Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-28
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 28 janvier 1849 28 janvier 1849
Description : 1849/01/28 (Numéro 28). 1849/01/28 (Numéro 28).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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i. jL'Âssemblée nationale, sur Je rapport de
M. Senard, appuyé par M. Ledru-Rollin,
ut vainément combattu par le < Gouverne
ment, a refusé ;au scrutin secret, par 418
Voit contre 342, l'urgence quelle ministre
*de l'intérieur avait demandée pour la loi
contre les clubs. - Cette décision n'a rien qui
nous surprenne, pas plus que le scrutin
secret, qui entré décidément dans les ha
bitudes de nos 'modernes Montagnards.
Nous aurions désiré, dans l'intérêt de l'or
dre et de la société, que cette question
irritante fût promptement examinée et réso
lue : nous ne pensons pas que, dans les épo
ques, de crise, il convienne de multiplier les
fermens d'agitation et les causes d'incerti
tude. Ils pensent, ; eux, différemment : après
"avoir voulu faire de l'ordre avec le dé
sordre, ils veulent faire du calme avec l'a
gitation, de lft sécurité avec l'incertitude :
nous trouvons que, s'ils n'apprennent rien,
ils oublient beaucoup trop tôt. de cruelles
leçons; :î ; : •
; >Les adversaires de l'urgence ne se sont
point inquiétés de se mettre d'accord sur
leurs argumens. M. Senard, rapporteur de
la commission,, trouve que la question est
jgrave et compliquée; que, par ses, points
"de contact avec la ; Constitution, elle exige
nn travail préalable, àes études prépara-r.
tttirés qui né permettent pas dé la porter
-brusquement, à la tribune'et d'abréger les
formes protectrices de la maturité des déli
bérations. M. Ledrû-Rollin trouve, au con
traire, que la question est toute simple et
toute claire, que la Constitution a eu prin
cipalement en vue de garantir la liberté des
clubs, que la Constitution est, violée, qu'il
^n'a pjtg, pour sa part, l'ombré d'uà doute,
"et que, par conséquent, on ne peut exami-
•nir d'urgence une question qu'il qualifie
^pourtant de brûlante. Ces deux argumen
tations contradictoires ont, à ce qu'il sem
ble, paru d'autant plus décisives à l'Assem-
■blée: qu'elles se détruisent l'une l'autre^
Si la question est si claire et si absolue, a
,'répbnda M. .Odilon Barrot, pourquoi donc
-reculer devant une solution immédiate? Où
7Î1 n'y a même pas de doute, qu'esl-il besoin
"de travail préalable et de longue prêpara-
,tioa ? Les argumens de M. Ledru-Rollin se
.retournaient donc contre ses conclusions.
 M. Senard, M. Odilon Barrot a répon-
"du que des questions comme celle que
soulève la loi des clubs devaient être tran-
, chées dans le plus bref délai possible. En
.effet, une telle loi provoque immédiatement
; des mécontentemens bruyans; ' et jusqu'au
jour où. elle aura été consacrée par un vote
,de l'Assemblée, l'esprit de parti, dans ses
-audacieux mensonges, la qualifiera d'atten
tatoire à la Constitution, et se fera, de cette
prétendue violation, un argument pour lé
gitimer la violence de ses clameurs et de ses
Técriminations, et pour essayer, vis-à-vis
des masses ignorantes, une propagande in
cendiaire.
L'intérêt de l'ordre et de la société exige
"cette période d'agitation, et que la discus
sion publique vienne mettre promptement
'u.n terme aux fermens d'irritation qu'en
tretiennent 'les ennemis de la tranquillité
.publique. Plus la décision de l'Assemblée
feera reculée, et plus l'anarchie , par l'ex
ploitation habile de ces délais, réussira à
"entretenir dans le pays ces inquiétudes des
tructrices de toute paix et de tout travail.
C'est précisément parce quela question touche
à la Constitution, qu'il, importe d'empêcher
l'esprit :de parti d'entretenir une fâcheuse
confusion entre les clubs, ces écoles d'anar
chie," dont on'dîoit supprimer le déplorable
enseignement, et le droit de réunion qui
-demeure intact après la fermeture des clubs.
Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur la
. question , tous les bons citoyens doivent
comprendre qu'il était essentiel que les dou
tes soient promptement dissipés, et qu'une
décision prochaine en donnant tort ou
raison au ministère, enlève aux agitateurs
le ressort dont ils comptent se servir." -
, L'Assemblée a pensé différemment ; et
sans Vouloir incriminer sa décision,.nous
n'y trouvons aucune explication que le pays
jnquiet et alarmé puisse accepter. Elle n'é
chappe pas à la nécessité d'examiner le
projet de loi, et, en reculant ladisçussion,
elle se condamne à assister à une agita
tion stérile, si elle n'est dangereuse ; et à
ne discuter qu'au milieu des clameurs
,et des manifestations que_ lea-jjrtis ans 4e
"trpwtîles auront le temps de préparer, pour
l'étourdir et l'intimider, et qui, si elles ne
réussissent pas. à ébranler la représentation
nationale, n'en auront pas moins pour effet
de porter encore le trouble et peut-être la
ruine dans notre commerce et notre indus
trie. Le dernier incident de la séance annon
ce assez ce que l'on nous prépare.
On avait lu" ce matin, dans les feuilles
socialistes, une sorte de parodie de la célè
bre protestation des journalistes tn 1850.
Les orateurs des clubs protestaient, au nom
de la Constitution, contre la fermeture de
leurs tréteaux. L'Assemblée a eu quelque
chose d'analogue. JVI. Ledru-Rollin est venu
déposer une proposition^ qu'on dit être signée
des 80 membres de laMontagne, et qui deman
de la mise en accusation du ministère. Nousne
connaissons pas le texte de cette proposition,
mais on peut facilement deviner ce qu'elle
contient. Si nous ne pouvons juger du méri
te de cette pièce, nous pouvons apprécier la
manœuvre. Elle ne nous paraît pas habile,
i même au point de vue de nos Montagnards.
Elle dépasse son but comme tout ce qui n'a
point d'opportunité ni de raison d'être :
; c'est trop s'il s'agit d'une intrigue pour sai
sir le ministère, s'est trop peu si l'on veut
nous ramener à une dictature révolution
naire.
Au milieu de la séance, M. le président a
donné lecture d'un réquisitoire du procu
reur-général, qui demande à l'Assemblée
l'autorisation de poursuivre M. Proudhon,
représentant du peuplé, comme auteur d'ar
ticles qui ont paru dans le journal le Peuple
avec sa signature, et qui ont motivé hier et
aujourd'hui la saisie de ce journal. Ces deux
articles, aux yeux dû procureur-général,'
contiennent les délits d'attaque à la Consti
tution, d'attaque contre les droits et l'auto
rité du Président, et d'excitation des ci
toyens les uns contre les autres. Les bureaux
nommeront lundi une commission chargée
d'examiner la demande en autorisation de
poursuites. M. Proudhon, qui est monté im
médiatement à la tribune, a déclaré qu'en
publiant les deux articles incriminés, il a
voulu -soulever le premier dans le pays, la
question de la responsabilité du Présidents
Il s'est déclaré prêt à s'expliquer devant la
commission et à la tribune.
L'Assemblée nationale a terminé aujour
d'hui l'examen de la loi sur le conseil d'É
tat. Le débat soulevé hier par M. Odilon
Barrot s'est ranimé à propos des articles 51
et 52. La commission avait proposé de lais
ser au conseil d'Etat, réuni en assemblée
générale, la décision souveraine de toutes
les questions de conflit qui s'élèveraient entre
l'administration et la section du contentieux.
Le conseil d'Etat, appelé à prononcer entre
une de ses sections et le Gouvernement, au
rait cédé tôt ou tard à la tendance naturelle
à tous les corps, d'étendre leur influence et
leurs attributions : il aurait toujours décidé
contre l'administration, et, grâce à l'exten
sion abusive de la juridiction contentieuse,
il aurait insensiblement usurgé les pouvoirs
du Gouvernement, qui n'aurait conservé que
la responsabilité. ,
M. le ministre de la justice a fait ressorr
tir tous les dangers de cette subordination
du Gouvernement au conseil d'Etat , qui,
indépendant et irresponsable, ne. pourrait
être arrêté dans ses envahissemens. M. Bar-
jot a demandé que la décision des conflits
qui s'élèveraient entre l'administration et la
section du contentieux, fût déférée, comme
à un arbitre naturel et indépendant, au tri
bunal des conflits établi par l'art. 89 de la
Constitution. Cette proposition a obtenu un
plein succès, et, l'art 52 a été amendé dans
ce sens. '
. Tous les articles suivans ont été adoptés
sans débats. Il n'en a pas été ainsi de l'arti
cle 66 est' dernier qui réglait la nomination
des premiers conseillers d'Etat. Aux yeux,
du public cette question ne paraît pas en
faire une : la Constitution remet la nomina
tion des conseillers d'Etat à l'Assemblée' lé
gislative, dans le premier mois dé sa réu
nion. Il était donc tout 'simple que la pre
mière Assemblée législative nommât tout le
conseil qui se serait ensuite renouvelé par
moitié tous les trois ans, conformément à la
Constitution. Le conseil d'Etat, en effet, est
destiné à fonctionner concurremment avec
le Président récemment nommé, et avec
l'Assemblée qui sera élue prochainement :
tous les grands pouvoirs de l'Etat se seraient
trouvés; avoir à peu.près la.même date, et
sortir dç même mouvement électoral. :
Malheurfusement, les places de conseillers'
d'Etat apparaissent à 'bien des ambitieux
déçus comme de grasses et douces sinécures
où l'on peut .se consoler six ans de l'ennui i
de n'être pas réélu. Les avidités particuliè
res se sont révoltées à l'idée de laisser a
l'Assemblée législative la disposition d'un
si grand nombre de situations confortables,
lorsque tant d'appétits de la veille s'irri
tent par l'idée d'une prochaine déconve
nue. La commission avait dû céder à des
exigences intraitables, et elle avait proposé
que l'Assemblée constituante nommât la
moitié des futurs conseillers d'Etat; l'au
tre moitié eût été nommée par l'Assemblée
législative. M. Vivien, dans son rapport, a
défendu cette combinaison par d'assez bons
argumens, qui prouvaient surtout contre la
prétention de faire nommer les conseillers
par l'Assemblée actuelle.
