Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-20
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 20 janvier 1849 20 janvier 1849
Description : 1849/01/20 (Numéro 20). 1849/01/20 (Numéro 20).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
SAMEDI 20 JANVIER 1849.
NUMÉRO 20.
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I PAMS. DÉPART.
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BUREAUX A PARIS !
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On fabonna dans 1m dép&rtNBmfi aux aiwsïgerici »J
»« directions des postes.—'A Londrets, «h«* Mit. Ctwtt m
JEU.—A Strubourg, chu 4te*««dr», pour VAilwnjLga^l /
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S 'adresser franeo, poux la réiictic»,
i H. HERRtÂU, gérant;
Lerirtiolsf déposé* naf*eront|pas¥ita»dol
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J0UR1 Jj POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
VABIS, À? JAttVIElÙ'S--
BUREAUX À PARIS S
£«• in ï4 Février, 10 (ci-devant dt Valoir
. m ♦
Lu laaonoei sont reçneiTdï*ïi * 4 beurè»,
m bureau da Journal!'
Ito^i iîïcrtion doit ttri agriâa par iv gérant»
FalreJJer franeo, pour l'aSmiaiitralisa» 1
- * * M. dena Î n , directeur. '
L'Assemblée nationale a voté aujourd'hui
•3e traitement du vice-président, qu'elle va
être appelée à choisir dans la séance dede-
main. Personne ne. la taxera de prodigalité
"en apprenant qu'elle a fixé ce, traitement à
48,000 fr,; la commission avait proposé lé
-chiffre.'de 60,000 fr., qui n'avait rien d'exa
géré. Nous ne sommes pas de ceux iqui
croient que la mesquinerie doive être un des
caractères du régime républicain; à notre
avis, une grande nation doit faire à ceux
qu'elle met à sa tête une situation en rap
port avec sa propre grandeur. Nous n'exa
minerons pas s'il n'y avait pas un intérêt
.politique à rendre moins brusque la transi-
.iion du passé au présent, dans un pays ha
bitué et devenu très sensible à l'éclat de la
représentation, et où les dépenses des hauts
fonctionnaires sont depuis long-temps un des
alimens principaux des arts et de l'industrie
de luxe qui tiennent une si grande place
'dans notre commerce.
; Nous nous bornerons à faire observer
.que le vote d'aujourd'hui met le vice-prési
dent sur la même ligne que les ministres ;
c'est à dire au-dessous du rang qu'il occupe
dans la Constitution et dans l'État. Le trai
tement suffisant pour le président dii conseil
d'Etat, ne l'est pas pour le suppléant du pré
sident, pour le second personnage de la Ré
publique. Quant à ceux qui voudraient jus
tifier par l'exemple des Etats-Unis des allo
cations ainsi réduites; nous leur rappelle?
rons que quand les traitemens du président
jet du vice-président ont été fixés, la répu
blique américaine rie comptait pas trois mil-
lions d'habitans; Nous ajouterons que les
deux premiers magistrats de l'Union rési
dent dans une petite ville, et non pas dans
line cité d'un million d'habitans, dans la
capitale des arts et du luxe, ou de grandes
existences étalent toutes les splendeurs de la
richessé. Nous tenons pour certain, que,
malgré la rigidité du général Taylor, son
traitement, plus que suffisant à Washington,
11e serait pas assez élevé à New-York- ; et ce
n'est point de New-York qu'il s'agit, mais
4eParis.] . ;
On devait d'autant moins s'attendre à
cette excessive parcimonie qu'un certain côté
<ïe l'Assemblée paraissait avoir la plus haute
idée des fonctions de vice-président, à en
juger par la-façon dont il affectait d'accueil
lir les candidats présentés par le Président.
Certains journaux, organes d'un sentiment
qui s'accorde si peu avec le vote d'aujour
d'hui, témoignent ce ïnatin tous leurs dé
dains pour les hommes honorables sur les
quels s'ést arrêté le choix du Président de la
République. A les entendre, cette liste est
thae déception, et leur; désappointement, dé
sintéressé à ca qu'ils assurent, regrette, non
£as l'absence' de noms amis, mais de noms
glorieux et éclâtans, en rapport, disent-ils,
avec l'éminente fonction'qu'il s'agit de rem
plir. ' " ' .' ' . ,
: Nous n'aurions, pas soupçoinné que les ré
publicains de la veille eussent le droit d'ê-
trè- si difficiles , après le personnel édifiant
; iqu'ils ont fait défiler devant le public pen
dant leurs dix mois dë pouvoir.
; Nous n'avons pas besoin de faire l'éloge
de M. Vivien, son nom est de ceux qui se
Recommandent par eux-mêmes ; et le con
seil d'Etat ne saurait avoir à la fois un meil
leur président et un meilleur guide. Nous
applaudissons surtout, dans la désignation
de M. Vivien, une pensée de conciliation;
è'était une ouverture loyale à cette partie de
f Assemblée qui a appuyé avec tant d'ar
deur la dernière administration, et qui pou
vait, sur le nom de M. Vivien, se rencon
trer avec tous les
jnodération.
Boulay (de la Meurthe) adonné des
pr-euves.d'une incontestable capacité, en pre
nant parla l'administration, d'une ville dpnt
le budget dépasse celui dé plus d'un royau
me -y comme. commandant une des légions
de ; la garde nationale, parisienne, il a fait
preuve de qualités qui sont également pré
cieuses dans des temps aussi difficiles que les
nôtres. On n'ignore pas que M. -Boulay (de
la Meurthe), qui n'a pris aucune part aux
60 conspirations èt aux 404 procès dont M.
Germain ^arrut se fait un si étrange titre dé
gloire, es tj par héritage de famille, par d'an
ciennes et longues relations, en possession
de l'estime et delà confiance du Président.
' Aucuq de ceux qui connaissent M. Bàra-
guey-d'Hilliers ne nous démentira quand
nous dirons qu ? il est l'un de nos officiers les
plus braves et les plus éclairés, unissant le
courage civil au courage militaire. Nous
ajouterons que si.le Président a désigné en
lui l'homme qui a servi depuis dix mois de
drapeau et de signe de ralliement à une
fraction considérable de là représentation
nationale, derrière laquelle nous croyons
fermement que la majorité du pays s'est
rangée, nous ne saurions voir rien de sin
gulier, rien d'inattendu dans cette désigna
tion toute politique, dans cet hommage
rendu indirectement à la majorité modérée
dès électeurs.
Nous savons que d'instantes' démarches
ont été faites auprès de M. Odilon Harrot,
pour qu'il consentît à être l'un des trois
candidats; nous sommes .certains que son
nom mis sur la liste," eût' à. l'instant effacé
les autres. Nous nous en croyons plus rede
vables envers lui pour la noble fermeté avec
laquelle il a repoussé les offres qui lui
étaient faites par ses amis et les démarches
intéressées qui étaient faites d'autre part. M.
Barrot s'est donné une. grande et noble tâ
che, celle de défendra l'intégrité dû pouvoir
contre les envahissement des ambitions dé
çues et désespérées, et de maintenir en face
de toutes les' résistances et de toutes les coa
litions, la bannière du parti modéré. Il n'a
pas voulu, même pour les honneurs les plus
assurés, ou l'auraient suivi les applaudisse-
mens j usqqe de ses adversaires, déserter le
poste qu'il s'est donné : honneur soi t rendu
à ce généreux et patriotique oubli de soi-
même.
M. Barrot, poursuivi.de tant d'outrages
par ceux dont il déconcerte lès desseins, ne
veut pour récompense de , sa conduite que
l'accomplissement de son œuvre et l'affer
missement des idées d'ordre et de modéra
tion ; il en recevra une autre, non moins
désirable et non moins chère pour une ame
comme le sienne, l'universel applaudisse
ment de tous les gens de bien «t de tous les
vrais patriotes. Il est un mérite pour lequel
les peuples ne sont jamais ni insensibles ni
ingrats : celui du devoir noblement et fer
mement rempli. ;
DU CONSEIL D'ÉTAT.
La commission de l'Assemblée nationale'
a présenté un projet de loi sur le conseil
d'Etat. Ce projet de loi a pour but d'orga
niser cette institution conformément aux ar
ticles de la Constitution qui .en ont posé les
bases. Avant de soumettre à un examen ap
profondi les questions de détail, il faut con
naître dans son ensemble le système adopté
par le projet de loi.
Un mot d'abord de la question historique.
On sait que le conseil d'Etat est l'une des
plus belles créations du consulat, époque
magnifique et féconde, où un grand homme,
appuyé sur l'invincible concours de la na
tion tout entière, lassée dé l'agitation stérile
( des révolutions et groupée autour de lui par
hommes d'ordre et de 'i l'admiration et la confiance, rétablit le re-
I: pos et l'ordre, raffermit les bases de la so
ciété, et guida de sa main glorieuse le triom-
plié. du. j)ar/î modéré de ce temps-là. Sous
lîEmpire, le rôle du conseil d'Etat ne fat
pas moins considérable; ce fut, à vrai dire,
le ipremier corps de l'Etat. « Placé de fait
au-dessus des. ministres dont il était moins
le conseil que le juge, chargé de la prépa
ration des lois dont ii avait seul la haute
mission de. développer les motifs devant un
corps,législatif muet, appelé, à délibérer les
avis que le chef de l'Etat promulguait, pour
leur interprétation, il était, selon l'expres
sion d'un habile écrivain, l'ame de l'admi
nistration, la source même des lois et le
flambeau de l'Empire (4). »
Sous la Restauration, le Conseil d'Etat ne
resta point à cette hauteur. C'était la natu
relle conséquence du régime politique qui
découlait de la Constitution nouvelle. La
responsabilité des ministres, les fonctions des
deux chambres, excluaient le r grand rôle
que jouait naguère le conseil d'Etat. De vi
ves attaques furent dirigées contre le conseil
d'Etat, dont on contestait la légalité parce
qu'il n'était point mentionné dans la Charte
de 4844. C'était un reproche puéril ; mais
d'autres griefs plus sérieux étaient allégués.
