Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-18
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 janvier 1849 18 janvier 1849
Description : 1849/01/18 (Numéro 18). 1849/01/18 (Numéro 18).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
JEUDI 40 JANVIER 1849.
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BUREAUX A PARIS :
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FOn s'abonna dans les d&parlemens, an messageries et
aux directions des poales. — A J/ondres, ches MM. Cswie tf
JU*.—A Strasbourg, chez Alexandre, pour L'Albamagn*.
; S'adresser franco, pour la réâaclioa',
• à M. M erruau , gérant.
Le! «rtioîe» déposés se m ront pw renie t.
' PARIS.
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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Lc« «nnoncoi sont reçue», de Il à 4 îseore».,"
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i îo«U inMrtlQn doit être igréte par le gérant
6'idresftor franco ; pour .l'admiaUtratios, ;
à M. denain , directeur. '
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: Le parti des républicains de la veille qui ;
pousse l'Assemblée constituante à prolonger
son mandat au delà de ce qu'on peut appe
ler sa durée morale, et qui en môme temps
se sert dë toutes les occasions pour provo
quer la majorité des représenta ns à des actes
d'opposition systématique contre le Gouver
nement forme après l'élection du 10 décem
bre, ce parti-là, se rend-on bien compte du
rôle qu'il veut faire jouer à l'Assemblée?
Ce rôle est très grave. Qu'on yi^renne gardé !
11 ne tend pas à moins qu'à annuler, autant
que cela se peut faire, le vote.le plus impo
sant par sa grandeur numérique, le vote
moralement le plus impératif qu'ait jamais
émis la France consultée dansrPuniversilité
de ses citoyens. Il tend en ef[et à réconsti
tuer le pouvoir tel qu'il était avant que ce
vote ne l'eût renversé, c'est-à-dire à faire
rentrer ce pouvoir dans le système et dans
les mains dont le peuple souverain, par.l'oç-
gane de près de six millions de voix, avait
entendu le faire sortir. Il y a là une résis
tance à la volonté nationale exprimée par
la plus claire de ses manifestations.
Nous avons vu des rois résister à dés as
semblées; mais ces assemblées étaient issues
d'un électorat restreint, et ces rois pou
vaient croire ou se dire pour prétexte, .que,
s'ils avaient le pays légal contre eux, ils
avaient pour appui le pays tout entier, ce
pays même frappé d'exclusion politique par
leurs l'ois. Aujourd'hui, les hommes dispo
sés aux capitulation; de conscience n'ont
plus cette ressource. Le pays légal, c'est tout
le monde ; et de tout le monde, il faut bien
convenir qu'on n'en peut appeler à personne.
Comment donc ceux qui se vantaient d'avoir
inventé le suffrage universel, peuvent-ils
contester les arrêts de ce grand tribunal en
dernier ressort? '
Ils équivoquent sur le sens du vote? Mais
que l'équivoque est insoutenable ! Ils disent
que ce vote est tout simplement une option
entre deux candidats ; le peuple a pris le nô
tre et repoussé le leur. Ils respectent l'élu
du peuple, mais ils ne sont pas tenus de res
pecter un système de gouvernement qui
n'était pas en cause, et ils suscitent tous les
obstacles possibles à ce système, ce qui ne
les empêche pas de professer un véritable
culte pour la souveraineté populaire. Voilà
l'argument. Il n'y avait pas, disent-ils, dans
l'élection de la présidence, tout un système
et tout, un personnel de gouvernement en
cause. Entendez-les cependant parler d'une
élection quelconque, ou ils auront eu un
minime avantage ; la dernière élection du
Bas-Rhin, par exemple. C'ést le ministère
tout entier qui est' condamné dans la nomi
nation de leur candidat. Le plus petit triom
phe local devient pour eux un grand triom
phe. politique ; et la plus capitale, la plus
politique des élections, celle du Président
de la République, n'est pas une affaire de
système politique; c'est, un ballotage entre
des noms propres, c'est pour nous servir
d'une expression tant de fois employée par
le National pendant la lutte, une préférence
donnée à un certain arrangement de syl
labes.