Mais un vote de l'Assemblée, en'réduisant
le nombre des conseillers d'Etat de qua
rante-huit à trente-deux, â réduit d'un»,
tiers le nombre des places disponibles, et a
dérangé les combinaisons déjà prêtes et les
listes en circulation. Aussi, un amendement
est-il apparu pour attribuer • à l'Assemblée
constituante la totalité des nominations. On
ne peut pas priver l'Assemblée législative de
son droit constitutionnel, la moitié des
conseillers nommés sera donc soumise à la
réélection avant peut-être d'entrer en fonc
tions; mais comme le sort en décidera et
que chacun se fie volontiers à son étoile,
cela n'effraie personne. Le chiffre de trenr-
te-deux se prête bien mieux à toutes les
combinaisons, et^l'essentiel est d'avoir assez
d'amis, de disposer d'un appoint assez fort,
pour être porté sur la liste concertée entre
les meneurs : tans pis pour ceux que le sort
atteindra et qui n'auront été que des con
seillers in parlibut.
Disons tout de suite qu'une moitié de
l'Assemblée a protesté contre un amender
ment qui, pour faciliter des arrasgemens de
famille, exigeait d'abord un vote ridicule.
M. Lherbette, avec une rude franchise, a
déclaré qu'il ne pouvait voir dans cétte
proposition rien de sérieux, et qu'à ses yeux
il y avait une contradiction fâcheuse entre
l'honorable susceptibilité qui avait fait pro
clamer l'incompatibilité du mandat de re
présentant et de toute fonction publique, et*
cet empressement à pourvoir aux places du
conseil d'Etat et à faire du titre de reprér
^entant un marchepied pour arriver à ces
places. Néanmoins, une majorité, de. douze
voix a fait prévaloir l'amendement., Nous
regrettons un pareil vote, non pas que nous,
attachions. grande importance au : fond de
la question, mais parce qu'il ne nous paraît
pas de nature à ajouter à la considération
de la Constituante." -
Nous ne discuterons aucun des argumens
apportés en faveur de l'amendement, mais
nous devons relever un mot échappé à M.
Tranchand. Selon ce représentant; ; si/la
Constituante ne nommait pas tous les con
seillers, et si l'on devait attendre les nomi
nations de la Législative, le conseil d'Etat né
pourrait pas être constitué avant quatre mois
au moins. A quelle époque M. Tranchand
renvoié-t-il donc la dissolution de la Cons
tituante et la réunion de la Législative ?
Le dernier mot appartient à la France.
Voilà ce que disaient, même sous le régime
monarchique, l'opposition constitutionnelle
et l'opposition républicaine, dans tous les
cas de conflits entre le pouvoir royal et le
pouvoir parleméntaire. La royauté avait
alors le droit de dissoudre l'assemblée élec^
tive. S'il s'élevait un dissentiment grave sur
la politique à suivre, le roi prononçait la
dissolution de l'assemblée. Si celle-ci était
réélue, on admettait encore que le roi était
libre de recommencer l'épreuve électorale,
autant de. fois que pouvaient le-compor
ter les ressources de l'impôt voté. Caria
nécessité d'avoir des, subsides limitait forcé
ment la prérogative, c'est-à-dire le nombre
' des expériences auxquelles il lui était per
mis de recourir. Mais, en définitive, si les
électeurs persistaient à renyoyer la majorité
en désaccord avec le Gouvernement, le roi
devait conformer sa politique à la volonté
de cette majorité, c'est-à-dire à la volonté
de la France électorale. C'est ce qu'on ex
primait par cette formule : Le pays doit a-
voir le dernier mot. . ..
Ceux qui s'appellent aujourd'hui les ré
publicains de la- veille n'étaient pas les moins
ardens à soutenir ce principe, qui est, au
fond, la souveraineté du peuple. Alors ce
pendant il y avait une royauté. Alors ce
pendant le pays électoral n'était qu'une pe
tite portion du peuple. .Aujourd'hui que
i*.ps avons des institutions républicaines,
aujourd'hui que le droit de suffrage appar
tient à tous les citoyens, [aujourd'hui que la
Constitution a -placé en face l'un de l'autre
deux pouvoirs également issus du suffrage u-
niversel, aujourd'hui quepar l'effet d'une si
tuation exceptionnelle, ces deux pouvoirs é-
lus à des époques trop distan tes l'une de l'autre,
représentent des courans d'opinion publi
que différens, s'il n'y a pas, ce qui est assez
naturel, une parfaite identité entre eux, si
cette dissidence arrête la marche du gouver
nement nouveau, avec combien plus de rai
son ne faut-il pas invoquer ce grand prin
cipe du recours au peuple, ce juge en der
nier ressort, avec combien plus de raison
ne doit-on pas dire : Consultons le peuple.
C'est au peuple à dire le dernier mot! Qui
donc est sincèrement dans la doctrine de la
souveraineté populaire, ou de nous, qui, au
milieu du conflit évident élevé entre le pou
voir exécutif et l'Assemblée, demandons
que le suffrage universel prononce entre les
deux, ou des républicains de la veille qui
crient à l'Assemblée : Résistez ! Ceux-ci, il
faut bien le dire, font sous le régime actuel
un acte pareil à celui des rois constitution
nels quij da #S ces luttes de pouvoir à pou
voir, tendent leur prérogative jusqu'à la
briser. Ils les ont attaqués par la parôle et
..par les armes, ces rois téméraires, ils les ont
rënversés, et ils les imitent.
Que veulent-ils donc ceux qui disent à
l'Assemblée de repousser ou de reculer indé
finiment, dans l'état de conflit où sont les
pouvoirs publics, la seule solution légitime,
le recours aux élections ? VeulentTils donc
créer une difficulté sans issue? Veulent-
ils prolonger un état d'incertitude qui est
le fléau du crédit et la mort de toute
activité commerciale? Veulent-ils convain
cre d'impuissance la Constitution qu'ils ont
faite, et condamner à une immobilité mor
telle la machine gouvernementale sortie de
leurs mains? Le statu quo semble, impossi
ble ; et tous les journaux de la Montagne et
du socialisme continuent à proposer les so
lutions les plus violentes, ou à tenir du moins
le langage le plus révolutionnaire. Nous
n'en citerons qu'un seul, c'est le Peuple, qui
persiste à faire le récit de ce qu'il appelle la
guerre, et qui la provoque, d'ailleurs autant
qu'il peut. « Quant à vous, majorité répu-
» blicaine de l'Assemblée, s'écrie-t-i], ne
» craignez rien, ayez confiance -dans le peu-
» pie de Paris ; il a les yeux sur vous. Il ne
» s'ébranlera qu'à' votre appel pour balayer
» les ordures du parti monarchiste. »
f Le même j ournal, dans un artiéïe signé
de M. Proudhon, . représentant du peti'ple,
conseille tout, bonnement à l'Assemblée de
violer hardiment la Constitution, et de des
tituer l'élu de cinq millions et demi de Fran
çais, ou de lui arracher une démission..- "
t Voici une partie de cet article :
L'Assemblée; dissoute, la contre-révolution ne
rencontre plus d'obstacles. On brise la Constitu
tion; on rétablit les deux chambres ; on déclare
l'inviolabilité et la rééligibilité du Président; on
décuple sa liste=civile; on restaure la monarchie;
on reédifie la corruption ; on rive de nouyeau le
peuple à sa chaîne. ,
Au contraire, Louis Bonaparte vaincu, démis
sionnaire ou destitué, la contre-révolution est à
bas ; toutes ses espérancessont ruinées, irrévo
cablement et à jamais.
Il est étrange que, depuis un mois, ni les ré
publicains de l'Assemblée, ni la presse démocra
tique nè semblent avoir eu l'intelligence de cet
te situation.
Autrefois, la Constitution défendait de faire
remonter au roi la responsabilité des actes du
gouvernement, et comme l'opposition ne pouvait
s'adresser qu'à des ministres, on n'en finissait
jamais, ou plutôt l'on en finissait par une catas
trophe.
Sous l'empire delà Constitution républicaine,
les choses se passent d'une tout autre, manière..
Le chef du pouvoir exécutif étant à la fois res
ponsable et amovible, on peut changer tous les
mois.de Président ; c'est la République seule
qui est inviolable. ;
Frappez l'idole, et, la religion étant déshonor
rée, le culte est aboli. Telle fut là pratique des
Premiers chrétiens, de tous les révolutionnaires.
ouis Bonaparte, par ' ses antécédens, par ses
tendances, ses accointances, ses préférences;
s'est constitué l'ennemi de la République : il
s'est fait le'candidat île là monarchie, l'espoir
de là, réaction, l'organe de la contre-révolution:
Que le scrutin frappe Louis Bonaparte, et la
réaction a perdu son ya^tout; la République n'a
plus un seùrpbntradictpur., , , ,
Montrez-vous donc en face de cette conspira'-
tion d'intrigans, inflexibles dans votre dignité,
impitoyables dans votre ironie. N'ayez point
peur de la réaction ; elle n'a de force "que par fe
brait qu'elle fait, et l'étonnement qu'elle cause
au pays. Un vote énergkjuement motivé, en cinq
.minutes, vous en délivrera. It faut, pour .ren
trer dans la Constitution, que le Président de la
République fléchisse et s'incline devant l'auto
rité de l'Assemblée constituante : à cette condi
tion seule, il peut rester, à côté de vous, et traî
ner sa magistrature pendant encore trois atfnées
et trois mois.
Voilà le langage et les conseils des jour
naux révolutionnaires. Et notez que pen
dant qu'ils poussent ainsi à la violation de
la Constitution, ils s'en constituent les gar
diens, et publient tous une protestation con
tré la loi des clubs , qui viole, selon eux,
cette Constitution qui leur est si chère et
dont ils veulent déchirer violemment un
chapitre. Tel est le triste effet d'une situa
tion révolutionnaire. Déjà les esprits en sont
comme frappés de démence. Ils protestent
contre la violence en même temps qu'ils la
conseillent.et la provoquent.