Dans le conseil d'Etat de la Restauration,
le secret des -décisions relatives au conten
tieux était justement blâmé. On demandait
que les limites du service ordinaire et du
service extraordinaire fussent nettement
tracées.
Après la Révolution de 4850, on songea
à remédier à ces imperfections. En 4831,
sous le ministère de M. Barthe, un projet de
loi fut présenté. Mais l'instabilité ministé
rielle devint un obstacle à l'adoption de ce
projet de loi, qui reparut en 4854 et en 1859,
sans aboutir à un résultat définitif. Enfin,
en 1845, le projet de loi, à quelques change-
mens près qui n'en modifièrent pas les dis
positions essentielles, franchit le vote des
deux chambres, et la législation du conseil
d'Etat fut enfin fixée. La loi de 1845 déter
mina les limites des services ordinaire et
extraordinaire, les garanties destinées à pro
téger les membres du conseil d'Etat, les at
tributions et le mécanisme de sa juridiction
contentieuse. Cette loi consacra une institu 1
tion en harmonie avec les besoins et les
mœurs du siècle, dont les services ne sau
raient être méconnus, dont l'organisation
n'était pas même critiquée, et qui cepen
dant a'été immolée sans réclamation au sein
de l'Assemblée constituante.
Mais il s'agit d'examiner l'esprit et l'éco
nomie de l'ancien conseil d'Etat. On avait
compris la nécessité de placer entre le pou
voir exécutif et les bureaux un corps inter
médiaire chargé de maintenir l'intégrité des
traditions et l'unité administrative. L'ad
ministration est partout; elle atteint tout le
monde. Les questions les plus vitales sont
dans ses mains. L'exécution des lois lui est
confiée; elle touche à tous les intérêts géné
raux de la famille sociale : le commerce, la
navigation, les hospices, les usines, la cana-r
lisation, les assurances maritimes et terres
tres, etc.
Fallait-il que, pour élaborer ces réglemens,
dont la sagesse ou l'inexpérience peuvent
influer de la manière la plus grave sur la
prospérité de la nation, l'administration s'en
rapportât uniquement au travail des bu
reaux? Evidemment non. On devait pren
dre des précautions contre les erreurs pos
sibles, la mobilité, les caprices des bureaux.
On parvenait à ce but en plaçant entre le
pouvoir exécutif et les bureaux un corps,
jaloux de sa dignité, qui eût la conscience
et la science de l'administration, assez indé
pendant pour ne pas subir l'influence du
pouvoir exécutif, assez instruit des matières
(1) Rapport de M. Dation, téance de I» chambre des
députés, da 10 juin 1840.
'administratives pour éclairer et pour guider
les bureaux. Ce corps, c'est le conseil d'Etat.
. De même que, dans l'ordre judiciaire, la
cour de. cassation maintient la pureté des
-principes, le respect des lois, l'unité de la ju
risprudence, le conseil d'Etat, tel qu'il exis
Jait d'après la loi de 4843, conservait l'uni
té dans l'administration. Il était le déposi-
- taire des saines. traditions; placé au-dessus
des bureaux, en dehors dé la sujétion
.du pouvoir, il veillait à ce que l'exécu
tion des lois ne dégénérât , pas en tyrannie
ou en mollesse. On trouvait dans son sein,
pour diriger le pouvoir et pour seconder les
bureaux, des hommes étrangers aux pas
sions politiques, renommées modestes, ser
viteurs dévoués et laborieux de la chose pu
blique, dont l'utile concours , dont les lu
mières toujours sûres n'étaient jamais invo
quées envain. * :
Tel est le rôle administratif du conseil
d'Etat. En cô qui touche le contentieux, ses
attributions sont encore plus délicates. Il ne
s'agit plus des masses, mais des individus.
La lutte est engagée entre l'intérêt public et
l'intérêt particulier. Ces deux intérêts, éga
lement sacrés, également respectables, doi
vent être sauvegardés. Les bureaux n'au
raient incontestablement offert que des ga
ranties insuffisantes et pour l'Etat et pour
les citoyens. Delà, la juridiction contentieuse
du conseil d'Etat.
Le rôle ét les attributions du conseil d'E
tat étant définis, comment fallait-il le com
poser? La pensée du consulat, celle des gou-
vernemens constitutionnels qui se sont suc
cédé en France ne peut être douteuse^ Il
était indispensable d'y placer des hommes
sâvansj fortement imbus des traditions admi
nistratives, affranchis des influences de la
politique, sûrs de leur lendemain. Priver le
conseil d'Etat de son indépendance, lui ôler
l'esprit de suite, si nécessaire en fait d'admi
nistration, le soumettre aux hasards de la
politique, ravaler sa dignité, en un mot,
c'est porter un coup mortel, à l'institution.
Et c'est précisément ce que va faire le projet
de loi qui est soumis aux délibérations < de
l'Assemblée constituante.
La Constitution de 1848 a agrandi la
sphère d'action du conseil d'Etat. Elle a
voulu qu'en quelque sorte il fît contrepoids
aux entraînemens d'une assemblée unique.
L'examen des lois, soit qu'elles proviennent
du Gouvernement ou de l'initiative parle
mentaire,. rentre dans ses attributions. De
l'aveu de la plupart des auteurs de la Cons
titution, c'est une idée peu heureuse, une
des défectuosités notables de cette grande
Charte nationale, que tous les bons citoyens
doivent respecter et défendre, malgré ses im
perfections.
Or, il est impossible de méconnaître les
dangers que présente le projet de loi sur le
conseil d'Etat. Quarante-huit conseillers
sont nommés pour six ans' par l'Assemblée
-nationale. Ils sont renouvelés par moitié à
chaque législature, c'est-à-dire tous les trois
ans. Nest-ce pas le renversement de tous les
principes que nous avons posés? Il importe
que le conseil d'Etat soit stable, et tous les
trois ans des élémens nouveaux y peuvent
être introduits. 11 importe que le conseil
d'Etat soit le gardien des traditions admi
nistratives, et tous les trois ans des hommes
étrangers aux traditions peuvent y entrer.
Il importe que le conseil d'Etat échappe à
l'action de l'Etat, et tous les trois ans les
chefs des partis, les hommes influens de la
législature, tiendront dans leurs mains les
intérêts de vingt-quatre conseillers. Et quel
moment choisit-on pour bouleverser de fond
en comble une institution aussi utile? Le
moment où la politique a fait invasion dans
l'administration, où elle fait et défait des chefs
de division, où les bureaux sont livrés à
tous les périls de l'instabilité. Est-on bien
sûr de ne pas détruire sans retour la dignité
et l'indépendance du conseil d'Etat? !
Mais, dit-on, la Constitution le veut ain
si, il faut ob.éir ! Oui, sans doute, la Consti
tution a voulu tempérer, par l'établissement
d'un conseil d'Etat assez semblable au con+
seil d'Etat de la vieille monarchie antérieur-
re à 89, « ce que l'Assemblée unique pour+
rait avoir de trop hardi, ce que le Gouver-;
nement pourrait avoir d'arbitraire. » Dan$
celte intention, elle a imaginé un conseil
d'Etat, qui n'est, selon les expressions dii
rapport, ni une seconde chambre, ni le coni
seil d'Etat de la royauté constitutionnelle.
Conception étrange, hybride, et que regret
tent aujourd'hui les auteurs les plus émi-
nens de la Constitution.
C'était une raison assurément pour ne
point aller plus loin que la Constitution. Le
projet de loi que nous combattons, loin de|
restreindre le mal, l'a exagéré. La Constitu J
tion a bien décidé qu'il y aurait un corps
intermédiaire, chargé de l'élaboration deS
lois, en un mot, un corps essentiellement
politique. Mais on pouvait à côté de ce corps
politique établir un corps administratif,
étranger à la politique, qui donnât des avis
au pouvoir exécutif sur l'administration, et
qui jugeât le contentieux, d'après les prin
cipes de la loi de 1845. C'eût été un moyen
d'éviter les principaux inconvéniens de la
conception malheureuse qui a trouvé place
dans la Constitution.
Quoi qu'il en soit, si le projet de loi est
adopté par l'Assemblée nationale, c'en est
fait d'une grande et belle institution, à la
quelle nous devons les progrès de l'admi
nistration française, que personne ne son
geait à attaquer et dont l'expérience et la
sagesse étaient reconnues par tout lemonde.
Reste la question du personnel, question
plus scabreuse, plus délicate, et qu'il faut
cependant traiter avec une complète, fran
chise. En 1814, on a reproché non sans rai
son au sénat impérial, d'avoir oublié les
intérêts de la patrie pour ne songer qu'aux
intérêts de sa dotation. Si le projet de loi sur
le conseil d'Etat est adopté, n'est-il point à
craindre qu'on ne dise que l'Assemblée cons
tituante a eu trop de souci de l'impatience
de certaines ambitions?
