Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-27
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 janvier 1849 27 janvier 1849
Description : 1849/01/27 (Numéro 27). 1849/01/27 (Numéro 27).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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BUREAUX A-PARIS J
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Oay*baniM Ha ni 1 m Mpartrauns, au' BMM»g«ri« M
■u directions dts poitrs.—4 Londraa, eh« MM; Cwi« il
(Uio- k Slruboarg, chai Àitxatdrt, pour l'ÀllMMgni.
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i M. MER iujac , gérant. ■ ;. '
Lu utiolM d
PARIS* 2G JAjmE».
^ Le rapport provoquant de M. Grévy tend
à engager l'Assembléè dans une voie funeste:
Il enflamme un conflit plein dé périls en mê
me temps qu'il a pour but d'en prolonger la
durée. Les inquiétudes de l'opinion publique
augmentent, le crédit en est affecté ; l'agita
tion redouble dans les partis démagogiques.
Au jugement de ces derniers , la situation
prend un caractère tout à fait révolution
naire. Ils s'en réjouissent, et l'audace de
leur langage et de leurs actes s'en accroît.
Les plus raisonnables parmi les organes de
la République rouge encouragent l'Assem
blée à tenir ferme et à ne pas se dessaisir de
son mandat. Les mêmes écrivains qui l'in
juriaient en prétendant ' qu'elle sacrifiait
tous les principes de la révolution, la glori
fient aujourd'hui dans sa résistance, et la
proclament comme le dernier boulevard de
la République.
* Les journaux de la Montagne et du so
cialisme ne se bornent pas tous à ces sim
ples exhortations. D'autres vont beaucoup
plus loin. Du moment où les conclusions de
la commission font dire que nous sommes
en situation révolutionnaire, il faut s'atten
dre à ce que les partis extrêmes rêvent déjà
l'emploi des expédiens héroïque^ et conseil
lent les coups d'Etat. Le journal le Peuple
intitule son article sur la séance de l'Assem
blée : La Guerre . Et ce n'est plus seule
ment contre le cabinet qu'il dirige ses atta
ques, mais contre le Président. Le rapport
Grévy doit conduire à l'ancien amendement
Grévy sur le chapitre de la Constitution re
latif à la présidence. Le journal de M.
Prbudhon veut qu'on fasse de l'élu de cinq
millions et demi de suffrages, l'organe, le
bras, en un mot le simple élu de l'Assem
blée. Ce n'est pas assez encore. Un autre
journal démocratique ét social ne compte
pas, lui, sur la représentation actuelle. Pour
une situation révolutionnaire, il faut des
actes énergiques, profondément révolution
naires. Tout ce qui sortira de l'Assemblée ne
saurait avoir ce caractère, et ne peut arri
ver au but marqué par ce journal, à savoir
la liquidation de l'ancienne société.
Ainsi, tandis que la commission proclame
l'Assemblée actuelle seule capable de veiller
sur la .République, les démagogues se don
nent à eux la mission de veiller sur l'As
semblée. Pour cela, leur organisation est
toute faite. Ils ont une société qui s'appelle :
la Solidarité républicaine. Elle commence à
étendre ses rameaux sur le sol, elle se pro
page dans les départemens. C'est un Etat
dans l'Etat. Ce n'est pas tout encore. Voici"
d'autres démagogues qui protestent contre
un vote de l'Assemblée, et qui ont la pré
tention de déférer-par voie d'appel la loi
votée par la chambre sur les accusés du 15
mai au peuple.de Paris. Ils signent une pro-~
testation factieuse; et parmi eux, il y en a
sans doute qui traiteraient volontiers de fac
tieux ceux qui, usant d'un droit incontes
table, et pourtant contesté par M. Grévy,
demandent à la chambre de mettre un terme
à son mandat.
En présence de ce malheureux CQnflit
élevé entre les pouvoirs, tout ce qu'il y a de
fermens révolutionnaires dans le pays prend
une intensité nouvelle. Cependant le pou
voir actuel, qui ne craint pas le jugement
du suffrage universel, à quelque heure qu'on
doive y recourir, montre une fermeté rassu
rante. S'il y a des raisons d'inquiétude, il y
a des raisons de sécurité. Le gouvernement
recommande aux autôrités des départemens
de suivre de près les démarches de la société
delà Solidarité républicaine', il fait fermer
les clubs; il demande une nouvelle loi pour
éteindre ces foyers d'incendie. De son côté,
la population, dans sa généralité, répond
par ses dispositions aux mesures de sûreté
que prend le pouvoir. L'immense majorité
des ouvriers est résolue à repousser tous les
appelé provocateurs. Les factions n'ont plus,
pour ainsi dire, qu'un étatrmajor. Le cré
dit renaîtrait bientôt avec la sécurité si l'on
voyait un terme au malheureux conflit par
lementaire, dont le rapport de M. Grévy
tend à prolonger la durée. L'Assemblée,
nous l'espérons, ne suivra pas sa commission
dans ce que les journaux démagogiques ap-.
pellent la guerre.
Le ministre de l'intérieur a présenté au
jourd'hui à l'Assemblée nationale .un projet
de loi qui interdit formellement les clubs et
toute réunion publique qui se tiendrait pé
riodiquement ou à des intervalles réguliers
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
nuz kk l'jusorasHssrv <
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BUREAUX a TARIS :
Jtw du Si Février, 10 (ci-deyuit da Yaloii).
Lu annonce» sont reçue*, de 11 à 4 haaiçi,
, an bureau du Journal.
ToaU lnsartlon doit ètra agréé# par U gérait'*
Vadrcfier franco, pour l'admiaictratisit,
in. denaev , directeur.
pôïïrta discussion des matières politiques
Sur la demande de l'Assemblée, M. Léon
Faucher a donné lecture de l'exposé des mo
tifs et du projet de loi. Cette lecture a eu
'lie.u au milieu d'un profond silence, inter
rompu de loin en loin par quelques excla
mations des membres qui siègent à la crête
de la Montagne, et par la vive approbation
d'une partie considérable de l'Assemblée.
Elle à provoqué l'apparition à la tribune
de M. Gent, dont les divagations ne méri
tent pas d'occuper le public.,
Notre opinion sur les clubs n'a jamais
varié: nous avons toujours persisté à vofr
dans ces sortes de réunions, dont la publici
té est un mensonge, le fléau de la liberté et
un élément destructif de tout gouvernement
et de toute société. Les clubs donnent un
enseignement sans publicité, sans contradic
tion possible, sans contrôle, qui a la vio
lence pour principal élément de succès, et" le
recrutement des sociétés secrètes pour seul
objet et pour seul résultat pratique. Les
clubs ne sont jamais -et ne peuvent même
pas être isolés les uns des autres, et le jour
où ils correspondent entre eux ils forment
un. Gouvernement en face du Gouverne
ment, un Etat dans l'Etat. L'existence des
clubs est donc incompatible avec l'existence
d'un Gouvernement régulier.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter que
nous approuvons la pensée qui a dirigé le
ministère : nous croyons qu'il a obéi à une
inévitable nécessité et au septiment d'un
devoir impérieux envers la société. Nous sa
vons, gré au Gouvernement d'avoir posé,
franchement et nettemèntlà question de l'in
terdiction des clubs, et de n'avoir pas cher
ché à fairje subir à la loi du 28 juillet d'inu
tiles remaniemens. C'eût été prolonger sans
aucun fruit, sans aucun avantage possible,
une expérience dont les résultats sont déci
sifs. Le ministère ne croit pas l'existence
des clubs compatible avec lé bon ordre; il a
bien fait, ayant cette conviction, d'en aver
tir l'Assemblée nationale, et de dégager ainsi
sa propre responsabilité. Si l'Assemblée est '
d'un autre avis, ce sera à elle à chercher et
à trouver les moyens de concilier le main
tien des clubs avec la sécurité publique. Le
ton ferme et calme de l'exposé de motifs lu
aujourd'hui par le ministre "de l'intérieur
était bien celui d'hommes qui ont la con
science de remplir un devoir, et qui ne
marchandent pas avec les besoins de -la so
ciété. - ■ 1
La présentation du projet de loi était iné
vitable. iDéjli, lors de la discussion de la loi
actuelle, un grand nombre d'esprits avaient
pensé qu'elle ne donnait à la société que
des garanties insuffisantes, et l'Assemblée
qui se montrait toute disposée à augmenter
ces garanties, ne s'était arrêtée que devant-
les déclarations du ministère d'alors, qui
préférait tenter l'épreuve d'une liberté limi
tée succédant à la licence absolue. A peine
la loi fût-elle mise en vigueur que son im
puissance apparut au grand jour, et l'on n'a
pas oublié les déclarations de M. Dufaure,
venant dire à la tribune, dans les premiers
jours de décembre, que le Gouvernement
était sans force vis-à-vis des clubs,qui cons
tituaient pour lasociété un danger perma
nent dont la loi n'avait point diminué la
gravité.
Les ministres actuels ont hérité de ce dan
ger, et ils demandent qu'au lieu de transi
ger avec le mal on le supprime, et qu'on
fasse disparaître un élément de désordre qui
n'a jamais pu s'introduire dans nos mœurs,
quoiqu'il soit d'origine toute française. En
effet, le mot de club seul est anglais, et aucun
pays n'offre rien de semblable à ces réunions
dangereuses. Un agent diplomatique français
et quelques émissaires essayèrent sous la Con
vention d'introduire les clubs auxEtats-Unis;
ils avaient pour but d'agiter le peuple amé-.
ricain et d'obliger le Gouvernement des
Etats-Unis à s'allier avec la France contre
l'Angleterre.Washington, alors président, fit
justice immédiate des clubs, et leur intro
ducteur, le ministre Genêt, fut expulsé des
Etats-Unis. Depuis lors l'Amérique a été
exempte de ce fléau.
L'Angleterre ne l'a jamais connu, quoi
que le. National , dans une discussion précé
dente, se soit avisé de citer le Reform Club
et le L'arlton Club de Londres, pour prouver
que les clubs existent en Angleterre. Le Na
tional se laissait tromper par un mot et pre
nait pour des clubs des sociétés identiques à
ce que nous appelons en France des cercles.
