappelle que, pour relever son honteux
ministère, il avait désiré n'avoir point à en comp
ter avec l'administration de la police; qu'en
outre, dans l'espoir de moraliser, comme il le
disait, le Cabinet noir, il s'était réservé la no
mination à tous les emplois qui en dépendaient,
et avait institué dans l'intérieur même de cette
corporation, dont il était le chef suprême, une
sorte de tribunal disciplinaire appelle à juger les
méfaits de ses membres.
: Jalouse de ses attributions, comme tous les
pouvoirs, la police avait plusieurs fois réclamé
contre cette indépendance, dans laquelle Ie iïw-
r «au secret était placé vis- à-vis d'elle ; des luîtes
même s'étaient entamées à ce sujet sur un cer
tain pied d'aigreur, et, à la suite de cesdébats, le
statu quo avait été maintenu au profit de Hulet.
Pour peu donc que l'on veuille bien se rappéler
le degré d'animation que prennent ordinaire
ment les disputes de prérogatives, on peut se
représenter la joie des bureaux de la police, en
surprenant dans un aussi grave oubli de lui-mê
me le fils de cet heureux antagoniste contre le
quel il ne leur avait pas été donné de prévaloir
jusque là;
Aussitôt Alexis Hulet arrêté, la lettre suivante
fut adressée au directeur du Bureau secret :
« Le ministre est informé qu'un des employés
» sous vos ordres s'est rendu coupable d'une gra-
» ve infidélité dans l'exercice de ses fonctions.
» Une lettre par lui interceptée, au lieu d'être
» placée sous les yeux du gouvernement, auquel
» elle devait apporter de précieuses lumières, est
» devenue en ses mains l'instrument d'une igno-
» ble extorsion. Arrêté à l'instant même, le cou-
» pable est dès ce moment à votre disposition.
» Il est à croire, que dans cette circonstance,
» comme dans toutes les autres, vous revendi-
» querez le droit de soumettre à votre justice
» intérieure, l'arbitrage de ia peine encourue
» par cette forfaiture. Yeuill- ; r ,, Monsieur le di-
» recteur, m'accuser réception de la présente,
» et me croire, etc. »
» P. S. Je remarque en relisant cette lettre
» que j'ai omis de vous faire connaître le nom
» du coupable. Il s'appelle A lexis Y andel ; le
» malheur voudrait-il qu'il fût de vos parens? »
Parent de Hulet 1 La traîtresse plume, qui
avait aiguisé, comme un poignard, les lignes que
l'on vient de lire, savait bien qu'Alexis était
son fils.
Cette révélation fut pour Hulet père un coup
de foudre. Sans doute, ni pour lui ni pour les
siens, il n'avait compté sur un avenir heureux,
mais le malheur venant ainsi le visiter sous la
forme d'une flétrissure, ne le trouvait pas prépa
ré. Ce qu'il n'avait pas prévu surtout, c'est que
son fils, devenu coupable, et ayant encouru un
châtiment que tout faisait entrevoir terrible, lui-
même serait appelé l'un des premiers à mettre
la main à cette justice, et pourtant il n'y avait
pas à s'y méprendre, la lettre qu'il venait de re
cevoir, le sommait d'avoir ce douloureux coura
ge, et lui en portait comme un défi.
D'ailleurs, si celte intimation ne lui fût pas
venue du dehors, dans les hommes même qui
servaient sous ses ordres, il eût dû s'attendre à
rencontrer la même exigence, car tel il avait
planté l'arbre, et tel il devait récolter le fruit.
D'une honteuse institution, il avait prétendu
faire une sorte de magistrature : commençant
donc par prêcher d'exemple, il avait demandé à
ses collaborateurs la gravité des mœurs et l'aus
térité de la vie.
Puis, afin de maintenir ce niveau de vertu, il
avait encouragé chez ses subordonnés, des habi
tudes de vigilance et de censure mutuelles, fon
dées sur le prineipe d'une solidarité qu'il dési
rait établir entr'eux.
De }à parmi ces hommes que des occupations
et une destinée communes auraient dû rappro
cher étroitement, un continuel ferment de doute
et de défiance, et une absence constante et pres
que générale de tout affectueux sentiment de
confraternité.
Existences déclassées par des revers de for
tune, amours-propres poussés au désespoir, faute
d'avoir pu se faire dans la société la place qu'ils
y ambitionnaient, ou gens de la trempe dont Hu
let était lui-même, ayant le goût marqué du
pouvoir, et l'aimant sous cette forme occulte
et presqu' infernale qui mettait à leur merci tous
les plus mystérieux arcanes de la pensée humai
ne, tels étaient les, élémens dont se constituait
cette façon de société secrète, dont l'ancien in
quisiteur était l'ame. Mais là aussi se rencon
traient les passions qui d'ordinaire fermentent
au fond des associations occultes, le fanatisme,
l'orgueil, l'esprit de méfiance, la cruauté des
instincts, et quand il était question de mainte
nir en faisceau toutes ces natures rèches, iras
cibles et difficultueuses, parce qu'au fond, elles
faisaient mauvais ménage avec leur conscience,
ce n'était qued'une inexorable fermeté, tempérée
par le plus sévère esprit de justice, que ce résul
tat pouvait être obtenu.
■ Une fois connue cette physiologie du Cabinet
noir, qu'on dise s'il était possible que, devant ces
hommes, Iluletparût se souvenir que, tout à l'heu
re, devenu leur justiciable et placé sous le coup
d'une accusation dégradante, Alexis était son fils.
Se récuser fut sa pensée première; mais c'était
s'ôter ce prestige d'incorruptibilité qui faisait sa
force. D'autre part, s'associer à l'arrêt qui serait
rendu c'était peut-être s'exposer à recommen
cer Brutus, car, en toute occasion, lui-meme
avait prêché une sévérité impitoyable, et 1 ac
cusé, indépendamment de la gravité de sa faute,
devait avoir contre lui la haineuse austérité de
ses juges que, d'avance, on se le rappelle, il avait
indisposés contre lui par ses façons hautaines et
ses airs de dédain.