L'autorité avait pris ce matin des mesures
pour garantir l'ordre au cours de M. Lerminier,
au collège de France ; elle s'était efforcée, tou
tefois, d'agir de manière à ce que ces pré
paratifs ne fussent pas de nature à. inquiéter
la tranquillité publique. L'administrateur du
collège de France, M. Barthélémy Saint-IIilai-
re, représentant du peuple, d'accord avec le gé
néral Changarnier,' avait demandé- qu'on en-!-
voyât, dès huit heures du matin, afin de ne eau- :
ser aucune émotion dans le quartier, environ
CTO hommes de troupes, qui devaient se tenir
renfermés dans la cour du collège duPlessis, la
quelle est attenante au Collège de France ; 5 à
GOO hommes étaient également réunis dans la
cour de l'hôtel de Cluny, et s'y tenaient renfer
més de manière à ce'qu'on ne pût pas les aperr i
cevoir. ■
Dans l'intérieur même du collège de France, ;
un commissaire de police avec une centaine
d'agens étaient prêts à saisir les perturbar-
teurs qui essaieraient de venir troubler le cours.
A dix'heures et demie, les portes du collège ont
été ouvertes comme d'habitude. Une demi-heure
avant le cours, les jeunes gens qui étaient venus
réclamer des cartes depuis trois jours sont en
trés. La salle a été bientôt pleine : cependant,
comme quelques-uns dé ces jeunes gens avaient,
par dépit, déchiré leurs cartes avant d'entrer,
on a pu, pour remplir complètement la salle, in
troduire une partie du public sérieux qui était
venu pour écouter le professeur. > -
A onze heures, heure du cours, M. Lerminier
est monté en chaire. Il s'est présenté, accompa
gné de plusieurs de ses collègues, de M. l'admi
nistrateur du collé^eïde France, de MM. Binet,
vice-président ; J.-J. Ampère, secrétaire ; Bur-
nouf, etc., etc. Il y avait, comme aux leçons or
dinaires du collège de France, un certain nom
bre de dames dans l'enceinte qui leur est ré
servée. ,
Le professeur a commencé sa leçon en disant
quelques mots vivement sentis sur sa situation
personnelle et son passé. Ces explications ont
été accueillies par quelques murmures. •
Suir un signe de M. l'administrateur^ les. per
turbateurs ont été saisis et expulsés. Tout ce
petit désordre n'a pas duré plus de cinq minu
tes. M. Lerminier a pu continuer sa leçon qui
n'a pas duré moins d'une heure. Cette leçon a
roulé particulièrement sur la science politique,
sur la manière de l'étudier, sur les élémens qui
la composent et sur les grands monumens dont
elle peut s'honorer, : monumens élevés par Pla
ton, Aristote et Montesquieu. Ce discours a été
fréquemment interrompu par de vifs applaudi's-
semens.
A midi un quart, M. Lerminier s'est retiré
et l'auditoire s'est écoulé en siléncé.
L'ordre, avons-nous dit, avait été immédiateT
ment,rétabli par suite de quelques arrestations
qui avaient été faites avant le cours. On a re
connu parmi les agitateurs quelques-uns des
meneurs et des orateurs des différens clubs qui,
depuis la,révolution de février, s'étaient formés
dans .le quartier Latin. On a conduit ceux-ci à
la préfecture de police. ;
Une partie des perturbateurs voyant que, 1 par
suite des précautions prises et. des prépara
tifs faits.par l'autorité (le nombre des soldats-
s'élevait à, environ 1,500 hommes), il leur était
impossible de réussir au collège de France, s'est
Eortéé vers la chambre au nombre de 3 à 400.
ette troupe d'étudians équivoques s'est arrêtée
aux bureaux de la •Démocratie pacifique, rw dè
Beàune, où. une protestation a été rédigée et si
gnée.
Tout cela ne s'est pas fait sans quelque trou
ble, et il y a eu des arrfestations opérées.
Une partie du rassembleihent s'est dirigée en
suite vers l'Assemblée nationale. Arrivés à la
chambrp, ces jeunes gens ont été reçus par quel
ques représentans, parmi lesquels se trouvaient
MM. Gent, Buvignier, Martin Bernard, Joly
fils, Brives, etc.,,qui les ont harangués. Quel*
ques-uns des discours échangés dans cette ciiv
constance étaient empreints* d'une très grande
vivacité. On verra dans le compte-rendu de la
séance que la protestation a été déposée par M..
Martin Bernard.
Des mesures de précautions avaient été priées
aux abords de l'Assemblée, mais elles gont der
meurées inutiles. . . , '
Les troupes destinées k agir au besoin dans la
quartier Latin étaient arrivées de nuit au Luxemr
bourg, ou elles avaient bivouaqué.
Cette manifestation sans importance de la part
de quelques étudians égarés et excités par des
clubistes, a un instant répandu l'alarme dans lé
quartier Latin et aux environs de_ l'Assemblée j
mais le calme a été bientôt rétabli par les mesuf
res promptes et énergiques de l'autorité, et "la
journée, comme la soirée, s'est passée sans inci-t
dent sérieux.
Nous n'avons pas besoin de recommander dé
se mettre en garde contre les faux bruils qué
pourraient répandre les ennemis implacables de
l'ordre public; le Gouvernement veille avec le
concours des bons citoyens. ,
Les bureaux se sont réunis ce matin pour
nommer deux nouvelles commissions : la pre
mière,, chargée de faire un rapport sur l'urgence
demandée par le Gouvernement en faveur do
projet de loi sur les clubs; ,
La deuxième, pour examiner la convention
conclue entre la France et la Bavière, relative an
chemin de fer de Strasbourg & Spire.
Beaucoup de bureaux avaient, en outre, ^con
tinuer la discussion pour la nomination des com
missaires chargés d'examiner le budget des re
cettes et des dépenses de 1849, et pour la nomi
nation des commissaires chargés de l'examen dè ~
la proposition relative à l'Ecole d'administration,
voici le résumé de la.discussion des bureaux f
, ,l".durcau. —L'ordre du jour appelle la discussion
du, projet sur les clubs. Ont pris part au débat s
MM. James de.Montry, Yezin, Behn, Evariste Bavoux',
Flocon, Ledru-Rollin, Làboulie. Le déuat a été très
vif, très animé, et terminé même par un incident
qui a jeté dans le sein du bureau une agitation pro
longée. Au'troisième tour de ballottage entre MH.
Bavoux et Ledru-Rollin , M. Bavoux avait 25 voix ,
M. Ledru-Rollin 24. Total, 49. M. le préside» t ;de La 'r
moricière n'avait annpneé que 48 votans. Cette dif
férence a nécessité une vïriîication de laquelle il est
résulté que M. le général de gLamoricière s'était
trompé en n'annonçant que 48 votans et 48 bulle
tins : il y en avait 49. La nomination dè M. Bavouk
a donc été maintenue. ' ■■
Voici maintenant le résumé de la discussion .;
M. JamesdeMontry combat le projet. Mit. Vezin ét
Làboulie l'appuient. ÈH, Bclin, Flocon e t Lèdru-
Rollin l'attaquent. .. : ' 1 •'
Nous indiquerons seulement. l'opinion des deux
orateurs sur les noms desquels s'est engagée la lut(e
du scrutin.
M. Evariste Bavoux s'applaudit de la présentaticà
du projet, qu'il croit utile, nécessaire, indispensa
ble, urgent. En exprimant cette opinion, il est fidèile
à lui-même. Dans, la première commission chargée
d'examiner l'ancien projet, l'honorabje,membre,
convaincu qu'il n'y a pas de gouvernement possible
à côté ou en face des clubs, avait proposé un pre
mier article ainsi conçu : «Les clubs sont interdits',
r- Le droty de réunion est réglé par la loi, etc. »
Cette rédaction avait été adoptée par la, commission,
qui n'avait con enti à la retirer que par esprit de
conciliation avec le gouvernement d'alors, dont lffl
organes avaient demandé à la commission une tran
saction. M. Evariste Bavoux revient donc .avep
empressement à une détermination qui a tou
jours été. la sienne. Il ;estconvaincù,' &R effet,
que le véritable ennemi de la démocratie, c'est
même donner à leur nom droit de .cité dans nos
lois. On ne le trouve ni dans la législation anglaisé,
d'où il vient cependant, ni dans la'nôtre ; il né rap
pelle que des idées de trouble et de terrekir révolu
tionnaire. 11 faut les fermer, les interdire pour ré
tablir l'ordre. II faut seconder dans cette œuvre une
administration sage, modérée, qui prend l 'initiativ0
d'une mesure énergique et salutaire. ,:a
- M. Ledru-Rollin déclare que, depuisneuf ans qu'il
appartient aux assemblées législatives, il n'a jamais
pris la parole dans les bureaux. C'est la première
fois qu'il demande part au débat ; mais il a entendu
de telles hérésies, qu'il ne peut pas les laisser passer
sans réponse. Le projèt de-loi lui parait violer la
Constitution; voila, selon lui, toute la question. La
prétendue nécessité'résultant des dangers que court
la sécurité publique, lui semble une plaisanterie,
une amère dérision. Là Constitution consacre te
droit de réunion ; le projet dè loi ne le règle pas, il
le supprime, il l'étouffé, et c'est pour cela qu'il pro
teste. Si la presse commettait des excès, ï la suppri
merait-on aussi ? Qu'on ait le courage de le dire.
Eh bieni il en de même du droit d'association^ .la
commission exécutive l'a respectée.
MM. Bavoux et Yezin. Aussi est-elle tombée au?
journées de juin; ; ,
M. Ledru-Rollin. Ce ne sont, pas les clubs qui l'ont
culbutée, ce sont les royalistes, les monarchiens ;.
MM. Bavoux et-Vezin. Ce n'étaient pas les royalisr
tes qui étaient derrière les barricades de -juins
c'étaient les clubistes. *• . v
M. Ledru-Rollin . C'étaient les hommes payés prè
les royalistes. ' .•
M. Bavoux est nommé commissaire au ballottage
contre M. Ledru-Rollin. • , . [T
3° bureau. — M. de Champvaris pense "quMl n'est
jamais trop tôt ni trop tard pour fermer les clubs ;
à cet égard, dit-il, il y a toujours urgence: Nos ad»
vèrsaires prétendent que la mesuie proposée viole
la Constitution; elle ne là viole pas plus que la loi
sur les attroupemens, votée cependant par une im*
mense majoriM. La République doit donner à tous
les citoyens autant de sécurité que la monarchie;
or, la Constitution, en proclamant le droit de réuw
nion et le droit d'association, a dit formellement
dans le même art. 8 que ces droits ne pourraient
être exercés qu'autant qu'ils.'ne gêneraient.{pas
l'exercice des droits des citoyens, ni iS sécurité pu^
blique. Le club est tyrannique et anarchique de sa
nature. Partout où il s'euvre,.la iiberlé est eompro-
FEUÏLLETON DU CONSTITUTIONNEL 28 JANY-
le cmimw mm.