Quand il s'est agi, au sein de la commis
sion, de la nomination des quarante-huit
conseillers d'Etat, trois opinions ont été en
présence : l'une, et il faut convenir que c'é
tait la plus digne, la plus convenable, la
plus conforme au texte comme à l'esprit de
la Constitution, voulait que le choix des
conseillers d'Etat fût laissé à la prochaine
Assemblée; C'était là une preuve de désinté
ressement et un acte de bon goût. D'autres
soutenaient qu'il fallait que l'Assemblée ac
tuelle nommât tous les conseillers. Il ne s'a
gissait de rien moins que de quarante-huit
places de 12,000 fr., dont la distribution
aurait été dévolue à l'Assemblée. Le troisiè
me avis a prévalu : on s'est arrêté à un
moyen terme. L'Assemblée actuelle, d'après
le projet de loi, élirait vingt-quatre conseil
lers, et le surplus sera choisi par la future
Assemblée.
Il est bon de noter quede ces vingt-quatre
places dont l'Assemblée pourrait disposer,
la moitié peut être accordée à des membres
de la législature actuelle. Nouvel embarras,
nous aimons à le croire, pour l'Assemblée
nationale. Nous ne parlons pas des compé
titeurs qui sont, à ce qu'on assure, fort ar-
dens. Eux, sans doute, se résignent aisé
ment à ce pis-aller. Quelques-uns, si nous
ne nous trompons, redoutent l'épreuve élec
torale et ne sont pas fâchés de s'assurer, en
cas de malheur, un dédommagement.
Un des articles du projet de loi semble
favoriser ces calculs de la manière la plus
ingénieuse; L'entrée éri fonctions des con
seillers choisis dans l'Assemblée est ajour
née jusqu'après les élections prochaines. Lïs
conseillers, nommés pourront alors se pré
senter devant les électeurs.: s'ils réussissent,
ils opteront'entre leur mandat et la place
qui leur aura été octroyée in petto; s'ils suc
combent, ils se consoleront en tirant leur
nomination de leur poche, -et- ils resteront
conseillers d'Etat. »
, Les; douze autres placés, auxquelles l'As
semblée devrait pourvoir, : aux termes du
projet de loi, ne sont pas moins convoitées,
dit-on. D'anciens commissaires révoqués,
des préfets destitués espèrent obtenir, à ce
qu'on affirme, cette compensation. Les solli
citeurs sont nombreux, plus nombreux,
comme toujours, que lés places à donner.
On a blâmé l'austérité exagérée de la pre
mière Assemblée constituante, qui décida?
en mettant fin volontairement et noblement
à sa glorieuse existence, que nul de ses
membres ne pourrait ligurer dans l'Assem
blée future. L'Assemblée constituante de
1848 peut être convaincue qu'elle ne s'at
tirerait aucun reproche si, en créant qua-
rajite-huit places de 42,000 fr., elle décla
rait que lès titulaires seraient choisis par
l'Assemblée suivante, surtout lorsqu'elle
réconnaît que le nouveau conseil d'Etat rie
peut entrer en fonctions qu'après les élec
tions prochaines. ;
La commission chargée de l'examen de
la proposition de M. Rateau et de toutes les
autres propositions ayant pour objet, soit la
fixation d'pn jour pour la cessation des pou
voirs de l'Assemhlée , soit la limitation du
nombre des lois organiques, s'est réunie au
jourd'hui pour la troisième fois. Tous les
membres de la commission étaient présens ,
et ont pris part à la discussion. M. Grévy a
été nommé rapporteur, et la commission a
conclu au rejet pur et simple de toutes les
propositions qui lui étaient soumises, comme
de toutes celles qui auraient pour ,but la
dissolution de l'Assemblée. Après de telles
conclusions, qui simplifien t à ce point le tra
vail du rapporteur, le rapport ne peut tar
der à êtreprésenté en séance publique.
La proposition suivante, sur la discussion des
lois organiques, a été présentée par le citoyen
Montrol, el envoyée au comité de législation :
« L'Assemblée nationale, voulant assigner un tt-r-
me prochain'à sa durée, et assurer autant que pos
sible 1 l't-xécution de son décret du 11 décembre, dé
crète : Qu'elle révisera ce décret; et ctittsacrera dé
sormais une séance de six heures, ou deux séances
par jour, k la discussion des lois organiques qu'elle
aura jugé les plus urgentes. »
Il y a eu aujourd'hui réunion dans les bureaux
pour la nomination d'une commission de quinze
membres chargée d'examiner le compte spé
cial des dépenses faites et ordonnancées par le
Gouvernement provisoire depuis le 24 février
jusqu'au - M mai 4848. Cette nomination n'a
pas donné lieu à des discussions bien sérieuses.
t)ans le 4 e bureau, M. de Trédern a dit qu'il
s'agissait d'un examen impartial et qu'il serait
peut-être bon, dans l'intérêt même du Gouver
nement provisoire, que la commission ne fut
pas entièrement composée de membres recon
nus comme ardens partisans de ce premier Gou
vernement de la révolution.
Une seule chose est à recommander au com
missaire, c'est d'entendre personnellement les
intéressés, si quelques doutes s'élèvent sur l'em
ploi des fonds, afin que la discussion publique
n'amène pas le reproche déjà élevé hier à la tri
bune par M. Flocon au sujet du rapport sur le
crédit demandé pour dépenses non régularisées.
M. Grellet, qui a été nommé commissaire dans
le 11 e bureau, a dit que les dépenses que l'on
reprochait au Gouvernement provisoire avaient
déjà, été constatées en partie par les demandes
de crédit supplémentaire formées par M. le mi
nistre de l'intérieur; qu'il fallait, au reste, que
la vérité fût connue tout entière, quoique 1 on
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 20 JANV.
le cabinet mm.
TROISIÈME PARTIE.
LA GEORGIENNE.
CHAPITRE SXIII.
CE QU'IL ADVINT DE GIOnGINA.
Pour Alexis, dans l'aventure qui st présentait,
il y avait deux partis à suivre—ou voir dansGior-
giria une créature déchue, reste de la lubricité
d'un barbare, et, à ce compte, la prendre comme
jine de ces bonnes fortunes à la passade, qui,
sans déchirement et sans lutte, se dénouent,
moyennant quelques sacrifices d'argent, d'abord
que tout le plaisir en a été extrait, — ou traiter
gravement saprotégée, comme une sorte dedépôt
sacré que la Providence remettait à ses mains
avec la mission de l'initier à nos mœurs et à no
tre civilisation.
À vingt ans,dans tout amour on met du sérieux;
aussi est-ce dans le dernier sens qu'Alexisprit son
chemin, et au lieu de traiter lestement la ren
contre,une fois Giorgina provisoirement déposée
dans un appartement garni, espèce de ressource
toujours sous la main à Paris,il s'occupa delà
manière dont il pourvoirait à un avenir dont il
admettait que toute la responsabilité reposait
sur lui. .
N'ayant par devers lui que quelques courtes resr
Sources, résultat de ses économies sur les appoin-
lemens de cette place qui, venait de le quitter,
pouvait-il, avec ce mince pécule, pourvoir à sa
propre existence, et constituer celle de Giorgina
sur un certain pied? La vie d'étudiant et de man
sarde, où les chansonniers vous disent qu'amour
et- contentement passent richesse, a toujours un
jcôté scandaleux qui ne lui souriait guère, et d'ail
leurs, où serait l'amour, quand Giorgina n'en était
tout au plus avec lui qu'à la reconnaissance ; et
Voir notre numéro du 19 Janvier.
Toute reproduction, même partielle, de cet ourrage,
«t interdite, et lerût pourfuiru) comme contrefaçon.
le contentement, comment l'attendre d'une fem
me habituée h toutes les mollesses et à toutes
les insouciances du harem, et de là tout-k-coup
transportée dans une atmosphère de gêne et de
privations?
A son embarras Alexis crut avoir imaginé un
reincde, celui d'aller trouver la princesse de
F et, en 1 : intéressant à la bonne action qu'il
voulait faire, de la décider à l'y aider de sahaute
influence et de son crédit.
Véritablement, dans ce parti pris, il y avait
honneur et courage, car le pauvre jeune homme
avait déjà bien de l'amour au cœur, et il ne
pouvait pourtant point espérer que, devenue sa
complaisante, Mme de F ...... en accordant à
Giorgina son puissant patronage, la laissât en
même tems à la merci des espérances et des dé
sirs qui pouvaient couver en lui.
Sans s'arrêter à cette considération égoïste,
il fit généreusement son sacrifice et, se présen
tant chez Mme de F il demanda l'honneur
d'être admis auprès d'elle. Mais toute espèce de
souvenirs de l'ambassade persanne.se recom
mandait mal à la princesse avec laquelle Mirza-
Babba n'avait pas fait une'fin fort courtoise, et,
nonobstant- plusieurs tentatives répétées , notre
philanthrope ne parvint pas à être reçu.
Se doutant bien du motif qui lui faisait don
ner l'exclusion, il prit le parti d'écrire, et, dans
une lettre fort pathétique, raconta la manière
dont il avait dû sauver la vie de la belle esclave
et l'embarras où il se trouvait pour donner une
suite honorable à cette première et engageante
démarche.
Lettre pour lettre, il reçut la réponse qui suit;
« J'ai lu, Monsieur, avec un vif intérêt l'histoi
re de la répudiation de Mlle Giorgina par no
tre ex-ami l'ambassadeur et celle du dé voûment
quelque peu romanesque qui vous a décidé à
la recueillir de ses mains. Mais que voulez-
vous que l'on fasse d'une fille sans éducation,
ne parlant même aucune des langues de l'Eu
rope, et qui, dans toutes les conditions où
l'on pourrait avoir la pensée de la placer, a le
malheur d'apporter avec elle une beauté à de
venir pour la maîtresse de la maison un su
jet de soucis ou d'embarras ? Tout ce qui me
paraît exécutable, c'estdevous offrir une lettre
pour la supérieure des Filles delà Madeleine-,
» là on recueille les filles, qui veulent revenir
» sur leurs pas. Si votre protégée ne met pas
» d'obstacle à cette vue sur elle, et surtout,
» Monsieur, si vous y entrez, vous-même, faites-
» le moi savoir par un mot, et ma rccomman-
» dation vous parviendra sans aucun délai,.
