Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-26
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 26 janvier 1849 26 janvier 1849
Description : 1849/01/26 (Numéro 26). 1849/01/26 (Numéro 26).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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Stracbeuirg, «hM Atacftndr*, pour l'AlUajgfti»
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE ^UNIVERSEL.
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•a bureau do Journal.
ToiK inuoncf doit ttra igrMi pu 1* firent.
~f'adresser franco, pour l'aaiuuuiuaura
à H. DEMAIN, directeur.
PARIS, 88 JANVIER
La commission chargée d'examiner la
proposition Rateau a fait son rapport par
l'organe de M. Grévy. Le rapport dépasse
par l'absolutisme de ses conclusions, par la
pauvreté logique et .par les hardiesses héré
tiques de ses .motif:», ce qu'on pouvait atten
dre d'une commission composée en grande
majorité de républicains de la veille. Il sem
blé pousser l'Assemblée nationale à refaire
"le long parlement ; à peine y a-t-il une con
cession de langage qui puisse faire entrevoir
le terme du mandat. La commission à exa
miné tontes les propositions qui se rattachaient
à celle dont elle était , saisie. Les unes ten
daient à faire fixer une date à la dissolution,
relles-ci une date plus proche, celles-là une
date plus éloignée. Les autres restreignaient
plus ou moins le nombre des lois organiques
.énumérées dans le décret du 15 décembre.
La commission les rejette toutes. Elle engage
l'Assemblée à faire tout ce qu'il lui plaît
d'appeler son œuvre. Joignez à toutes ces
.lois, qui ne sont pas moins que la création
d'unmonde'politique et administratif, le bud
get Billault, et l'Assemblée, si elle adoptait
cet ensemble de mesures, se voterait une du
rée indéfinie* C'est vouloir faire sortir, delà
situation exceptionnelle où la Constituante
-s'est placée vis-à-vis du pouvoirgeonstitué,
tous les conflits que peut engendrer cette
'.anomalie, poussée à ses conséquences extrê
mes. •
Passons aux motifs de cette résolution si
absolue; que la commission n'ait pas voulu
dès à présent fixer le jour où l'Assemblée se
dissoudrait, on le comprend. 11 y a de bon
nes raisons pour ne pas procéder de cette
; façon, M. Grévy n'en donne pas une.-Il con
damne ces propositions-là dans une phrase.
Mais quelles sont les considérations quipeu-
» vent déterminer à faire toutes les lois orga
niques, mentionnées dans le décret, quand on
avait reconnu, et cela dans presque toutes
les parties de la chambre, qu'il était conve
nable de réduire le nombre de ces lois, et
quand on avait|démontré l'impossibilitédeles
. faire toutes, à moins que la chambre ne se dé
cidât à les bâcler, ou à se donner une prolon
gation d'existence de plusieurs années?—M.
Grévy s'appuie sur l'état avancé des travaux
' préparatoires. Nous nous bornerons à de
mander si le Code militaire, le Code mariti
me que comporte, comme l'a très bien
prouvé M. Charles Dapin, la loi organique.
sur les armées de terre et de mer, nous de
mandons si ces Codes si difficiles à rédiger
sont bientôt prêts. On avouera que l'argu
ment de M. Grévy est dérisoire, et nous ne
prenons là qu'une faible partie de l'immen-
. se besogne que la Constituante s'est taillée.
M. Grévy prétend que la Constitution im
pose à l'Assemblée le devoir de faire des lois
organiques. C'est là une pétition de prin
cipe, car . c'est la question elle-même. Au
. surplus M. Grévy ne tarde pas à nier ce
qu'il affirmait, puisque, de son aveu, l'As
semblée a le droit de réviser le décret qui
énumère ces lois. Si la Constitution lui im
posait ce - devoir, elle n'aurait pas le droit
de s'ysoustraire. Il ajoute que l'Assemblée,
en se dispensant des lois organiques, muti
lerait son œuvre constituante. Il ne devrait
plus être permis de se servir d'un tel argu
ment, puisque les lois organiques ne parti
cipant pas de l'immutabilité relative de la
Constitution, peuvent être changées par la
prochaine législature. Il n'y a d'ailleurs qu'à
comparer le conseil d'Etat de la loi organi-
■ que, au conseil' d'Etat tel que l'avait conçu
_ la Constitution, on reconnaîtra que l'Assem
blée actuelle mutile sa conception primitive
tout au moins autant qu'une autre Assem
blée pourrait le faire. Sortons de ces argu
ties et abordons les raisons politiques.
L'Assemblée doit persister dans son dé
cret , parce que l'Assemblée, qui a fait la
République, peut seule la défendre. S'il en
est ainsi, pourquoi l'Assemblée ne déclare-
. t-elle pas sa perpétuité? quand jugera-t-elle
qu'elle peut livrer la République à elle-mê
me, c'est-à-dire la livrer au peuple fran
çais? Comment ! le peuple lui-même veille
ra moins bien que ses : représentans actuels
sur sa propre souveraineté ! ^Toujours la
même défiance du suffrage universel chez
ceux qui se sont vantés de l'avoir soutenu
et appliqué!
La commission veut encore que l'Assem
blée persiste, parce qu'il lui appartient de
veiller sur lés premiers pas de l'élu du peu
ple. Nous demandons si le peuple, qui vient
d'élire ce pouvoir nouveau, ne lui donne
rait pas d'aussi sûrs gardiens. S'il s'agit
d'un surveillant ombrageux, nous dirons
.. que le Président n'a pas mérité cet injurieux
soupçon, et qu'il y a une inconvenance su
prême à exprimer cette injuste défiance. S'il f.
s'agit d'une surveillance tutélaire, elleserait
mieux placée dans des mains qui ont por
té au pouvoir le président actuel, que dans
celles qui voulaient en porter un autre. Que;
la majorité .des représentans ait voté et agi
contre M. Louis Bonaparte, cela est cons
tant. Mais ,ce n'est pas parce qu'ils ont tenu
cette conduite, qu'on leur demande de met
tre un terme prochain . à leur mandat. M.
Grévy répond là à ce qu'on ne lui dit pas. Il
est certain que dans la candidature de M. Ca-
vaignac, ayant là majorité dans l'Assemblée,
il y, avait tout un plan raisonnable, légitime;
les pouvoirs eussent été dans un parfait ac
cord entre eux. La prolongation de l'As
semblée, dans cette hypothèse, était naturelle
et désirable. Ce plan était connu, et, en re
poussant la candidature de M. Cavaignac,
cinq millions et demi de Français ont re
poussé le plan. Alors ce sërait ' un acte de
juste déférence envers la souveraineté popu
laire, de la part des représentans, que de su
bir les conséquences de ce voté en mettant
un terme à leur mandat plus tôt qu'ils n'a
vaient prévu dans une hypothèse qui ne s'est
pas réalisée.
•Mais M. Grévy doute que tel soit le sens
du vote émis par le peuple le 10 décembre.
Dans un doute pareil, il serait noble d'aller
s'éclairer auprès de l'interprète naturel. Cet
interprète parle d'ailleurs par la voie des pé
titions. Mais, chose étrange! ces pétitions
sont une des raisons que le rapport invo
que pour engager la chambre à se main
tenir. Ces pétitions sont, au dire des ré
publicains de la veille, une violence mo
rale faite à l'Assemblée. Leurs journaux
sont remplis aujourd'hui de ces incroyables
plaintes. Il faut s'attendre de leur part à
toutes les apostasies en matière de principes
politiques. Combien d'années ont-ils passé à
organiser le pétitionnement pour la ré
forme électorale. Alors "c'était un droit
inviolable qu'ils exerçaient. Aujourd'hui,
c'est une violation du droit de l'Assem
blée que les pétitionnaires commettent.
Le droit de discussion, c'est une émeute mo
rale de la presse. Le droit de pétition, c'est
une émeute morale du pays. Le droit de pé
tition n'est respectable, à ce qu'il paraît,
que quand il y a peu de pétitionnaires. Mais
quand les pétitionnaires se multiplient, il
prend le caractère d'une contrainte. Les ar-
gumens de ceî journaux ont passé dans le
rapport de M. Grévy. -
Lacommission enfin persiste, parce qu'elle
ne peut pas céder au langage du ministère,
qui s'est permis de parler comme le pays.
Dans une question si grave, M. Grévy au
rait dû au moins éviter la plaisanterie. Et
n'est-ce pas une ironie étrange que de ve
nir parler du concours que la majorité des
républicains de la veille offre au ministère,
et que celui-ci refuse? Qael concours' que
celui des républicains de la veille! La con
cours-qui désorganise les finances le con
cours qui harcèle à chaque instant le Gou
vernement par des interpellations inutiles ou
dangereuses; le concours qui s'exprime par
l'hostilité systématique de tous les choix ,
par la multiplicité des propositions dont la
plupart sont des propositions de tactique et
de guerre ministérielle ! Voilà le concours
des républicains de la veille. Il est vrai que
si M. Grévy a plaisanté le cabinet, en par
lant du concours qui lui est offert, il a
cruellement plaisanté l'Assemblée nationale
elle-même, en parlant sérieusement de l'ar
deur qui la portait à se dissoudre. —Espé
rons que la chambre n'adoptera pas les con
clusions de ce rapport.
L'Assemblée nationale a été appelée à se
prononcer aujourd'hui sur l'urgence de la
proposition de M. Billault, qui, ainsi que
nous l'avons déjà expliqué,'consistait à faire
examiner le plus tôt possible le budget des
recettes par une commission, à le régler par
un décret spécial, et à enjoindre au Gouver
nement de présenter, dans le mois de la pro
mulgation de ce décret, un budget des dé
penses mis en rapport avec le chiffre des re
cettes.