TROISIÈME PARTIE
LA GEORGIENNE.
CHAFlTaB XXVIII.
rnANçois-iiONORÉ DUBIGNON.
Cet étrange et inculte vieillard, qui avait ins-
.tallé Giorgina dans l'espèce de splendeur où
nous venons de la contempler, s'appelait Fran-
çois-Honoré Dubignon.
Il était né dans nn petit village de la Limagne
d'Auvergne, vers la première moitié d* siècle
précédent.
Ses parens, comme le disait plaisamment un
avocat, dans l'un des. mille et un procès qu'il eut
à soutenir pendant la durée de sa longue carriè
re financière, étaient pauvres mais malhonnêtes.
Venu à Paris en faisant le métier de marchand
de parapluies, et ensuite celui de porte-balle, à
l'époque du Directoire, il était assez avancé dans
Voir notre numéro du 27 janvier.
Tonte reproduction, même partielle de eet ouvrage,
dt interdite, et lerait poursuiTie somme contrefaçon.
ses affaires, pour se trouver lié d'intérêt avec
les Ouvrard, les Desprez, les Vanlerberghe et
autres grands vivriers de l'époque, et il ne pa
raîtrait pas que ceux-ci eussent toujours eu à se
louer de son désintéressement et de sa loyauté.
Sur le chemin d'une fortune qui. déjà, avait
pris un rapide essor, se rencontra cependant
pour lui un désagrément.
Aux alentours de 1805 ou 1806, certain grat
tage de livres c(e commerce avait attiré l'atten
tion de la justice, et l'Empereur, qui n'aimait
pas les fournisseurs, avait ordonné que cette af
faire fût suivie à outrance. Mais grâce à une
heureuse insuffisance de preuves, qui reporta sur
un commis toute l'irrégularité dont il lui .était
demandé compte, survint au profit de l'accusé
une ordonnance de non-lieu, et, à dater de ce
moment, François-Honoré Dubignon avait fait
de ce modeste niveau d'innocence, la règle et la
mesure de tout le reste de sa vie. :
Rapidement enrichi à cet élastique régime de
conscience, il avait pu donner carrière à toutes
les bizarreries d'une humeur qui, non moins
que son opulence, l'avait mis en possession d'u
ne notoriété avec laquelle le gouvernement im;
périal ne dédaigna pas de compter, en quelques
occasions, :
Herminie avait dit vrai, la passion de l'argent
et celle des femmes le résumaient presque tout
entier, se tempérant au reste l'une par l'àutré-
I comme le vin et la paresse, dans la ch.'tnson et
dans le coeur de Figaro.
En effet, pour satisfaire ses. furieux appétits
charnels, cet homme dé tant d'épargne; qui ne
consentait ni à se vêtir, ni à entretenir ses im
meubles, reculait rarement devant un sacrifice ;
mais on 3 vu comment il se récupérait par mille
vilenies; tantôt en envoyant mourir à l'hôpital la
femme .qui avait cessé de trouvée grâce devant
lui, tantôt enipratiquantà son profit la vente du
mobilier de sa nouvelle maîtresse;, après avoir à
peu de frajs installé celle-ci dans un des nom
breux hôtels qu'il possédait à Paris, et dont- il
faisait autant de garde-meubles, pour y entasser
les produits de l'usure et du prêt à gages, ' qu'il
menait de front avec les plus grandes affaires dé
Bourse ou d'industrie, .
. : Nous avons parlé de deux passions;; mais-une
troisième était à signaler dans François-Honoré
Dubignon ; celle-là du moingànnocente etinof»
fensive. Il aimait à la fureur,le jeu de tric
trac; et, trop détestable joueur pour qu'au bout
d'un quart d'heure, un honnête homme ne fût
pas amené à lui jeter au nez le cornet et les dés,
moyennant six cents livres par an, il s'était mé
nagé un souffre-douleur. , t Chaque soir,. dans la
compaguiè de ce malheureux, il faisait une lon-r
gue partie de" son jeu favori; un café borgne for
mant l'angle de la rue Gît-le-Cœur et du quai
des Augustins, était le théâtre habituel de ces
rencontres.
C'était là qu'Herminîe Daliron avait dÔ aïle^
lè trouvei:;iorgqu6 s'était entamée 1 là' délicate
affaire de Giorgina ; car une autre excentricité
du personnage, c'était de ne loger à bien dire
nulle part; son usage était d'aller coucher sur
un gr$b^t dan&quelque coin d'une des nom-^
breuses habitations dont il était propriétaire, et
qu'il aimait mieux laisser veuves de locataires
que d'y entreprendre la moindre réparation.
: Se;présentant à lui sous le prétexte d'implo-
rçr sa charité, la sous-piaîtresse, d'abord assez
rudement éconduité, avait été incomparablement
mieux reçue quand elle en était venue à parlèr
d'upe beauté sans pareille, qu'elle savait dans
le moment offerte à Paris:
Le marché tout aussitôt ne s'était pas conclu,
Giorgina n'ayant pu se foire à l'idée d'un Cré-
sus sous des haillons. Mais, les choses depuis
mieux expliquées, l'ancienne odalisque avait: si
bien réparé sa gaucherie, que jamais, pour.au
cune autre femme, François-Honoré Dubignon
n'avait été entraîné à montrer autant d'empres
sement et de générosité. Il fallait même que la
fascination eût été poussée à un point bien ex
traordinaire, car, nonobstant le désagrément de
payer un homme dont les fonctions tournaient
ainsi à n'être plus qu'une sinécure, donnant à sa
nouvelle passion presqne toutes ses soirées, il
ne paraissait pour ainsi dire pluis à son académie
de jeu, où il fit un jour, événement par le mira
cle d'un chapeau aux irois-quarts neuf et d'un
habit passablement propre et qu'on, né se rappe
lait pas lui avoir-encore vu., ,, ..'
Plustàrdj U'né"baisse" commençant "apparem
ment à se faire dans son entrain pour Giorgina,
il redevint assidu à son petit café, et, pn soir, ce
champ de bataille va nous le montrer au prises
avec Alexis Hulet ; mais il faut, aux préalable, :
qu'on nous permette de dire la manière dont le
pauvre jeune homme avait gouverné sa vie, de
puis le jour où il avait été si pompeusement mis
à la porte par le coiffeur Michalon.
A. la suite de cette effroyable déconvenue, l'in-
- fortuné avait passé par des transports de rage
qui s'étaient résumés à faire d'un besoin de ven
geance l'unique pensée de sa vie.
Chose assez inexplicable, ce n'était pas sur le
principal instrument de son malheur qu'avait
porté le gros de sa colère. Cette fille, par laquelle
. tout s'était fait, il éprouvait pourelleune secrète
estime. Outre qu'elle avait vu juste sur Giorgi-
na, car lui-même ne l'avait pas jaugée beaucoup!
autrement, il admettait qu'une femme indigne
ment traitée a droit d'aller prendre sa vengean
ce partout où elle la trouve. Mais humilier l'in
solente qui avait parlé de le faire jeter dehors
par ses gens, mais âvoir raison de ce hideux
vieillard auquel il eût été ridicule d'envoyer un
cartel et qui lui révélait l'omnipotence de l'ar
gent sous une forme si repoussante, voilà ce qui,;
pour l'amonreux éconduit, était devenu le rêve,
de tous ses.instans, et cette vengeance, au prix
des plus grands, sacrifices, l'occasion "venant une
fois à se présenter, il s'était juré à .lui-même de
parvenir à là réaliser. , "
"Dnmâ^hèur'he marche jamais seul ."La conspi
ration de Mallet, survenue à l'époque même du
désastre dë Moscou, avait rendu la police extrê
mement soupçonneuse; le contrôle" des lettrés
faisait donc avec un redoublement d'activité ; ; ,èt
d'abord détaché au ministère des relâftèns exté
rieures, Alexis Hulet, qui n'avait rien à surveil
ler depuis qu'aucune puissance européénhe n'en
tretenait ; plus ide représentant â Paris", avait ' eu
le désagrément d'être rappelé bourgèoisémenti'u
bureau de la poste, afin d'y aider lésemplçyés; isés
collègues, lesquels ne suffisaient plus à là beso
gne. , .
Indépendamment du dégoût que lui inspirait
la violation du secret des correspondances pri
vées, cette nécessité de pénétrer nuitamment "ët
en s'entourant de précautions extraordinaires èt
infinies, dans le local où se réunissaient léa
membres de cette inquisition, lui était une souf
france de tous les instans. De là, dés airs ei-
nuyés, une grande tiédeur de zèle dans ses fonc
tions, et enfin sune allure générale à faire cojm-
prendre aux commis, ses co-décacheteurs, qiife,
se trouvant d'une application supérieure au trà-
vail qu'il faisait avec eux, il ne se prêtait pks Vo
lontiers à être des leurs. Plusieurs fois averti'à
ce sujet par son pèré, le jeune aristocrate n'avait
tenu que peu de ..compie de ces conseils,'et;'il
faut dire -que les autres commis lui rendaient
assez largement en aversion et en inalvèHIance
les dédains et la regrettable •outrecuidance enf il
témoignait trop clairement à leunéndroitl, f*
Pendant plus d 'une année, cette morhe sltua-
tion se continua pour lui, sans que, du côté de
ï. - .1
NUMERO 08
wmx iKK t'iM:
DÉPART, j ÉTRANff*
il P. k 14 S.
sa I 88
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1pab.es.
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'■ il*
83
ahonneaieM d&Unt dM i ,r it 16 de ehKpu ttoife
BUK£AUX A PARIS ; ;
<».S4 J*»rtwy,iO (oi-dsîaat
On rtbotmi tau la département, »nt ncsugnla «I
tu dlrwtlont du poitu. —Â Londrti, cIxçb Mil. Ctwii H
fit.— A Struboarg, chu Alt.-atiri, poar lJUlojatgp». .
t . ' S 'adresser franco;, psor.la râdaoUaa, '
i M. KEÏUUiAtJ, gÔIMit. ♦
Lsi article» députés se leroat pu rénaux
TROIS MOIS
'SIX MOIS...