» P rincesse de F.... »
Si Alexis avait pris sa situation par le côté
joyeux, il eût trouvé qu'il se rencontre souvent
bien de la comédie dans la marche des destinées
humaines, et cette idée de faire une religieuse
d'une odalisque, lui eût paru une assez , divertis
sante bizarrerie.
Mais, on le sait déjà, le bon jeune homme se
posait en grave protecteur, et sans parler du ton
général de la lettre, qui lui parut d'une femme
sèche et sans cœur, un mot, celui de condition,
qui supposait qu'on voulait faire de Giorgina une
femme de chambre ou une gouvernante d'enfans
le transporta d'indignation. « Elles veulent la ra-
» baisser, — se dit-il, — parce qu'elle les écrar
» se toutes par sa beauté, » et la généreuse co
lère d'Alexis fut sur le point de faire naître dans
son esprit la pensée d'une ressource désespérée
et extrême qui, en lui donnant tout à coup l'ai
sance, lui eût permis de faire de Giorgina une
reine de la mode, devant laquelle se fussent éclip
sés les charmes des femmes les plus élégantes et
les plus courues.
Toutefois, quand il n'aurait pas eu l'instinct
d'une possession plus tranquille et plus modeste,
le terrible pas que lui-même aurait eu à franchir,
-n'était point de ceux qui se font sur un simple ac
cès de mauvaise humeur, et sans 1 des entraîne
mens et des réflexions multipliés. Aller deman
der au Cabinet noir de faire les frais de sa bien
faisance, c'était là l'éclair d'une velléité qui, tra
versant rapidement son libre arbitre, devait à
peiney laisser une trace. Aussi bien, par ce phé
nomène de .l'invention qui, dans l'idée que l'on
écarte, vous fait souvent mettre la main sur l'idée
cherchée, Alexis arriva à extraire de la malveil
lante ouverture que lui avait insinuée Mme de
F..., une combinaison, à son avis, très suppor
table, èt qu'il se mit aussitôt en devoir de réa
liser.
Cette imagination consistait à placer Giorgina
dans un pensionnat de jeunes demoiselles, et
voici l'enchaînement de circonstances et de sou
venirs par lequel Alexis fut conduit à s'aviser
de ce parti.
Le jour où avait eu lieu ce duel que lui avait
ménagé le marquis de Saint-Faust, et où il avait
.failli laisser sa vie, commeon leramgnait blessé
du bois de Boulogne, par suite de la grande
quantité tic sang qu'il perdait, il fut pris d'une
défaillance qui donna beaucoup d'inquiétude à
ses témoins.. On se trouvait alors au village des
Thcrnes, cl une maison isolée, occupée par une
institution de demoiselles, était le seul endroit
où l'on pût réclamer pour lui quelque assistance.
Reçu par la maîtresse de l'établissement avec
une bonté parfaite, Alexis, pendant plusieurs
heures, y fut l'objet de soins intelligens et
empressés auxquels peut-être il avait dû son
• salut. Depuis, quelques visites avaient acquitté
•la dette de sa reconnaissance, et quoique, dans
la grande distraction de la vie parisienne, cette
relation se fût à peu près éteinte, L'ancien
obligé de la charitable institutrice, aussitôt que
sa pensée se fut tourné vers elle, ne désespéra
pas de l'intéresser au sort de sa protégée.
Même avec une personne qui lui eût été en
tièrement étrangère, Alexis se fût reproché d'u
ser de duplicité et ce fut par un aveu complet et
naïf de la position vraie dé Giorgina qu'il solli
cita la pitié pour elle.
Le succès dépassa son attente : femme d'im a-
ginatioh et, il faut bién le dire, ayant sur la ma
nière dont on fait le succès d'une maison, quel
ques idées de bruit extérieur qui côtoyaient up
peu le charlatanisme, la maîtresse du pensionnat
éprouyait pour toute espèce de moyens de publi
cité pouvant appeler l'attention sur son éta
blissement, les entraînemens les plus décidés.
— Assurément, — dit-elle à Alexis avec une
vivacité de paroles et d'impressions qui lui était
particulière, -r- nous ne ferons pas la faute d'al
ler conter, au public que cette pauvre enfant est
une échappée des menus plaisirs de M. l'envoyé
persan. Mais on la verra ici avec son costume
pittoresque, sa beauté caucasienne, entourée
d'une atmosphère de mystère qui sera du plus
grand effet. Pour faire à la vérité trop nue les
petits ornemens qui- seront nécessaires, nous
serrerons de très près, la réalité et jouerons un
bon tour à votre Mirza-Babba, en donnant sous
le plus grand secret du monde, pour sa fille na
turelle, celle dont ce vieux singe n'a plus voulu
dans son harem. Pour ce qui est de l'inconvénient
que l'accointance d'une femme déjà faite pour
rait présenter pour mon innocent troupeau, c'est
une chose dont je me charge ; elle n'aura avec
mes petites èt grandes filles que péuou point de
communications, mangera à ma table et habite
ra une chambre particulière. 11 n'y a que le
maître de musique qui m'inquiète un peu : ces
chanteurs de romances ont d'insolentes aptitudes
pour tourner la tête des femmes, et pour peu que
cette pauvre enfant ait de combustible au cœur...
— Mais,— dit Alexis, en se jetant au travers
de ce déluge de projets et de prévisions, — il y
aurait un moyen bien simple, ce serait de ne
pas faire apprendre la musique à votre nouvelle
élève, ou d'avoir un professeur un peu plus mûr
un peu moins langoureux.
— De vieux professeurs ! — s'écria l'institu
trice; — vraiment oui! pour perdre une maison,
c'est ce qu'on peut imaginer de plus efficace !
des gens qui, avec leur tabac, font horreur aux
élèves; qui transportent dans leur enseignement
la mauvaise humeur de leur gravelle ou de leurs;
rhumatismes, qui prêtent le flanc par vingt ri
dicules, et qui, ayant leur réputation faite, sont'
d'un prix exorbitant.
f-:Mais enfin, — reprit Alexis, — pour Gior
gina, les arts d'agrément ne sont pas ce qu'il
y a de plus pressé : la première chose, c'est
qu'elle apprenne le français; dont elle ne saitr
pas à l'heure qu'il est le premier mot, et même,
en commençant, il faudra bien que je m'en mêle,
car j'aurai sur vous l'avantage, ma chère insti
tutrice, de pouvoir lui donner les élémens de la
grammaire dans la langue qu'elle parle et que i
je sais aussi. ;
— C'est-à-dire que Monsieur le protecteur
n'est pas fâché d'avoir une occasion devenir voir;
presque tous les jours sa protégée ?
— J'en passerai, Madame, au sujet de mes
visites, par tout ce qui vous paraîtra convena
ble. Seulement, je vous ferai remarquer que je
suis pour cette pauvre dépaysée la. seule per
sonne qui lui représente des amis, une famille;
elle m'a paru d'ailleurs avoir de grandes aspi
rations pour cette liberté que nous allons encore
lui ajourner, et, vrai, je crois qu'ayant à l'appri
voiser au régime du pensionnat, supprimer de
ma part toute intervention, serait malhabile et
dangereux.
— Vous plaidez votre cause à ravir,—répon
dit l'institutrice, — et d'ailleurs vous êtes hom^
me d'honneur, et ne voudriez pas payer d'un
scandale la courageuse hospitalité que je donne
à! votre jeune fille dans ma maison. '
— Maintenant, — dit Alexis, — reste à ré
gler entre nous les conditions de la pension.
7 Ici s'engagea entre les parties contractantes
un vrai combat de générosité. L'institutrice di
sait que Giorgina étant pour elle un enseigne, ce
serait déjà beaucoup faire que de solder les frais
et déboursés bruts de sa présence dans l'établis
sement. Alexis, au contraire, tout en convenant
qu'il n'était point un prince russe, insistait pour
savoir le prix courant de la pension et payer
quelque chose en sus, vu la position exception?
nelle que l'on faisait à la nouvelle élève. De ca
débat et de quelques explications que l'ex-secré-
taire de Mirza-Babba fut entraîné par là même
à donner sur sa position, résulta une combinai-
naison aussi agréable qu'imprévue. La maîtresse
de pension s'aperçut tout à coup que, vu sès
voyages, Alexis pourrait être un excellent profes
seur de géographie ; de plus, elles'ingénia qu'un
cours de littérature orientale où, sans prétendre
professer à ses pensionnaires les langues ardues
de l'Orient on leur donnerait par la traduction
une teinture de ses chefs-d'œuvre, "procurerait-
à sa maison un immense relief. C'était, en effet,
lui ménager la recommandation d'un enseigne
ment tout exceptionnel, ce que de nos jours on
aurait nommé une spécialité.
Dès-lors toute lutte était terminée, le prix
des soins, donnés par Alexis aux élèves du pen
sionnat 1 devait passer en compte du prix que
lui-même se serait engagé à payer pour l'hospi
talité accordée à la belle esclave. Ainsi pourtant
va lé monde ; entré suppliant et fort empêché
chez l'institutrice, il en sortait L'un de ses col
laborateurs et des hommes de sa confiance. Il
; était humblement venu demander un service, et
il ne tenait qu'à lui de se persuader que c'était
lui qui le rendait., *
CHARLES RABOU.
[Le 24® chapitre à demain.)