Une chance restait à l'infortuné père, celle de
laisser les sombres associés procéder selon la
cruelle jurisprudence qu'il avait été des premiers
à introduire parmi eux, et ensuite d'en référer
secrètement au chef de l'Etat, qui, à coup sûr,
s'interposerait avant l'exécution de l'arrêt, si
certaine mesure y était dépassée; mais, nous
avons dit le mot, ce n'était pas là une ressour
ce, ce n'était qu'une chance, car, à toute heure,
espéré dans sa capitale, que les avant-postes de
l'armée alliée commençaient de menacer, l'Em
pereur faisait de jour en jour attendre son re
tour, et malheureusement la justice du Cabinet
noir d'ordinaire était aussi expéditive qu'elle
était sévère. ■ t
Ce fut le 28 mars 1814, date à noter dans les
fastes de la famille Hulet, qu'Alexis comparut de
vant le tribunal assemblé par les soins de son
père et formé de tout le personnel des employés
ses collègues.
L'accusé n'essaya pas de nier l'infidélité dont
il s'était rendu coupable, mais il se récria vi
vement contre l'inculpation qui tendait à le
représenter comme ayant essayé de commettre
une extorsion d'argent sur la personne de Dubi-
gnon.
Soit que ses juges fussent décidés d'avance,
soit que les explications dans lesquelles il
entra ne les eussent pas convaincus, même
après qu'il eut restitué à l'acte qu'on lui repro
chait son véritable caractère, il continua d'être
regardé comme s'étant rendu coupable d'un acte
de' haute indélicatesse, et tout d'une voix il fut
décidé qu'il devait payer de sa vie une faute par
laquelle la sûreté aussi bien que la considération
de la société avaient été compromises à un si
haut dégré.
Nous nous trompons et la sentence de mort ne
fut pas rendue à l'unanimité. Un seul, entre tous
les membres du tribunal, trouva dans l'esprit de
vengeance qui avait fait agir Alexis de piiissans
motifs d'atténuation, et il refusa de voter comme
ses collègues. Mais, ce juge indulgent ne fut pas
Hulet père: avec une apparence de fermeté
inexorable, il jugea, comme les autres, que son '
fils avait mérité la mort à laquelle il le dévoua.
C était pour la première fois que, dans le Ca
binet noir, se rencontrait Ja cruelle occurrence,
d'une condamnationcapitale ; il' n'y avait donc,,
au sujet de cette terrible formalité, aucun pré-,
cèdent. ■' ' '
Cette redoutable question qui jadis, sous
Cromwell, s'était posée entre un autre Hulet et.
le lieutenant Wàlker, ici se représenta encore :
Qui sera le bourreau?
A cette difficulté, une affreuse solution avait
été donnée par les meurtriers, et ils avaient joué
aux dés la hache qui devait frapper Charles I"
d'Angleterre. Sans doute, en expiation de cette
débauche, les décrets d'en haut lui voulurent un
pendant. Non plus la fortune du jeu,, mais un
grave arrêt du sort, comme autrefois dans l'as
sociation des Francs-juges, dut désigner l'exécu
teur de la sentence, et ici le chef du cabinet noir
dépassa Brutus, Pierre I" de Russie et Phi
lippe II d'Espagne, ces trois buveurs de leur
propre sang, ainsi que.les a appelés un grand
poète. Déclinant l'officieuse intervention de ce
lui qui, après après avoir refusé de prononcer
l'arrêt de mort, demandait au moins poux le
père du condamné dispense de concourir à l'exé
cution, il voulut que son nom fût dans l'urne
avec celui des autres juges, et alors sur qui vou-
liez-vous que tombât la désignation providen
tielle quand un Hulet osait se placer sur sou
chemin?
Avec cette arrière-pensée qu'avait Hulet père
de faire intervenir le veto de l'Empereur, nos
lecteurs s'expliqueront la prodigieuse tranquil
lité qu'il montra en recevant des mains du ha
sard sa mission sanglante, et ils ne partageront
pas l'étonnement dont restèrent, eux-mêmes
frappés les rudes justiciers, quand ils le virent !
froidement discuter avec eux la manière dont il
serait pourvu à l'exécution de l'arrêt. ,
Le résultat de la délibération ,fut celui-ci :
haute-main laissée au bourreau pour disposer
de la vie qu'on lui livrait, trois jours lui étaient !
donnés, pendant lesquels il choisirait son temps,.
son lieu, ses moyens ; seulement, on prit de lui
un serment : c'est qu'il n'avertirait pas sous
main la victime, à laquelle la sentence n« de-
HCMERO SI.
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TROIS MOIS....
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S'adreHar franco, pour la rédaotitB*
i M. herruau , f énnb
L«i artielM dépoifc ne Mront pu renflai.]
PARIS, 50 JANVIER.
. La République de l'ordre a remporté dans
la journée d'hier deux victoires, qui, grâce;
au ciel ! ne sont achetées ni par du sang
ni par des larmes. La raison seule a triom
phé dans l'Assemblée, et dès. à présent, on
peut le dire, a supprimé le péril d'un dé
plorable conflit entre les pouvoirs. Et au
dehors de l'Assemblée, la force publique,
déployée à propos dans toute son énergie
préventive, nous a épargné la douleur de
voir se réaliser la prévision, trop malheu
reusement fondée, d'un conflit dans la
ville.
Exposons dans sa vérité la situation cri
tique où se trouvait le Gouvernement, et
nous la rapprocherons ensuite des calom
nies par lesquelles les partis anarchiques
s'efforcent de la défigurer, dans l'espoir de
faire tourner à la honte de ce Gouverne
ment ce qui est tout à son honneur. Le
pouvoir était hier en face de deux questions :
l'une dans la chambre, l'autre dans la rue.