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PAHI8. DÉPAKT. 1ÊTKANS
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16
83
UïlNAt POLITIQUE, LITTÉRAIRE «UNIYERSEL.
Lw abonnantes* d&Unt &** t* et tG d« rbaqttfl *oU« ^
BUREAU* A FA1US :
Kw 4u SI FforUr, 19 (ci-d«Tfint d«
r ii . r — "&*(■ fer
Lm «saoï'-i* ioct reçcei, ds 11 à 4 kearM,
in bnrean du Journa'.
Tovte annono* doit 4»r» agréé* le girtat*
•agBaaare* - «r »-*■ ■
i'i(UMwr/Tttnro« ptftit i unuaisuitwi
» 4 H. DENAIN» dirwtiof. : 1
PMUSj 27 3A.mWR
i. jL'Âssemblée nationale, sur Je rapport de
M. Senard, appuyé par M. Ledru-Rollin,
ut vainément combattu par le < Gouverne
ment, a refusé ;au scrutin secret, par 418
Voit contre 342, l'urgence quelle ministre
*de l'intérieur avait demandée pour la loi
contre les clubs. - Cette décision n'a rien qui
nous surprenne, pas plus que le scrutin
secret, qui entré décidément dans les ha
bitudes de nos 'modernes Montagnards.
Nous aurions désiré, dans l'intérêt de l'or
dre et de la société, que cette question
irritante fût promptement examinée et réso
lue : nous ne pensons pas que, dans les épo
ques, de crise, il convienne de multiplier les
fermens d'agitation et les causes d'incerti
tude. Ils pensent, ; eux, différemment : après
"avoir voulu faire de l'ordre avec le dé
sordre, ils veulent faire du calme avec l'a
gitation, de lft sécurité avec l'incertitude :
nous trouvons que, s'ils n'apprennent rien,
ils oublient beaucoup trop tôt. de cruelles
leçons; :î ; : •
; >Les adversaires de l'urgence ne se sont
point inquiétés de se mettre d'accord sur
leurs argumens. M. Senard, rapporteur de
la commission,, trouve que la question est
jgrave et compliquée; que, par ses, points
"de contact avec la ; Constitution, elle exige
nn travail préalable, àes études prépara-r.
tttirés qui né permettent pas dé la porter
-brusquement, à la tribune'et d'abréger les
formes protectrices de la maturité des déli
bérations. M. Ledrû-Rollin trouve, au con
traire, que la question est toute simple et
toute claire, que la Constitution a eu prin
cipalement en vue de garantir la liberté des
clubs, que la Constitution est, violée, qu'il
^n'a pjtg, pour sa part, l'ombré d'uà doute,
"et que, par conséquent, on ne peut exami-
•nir d'urgence une question qu'il qualifie
^pourtant de brûlante. Ces deux argumen
tations contradictoires ont, à ce qu'il sem
ble, paru d'autant plus décisives à l'Assem-
■blée: qu'elles se détruisent l'une l'autre^
Si la question est si claire et si absolue, a
,'répbnda M. .Odilon Barrot, pourquoi donc
-reculer devant une solution immédiate? Où
7Î1 n'y a même pas de doute, qu'esl-il besoin
"de travail préalable et de longue prêpara-
,tioa ? Les argumens de M. Ledru-Rollin se
.retournaient donc contre ses conclusions.
 M. Senard, M. Odilon Barrot a répon-
"du que des questions comme celle que
soulève la loi des clubs devaient être tran-
, chées dans le plus bref délai possible. En
.effet, une telle loi provoque immédiatement
; des mécontentemens bruyans; ' et jusqu'au
jour où. elle aura été consacrée par un vote
,de l'Assemblée, l'esprit de parti, dans ses
-audacieux mensonges, la qualifiera d'atten
tatoire à la Constitution, et se fera, de cette
prétendue violation, un argument pour lé
gitimer la violence de ses clameurs et de ses
Técriminations, et pour essayer, vis-à-vis
des masses ignorantes, une propagande in
cendiaire.
L'intérêt de l'ordre et de la société exige
sion publique vienne mettre promptement
'u.n terme aux fermens d'irritation qu'en
tretiennent 'les ennemis de la tranquillité
.publique. Plus la décision de l'Assemblée
feera reculée, et plus l'anarchie , par l'ex
ploitation habile de ces délais, réussira à
"entretenir dans le pays ces inquiétudes des
tructrices de toute paix et de tout travail.
C'est précisément parce quela question touche
à la Constitution, qu'il, importe d'empêcher
l'esprit :de parti d'entretenir une fâcheuse
confusion entre les clubs, ces écoles d'anar
chie," dont on'dîoit supprimer le déplorable
enseignement, et le droit de réunion qui
-demeure intact après la fermeture des clubs.
Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur la
. question , tous les bons citoyens doivent
comprendre qu'il était essentiel que les dou
tes soient promptement dissipés, et qu'une
décision prochaine en donnant tort ou
raison au ministère, enlève aux agitateurs
le ressort dont ils comptent se servir." -
, L'Assemblée a pensé différemment ; et
sans Vouloir incriminer sa décision,.nous
n'y trouvons aucune explication que le pays
jnquiet et alarmé puisse accepter. Elle n'é
chappe pas à la nécessité d'examiner le
projet de loi, et, en reculant ladisçussion,
elle se condamne à assister à une agita
tion stérile, si elle n'est dangereuse ; et à
ne discuter qu'au milieu des clameurs
,et des manifestations que_ lea-jjrtis ans 4e
"trpwtîles auront le temps de préparer, pour
l'étourdir et l'intimider, et qui, si elles ne
réussissent pas. à ébranler la représentation
nationale, n'en auront pas moins pour effet
de porter encore le trouble et peut-être la
ruine dans notre commerce et notre indus
trie. Le dernier incident de la séance annon
ce assez ce que l'on nous prépare.
On avait lu" ce matin, dans les feuilles
socialistes, une sorte de parodie de la célè
bre protestation des journalistes tn 1850.
Les orateurs des clubs protestaient, au nom
de la Constitution, contre la fermeture de
leurs tréteaux. L'Assemblée a eu quelque
chose d'analogue. JVI. Ledru-Rollin est venu
déposer une proposition^ qu'on dit être signée
des 80 membres de laMontagne, et qui deman
de la mise en accusation du ministère. Nousne
connaissons pas le texte de cette proposition,
mais on peut facilement deviner ce qu'elle
contient. Si nous ne pouvons juger du méri
te de cette pièce, nous pouvons apprécier la
manœuvre. Elle ne nous paraît pas habile,
i même au point de vue de nos Montagnards.
Elle dépasse son but comme tout ce qui n'a
point d'opportunité ni de raison d'être :
; c'est trop s'il s'agit d'une intrigue pour sai
sir le ministère, s'est trop peu si l'on veut
nous ramener à une dictature révolution
naire.
Au milieu de la séance, M. le président a
donné lecture d'un réquisitoire du procu
reur-général, qui demande à l'Assemblée
l'autorisation de poursuivre M. Proudhon,
représentant du peuplé, comme auteur d'ar
ticles qui ont paru dans le journal le Peuple
avec sa signature, et qui ont motivé hier et
aujourd'hui la saisie de ce journal. Ces deux
articles, aux yeux dû procureur-général,'
contiennent les délits d'attaque à la Consti
tution, d'attaque contre les droits et l'auto
rité du Président, et d'excitation des ci
toyens les uns contre les autres. Les bureaux
nommeront lundi une commission chargée
d'examiner la demande en autorisation de
poursuites. M. Proudhon, qui est monté im
médiatement à la tribune, a déclaré qu'en
publiant les deux articles incriminés, il a
voulu -soulever le premier dans le pays, la
question de la responsabilité du Présidents
Il s'est déclaré prêt à s'expliquer devant la
commission et à la tribune.
L'Assemblée nationale a terminé aujour
d'hui l'examen de la loi sur le conseil d'É
tat. Le débat soulevé hier par M. Odilon
Barrot s'est ranimé à propos des articles 51
et 52. La commission avait proposé de lais
ser au conseil d'Etat, réuni en assemblée
générale, la décision souveraine de toutes
les questions de conflit qui s'élèveraient entre
l'administration et la section du contentieux.
Le conseil d'Etat, appelé à prononcer entre
une de ses sections et le Gouvernement, au
rait cédé tôt ou tard à la tendance naturelle
à tous les corps, d'étendre leur influence et
leurs attributions : il aurait toujours décidé
contre l'administration, et, grâce à l'exten
sion abusive de la juridiction contentieuse,
il aurait insensiblement usurgé les pouvoirs
du Gouvernement, qui n'aurait conservé que
la responsabilité. ,
M. le ministre de la justice a fait ressorr
tir tous les dangers de cette subordination
du Gouvernement au conseil d'Etat , qui,
indépendant et irresponsable, ne. pourrait
être arrêté dans ses envahissemens. M. Bar-
jot a demandé que la décision des conflits
qui s'élèveraient entre l'administration et la
section du contentieux, fût déférée, comme
à un arbitre naturel et indépendant, au tri
bunal des conflits établi par l'art. 89 de la
Constitution. Cette proposition a obtenu un
plein succès, et, l'art 52 a été amendé dans
ce sens. '
. Tous les articles suivans ont été adoptés
sans débats. Il n'en a pas été ainsi de l'arti
cle 66 est' dernier qui réglait la nomination
des premiers conseillers d'Etat. Aux yeux,
du public cette question ne paraît pas en
faire une : la Constitution remet la nomina
tion des conseillers d'Etat à l'Assemblée' lé
gislative, dans le premier mois dé sa réu
nion. Il était donc tout 'simple que la pre
mière Assemblée législative nommât tout le
conseil qui se serait ensuite renouvelé par
moitié tous les trois ans, conformément à la
Constitution. Le conseil d'Etat, en effet, est
destiné à fonctionner concurremment avec
le Président récemment nommé, et avec
l'Assemblée qui sera élue prochainement :
tous les grands pouvoirs de l'Etat se seraient
trouvés; avoir à peu.près la.même date, et
sortir dç même mouvement électoral. :
Malheurfusement, les places de conseillers'
d'Etat apparaissent à 'bien des ambitieux
déçus comme de grasses et douces sinécures
où l'on peut .se consoler six ans de l'ennui i
de n'être pas réélu. Les avidités particuliè
res se sont révoltées à l'idée de laisser a
l'Assemblée législative la disposition d'un
si grand nombre de situations confortables,
lorsque tant d'appétits de la veille s'irri
tent par l'idée d'une prochaine déconve
nue. La commission avait dû céder à des
exigences intraitables, et elle avait proposé
que l'Assemblée constituante nommât la
moitié des futurs conseillers d'Etat; l'au
tre moitié eût été nommée par l'Assemblée
législative. M. Vivien, dans son rapport, a
défendu cette combinaison par d'assez bons
argumens, qui prouvaient surtout contre la
prétention de faire nommer les conseillers
par l'Assemblée actuelle.