Le jour où les clubs, c'est-à-dire les cercles
de Dublin, ont introduit dans leur règle
ment qu'aucun membre ne serait reçu s'il
ne justifiait de la possession d'un fusil, lord
Clàrendon les a tous déclarés dissous et les
a tous fait fermer. Lorsque les char listes de
Londres ont voulu, cet été, discuter les arti
cles de la charte du peuple dans les prairies
de ClerkenweU, la police de Londres lés a
dispersés. Ils ont voulu alors se diviser en
groupes et se réunir dans des tavernes et au-"
très lieux publics : les constables se sont
partout présentés, et ont toujours fait éva
cuer les salles occupées par les chartistes.
Autre chose est le droit de se réunir pu
bliquement et d'examiner publiquement une
affaire d'intérêt général ou professionnel ;
autre chose est le droit de convoquer pério
diquement des auditeurs, et de soutenir de
vant eux, sans contradiction possible, les
opinions les plus subversives, en les ap
puyant d'argumens et de faits dont nul
n'est admis à prouver la fausseté. En
Angleterre comme aux Etats-Unis, les ci
toyens sont toujours libres de se réunir après
avoir prévenu l'autorité et de leur réunion
et de la question spéciale qu'elle a pour ob
jet, et le gouvernement a le droit incontesté
de faire assister à cette réunion des sténo
graphes, dont les notes font foi en justice,
et suffisent à faire condamner les orateurs,
s'ils se sont écartés de la question, objet du
meeting, ou s'ils ont violé quelqu'une des
'lois qui protègent les institutions, la religion
et la morale.
Qui ne voit la différence qui existe entre
des réunions uniques ayant un but détermi
né, et les réunions périodiques appelées clubs
avec leur programme sans limites. Il suffit
d'êtré entré une fois dans un club depuis
six mois, pour avoir vu à quoi servait la
présence des commissaires de police au
torisés à assister aux séances et qui étaient
l'objet de plaisanteries et d'insultes con
tinuelles. Si le Gouvernement avait pu
recueillir les comptes-rendus d'un certain
nombre de séances des clubs parisiens; si
même il s'était borné à rassembler lés a-
nalyses publiées par divers journaux, il au
rait produit à l'appui de-son projet de loi le
plus décisif des argumens. -
L'Assemblée nationale a pris en considé
ration, à une grande majorité, la demande
faite par le ministre de la déclaration d'ur
gence. Elle nommera, demain matin, une
commission qui fera un rapport dans le cou
rant de la séance, et qui proposera de déci
der qu'il y a lieu de refuser l'urgence ou de
la déclarer, et de soumettre immédiatement
le projet de loi à l'examen des bureaux.
L'Assemblée nationale a continué aujour- ■
d'hui la discussion de la loi sur le conseil
d'Etat. Elle a voté presque sans débats la
série des articles qui règlent les travaux in
térieurs du conseil. Une ..question grave a
été soulevée par M. le ministre de la justice,
relativement aux. conflits de juridiction et
aux matières qui devraient être soumises à
la section du contentieux. Un court débat
s'est engagé à ce sujet entre M. Odilon Bar-
rot et plusieurs des membres de la commis
sion; mais la décision a été d'un commun
accord renvoyée au vote des articles 51 et
52, où cette question reçoit une solution que
repousse le ministre de la justice. L'article
49 qui ne préjuge rien a été adopté par l'As
semblée, et la discussion des articles suiyans
a été ajournée à demain.
Nous avons lu aujourd'hui, dans l e Moni
teur , le rapport présenté hier sur la propo
sition de M. Billault au nom de MM. Flo
con, Bac et autres républicains de la veille
qui composaient la commission ; il faut voir
de quelle manière ces Messieurs traitent les
finances de " la monarchie représentative ;
nul régime, disent-ils, ne s'est prêté plus fa-,
cilement à l'invasion, au développement, à
la perpétuation, des abus, aux fantaisies de
la prodigalité, aux habitudes dissipatrices,
aux spéculations ruineuses de la corruptiou ;
que serions-nous devenus, ajoutent-ils, si la
République ne fût venue arrêter le dévelop
pement d'un système de finances aussi dé
plorable !
Certes, nous n'avons pas été les derniers,
on s'en souvient, à blâmer l'entraînement
des dépenses qui a signalé les dernières an
nées du gouvernement déchu; nous nous
sommes élevés avec énergie contre les fo
lies delà paix ; nous avons signalé les dan-:
gers qui pouvaient naître de finances aussi
profondément engagées. Mais qu'est-ce que
toiltes les témérités du dernier régime, en
comparaison de tout ce que nous avons vu
depuis dix mois?
Les républicains de la veille sont-ils bien
venus à accuser aujourd'hui avec "tant d'â
me viorne la gestion financière de l'ancien
gouvernement? Ils pouvaient se permettre
, ces récriminations avant qu'on ne les eût
vus à l'œuvre. Ce droit, ils ne l'ont plus au
jourd'hui; ils l'ont perdu depuis qu'ils ont
été mis en' demeure d'appliquer leurs prin
cipes et de donner la mesure de leur capacité.
Qu'ils regardent donc ce qu'ils ont fait en
si peu de' temps, et dans quel état ils ont
laissé les affaire^. Est-ce que la monarchie
de juillet, malgré les prodigalités de ses der
nières années, a jamais porté son budget à
1,800 millions? Est-ce qu'elle a jamais
chargé le pays de cet impôt des 45 cent., que
la Réforme traite actuellement d'impôt abo
minable? Est-ce qu'elle a jamais contracté
des emprunts à 7 ou 8 0/0? Nous avions, sous
l'ancien gouvernement, un déficit annuel de
60 à 80 millions par année ; les républicains,
pour leur début, l'ont porté à 500 millions !
' Quand on a fait, toutes ces choses, on de
vrait se montrer un peu plus modeste et un
peu moins exigeant ; il ne faudrait pas sur
tout prendre prétexte du désordre qu'on a
mis soi-même dans les finances, pour faire
de l'opposition au ministère qui' a entrepris
d'y remédier; est-ce à ceux qui ont fait le
mal à se plaindre de ce qu'on ne peut pas le
réparer plus vite? Un peu de patience, Mes
sieurs, et laissez au moins le temps matériel
et moral qui est nécessaire pour cicatriser
des plaies qui sont votre ouvrage..
Que'prétendent les promoteurs de la pro
position de M. Billault en demandant qu'on
vote isolément le budget, des recettes, et
qu'on enjoigne au ministère d'y conformer
le budget des dépënses ? Ils'savent bien que
l'examen des dépenses obligées, dans un
grand pays comme le nôtre, doit précéder
l'examen des voies et moyens'. M. Billault
lui-même en est convenu* il a déclaré, dans
la séance du 16 de ce mois, qu'il vaudrait
cent fois mieux régler d'abord les dépenses
et fixer ensuite les recettes ; agir autrement,
il l'a dit en propres termes, c'est placer la
charrue avant les bœufs. Mais alors com
ment expliquer cette proposition qui, de son
propre aveu, est en contradiction avec lès
indications du bon sens? Le prétexte, c'est
qu'il faut créer une sorte de contrainte fi
nancière qui amène le gouvernement à ré
duire en grand les dépenses des services ad
ministratifs et militaires. <
Ne dirait-on pas, vraiment, que le minis
tère peut, d'un trait de plume, rayer 300
millions du budget ! Sur quels chapitres
doivent donc porter ces économies héroï
ques? Est-ce sur l'armée ? mais il faudrait
d'abord que les républicains delà veille eus
sent le courage de venir demander eux-mê
mes l'abandon immédiat et sans transition
de la, politique qu'ils ont pratiquée à l'exté
rieur. Est-ce sur les services civils? mais ces
messieurs ont le droit d'initiative; qu'ils en
fassent usa^?; qu'ils viennent réclamer les
réformes qui leur semblent réalisables à
l'instant même, et, si l'Assemblée est de leur
avis, elle les adoptera. II n'y a pas besoin,
pour cela, de la proposition de M. Billault.
On prétend, il est vrai, pour la justifier,
qu'en matière., de réformes administratives,
il n'est pas possible de procéder sans le con
cours du Gouvernement ; M. Billault et ses
amis disent qu'ils ne peuvent avoir ces con
naissances' spéciales, ces notions tèchniques
de chaque jour que le ministère lui seul peut
apporter. Ces messieurs sont devenus bien
réservés ; nous les engagions tout à l'heure
à se montrer plus modestes, nous leur dirons
qu'ils pèchent ici par excès de modestie;
l'administration n'est pas un arcane mysté
rieux; elle n'a de secrets pour personne;
l'Assemblée est divisée en comités spéciaux,
qui correspondent à tous les départemens
ministériels, et qui- ont eu tout le temps de
s'initier à leur organisation; M. Billault,
membre du comité des finances, a pu no
tamment, lors de l'examen du budget de
•1848, pénétrer dans tous les détails des ser
vices, étudier tous les rouages de ces machi
nes compliquées; si donc il est possible d'ap
porter* de grandes réformes dans l'adminis
tration civile ou militaire, des réformes sus
ceptibles de procurer immédiatement une
économie de 500 millions, l'Assemblée est !
. parfaitement eh mesure de les connaître, et j
il serait bon qu'avant de mettre le Gouver- !
nement en demeure de les accomplir, elle
voulût bien les signaler. !
Nous pensons, quant à nous j qu'avec
une bonne politique, pratiquée d'une ma
nière persévérante, il sera possible de réa
liser des économies, qui, en se combinant
avec l'accroissement des recettes, et avec .'la
renaissance du crédit, permettront de re
placer nos financés dans une situation nor
male ; mais nous ne croyons pas à ces grands
remaniemens, à ces révolutions administra
tives, dont on parle sans pouvoir jamais
rien précisér ; si ces changemens à vue eus
sent été praticables, met-on en doute que
MM.. Trouvé-Chauvel et Goudchaux n'eus
sent pas tenu à honneur de les exécuter?
Car, on ne saurait trop le rappeler aùx ré
publicains de la veille, ce sont leurs amis
qui ont proposé les lois de finances, objet
de leur opposition, et ce n'est pas une des
choses les'moins curieuses de cette époque,
que de les voir attaquer avec tant d'animo-
sité, le cabinet actuel sur un budget qui est
l'œuvre des hommes de leur choix.