On sait comment les Montagnards et les so
cialistes sont parvenus à passionner, à dé
naturer tout ce qui se rattache à la proposi
tion Rateau, en présentant sans cesse les
pétitions demandant à la chambre de mettre
un terme à son mandat, comme des somma
tions impérieuses auxquelles sa dignité, de
vait résister, et l'appel fait à son patriotisme
comme une tentative de contrainte, exercée
sur sa faiblesse. Ces excitateurs ne se bor-
aaiént pas à souffler le feu dans l'Assemblée;
ils la menaçaient, et ils lui disaient que si elle
cédait, le peuple de Paris ne céderait pas;
que si elle ne restait pas à son poste pour
défendre la République contre la réaction,
le peuple saurait bien défendre lui-même
la République contre l'Assemblée;
Ainsi posée, ainsi défigurée, la question
était pleine de difficultés créées par l'arti
fice des partis. Ce n'était pas assez. La réor
ganisation de la garde mobile, exploitée ha
bilement parles anarchistes, vint faire coïn
cider avec le débat le plus épineux devant la
chambre, une menace de collision dans Pa
ris. Prendre desmesuresmilitaires pour pré
venir ce dernier danger, c'était offrir à la
mauvaise foi de ses adversaires l'occasion de
soulever contre le pouvoir les préventions, les
soupçons.de l'Assemblée *0n ne manquerait
pas de dire que la force publique convoquée
pour prévenir l'émeute,était destinée à inti
mider la représentation nationale, que ce
n'était plus" seulement avec des pétitions que
la campagne contre la chambre se faisait,
mais avec des baïonnettes et du canon. Le
gouvernementnesedissimulaitpas que toutes
ces choses se diraient. Ellessesontdites, elles
së répètent encore ce matin, et se répéteront
long-temps encore. Il avait prévu qu'elles
produiraient un certain effet à son préjudice
sur le vote. Elles l'ont produit. Mais entre
l'inconvénient de compliquer sa position
personnelle et celui de laisser à l'émeute la
chance d'un commencement d'exécution, le
gouvernement n'a pas hésité. Il a couru au
péril public, et il l'a conjuré par le formi
dable appareil de la défense.
Plus le Gouvernement a réussi, plus il
devait être calomnié. Il a étouffé le mal
dans son germe, naturellement on nie qu'il
y ait eu legermedu mal. Il n'a pas employé
le système qui laisse le champ libre à l'a
gression pour la mesurer et pour y propor
tionner la résistance. Le général. Changar
nier a tout de suite donné à celle-ci des di
mensions telles qu'elles ont découragé l'at
taque. Selon l'habitude, on lui reproche
d'avoir inventé le péril qu'il a prévenu ; et
ceux qui le lui reprochent sont ceux qui
ont tout fait pour en provoquer l'explosion.
Que n'ont-ils pas dit pour exciter contre le
pouvoir la garde mobile soumise à une
TROIS MOIS.
BIX MOIS...
UN AN.......
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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PARIS. I DÉPART. [ÉTRANQ.
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aa bureau da Journal.
To*Uinsertion doit ttn igrM*pu 14 (tranV S :U>.
. . ' . ■ j ' L ti
l'adresse* franeo, pomr l'adminUtzatias, , u
f« . ar. i W* BENAIN, dinotenr. , %
^^j^-jation indispensable? Ils deman-,
tient une réduction de l'armée et des écono
mies, et ils se. sont indignés de la réduction
naturelle, nécessaire faite sur les cadres évi
demment trop vastes du corps le plus dis
pendieux. Ils avaient appelé en juin ces
jeunes-soldats des traîtres à la République;
ils ont accusé le Gouvernement d'avoir
voulu frapper dans ces mêmes soldats les
défenseurs de la République. Toute cette
provocation n'était pas restée sans effet. Il
est constant que sous l'influence de ces sug
gestions funestes, un plan de révolte était
combiné. Les sections organisées se tenaient
prêtes à profiter de l'incident qui venait en
aide à l'effervescence produite par la ques
tion qui devait se traiter àl*Assemblée. L'im
minence d'une lutte est incontestable. Le
déploiement immense des précautions dé
fensives a tout fait rentrer sous terre. La so
ciété armée a montré sa puissance. Nous avons
eu, au lieu des j ournéés de juin, une victoire pa
cifique par la démonstration soudaine d'une
grande force. Qu'importe après cela d'être
calomnié par les partis ? Le Gouvernement
en sera dédommagé par les. remercîmens de
la France.
Cependant, quand il sauvait ainsi au de
hors la paix publique compromise, ces me
sures compromettaient, comme nous l'avons
dit, la question si importante engagée dans
l'Asàembléc. Les orateurs de l'opposition ne
manquaient pas de faire vibrer dafis le cœur
des représentans les cordés les plus sensibles
qui soient dans les cœurs français, celles de
l'honneur et du courage. Ils montraient à
l'Assemblée l'appareilmilitaire au milieu du
quel elle délibérait. Ils lui faisaient entendre
qu'il avaitpour but dë l'intimider ; ilslui répé
taient sans cesse qu'elle était sous une pres
sion extérieure contre laquelle sa dignité
lui imposait le devoir de se raidir. M. Jules
Favre tournait et retournait cet argument.
On exploitait les incidens qui pouvaient lui
donner une apparence de valeur. Il agissait
évidemment sur les consciences et révoltait,
la fierté des représentans qui se laissaient '
prendre à ce piège. Aussi les Montagnards
ont-ils renoncé à la parole et ont-ils voulu
que l'Assemblée votât sous l'impression du
sentiment qu'on cherchait à exciter en elle.
Ils ont réussi jusqu'à un certain point, nous
n'en doutons pas. Parmi les votans qui ont
adopté les conclusions de M. Grévy, un cer
tain nombre assurément l'ont fait pour ne
pas encourir le reproche de faiblesse. Cette
manœuvre a diminué la majorité qui a ad
mis la seconde lecture pour la proposition
Rateau. Et voilà pourquoi cette victoire de
scrutin est moralement supérieure à son ex
pression numérique. Quand on ne votera
plus sous l'impression d'une susceptibilité
d'honneur, cette majorité grandira.
Les journaux montagnards ët socialistes
le sentent bien. Rien ne leur coûte pour ca
lomnier le Gouvernement et soii double suc
cès. L'Assemblée elle-même, dont ils glori
fiaient la résistance, ils la déshonorent par
l'interprétation qu'ils donnent à son vote.