Il faut avouer que si la mesure proposée
par M. Billault est urgente, il s'en est aperçu
un peu tardivement. Pour qu'il fût possible
de prendre cette proposition au .sérieux, ee
n'était pas aujourd'hui, comme l'a dit avec
raison M. Achille Fould dans son bureau,
c'était il y a six mois qu'il aurait dû la pré
senter. Peut-être, à celle époque, eût-êlle
pu être examinée utilement et avec matu
rité ; mais nous ne remonterons même
pas si loin, et nous demanderons à M. Bil
lault pourquoi il n'a pas apporté sa propo
sition le 14 décembre , quand M. Trouvé-
Chauvel vint présenter le budget de 1849 et
annoncer un nouveau déficit. C'était bien
l'occasion de montrer toute* sa sollicitude
pour les intérêts des contribuables. Cepen
dant M, Billault nejs'cst pas même ému alors
de cette présentation d'un budget -de plus de
"lyGOQ millions; il est resté froid et impassi
ble sur ksbàrics de la gauche ; il ne s'est
pas le moins du monde avisé de cette belle
invention qu'il vient de formuler; sa sym
pathie pour les populations laborieuses, ses
désirs d'économies, son ardeur pour les ré
forme? ne se sont réveillés que six semai
nes après, quand les administrations avaient
établi leurs-chiffres de dépenses et terminé
leurs travaux* quand les gros volumes du
budget étaient imprimés et allaient être dis
tribués à l'Assemblée nationale! ^
Pourquoi donc M. Billaultja-t-il attendu
si tard pour manifester son indignation con
tre l'énormité des charges qu'on proposait
défaire peser cette annéesur le pays? Pour
quoi n'a-t-il pas, le jour même où M. Trou-
vè-Chauvel. venait donner communication
de ce chiffre de 1,639 millions, élevé la voix
pour réclamer des économies héroïques et
pour proposer le moyen qu'il à imaginé afin
de nous sauver tous? M. Billaulfne trouve
rait-il le budget si lourd, n'aurait-il recon
nu la nécessité de le soumettre à des réduc
tions si radicales, que depuis le moment où
le pouvoir est sorti des mains de ses nou
veaux amis? Est-ce qu'il s'agirait tout bon
nement d'une intrigue qui aurait pour but
de renverser le ministère, dût-il en résulter
une désorganisation complète dans les finan
ces, et dans tous les services publics?
Quoi qu'ilen soit f -le rapport lu aujour
d'hui par M. Dezeimeris a été tel qu'on
pouvait l'attendre d'une commission inspi
rée par MM. Flocon, Bac, Antony Thou-
ret et autres républicains de la même école ;
la commission, aux termes du règlement,
devait se borner uniquement à examiner la
question de savoir s'il y avait des motifs suf-
fisans pour déclarer l'urgence ; mais elle a
été emportée par son zèle, et, oubliant le
but spécial de son mandat, elle est venue
proclamer l'excellence de la proposition de
M. Billault.
Le rapport est écrit dans des idées singu
lières et dans un style plus singulier encore :
tantôt, empruntant les métaphores du lan
gage révolutionnaire, il tonne contre les
adqptes de la finance, il signale les épouvan
tables abus du budget monarchique, et il
nous dépeint le gouffre béant du déficit prêt
à tout engloutir ; tantôt descendant à des
aphorismes d'économie domestique, il nous
invite à nous ranger, à nous contenter d'une
sage médiocrité dans notre manière de vi
vre, et il retrace l'exemple du bon père de
famille qui se garde bien de dépenser plus
que ses revenus.
Pendant que nous écoutions ce tableau la
mentable de notre situation financière, ces
appels à des économies radicales, ces argu-
mens sur la nécessité de contraindre le mi
nistère à rétablir l'équilibre quand même,
nous nous demandions si c'étaient bien les
républicains de la veille qui pouvaient tenir
un pareil langage.
En vérité, ces Messieurs ont la mémoire
bien courte. Qui donc a conduit les affaires '
depuis le 24 février jusqu'au 20 décembre ?
Qui donc a amené la situation politique et
financière au point où elle est aujourd'hui?
Qui donc, en pactisant sans cesse avec tou- -
tes les idées fausses et avec toutes les mau
vaises passions, a porté le trouble partout,
tari toutes les sources de la prospérité pu
blique, forcé la société à déployer toutes ses
forces pour résister aux attaques les plus
formidables qu'elle ait jamais eu à soute
nir? Qui donc a rédigé le manifeste du 5
mars aux puissances étrangères, demandé
à l'Assemblée un vote en faveur de l'af
franchissement de l'Italie, et réuni une
armée au pied des Alpes? Qui donc en
fin a fait et apporté ce budget contre lequel
vous essayez, d'ameuter le pays? N'est-
ce pas vous et vos amis? Et c'est quand
vous avez tout compromis, quand vous avez
exagéré les dépenses et amoindri les recet
tes, quand vous avez laissé à vos successeurs
un pays à moitié ruiné, une situation inté
rieure pleine de périls, une situation exté
rieure engagée, que vous osez venir sommer
le cabinet actuel, un mois après son avène
ment, de yous présenter un budget en équi
libre, comme s'il avait pu suffire de quel
ques jours pour résoudre toutes les difficul
tés que vous avez entassées, pour effacer le
trouble que vous avez porté dans les esprits
et dans les choses, pour réparer tout le mal
que vous avez fait !
Toutefois, comme il était indispensable
qu'une pareille question, une fois soulevée,
eût une prompte solution, M. Passy a dé
claré que, loin de s'opposer à l'urgence, il
la réclamait lui-même, afin qu'on sût le plus
tôt possible à quoi s'en tenir ; l'urgence a
donc été déclarée ; ainsi la proposition sera
renvoyée dans les bureaux; une nouvelle
commission sera nommée pour-l'examiner
;-au fond, et l'Assemblée a décidé que le rap
port devrait être apporté dans la séance de
samedi. ,
Nous n'avons pas besoin de dire que M.
Passy a annoncé l'intention de combattre la
proposition; il ne lui sera pas difficile de
démontrer qu'il y a une grande différence
entre la gestion de l'Etat et celle d'un parti
culier ; que les deux parties du. budget se
tiennent, qu'elles doivent être envisagées,
discutées ensemble, et que si l'on doit tenir
compte de l'importance des recettes quand
on vote les dépenses, il n'est pas moins né
cessaire de tenir compte des dépenses obli
gées quand on Tote les recettes ; on recon
naîtra alors que la proposition n'est qu'un
prétexte entre les mains de ces républicains
de la veille , qui ont tout bouleversé sans
pouvoir opérer une seule réforme sérieuse,
pendant qu'ils étaient aux affaires , et qui
savent mieux que personne qu'il faudra"
bien du temps pour pouvoir replacer nos fi
nances dans uni état satisfaisant.
La discussion sur le conseil d'Etat a con
tinué pendant une partie de la séance d'au
jourd'hui. L'Assemblée nationale a voté les
articles qui déterminent la situation des
maîtres des requêtes et des auditeurs.
M. Sauvaire - Barthélémy demandait
que les maîtres des requêtes ne fussent pas
seulement chargés da rapport des affaires ,
concurremment avec les conseillers d'Etat ;
il voulait encore qu'ils eussent voix délibé
rai ve dans les sections administratives aux
quelles ils seraient attaçhés. Il y avait dans
cet amendement le germe d'an-conseil d'E
tat au petit pied, qui se serait formé dans le
grand, et qui aurait conduit à sa destruc
tion.
Avec le mode de recrutement adopté pour
les conseillers, il est évident que ceux-ci de
vront leur nomination à la politique et
à la camaraderie, qu'ils arriveront au con
seil sans aucune préparation à leur tâche, et
que les vicissitudes politiques leur laisseront
rarement le temps de se former à leurs fonc
tions. Il en résultera que le fort de là beso
gné retombera nécessairement sur les maî
tres des requêtes, et que ceux-ci seront char
gés de presque tous les rapports. C'est: donc
au savoir et aux études spéciales des maîtres
des requêtes qu'on demandera les lumières
destinées à éclairer l'inexpérience des conseil
lers. Si, à l'influence considérable qu'exer
ceront naturellement les maîtres des requê
tes, on ajoute le droit de'prendre part à la
décision par le vote, les maîtres des requêtes
non-seulement instruiront, mais décideront
toutes les affaires, et les conseillers se borne
ront À opiner du bonnet. Il adviendra alors
duxgnseild'Etat comme des anciennes assises
féodales où les seigneurs finirent par ne siéger
que pour la forme, abandonnant la décision
aux gens de justice qui les assistaient. Les
conseillers' d'Etat ne verraient plus dans
leurs fonctions qu'un repos de six ans dû au
- triomphe de leurs amis politiques, et ils
abandonneraient la réalité de leurs fonc
tions aux maîtres des requêtes. Nous ap
prouvons donc, mais par des raisons diffé
rentes, l'opposition que la commission a
faite à l'amendement de M. Barthélémy.
Le seul moyen d'obliger les conseillers à
étudier les affaires portées devant le conseil,
et à remplir d'une façon un peu sérieuse
leurs fonctions, c'est de leur laisser l'entière
et exclusive responsabilité des décisions à
prendre. L'amendement a été rejeté; les
maîtres des requêtes n'auront que voix con
sultative. '
M. Béchard et M. Barthélémy ont de
mandé inutilement que les fonctions d'audi
teur fussent gratuites : ils s'appuyaient sur
la raison d'économie. M. Charlemagne a
renversé leur argumentation, en rappelant
que les auditeurs, après avoir fait des études
complètes, devaient avoir consacré quatre
années à. acquérir le titre de docteur en
droit, et que s'il leur fallait passer encore
quatre aimées comme auditeurs^ ils arrive
raient à l'âge de trente ans avant d'avoir
une position. Il est évident que bien peu de
familles peuvent s'imposerles sacrifices con
sidérables qu'exigent des études aussi sui
vies et l'entretien d'un jeune homme jus
qu'à l'âge de trente ans. La gratuité des
fonctions d'auditeur aurait eu pour effet d'£n
réserver exclusivement l'accès aux jeunes
gens riches qui, par cette porte, auraient peu
à peu envahi le conseil d'Etat et les fonc
tions administratives.