Nous croyons devoir publier le. rapport, fait
!>ar M. Achille Fould, au nom du comité des
inances, sur la proposition de M. Chavoix rela
tive au remboursement de l'impôt de 45 cen
times; flous signalerons surtout la dernière par
tie dans laquelle il fait ressortir le danger de
l'abus de 1 initiative parlementaire en matière
de finances. L'unité du pouvoir èt les vues d'en
semble sont, en effet surtout indispensables en
pareille matière. La vraie popularité, dit le rap
porteur en terminant, sera pour ceux qui lutte
ront énergiquement contre la désorganisation de
nos finances; ce sont là des paroles sur lesquelles
nous appelons l'attention de l'Assemblée natio
nale.
Messieurs,
Votre comité des finances a consacré deux séances
à l'examen de la proposition de M. Chavoix; il a en
tendu cet honorable représentant, et je vièns vous
rendre compte des motifs qui ont décidé le comité à
vous proposer de ne pas prendre en considération la
proposition de notre collègue.
L'article 1« r de cette proposition décide : «t Que les
» sommes payées ou à payer par les contribuables,
» pour l'impôt des 45 centimes, seront considérées
» comme un emprunt, et remboursées "en rentes sur
» l'Etat îi 3 et 5 0/0. »
L'article 5 établit : « Que ces rentes seront déli
vrées aux contribuables au cours moyen du mois
- qui suivra le voté de la loi. »
Dans les con idérans de sa proposition, comme
dans les développemens qu'il lui a donnés devant
le comité, M. Chavoix a fait valoir : « Que l'impôt
» des 45 centimes a été ,une des causes principales
- de la gêne et de la perturbation dans les affaires
commerciales et les transactions, privées ; qu'un
» des meilleurs moyens de remédier à la" crise ac-
» tuelle, de ranimer la confiance, le crédit, le com-
» merce et de soulager l'agriculture, c'est de remet-
» tré dans les mains des contribuables les- capitaux
» qui leur ont été enlevés par l'impôt des 45 een-
» times... ». '
M. Chavoix pense qu'il eût été à désirer, « dans
» l'intérêt de la République et de tous les citoyens;
» que, pour faire face au déficit signalé dans le tré-
» sor, on eût eu recours à U voie de l'emprunt, au
» lieu de frapper le pays de cet impôt. »
M. Chavoix tire, en outre, un argument en faveur
de sa proposition, de l'analogie qu'il établit entre
le remboursement en rentes des dépôts des caisses
d'épargne et des bons du trésor, et la restitution de
l'impôt des 45 centimes'.
Quelques-uns des membres du comité qui ont sou
tenu la proposition dè M. Chavoix ont invoqué en
sa faveur un motif de plus. Dans leur opinion, cette
satisfaction donnée : au pays deviendrait pour l'As
semblée/ un titre nouveau à sa reconnaissance, et
consoliderait la République, en lui.faisant regagner
les syfaipathies que l'impôt des 45 centimes a pu'
éloigner d'elle.
On ne doit pas se dissimuler que l'impôt des 45
centimes est venu aggraver singulièrement les souf
frances du pays à la suite de la révolution.
Un moment, le gouvernement provisoire s'était
flattéde n'avoir point à demander de sacrifices ex
traordinaires aux contribuables ; il en avait donné
l'assurance par une proclamation en date du 7 mars:
mais il ne tarda pas à reconnaître la triste nécessite
de recourir à l'impôt, pour assurer les services pu
blics. Le 46 mars, il rendit un décret par lequel il
imposait « temporairement et pour l'année_ 1848-
» seulement, 45 centimes du total des rôles des
« quatre contributions directes de l'année, et en
» rendait le montant, immédiatement exigible/»
Dans le rapport qui précède le décret, le ministre
des finances invoquait, à l'appui de la mesure, la si
tuation particulière des propriétaires sur qui devait
peser ce supplément do charge : il indiquait que la
propriété était, de tous les élémens de la fortune pu
blique, celui'qui avait eu le moins à souffrir dès al
térations du crédit. -
Et, en effet, à cette époque, l'Interruption totale
des affaires commerciales, la suspension de toutes tes
transactions avaient entraîné la chute des établisse-
mens industriels les plus considérables; les maisons
de commerce et de banque les plus puissantes, les ca
pitalistes eux mêmes avaient vu leurs fortunes anéan
ties ou considérablement réduites.
Quelle ressource restait il au Gouvernement pro
visoire, en face des besoins toujours oroissans du
trésor, si ce n'était de recourir à l'impôt direct ?
Faire appel au crédit dans le moment où.le gou
vernement provisoire décréta l'impôt des 45 centi
mes, eût été non-seulement une grave imprudence,
mais encore uhe faute qui n'eût fait, peut-être, que
constater une impuissance.
En effet, le cours des fonds publics était tombé
tellement bas, qu'un emprunt, s'il eût été possible,
n'aurait pu se faire qu'à des conditions ruineuses
dont le poids eût été une chargé permanente pour
les contribuables. .
Ainsi qu'on devait s'y attendre, l'impôt dés 45
centimes ajarma et irrita lé pays. L'irritation avait
deux causes : d'une part, le poids du sacrifice en
lui-même, la forme qui grevait inégalement certains
départemens et certaines communes ; de l'autre, le-
bas prix des denrées et des produits de l'agricultu- '
ro, qui rendait dans cette circonstance, une aggra
vation de charges plus sensible encore.
Aussi, sa rentrée éprouva-t-elle, et rencontre-t-
,elle encore de, sérieuses -difficultés : cependant, ja
mais l'impôt ne fut présenté comme une avance de
mandée aux contribuable^: - ■ '
Oa .ne trouve,, ni dans le rapport qui précède le
décret du gouvernement provisoire, ni dans la dis
cussion qui a eu lieu au sujet de l'impôt des.. 45
centimes dans l'Assemblée, aucun motif de consi
dérer comme un emprunt cette contribution extra
ordinaire.
On ne doit pas davantage admettre, avec M. Cha
voix et les partisans de son opinion, ; qu'il y ait a-
nalogie entre le remboursement effectué "en rentes
aux déposans des caisses d'épargnes et aux porteurs
des bons du trésor, et la restitution de l'impôt des
45 centimes.
Dans le premier cas, le remboursement n'a été que
le paiement d'une dette pour laquelle le créancier
était obligé d'accepter une valeur qui n'était pas
celle qu'il avait le droit de réclamer. C'était un ar
rangement forcé; c'était la restitution d'un dépôt
confié à la loyauté du Gouvernement du pays.
Qu'est-ce, au contraire, qnc l'impôt des 45 cen
times, si ce n'est une contribution légalement per
çue et légitimement employée au service de l'État?
M. Chavoix n'attaque pas la légalité de l'impôt ; 11
n'en discute pas l'emploi. Sur quel motif se fonde-1-
il donc pour en réclamer la restitution?
C'est, dit-il, un moyen de remédier à la crise ac
tuelle, de ranimer la confiance, le crédit, le travail
que de remettre aux mains des contribuables les ca
pitaux qui leur ont été enlevés par l'impôt des 45
centimes.
Comment réalise-t-il ces capitaux?
M. Chavoix propose de créer des rentes pour la
somme recouvrée, qui.s'élevait; au 31 décembre à
plus de 1.60 millions,'et de les délivrer aux "pro
priétaires. 1
Mais ces rentes ne deviendraient des capitaux
qu'à la condition d'être réalisées par la vente des
titres.
Or, on peut calculer que, pour rembourser les
45 centimes il faudrait créer plus de dix millions
de rentes outre l'amortissement.
Comment admettre que la réalisation d'une som
me aussi considérable ramènerait la confiance et le
crédit? Le comité pense, au contraire, qu'elle vien
drait leur porter une nouvelle et sérieuse atteinte
Ce n'est point le momeut de l'oublier :-les néces
sités du trésor et la liquidation d'un passif considé- '
rable,. ont forcé le Gouvernement à faire au crédit
de plus larges appels qu'à aucune époque de notre
hjstoire financière. Ce n'est pas moins de 64 mil
lions de rentes qui ont été ajoutés au grand-livre
de la dette publique depuis dix mois.
Deux des emprunts que nous avons contractés ne
sont encore qu'à moitié payés. Leur acquitti mm t
deviendrait problématique, m le cours des fonds pu
blics subissait une forte dépréciation-.
C'est dans un moment semblable qu'on non/pro
pose dè créer indûment et'sans nécessité plus do 13
millions de rentes, et c'est par ce moyen qu'on su
propose de rétablir le crédit l
Il y a là une grande erreur, et loinde contribuer
à ranimer la confiance,,la mesure proposée attein
drait gravement le crédit de l'Etat.
Or, le crédit public est la principale base, le prin
cipal point d'appui du crédit des particuliers.
Que le crédit public souffre,le crédit privé tr-' pa
ralysé, les transactions s'arrêtent, le travail est sus
pendu, le revenu public s'amoindrit.
Qu'on traite le crédit avec légèreté, lorsqu'il est
bien certain que l'Etat n'aura pas besoin d'y avoir
recours, cela pourrait, à la rigueur, se eoneeroir
sinon se justifier; mais que, dans un moment
comme celui où nous sommes, lorsque des emprunts
négociés ne sont point encore payés, lorsque d'autres
seront peut-être nécessaires, on vienne, par une
création de rentes qui rie se justifie par aucun droit
par aucune nécessité publique, ébranler la confiance
gui renaît à peine, alarmer les créanciers de l'Etat
c'est compliquer les difficultés de notre situation'
c'est aggraver nos embarras. ■ '
Il n'est point nécessaire d'entrer dans l'examen
.des moyens d'exécution proposés par M, Chavoix
pour la répartition des inscriptions do rente qu'il
propose de créer.
Nous ne pouvons, cependant, nous empêcher dé
rappeler à 1 Assemblée que, parmi les dix millions
de cotes qui figurent "sur les rôles de nfts contribu
tions directes, cinq millions sont de 8 fr. et au-des
sous, deux millions de 10 fr. et au-dessous dix-seut
cent mille de 20 fr. et au-dessous.
Ainsi, dans la première catégorie, ce serait de t à
2 fr. par cote à rembourser en rentes 1
Pour obvier à cette difficulté, M. Chavoix propose
des agglomérations par communes et des titres col
lectifs de rentes, '
11 suffit d'indiquer ces détails pour faire compren
dre la complication et même l'impossibilité dps
moyens d'exécution.
Mais ce qu'il importe de signaler à l'Assemblée,
c est le danger de l'abus de l'initiative parlementaire
en matière de finances.