La peur a vaincu, dit la Réforme. Aiiisi, après
avoir exploité le courage des représentans
avant le voite, après le scrutin on les accuse
de lâcheté. Car il va sans dire que le péril
n'existait pas, et que c'est la contre-révolu
tion qui l'a créé pour paralyser le crédit et
les affaires, et pour intimider la représenta
tion. La Démocratie pacifique fait un article
triomphant sur la provocation déjouée. Les
provocateurs sont ceux qui ont tout préve
nu. Le Peuple- félicite les républicains d'a
voir fait manquer par son inaction le coup
d'Etat tenté par le Gouvernement. Enfin,
la Révolution démocratique et sociale, qui
prend pour elle et son parti ces paroles con-
! ténues dans la proclamation de M.Faucher :
les mêmes ennemis qui attaquèrent l'ordre so-
' cial dans les journées de juin, se venge de
>< *
s$ défaite par la menace. Le peuple cnoi-.
sira son Jf>ur et son heure, dit ce journal. :
Le peuple bientôt fera justice. Ces calomnies,
ces colères, ces menaces des journaux mon
tagnards et socialistes s'ajoutent à la salis-
faction des bons citoyens pour témoigner \
que la journée d'hier est doublement bonne. <
Nous ne croyons pas que M. Sarrans se
félicite maintenant de la malencontreuse
pensée qui l'a poussé aujourd'hui à monter
à la tribune, et du rôle qu'il y a joué. Ce
rôle n'échappe à l'odieux que par le ridicu
le. 11 est impossible de faire preuve dé plus
de légèreté, pour ne pas employer un mot
plus sévère, et ce qui serait excusable chez
un écolier, l'est beaucoup moins chez un
homme qui n'est plus précisément jeune, et
qui fait ' partie de l'Assemblée nationale.
Quelques-uns de nos Montagnards oublient
trop qu'on n'est pas suffisamment autorisé
par le titre de représentant *du peuple à
usurper, sous prétexte d'interpellations, les
momens d'une grande assemblée : il faut en
core y être autorisé par la valeur de ce que
l'on a à dire.
M. Sarrans s'est établi à la tribune, dè?
le début de la séance, comme un homme
qui portait dans sa tête les destinées du
monde ; il a enflé sa voix, arrondi son
geste et commencé du ton le plus lamenta
ble, un récit très dramatique qui, malheu
reusement, étdt encore plus romanesque.
Un colonel de la garde nationale, M. Fores
tier, avait été arrêté, que disons-nous, en
levé à la tête de sa légion, sans autre motif
que d'avoir écrit au président de l'Assem
blée qu'il mettait la 6 e légion à sa disposi
tion. M. Sarrans reculait d'horreur devant
les idées que faisait naître dans son cerveau
l'arrestation, l'enlèvement d'un colonel pour
un pareil motif.
Un autre fait, non moins grave, achevait
de le glacer d'épouvante. M. Sarrans, à qui
rien n'échappe, a bien vu hier que M. Mar-
rast avait cédé à un sentiment d'indulgence,
à la faiblesse d'un cœur trop miséricordieux,
en rendant compte de ce qui s'est passé entre
lui et le Gouvernement au sujet des précau
tions prises pour protéger l'Assemblée ; il y
a surtout une certaine lettre du général
Changarnier qui impose à M. Sarrans le de
voir de venger l'honneur de l'Assemblée, à
défaut d'un président trop faible ou trop
clément. M. Sarrans, n'a pas vu cette lettre r
mais il la sait par cœur; il en cite des phra
ses, et elles sont abominables. Quand on se
récrie autour de lui, M. Sarrans , de l'air
d'un homme qui possède à fond la science
des formes et qui veut rester parlementaire,
secoue la tête en disant qu'il ne garantit pas
les termes.
; Voilà un homme bien informé, ne man
querait, pas de se dire quelque étranger qui ne
connaîtrait pas nos Montagnards : heureuse
l'Assemblée qui possède dans son sein des
membres aussi perspicaces et aussi dévoués ;
ce n'est pas un mince mérite que de savoir
découvrir la vérité, c'en est un plus grand
encore que d'avoir le courage de la dire en
face aux ministres, et de demander une en
quête sur leur conduite. Par malheur il se
trouve que le Gouvernement n'avait pas
même connaissance de la lettre écrite par le
colonel Forestier au président de l'Assem
blée, et que cet officier a été arrêté pour de
tout autres motifs, pour des faits dont la jus
tice est saisiê. Quant à cette lettre abomina
ble du général Changarnier, dont M. Sar-
sans avait fait l'analyse, dont il avait cité
des phrases, garantissant le sens, s'il ne ga
rantissait pas les termes, le président de
l'Assembléé en a donné lecture, et rien, ni
dans le fond, ni dans les expressions, n'a
l'analogie la plus lointaine avec ce qu'avait
débité M. Sarrans.
C'est donc ainsi que quelques hommes
comprennent le mandat de représentant du
peuple; c'est là le respect qu'ils portent à
l'Assemblée dont ils font partie. Le premier
commérage-leur suffit pour s'élancer à la
tribune, pour demander des mises en accu
sation et des enquêtes. Ce qu'un homme sé-
rieu;x, T»*£^entiment de sa propre dignité et
de la dignitVurî hionde où il vit, n'oserait
pas dire dans un salon, on le porte à la tri
bune de l'Assemblée nationale. On'suspend
lès travaux d'une grande assemblée, on in
terrompt les discussions les plus graves, et sur
la foi de bruits dont on n'a pas pris la peine
de vérifier l'origine, la valeur, et dont la
moindre réflexion aurait fait voir l'inanité,
on vient émettre les assertions les plus in
exactes et les plus ridicules.
M. Marrast, avant de donner lecture de
la lettre de M. le général Changarnier, a
rappelé sévèrement à M. Sarrans qu'accuser
le général d'avoir écrit au président de l'As
semblée une lettre inconvenante, qui n'au
rait point été appréciée comme elle devait
l'être, ce n'était pas seulement calomnier le
chef de la garde nationale parisienne, c'était
aussi accuser le président et le bureau de
l'Assemblée de n'avoir point eu le sentiment
de leur dignité, et d'avoir toléré une insulte
à la représentation nationale. Mais pourquoi
demander à un Montagnard de calculer la
portée de ses paroles, l'essentiel n'est-il pas
qu'il parle? M. Marrast n'a-t-il pas entendu,
quelques instans plus tard, M. Bac et M. Flo
con reprendre, sur l'insulte faite à l'Assem
blée par le général Changarnier, les mêmes
phrases, les mêmes gestes, les mêmes in
flexions de voix que M. Sarrans.