Il est à remarquer, en effet, que le projet
de loi réserve aux auditeurs lè quart des
places de sous-préfets. Onnepoutqu'app'au-
dir à cette pensée qui est la consécration lé
gale d'un usage suivi avec un succès cons
tant, Les derniers gouvernemens ont souvent
cherché parmi les auditeurs du conseil d'Etat
des sous-préfets et des préfets, et ces fonc
tionnaires qui avaient puisé à une si excel
lente école la connaissance du droit admi
nistratif et des affaires,ont toujours eu sur
les administrateurs empruntés à la politique
une incontestable supériorité. Mais la com
mission s'était laissé entraîner à accepter
un amendement de M. Dérodé, d'après le
quel le quart des emplois de sous - préfets
était réservé aux auditeurs, dans l'ordre des
présentations faites par le président du con
seil d'Etat et les présidens de sections. Il en
serait résulté qu'on aurait pu devenir sous-
préfet sans l'intervention et même contre
la volonté du ministre de l'intérieur. Les
chefs du conseil d'Etat auraient eu le pou
voir d'imposer des sous-préfets au ministre
qui n'aurait eu d'autre ressource que de les
destituer le lendemain de leur installation.
M. Odilon Barrot n'a pas eu de peine à
montrer qu'il y avait là un élément de dé
sordre et de désorganisation pour l'adminis
tration et un véritable empiétement de la
part des chefs du conseil d'Etat sur la préro
gative ministérielle.-Les observations de M.
Barrot ont obtenu une adhésion unanimè,
et la seconde partie de l'amendement de M.
Dérodé a été supprimée. La discussion a été
interrompue par la lecture du rapport de
M. Grévy et renvoyée à demain.
Il y a eu réunion dans les bureaux pour la
nomination d'une commission de 45 membres
chargée d'examiner le projet de loi sur l'école
d'administration.
Les opinions ont été fort partagées. Voici les
noms des commissaires :
MM. Payer, Brard, Camot, Crépu, Isambert,
Jean Rcynaud, Charlon, Freslon, Bahaud-Lari-
bière, Bravard-Veyrières, Boulatignier, Ceyras,
Pascal (d'Aix), Mauvais, Barthélemy-Sauvaire.
Le comité de législation était appelé ce matin
à délibérer sur la proposition de HL Montrol, qui
demande que l'Assemblée nationale consacre dé
sormais une séance de six heures, ou deux séan
ces par jour, à la discussion des lois organiques.
Le comité a décidé que la proposition de M.
Montrol devait être renvoyée à la commission
chargée d'examiner celle de M. Rateau, et tous
les amendemens relatifs à la disso'ution de l'As
semblée.
M. Laissac a lu ensuite au comité le rapport
3u'il avait été chargé de faire sur la proposition
e M. Jouin, relative à l'abrogation des lois qui
ont prononcé le bannissement des membres des
deux dernières dynasties.
Voici les motifs principaux de cette décision.
Le comité de législation ne s'est pas arrêté à la
question de savoir s'il y avait justice ou non à
frapper indistinctement tous les membres des
anciennes dynasties. Cette question Jui a paru
parfaitement résolue. Mais le comité a voulu en
tendre M. le ministre de l'intérieur, pour savoir
ce que le Gouvernement 'pensait de la proposi
tion. M. le ministre ayant déclaré qu'on nepour-
rait pas, sans danger pour la tranquillité, la
prendre en considération, le comité a été d'avis
du rejet.
M. Legendre a été nommé président, M. Wal-
deck-Rousseau secrétaire, et M. Dezeimeris rap-
fiorteur de la commission chargée de statuer sur
a proposition de M. Billault.
On agite à' la commission des théâtres la ques
tion de savoir si l'on accordera la liberté com
plète d'établir autant de théâtres qu'il plaira à
l'industrie privée. Il paraît que, par un con
traste assez piquant, c estM. Saint-Marc Girar-
din qui soutient avec le plus de chaleur l'opinion
favorable à la liberté illimitée, tandis que M.
Edouard Charton insiste vivement pour que -le
nombre des théâtres soit limité et que le Gou
vernement n'abandonne aucun de ses moyens
d'influence.
M. Cousin nous adresse la lettre suivante,
A Monsieur le rédacteur du Constitutionnel.
Monsieur,
Le constitutionnel m'apprend ce matin le nou
veau récit publié par le National, au sujet des dis
cours que tiendrait M. Thiers dans la commission
instituée-par M. de Falloux. Puisque vous faites- à
ces historiettes l'honneur de les relever, je me joins
à vous pour les démentir aussi, en ce qui me con
cerne, et repousser le rôle qu'on prétend m'y faire
jouer, aux dépens de la vérité et d'un ami tel que
M Thiers. Non, il n'est pas -vrai que M. Thiers ait
jamais dit devant moi ce qu'on lui fait dire, ni par
conséquent que j'aie pu lui adresser l'apostrophe
qu'on me fait l'injure de m'attribuer.
Je me flatte qu'il n'appartiendra à personne, pas
plus à.ceux-ci qu'à ceux-là, Monsieur le rédacteur,
de diviser M. Thiers et moi sur les grands principes
qui, depuis cinquante ans, président à l'instruction
publique en France, à savoir l'unité même de l'ins
truction publique et de son gouvernement à tous
les degrés, et l'esprit à la fois libéral et conservateur
qui doit animer tous les membres de ce grand corps.
Sur ces points essentiels, je n'aurai jamais qu'à
suivre M. Thiers, et je rougirais, en cette petite cir
constance, de laisser tourner ma fidélité à l'Univer-
,parfaite considération.
.Jeudi, ce 2.5 janvier.
V. COUSIN.
On nous écrit de Toulon, 20 janvier :
« Il paraît'certain aujourd'hui, que les prépa-
tifs qui viennent d'avoir lieu dans note port
n'auront aucune suite sérieuse,
»0n sait que le Gouvernement, voulant avoir
soùs la main le plus grand nombre possible de
navires à vapeur, avait fait donner aux déta-
chemens de troupes qui venaient embarquer à
Toulon pour l'Algérie l'ordre de suspendre leur
marche. Il avait même été résolu ces jours der-
niersque le service de la correspondance entre
Toulon et Alger, serait momentanément inter-
rompu.On est revenu déjà sur toutes ces me
sures, et la flottille formée ici se disloque, ce
qui prouve évidemment queJ'on a renoncé, du
moins quant à présent, à tout projet d'expédi
tion. •
» Quatre vapeurs se sont déjà détachés de la
flottille formée dernièrement dans notre port;
ce sont : le Caton , qni a été mis à la disposi
tion de M. Giraud, cardinal archevêque de Cam
brai , se rendant auprès du pape, à Gaiïte ; le
Grégeois, expédié en courrier pour Alger, le 47;
le Liamone , envoyé hier en mission particu
lière, et le Christophe-Colomb, qui vient de faii'e
route pour le nord de l'Afrique avec 4,500 mi
litaires de divers corps. Nous apprenons, d'un
autre côté, que les équipages des bâtimens fai
sant partie ae la flottille expéditionnaire , qui
étaient consignés à bord, ne le sont plus en ce
moment.
» La frégate à vapeur la Psyché ,' partie de npl
tre port il y a une douzaine de jours, a dû se
rendre directement à Aacôae, où elle restera en
station jusqu'à nouvel ordre.
* L'escadre sarde doit aussi se trouver en ce
moment dans ce port, où elle répare, sans doute,
les avaries que lui a fait éprouver la dernière
tempête. Cette escadre était ancrée devant Ve
nise, mais elle a été dispersée par la tempête
dans les derniers jours de décembre, et les bâti
mens qui en font partie ont toiis plus ou moins
souffert ; il en est trois même, l'À^uila, le Be-
roldo et l'Euridice, dont on n'avait aucune nou
velle.
» Le bruit de la perte du brick de guerre an
glais le Mutin, était généralement répandu dans
les parages de l'Adriatique.
» On disait à Malte, le 4 4, que l'escadre aux
ordres du vice-amiral Parker, devait aller se la-
vitailler dans ce port, où étaient déjà arrivés les
vaisseaux le Vanguard ti le Rodney, qui en font
partie.»
NOUVELLES ÉT&AH&È&m
ITALIE.
La junte de gouvernement, à Rome, a nommé
les membres de la commission révolutionnaire,
dite comité du salut public, qui est chargée de
juger sommairement et énergiquement les sus
pects dans les Etats romains. Ces membres sont,
outre le préfet de police, MM. Maggiore, Matti?,
Monteceni et Nicolas Carcani. On se demande
quelle garantie d'impartialité peut offrir un l< 1
tribunal.
La principauté de Ponte-Corvo qui, enclavée
dans les Etats napolitains, échappe à l'intimida
tion que la fjunte fait peser sur le reste de la po
pulation, vient de profiter de sa liberté pour re
fuser obéissance au gouvernement de Rome. Ce
serait, pour le comité du salut public, une belle
occasion d'entrer en exercice; mais les quarante
mille réactionnaires de Ponte-Corvo sont assez
difficiles à atteindre par la police. Il faut renon
cer pour le moment à les enfermer dans le châ
teau Saint-Ange. Le seul châtiment qu'on pourra
leurinlliger. ce sera .la privation des bienfaits
que la politique du club central promet aux au
tres Romains.