Ce droit, sans doute, est une des plus précieuses
prérogatives des membres de l'Assemblée ; mais il
faut reconnaître que si l'usage n'en était pas modéré
par yne grande réserve, par une sage prudence il
ajouterait une nouvelle cause à la perturbation'du
crédit.
Le but que nous poursuivons tous, c'est le retour
de la confiance : comment peut-on espérer qu'elle se
rétablisse, lorsque chaque jour amône une nouvelle
attaque contre les revenus publics ? Comment veut-
on que le crédit se relève, lorsqu'on cherche conti
nuellement à amoindrir les gages sur lesquels il re
pose?
Tout en respectant le vote de l'Assemblée, nous
ne pouvons nous empêcher de rappeler q»e l'impôt
du sel a été considérablement-réduit. D'un autre
côté, l'impôt des boissons qui donne plus de 100
millions est attaqué.
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 27JANV.
LE CABINET NOIR.
M» ♦
TROISIÈME PARTIE.
L\ GÉORGIENNE.
CHAPITRE XXVIÏ
la. véngeakce d'une femme.
Presque toujours le malheur moralise : en ar
rivant à Paris, tout, occupé qu'il fût de sa dou
loureuse aventure, Alexis pensa d'abord à ses
devoirs de famille; il courut rue Barbette embras
ser son excellente mère, dont nous avons vu
qu'il n'avait pas toujours eu la pensée bien pré
sente, pendant qu'il gardait toute sa mémoire
pour l'indigne passion dont on ne pouvait mal
heureusement pas dire encore qu'il fût entière
ment revenu.
Du Marais, il se rendit rue du ïïelder, à
l'appartement où il. avait laissé Giorgina instal
lée lors de son départ; il espérait apprendre du
concierge le lieu où la fugitive s'était retirée.
Tout n'est pas rose dans le métier des Orphées
Voir notre nnméra dn 36 jaiiTi«r. *
Tant* reprodnotion, mtaa pirtiellt, d« e«t ouïrtge,
* ait imUrdilf, «t f«rait pourioiTi* somma 09Btr«f«ç»n.
cherchant leur Eurydice, et subir les complimens j
de condoléance, que commencèrent par lui j
adresser les gens auprès desquels il se rensei
gnait, ne fut pas pour Alexis une petite humi
liation. Mais, du moins, toutes les lumières aux
quelles il pouvait prétendre, il les obtint, et voi
ci de quelle manière sa douloureuse aventure
lui fut'racontée. "
« A bien dire, la relation de "Giorgina avec
la sous-maîtresse n'aurait jamais été suspendue:
même à l'époque où il s'était cru le mieux-dé
grevé des visites de ce démon tentateur, celles-ci
se seraient continuées furtivement, et, aussitôt
après son départ pour l'armée, la dangereuse
fille aurait en quelque sorte pris son domiqile
rue du Ilelder, où il ne se passait pas un seul
jour sans qu'on la vît.
» Pendant quelque temps néanmoins, l'exis
tence de Giorgina aurait continué de paraître
régulière, et aucun changement ne se serait ré
vélé dans ses habitudes, qui pût incriminer sa
conduite; mais un jour, on aurait remarqué,
amené par Mlle Ilerminie, un long et maigre
vieillard, d'un extérieur presque pauvreteux, et
dont la visite se serait notablement prolongée.
» Le lendemain Mlle Giorgina serait partie
avec son amie, annonçant qu'elle ne rentrerait
pas le soir, et qu'elle allait pour quelques jours
à la campagne, après quoi on ne l'aurait plus
revue. .
» Mais on avait revu sa femme de chambre,
et, par cette fille, on avait appris que, logée dans
un hôtel, rue de laChaiseau faubourg Saint-Ger
main, sa maîtresse avait une voilure, des gens,
un ameublement magnifique, et chose qui ren
dait tout ce détail presqu'incroyable, c'est que
l'auteur de toute cette fortune, était ce vieillard
que volontiers on aurait pris pour un mendiant,
et cependant, non content de faire un sort à
Mlle Giorgina, il avait installé auprès d'elle Mlle
Ilerminie Daliron, en qualité de surintendante
et de dame de compagnie.
» Du reste tout devait faire supposer, dans
ce bienfaiteur, de grandes originalités, car, quel
ques jours après le départ de sa conquête, il se
rait venu rue du Ilelder, accompagné d'un tapis
sier, auquel -il aurait fait la vente de tout le
mobilier de l'appartement, et quand tout devait
donner à penser qu'il était royalement riche,
dans le marché, qu'il avait dit faire à son comp
te, il se serait montré d'une lésinerie et d'une
âpreté dont rien ne pouvait donner une idée. »
Quant au nom de ce ladre, le concierge'qui
donnait tous ces détails ne put, le dire à Alexis;
il l'avait su et oublié ; seulement ce qu'on se
rappelait, c'est qu'il jouissait dans le monde fi
nancier d'une notoriété considérable. Ce ren
seignement, joint à l'adresse de Giorgina, c'était
et au delà de ce qu'il en fallait pour reux questionneur pût retrouver l'inconstante
et le rival auxquels il se proposait de demander
un compte éclatant.
. Sans perdre un moment, Alexis se rendit rue
de là Chaise, et le bruit qu'y faisaient l'établisse
ment et la beauté de la Géorgienne, ne le lais
sa pas long-temps en quête du logis qu'il cher
chait.
En entrant dans l'hôtel 1 , dont l'indication lui
fut immédiatement donnée, le visiteur resta en
effet frappé de son aspect et de ses proportions
grandioses; mais, en même temps, un air de dé
labrement qui partout s'y marquait, lui devint un
sujet non moindre d'étonnemçnt. '
Après avoir traversé une vaste cour où partout
l'herbe verdissait entre les pavés , on arrjvait à
un perron dégradé par de vigoureuses pousses de
plantes saxatiles qui en avaient dérangé''tout
l'aplomb. Le rez de chaussée seul paraissait ha-
bité;quant à l'étage supérieur,fermé de persiennes
.dont d'épaisses couches de poussière, jointes à
l'action des eaux pluviales, avaientpresqu'entiè-
rement corrodé la peinture, il témoignait d'un
abandon remontant évidemment à de longues an
nées. Sur les murs, où le badigeon, écaillé par
larges places, laissait apercevoir le ton noirâtre
de la pierre, se montrait la même incurie du pro
priétaire que d'urgentes réparations également
négligées du côté de la toiture inculpaient enco
re plus gravement.
Un vieux concierge dont la tournure rêche et
pauvreteuse était en parfaite harmonie avec tout
cet air de ruine, répondit d'un ton médiocre
ment poli à la prétention manifestée par Alexis
de vouloir être admis auprès dé Mlle Giorgina.
Néanmoins cette froide réception tenait plutôt
à un instinct de ce cerbère qu'à un ordre à
lui donné, d'éconduire les hôtes qui se présen
taient : — Au perron en face! — finit-il donc
par dire, et en même-temps il sonna une cloche
répondant aux appartemens et par laquelle les
gens étaient avertis.
On n'était pas plutôt introduit dans le vestibule
pavé de marbre dont était suivi le perron, qu'on
se trouvait en quelque sorte transporté dans un
autre hémisphère : à l'extérieur, la désolation,
nulle trace d'entretien et même de mesure sim
plement conservatoire; au dedans, ^ contraire,
toute la recherche di* luxe le plus élégant : ainsi,
dès la pièce d'entrée, nonobstant la saison avan
cée de l'année, s'épanouissaient des jardinières
garnies de fleurs et de plantes, rares, et, pour ré
pondre à la cloche du concierge, parut un laquais
portant une riche livrée. Après qu'Alexis se fut
nommé, et pendant qu'on allait savoir si Madame
était visible, il fut introduit dans un salon où,
pour un œil exercé,l'ameublement n'aurait peut-
être pas paru d'une parfaite et irréprochable
unité; mais quoique soufflé pour àinsi parler des
quatre^ents, telles étaient la splendeur et-la ri
chesse de toflt le mobilier garnissant cette pièce,
que sa bigarrure pouvait aussi bien accuser une
fantaisie du propriétaire qu'une spéculation de
son écoBomie. -
Le visiteur avait eu le temps de donner un.
coup d'oeil à ce singulier[amas de richesses, lors
qu'une porte latérale, s'étant ouverte, le mit su
bitement et à son grand étonnement d'une si
rare audace, en présence de Mlle Ilerminie
Daliron.
Vêtue avec recherche, et se présentant de Pair
dégagé et accueillant d'une maîtresse de maison
qui reçoit une visite des plus courantes,cette fille '
tout en ayant remarqué qu'à son aspect, un cer- ..
tain trouble, voire même une grande manifes
tation de dédain et de colère, s'étaient faits sur
le visage d'Alexis, ne parut pas soucieuse le
moins du monde de cette menace d'hostilité;
§eulement • cette remarque lui servant d'exorde,
elle poussa gracieusement un fauteuil à son hôte
et d'un ton qui demandait la paix ;
—^Vous paraissez beaucoup m'en vouloir, Mon
sieur? lui dit elle. .
— Vous en vouloir? — répondit Alexis, conti
nuant de se tenir debout, — ce serait, à la fois
trop dire et ne pas dire assez,
— Oui, tranchons le vw\, — dit la jeune fem- '
me en souriant, — du bel et bon mépris.
Aleîçig, a© contenta de répondre, par une pro
fonde inclination de tête, dont le sens était qu'il
avait été deviné et compris.
— Eh bien I — reprit l'ancienne sous-maî'- *
tresse, — c'est contre ce sentiment que j'entends
me défendre ; voulez-vous m'écouter un moment?
— J'avais désiré voir Mlle Giorgina, — ré
pondit sèchement Alexis.
—Vous comprenez bien, Monsieur, que ce qné
je puis avoir à vous dire ne s'éloigne pas beau
coup de l'intérêt qui vous attire ici.
— Mais enfin votre vertueuse amie refuse-t-
elle de me recevoir? Etes-vous ici en son nom?
SAMEDI 47 iANVIEIl 4849./
,11*3
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NCSÏEIIO £Jf.
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MXE- »K X'AB
PARIS. DÉPART# DÉPART.
trois kox3.... , 8ï. ilF. j 14 f.
six mois...... 16 ; M *5
B»AN........ 81 44 I 18 ;
IiMabumauBi datant dwl* r «t <6 d« ehli«« ulqj .