NUMÉRO 20.
nxx »s x'AxoxKtntxsn ■
I PAMS. DÉPART.
8F. iiE.
I .'16 : sa
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. „ Loi qbHHMSMiu datait do l* r «t 18 do chtqu»!»#'».]
BUREAUX A PARIS !
I m d% 34 Bforint, 10 (oWeTwt ds Y«Ioif).
On fabonna dans 1m dép&rtNBmfi aux aiwsïgerici »J
»« directions des postes.—'A Londrets, «h«* Mit. Ctwtt m
JEU.—A Strubourg, chu 4te*««dr», pour VAilwnjLga^l /
i- * •„ ? rt ' k;
S 'adresser franeo, poux la réiictic»,
i H. HERRtÂU, gérant;
Lerirtiolsf déposé* naf*eront|pas¥ita»dol
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J0UR1 Jj POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
VABIS, À? JAttVIElÙ'S--
BUREAUX À PARIS S
£«• in ï4 Février, 10 (ci-devant dt Valoir
. m ♦
Lu laaonoei sont reçneiTdï*ïi * 4 beurè»,
m bureau da Journal!'
Ito^i iîïcrtion doit ttri agriâa par iv gérant»
FalreJJer franeo, pour l'aSmiaiitralisa» 1
- * * M. dena Î n , directeur. '
L'Assemblée nationale a voté aujourd'hui
•3e traitement du vice-président, qu'elle va
être appelée à choisir dans la séance dede-
main. Personne ne. la taxera de prodigalité
"en apprenant qu'elle a fixé ce, traitement à
48,000 fr,; la commission avait proposé lé
-chiffre.'de 60,000 fr., qui n'avait rien d'exa
géré. Nous ne sommes pas de ceux iqui
croient que la mesquinerie doive être un des
caractères du régime républicain; à notre
avis, une grande nation doit faire à ceux
qu'elle met à sa tête une situation en rap
port avec sa propre grandeur. Nous n'exa
minerons pas s'il n'y avait pas un intérêt
.politique à rendre moins brusque la transi-
.iion du passé au présent, dans un pays ha
bitué et devenu très sensible à l'éclat de la
représentation, et où les dépenses des hauts
fonctionnaires sont depuis long-temps un des
alimens principaux des arts et de l'industrie
de luxe qui tiennent une si grande place
'dans notre commerce.
; Nous nous bornerons à faire observer
.que le vote d'aujourd'hui met le vice-prési
dent sur la même ligne que les ministres ;
c'est à dire au-dessous du rang qu'il occupe
dans la Constitution et dans l'État. Le trai
tement suffisant pour le président dii conseil
d'Etat, ne l'est pas pour le suppléant du pré
sident, pour le second personnage de la Ré
publique. Quant à ceux qui voudraient jus
tifier par l'exemple des Etats-Unis des allo
cations ainsi réduites; nous leur rappelle?
rons que quand les traitemens du président
jet du vice-président ont été fixés, la répu
blique américaine rie comptait pas trois mil-
lions d'habitans; Nous ajouterons que les
deux premiers magistrats de l'Union rési
dent dans une petite ville, et non pas dans
line cité d'un million d'habitans, dans la
capitale des arts et du luxe, ou de grandes
existences étalent toutes les splendeurs de la
richessé. Nous tenons pour certain, que,
malgré la rigidité du général Taylor, son
traitement, plus que suffisant à Washington,
11e serait pas assez élevé à New-York- ; et ce
n'est point de New-York qu'il s'agit, mais
4eParis.] . ;
On devait d'autant moins s'attendre à
cette excessive parcimonie qu'un certain côté
<ïe l'Assemblée paraissait avoir la plus haute
idée des fonctions de vice-président, à en
juger par la-façon dont il affectait d'accueil
lir les candidats présentés par le Président.
Certains journaux, organes d'un sentiment
qui s'accorde si peu avec le vote d'aujour
d'hui, témoignent ce ïnatin tous leurs dé
dains pour les hommes honorables sur les
quels s'ést arrêté le choix du Président de la
République. A les entendre, cette liste est
thae déception, et leur; désappointement, dé
sintéressé à ca qu'ils assurent, regrette, non
£as l'absence' de noms amis, mais de noms
glorieux et éclâtans, en rapport, disent-ils,
avec l'éminente fonction'qu'il s'agit de rem
plir. ' " ' .' ' . ,
: Nous n'aurions, pas soupçoinné que les ré
publicains de la veille eussent le droit d'ê-
trè- si difficiles , après le personnel édifiant
; iqu'ils ont fait défiler devant le public pen
dant leurs dix mois dë pouvoir.
; Nous n'avons pas besoin de faire l'éloge
de M. Vivien, son nom est de ceux qui se
Recommandent par eux-mêmes ; et le con
seil d'Etat ne saurait avoir à la fois un meil
leur président et un meilleur guide. Nous
applaudissons surtout, dans la désignation
de M. Vivien, une pensée de conciliation;
è'était une ouverture loyale à cette partie de
f Assemblée qui a appuyé avec tant d'ar
deur la dernière administration, et qui pou
vait, sur le nom de M. Vivien, se rencon
trer avec tous les
jnodération.
Boulay (de la Meurthe) adonné des
pr-euves.d'une incontestable capacité, en pre
nant parla l'administration, d'une ville dpnt
le budget dépasse celui dé plus d'un royau
me -y comme. commandant une des légions
de ; la garde nationale, parisienne, il a fait
preuve de qualités qui sont également pré
cieuses dans des temps aussi difficiles que les
nôtres. On n'ignore pas que M. -Boulay (de
la Meurthe), qui n'a pris aucune part aux
60 conspirations èt aux 404 procès dont M.
Germain ^arrut se fait un si étrange titre dé
gloire, es tj par héritage de famille, par d'an
ciennes et longues relations, en possession
de l'estime et delà confiance du Président.
' Aucuq de ceux qui connaissent M. Bàra-
guey-d'Hilliers ne nous démentira quand
nous dirons qu ? il est l'un de nos officiers les
plus braves et les plus éclairés, unissant le
courage civil au courage militaire. Nous
ajouterons que si.le Président a désigné en
lui l'homme qui a servi depuis dix mois de
drapeau et de signe de ralliement à une
fraction considérable de là représentation
nationale, derrière laquelle nous croyons
fermement que la majorité du pays s'est
rangée, nous ne saurions voir rien de sin
gulier, rien d'inattendu dans cette désigna
tion toute politique, dans cet hommage
rendu indirectement à la majorité modérée
dès électeurs.
Nous savons que d'instantes' démarches
ont été faites auprès de M. Odilon Harrot,
pour qu'il consentît à être l'un des trois
candidats; nous sommes .certains que son
nom mis sur la liste," eût' à. l'instant effacé
les autres. Nous nous en croyons plus rede
vables envers lui pour la noble fermeté avec
laquelle il a repoussé les offres qui lui
étaient faites par ses amis et les démarches
intéressées qui étaient faites d'autre part. M.
Barrot s'est donné une. grande et noble tâ
che, celle de défendra l'intégrité dû pouvoir
contre les envahissement des ambitions dé
çues et désespérées, et de maintenir en face
de toutes les' résistances et de toutes les coa
litions, la bannière du parti modéré. Il n'a
pas voulu, même pour les honneurs les plus
assurés, ou l'auraient suivi les applaudisse-
mens j usqqe de ses adversaires, déserter le
poste qu'il s'est donné : honneur soi t rendu
à ce généreux et patriotique oubli de soi-
même.
M. Barrot, poursuivi.de tant d'outrages
par ceux dont il déconcerte lès desseins, ne
veut pour récompense de , sa conduite que
l'accomplissement de son œuvre et l'affer
missement des idées d'ordre et de modéra
tion ; il en recevra une autre, non moins
désirable et non moins chère pour une ame
comme le sienne, l'universel applaudisse
ment de tous les gens de bien «t de tous les
vrais patriotes. Il est un mérite pour lequel
les peuples ne sont jamais ni insensibles ni
ingrats : celui du devoir noblement et fer
mement rempli. ;
DU CONSEIL D'ÉTAT.
La commission de l'Assemblée nationale'
a présenté un projet de loi sur le conseil
d'Etat. Ce projet de loi a pour but d'orga
niser cette institution conformément aux ar
ticles de la Constitution qui .en ont posé les
bases. Avant de soumettre à un examen ap
profondi les questions de détail, il faut con
naître dans son ensemble le système adopté
par le projet de loi.
Un mot d'abord de la question historique.
On sait que le conseil d'Etat est l'une des
plus belles créations du consulat, époque
magnifique et féconde, où un grand homme,
appuyé sur l'invincible concours de la na
tion tout entière, lassée dé l'agitation stérile
( des révolutions et groupée autour de lui par
hommes d'ordre et de 'i l'admiration et la confiance, rétablit le re-
I: pos et l'ordre, raffermit les bases de la so
ciété, et guida de sa main glorieuse le triom-
plié. du. j)ar/î modéré de ce temps-là. Sous
lîEmpire, le rôle du conseil d'Etat ne fat
pas moins considérable; ce fut, à vrai dire,
le ipremier corps de l'Etat. « Placé de fait
au-dessus des. ministres dont il était moins
le conseil que le juge, chargé de la prépa
ration des lois dont ii avait seul la haute
mission de. développer les motifs devant un
corps,législatif muet, appelé, à délibérer les
avis que le chef de l'Etat promulguait, pour
leur interprétation, il était, selon l'expres
sion d'un habile écrivain, l'ame de l'admi
nistration, la source même des lois et le
flambeau de l'Empire (4). »
Sous la Restauration, le Conseil d'Etat ne
resta point à cette hauteur. C'était la natu
relle conséquence du régime politique qui
découlait de la Constitution nouvelle. La
responsabilité des ministres, les fonctions des
deux chambres, excluaient le r grand rôle
que jouait naguère le conseil d'Etat. De vi
ves attaques furent dirigées contre le conseil
d'Etat, dont on contestait la légalité parce
qu'il n'était point mentionné dans la Charte
de 4844. C'était un reproche puéril ; mais
d'autres griefs plus sérieux étaient allégués.