.Est-ce pour assurer, l'indépendance des élec
teurs et la sincérité des élections, qu'il a é'é
décidé qu'on enverrait de forts délachemeçs
de gardes nationales de la capitale bivouaquer
avec armes et ba»a»es dans les chefe-lieux où
l'on votera? Déjà le bataillon des étudians que
le gouvernement a formé s'est signalé par un
exploit remarquable. Voici en quels termes la
Gazette de Gênes en fait mention :
. < Le bataillon des éiudians a arrêté le général
Zamboni, créature de l'Autriche ; on a pris avec lui
deux capitaines. Ils avaient beaucoup d'argent. Le
peuple demandait à grands cris qu'on les fusillât.
On les conduisit au château Saint-Ange. D'après le
nouveau code disciplinaire militaire, s'ils sont im
pliqués dans la'conspiration, ils seront fusillés.» '
Les opérations électorales ont dû commencer
Je.21 janvier.
ESPAGNE.
On écrit de Madrid le 4 9 janvier :
« La diversion de la Navarre sur laquelle
avaient compté les carlistes, est un coup man
qué. La situation de Cabrera devient de jour en
jour plus critique ; il a en face de lui un général
qui ne lui laisse pas un moment de repos. Le
général Manuel.de la Concha justifie toutes .les
espérances qu'avaient fait concevoir son carac
tère et ses antécédens. Les derniers bulletingide
la Catalogne annoncent que Cabrera se .cache
dans le Monceny ; mais on ne le laisse pas res
pirer. »
La correspondance de la frontière du Mémo
rial bordelais confirme ces nouvelles en ce qui
concerne la Navarre :
FEUILLETON BU CONSTITUTIONNEL, 26 JANV-
LE CABINET MME.
TROISIÈME PARTIE.
LA GEORGIENNE.
CHAPITRE XXVI.
XES MALHEURS D'UN AMANT HEUREUX.
Ce fut dans le courant de l'année 4814 que,
sous l'inspiration désordonnée de son amour,
Alexis se décida à Taire partie du Bureau seeret.
Dire que, ce sacrifice accompli, il trouva dans
la possession de Giorgina un bonheur sans nua
ges, serait peut-être s'avancer beaucoup.
Une dure et première nécessité qu'il lui fallut
subir, ce fut de laisser sa protégée occuper seule
le délicieux petit réduit qu'il avait fait disposer à
son intention. Le partager avec elle était impos-
Yoir notre numéro du 23 janvier.
Tonte Teprodaotioii, même partielle de oetoumge,
est interdite, et tersit poorniiTie comme oontreficoa.
sible: il y avait ty trop de chances d'un scandale
pouvant parvenir aux oreilles paternelles et met
tre dans une suspicion dangereuse et regrettable
la moralité du nouvel employé.
Mais, d'autre part, dans cette situation isolée
et relativement indépendante que faisaient à
Giorgina les circonstances, combien sa rayon
nante beauté et son inexpérience ne pouvaient-
elles pas faire naître de pièges sous ses pas I Rien
qu'k voir la foule de frélcns qui, dans les rares
occasions où il lui arrivait de se montrer en pu
blic avec sa maîtresse, venaient aussitôt bour
donner autour de son bonheur, Alexis pouvait
facilement calculer l'esprit d'entreprise que la
propriété d'un si rare trésor pouvait développer
k son préjudice, et, à beaucoup d'égards, malgré
sa jeunesse et ses avantages personnels, il se
sentait souvent jouer le rôle d'un Bartholo ayant
quelque frétillante Rosine k garder.
Sous beaucoup de rapports, cependant, Gior-
•gina pouvait passer pour rassurante, car, plus on
vivait avec elle, plus on s'apercevait que, faute
de sîns et de cœur, elle devait très difficilement
se trouver exposée à quelque sérieux entraîne
ment. Mais, il faut bien le constater aussi, à me
sure des progrès de cette étrange fille dans les
mœurs et les idées européennes, se dévelop
paient chez elle de prodigieux instincts de co
quetterie, par lesquels elle semblait véritable
ment destinée à cette royauté de la mode dont
on se rappelle que, par pique contre le mauvais
accueil de la princesse de F..., Alexis avait eu
comme une fugitive intuition pour sa protégée.
Or, sans jamais donner de sérieuse pâture à la
jalousie, une femme de ce caractère ne laisse pas
d'être d'une possession agitée et inquiétante. A
tout venant attirante et provocatrice, jamais ,
cela est vrai, elle n'est absolument concluante ;
mais avec ses airs d'abandon et de vertu chan
celante, elle n'en reste pas moins d'une garde
fort occupante, et il est difficile qu'à cet éternel
souci de lui épargner les commencemens d'en
gagement et. les fausses démarches, la patience
d'un amant sérieusement épris ne se sente pas
cruellement éprouvée.
Autre sujet de souci. Cette fille, qui semblait
avoir eu sur Giorgina des projets détestables, ne
prit pas aussi facilement qu'on l'aurait pu croire,
son parti de la conclusionqui avait été donnée à sa
dangereuse influence. Alexis eut vent de quel
ques sourdes menées qu'elle essayait encore con
tre sa propriété et contre son repos, et en même
lems il ne lui parut pas que, du fait de la belle
obsédée, lui fussent livrées toutes les lumières
qu'il aurait dû attendre relativement à ces entre
prises souterraines qui excitaient sa sollicitude.
Enfin, il ne trouvait pas qu'elles fussent repous-
séeSk avec cette vertueuse indignation et ce dia-
pazon de chaleureuse colère que lui-même en
éprouvait.
Mais, indépeildamment de tous ces accrocs à
son parfait bonheur, le pauvre jeune homme ne '
dut pas larder à reconnaître que surtout, par
un autre côté, Giorgina menaçait de lui devenir
un terrible embarras, i
A la suite de cette vie de récluse dans laquelle
s'était écoulée sa jeunesse, trouvant enfin devant
elle le s champ libre, l'ancienne odalisque, avec
une ardeur de tfavale éohappée, tendait à se pré
cipiter^travers les jouissances et les coûteuses
dissipations de la civilisation parisienne, et, tout
mesuré, les appointemens d'employé du Bureau
secret ne semblèrent pas long-temps pouvoir faire
les frais de la furieuse, passion que montrait la
belle débutante à se décarêmer.
IL avait beau, pour son compte, se con
damner à la plus, sévère économie, rien qu'en
gants, lingerie et articles de parfumeur, Gior
gina était pour lui d'une dépense ruineuse, et
ce qui devait surtout donner à penser à sou
douloureux caissier, c'est que cette dévorante
créature, sur l'un des points où elle se montrait
le plus incorrigible* n'avait, en réalité, aucun
dessein formé de la désobliger. Sans en avoir la
moindre conscience, venue au monde avec tous
les instincts delà courtisane, cette échappée de
harem était un gouffre où pouvait, en un tour de
main, s'engloutir la fortune la mieux assise, et
l'on juge ce que devaient être les pauvres douze
mille francs d'Alexis, versés mensuellement dans
ce tourbillon.
Voyant se marquer de plus - en plus l'insuffi-
saasce des faibles ressources qu'il s'était cepen
dant si chèrement procurées, et les dettes, com
me une marée montante, commencer de cerner
sa vie, vingt fois le désolé jeune homme avait
pris le dessein de rompre un attachement si me
naçant pour son avenir ; mais il n'en était pas
encore à cet émoussement du plaisir qu'amène
son long usage. Dominé par un charme, de jour
en jour il remettait, k briser sa chaîne et se cram
ponnait follement à son dangereux bonheur,
tout incomplet et combattu qu'il fût.
Enfin, vers le mois de mai 4842, Alexis reçut
de la marche des événemens. politiques la force,
ou pour mieux dire, l'impérieux devoir de cet
affranchissement, dont le courage ne-s'était ja
mais rencontré en lui.
La fameuse campagne de Russie commençait
r alors, et, au milieu de cette masse, informe de
nationalités et d'intérêts reliés faclicement, qu'il
appelait sa grande armée, le dominateur de
l'Europe avait dû entrevoir comme possible la
chance de trop de félonies diplomatiques pour
ne pas s'entourer de quelques précautions. Un
employé du Bureau secret fut donc attaché
spécialement au chef de l'état-major général,
prince de Neufchâtel, avec la charge d'extraire
' secrètement la correspondance de bien dès per
sonnages, et Hulet père, heureusement inspiré,
quoiqu'ignorant le désordre où vivait son fils,
obtint que cette importante mission lui fût
confiée.
Tout en ayant souvent désiré la chance d'une
de ces ruptures qui, par la force des circonstan
ces, arrivent pour ainsi dire en pente douce ,
Alexis, le moment venu d'une séparation, ne res
ta plus frappé que de sa cruelle amertume, et,
s'éioignant avec déchirement, il osa bien porter
l'infatuation jusqu'à croire possible qu'k la dis*
tance où il allait être de ses amours, cellès-ci lui
conservassent une imperturbable fidélité.
Les raisons sur lesquelles il pouvait appuyer
une visée si peu vraisemblable, il eût sans doute
été fort empêché de se les dire à lui-même; mais,
enfin, il espérait parce qu'il espérait, et qu'il
lui eût été trop cruel de n'espérer peint, et qu'en
somme la glaciale organisation de la Géorgienne
était une chance pour lui.
Dire que la belle enfant lui fit, au sujet de ses
miHBEO 2G
maux sz &'4>«anoinvi •
ÉTRANS.
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BUREAUX A PARIS •
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On s'abonnît dini 1 m départantiif, mtMag«rf«
m directions des poster. — A Londrét» ehw M. Gtnit
Stracbeuirg, «hM Atacftndr*, pour l'AlUajgfti»
E 'R&mstï franco, pour la rédteUsa,
i M. MERRUAU, jériB». „
Lai artiùles d4po«é*j »e. feront pal rcadu».
vsxx. b« vAsoHaRxaoavi > »
PARIS. DÉPART. [ÊTRAlVa
s r. 11 r. i il v.