Rappelons un peu aux républicains de la
veille.les faits qui ont précédé l'élection.
Nous ne sommes pas étonnés de les voir
susciter tant d'obstacles à ce qu'a voulu le
suffrage universel. Ils s'en défiaient. Les uns
ne voulaient pas qu'il y eût de président de
la République, ce qui dispensait, de soule
ver même la question du mode d'élection.
D'autres, en' plus grand nombre, voulaient
qué le chef du pouvoir exécutif fût nommé
par l'Assemblée. Cette propositions été .re
poussée comme portant atteinte air*principe
de la souveraineté populaire. Dès qu'il a été
décidé, selon le droit du régime nouveau,
que le président serait nommé^ap x ^ voie du
suffrage urfiversel, tout un plaijflqtçonduile
a été arrêté, convenu, suivi eîitr&le Gou
vernement d'alors et l'Assemb % plan très
rationnel, très légitime, qui semblait offrir
de grands avantages. UneuniosiiHji'ne exis
tait entre l'honorable général Càvaignac
et la majorité de la chambre. Cette majo
rité l'adoptait pour candidat. S'il était nom
mé par lè pays, la chambre, s'appuyant sur
... ..
le décret desiois organiques, pouvait con
tinuer de gouverner avec lui. En prolon
geant son existence comme Assemblée légis
lative, elle faisait durer l'harmonie entre le
pouvoir parlementaire et le pouvoir exécu
tif. Cette combinaison faisait naître un es
poir de stabilité, de cette stabilité que les
peuples apprécient, surtout quand ils vièn-
nent d'être éprouvés par une rapide succes
sion de changement politiques.
Restait à savoir si le pays s'associerait à
ce plan. Il fut un moment question de pro
roger l'Assemblée, pour que les représen
tai pussent se rendre auprès de leurs man
dataires et leur exposer les avantages de ce
systèiAe.' A défaut de prorogation, il y a eu
les congés. C'est un fait notoire qu'un grand
nombre des membres de l'Assemblée, qui
adhéraient à ce plan de conduite, ont été le
préconiser, le soutenir dans le départemens.
Quand le scrutin s'est ouvert, tout le monde
était averti qu'il ne s'agissait pas seulement
d'opter entre deux candidats, mais entre deux
systèmes de gouvernement, et, corrtme nous
l'avons dit nous-mêmes, entre deux partis
de gouvernement. Le suffrage universel a
parlé ; et il s'est prononcé, bien moins en
core, on peut l'affirmer, contré l'honorable
général Càvaignac, que, contré le. système
dont il était l'expression, système qui avait
pour conséquence naturelle de prolonger
l'existence de l'Assemblée, et de maintenir
au pouvoir les hommes et le parti qui y
étaient alors 1 . . '
Cela est si vrai, que, le lendemain de l'é
lection, les républicains de la veille, haly-*
tués à ne considérer comme républicains
que ceux qui l'étaient avant la République,,,
convenant que le pouvoir avait été dé%ô,
par ce vote aux hommes môdérés, disaient
Nous allons voir comment la République
sera gouvernée sans les républicains. Ainsi,
nos adversaires proclamaient eux-mêmes
l'une des conséquences du vote: c'est que le
pouvoir leur était retiré par la France. Ce
même vote avait une autre conséquence ;
c'est que la prolongation de l'Assemblée,
très raisonnable, désirable même dans l'hy
pothèse d'une autre nomination, devenait
incompatible, impossible avec la nomina
tion que la France venait de faire.