BUREAUX A-PARIS J
Mut dmJU FtnrUr, 10 (ci-deT#nt d« Ttleii).
Oay*baniM Ha ni 1 m Mpartrauns, au' BMM»g«ri« M
■u directions dts poitrs.—4 Londraa, eh« MM; Cwi« il
(Uio- k Slruboarg, chai Àitxatdrt, pour l'ÀllMMgni.
. r «df(iiR franco, pou la rédactia»,
i M. MER iujac , gérant. ■ ;. '
Lu utiolM d
PARIS* 2G JAjmE».
^ Le rapport provoquant de M. Grévy tend
à engager l'Assembléè dans une voie funeste:
Il enflamme un conflit plein dé périls en mê
me temps qu'il a pour but d'en prolonger la
durée. Les inquiétudes de l'opinion publique
augmentent, le crédit en est affecté ; l'agita
tion redouble dans les partis démagogiques.
Au jugement de ces derniers , la situation
prend un caractère tout à fait révolution
naire. Ils s'en réjouissent, et l'audace de
leur langage et de leurs actes s'en accroît.
Les plus raisonnables parmi les organes de
la République rouge encouragent l'Assem
blée à tenir ferme et à ne pas se dessaisir de
son mandat. Les mêmes écrivains qui l'in
juriaient en prétendant ' qu'elle sacrifiait
tous les principes de la révolution, la glori
fient aujourd'hui dans sa résistance, et la
proclament comme le dernier boulevard de
la République.
* Les journaux de la Montagne et du so
cialisme ne se bornent pas tous à ces sim
ples exhortations. D'autres vont beaucoup
plus loin. Du moment où les conclusions de
la commission font dire que nous sommes
en situation révolutionnaire, il faut s'atten
dre à ce que les partis extrêmes rêvent déjà
l'emploi des expédiens héroïque^ et conseil
lent les coups d'Etat. Le journal le Peuple
intitule son article sur la séance de l'Assem
blée : La Guerre . Et ce n'est plus seule
ment contre le cabinet qu'il dirige ses atta
ques, mais contre le Président. Le rapport
Grévy doit conduire à l'ancien amendement
Grévy sur le chapitre de la Constitution re
latif à la présidence. Le journal de M.
Prbudhon veut qu'on fasse de l'élu de cinq
millions et demi de suffrages, l'organe, le
bras, en un mot le simple élu de l'Assem
blée. Ce n'est pas assez encore. Un autre
journal démocratique ét social ne compte
pas, lui, sur la représentation actuelle. Pour
une situation révolutionnaire, il faut des
actes énergiques, profondément révolution
naires. Tout ce qui sortira de l'Assemblée ne
saurait avoir ce caractère, et ne peut arri
ver au but marqué par ce journal, à savoir
la liquidation de l'ancienne société.
Ainsi, tandis que la commission proclame
l'Assemblée actuelle seule capable de veiller
sur la .République, les démagogues se don
nent à eux la mission de veiller sur l'As
semblée. Pour cela, leur organisation est
toute faite. Ils ont une société qui s'appelle :
la Solidarité républicaine. Elle commence à
étendre ses rameaux sur le sol, elle se pro
page dans les départemens. C'est un Etat
dans l'Etat. Ce n'est pas tout encore. Voici"
d'autres démagogues qui protestent contre
un vote de l'Assemblée, et qui ont la pré
tention de déférer-par voie d'appel la loi
votée par la chambre sur les accusés du 15
mai au peuple.de Paris. Ils signent une pro-~
testation factieuse; et parmi eux, il y en a
sans doute qui traiteraient volontiers de fac
tieux ceux qui, usant d'un droit incontes
table, et pourtant contesté par M. Grévy,
demandent à la chambre de mettre un terme
à son mandat.
En présence de ce malheureux CQnflit
élevé entre les pouvoirs, tout ce qu'il y a de
fermens révolutionnaires dans le pays prend
une intensité nouvelle. Cependant le pou
voir actuel, qui ne craint pas le jugement
du suffrage universel, à quelque heure qu'on
doive y recourir, montre une fermeté rassu
rante. S'il y a des raisons d'inquiétude, il y
a des raisons de sécurité. Le gouvernement
recommande aux autôrités des départemens
de suivre de près les démarches de la société
delà Solidarité républicaine', il fait fermer
les clubs; il demande une nouvelle loi pour
éteindre ces foyers d'incendie. De son côté,
la population, dans sa généralité, répond
par ses dispositions aux mesures de sûreté
que prend le pouvoir. L'immense majorité
des ouvriers est résolue à repousser tous les
appelé provocateurs. Les factions n'ont plus,
pour ainsi dire, qu'un étatrmajor. Le cré
dit renaîtrait bientôt avec la sécurité si l'on
voyait un terme au malheureux conflit par
lementaire, dont le rapport de M. Grévy
tend à prolonger la durée. L'Assemblée,
nous l'espérons, ne suivra pas sa commission
dans ce que les journaux démagogiques ap-.
pellent la guerre.
Le ministre de l'intérieur a présenté au
jourd'hui à l'Assemblée nationale .un projet
de loi qui interdit formellement les clubs et
toute réunion publique qui se tiendrait pé
riodiquement ou à des intervalles réguliers
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
nuz kk l'jusorasHssrv <
paris. détart. iétrang,
trois mois.... 8f. 11 f. i 14f.
six mois. .18 33 i 28
un an........ 82 44 | 86
La abonuemena ditent des i* r «t 16 de chaqnt mois*
BUREAUX a TARIS :
Jtw du Si Février, 10 (ci-deyuit da Yaloii).
Lu annonce» sont reçue*, de 11 à 4 haaiçi,
, an bureau du Journal.
ToaU lnsartlon doit ètra agréé# par U gérait'*
Vadrcfier franco, pour l'admiaictratisit,
in. denaev , directeur.
pôïïrta discussion des matières politiques
Sur la demande de l'Assemblée, M. Léon
Faucher a donné lecture de l'exposé des mo
tifs et du projet de loi. Cette lecture a eu
'lie.u au milieu d'un profond silence, inter
rompu de loin en loin par quelques excla
mations des membres qui siègent à la crête
de la Montagne, et par la vive approbation
d'une partie considérable de l'Assemblée.
Elle à provoqué l'apparition à la tribune
de M. Gent, dont les divagations ne méri
tent pas d'occuper le public.,
Notre opinion sur les clubs n'a jamais
varié: nous avons toujours persisté à vofr
dans ces sortes de réunions, dont la publici
té est un mensonge, le fléau de la liberté et
un élément destructif de tout gouvernement
et de toute société. Les clubs donnent un
enseignement sans publicité, sans contradic
tion possible, sans contrôle, qui a la vio
lence pour principal élément de succès, et" le
recrutement des sociétés secrètes pour seul
objet et pour seul résultat pratique. Les
clubs ne sont jamais -et ne peuvent même
pas être isolés les uns des autres, et le jour
où ils correspondent entre eux ils forment
un. Gouvernement en face du Gouverne
ment, un Etat dans l'Etat. L'existence des
clubs est donc incompatible avec l'existence
d'un Gouvernement régulier.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter que
nous approuvons la pensée qui a dirigé le
ministère : nous croyons qu'il a obéi à une
inévitable nécessité et au septiment d'un
devoir impérieux envers la société. Nous sa
vons, gré au Gouvernement d'avoir posé,
franchement et nettemèntlà question de l'in
terdiction des clubs, et de n'avoir pas cher
ché à fairje subir à la loi du 28 juillet d'inu
tiles remaniemens. C'eût été prolonger sans
aucun fruit, sans aucun avantage possible,
une expérience dont les résultats sont déci
sifs. Le ministère ne croit pas l'existence
des clubs compatible avec lé bon ordre; il a
bien fait, ayant cette conviction, d'en aver
tir l'Assemblée nationale, et de dégager ainsi
sa propre responsabilité. Si l'Assemblée est '
d'un autre avis, ce sera à elle à chercher et
à trouver les moyens de concilier le main
tien des clubs avec la sécurité publique. Le
ton ferme et calme de l'exposé de motifs lu
aujourd'hui par le ministre "de l'intérieur
était bien celui d'hommes qui ont la con
science de remplir un devoir, et qui ne
marchandent pas avec les besoins de -la so
ciété. - ■ 1
La présentation du projet de loi était iné
vitable. iDéjli, lors de la discussion de la loi
actuelle, un grand nombre d'esprits avaient
pensé qu'elle ne donnait à la société que
des garanties insuffisantes, et l'Assemblée
qui se montrait toute disposée à augmenter
ces garanties, ne s'était arrêtée que devant-
les déclarations du ministère d'alors, qui
préférait tenter l'épreuve d'une liberté limi
tée succédant à la licence absolue. A peine
la loi fût-elle mise en vigueur que son im
puissance apparut au grand jour, et l'on n'a
pas oublié les déclarations de M. Dufaure,
venant dire à la tribune, dans les premiers
jours de décembre, que le Gouvernement
était sans force vis-à-vis des clubs,qui cons
tituaient pour lasociété un danger perma
nent dont la loi n'avait point diminué la
gravité.
Les ministres actuels ont hérité de ce dan
ger, et ils demandent qu'au lieu de transi
ger avec le mal on le supprime, et qu'on
fasse disparaître un élément de désordre qui
n'a jamais pu s'introduire dans nos mœurs,
quoiqu'il soit d'origine toute française. En
effet, le mot de club seul est anglais, et aucun
pays n'offre rien de semblable à ces réunions
dangereuses. Un agent diplomatique français
et quelques émissaires essayèrent sous la Con
vention d'introduire les clubs auxEtats-Unis;
ils avaient pour but d'agiter le peuple amé-.
ricain et d'obliger le Gouvernement des
Etats-Unis à s'allier avec la France contre
l'Angleterre.Washington, alors président, fit
justice immédiate des clubs, et leur intro
ducteur, le ministre Genêt, fut expulsé des
Etats-Unis. Depuis lors l'Amérique a été
exempte de ce fléau.
L'Angleterre ne l'a jamais connu, quoi
que le. National , dans une discussion précé
dente, se soit avisé de citer le Reform Club
et le L'arlton Club de Londres, pour prouver
que les clubs existent en Angleterre. Le Na
tional se laissait tromper par un mot et pre
nait pour des clubs des sociétés identiques à
ce que nous appelons en France des cercles.