Dans le conseil d'Etat de la Restauration,
le secret des -décisions relatives au conten
tieux était justement blâmé. On demandait
que les limites du service ordinaire et du
service extraordinaire fussent nettement
tracées.
Après la Révolution de 4850, on songea
à remédier à ces imperfections. En 4831,
sous le ministère de M. Barthe, un projet de
loi fut présenté. Mais l'instabilité ministé
rielle devint un obstacle à l'adoption de ce
projet de loi, qui reparut en 4854 et en 1859,
sans aboutir à un résultat définitif. Enfin,
en 1845, le projet de loi, à quelques change-
mens près qui n'en modifièrent pas les dis
positions essentielles, franchit le vote des
deux chambres, et la législation du conseil
d'Etat fut enfin fixée. La loi de 1845 déter
mina les limites des services ordinaire et
extraordinaire, les garanties destinées à pro
téger les membres du conseil d'Etat, les at
tributions et le mécanisme de sa juridiction
contentieuse. Cette loi consacra une institu 1
tion en harmonie avec les besoins et les
mœurs du siècle, dont les services ne sau
raient être méconnus, dont l'organisation
n'était pas même critiquée, et qui cepen
dant a'été immolée sans réclamation au sein
de l'Assemblée constituante.
Mais il s'agit d'examiner l'esprit et l'éco
nomie de l'ancien conseil d'Etat. On avait
compris la nécessité de placer entre le pou
voir exécutif et les bureaux un corps inter
médiaire chargé de maintenir l'intégrité des
traditions et l'unité administrative. L'ad
ministration est partout; elle atteint tout le
monde. Les questions les plus vitales sont
dans ses mains. L'exécution des lois lui est
confiée; elle touche à tous les intérêts géné
raux de la famille sociale : le commerce, la
navigation, les hospices, les usines, la cana-r
lisation, les assurances maritimes et terres
tres, etc.
Fallait-il que, pour élaborer ces réglemens,
dont la sagesse ou l'inexpérience peuvent
influer de la manière la plus grave sur la
prospérité de la nation, l'administration s'en
rapportât uniquement au travail des bu
reaux? Evidemment non. On devait pren
dre des précautions contre les erreurs pos
sibles, la mobilité, les caprices des bureaux.
On parvenait à ce but en plaçant entre le
pouvoir exécutif et les bureaux un corps,
jaloux de sa dignité, qui eût la conscience
et la science de l'administration, assez indé
pendant pour ne pas subir l'influence du
pouvoir exécutif, assez instruit des matières
(1) Rapport de M. Dation, téance de I» chambre des
députés, da 10 juin 1840.
'administratives pour éclairer et pour guider
les bureaux. Ce corps, c'est le conseil d'Etat.
. De même que, dans l'ordre judiciaire, la
cour de. cassation maintient la pureté des
-principes, le respect des lois, l'unité de la ju
risprudence, le conseil d'Etat, tel qu'il exis
Jait d'après la loi de 4843, conservait l'uni
té dans l'administration. Il était le déposi-
- taire des saines. traditions; placé au-dessus
des bureaux, en dehors dé la sujétion
.du pouvoir, il veillait à ce que l'exécu
tion des lois ne dégénérât , pas en tyrannie
ou en mollesse. On trouvait dans son sein,
pour diriger le pouvoir et pour seconder les
bureaux, des hommes étrangers aux pas
sions politiques, renommées modestes, ser
viteurs dévoués et laborieux de la chose pu
blique, dont l'utile concours , dont les lu
mières toujours sûres n'étaient jamais invo
quées envain. * :
Tel est le rôle administratif du conseil
d'Etat. En cô qui touche le contentieux, ses
attributions sont encore plus délicates. Il ne
s'agit plus des masses, mais des individus.
La lutte est engagée entre l'intérêt public et
l'intérêt particulier. Ces deux intérêts, éga
lement sacrés, également respectables, doi
vent être sauvegardés. Les bureaux n'au
raient incontestablement offert que des ga
ranties insuffisantes et pour l'Etat et pour
les citoyens. Delà, la juridiction contentieuse
du conseil d'Etat.
Le rôle ét les attributions du conseil d'E
tat étant définis, comment fallait-il le com
poser? La pensée du consulat, celle des gou-
vernemens constitutionnels qui se sont suc
cédé en France ne peut être douteuse^ Il
était indispensable d'y placer des hommes
sâvansj fortement imbus des traditions admi
nistratives, affranchis des influences de la
politique, sûrs de leur lendemain. Priver le
conseil d'Etat de son indépendance, lui ôler
l'esprit de suite, si nécessaire en fait d'admi
nistration, le soumettre aux hasards de la
politique, ravaler sa dignité, en un mot,
c'est porter un coup mortel, à l'institution.
Et c'est précisément ce que va faire le projet
de loi qui est soumis aux délibérations < de
l'Assemblée constituante.
La Constitution de 1848 a agrandi la
sphère d'action du conseil d'Etat. Elle a
voulu qu'en quelque sorte il fît contrepoids
aux entraînemens d'une assemblée unique.
L'examen des lois, soit qu'elles proviennent
du Gouvernement ou de l'initiative parle
mentaire,. rentre dans ses attributions. De
l'aveu de la plupart des auteurs de la Cons
titution, c'est une idée peu heureuse, une
des défectuosités notables de cette grande
Charte nationale, que tous les bons citoyens
doivent respecter et défendre, malgré ses im
perfections.
Or, il est impossible de méconnaître les
dangers que présente le projet de loi sur le
conseil d'Etat. Quarante-huit conseillers
sont nommés pour six ans' par l'Assemblée
-nationale. Ils sont renouvelés par moitié à
chaque législature, c'est-à-dire tous les trois
ans. Nest-ce pas le renversement de tous les
principes que nous avons posés? Il importe
que le conseil d'Etat soit stable, et tous les
trois ans des élémens nouveaux y peuvent
être introduits. 11 importe que le conseil
d'Etat soit le gardien des traditions admi
nistratives, et tous les trois ans des hommes
étrangers aux traditions peuvent y entrer.
Il importe que le conseil d'Etat échappe à
l'action de l'Etat, et tous les trois ans les
chefs des partis, les hommes influens de la
législature, tiendront dans leurs mains les
intérêts de vingt-quatre conseillers. Et quel
moment choisit-on pour bouleverser de fond
en comble une institution aussi utile? Le
moment où la politique a fait invasion dans
l'administration, où elle fait et défait des chefs
de division, où les bureaux sont livrés à
tous les périls de l'instabilité. Est-on bien
sûr de ne pas détruire sans retour la dignité
et l'indépendance du conseil d'Etat? !
Mais, dit-on, la Constitution le veut ain
si, il faut ob.éir ! Oui, sans doute, la Consti
tution a voulu tempérer, par l'établissement
d'un conseil d'Etat assez semblable au con+
seil d'Etat de la vieille monarchie antérieur-
re à 89, « ce que l'Assemblée unique pour+
rait avoir de trop hardi, ce que le Gouver-;
nement pourrait avoir d'arbitraire. » Dan$
celte intention, elle a imaginé un conseil
d'Etat, qui n'est, selon les expressions dii
rapport, ni une seconde chambre, ni le coni
seil d'Etat de la royauté constitutionnelle.
Conception étrange, hybride, et que regret
tent aujourd'hui les auteurs les plus émi-
nens de la Constitution.
C'était une raison assurément pour ne
point aller plus loin que la Constitution. Le
projet de loi que nous combattons, loin de|
restreindre le mal, l'a exagéré. La Constitu J
tion a bien décidé qu'il y aurait un corps
intermédiaire, chargé de l'élaboration deS
lois, en un mot, un corps essentiellement
politique. Mais on pouvait à côté de ce corps
politique établir un corps administratif,
étranger à la politique, qui donnât des avis
au pouvoir exécutif sur l'administration, et
qui jugeât le contentieux, d'après les prin
cipes de la loi de 1845. C'eût été un moyen
d'éviter les principaux inconvéniens de la
conception malheureuse qui a trouvé place
dans la Constitution.
Quoi qu'il en soit, si le projet de loi est
adopté par l'Assemblée nationale, c'en est
fait d'une grande et belle institution, à la
quelle nous devons les progrès de l'admi
nistration française, que personne ne son
geait à attaquer et dont l'expérience et la
sagesse étaient reconnues par tout lemonde.
Reste la question du personnel, question
plus scabreuse, plus délicate, et qu'il faut
cependant traiter avec une complète, fran
chise. En 1814, on a reproché non sans rai
son au sénat impérial, d'avoir oublié les
intérêts de la patrie pour ne songer qu'aux
intérêts de sa dotation. Si le projet de loi sur
le conseil d'Etat est adopté, n'est-il point à
craindre qu'on ne dise que l'Assemblée cons
tituante a eu trop de souci de l'impatience
de certaines ambitions?