En effet, le nouveau Président, et on en
convenait dans le parti contraire, était obligé
de prendre son ministère dans la minorité
de l'Assemblée : sans quoi y il l'aurait pris ,
dans la minorité du pays. Il ne pouvait, lui
l'élu de la nation , remettre le pouvoir aux
hommes d'entre les mains desquels la nation
avait voulu que le pouvoir fût retiré. Ces
derniers, cependant, ont la majorité dans
une chatnbre qu'on ne peut dissoudre. Si
encore les républicains de la veille, par res
pect pour le suffrage universel, et dans l'in
térêt de la République fondée depuis si peu
de temps , conseillaient aux représentans de
leur parti une politique de résignation et de
réserve vis-à-vis du pouvoir ministériel né de
la grande manifestation populaire du 10. dé
cembre, le pays attendrait avec moins d'im
patience que l'Assemblée mît un terme à son
mandat. Mais il n'en est pas ainsi. Les répu
blicains de la veille conseillent à la chambre
l'opposition systématique. Ils ne compren
nent, ils n'approu vent qu'une telle conduite.
Et nous le disons avec regret, la majorité a
le malheur de suivre trop souvent ces fu
nestes conseils.
On sait par quel vole fatal à nos finances,
cette majorité a débuté vis-à-vis du pouvoir
nouveau. Ceux qui ont élargi d'une manié-:
re si inopportune la plaie de notre délicat,'
ont dit qu'ils avaient voté pour la question
elle-même et non contre le cabinet. Soit;
nous le croyons; mais depuis lors combien
n'avons-nous pas vu d'actes portant le ca
ractère d'une hostilité systématique! Tout
est sujet d'opposition. Le parti vaincu dans
le scrutin du 10 décembre, ne laisse passer
aucune occasion de montrer qu'il a la su
périorité du nombre dans l'Assemblée. S'a
git-il de nommer les présidens et lès secré
taires de bureau, les choix sont pris exclu
sivement dans la petite église des républi
cains conformistes. Il en est de même pour
toutes les commissions. On crée, comme à
plaisir, des embarras au pouvoir; on l'acca
ble sous des interpellations dont le seul but
est de susciter des difficultés. Puis, emprun.- '
tant les traditions d'un tout autre régime, >
prétendant faire revivre des règles qui ne :
sont applicables qu'à une situation tqute '
différente, on fait entendre au cabinet qu'il
n'est pas. dans une situation parlementaire.
Quel effet croit-on qu'une pareille guerre, •
une guerre incessante, produise sur l'opi
nion publique?
Le pays s'en inquiète. A chaque instant,
il craint de voir s'élever un conflit d'une
plus grande gravité. Mais nous osons affir
mer que ceux qui font éprouver ces échecs
en sont moralement plus blessés que le pou
voir qui les subit. Phis lés rapports du" pou
voir avec la chambre sont rendus difficiles; :
plus on désire, plus on est disposé à deman
der avec instance que l'existence de l'As
semblée atteigne son terme. Car, enfin, ou
le pouvoir serait rendu impossible, ou il
faudrait le remettre aux nyiins qui le tenaient
avant le vote du 10 décembre. Mais alors
ce vote national serait annulé, et, pour se
mettre d'accord avec la majorité de l'Assem
blée, il faudrait la placer en dehorë dela ' ;
majorité du pays. Ést-ce qué les républi
cains ne sont plus d'avis aujourd'hui que le
dernier mot appartient au pays? et n'est-ce
pas le pays qui a parlé le dernier ? ou souf
frez qu'on se conforme à son avis, cessez ,
une résistance systématique contre le vœu
dû suffrage universel, ou si le jugement qu'il
-a porté ne vous paraît pas assez clair, sans '
prolonger un conflit désastreux pour les in
térêts de la France, consentez à replacer au %
plus tôt la question devant lui dans une élec- 4
^.tion générale.
Les dernières séances suffiraient à dé-
'montrer que l'Assemblée nationale a bien
réellement épuisé son mandat et terminé
son œuvre ; la force et la vie l'abandonnent;
c'est tout au plus si elle peut réunir à deux
heures le nombre de membres nécessaires
pour valider ses votes ; aujourd'hui, comme
hier, il a fallu procéder au scrutin de divi
sion pour constater les noms des absens, et
la séance s'est passée en débats sans intérêt,
L'Assemblée .n'a été tirée un moment de
sa torpeur que parla présentation d'un pro-,
jet de décret ayant pour but de convoquer
la hauté cour de justice, instituée parla
Constitution, pour juger les auteurs et les
complices de l'attentat du 15 mai, qui vien
nent d'être mis eh accusation par un arrêt
de la cour d'appel de Paris du 4G de ce
mois;' la haute coar doit se réunir à Bourges
. dans le mois qui suivra la promulgation du
décret; on sait que la cour de cassation a
déjà désigné les cinq membres qui doivent
en faire partie; le pouvoir veillera à la mise
à exécution des autres dispositions et no
tamment à la constitution du jury.