. M. Bac est venu donner lecture de la pro
clamation de M. Léon Faucher, et insistant*
sur la phrase où le ministre signale au mé
pris de Paris et de la France les instigateurs
de révolte qui voudraient renouveler les
journées de juin, il a prétendu être désigné
lui et ses amis par cette phrase. Nous ne ci
terons point de proverbe à M. Bac, nous
dirons même que cette protestation, de sa
part, et cette apologie étaient inattendues.
Qu'y a-t-il eu de commun entre l'insurrec
tion de juin et la Montagne, même socia
liste ? que peut-il y avoir de commun entré
la Montagne et les complots qui se trament
aujourd'hui? M. Bac oublie-t-ilque c'est lui
et ses amis qui ont mis le ministère en ac
cusation ; et que c'est une attaque et non un
plaidoyer qu'il doit porter à la tribune.
M. Flocon, qui ne sait point parler com
me M. Bac, mais qui n'est point avocat, est
resté bien plus fidèle au rôle et à l'attitude
du parti : au lieu de faire des apologies et
des doléances, il a laissé là les proclamations
ministérielles et les journaux de province ,
et il a pris bravement l'offensive. Vous sau
rez donc qu'un coup d'Etat a été tenté hier,
que la croyance en existe dans l'opinion pu
blique. Les ministres ont ourdi un complot
dont le premier acte a été de faire insulter
l 'Assemblée en prenant dès mesures pour la
protéger; le second, d'arrêter, dans le colo
nel Forestier, un officier indiscipliné ; le
troisième, de prendre des précautions pour
que l'ordre ne pût être troublé. Heureuse
ment le Gouvernement a été intimidé, et M.
Flocon laisse à deviner à quels excès celle
peur subite l'a empêché de se porter.
Voilà les pauvretés que l'Assemblée natio
nale a été réduite à entendre pendant des
heures, au moment où ses instans son t récla
més par les lois les plus graves et les plus
urgentes ; et, pour couronner l'œuvre, les
mêmes hommes ont déposé une demande
d'enquête, pour servir sans doute de pendant
à la mise en accusation du ministère. Nous
sommes certains d'avance que les mêmes si
gnatures sont apposées au bas de ces deux
documens. Ridicule oblige. .
M. Guinard et M. Edgard Quinet, tous
deux colonels dans la garde nationale pari-
siénne, ont pris texte de l'arrestation de M.
Forestier pour se décerner à eux-mêmes
des certificats de civisme et entretenir l'As
semblée de leurs propres vertus. M. Buvi-
gnier qui n'est pas encore colonel, mais qui
a obtenu 250 voix socialistes ^ir 10,000 vo
tans, dans la première légion, montait éga
lement à la tribune pour faire l'éloge de M.
Forestier et le sien propre, quand l'Assem- 1
blée a mis fin à tous ces commérages et à
toutes ces réclames, en passant à l'ordre du
jour.
L'Assemblée nationale, après l'incident
dont nous venons de rendre compte, a en
tamé la seconde délibération du projet de
loi relatif ,à l'impôt sur les successions et les
donations.
Le projet a été attaqué par plusieurs ora
teurs; on a prétendu que la situation de nos
finances n'exigeait pas l'établissement' de
nouveaux impôts, et... qu'il était possible de
rétablir l'équilibre en réduisant les dépenses;
on a reproché à l'impôt proposé, d'entamer
le capital et de porter atteinte au droit de
succession dans la famille ; il n'a. pas été
difficile à M. Parieu de réfuter ces objections;
il a répondu, à ceux qui parlaient d'écono
mies, que, malgré les réductions indiquées
dans le projet de budget, nous étions encore
menacés d'un déficit de 2 ou 3Q0 millions;
il a fait remarquer, ensuite, quant aux
attaques dirigées contre le principe même
de l'impôt, que tout' impôt a des inconvé-
niens, que les meilleurs ne sont, à. propre
ment parler, que les moins mauvais, que f
l'impôt sur les successions est de ce nom
bre, que d'ailleurs il existe déjà, et qu'il
rie s'agit que de l'augmenter, qu'enfin
il entame moins le capital que l'impôt fon
cier, par exemple, attendu qu'en deman
dant, à chaque génération, une quote-part
de la valeur même de la propriété, on cause
en réalité moins de dommage aux fortunes,
particulières, que lorsqu'on prélève chaque
année une quote-part de leur revenu.
La discussion générale sur l'article 1 er ,
qui contient toute la loi, étant épuisée, on a
passé aux amendemens. Le débat s'est d'a
bord établi sur un amendement qui tendait
à ne faire porter l'impôt que sur l'actif net,
c'est à dire déduction faite des dettes et
charges de l'hérédité ; c'eût été ouvrir la,
porte à des fraudes nombreuses et compro
mettre le produit de l'impôt au lieu de l'a;ug- i
menter; l'amendement combattu par MM. j
Passy et Dupin a été rejeté. Il en a été de
même d'un autre amendement qui avait
pour but de frapper du même droit les
mutations des biens meubles et immeu
bles. L'Assemblée a ensuite adopté pour
la ligne directe le droit de 75 centimes
sur les valeurs mobilières, droit égal au
triple de celui qui est actuellement perçu ;
mais elle a rejeté le droit de 1 fr. 50 sur les
immeubles, que la commission avait propo
sé et qui équivalait à une augmentation
proportionnelle du, droit existant ; M. Pas
sy a fait alors remarquer l'anomalie singu
lière qui résultait de ce double vote, puis-
qu'après avoir adopté un droit triple sur les
meubles, qui font partie des successions pau
vres, elle avait repoussé de tripler également
le droit sur les immeubles qui apparlienrient
à des citoyens plus aisés; en conséquence,
l'article a été, sur sa demande, renvoyé à la.
commission.