Quand il s'est agi, au sein de la commis
sion, de la nomination des quarante-huit
conseillers d'Etat, trois opinions ont été en
présence : l'une, et il faut convenir que c'é
tait la plus digne, la plus convenable, la
plus conforme au texte comme à l'esprit de
la Constitution, voulait que le choix des
conseillers d'Etat fût laissé à la prochaine
Assemblée; C'était là une preuve de désinté
ressement et un acte de bon goût. D'autres
soutenaient qu'il fallait que l'Assemblée ac
tuelle nommât tous les conseillers. Il ne s'a
gissait de rien moins que de quarante-huit
places de 12,000 fr., dont la distribution
aurait été dévolue à l'Assemblée. Le troisiè
me avis a prévalu : on s'est arrêté à un
moyen terme. L'Assemblée actuelle, d'après
le projet de loi, élirait vingt-quatre conseil
lers, et le surplus sera choisi par la future
Assemblée.
Il est bon de noter quede ces vingt-quatre
places dont l'Assemblée pourrait disposer,
la moitié peut être accordée à des membres
de la législature actuelle. Nouvel embarras,
nous aimons à le croire, pour l'Assemblée
nationale. Nous ne parlons pas des compé
titeurs qui sont, à ce qu'on assure, fort ar-
dens. Eux, sans doute, se résignent aisé
ment à ce pis-aller. Quelques-uns, si nous
ne nous trompons, redoutent l'épreuve élec
torale et ne sont pas fâchés de s'assurer, en
cas de malheur, un dédommagement.
Un des articles du projet de loi semble
favoriser ces calculs de la manière la plus
ingénieuse; L'entrée éri fonctions des con
seillers choisis dans l'Assemblée est ajour
née jusqu'après les élections prochaines. Lïs
conseillers, nommés pourront alors se pré
senter devant les électeurs.: s'ils réussissent,
ils opteront'entre leur mandat et la place
qui leur aura été octroyée in petto; s'ils suc
combent, ils se consoleront en tirant leur
nomination de leur poche, -et- ils resteront
conseillers d'Etat. »
, Les; douze autres placés, auxquelles l'As
semblée devrait pourvoir, : aux termes du
projet de loi, ne sont pas moins convoitées,
dit-on. D'anciens commissaires révoqués,
des préfets destitués espèrent obtenir, à ce
qu'on affirme, cette compensation. Les solli
citeurs sont nombreux, plus nombreux,
comme toujours, que lés places à donner.
On a blâmé l'austérité exagérée de la pre
mière Assemblée constituante, qui décida?
en mettant fin volontairement et noblement
à sa glorieuse existence, que nul de ses
membres ne pourrait ligurer dans l'Assem
blée future. L'Assemblée constituante de
1848 peut être convaincue qu'elle ne s'at
tirerait aucun reproche si, en créant qua-
rajite-huit places de 42,000 fr., elle décla
rait que lès titulaires seraient choisis par
l'Assemblée suivante, surtout lorsqu'elle
réconnaît que le nouveau conseil d'Etat rie
peut entrer en fonctions qu'après les élec
tions prochaines. ;
La commission chargée de l'examen de
la proposition de M. Rateau et de toutes les
autres propositions ayant pour objet, soit la
fixation d'pn jour pour la cessation des pou
voirs de l'Assemhlée , soit la limitation du
nombre des lois organiques, s'est réunie au
jourd'hui pour la troisième fois. Tous les
membres de la commission étaient présens ,
et ont pris part à la discussion. M. Grévy a
été nommé rapporteur, et la commission a
conclu au rejet pur et simple de toutes les
propositions qui lui étaient soumises, comme
de toutes celles qui auraient pour ,but la
dissolution de l'Assemblée. Après de telles
conclusions, qui simplifien t à ce point le tra
vail du rapporteur, le rapport ne peut tar
der à êtreprésenté en séance publique.
La proposition suivante, sur la discussion des
lois organiques, a été présentée par le citoyen
Montrol, el envoyée au comité de législation :
« L'Assemblée nationale, voulant assigner un tt-r-
me prochain'à sa durée, et assurer autant que pos
sible 1 l't-xécution de son décret du 11 décembre, dé
crète : Qu'elle révisera ce décret; et ctittsacrera dé
sormais une séance de six heures, ou deux séances
par jour, k la discussion des lois organiques qu'elle
aura jugé les plus urgentes. »
Il y a eu aujourd'hui réunion dans les bureaux
pour la nomination d'une commission de quinze
membres chargée d'examiner le compte spé
cial des dépenses faites et ordonnancées par le
Gouvernement provisoire depuis le 24 février
jusqu'au - M mai 4848. Cette nomination n'a
pas donné lieu à des discussions bien sérieuses.
t)ans le 4 e bureau, M. de Trédern a dit qu'il
s'agissait d'un examen impartial et qu'il serait
peut-être bon, dans l'intérêt même du Gouver
nement provisoire, que la commission ne fut
pas entièrement composée de membres recon
nus comme ardens partisans de ce premier Gou
vernement de la révolution.
Une seule chose est à recommander au com
missaire, c'est d'entendre personnellement les
intéressés, si quelques doutes s'élèvent sur l'em
ploi des fonds, afin que la discussion publique
n'amène pas le reproche déjà élevé hier à la tri
bune par M. Flocon au sujet du rapport sur le
crédit demandé pour dépenses non régularisées.
M. Grellet, qui a été nommé commissaire dans
le 11 e bureau, a dit que les dépenses que l'on
reprochait au Gouvernement provisoire avaient
déjà, été constatées en partie par les demandes
de crédit supplémentaire formées par M. le mi
nistre de l'intérieur; qu'il fallait, au reste, que
la vérité fût connue tout entière, quoique 1 on
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 20 JANV.
le cabinet mm.
TROISIÈME PARTIE.
LA GEORGIENNE.
CHAPITRE SXIII.
CE QU'IL ADVINT DE GIOnGINA.
Pour Alexis, dans l'aventure qui st présentait,
il y avait deux partis à suivre—ou voir dansGior-
giria une créature déchue, reste de la lubricité
d'un barbare, et, à ce compte, la prendre comme
jine de ces bonnes fortunes à la passade, qui,
sans déchirement et sans lutte, se dénouent,
moyennant quelques sacrifices d'argent, d'abord
que tout le plaisir en a été extrait, — ou traiter
gravement saprotégée, comme une sorte dedépôt
sacré que la Providence remettait à ses mains
avec la mission de l'initier à nos mœurs et à no
tre civilisation.
À vingt ans,dans tout amour on met du sérieux;
aussi est-ce dans le dernier sens qu'Alexisprit son
chemin, et au lieu de traiter lestement la ren
contre,une fois Giorgina provisoirement déposée
dans un appartement garni, espèce de ressource
toujours sous la main à Paris,il s'occupa delà
manière dont il pourvoirait à un avenir dont il
admettait que toute la responsabilité reposait
sur lui. .
N'ayant par devers lui que quelques courtes resr
Sources, résultat de ses économies sur les appoin-
lemens de cette place qui, venait de le quitter,
pouvait-il, avec ce mince pécule, pourvoir à sa
propre existence, et constituer celle de Giorgina
sur un certain pied? La vie d'étudiant et de man
sarde, où les chansonniers vous disent qu'amour
et- contentement passent richesse, a toujours un
jcôté scandaleux qui ne lui souriait guère, et d'ail
leurs, où serait l'amour, quand Giorgina n'en était
tout au plus avec lui qu'à la reconnaissance ; et
Voir notre numéro du 19 Janvier.
Toute reproduction, même partielle, de cet ourrage,
«t interdite, et lerût pourfuiru) comme contrefaçon.
le contentement, comment l'attendre d'une fem
me habituée h toutes les mollesses et à toutes
les insouciances du harem, et de là tout-k-coup
transportée dans une atmosphère de gêne et de
privations?
A son embarras Alexis crut avoir imaginé un
reincde, celui d'aller trouver la princesse de
F et, en 1 : intéressant à la bonne action qu'il
voulait faire, de la décider à l'y aider de sahaute
influence et de son crédit.
Véritablement, dans ce parti pris, il y avait
honneur et courage, car le pauvre jeune homme
avait déjà bien de l'amour au cœur, et il ne
pouvait pourtant point espérer que, devenue sa
complaisante, Mme de F ...... en accordant à
Giorgina son puissant patronage, la laissât en
même tems à la merci des espérances et des dé
sirs qui pouvaient couver en lui.
Sans s'arrêter à cette considération égoïste,
il fit généreusement son sacrifice et, se présen
tant chez Mme de F il demanda l'honneur
d'être admis auprès d'elle. Mais toute espèce de
souvenirs de l'ambassade persanne.se recom
mandait mal à la princesse avec laquelle Mirza-
Babba n'avait pas fait une'fin fort courtoise, et,
nonobstant- plusieurs tentatives répétées , notre
philanthrope ne parvint pas à être reçu.
Se doutant bien du motif qui lui faisait don
ner l'exclusion, il prit le parti d'écrire, et, dans
une lettre fort pathétique, raconta la manière
dont il avait dû sauver la vie de la belle esclave
et l'embarras où il se trouvait pour donner une
suite honorable à cette première et engageante
démarche.
Lettre pour lettre, il reçut la réponse qui suit;
« J'ai lu, Monsieur, avec un vif intérêt l'histoi
re de la répudiation de Mlle Giorgina par no
tre ex-ami l'ambassadeur et celle du dé voûment
quelque peu romanesque qui vous a décidé à
la recueillir de ses mains. Mais que voulez-
vous que l'on fasse d'une fille sans éducation,
ne parlant même aucune des langues de l'Eu
rope, et qui, dans toutes les conditions où
l'on pourrait avoir la pensée de la placer, a le
malheur d'apporter avec elle une beauté à de
venir pour la maîtresse de la maison un su
jet de soucis ou d'embarras ? Tout ce qui me
paraît exécutable, c'estdevous offrir une lettre
pour la supérieure des Filles delà Madeleine-,
» là on recueille les filles, qui veulent revenir
» sur leurs pas. Si votre protégée ne met pas
» d'obstacle à cette vue sur elle, et surtout,
» Monsieur, si vous y entrez, vous-même, faites-
» le moi savoir par un mot, et ma rccomman-
» dation vous parviendra sans aucun délai,.