Mais un vote de l'Assemblée, en'réduisant
le nombre des conseillers d'Etat de qua
rante-huit à trente-deux, â réduit d'un»,
tiers le nombre des places disponibles, et a
dérangé les combinaisons déjà prêtes et les
listes en circulation. Aussi, un amendement
est-il apparu pour attribuer • à l'Assemblée
constituante la totalité des nominations. On
ne peut pas priver l'Assemblée législative de
son droit constitutionnel, la moitié des
conseillers nommés sera donc soumise à la
réélection avant peut-être d'entrer en fonc
tions; mais comme le sort en décidera et
que chacun se fie volontiers à son étoile,
cela n'effraie personne. Le chiffre de trenr-
te-deux se prête bien mieux à toutes les
combinaisons, et^l'essentiel est d'avoir assez
d'amis, de disposer d'un appoint assez fort,
pour être porté sur la liste concertée entre
les meneurs : tans pis pour ceux que le sort
atteindra et qui n'auront été que des con
seillers in parlibut.
Disons tout de suite qu'une moitié de
l'Assemblée a protesté contre un amender
ment qui, pour faciliter des arrasgemens de
famille, exigeait d'abord un vote ridicule.
M. Lherbette, avec une rude franchise, a
déclaré qu'il ne pouvait voir dans cétte
proposition rien de sérieux, et qu'à ses yeux
il y avait une contradiction fâcheuse entre
l'honorable susceptibilité qui avait fait pro
clamer l'incompatibilité du mandat de re
présentant et de toute fonction publique, et*
cet empressement à pourvoir aux places du
conseil d'Etat et à faire du titre de reprér
^entant un marchepied pour arriver à ces
places. Néanmoins, une majorité, de. douze
voix a fait prévaloir l'amendement., Nous
regrettons un pareil vote, non pas que nous,
attachions. grande importance au : fond de
la question, mais parce qu'il ne nous paraît
pas de nature à ajouter à la considération
de la Constituante." -
Nous ne discuterons aucun des argumens
apportés en faveur de l'amendement, mais
nous devons relever un mot échappé à M.
Tranchand. Selon ce représentant; ; si/la
Constituante ne nommait pas tous les con
seillers, et si l'on devait attendre les nomi
nations de la Législative, le conseil d'Etat né
pourrait pas être constitué avant quatre mois
au moins. A quelle époque M. Tranchand
renvoié-t-il donc la dissolution de la Cons
tituante et la réunion de la Législative ?
Le dernier mot appartient à la France.
Voilà ce que disaient, même sous le régime
monarchique, l'opposition constitutionnelle
et l'opposition républicaine, dans tous les
cas de conflits entre le pouvoir royal et le
pouvoir parleméntaire. La royauté avait
alors le droit de dissoudre l'assemblée élec^
tive. S'il s'élevait un dissentiment grave sur
la politique à suivre, le roi prononçait la
dissolution de l'assemblée. Si celle-ci était
réélue, on admettait encore que le roi était
libre de recommencer l'épreuve électorale,
autant de. fois que pouvaient le-compor
ter les ressources de l'impôt voté. Caria
nécessité d'avoir des, subsides limitait forcé
ment la prérogative, c'est-à-dire le nombre
' des expériences auxquelles il lui était per
mis de recourir. Mais, en définitive, si les
électeurs persistaient à renyoyer la majorité
en désaccord avec le Gouvernement, le roi
devait conformer sa politique à la volonté
de cette majorité, c'est-à-dire à la volonté
de la France électorale. C'est ce qu'on ex
primait par cette formule : Le pays doit a-
voir le dernier mot. . ..
Ceux qui s'appellent aujourd'hui les ré
publicains de la- veille n'étaient pas les moins
ardens à soutenir ce principe, qui est, au
fond, la souveraineté du peuple. Alors ce
pendant il y avait une royauté. Alors ce
pendant le pays électoral n'était qu'une pe
tite portion du peuple. .Aujourd'hui que
i*.ps avons des institutions républicaines,
aujourd'hui que le droit de suffrage appar
tient à tous les citoyens, [aujourd'hui que la
Constitution a -placé en face l'un de l'autre
deux pouvoirs également issus du suffrage u-
niversel, aujourd'hui quepar l'effet d'une si
tuation exceptionnelle, ces deux pouvoirs é-
lus à des époques trop distan tes l'une de l'autre,
représentent des courans d'opinion publi
que différens, s'il n'y a pas, ce qui est assez
naturel, une parfaite identité entre eux, si
cette dissidence arrête la marche du gouver
nement nouveau, avec combien plus de rai
son ne faut-il pas invoquer ce grand prin
cipe du recours au peuple, ce juge en der
nier ressort, avec combien plus de raison
ne doit-on pas dire : Consultons le peuple.
C'est au peuple à dire le dernier mot! Qui
donc est sincèrement dans la doctrine de la
souveraineté populaire, ou de nous, qui, au
milieu du conflit évident élevé entre le pou
voir exécutif et l'Assemblée, demandons
que le suffrage universel prononce entre les
deux, ou des républicains de la veille qui
crient à l'Assemblée : Résistez ! Ceux-ci, il
faut bien le dire, font sous le régime actuel
un acte pareil à celui des rois constitution
nels quij da #S ces luttes de pouvoir à pou
voir, tendent leur prérogative jusqu'à la
briser. Ils les ont attaqués par la parôle et
..par les armes, ces rois téméraires, ils les ont
rënversés, et ils les imitent.
Que veulent-ils donc ceux qui disent à
l'Assemblée de repousser ou de reculer indé
finiment, dans l'état de conflit où sont les
pouvoirs publics, la seule solution légitime,
le recours aux élections ? VeulentTils donc
créer une difficulté sans issue? Veulent-
ils prolonger un état d'incertitude qui est
le fléau du crédit et la mort de toute
activité commerciale? Veulent-ils convain
cre d'impuissance la Constitution qu'ils ont
faite, et condamner à une immobilité mor
telle la machine gouvernementale sortie de
leurs mains? Le statu quo semble, impossi
ble ; et tous les journaux de la Montagne et
du socialisme continuent à proposer les so
lutions les plus violentes, ou à tenir du moins
le langage le plus révolutionnaire. Nous
n'en citerons qu'un seul, c'est le Peuple, qui
persiste à faire le récit de ce qu'il appelle la
guerre, et qui la provoque, d'ailleurs autant
qu'il peut. « Quant à vous, majorité répu-
» blicaine de l'Assemblée, s'écrie-t-i], ne
» craignez rien, ayez confiance -dans le peu-
» pie de Paris ; il a les yeux sur vous. Il ne
» s'ébranlera qu'à' votre appel pour balayer
» les ordures du parti monarchiste. »
f Le même j ournal, dans un artiéïe signé
de M. Proudhon, . représentant du peti'ple,
conseille tout, bonnement à l'Assemblée de
violer hardiment la Constitution, et de des
tituer l'élu de cinq millions et demi de Fran
çais, ou de lui arracher une démission..- "
t Voici une partie de cet article :
L'Assemblée; dissoute, la contre-révolution ne
rencontre plus d'obstacles. On brise la Constitu
tion; on rétablit les deux chambres ; on déclare
l'inviolabilité et la rééligibilité du Président; on
décuple sa liste=civile; on restaure la monarchie;
on reédifie la corruption ; on rive de nouyeau le
peuple à sa chaîne. ,
Au contraire, Louis Bonaparte vaincu, démis
sionnaire ou destitué, la contre-révolution est à
bas ; toutes ses espérancessont ruinées, irrévo
cablement et à jamais.
Il est étrange que, depuis un mois, ni les ré
publicains de l'Assemblée, ni la presse démocra
tique nè semblent avoir eu l'intelligence de cet
te situation.
Autrefois, la Constitution défendait de faire
remonter au roi la responsabilité des actes du
gouvernement, et comme l'opposition ne pouvait
s'adresser qu'à des ministres, on n'en finissait
jamais, ou plutôt l'on en finissait par une catas
trophe.
Sous l'empire delà Constitution républicaine,
les choses se passent d'une tout autre, manière..
Le chef du pouvoir exécutif étant à la fois res
ponsable et amovible, on peut changer tous les
mois.de Président ; c'est la République seule
qui est inviolable. ;
Frappez l'idole, et, la religion étant déshonor
rée, le culte est aboli. Telle fut là pratique des
Premiers chrétiens, de tous les révolutionnaires.
ouis Bonaparte, par ' ses antécédens, par ses
tendances, ses accointances, ses préférences;
s'est constitué l'ennemi de la République : il
s'est fait le'candidat île là monarchie, l'espoir
de là, réaction, l'organe de la contre-révolution:
Que le scrutin frappe Louis Bonaparte, et la
réaction a perdu son ya^tout; la République n'a
plus un seùrpbntradictpur., , , ,
Montrez-vous donc en face de cette conspira'-
tion d'intrigans, inflexibles dans votre dignité,
impitoyables dans votre ironie. N'ayez point
peur de la réaction ; elle n'a de force "que par fe
brait qu'elle fait, et l'étonnement qu'elle cause
au pays. Un vote énergkjuement motivé, en cinq
.minutes, vous en délivrera. It faut, pour .ren
trer dans la Constitution, que le Président de la
République fléchisse et s'incline devant l'auto
rité de l'Assemblée constituante : à cette condi
tion seule, il peut rester, à côté de vous, et traî
ner sa magistrature pendant encore trois atfnées
et trois mois.