Le jour où les clubs, c'est-à-dire les cercles
de Dublin, ont introduit dans leur règle
ment qu'aucun membre ne serait reçu s'il
ne justifiait de la possession d'un fusil, lord
Clàrendon les a tous déclarés dissous et les
a tous fait fermer. Lorsque les char listes de
Londres ont voulu, cet été, discuter les arti
cles de la charte du peuple dans les prairies
de ClerkenweU, la police de Londres lés a
dispersés. Ils ont voulu alors se diviser en
groupes et se réunir dans des tavernes et au-"
très lieux publics : les constables se sont
partout présentés, et ont toujours fait éva
cuer les salles occupées par les chartistes.
Autre chose est le droit de se réunir pu
bliquement et d'examiner publiquement une
affaire d'intérêt général ou professionnel ;
autre chose est le droit de convoquer pério
diquement des auditeurs, et de soutenir de
vant eux, sans contradiction possible, les
opinions les plus subversives, en les ap
puyant d'argumens et de faits dont nul
n'est admis à prouver la fausseté. En
Angleterre comme aux Etats-Unis, les ci
toyens sont toujours libres de se réunir après
avoir prévenu l'autorité et de leur réunion
et de la question spéciale qu'elle a pour ob
jet, et le gouvernement a le droit incontesté
de faire assister à cette réunion des sténo
graphes, dont les notes font foi en justice,
et suffisent à faire condamner les orateurs,
s'ils se sont écartés de la question, objet du
meeting, ou s'ils ont violé quelqu'une des
'lois qui protègent les institutions, la religion
et la morale.
Qui ne voit la différence qui existe entre
des réunions uniques ayant un but détermi
né, et les réunions périodiques appelées clubs
avec leur programme sans limites. Il suffit
d'êtré entré une fois dans un club depuis
six mois, pour avoir vu à quoi servait la
présence des commissaires de police au
torisés à assister aux séances et qui étaient
l'objet de plaisanteries et d'insultes con
tinuelles. Si le Gouvernement avait pu
recueillir les comptes-rendus d'un certain
nombre de séances des clubs parisiens; si
même il s'était borné à rassembler lés a-
nalyses publiées par divers journaux, il au
rait produit à l'appui de-son projet de loi le
plus décisif des argumens. -
L'Assemblée nationale a pris en considé
ration, à une grande majorité, la demande
faite par le ministre de la déclaration d'ur
gence. Elle nommera, demain matin, une
commission qui fera un rapport dans le cou
rant de la séance, et qui proposera de déci
der qu'il y a lieu de refuser l'urgence ou de
la déclarer, et de soumettre immédiatement
le projet de loi à l'examen des bureaux.
L'Assemblée nationale a continué aujour- ■
d'hui la discussion de la loi sur le conseil
d'Etat. Elle a voté presque sans débats la
série des articles qui règlent les travaux in
térieurs du conseil. Une ..question grave a
été soulevée par M. le ministre de la justice,
relativement aux. conflits de juridiction et
aux matières qui devraient être soumises à
la section du contentieux. Un court débat
s'est engagé à ce sujet entre M. Odilon Bar-
rot et plusieurs des membres de la commis
sion; mais la décision a été d'un commun
accord renvoyée au vote des articles 51 et
52, où cette question reçoit une solution que
repousse le ministre de la justice. L'article
49 qui ne préjuge rien a été adopté par l'As
semblée, et la discussion des articles suiyans
a été ajournée à demain.
Nous avons lu aujourd'hui, dans l e Moni
teur , le rapport présenté hier sur la propo
sition de M. Billault au nom de MM. Flo
con, Bac et autres républicains de la veille
qui composaient la commission ; il faut voir
de quelle manière ces Messieurs traitent les
finances de " la monarchie représentative ;
nul régime, disent-ils, ne s'est prêté plus fa-,
cilement à l'invasion, au développement, à
la perpétuation, des abus, aux fantaisies de
la prodigalité, aux habitudes dissipatrices,
aux spéculations ruineuses de la corruptiou ;
que serions-nous devenus, ajoutent-ils, si la
République ne fût venue arrêter le dévelop
pement d'un système de finances aussi dé
plorable !
Certes, nous n'avons pas été les derniers,
on s'en souvient, à blâmer l'entraînement
des dépenses qui a signalé les dernières an
nées du gouvernement déchu; nous nous
sommes élevés avec énergie contre les fo
lies delà paix ; nous avons signalé les dan-:
gers qui pouvaient naître de finances aussi
profondément engagées. Mais qu'est-ce que
toiltes les témérités du dernier régime, en
comparaison de tout ce que nous avons vu
depuis dix mois?
Les républicains de la veille sont-ils bien
venus à accuser aujourd'hui avec "tant d'â
me viorne la gestion financière de l'ancien
gouvernement? Ils pouvaient se permettre
, ces récriminations avant qu'on ne les eût
vus à l'œuvre. Ce droit, ils ne l'ont plus au
jourd'hui; ils l'ont perdu depuis qu'ils ont
été mis en' demeure d'appliquer leurs prin
cipes et de donner la mesure de leur capacité.
Qu'ils regardent donc ce qu'ils ont fait en
si peu de' temps, et dans quel état ils ont
laissé les affaire^. Est-ce que la monarchie
de juillet, malgré les prodigalités de ses der
nières années, a jamais porté son budget à
1,800 millions? Est-ce qu'elle a jamais
chargé le pays de cet impôt des 45 cent., que
la Réforme traite actuellement d'impôt abo
minable? Est-ce qu'elle a jamais contracté
des emprunts à 7 ou 8 0/0? Nous avions, sous
l'ancien gouvernement, un déficit annuel de
60 à 80 millions par année ; les républicains,
pour leur début, l'ont porté à 500 millions !
' Quand on a fait, toutes ces choses, on de
vrait se montrer un peu plus modeste et un
peu moins exigeant ; il ne faudrait pas sur
tout prendre prétexte du désordre qu'on a
mis soi-même dans les finances, pour faire
de l'opposition au ministère qui' a entrepris
d'y remédier; est-ce à ceux qui ont fait le
mal à se plaindre de ce qu'on ne peut pas le
réparer plus vite? Un peu de patience, Mes
sieurs, et laissez au moins le temps matériel
et moral qui est nécessaire pour cicatriser
des plaies qui sont votre ouvrage..
Que'prétendent les promoteurs de la pro
position de M. Billault en demandant qu'on
vote isolément le budget, des recettes, et
qu'on enjoigne au ministère d'y conformer
le budget des dépënses ? Ils'savent bien que
l'examen des dépenses obligées, dans un
grand pays comme le nôtre, doit précéder
l'examen des voies et moyens'. M. Billault
lui-même en est convenu* il a déclaré, dans
la séance du 16 de ce mois, qu'il vaudrait
cent fois mieux régler d'abord les dépenses
et fixer ensuite les recettes ; agir autrement,
il l'a dit en propres termes, c'est placer la
charrue avant les bœufs. Mais alors com
ment expliquer cette proposition qui, de son
propre aveu, est en contradiction avec lès
indications du bon sens? Le prétexte, c'est
qu'il faut créer une sorte de contrainte fi
nancière qui amène le gouvernement à ré
duire en grand les dépenses des services ad
ministratifs et militaires. <
Ne dirait-on pas, vraiment, que le minis
tère peut, d'un trait de plume, rayer 300
millions du budget ! Sur quels chapitres
doivent donc porter ces économies héroï
ques? Est-ce sur l'armée ? mais il faudrait
d'abord que les républicains delà veille eus
sent le courage de venir demander eux-mê
mes l'abandon immédiat et sans transition
de la, politique qu'ils ont pratiquée à l'exté
rieur. Est-ce sur les services civils? mais ces
messieurs ont le droit d'initiative; qu'ils en
fassent usa^?; qu'ils viennent réclamer les
réformes qui leur semblent réalisables à
l'instant même, et, si l'Assemblée est de leur
avis, elle les adoptera. II n'y a pas besoin,
pour cela, de la proposition de M. Billault.
On prétend, il est vrai, pour la justifier,
qu'en matière., de réformes administratives,
il n'est pas possible de procéder sans le con
cours du Gouvernement ; M. Billault et ses
amis disent qu'ils ne peuvent avoir ces con
naissances' spéciales, ces notions tèchniques
de chaque jour que le ministère lui seul peut
apporter. Ces messieurs sont devenus bien
réservés ; nous les engagions tout à l'heure
à se montrer plus modestes, nous leur dirons
qu'ils pèchent ici par excès de modestie;
l'administration n'est pas un arcane mysté
rieux; elle n'a de secrets pour personne;
l'Assemblée est divisée en comités spéciaux,
qui correspondent à tous les départemens
ministériels, et qui- ont eu tout le temps de
s'initier à leur organisation; M. Billault,
membre du comité des finances, a pu no
tamment, lors de l'examen du budget de
•1848, pénétrer dans tous les détails des ser
vices, étudier tous les rouages de ces machi
nes compliquées; si donc il est possible d'ap
porter* de grandes réformes dans l'adminis
tration civile ou militaire, des réformes sus
ceptibles de procurer immédiatement une
économie de 500 millions, l'Assemblée est !
. parfaitement eh mesure de les connaître, et j
il serait bon qu'avant de mettre le Gouver- !
nement en demeure de les accomplir, elle
voulût bien les signaler. !
Nous pensons, quant à nous j qu'avec
une bonne politique, pratiquée d'une ma
nière persévérante, il sera possible de réa
liser des économies, qui, en se combinant
avec l'accroissement des recettes, et avec .'la
renaissance du crédit, permettront de re
placer nos financés dans une situation nor
male ; mais nous ne croyons pas à ces grands
remaniemens, à ces révolutions administra
tives, dont on parle sans pouvoir jamais
rien précisér ; si ces changemens à vue eus
sent été praticables, met-on en doute que
MM.. Trouvé-Chauvel et Goudchaux n'eus
sent pas tenu à honneur de les exécuter?
Car, on ne saurait trop le rappeler aùx ré
publicains de la veille, ce sont leurs amis
qui ont proposé les lois de finances, objet
de leur opposition, et ce n'est pas une des
choses les'moins curieuses de cette époque,
que de les voir attaquer avec tant d'animo-
sité, le cabinet actuel sur un budget qui est
l'œuvre des hommes de leur choix.