- . - ■ • • > '. \
Plusieurs journaux ont annoncé qu'hier,
pendant que M. le Président de la Républi
que parcourait à cheval le front des lignes
de la garde nationale, de la garde mobile et
de l'armée, des cris : A bas les ministres ! se
seraient fait entendre plusieurs fois sur son
passage, et que, sur les demandes réitérées
qui lui auraient été faites d'un nouveau mi
nistère, il aurait répondu : Vous l'aurez !
vous l'aurezl •••'/• ' ; V
Ce fait est inexact. . .. . '. ! •
Le chef de l'Etat, en parcourant les rangs -,
dé. la population, des gardes nationales et de >
l'armée, n'a recueilli que l'expression spon- ,
tanéé des sentimens de bienveillante èt de
dévouaient. "Partout, sur , son passage,; ci- ;
toyens et soldats.n'ont fait entendre que des i
acclamations enthousiastes et des encoura-
gemens : « Vous pouvez corripter èur 'noUs !
lui criait-on de toutes parts. Courage ! «oms
vous soutiendrons ! » ; ,
Tels étaient les sentimens de cette foule
(jui le pressait de tous côtés, lui serrait les
mains et lui manifestait le dévoûment le
plus, empressé etleplusyrai. ( Çommuniqué.)
Paris a repris aujourd'hui, son aspect a»- ;
coutumé. Chacun est retourné à ses occupa
tions ordinaires, et les dispositions militaires
extérieures qiii- âvaïent' été maintenues' une
partie de la nuit avaient tout à fait disparu
ce matin. , , , •
L'autori té n'a pas p'otir cela rSnbrièé à de sa
ges mesures de précaution.,Un bataillon du
62° de ligne et un détachement de gendarme
rie mobile occupent l£ Palais-National. Un
bataillon du 4° de ligne est dans l'a cour du
Louvre. D'autres positions importantes res
tent également militairement occupées. '
Les travaux qui avaient été momentané
ment interrompus dans quelques ateliers
et dans quelques chantiers, durant là jour-
née d'hier, ont repris' comme d$ coutume
ce matin. , ; •
A la Bourse, les fonds se sont maintenus
en hausse.
On s'y entretenait de quelques arrestations
opérées, notamment de celles de M. d'Alton-
Shée etdéM. Aubert Roche.' ' 1
On fait courir toutes sortes dè versions sur
les plans que les mesurés prises hier ont fait
avorter, et dont l'autorité a pu, dit-on, se
procurer les preuves.
On lit ce matin dans le Moniteur :
Au rédacteur.
Paris, 218 janvier 1849.
Monsieur,
Votre numéro du 27 contient une circulaire diri
gée contre !a Solidarité républicaine, et adressée aux
préfets par M. Léon Faucher, ministre 1 de l'inté
rieur.: '■ .■ -. ■ : '.JAl .1
Dans cette circulaire, nous lisons que le rainia're:
de l'intérieur a fait fermer,, dès le 42 décembre, le
local dans lequel les membres de la Solidarité répu
blicaine se proposaient de tenir leurs: réunions^'gUe
cette décision a obtenu l'approbation de l'Assemblée
nationale. -, . »
Nous venons, Monsieur, ' en qualité de membres
du conseil général de la SolidUrité républicaine, rec
tifier cette assertion entièrement controuvée.,
Aucune mesure n'a été et ne pouvait être prise
contre te Solidarité pour la fondation dé laquelle
tontes les formalités prescrites par la loi ont été rem
plies. ■ ■■ >" "■ ■ :i ■ '■■■"- '•
Agréez; Monsieur, l'assurance denotre considé
ration.
Ledru-Rollin, représentant du peuple; Martin .Ber
nard, représentant du peuple, président de la So
lidarité républicaine ; Mulé, représentant du peu
ple, trésorier de la Solidarité républicaine ; Ch.
Delescluze, secrétaire général de la Solidarité ré
publicaine ; Deville, représentant du peuple ; Isi
dore Buvignier, représentant du peuple; Léon
Tremplier, ingénieur métallurgique,.vice-tréforier
de la Solidarité républicaine; D. Piletle, ancien
commissaire de la République pour lé déparle
ment du Nord; Savary,: ouvrien cordonnier; Cas-
lainier, ouvrier tailleur; Cholat, représentant du
peuple; Nadaud,'ouvrier maçon; Baconnal, négo
ciant; Dalican, avoéat; Hyzet, ouvrier mécaniciens
Crevât, ancien commissaire de la République po$,
le département de l'Aube; E. Baune , représentant;
du peuple; Ferd. Gambon, représentant dupeu-
'ple; A. Lemaître aîné, homme deiettres; Ma
thieu (Drôme), représentant du- peuple; F. Si-
gnard, représentant du peuple; J. .PégotrOgicr,
représentant du peuple; Mathé (Félix), représen
tant du peuple ; James Demontry, représentant du.
peuple; Joly (Haute-Garonne), représentant dii peu
ple; Amédée Bruys* représentant' du' peuple; J:
Gosset; Cormier; Ch. Ribeyrolles/ rédacteur en
chef de la Réforme.
Le Moniteur ajoute :
« La réclamation que l'on vient de lire peut être.
MWMMWBPIWM
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 31JANV.
LE CABINET MME.
TROISIEME PARTIE.
LA GEORGIENNE.
. CHAPITRE XXXI.
l'enchaînement des choses.
Il est assez rare que la Providence laisse plei
nement pénétrer toute la part d'action qu'il lui
plaît prendre dans la conduite des choses humai
nes; mais, quand elle consent, comme ici, à nous
faire assister à ce travail latent par lequel elle
amène une destinée au terme précis qu'elle lui a
marqué, le spectacle de cette déduction est trop
curieux à suivre, pour que nous ne nous arrê
tions pas un moment à récapituler la marche et
le développement successif de celte fatalité bien
évidente qui pesait sur la famille Hulet.
Avant 89, Hulet, le chefactuel du Cabinet noir,
semble avoir été soustrait par son père à leur
nécessité héréditaire. Mais par autant de stations
d'une voie douloureuse, prêtre, dominicain, grand
inquisiteur à Malte, ramené en France sur l'aile
de la Révolution, moine apostat, conventionnel et
enfin régicide, il est, à. la longue, replacé à son
point de départ, et accepte même avec quel-
qu'empressement cette condition d'existence
qu'une sagesse vainement prévoyante avait dé
clinée pour lui.
A son tour, premier né entre les enfans de
Hulet l'apostat, Alexis Hulet doit passer par l'é
troit sentier fait à ceux de sa race.
Quelques années après sa naissance, une
chance imprévue paraît un moment s'ouvrir
pour le dérober à l'étreinte de cette destinée,
mais c'est justement l'amour de sa mère, relu-
sant de le livrer k, l'adoption d'un étranger, qui
vient lui fermer le passage, et, dès lors, à tra
vers mille douleurs de famille, il mûrit pour sa
Yoir notre numéro du 30 janvier.