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IgMibonnurani dtunl du i* 1 it 16 d< cbiEliREAlTS A PARIS :
K m du 14 février. 10 (ci-4«*«Bt 4s Tiloll).
Mnww^il
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE ^UNIVERSEL.
ÏR0I3 HOIS ..
BIX MOIS.....
UN AN....
Lu «BOOK-85 SCQt reÇCM, ds il à 4 kWIUj
•a bureau do Journal.
ToiK inuoncf doit ttra igrMi pu 1* firent.
~f'adresser franco, pour l'aaiuuuiuaura
à H. DEMAIN, directeur.
PARIS, 88 JANVIER
La commission chargée d'examiner la
proposition Rateau a fait son rapport par
l'organe de M. Grévy. Le rapport dépasse
par l'absolutisme de ses conclusions, par la
pauvreté logique et .par les hardiesses héré
tiques de ses .motif:», ce qu'on pouvait atten
dre d'une commission composée en grande
majorité de républicains de la veille. Il sem
blé pousser l'Assemblée nationale à refaire
"le long parlement ; à peine y a-t-il une con
cession de langage qui puisse faire entrevoir
le terme du mandat. La commission à exa
miné tontes les propositions qui se rattachaient
à celle dont elle était , saisie. Les unes ten
daient à faire fixer une date à la dissolution,
relles-ci une date plus proche, celles-là une
date plus éloignée. Les autres restreignaient
plus ou moins le nombre des lois organiques
.énumérées dans le décret du 15 décembre.
La commission les rejette toutes. Elle engage
l'Assemblée à faire tout ce qu'il lui plaît
d'appeler son œuvre. Joignez à toutes ces
.lois, qui ne sont pas moins que la création
d'unmonde'politique et administratif, le bud
get Billault, et l'Assemblée, si elle adoptait
cet ensemble de mesures, se voterait une du
rée indéfinie* C'est vouloir faire sortir, delà
situation exceptionnelle où la Constituante
-s'est placée vis-à-vis du pouvoirgeonstitué,
tous les conflits que peut engendrer cette
'.anomalie, poussée à ses conséquences extrê
mes. •
Passons aux motifs de cette résolution si
absolue; que la commission n'ait pas voulu
dès à présent fixer le jour où l'Assemblée se
dissoudrait, on le comprend. 11 y a de bon
nes raisons pour ne pas procéder de cette
; façon, M. Grévy n'en donne pas une.-Il con
damne ces propositions-là dans une phrase.
Mais quelles sont les considérations quipeu-
» vent déterminer à faire toutes les lois orga
niques, mentionnées dans le décret, quand on
avait reconnu, et cela dans presque toutes
les parties de la chambre, qu'il était conve
nable de réduire le nombre de ces lois, et
quand on avait|démontré l'impossibilitédeles
. faire toutes, à moins que la chambre ne se dé
cidât à les bâcler, ou à se donner une prolon
gation d'existence de plusieurs années?—M.
Grévy s'appuie sur l'état avancé des travaux
' préparatoires. Nous nous bornerons à de
mander si le Code militaire, le Code mariti
me que comporte, comme l'a très bien
prouvé M. Charles Dapin, la loi organique.
sur les armées de terre et de mer, nous de
mandons si ces Codes si difficiles à rédiger
sont bientôt prêts. On avouera que l'argu
ment de M. Grévy est dérisoire, et nous ne
prenons là qu'une faible partie de l'immen-
. se besogne que la Constituante s'est taillée.
M. Grévy prétend que la Constitution im
pose à l'Assemblée le devoir de faire des lois
organiques. C'est là une pétition de prin
cipe, car . c'est la question elle-même. Au
. surplus M. Grévy ne tarde pas à nier ce
qu'il affirmait, puisque, de son aveu, l'As
semblée a le droit de réviser le décret qui
énumère ces lois. Si la Constitution lui im
posait ce - devoir, elle n'aurait pas le droit
de s'ysoustraire. Il ajoute que l'Assemblée,
en se dispensant des lois organiques, muti
lerait son œuvre constituante. Il ne devrait
plus être permis de se servir d'un tel argu
ment, puisque les lois organiques ne parti
cipant pas de l'immutabilité relative de la
Constitution, peuvent être changées par la
prochaine législature. Il n'y a d'ailleurs qu'à
comparer le conseil d'Etat de la loi organi-
■ que, au conseil' d'Etat tel que l'avait conçu
_ la Constitution, on reconnaîtra que l'Assem
blée actuelle mutile sa conception primitive
tout au moins autant qu'une autre Assem
blée pourrait le faire. Sortons de ces argu
ties et abordons les raisons politiques.
L'Assemblée doit persister dans son dé
cret , parce que l'Assemblée, qui a fait la
République, peut seule la défendre. S'il en
est ainsi, pourquoi l'Assemblée ne déclare-
. t-elle pas sa perpétuité? quand jugera-t-elle
qu'elle peut livrer la République à elle-mê
me, c'est-à-dire la livrer au peuple fran
çais? Comment ! le peuple lui-même veille
ra moins bien que ses : représentans actuels
sur sa propre souveraineté ! ^Toujours la
même défiance du suffrage universel chez
ceux qui se sont vantés de l'avoir soutenu
et appliqué!
La commission veut encore que l'Assem
blée persiste, parce qu'il lui appartient de
veiller sur lés premiers pas de l'élu du peu
ple. Nous demandons si le peuple, qui vient
d'élire ce pouvoir nouveau, ne lui donne
rait pas d'aussi sûrs gardiens. S'il s'agit
d'un surveillant ombrageux, nous dirons
.. que le Président n'a pas mérité cet injurieux
soupçon, et qu'il y a une inconvenance su
prême à exprimer cette injuste défiance. S'il f.
s'agit d'une surveillance tutélaire, elleserait
mieux placée dans des mains qui ont por
té au pouvoir le président actuel, que dans
celles qui voulaient en porter un autre. Que;
la majorité .des représentans ait voté et agi
contre M. Louis Bonaparte, cela est cons
tant. Mais ,ce n'est pas parce qu'ils ont tenu
cette conduite, qu'on leur demande de met
tre un terme prochain . à leur mandat. M.
Grévy répond là à ce qu'on ne lui dit pas. Il
est certain que dans la candidature de M. Ca-
vaignac, ayant là majorité dans l'Assemblée,
il y, avait tout un plan raisonnable, légitime;
les pouvoirs eussent été dans un parfait ac
cord entre eux. La prolongation de l'As
semblée, dans cette hypothèse, était naturelle
et désirable. Ce plan était connu, et, en re
poussant la candidature de M. Cavaignac,
cinq millions et demi de Français ont re
poussé le plan. Alors ce sërait ' un acte de
juste déférence envers la souveraineté popu
laire, de la part des représentans, que de su
bir les conséquences de ce voté en mettant
un terme à leur mandat plus tôt qu'ils n'a
vaient prévu dans une hypothèse qui ne s'est
pas réalisée.
•Mais M. Grévy doute que tel soit le sens
du vote émis par le peuple le 10 décembre.
Dans un doute pareil, il serait noble d'aller
s'éclairer auprès de l'interprète naturel. Cet
interprète parle d'ailleurs par la voie des pé
titions. Mais, chose étrange! ces pétitions
sont une des raisons que le rapport invo
que pour engager la chambre à se main
tenir. Ces pétitions sont, au dire des ré
publicains de la veille, une violence mo
rale faite à l'Assemblée. Leurs journaux
sont remplis aujourd'hui de ces incroyables
plaintes. Il faut s'attendre de leur part à
toutes les apostasies en matière de principes
politiques. Combien d'années ont-ils passé à
organiser le pétitionnement pour la ré
forme électorale. Alors "c'était un droit
inviolable qu'ils exerçaient. Aujourd'hui,
c'est une violation du droit de l'Assem
blée que les pétitionnaires commettent.
Le droit de discussion, c'est une émeute mo
rale de la presse. Le droit de pétition, c'est
une émeute morale du pays. Le droit de pé
tition n'est respectable, à ce qu'il paraît,
que quand il y a peu de pétitionnaires. Mais
quand les pétitionnaires se multiplient, il
prend le caractère d'une contrainte. Les ar-
gumens de ceî journaux ont passé dans le
rapport de M. Grévy. -
Lacommission enfin persiste, parce qu'elle
ne peut pas céder au langage du ministère,
qui s'est permis de parler comme le pays.
Dans une question si grave, M. Grévy au
rait dû au moins éviter la plaisanterie. Et
n'est-ce pas une ironie étrange que de ve
nir parler du concours que la majorité des
républicains de la veille offre au ministère,
et que celui-ci refuse? Qael concours' que
celui des républicains de la veille! La con
cours-qui désorganise les finances le con
cours qui harcèle à chaque instant le Gou
vernement par des interpellations inutiles ou
dangereuses; le concours qui s'exprime par
l'hostilité systématique de tous les choix ,
par la multiplicité des propositions dont la
plupart sont des propositions de tactique et
de guerre ministérielle ! Voilà le concours
des républicains de la veille. Il est vrai que
si M. Grévy a plaisanté le cabinet, en par
lant du concours qui lui est offert, il a
cruellement plaisanté l'Assemblée nationale
elle-même, en parlant sérieusement de l'ar
deur qui la portait à se dissoudre. —Espé
rons que la chambre n'adoptera pas les con
clusions de ce rapport.