Nous croyons devoir publier le. rapport, fait
!>ar M. Achille Fould, au nom du comité des
inances, sur la proposition de M. Chavoix rela
tive au remboursement de l'impôt de 45 cen
times; flous signalerons surtout la dernière par
tie dans laquelle il fait ressortir le danger de
l'abus de 1 initiative parlementaire en matière
de finances. L'unité du pouvoir èt les vues d'en
semble sont, en effet surtout indispensables en
pareille matière. La vraie popularité, dit le rap
porteur en terminant, sera pour ceux qui lutte
ront énergiquement contre la désorganisation de
nos finances; ce sont là des paroles sur lesquelles
nous appelons l'attention de l'Assemblée natio
nale.
Messieurs,
Votre comité des finances a consacré deux séances
à l'examen de la proposition de M. Chavoix; il a en
tendu cet honorable représentant, et je vièns vous
rendre compte des motifs qui ont décidé le comité à
vous proposer de ne pas prendre en considération la
proposition de notre collègue.
L'article 1« r de cette proposition décide : «t Que les
» sommes payées ou à payer par les contribuables,
» pour l'impôt des 45 centimes, seront considérées
» comme un emprunt, et remboursées "en rentes sur
» l'Etat îi 3 et 5 0/0. »
L'article 5 établit : « Que ces rentes seront déli
vrées aux contribuables au cours moyen du mois
- qui suivra le voté de la loi. »
Dans les con idérans de sa proposition, comme
dans les développemens qu'il lui a donnés devant
le comité, M. Chavoix a fait valoir : « Que l'impôt
» des 45 centimes a été ,une des causes principales
- de la gêne et de la perturbation dans les affaires
commerciales et les transactions, privées ; qu'un
» des meilleurs moyens de remédier à la" crise ac-
» tuelle, de ranimer la confiance, le crédit, le com-
» merce et de soulager l'agriculture, c'est de remet-
» tré dans les mains des contribuables les- capitaux
» qui leur ont été enlevés par l'impôt des 45 een-
» times... ». '
M. Chavoix pense qu'il eût été à désirer, « dans
» l'intérêt de la République et de tous les citoyens;
» que, pour faire face au déficit signalé dans le tré-
» sor, on eût eu recours à U voie de l'emprunt, au
» lieu de frapper le pays de cet impôt. »
M. Chavoix tire, en outre, un argument en faveur
de sa proposition, de l'analogie qu'il établit entre
le remboursement en rentes des dépôts des caisses
d'épargne et des bons du trésor, et la restitution de
l'impôt des 45 centimes'.
Quelques-uns des membres du comité qui ont sou
tenu la proposition dè M. Chavoix ont invoqué en
sa faveur un motif de plus. Dans leur opinion, cette
satisfaction donnée : au pays deviendrait pour l'As
semblée/ un titre nouveau à sa reconnaissance, et
consoliderait la République, en lui.faisant regagner
les syfaipathies que l'impôt des 45 centimes a pu'
éloigner d'elle.
On ne doit pas se dissimuler que l'impôt des 45
centimes est venu aggraver singulièrement les souf
frances du pays à la suite de la révolution.
Un moment, le gouvernement provisoire s'était
flattéde n'avoir point à demander de sacrifices ex
traordinaires aux contribuables ; il en avait donné
l'assurance par une proclamation en date du 7 mars:
mais il ne tarda pas à reconnaître la triste nécessite
de recourir à l'impôt, pour assurer les services pu
blics. Le 46 mars, il rendit un décret par lequel il
imposait « temporairement et pour l'année_ 1848-
» seulement, 45 centimes du total des rôles des
« quatre contributions directes de l'année, et en
» rendait le montant, immédiatement exigible/»
Dans le rapport qui précède le décret, le ministre
des finances invoquait, à l'appui de la mesure, la si
tuation particulière des propriétaires sur qui devait
peser ce supplément do charge : il indiquait que la
propriété était, de tous les élémens de la fortune pu
blique, celui'qui avait eu le moins à souffrir dès al
térations du crédit. -
Et, en effet, à cette époque, l'Interruption totale
des affaires commerciales, la suspension de toutes tes
transactions avaient entraîné la chute des établisse-
mens industriels les plus considérables; les maisons
de commerce et de banque les plus puissantes, les ca
pitalistes eux mêmes avaient vu leurs fortunes anéan
ties ou considérablement réduites.
Quelle ressource restait il au Gouvernement pro
visoire, en face des besoins toujours oroissans du
trésor, si ce n'était de recourir à l'impôt direct ?
Faire appel au crédit dans le moment où.le gou
vernement provisoire décréta l'impôt des 45 centi
mes, eût été non-seulement une grave imprudence,
mais encore uhe faute qui n'eût fait, peut-être, que
constater une impuissance.
En effet, le cours des fonds publics était tombé
tellement bas, qu'un emprunt, s'il eût été possible,
n'aurait pu se faire qu'à des conditions ruineuses
dont le poids eût été une chargé permanente pour
les contribuables. .
Ainsi qu'on devait s'y attendre, l'impôt dés 45
centimes ajarma et irrita lé pays. L'irritation avait
deux causes : d'une part, le poids du sacrifice en
lui-même, la forme qui grevait inégalement certains
départemens et certaines communes ; de l'autre, le-
bas prix des denrées et des produits de l'agricultu- '
ro, qui rendait dans cette circonstance, une aggra
vation de charges plus sensible encore.
Aussi, sa rentrée éprouva-t-elle, et rencontre-t-
,elle encore de, sérieuses -difficultés : cependant, ja
mais l'impôt ne fut présenté comme une avance de
mandée aux contribuable^: - ■ '
Oa .ne trouve,, ni dans le rapport qui précède le
décret du gouvernement provisoire, ni dans la dis
cussion qui a eu lieu au sujet de l'impôt des.. 45
centimes dans l'Assemblée, aucun motif de consi
dérer comme un emprunt cette contribution extra
ordinaire.
On ne doit pas davantage admettre, avec M. Cha
voix et les partisans de son opinion, ; qu'il y ait a-
nalogie entre le remboursement effectué "en rentes
aux déposans des caisses d'épargnes et aux porteurs
des bons du trésor, et la restitution de l'impôt des
45 centimes.
Dans le premier cas, le remboursement n'a été que
le paiement d'une dette pour laquelle le créancier
était obligé d'accepter une valeur qui n'était pas
celle qu'il avait le droit de réclamer. C'était un ar
rangement forcé; c'était la restitution d'un dépôt
confié à la loyauté du Gouvernement du pays.
Qu'est-ce, au contraire, qnc l'impôt des 45 cen
times, si ce n'est une contribution légalement per
çue et légitimement employée au service de l'État?
M. Chavoix n'attaque pas la légalité de l'impôt ; 11
n'en discute pas l'emploi. Sur quel motif se fonde-1-
il donc pour en réclamer la restitution?
C'est, dit-il, un moyen de remédier à la crise ac
tuelle, de ranimer la confiance, le crédit, le travail
que de remettre aux mains des contribuables les ca
pitaux qui leur ont été enlevés par l'impôt des 45
centimes.
Comment réalise-t-il ces capitaux?
M. Chavoix propose de créer des rentes pour la
somme recouvrée, qui.s'élevait; au 31 décembre à
plus de 1.60 millions,'et de les délivrer aux "pro
priétaires. 1
Mais ces rentes ne deviendraient des capitaux
qu'à la condition d'être réalisées par la vente des
titres.
Or, on peut calculer que, pour rembourser les
45 centimes il faudrait créer plus de dix millions
de rentes outre l'amortissement.
Comment admettre que la réalisation d'une som
me aussi considérable ramènerait la confiance et le
crédit? Le comité pense, au contraire, qu'elle vien
drait leur porter une nouvelle et sérieuse atteinte
Ce n'est point le momeut de l'oublier :-les néces
sités du trésor et la liquidation d'un passif considé- '
rable,. ont forcé le Gouvernement à faire au crédit
de plus larges appels qu'à aucune époque de notre
hjstoire financière. Ce n'est pas moins de 64 mil
lions de rentes qui ont été ajoutés au grand-livre
de la dette publique depuis dix mois.
Deux des emprunts que nous avons contractés ne
sont encore qu'à moitié payés. Leur acquitti mm t
deviendrait problématique, m le cours des fonds pu
blics subissait une forte dépréciation-.
C'est dans un moment semblable qu'on non/pro
pose dè créer indûment et'sans nécessité plus do 13
millions de rentes, et c'est par ce moyen qu'on su
propose de rétablir le crédit l
Il y a là une grande erreur, et loinde contribuer
à ranimer la confiance,,la mesure proposée attein
drait gravement le crédit de l'Etat.
Or, le crédit public est la principale base, le prin
cipal point d'appui du crédit des particuliers.
Que le crédit public souffre,le crédit privé tr-' pa
ralysé, les transactions s'arrêtent, le travail est sus
pendu, le revenu public s'amoindrit.
Qu'on traite le crédit avec légèreté, lorsqu'il est
bien certain que l'Etat n'aura pas besoin d'y avoir
recours, cela pourrait, à la rigueur, se eoneeroir
sinon se justifier; mais que, dans un moment
comme celui où nous sommes, lorsque des emprunts
négociés ne sont point encore payés, lorsque d'autres
seront peut-être nécessaires, on vienne, par une
création de rentes qui rie se justifie par aucun droit
par aucune nécessité publique, ébranler la confiance
gui renaît à peine, alarmer les créanciers de l'Etat
c'est compliquer les difficultés de notre situation'
c'est aggraver nos embarras. ■ '
Il n'est point nécessaire d'entrer dans l'examen
.des moyens d'exécution proposés par M, Chavoix
pour la répartition des inscriptions do rente qu'il
propose de créer.
Nous ne pouvons, cependant, nous empêcher dé
rappeler à 1 Assemblée que, parmi les dix millions
de cotes qui figurent "sur les rôles de nfts contribu
tions directes, cinq millions sont de 8 fr. et au-des
sous, deux millions de 10 fr. et au-dessous dix-seut
cent mille de 20 fr. et au-dessous.