Toute reproduction, même partielle de cet ouvrage,
est interdite, *\ serait pourmirie comme contrefaçon.
vocation marquée d'en haut.
L'heure venue, son père essaie, si l'on peut
ainsi parler, de le faire entrer dans la rai
nure, l'ardent jeune homme se cabre et résiste,
et il semble que ses instincts d'honneur vont le
préserver : — vous nous reviendrez—lui répofid
tranquillement le directeur du Bureau secret,
et en effet, ramené par un fol amour, le prédes
tiné vient se représenter au joug, et maintenant
la probité relative, qui au moins lui était possi
ble dans cette position descendue, au milieu de
la tempête de ses passions, il ne sait pas l'avoir
sauve. Prévaricateur par vengeance, le voilà ex
posé à toutes les conséquences de ce fâcheux en
traînement,Jet probablement la volonté d'en.haut,
peu habituée à faire aux Hulets crédit de sa jus
tice, ne tardera pas à lui demander compte et
expiation.
Arrivée à ce point, l'influence providentielle,
qui d'abord avait développé lentement et pa
tiemment son influence , sembla précipiter ses
coups.
Le jour même où Alexis s'était triomphalement
présenté chez l'amant de Giorgina et lui avait
dicté ses conditions, par la démarche que Dubi-
gnon avait imprudemment tentée auprès d'un
employé de la police, celle-ci avait été avisée de
l'abus qu'un membre du Cabinet noir faisait de
ses fonctions, et, deux heures après, l'imprudent
jeune homme aussi bien que la lettre dont on
se servit pour faire rendre gorge à l'avare étaient
sous la main de l'autorité.
Ici encore se marqua une cruauté de la des
tinée, et, dans les aveugles calculs de la pruden
ce humaine, c'était dès long-temps Hulet lui
même qui se l'était ménagée.
On se rappelle que, pour relever son honteux
ministère, il avait désiré n'avoir point à en comp
ter avec l'administration de la police; qu'en
outre, dans l'espoir de moraliser, comme il le
disait, le Cabinet noir, il s'était réservé la no
mination à tous les emplois qui en dépendaient,
et avait institué dans l'intérieur même de cette
corporation, dont il était le chef suprême, une
sorte de tribunal disciplinaire appelle à juger les
méfaits de ses membres.
: Jalouse de ses attributions, comme tous les
pouvoirs, la police avait plusieurs fois réclamé
contre cette indépendance, dans laquelle Ie iïw-
r «au secret était placé vis- à-vis d'elle ; des luîtes
même s'étaient entamées à ce sujet sur un cer
tain pied d'aigreur, et, à la suite de cesdébats, le
statu quo avait été maintenu au profit de Hulet.
Pour peu donc que l'on veuille bien se rappéler
le degré d'animation que prennent ordinaire
ment les disputes de prérogatives, on peut se
représenter la joie des bureaux de la police, en
surprenant dans un aussi grave oubli de lui-mê
me le fils de cet heureux antagoniste contre le
quel il ne leur avait pas été donné de prévaloir
jusque là;
Aussitôt Alexis Hulet arrêté, la lettre suivante
fut adressée au directeur du Bureau secret :
« Le ministre est informé qu'un des employés
» sous vos ordres s'est rendu coupable d'une gra-
» ve infidélité dans l'exercice de ses fonctions.
» Une lettre par lui interceptée, au lieu d'être
» placée sous les yeux du gouvernement, auquel
» elle devait apporter de précieuses lumières, est
» devenue en ses mains l'instrument d'une igno-
» ble extorsion. Arrêté à l'instant même, le cou-
» pable est dès ce moment à votre disposition.
» Il est à croire, que dans cette circonstance,
» comme dans toutes les autres, vous revendi-
» querez le droit de soumettre à votre justice
» intérieure, l'arbitrage de ia peine encourue
» par cette forfaiture. Yeuill- ; r ,, Monsieur le di-
» recteur, m'accuser réception de la présente,
» et me croire, etc. »
» P. S. Je remarque en relisant cette lettre
» que j'ai omis de vous faire connaître le nom
» du coupable. Il s'appelle A lexis Y andel ; le
» malheur voudrait-il qu'il fût de vos parens? »
Parent de Hulet 1 La traîtresse plume, qui
avait aiguisé, comme un poignard, les lignes que
l'on vient de lire, savait bien qu'Alexis était
son fils.
Cette révélation fut pour Hulet père un coup
de foudre. Sans doute, ni pour lui ni pour les
siens, il n'avait compté sur un avenir heureux,
mais le malheur venant ainsi le visiter sous la
forme d'une flétrissure, ne le trouvait pas prépa
ré. Ce qu'il n'avait pas prévu surtout, c'est que
son fils, devenu coupable, et ayant encouru un
châtiment que tout faisait entrevoir terrible, lui-
même serait appelé l'un des premiers à mettre
la main à cette justice, et pourtant il n'y avait
pas à s'y méprendre, la lettre qu'il venait de re
cevoir, le sommait d'avoir ce douloureux coura
ge, et lui en portait comme un défi.
D'ailleurs, si celte intimation ne lui fût pas
venue du dehors, dans les hommes même qui
servaient sous ses ordres, il eût dû s'attendre à
rencontrer la même exigence, car tel il avait
planté l'arbre, et tel il devait récolter le fruit.
D'une honteuse institution, il avait prétendu
faire une sorte de magistrature : commençant
donc par prêcher d'exemple, il avait demandé à
ses collaborateurs la gravité des mœurs et l'aus
térité de la vie.
Puis, afin de maintenir ce niveau de vertu, il
avait encouragé chez ses subordonnés, des habi
tudes de vigilance et de censure mutuelles, fon
dées sur le prineipe d'une solidarité qu'il dési
rait établir entr'eux.
De }à parmi ces hommes que des occupations
et une destinée communes auraient dû rappro
cher étroitement, un continuel ferment de doute
et de défiance, et une absence constante et pres
que générale de tout affectueux sentiment de
confraternité.