Voilà le langage et les conseils des jour
naux révolutionnaires. Et notez que pen
dant qu'ils poussent ainsi à la violation de
la Constitution, ils s'en constituent les gar
diens, et publient tous une protestation con
tré la loi des clubs , qui viole, selon eux,
cette Constitution qui leur est si chère et
dont ils veulent déchirer violemment un
chapitre. Tel est le triste effet d'une situa
tion révolutionnaire. Déjà les esprits en sont
comme frappés de démence. Ils protestent
contre la violence en même temps qu'ils la
conseillent.et la provoquent.
L'autorité avait pris ce matin des mesures
pour garantir l'ordre au cours de M. Lerminier,
au collège de France ; elle s'était efforcée, tou
tefois, d'agir de manière à ce que ces pré
paratifs ne fussent pas de nature à. inquiéter
la tranquillité publique. L'administrateur du
collège de France, M. Barthélémy Saint-IIilai-
re, représentant du peuple, d'accord avec le gé
néral Changarnier,' avait demandé- qu'on en-!-
voyât, dès huit heures du matin, afin de ne eau- :
ser aucune émotion dans le quartier, environ
CTO hommes de troupes, qui devaient se tenir
renfermés dans la cour du collège duPlessis, la
quelle est attenante au Collège de France ; 5 à
GOO hommes étaient également réunis dans la
cour de l'hôtel de Cluny, et s'y tenaient renfer
més de manière à ce'qu'on ne pût pas les aperr i
cevoir. ■
Dans l'intérieur même du collège de France, ;
un commissaire de police avec une centaine
d'agens étaient prêts à saisir les perturbar-
teurs qui essaieraient de venir troubler le cours.
A dix'heures et demie, les portes du collège ont
été ouvertes comme d'habitude. Une demi-heure
avant le cours, les jeunes gens qui étaient venus
réclamer des cartes depuis trois jours sont en
trés. La salle a été bientôt pleine : cependant,
comme quelques-uns dé ces jeunes gens avaient,
par dépit, déchiré leurs cartes avant d'entrer,
on a pu, pour remplir complètement la salle, in
troduire une partie du public sérieux qui était
venu pour écouter le professeur. > -
A onze heures, heure du cours, M. Lerminier
est monté en chaire. Il s'est présenté, accompa
gné de plusieurs de ses collègues, de M. l'admi
nistrateur du collé^eïde France, de MM. Binet,
vice-président ; J.-J. Ampère, secrétaire ; Bur-
nouf, etc., etc. Il y avait, comme aux leçons or
dinaires du collège de France, un certain nom
bre de dames dans l'enceinte qui leur est ré
servée. ,
Le professeur a commencé sa leçon en disant
quelques mots vivement sentis sur sa situation
personnelle et son passé. Ces explications ont
été accueillies par quelques murmures. •
Suir un signe de M. l'administrateur^ les. per
turbateurs ont été saisis et expulsés. Tout ce
petit désordre n'a pas duré plus de cinq minu
tes. M. Lerminier a pu continuer sa leçon qui
n'a pas duré moins d'une heure. Cette leçon a
roulé particulièrement sur la science politique,
sur la manière de l'étudier, sur les élémens qui
la composent et sur les grands monumens dont
elle peut s'honorer, : monumens élevés par Pla
ton, Aristote et Montesquieu. Ce discours a été
fréquemment interrompu par de vifs applaudi's-
semens.
A midi un quart, M. Lerminier s'est retiré
et l'auditoire s'est écoulé en siléncé.
L'ordre, avons-nous dit, avait été immédiateT
ment,rétabli par suite de quelques arrestations
qui avaient été faites avant le cours. On a re
connu parmi les agitateurs quelques-uns des
meneurs et des orateurs des différens clubs qui,
depuis la,révolution de février, s'étaient formés
dans .le quartier Latin. On a conduit ceux-ci à
la préfecture de police. ;
Une partie des perturbateurs voyant que, 1 par
suite des précautions prises et. des prépara
tifs faits.par l'autorité (le nombre des soldats-
s'élevait à, environ 1,500 hommes), il leur était
impossible de réussir au collège de France, s'est
Eortéé vers la chambre au nombre de 3 à 400.
ette troupe d'étudians équivoques s'est arrêtée
aux bureaux de la •Démocratie pacifique, rw dè
Beàune, où. une protestation a été rédigée et si
gnée.
Tout cela ne s'est pas fait sans quelque trou
ble, et il y a eu des arrfestations opérées.
Une partie du rassembleihent s'est dirigée en
suite vers l'Assemblée nationale. Arrivés à la
chambrp, ces jeunes gens ont été reçus par quel
ques représentans, parmi lesquels se trouvaient
MM. Gent, Buvignier, Martin Bernard, Joly
fils, Brives, etc.,,qui les ont harangués. Quel*
ques-uns des discours échangés dans cette ciiv
constance étaient empreints* d'une très grande
vivacité. On verra dans le compte-rendu de la
séance que la protestation a été déposée par M..
Martin Bernard.
Des mesures de précautions avaient été priées
aux abords de l'Assemblée, mais elles gont der
meurées inutiles. . . , '
Les troupes destinées k agir au besoin dans la
quartier Latin étaient arrivées de nuit au Luxemr
bourg, ou elles avaient bivouaqué.
Cette manifestation sans importance de la part
de quelques étudians égarés et excités par des
clubistes, a un instant répandu l'alarme dans lé
quartier Latin et aux environs de_ l'Assemblée j
mais le calme a été bientôt rétabli par les mesuf
res promptes et énergiques de l'autorité, et "la
journée, comme la soirée, s'est passée sans inci-t
dent sérieux.
Nous n'avons pas besoin de recommander dé
se mettre en garde contre les faux bruils qué
pourraient répandre les ennemis implacables de
l'ordre public; le Gouvernement veille avec le
concours des bons citoyens. ,
Les bureaux se sont réunis ce matin pour
nommer deux nouvelles commissions : la pre
mière,, chargée de faire un rapport sur l'urgence
demandée par le Gouvernement en faveur do
projet de loi sur les clubs; ,
La deuxième, pour examiner la convention
conclue entre la France et la Bavière, relative an
chemin de fer de Strasbourg & Spire.
Beaucoup de bureaux avaient, en outre, ^con
tinuer la discussion pour la nomination des com
missaires chargés d'examiner le budget des re
cettes et des dépenses de 1849, et pour la nomi
nation des commissaires chargés de l'examen dè ~
la proposition relative à l'Ecole d'administration,
voici le résumé de la.discussion des bureaux f
, ,l".durcau. —L'ordre du jour appelle la discussion
du, projet sur les clubs. Ont pris part au débat s
MM. James de.Montry, Yezin, Behn, Evariste Bavoux',
Flocon, Ledru-Rollin, Làboulie. Le déuat a été très
vif, très animé, et terminé même par un incident
qui a jeté dans le sein du bureau une agitation pro
longée. Au'troisième tour de ballottage entre MH.
Bavoux et Ledru-Rollin , M. Bavoux avait 25 voix ,
M. Ledru-Rollin 24. Total, 49. M. le préside» t ;de La 'r
moricière n'avait annpneé que 48 votans. Cette dif
férence a nécessité une vïriîication de laquelle il est
résulté que M. le général de gLamoricière s'était
trompé en n'annonçant que 48 votans et 48 bulle
tins : il y en avait 49. La nomination dè M. Bavouk
a donc été maintenue. ' ■■
Voici maintenant le résumé de la discussion .;
M. JamesdeMontry combat le projet. Mit. Vezin ét
Làboulie l'appuient. ÈH, Bclin, Flocon e t Lèdru-
Rollin l'attaquent. .. : ' 1 •'
Nous indiquerons seulement. l'opinion des deux
orateurs sur les noms desquels s'est engagée la lut(e
du scrutin.
M. Evariste Bavoux s'applaudit de la présentaticà
du projet, qu'il croit utile, nécessaire, indispensa
ble, urgent. En exprimant cette opinion, il est fidèile
à lui-même. Dans, la première commission chargée
d'examiner l'ancien projet, l'honorabje,membre,
convaincu qu'il n'y a pas de gouvernement possible
à côté ou en face des clubs, avait proposé un pre
mier article ainsi conçu : «Les clubs sont interdits',
r- Le droty de réunion est réglé par la loi, etc. »
Cette rédaction avait été adoptée par la, commission,
qui n'avait con enti à la retirer que par esprit de
conciliation avec le gouvernement d'alors, dont lffl
organes avaient demandé à la commission une tran
saction. M. Evariste Bavoux revient donc .avep
empressement à une détermination qui a tou
jours été. la sienne. Il ;estconvaincù,' &R effet,
que le véritable ennemi de la démocratie, c'est
même donner à leur nom droit de .cité dans nos
lois. On ne le trouve ni dans la législation anglaisé,
d'où il vient cependant, ni dans la'nôtre ; il né rap
pelle que des idées de trouble et de terrekir révolu
tionnaire. 11 faut les fermer, les interdire pour ré
tablir l'ordre. II faut seconder dans cette œuvre une
administration sage, modérée, qui prend l 'initiativ0
d'une mesure énergique et salutaire. ,:a
- M. Ledru-Rollin déclare que, depuisneuf ans qu'il
appartient aux assemblées législatives, il n'a jamais
pris la parole dans les bureaux. C'est la première
fois qu'il demande part au débat ; mais il a entendu
de telles hérésies, qu'il ne peut pas les laisser passer
sans réponse. Le projèt de-loi lui parait violer la
Constitution; voila, selon lui, toute la question. La
prétendue nécessité'résultant des dangers que court
la sécurité publique, lui semble une plaisanterie,
une amère dérision. Là Constitution consacre te
droit de réunion ; le projet dè loi ne le règle pas, il
le supprime, il l'étouffé, et c'est pour cela qu'il pro
teste. Si la presse commettait des excès, ï la suppri
merait-on aussi ? Qu'on ait le courage de le dire.
Eh bieni il en de même du droit d'association^ .la
commission exécutive l'a respectée.
MM. Bavoux et Yezin. Aussi est-elle tombée au?
journées de juin; ; ,
M. Ledru-Rollin. Ce ne sont, pas les clubs qui l'ont
culbutée, ce sont les royalistes, les monarchiens ;.