L'Assemblée nationale a été appelée à se
prononcer aujourd'hui sur l'urgence de la
proposition de M. Billault, qui, ainsi que
nous l'avons déjà expliqué,'consistait à faire
examiner le plus tôt possible le budget des
recettes par une commission, à le régler par
un décret spécial, et à enjoindre au Gouver
nement de présenter, dans le mois de la pro
mulgation de ce décret, un budget des dé
penses mis en rapport avec le chiffre des re
cettes.
Il faut avouer que si la mesure proposée
par M. Billault est urgente, il s'en est aperçu
un peu tardivement. Pour qu'il fût possible
de prendre cette proposition au .sérieux, ee
n'était pas aujourd'hui, comme l'a dit avec
raison M. Achille Fould dans son bureau,
c'était il y a six mois qu'il aurait dû la pré
senter. Peut-être, à celle époque, eût-êlle
pu être examinée utilement et avec matu
rité ; mais nous ne remonterons même
pas si loin, et nous demanderons à M. Bil
lault pourquoi il n'a pas apporté sa propo
sition le 14 décembre , quand M. Trouvé-
Chauvel vint présenter le budget de 1849 et
annoncer un nouveau déficit. C'était bien
l'occasion de montrer toute* sa sollicitude
pour les intérêts des contribuables. Cepen
dant M, Billault nejs'cst pas même ému alors
de cette présentation d'un budget -de plus de
"lyGOQ millions; il est resté froid et impassi
ble sur ksbàrics de la gauche ; il ne s'est
pas le moins du monde avisé de cette belle
invention qu'il vient de formuler; sa sym
pathie pour les populations laborieuses, ses
désirs d'économies, son ardeur pour les ré
forme? ne se sont réveillés que six semai
nes après, quand les administrations avaient
établi leurs-chiffres de dépenses et terminé
leurs travaux* quand les gros volumes du
budget étaient imprimés et allaient être dis
tribués à l'Assemblée nationale! ^
Pourquoi donc M. Billaultja-t-il attendu
si tard pour manifester son indignation con
tre l'énormité des charges qu'on proposait
défaire peser cette annéesur le pays? Pour
quoi n'a-t-il pas, le jour même où M. Trou-
vè-Chauvel. venait donner communication
de ce chiffre de 1,639 millions, élevé la voix
pour réclamer des économies héroïques et
pour proposer le moyen qu'il à imaginé afin
de nous sauver tous? M. Billaulfne trouve
rait-il le budget si lourd, n'aurait-il recon
nu la nécessité de le soumettre à des réduc
tions si radicales, que depuis le moment où
le pouvoir est sorti des mains de ses nou
veaux amis? Est-ce qu'il s'agirait tout bon
nement d'une intrigue qui aurait pour but
de renverser le ministère, dût-il en résulter
une désorganisation complète dans les finan
ces, et dans tous les services publics?
Quoi qu'ilen soit f -le rapport lu aujour
d'hui par M. Dezeimeris a été tel qu'on
pouvait l'attendre d'une commission inspi
rée par MM. Flocon, Bac, Antony Thou-
ret et autres républicains de la même école ;
la commission, aux termes du règlement,
devait se borner uniquement à examiner la
question de savoir s'il y avait des motifs suf-
fisans pour déclarer l'urgence ; mais elle a
été emportée par son zèle, et, oubliant le
but spécial de son mandat, elle est venue
proclamer l'excellence de la proposition de
M. Billault.
Le rapport est écrit dans des idées singu
lières et dans un style plus singulier encore :
tantôt, empruntant les métaphores du lan
gage révolutionnaire, il tonne contre les
adqptes de la finance, il signale les épouvan
tables abus du budget monarchique, et il
nous dépeint le gouffre béant du déficit prêt
à tout engloutir ; tantôt descendant à des
aphorismes d'économie domestique, il nous
invite à nous ranger, à nous contenter d'une
sage médiocrité dans notre manière de vi
vre, et il retrace l'exemple du bon père de
famille qui se garde bien de dépenser plus
que ses revenus.
Pendant que nous écoutions ce tableau la
mentable de notre situation financière, ces
appels à des économies radicales, ces argu-
mens sur la nécessité de contraindre le mi
nistère à rétablir l'équilibre quand même,
nous nous demandions si c'étaient bien les
républicains de la veille qui pouvaient tenir
un pareil langage.
En vérité, ces Messieurs ont la mémoire
bien courte. Qui donc a conduit les affaires '
depuis le 24 février jusqu'au 20 décembre ?
Qui donc a amené la situation politique et
financière au point où elle est aujourd'hui?
Qui donc, en pactisant sans cesse avec tou- -
tes les idées fausses et avec toutes les mau
vaises passions, a porté le trouble partout,
tari toutes les sources de la prospérité pu
blique, forcé la société à déployer toutes ses
forces pour résister aux attaques les plus
formidables qu'elle ait jamais eu à soute
nir? Qui donc a rédigé le manifeste du 5
mars aux puissances étrangères, demandé
à l'Assemblée un vote en faveur de l'af
franchissement de l'Italie, et réuni une
armée au pied des Alpes? Qui donc en
fin a fait et apporté ce budget contre lequel
vous essayez, d'ameuter le pays? N'est-
ce pas vous et vos amis? Et c'est quand
vous avez tout compromis, quand vous avez
exagéré les dépenses et amoindri les recet
tes, quand vous avez laissé à vos successeurs
un pays à moitié ruiné, une situation inté
rieure pleine de périls, une situation exté
rieure engagée, que vous osez venir sommer
le cabinet actuel, un mois après son avène
ment, de yous présenter un budget en équi
libre, comme s'il avait pu suffire de quel
ques jours pour résoudre toutes les difficul
tés que vous avez entassées, pour effacer le
trouble que vous avez porté dans les esprits
et dans les choses, pour réparer tout le mal
que vous avez fait !
Toutefois, comme il était indispensable
qu'une pareille question, une fois soulevée,
eût une prompte solution, M. Passy a dé
claré que, loin de s'opposer à l'urgence, il
la réclamait lui-même, afin qu'on sût le plus
tôt possible à quoi s'en tenir ; l'urgence a
donc été déclarée ; ainsi la proposition sera
renvoyée dans les bureaux; une nouvelle
commission sera nommée pour-l'examiner
;-au fond, et l'Assemblée a décidé que le rap
port devrait être apporté dans la séance de
samedi. ,
Nous n'avons pas besoin de dire que M.
Passy a annoncé l'intention de combattre la
proposition; il ne lui sera pas difficile de
démontrer qu'il y a une grande différence
entre la gestion de l'Etat et celle d'un parti
culier ; que les deux parties du. budget se
tiennent, qu'elles doivent être envisagées,
discutées ensemble, et que si l'on doit tenir
compte de l'importance des recettes quand
on vote les dépenses, il n'est pas moins né
cessaire de tenir compte des dépenses obli
gées quand on Tote les recettes ; on recon
naîtra alors que la proposition n'est qu'un
prétexte entre les mains de ces républicains
de la veille , qui ont tout bouleversé sans
pouvoir opérer une seule réforme sérieuse,
pendant qu'ils étaient aux affaires , et qui
savent mieux que personne qu'il faudra"
bien du temps pour pouvoir replacer nos fi
nances dans uni état satisfaisant.
La discussion sur le conseil d'Etat a con
tinué pendant une partie de la séance d'au
jourd'hui. L'Assemblée nationale a voté les
articles qui déterminent la situation des
maîtres des requêtes et des auditeurs.
M. Sauvaire - Barthélémy demandait
que les maîtres des requêtes ne fussent pas
seulement chargés da rapport des affaires ,
concurremment avec les conseillers d'Etat ;
il voulait encore qu'ils eussent voix délibé
rai ve dans les sections administratives aux
quelles ils seraient attaçhés. Il y avait dans
cet amendement le germe d'an-conseil d'E
tat au petit pied, qui se serait formé dans le
grand, et qui aurait conduit à sa destruc
tion.
Avec le mode de recrutement adopté pour
les conseillers, il est évident que ceux-ci de
vront leur nomination à la politique et
à la camaraderie, qu'ils arriveront au con
seil sans aucune préparation à leur tâche, et
que les vicissitudes politiques leur laisseront
rarement le temps de se former à leurs fonc
tions. Il en résultera que le fort de là beso
gné retombera nécessairement sur les maî
tres des requêtes, et que ceux-ci seront char
gés de presque tous les rapports. C'est: donc
au savoir et aux études spéciales des maîtres
des requêtes qu'on demandera les lumières
destinées à éclairer l'inexpérience des conseil
lers. Si, à l'influence considérable qu'exer
ceront naturellement les maîtres des requê
tes, on ajoute le droit de'prendre part à la
décision par le vote, les maîtres des requêtes
non-seulement instruiront, mais décideront
toutes les affaires, et les conseillers se borne
ront À opiner du bonnet. Il adviendra alors
duxgnseild'Etat comme des anciennes assises
féodales où les seigneurs finirent par ne siéger
que pour la forme, abandonnant la décision
aux gens de justice qui les assistaient. Les
conseillers' d'Etat ne verraient plus dans
leurs fonctions qu'un repos de six ans dû au
- triomphe de leurs amis politiques, et ils
abandonneraient la réalité de leurs fonc
tions aux maîtres des requêtes. Nous ap
prouvons donc, mais par des raisons diffé
rentes, l'opposition que la commission a
faite à l'amendement de M. Barthélémy.