Ainsi, dans la première catégorie, ce serait de t à
2 fr. par cote à rembourser en rentes 1
Pour obvier à cette difficulté, M. Chavoix propose
des agglomérations par communes et des titres col
lectifs de rentes, '
11 suffit d'indiquer ces détails pour faire compren
dre la complication et même l'impossibilité dps
moyens d'exécution.
Mais ce qu'il importe de signaler à l'Assemblée,
c est le danger de l'abus de l'initiative parlementaire
en matière de finances.
Ce droit, sans doute, est une des plus précieuses
prérogatives des membres de l'Assemblée ; mais il
faut reconnaître que si l'usage n'en était pas modéré
par yne grande réserve, par une sage prudence il
ajouterait une nouvelle cause à la perturbation'du
crédit.
Le but que nous poursuivons tous, c'est le retour
de la confiance : comment peut-on espérer qu'elle se
rétablisse, lorsque chaque jour amône une nouvelle
attaque contre les revenus publics ? Comment veut-
on que le crédit se relève, lorsqu'on cherche conti
nuellement à amoindrir les gages sur lesquels il re
pose?
Tout en respectant le vote de l'Assemblée, nous
ne pouvons nous empêcher de rappeler q»e l'impôt
du sel a été considérablement-réduit. D'un autre
côté, l'impôt des boissons qui donne plus de 100
millions est attaqué.
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 27JANV.
LE CABINET NOIR.
M» ♦
TROISIÈME PARTIE.
L\ GÉORGIENNE.
CHAPITRE XXVIÏ
la. véngeakce d'une femme.
Presque toujours le malheur moralise : en ar
rivant à Paris, tout, occupé qu'il fût de sa dou
loureuse aventure, Alexis pensa d'abord à ses
devoirs de famille; il courut rue Barbette embras
ser son excellente mère, dont nous avons vu
qu'il n'avait pas toujours eu la pensée bien pré
sente, pendant qu'il gardait toute sa mémoire
pour l'indigne passion dont on ne pouvait mal
heureusement pas dire encore qu'il fût entière
ment revenu.
Du Marais, il se rendit rue du ïïelder, à
l'appartement où il. avait laissé Giorgina instal
lée lors de son départ; il espérait apprendre du
concierge le lieu où la fugitive s'était retirée.
Tout n'est pas rose dans le métier des Orphées
Voir notre nnméra dn 36 jaiiTi«r. *
Tant* reprodnotion, mtaa pirtiellt, d« e«t ouïrtge,
* ait imUrdilf, «t f«rait pourioiTi* somma 09Btr«f«ç»n.
cherchant leur Eurydice, et subir les complimens j
de condoléance, que commencèrent par lui j
adresser les gens auprès desquels il se rensei
gnait, ne fut pas pour Alexis une petite humi
liation. Mais, du moins, toutes les lumières aux
quelles il pouvait prétendre, il les obtint, et voi
ci de quelle manière sa douloureuse aventure
lui fut'racontée. "
« A bien dire, la relation de "Giorgina avec
la sous-maîtresse n'aurait jamais été suspendue:
même à l'époque où il s'était cru le mieux-dé
grevé des visites de ce démon tentateur, celles-ci
se seraient continuées furtivement, et, aussitôt
après son départ pour l'armée, la dangereuse
fille aurait en quelque sorte pris son domiqile
rue du Ilelder, où il ne se passait pas un seul
jour sans qu'on la vît.
» Pendant quelque temps néanmoins, l'exis
tence de Giorgina aurait continué de paraître
régulière, et aucun changement ne se serait ré
vélé dans ses habitudes, qui pût incriminer sa
conduite; mais un jour, on aurait remarqué,
amené par Mlle Ilerminie, un long et maigre
vieillard, d'un extérieur presque pauvreteux, et
dont la visite se serait notablement prolongée.
» Le lendemain Mlle Giorgina serait partie
avec son amie, annonçant qu'elle ne rentrerait
pas le soir, et qu'elle allait pour quelques jours
à la campagne, après quoi on ne l'aurait plus
revue. .
» Mais on avait revu sa femme de chambre,
et, par cette fille, on avait appris que, logée dans
un hôtel, rue de laChaiseau faubourg Saint-Ger
main, sa maîtresse avait une voilure, des gens,
un ameublement magnifique, et chose qui ren
dait tout ce détail presqu'incroyable, c'est que
l'auteur de toute cette fortune, était ce vieillard
que volontiers on aurait pris pour un mendiant,
et cependant, non content de faire un sort à
Mlle Giorgina, il avait installé auprès d'elle Mlle
Ilerminie Daliron, en qualité de surintendante
et de dame de compagnie.
» Du reste tout devait faire supposer, dans
ce bienfaiteur, de grandes originalités, car, quel
ques jours après le départ de sa conquête, il se
rait venu rue du Ilelder, accompagné d'un tapis
sier, auquel -il aurait fait la vente de tout le
mobilier de l'appartement, et quand tout devait
donner à penser qu'il était royalement riche,
dans le marché, qu'il avait dit faire à son comp
te, il se serait montré d'une lésinerie et d'une
âpreté dont rien ne pouvait donner une idée. »
Quant au nom de ce ladre, le concierge'qui
donnait tous ces détails ne put, le dire à Alexis;
il l'avait su et oublié ; seulement ce qu'on se
rappelait, c'est qu'il jouissait dans le monde fi
nancier d'une notoriété considérable. Ce ren
seignement, joint à l'adresse de Giorgina, c'était
et au delà de ce qu'il en fallait pour
et le rival auxquels il se proposait de demander
un compte éclatant.
. Sans perdre un moment, Alexis se rendit rue
de là Chaise, et le bruit qu'y faisaient l'établisse
ment et la beauté de la Géorgienne, ne le lais
sa pas long-temps en quête du logis qu'il cher
chait.
En entrant dans l'hôtel 1 , dont l'indication lui
fut immédiatement donnée, le visiteur resta en
effet frappé de son aspect et de ses proportions
grandioses; mais, en même temps, un air de dé
labrement qui partout s'y marquait, lui devint un
sujet non moindre d'étonnemçnt. '
Après avoir traversé une vaste cour où partout
l'herbe verdissait entre les pavés , on arrjvait à
un perron dégradé par de vigoureuses pousses de
plantes saxatiles qui en avaient dérangé''tout
l'aplomb. Le rez de chaussée seul paraissait ha-
bité;quant à l'étage supérieur,fermé de persiennes
.dont d'épaisses couches de poussière, jointes à
l'action des eaux pluviales, avaientpresqu'entiè-
rement corrodé la peinture, il témoignait d'un
abandon remontant évidemment à de longues an
nées. Sur les murs, où le badigeon, écaillé par
larges places, laissait apercevoir le ton noirâtre
de la pierre, se montrait la même incurie du pro
priétaire que d'urgentes réparations également
négligées du côté de la toiture inculpaient enco
re plus gravement.
Un vieux concierge dont la tournure rêche et
pauvreteuse était en parfaite harmonie avec tout
cet air de ruine, répondit d'un ton médiocre
ment poli à la prétention manifestée par Alexis
de vouloir être admis auprès dé Mlle Giorgina.
Néanmoins cette froide réception tenait plutôt
à un instinct de ce cerbère qu'à un ordre à
lui donné, d'éconduire les hôtes qui se présen
taient : — Au perron en face! — finit-il donc
par dire, et en même-temps il sonna une cloche
répondant aux appartemens et par laquelle les
gens étaient avertis.
On n'était pas plutôt introduit dans le vestibule
pavé de marbre dont était suivi le perron, qu'on
se trouvait en quelque sorte transporté dans un
autre hémisphère : à l'extérieur, la désolation,
nulle trace d'entretien et même de mesure sim
plement conservatoire; au dedans, ^ contraire,
toute la recherche di* luxe le plus élégant : ainsi,
dès la pièce d'entrée, nonobstant la saison avan
cée de l'année, s'épanouissaient des jardinières
garnies de fleurs et de plantes, rares, et, pour ré
pondre à la cloche du concierge, parut un laquais
portant une riche livrée. Après qu'Alexis se fut
nommé, et pendant qu'on allait savoir si Madame
était visible, il fut introduit dans un salon où,
pour un œil exercé,l'ameublement n'aurait peut-
être pas paru d'une parfaite et irréprochable
unité; mais quoique soufflé pour àinsi parler des
quatre^ents, telles étaient la splendeur et-la ri
chesse de toflt le mobilier garnissant cette pièce,
que sa bigarrure pouvait aussi bien accuser une
fantaisie du propriétaire qu'une spéculation de
son écoBomie. -
Le visiteur avait eu le temps de donner un.
coup d'oeil à ce singulier[amas de richesses, lors
qu'une porte latérale, s'étant ouverte, le mit su
bitement et à son grand étonnement d'une si
rare audace, en présence de Mlle Ilerminie
Daliron.
Vêtue avec recherche, et se présentant de Pair
dégagé et accueillant d'une maîtresse de maison
qui reçoit une visite des plus courantes,cette fille '
tout en ayant remarqué qu'à son aspect, un cer- ..
tain trouble, voire même une grande manifes
tation de dédain et de colère, s'étaient faits sur
le visage d'Alexis, ne parut pas soucieuse le
moins du monde de cette menace d'hostilité;
§eulement • cette remarque lui servant d'exorde,
elle poussa gracieusement un fauteuil à son hôte
et d'un ton qui demandait la paix ;
—^Vous paraissez beaucoup m'en vouloir, Mon
sieur? lui dit elle. .
— Vous en vouloir? — répondit Alexis, conti
nuant de se tenir debout, — ce serait, à la fois
trop dire et ne pas dire assez,
— Oui, tranchons le vw\, — dit la jeune fem- '
me en souriant, — du bel et bon mépris.
Aleîçig, a© contenta de répondre, par une pro
fonde inclination de tête, dont le sens était qu'il
avait été deviné et compris.
— Eh bien I — reprit l'ancienne sous-maî'- *
tresse, — c'est contre ce sentiment que j'entends
me défendre ; voulez-vous m'écouter un moment?
— J'avais désiré voir Mlle Giorgina, — ré
pondit sèchement Alexis.
—Vous comprenez bien, Monsieur, que ce qné
je puis avoir à vous dire ne s'éloigne pas beau
coup de l'intérêt qui vous attire ici.
— Mais enfin votre vertueuse amie refuse-t-
elle de me recevoir? Etes-vous ici en son nom?
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