MM. Bavoux et-Vezin. Ce n'étaient pas les royalisr
tes qui étaient derrière les barricades de -juins
c'étaient les clubistes. *• . v
M. Ledru-Rollin . C'étaient les hommes payés prè
les royalistes. ' .•
M. Bavoux est nommé commissaire au ballottage
contre M. Ledru-Rollin. • , . [T
3° bureau. — M. de Champvaris pense "quMl n'est
jamais trop tôt ni trop tard pour fermer les clubs ;
à cet égard, dit-il, il y a toujours urgence: Nos ad»
vèrsaires prétendent que la mesuie proposée viole
la Constitution; elle ne là viole pas plus que la loi
sur les attroupemens, votée cependant par une im*
mense majoriM. La République doit donner à tous
les citoyens autant de sécurité que la monarchie;
or, la Constitution, en proclamant le droit de réuw
nion et le droit d'association, a dit formellement
dans le même art. 8 que ces droits ne pourraient
être exercés qu'autant qu'ils.'ne gêneraient.{pas
l'exercice des droits des citoyens, ni iS sécurité pu^
blique. Le club est tyrannique et anarchique de sa
nature. Partout où il s'euvre,.la iiberlé est eompro-
FEUÏLLETON DU CONSTITUTIONNEL 28 JANY-
le cmimw mm.
TROISIÈME PARTIE
LA GEORGIENNE.
CHAFlTaB XXVIII.
rnANçois-iiONORÉ DUBIGNON.
Cet étrange et inculte vieillard, qui avait ins-
.tallé Giorgina dans l'espèce de splendeur où
nous venons de la contempler, s'appelait Fran-
çois-Honoré Dubignon.
Il était né dans nn petit village de la Limagne
d'Auvergne, vers la première moitié d* siècle
précédent.
Ses parens, comme le disait plaisamment un
avocat, dans l'un des. mille et un procès qu'il eut
à soutenir pendant la durée de sa longue carriè
re financière, étaient pauvres mais malhonnêtes.
Venu à Paris en faisant le métier de marchand
de parapluies, et ensuite celui de porte-balle, à
l'époque du Directoire, il était assez avancé dans
Voir notre numéro du 27 janvier.
Tonte reproduction, même partielle de eet ouvrage,
dt interdite, et lerait poursuiTie somme contrefaçon.
ses affaires, pour se trouver lié d'intérêt avec
les Ouvrard, les Desprez, les Vanlerberghe et
autres grands vivriers de l'époque, et il ne pa
raîtrait pas que ceux-ci eussent toujours eu à se
louer de son désintéressement et de sa loyauté.
Sur le chemin d'une fortune qui. déjà, avait
pris un rapide essor, se rencontra cependant
pour lui un désagrément.
Aux alentours de 1805 ou 1806, certain grat
tage de livres c(e commerce avait attiré l'atten
tion de la justice, et l'Empereur, qui n'aimait
pas les fournisseurs, avait ordonné que cette af
faire fût suivie à outrance. Mais grâce à une
heureuse insuffisance de preuves, qui reporta sur
un commis toute l'irrégularité dont il lui .était
demandé compte, survint au profit de l'accusé
une ordonnance de non-lieu, et, à dater de ce
moment, François-Honoré Dubignon avait fait
de ce modeste niveau d'innocence, la règle et la
mesure de tout le reste de sa vie. :
Rapidement enrichi à cet élastique régime de
conscience, il avait pu donner carrière à toutes
les bizarreries d'une humeur qui, non moins
que son opulence, l'avait mis en possession d'u
ne notoriété avec laquelle le gouvernement im;
périal ne dédaigna pas de compter, en quelques
occasions, :
Herminie avait dit vrai, la passion de l'argent
et celle des femmes le résumaient presque tout
entier, se tempérant au reste l'une par l'àutré-
I comme le vin et la paresse, dans la ch.'tnson et
dans le coeur de Figaro.
En effet, pour satisfaire ses. furieux appétits
charnels, cet homme dé tant d'épargne; qui ne
consentait ni à se vêtir, ni à entretenir ses im
meubles, reculait rarement devant un sacrifice ;
mais on 3 vu comment il se récupérait par mille
vilenies; tantôt en envoyant mourir à l'hôpital la
femme .qui avait cessé de trouvée grâce devant
lui, tantôt enipratiquantà son profit la vente du
mobilier de sa nouvelle maîtresse;, après avoir à
peu de frajs installé celle-ci dans un des nom
breux hôtels qu'il possédait à Paris, et dont- il
faisait autant de garde-meubles, pour y entasser
les produits de l'usure et du prêt à gages, ' qu'il
menait de front avec les plus grandes affaires dé
Bourse ou d'industrie, .
. : Nous avons parlé de deux passions;; mais-une
troisième était à signaler dans François-Honoré
Dubignon ; celle-là du moingànnocente etinof»
fensive. Il aimait à la fureur,le jeu de tric
trac; et, trop détestable joueur pour qu'au bout
d'un quart d'heure, un honnête homme ne fût
pas amené à lui jeter au nez le cornet et les dés,
moyennant six cents livres par an, il s'était mé
nagé un souffre-douleur. , t Chaque soir,. dans la
compaguiè de ce malheureux, il faisait une lon-r
gue partie de" son jeu favori; un café borgne for
mant l'angle de la rue Gît-le-Cœur et du quai
des Augustins, était le théâtre habituel de ces
rencontres.
C'était là qu'Herminîe Daliron avait dÔ aïle^
lè trouvei:;iorgqu6 s'était entamée 1 là' délicate
affaire de Giorgina ; car une autre excentricité
du personnage, c'était de ne loger à bien dire
nulle part; son usage était d'aller coucher sur
un gr$b^t dan&quelque coin d'une des nom-^
breuses habitations dont il était propriétaire, et
qu'il aimait mieux laisser veuves de locataires
que d'y entreprendre la moindre réparation.
: Se;présentant à lui sous le prétexte d'implo-
rçr sa charité, la sous-piaîtresse, d'abord assez
rudement éconduité, avait été incomparablement
mieux reçue quand elle en était venue à parlèr
d'upe beauté sans pareille, qu'elle savait dans
le moment offerte à Paris:
Le marché tout aussitôt ne s'était pas conclu,
Giorgina n'ayant pu se foire à l'idée d'un Cré-
sus sous des haillons. Mais, les choses depuis
mieux expliquées, l'ancienne odalisque avait: si
bien réparé sa gaucherie, que jamais, pour.au
cune autre femme, François-Honoré Dubignon
n'avait été entraîné à montrer autant d'empres
sement et de générosité. Il fallait même que la
fascination eût été poussée à un point bien ex
traordinaire, car, nonobstant le désagrément de
payer un homme dont les fonctions tournaient
ainsi à n'être plus qu'une sinécure, donnant à sa
nouvelle passion presqne toutes ses soirées, il
ne paraissait pour ainsi dire pluis à son académie
de jeu, où il fit un jour, événement par le mira
cle d'un chapeau aux irois-quarts neuf et d'un
habit passablement propre et qu'on, né se rappe
lait pas lui avoir-encore vu., ,, ..'
Plustàrdj U'né"baisse" commençant "apparem
ment à se faire dans son entrain pour Giorgina,
il redevint assidu à son petit café, et, pn soir, ce
champ de bataille va nous le montrer au prises
avec Alexis Hulet ; mais il faut, aux préalable, :
qu'on nous permette de dire la manière dont le
pauvre jeune homme avait gouverné sa vie, de
puis le jour où il avait été si pompeusement mis
à la porte par le coiffeur Michalon.
A. la suite de cette effroyable déconvenue, l'in-
- fortuné avait passé par des transports de rage
qui s'étaient résumés à faire d'un besoin de ven
geance l'unique pensée de sa vie.
Chose assez inexplicable, ce n'était pas sur le
principal instrument de son malheur qu'avait
porté le gros de sa colère. Cette fille, par laquelle
. tout s'était fait, il éprouvait pourelleune secrète
estime. Outre qu'elle avait vu juste sur Giorgi-
na, car lui-même ne l'avait pas jaugée beaucoup!
autrement, il admettait qu'une femme indigne
ment traitée a droit d'aller prendre sa vengean
ce partout où elle la trouve. Mais humilier l'in
solente qui avait parlé de le faire jeter dehors
par ses gens, mais âvoir raison de ce hideux
vieillard auquel il eût été ridicule d'envoyer un
cartel et qui lui révélait l'omnipotence de l'ar
gent sous une forme si repoussante, voilà ce qui,;
pour l'amonreux éconduit, était devenu le rêve,
de tous ses.instans, et cette vengeance, au prix
des plus grands, sacrifices, l'occasion "venant une
fois à se présenter, il s'était juré à .lui-même de
parvenir à là réaliser. , "
"Dnmâ^hèur'he marche jamais seul ."La conspi
ration de Mallet, survenue à l'époque même du
désastre dë Moscou, avait rendu la police extrê
mement soupçonneuse; le contrôle" des lettrés
faisait donc avec un redoublement d'activité ; ; ,èt
d'abord détaché au ministère des relâftèns exté
rieures, Alexis Hulet, qui n'avait rien à surveil
ler depuis qu'aucune puissance européénhe n'en
tretenait ; plus ide représentant â Paris", avait ' eu
le désagrément d'être rappelé bourgèoisémenti'u
bureau de la poste, afin d'y aider lésemplçyés; isés
collègues, lesquels ne suffisaient plus à là beso
gne. , .
Indépendamment du dégoût que lui inspirait
la violation du secret des correspondances pri
vées, cette nécessité de pénétrer nuitamment "ët
en s'entourant de précautions extraordinaires èt
infinies, dans le local où se réunissaient léa
membres de cette inquisition, lui était une souf
france de tous les instans. De là, dés airs ei-
nuyés, une grande tiédeur de zèle dans ses fonc
tions, et enfin sune allure générale à faire cojm-
prendre aux commis, ses co-décacheteurs, qiife,
se trouvant d'une application supérieure au trà-
vail qu'il faisait avec eux, il ne se prêtait pks Vo
lontiers à être des leurs. Plusieurs fois averti'à
ce sujet par son pèré, le jeune aristocrate n'avait
tenu que peu de ..compie de ces conseils,'et;'il
faut dire -que les autres commis lui rendaient
assez largement en aversion et en inalvèHIance
les dédains et la regrettable •outrecuidance enf il
témoignait trop clairement à leunéndroitl, f*
Pendant plus d 'une année, cette morhe sltua-
tion se continua pour lui, sans que, du côté de
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