Le seul moyen d'obliger les conseillers à
étudier les affaires portées devant le conseil,
et à remplir d'une façon un peu sérieuse
leurs fonctions, c'est de leur laisser l'entière
et exclusive responsabilité des décisions à
prendre. L'amendement a été rejeté; les
maîtres des requêtes n'auront que voix con
sultative. '
M. Béchard et M. Barthélémy ont de
mandé inutilement que les fonctions d'audi
teur fussent gratuites : ils s'appuyaient sur
la raison d'économie. M. Charlemagne a
renversé leur argumentation, en rappelant
que les auditeurs, après avoir fait des études
complètes, devaient avoir consacré quatre
années à. acquérir le titre de docteur en
droit, et que s'il leur fallait passer encore
quatre aimées comme auditeurs^ ils arrive
raient à l'âge de trente ans avant d'avoir
une position. Il est évident que bien peu de
familles peuvent s'imposerles sacrifices con
sidérables qu'exigent des études aussi sui
vies et l'entretien d'un jeune homme jus
qu'à l'âge de trente ans. La gratuité des
fonctions d'auditeur aurait eu pour effet d'£n
réserver exclusivement l'accès aux jeunes
gens riches qui, par cette porte, auraient peu
à peu envahi le conseil d'Etat et les fonc
tions administratives.
Il est à remarquer, en effet, que le projet
de loi réserve aux auditeurs lè quart des
places de sous-préfets. Onnepoutqu'app'au-
dir à cette pensée qui est la consécration lé
gale d'un usage suivi avec un succès cons
tant, Les derniers gouvernemens ont souvent
cherché parmi les auditeurs du conseil d'Etat
des sous-préfets et des préfets, et ces fonc
tionnaires qui avaient puisé à une si excel
lente école la connaissance du droit admi
nistratif et des affaires,ont toujours eu sur
les administrateurs empruntés à la politique
une incontestable supériorité. Mais la com
mission s'était laissé entraîner à accepter
un amendement de M. Dérodé, d'après le
quel le quart des emplois de sous - préfets
était réservé aux auditeurs, dans l'ordre des
présentations faites par le président du con
seil d'Etat et les présidens de sections. Il en
serait résulté qu'on aurait pu devenir sous-
préfet sans l'intervention et même contre
la volonté du ministre de l'intérieur. Les
chefs du conseil d'Etat auraient eu le pou
voir d'imposer des sous-préfets au ministre
qui n'aurait eu d'autre ressource que de les
destituer le lendemain de leur installation.
M. Odilon Barrot n'a pas eu de peine à
montrer qu'il y avait là un élément de dé
sordre et de désorganisation pour l'adminis
tration et un véritable empiétement de la
part des chefs du conseil d'Etat sur la préro
gative ministérielle.-Les observations de M.
Barrot ont obtenu une adhésion unanimè,
et la seconde partie de l'amendement de M.
Dérodé a été supprimée. La discussion a été
interrompue par la lecture du rapport de
M. Grévy et renvoyée à demain.
Il y a eu réunion dans les bureaux pour la
nomination d'une commission de 45 membres
chargée d'examiner le projet de loi sur l'école
d'administration.
Les opinions ont été fort partagées. Voici les
noms des commissaires :
MM. Payer, Brard, Camot, Crépu, Isambert,
Jean Rcynaud, Charlon, Freslon, Bahaud-Lari-
bière, Bravard-Veyrières, Boulatignier, Ceyras,
Pascal (d'Aix), Mauvais, Barthélemy-Sauvaire.
Le comité de législation était appelé ce matin
à délibérer sur la proposition de HL Montrol, qui
demande que l'Assemblée nationale consacre dé
sormais une séance de six heures, ou deux séan
ces par jour, à la discussion des lois organiques.
Le comité a décidé que la proposition de M.
Montrol devait être renvoyée à la commission
chargée d'examiner celle de M. Rateau, et tous
les amendemens relatifs à la disso'ution de l'As
semblée.
M. Laissac a lu ensuite au comité le rapport
3u'il avait été chargé de faire sur la proposition
e M. Jouin, relative à l'abrogation des lois qui
ont prononcé le bannissement des membres des
deux dernières dynasties.
Voici les motifs principaux de cette décision.
Le comité de législation ne s'est pas arrêté à la
question de savoir s'il y avait justice ou non à
frapper indistinctement tous les membres des
anciennes dynasties. Cette question Jui a paru
parfaitement résolue. Mais le comité a voulu en
tendre M. le ministre de l'intérieur, pour savoir
ce que le Gouvernement 'pensait de la proposi
tion. M. le ministre ayant déclaré qu'on nepour-
rait pas, sans danger pour la tranquillité, la
prendre en considération, le comité a été d'avis
du rejet.
M. Legendre a été nommé président, M. Wal-
deck-Rousseau secrétaire, et M. Dezeimeris rap-
fiorteur de la commission chargée de statuer sur
a proposition de M. Billault.
On agite à' la commission des théâtres la ques
tion de savoir si l'on accordera la liberté com
plète d'établir autant de théâtres qu'il plaira à
l'industrie privée. Il paraît que, par un con
traste assez piquant, c estM. Saint-Marc Girar-
din qui soutient avec le plus de chaleur l'opinion
favorable à la liberté illimitée, tandis que M.
Edouard Charton insiste vivement pour que -le
nombre des théâtres soit limité et que le Gou
vernement n'abandonne aucun de ses moyens
d'influence.
M. Cousin nous adresse la lettre suivante,
A Monsieur le rédacteur du Constitutionnel.
Monsieur,
Le constitutionnel m'apprend ce matin le nou
veau récit publié par le National, au sujet des dis
cours que tiendrait M. Thiers dans la commission
instituée-par M. de Falloux. Puisque vous faites- à
ces historiettes l'honneur de les relever, je me joins
à vous pour les démentir aussi, en ce qui me con
cerne, et repousser le rôle qu'on prétend m'y faire
jouer, aux dépens de la vérité et d'un ami tel que
M Thiers. Non, il n'est pas -vrai que M. Thiers ait
jamais dit devant moi ce qu'on lui fait dire, ni par
conséquent que j'aie pu lui adresser l'apostrophe
qu'on me fait l'injure de m'attribuer.
Je me flatte qu'il n'appartiendra à personne, pas
plus à.ceux-ci qu'à ceux-là, Monsieur le rédacteur,
de diviser M. Thiers et moi sur les grands principes
qui, depuis cinquante ans, président à l'instruction
publique en France, à savoir l'unité même de l'ins
truction publique et de son gouvernement à tous
les degrés, et l'esprit à la fois libéral et conservateur
qui doit animer tous les membres de ce grand corps.
Sur ces points essentiels, je n'aurai jamais qu'à
suivre M. Thiers, et je rougirais, en cette petite cir
constance, de laisser tourner ma fidélité à l'Univer-
,parfaite considération.
.Jeudi, ce 2.5 janvier.
V. COUSIN.
On nous écrit de Toulon, 20 janvier :
« Il paraît'certain aujourd'hui, que les prépa-
tifs qui viennent d'avoir lieu dans note port
n'auront aucune suite sérieuse,
»0n sait que le Gouvernement, voulant avoir
soùs la main le plus grand nombre possible de
navires à vapeur, avait fait donner aux déta-
chemens de troupes qui venaient embarquer à
Toulon pour l'Algérie l'ordre de suspendre leur
marche. Il avait même été résolu ces jours der-
niersque le service de la correspondance entre
Toulon et Alger, serait momentanément inter-
rompu.On est revenu déjà sur toutes ces me
sures, et la flottille formée ici se disloque, ce
qui prouve évidemment queJ'on a renoncé, du
moins quant à présent, à tout projet d'expédi
tion. •
» Quatre vapeurs se sont déjà détachés de la
flottille formée dernièrement dans notre port;
ce sont : le Caton , qni a été mis à la disposi
tion de M. Giraud, cardinal archevêque de Cam
brai , se rendant auprès du pape, à Gaiïte ; le
Grégeois, expédié en courrier pour Alger, le 47;
le Liamone , envoyé hier en mission particu
lière, et le Christophe-Colomb, qui vient de faii'e
route pour le nord de l'Afrique avec 4,500 mi
litaires de divers corps. Nous apprenons, d'un
autre côté, que les équipages des bâtimens fai
sant partie ae la flottille expéditionnaire , qui
étaient consignés à bord, ne le sont plus en ce
moment.
» La frégate à vapeur la Psyché ,' partie de npl
tre port il y a une douzaine de jours, a dû se
rendre directement à Aacôae, où elle restera en
station jusqu'à nouvel ordre.
* L'escadre sarde doit aussi se trouver en ce
moment dans ce port, où elle répare, sans doute,
les avaries que lui a fait éprouver la dernière
tempête. Cette escadre était ancrée devant Ve
nise, mais elle a été dispersée par la tempête
dans les derniers jours de décembre, et les bâti
mens qui en font partie ont toiis plus ou moins
souffert ; il en est trois même, l'À^uila, le Be-
roldo et l'Euridice, dont on n'avait aucune nou
velle.
» Le bruit de la perte du brick de guerre an
glais le Mutin, était généralement répandu dans
les parages de l'Adriatique.
» On disait à Malte, le 4 4, que l'escadre aux
ordres du vice-amiral Parker, devait aller se la-
vitailler dans ce port, où étaient déjà arrivés les
vaisseaux le Vanguard ti le Rodney, qui en font
partie.»
NOUVELLES ÉT&AH&È&m
ITALIE.
La junte de gouvernement, à Rome, a nommé
les membres de la commission révolutionnaire,
dite comité du salut public, qui est chargée de
juger sommairement et énergiquement les sus
pects dans les Etats romains. Ces membres sont,
outre le préfet de police, MM. Maggiore, Matti?,
Monteceni et Nicolas Carcani. On se demande
quelle garantie d'impartialité peut offrir un l< 1
tribunal.