» P rincesse de F.... »
Si Alexis avait pris sa situation par le côté
joyeux, il eût trouvé qu'il se rencontre souvent
bien de la comédie dans la marche des destinées
humaines, et cette idée de faire une religieuse
d'une odalisque, lui eût paru une assez , divertis
sante bizarrerie.
Mais, on le sait déjà, le bon jeune homme se
posait en grave protecteur, et sans parler du ton
général de la lettre, qui lui parut d'une femme
sèche et sans cœur, un mot, celui de condition,
qui supposait qu'on voulait faire de Giorgina une
femme de chambre ou une gouvernante d'enfans
le transporta d'indignation. « Elles veulent la ra-
» baisser, — se dit-il, — parce qu'elle les écrar
» se toutes par sa beauté, » et la généreuse co
lère d'Alexis fut sur le point de faire naître dans
son esprit la pensée d'une ressource désespérée
et extrême qui, en lui donnant tout à coup l'ai
sance, lui eût permis de faire de Giorgina une
reine de la mode, devant laquelle se fussent éclip
sés les charmes des femmes les plus élégantes et
les plus courues.
Toutefois, quand il n'aurait pas eu l'instinct
d'une possession plus tranquille et plus modeste,
le terrible pas que lui-même aurait eu à franchir,
-n'était point de ceux qui se font sur un simple ac
cès de mauvaise humeur, et sans 1 des entraîne
mens et des réflexions multipliés. Aller deman
der au Cabinet noir de faire les frais de sa bien
faisance, c'était là l'éclair d'une velléité qui, tra
versant rapidement son libre arbitre, devait à
peiney laisser une trace. Aussi bien, par ce phé
nomène de .l'invention qui, dans l'idée que l'on
écarte, vous fait souvent mettre la main sur l'idée
cherchée, Alexis arriva à extraire de la malveil
lante ouverture que lui avait insinuée Mme de
F..., une combinaison, à son avis, très suppor
table, èt qu'il se mit aussitôt en devoir de réa
liser.
Cette imagination consistait à placer Giorgina
dans un pensionnat de jeunes demoiselles, et
voici l'enchaînement de circonstances et de sou
venirs par lequel Alexis fut conduit à s'aviser
de ce parti.
Le jour où avait eu lieu ce duel que lui avait
ménagé le marquis de Saint-Faust, et où il avait
.failli laisser sa vie, commeon leramgnait blessé
du bois de Boulogne, par suite de la grande
quantité tic sang qu'il perdait, il fut pris d'une
défaillance qui donna beaucoup d'inquiétude à
ses témoins.. On se trouvait alors au village des
Thcrnes, cl une maison isolée, occupée par une
institution de demoiselles, était le seul endroit
où l'on pût réclamer pour lui quelque assistance.
Reçu par la maîtresse de l'établissement avec
une bonté parfaite, Alexis, pendant plusieurs
heures, y fut l'objet de soins intelligens et
empressés auxquels peut-être il avait dû son
• salut. Depuis, quelques visites avaient acquitté
•la dette de sa reconnaissance, et quoique, dans
la grande distraction de la vie parisienne, cette
relation se fût à peu près éteinte, L'ancien
obligé de la charitable institutrice, aussitôt que
sa pensée se fut tourné vers elle, ne désespéra
pas de l'intéresser au sort de sa protégée.
Même avec une personne qui lui eût été en
tièrement étrangère, Alexis se fût reproché d'u
ser de duplicité et ce fut par un aveu complet et
naïf de la position vraie dé Giorgina qu'il solli
cita la pitié pour elle.
Le succès dépassa son attente : femme d'im a-
ginatioh et, il faut bién le dire, ayant sur la ma
nière dont on fait le succès d'une maison, quel
ques idées de bruit extérieur qui côtoyaient up
peu le charlatanisme, la maîtresse du pensionnat
éprouyait pour toute espèce de moyens de publi
cité pouvant appeler l'attention sur son éta
blissement, les entraînemens les plus décidés.
— Assurément, — dit-elle à Alexis avec une
vivacité de paroles et d'impressions qui lui était
particulière, -r- nous ne ferons pas la faute d'al
ler conter, au public que cette pauvre enfant est
une échappée des menus plaisirs de M. l'envoyé
persan. Mais on la verra ici avec son costume
pittoresque, sa beauté caucasienne, entourée
d'une atmosphère de mystère qui sera du plus
grand effet. Pour faire à la vérité trop nue les
petits ornemens qui- seront nécessaires, nous
serrerons de très près, la réalité et jouerons un
bon tour à votre Mirza-Babba, en donnant sous
le plus grand secret du monde, pour sa fille na
turelle, celle dont ce vieux singe n'a plus voulu
dans son harem. Pour ce qui est de l'inconvénient
que l'accointance d'une femme déjà faite pour
rait présenter pour mon innocent troupeau, c'est
une chose dont je me charge ; elle n'aura avec
mes petites èt grandes filles que péuou point de
communications, mangera à ma table et habite
ra une chambre particulière. 11 n'y a que le
maître de musique qui m'inquiète un peu : ces
chanteurs de romances ont d'insolentes aptitudes
pour tourner la tête des femmes, et pour peu que
cette pauvre enfant ait de combustible au cœur...
— Mais,— dit Alexis, en se jetant au travers
de ce déluge de projets et de prévisions, — il y
aurait un moyen bien simple, ce serait de ne
pas faire apprendre la musique à votre nouvelle
élève, ou d'avoir un professeur un peu plus mûr
un peu moins langoureux.
— De vieux professeurs ! — s'écria l'institu
trice; — vraiment oui! pour perdre une maison,
c'est ce qu'on peut imaginer de plus efficace !
des gens qui, avec leur tabac, font horreur aux
élèves; qui transportent dans leur enseignement
la mauvaise humeur de leur gravelle ou de leurs;
rhumatismes, qui prêtent le flanc par vingt ri
dicules, et qui, ayant leur réputation faite, sont'
d'un prix exorbitant.
f-:Mais enfin, — reprit Alexis, — pour Gior
gina, les arts d'agrément ne sont pas ce qu'il
y a de plus pressé : la première chose, c'est
qu'elle apprenne le français; dont elle ne saitr
pas à l'heure qu'il est le premier mot, et même,
en commençant, il faudra bien que je m'en mêle,
car j'aurai sur vous l'avantage, ma chère insti
tutrice, de pouvoir lui donner les élémens de la
grammaire dans la langue qu'elle parle et que i
je sais aussi. ;
— C'est-à-dire que Monsieur le protecteur
n'est pas fâché d'avoir une occasion devenir voir;
presque tous les jours sa protégée ?
— J'en passerai, Madame, au sujet de mes
visites, par tout ce qui vous paraîtra convena
ble. Seulement, je vous ferai remarquer que je
suis pour cette pauvre dépaysée la. seule per
sonne qui lui représente des amis, une famille;
elle m'a paru d'ailleurs avoir de grandes aspi
rations pour cette liberté que nous allons encore
lui ajourner, et, vrai, je crois qu'ayant à l'appri
voiser au régime du pensionnat, supprimer de
ma part toute intervention, serait malhabile et
dangereux.
— Vous plaidez votre cause à ravir,—répon
dit l'institutrice, — et d'ailleurs vous êtes hom^
me d'honneur, et ne voudriez pas payer d'un
scandale la courageuse hospitalité que je donne
à! votre jeune fille dans ma maison. '
— Maintenant, — dit Alexis, — reste à ré
gler entre nous les conditions de la pension.
7 Ici s'engagea entre les parties contractantes
un vrai combat de générosité. L'institutrice di
sait que Giorgina étant pour elle un enseigne, ce
serait déjà beaucoup faire que de solder les frais
et déboursés bruts de sa présence dans l'établis
sement. Alexis, au contraire, tout en convenant
qu'il n'était point un prince russe, insistait pour
savoir le prix courant de la pension et payer
quelque chose en sus, vu la position exception?
nelle que l'on faisait à la nouvelle élève. De ca
débat et de quelques explications que l'ex-secré-
taire de Mirza-Babba fut entraîné par là même
à donner sur sa position, résulta une combinai-
naison aussi agréable qu'imprévue. La maîtresse
de pension s'aperçut tout à coup que, vu sès
voyages, Alexis pourrait être un excellent profes
seur de géographie ; de plus, elles'ingénia qu'un
cours de littérature orientale où, sans prétendre
professer à ses pensionnaires les langues ardues
de l'Orient on leur donnerait par la traduction
une teinture de ses chefs-d'œuvre, "procurerait-
à sa maison un immense relief. C'était, en effet,
lui ménager la recommandation d'un enseigne
ment tout exceptionnel, ce que de nos jours on
aurait nommé une spécialité.
Dès-lors toute lutte était terminée, le prix
des soins, donnés par Alexis aux élèves du pen
sionnat 1 devait passer en compte du prix que
lui-même se serait engagé à payer pour l'hospi
talité accordée à la belle esclave. Ainsi pourtant
va lé monde ; entré suppliant et fort empêché
chez l'institutrice, il en sortait L'un de ses col
laborateurs et des hommes de sa confiance. Il
; était humblement venu demander un service, et
il ne tenait qu'à lui de se persuader que c'était
lui qui le rendait., *
CHARLES RABOU.
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