Existences déclassées par des revers de for
tune, amours-propres poussés au désespoir, faute
d'avoir pu se faire dans la société la place qu'ils
y ambitionnaient, ou gens de la trempe dont Hu
let était lui-même, ayant le goût marqué du
pouvoir, et l'aimant sous cette forme occulte
et presqu' infernale qui mettait à leur merci tous
les plus mystérieux arcanes de la pensée humai
ne, tels étaient les, élémens dont se constituait
cette façon de société secrète, dont l'ancien in
quisiteur était l'ame. Mais là aussi se rencon
traient les passions qui d'ordinaire fermentent
au fond des associations occultes, le fanatisme,
l'orgueil, l'esprit de méfiance, la cruauté des
instincts, et quand il était question de mainte
nir en faisceau toutes ces natures rèches, iras
cibles et difficultueuses, parce qu'au fond, elles
faisaient mauvais ménage avec leur conscience,
ce n'était qued'une inexorable fermeté, tempérée
par le plus sévère esprit de justice, que ce résul
tat pouvait être obtenu.
■ Une fois connue cette physiologie du Cabinet
noir, qu'on dise s'il était possible que, devant ces
hommes, Iluletparût se souvenir que, tout à l'heu
re, devenu leur justiciable et placé sous le coup
d'une accusation dégradante, Alexis était son fils.
Se récuser fut sa pensée première; mais c'était
s'ôter ce prestige d'incorruptibilité qui faisait sa
force. D'autre part, s'associer à l'arrêt qui serait
rendu c'était peut-être s'exposer à recommen
cer Brutus, car, en toute occasion, lui-meme
avait prêché une sévérité impitoyable, et 1 ac
cusé, indépendamment de la gravité de sa faute,
devait avoir contre lui la haineuse austérité de
ses juges que, d'avance, on se le rappelle, il avait
indisposés contre lui par ses façons hautaines et
ses airs de dédain.
Une chance restait à l'infortuné père, celle de
laisser les sombres associés procéder selon la
cruelle jurisprudence qu'il avait été des premiers
à introduire parmi eux, et ensuite d'en référer
secrètement au chef de l'Etat, qui, à coup sûr,
s'interposerait avant l'exécution de l'arrêt, si
certaine mesure y était dépassée; mais, nous
avons dit le mot, ce n'était pas là une ressour
ce, ce n'était qu'une chance, car, à toute heure,
espéré dans sa capitale, que les avant-postes de
l'armée alliée commençaient de menacer, l'Em
pereur faisait de jour en jour attendre son re
tour, et malheureusement la justice du Cabinet
noir d'ordinaire était aussi expéditive qu'elle
était sévère. ■ t
Ce fut le 28 mars 1814, date à noter dans les
fastes de la famille Hulet, qu'Alexis comparut de
vant le tribunal assemblé par les soins de son
père et formé de tout le personnel des employés
ses collègues.
L'accusé n'essaya pas de nier l'infidélité dont
il s'était rendu coupable, mais il se récria vi
vement contre l'inculpation qui tendait à le
représenter comme ayant essayé de commettre
une extorsion d'argent sur la personne de Dubi-
gnon.
Soit que ses juges fussent décidés d'avance,
soit que les explications dans lesquelles il
entra ne les eussent pas convaincus, même
après qu'il eut restitué à l'acte qu'on lui repro
chait son véritable caractère, il continua d'être
regardé comme s'étant rendu coupable d'un acte
de' haute indélicatesse, et tout d'une voix il fut
décidé qu'il devait payer de sa vie une faute par
laquelle la sûreté aussi bien que la considération
de la société avaient été compromises à un si
haut dégré.
Nous nous trompons et la sentence de mort ne
fut pas rendue à l'unanimité. Un seul, entre tous
les membres du tribunal, trouva dans l'esprit de
vengeance qui avait fait agir Alexis de piiissans
motifs d'atténuation, et il refusa de voter comme
ses collègues. Mais, ce juge indulgent ne fut pas
Hulet père: avec une apparence de fermeté
inexorable, il jugea, comme les autres, que son '
fils avait mérité la mort à laquelle il le dévoua.
C était pour la première fois que, dans le Ca
binet noir, se rencontrait Ja cruelle occurrence,
d'une condamnationcapitale ; il' n'y avait donc,,
au sujet de cette terrible formalité, aucun pré-,
cèdent. ■' ' '
Cette redoutable question qui jadis, sous
Cromwell, s'était posée entre un autre Hulet et.
le lieutenant Wàlker, ici se représenta encore :
Qui sera le bourreau?
A cette difficulté, une affreuse solution avait
été donnée par les meurtriers, et ils avaient joué
aux dés la hache qui devait frapper Charles I"
d'Angleterre. Sans doute, en expiation de cette
débauche, les décrets d'en haut lui voulurent un
pendant. Non plus la fortune du jeu,, mais un
grave arrêt du sort, comme autrefois dans l'as
sociation des Francs-juges, dut désigner l'exécu
teur de la sentence, et ici le chef du cabinet noir
dépassa Brutus, Pierre I" de Russie et Phi
lippe II d'Espagne, ces trois buveurs de leur
propre sang, ainsi que.les a appelés un grand
poète. Déclinant l'officieuse intervention de ce
lui qui, après après avoir refusé de prononcer
l'arrêt de mort, demandait au moins poux le
père du condamné dispense de concourir à l'exé
cution, il voulut que son nom fût dans l'urne
avec celui des autres juges, et alors sur qui vou-
liez-vous que tombât la désignation providen
tielle quand un Hulet osait se placer sur sou
chemin?
Avec cette arrière-pensée qu'avait Hulet père
de faire intervenir le veto de l'Empereur, nos
lecteurs s'expliqueront la prodigieuse tranquil
lité qu'il montra en recevant des mains du ha
sard sa mission sanglante, et ils ne partageront
pas l'étonnement dont restèrent, eux-mêmes
frappés les rudes justiciers, quand ils le virent !
froidement discuter avec eux la manière dont il
serait pourvu à l'exécution de l'arrêt. ,
Le résultat de la délibération ,fut celui-ci :
haute-main laissée au bourreau pour disposer
de la vie qu'on lui livrait, trois jours lui étaient !
donnés, pendant lesquels il choisirait son temps,.
son lieu, ses moyens ; seulement, on prit de lui
un serment : c'est qu'il n'avertirait pas sous
main la victime, à laquelle la sentence n« de-
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