La principauté de Ponte-Corvo qui, enclavée
dans les Etats napolitains, échappe à l'intimida
tion que la fjunte fait peser sur le reste de la po
pulation, vient de profiter de sa liberté pour re
fuser obéissance au gouvernement de Rome. Ce
serait, pour le comité du salut public, une belle
occasion d'entrer en exercice; mais les quarante
mille réactionnaires de Ponte-Corvo sont assez
difficiles à atteindre par la police. Il faut renon
cer pour le moment à les enfermer dans le châ
teau Saint-Ange. Le seul châtiment qu'on pourra
leurinlliger. ce sera .la privation des bienfaits
que la politique du club central promet aux au
tres Romains.
.Est-ce pour assurer, l'indépendance des élec
teurs et la sincérité des élections, qu'il a é'é
décidé qu'on enverrait de forts délachemeçs
de gardes nationales de la capitale bivouaquer
avec armes et ba»a»es dans les chefe-lieux où
l'on votera? Déjà le bataillon des étudians que
le gouvernement a formé s'est signalé par un
exploit remarquable. Voici en quels termes la
Gazette de Gênes en fait mention :
. < Le bataillon des éiudians a arrêté le général
Zamboni, créature de l'Autriche ; on a pris avec lui
deux capitaines. Ils avaient beaucoup d'argent. Le
peuple demandait à grands cris qu'on les fusillât.
On les conduisit au château Saint-Ange. D'après le
nouveau code disciplinaire militaire, s'ils sont im
pliqués dans la'conspiration, ils seront fusillés.» '
Les opérations électorales ont dû commencer
Je.21 janvier.
ESPAGNE.
On écrit de Madrid le 4 9 janvier :
« La diversion de la Navarre sur laquelle
avaient compté les carlistes, est un coup man
qué. La situation de Cabrera devient de jour en
jour plus critique ; il a en face de lui un général
qui ne lui laisse pas un moment de repos. Le
général Manuel.de la Concha justifie toutes .les
espérances qu'avaient fait concevoir son carac
tère et ses antécédens. Les derniers bulletingide
la Catalogne annoncent que Cabrera se .cache
dans le Monceny ; mais on ne le laisse pas res
pirer. »
La correspondance de la frontière du Mémo
rial bordelais confirme ces nouvelles en ce qui
concerne la Navarre :
FEUILLETON BU CONSTITUTIONNEL, 26 JANV-
LE CABINET MME.
TROISIÈME PARTIE.
LA GEORGIENNE.
CHAPITRE XXVI.
XES MALHEURS D'UN AMANT HEUREUX.
Ce fut dans le courant de l'année 4814 que,
sous l'inspiration désordonnée de son amour,
Alexis se décida à Taire partie du Bureau seeret.
Dire que, ce sacrifice accompli, il trouva dans
la possession de Giorgina un bonheur sans nua
ges, serait peut-être s'avancer beaucoup.
Une dure et première nécessité qu'il lui fallut
subir, ce fut de laisser sa protégée occuper seule
le délicieux petit réduit qu'il avait fait disposer à
son intention. Le partager avec elle était impos-
Yoir notre numéro du 23 janvier.
Tonte Teprodaotioii, même partielle de oetoumge,
est interdite, et tersit poorniiTie comme oontreficoa.
sible: il y avait ty trop de chances d'un scandale
pouvant parvenir aux oreilles paternelles et met
tre dans une suspicion dangereuse et regrettable
la moralité du nouvel employé.
Mais, d'autre part, dans cette situation isolée
et relativement indépendante que faisaient à
Giorgina les circonstances, combien sa rayon
nante beauté et son inexpérience ne pouvaient-
elles pas faire naître de pièges sous ses pas I Rien
qu'k voir la foule de frélcns qui, dans les rares
occasions où il lui arrivait de se montrer en pu
blic avec sa maîtresse, venaient aussitôt bour
donner autour de son bonheur, Alexis pouvait
facilement calculer l'esprit d'entreprise que la
propriété d'un si rare trésor pouvait développer
k son préjudice, et, à beaucoup d'égards, malgré
sa jeunesse et ses avantages personnels, il se
sentait souvent jouer le rôle d'un Bartholo ayant
quelque frétillante Rosine k garder.
Sous beaucoup de rapports, cependant, Gior-
•gina pouvait passer pour rassurante, car, plus on
vivait avec elle, plus on s'apercevait que, faute
de sîns et de cœur, elle devait très difficilement
se trouver exposée à quelque sérieux entraîne
ment. Mais, il faut bien le constater aussi, à me
sure des progrès de cette étrange fille dans les
mœurs et les idées européennes, se dévelop
paient chez elle de prodigieux instincts de co
quetterie, par lesquels elle semblait véritable
ment destinée à cette royauté de la mode dont
on se rappelle que, par pique contre le mauvais
accueil de la princesse de F..., Alexis avait eu
comme une fugitive intuition pour sa protégée.
Or, sans jamais donner de sérieuse pâture à la
jalousie, une femme de ce caractère ne laisse pas
d'être d'une possession agitée et inquiétante. A
tout venant attirante et provocatrice, jamais ,
cela est vrai, elle n'est absolument concluante ;
mais avec ses airs d'abandon et de vertu chan
celante, elle n'en reste pas moins d'une garde
fort occupante, et il est difficile qu'à cet éternel
souci de lui épargner les commencemens d'en
gagement et. les fausses démarches, la patience
d'un amant sérieusement épris ne se sente pas
cruellement éprouvée.
Autre sujet de souci. Cette fille, qui semblait
avoir eu sur Giorgina des projets détestables, ne
prit pas aussi facilement qu'on l'aurait pu croire,
son parti de la conclusionqui avait été donnée à sa
dangereuse influence. Alexis eut vent de quel
ques sourdes menées qu'elle essayait encore con
tre sa propriété et contre son repos, et en même
lems il ne lui parut pas que, du fait de la belle
obsédée, lui fussent livrées toutes les lumières
qu'il aurait dû attendre relativement à ces entre
prises souterraines qui excitaient sa sollicitude.
Enfin, il ne trouvait pas qu'elles fussent repous-
séeSk avec cette vertueuse indignation et ce dia-
pazon de chaleureuse colère que lui-même en
éprouvait.
Mais, indépeildamment de tous ces accrocs à
son parfait bonheur, le pauvre jeune homme ne '
dut pas larder à reconnaître que surtout, par
un autre côté, Giorgina menaçait de lui devenir
un terrible embarras, i
A la suite de cette vie de récluse dans laquelle
s'était écoulée sa jeunesse, trouvant enfin devant
elle le s champ libre, l'ancienne odalisque, avec
une ardeur de tfavale éohappée, tendait à se pré
cipiter^travers les jouissances et les coûteuses
dissipations de la civilisation parisienne, et, tout
mesuré, les appointemens d'employé du Bureau
secret ne semblèrent pas long-temps pouvoir faire
les frais de la furieuse, passion que montrait la
belle débutante à se décarêmer.
IL avait beau, pour son compte, se con
damner à la plus, sévère économie, rien qu'en
gants, lingerie et articles de parfumeur, Gior
gina était pour lui d'une dépense ruineuse, et
ce qui devait surtout donner à penser à sou
douloureux caissier, c'est que cette dévorante
créature, sur l'un des points où elle se montrait
le plus incorrigible* n'avait, en réalité, aucun
dessein formé de la désobliger. Sans en avoir la
moindre conscience, venue au monde avec tous
les instincts delà courtisane, cette échappée de
harem était un gouffre où pouvait, en un tour de
main, s'engloutir la fortune la mieux assise, et
l'on juge ce que devaient être les pauvres douze
mille francs d'Alexis, versés mensuellement dans
ce tourbillon.
Voyant se marquer de plus - en plus l'insuffi-
saasce des faibles ressources qu'il s'était cepen
dant si chèrement procurées, et les dettes, com
me une marée montante, commencer de cerner
sa vie, vingt fois le désolé jeune homme avait
pris le dessein de rompre un attachement si me
naçant pour son avenir ; mais il n'en était pas
encore à cet émoussement du plaisir qu'amène
son long usage. Dominé par un charme, de jour
en jour il remettait, k briser sa chaîne et se cram
ponnait follement à son dangereux bonheur,
tout incomplet et combattu qu'il fût.
Enfin, vers le mois de mai 4842, Alexis reçut
de la marche des événemens. politiques la force,
ou pour mieux dire, l'impérieux devoir de cet
affranchissement, dont le courage ne-s'était ja
mais rencontré en lui.
La fameuse campagne de Russie commençait
r alors, et, au milieu de cette masse, informe de
nationalités et d'intérêts reliés faclicement, qu'il
appelait sa grande armée, le dominateur de
l'Europe avait dû entrevoir comme possible la
chance de trop de félonies diplomatiques pour
ne pas s'entourer de quelques précautions. Un
employé du Bureau secret fut donc attaché
spécialement au chef de l'état-major général,
prince de Neufchâtel, avec la charge d'extraire
' secrètement la correspondance de bien dès per
sonnages, et Hulet père, heureusement inspiré,
quoiqu'ignorant le désordre où vivait son fils,
obtint que cette importante mission lui fût
confiée.
Tout en ayant souvent désiré la chance d'une
de ces ruptures qui, par la force des circonstan
ces, arrivent pour ainsi dire en pente douce ,
Alexis, le moment venu d'une séparation, ne res
ta plus frappé que de sa cruelle amertume, et,
s'éioignant avec déchirement, il osa bien porter
l'infatuation jusqu'à croire possible qu'k la dis*
tance où il allait être de ses amours, cellès-ci lui
conservassent une imperturbable fidélité.
Les raisons sur lesquelles il pouvait appuyer
une visée si peu vraisemblable, il eût sans doute
été fort empêché de se les dire à lui-même; mais,
enfin, il espérait parce qu'il espérait, et qu'il
lui eût été trop cruel de n'espérer peint, et qu'en
somme la glaciale organisation de la Géorgienne
était une chance pour lui.
Dire que la belle enfant lui fit, au sujet de ses
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