Le décret, sur la demande de M. Odilon r
Barrot, qui l'avait présenté, a été renvoyé
aux bureaux, qui auront à nommer une
commission chargée de faire un rapport sur :
la question d'urgence. Si le rapport est lu
demain, l'Assemblée pourra passer immé
diatement à la discussion, et le décret pourra
être adopté séance tenante.
L'ordre du jour appelait la première déli
bération sur le projet relatif à l'indemnité
à accorder aux colons par suite de l'affran
chissement des esclaves; mais on a objecté
qu'un nouveau rapport avait été fait par la
commission, qu'il n'était pas encore impri
mé, et que comme il concluait à un change
ment de système, il serait convenable d'at
tendre qu'il pût être mis sous les yeux de
l'Assemblée. La première délibération a été,
en conséquence, renvoyée à après-demain.
On s'est occupé alors d'un projet tendant
à secourir les industries diverses qui se rat
tachent à l'industrie des voitures ; la com
mission en a proposé le rejét ; elle s'est fon
dée sur la situation de nos finances, qui ne
permet pas d'engager lé crédit de l'Etat pour
venir en aide à toutes les industries en souf
france ; elle à fait valoir en outre que l'a
doption de la mesure ne Jfera.it pas confec
tionner dans Paris deux voitures déplus ;.Ics
conclusions de la commission ont été adop
tées sans discussion; oç a seulement présen
té, à cette occasion, des observations en fa
veur des armuriers de Paris, qui attendent
encore une indemnité pour les pertes éprou
vées par eux dans, les journées de février, et
de juin. ; ' > T >
L'Assemblée a décidé-ensuite qu'il y
avait Jiou'-à passer à une seconde délibéra
tion 'sur proposition relative/aux majo-
rats et aux substitutions ; une proposition de
M. Astouin, relative au privilège des salaires
des ouvriers a été, contrairement aux con
clusions du comité de législation, renvoyée
à une commission nommée dans les bureaux ;
on a également renvoyé aux bureaux, con
trairement aux conclusions du comité du
commerce, une proposition de M. Alexan
dre Martin, ayant pour objet la création
de banques départementales.
Les pétitions ont. rempli la fin de là
séance ; M. le président a déclaré que l'As
semblée n'en avait pas reçu moins de 8,000 ;
nous en avons distingué une aujourd'hui qui
demande qu'on érige l'athéisme en science,
et qu'on l'enseigne dans les collèges.
Une interpellation, adressée à la commis
sion chargée de rédiger la loi- électorale, a
eupour résultat de nous apprendre que cette
commission avait nommé son rapporteur, et
que celui-ci devait donner, communication
de son travail dans le courant de la semai
ne prochaine.
Une proposition a été déposée par M.
Etienne, pour que l'Assemblée fixât le trai
tement du vice-président avant de procéder
à là nomination.
L'Assemblée nationale doit examiner de
main le projet de loi tendant à ouvrir un
crédit lie 581,000 fr. au ministère de l'inté
rieur pour dépenses diverses effectuées sans
crédits réguliers à la suite de la révolution ;
le rapport présenté par M. Lempereur, au
nom du comité des finances, contient des
renseignemens qui méritent d'être signalés ;
nous les ferons connaître en peu de mots.
Le chapitre qui fixe principalement l'at
tention est celui qui contient une demande
de 180,000 fr. pour traitemens et indemni
tés aux préfets. Il résulte, dit le rapport, des
documens fournis au comité des finances,
qu'en, évaluant à une période moyenne de
trois mois la durée de la, mission des com
missaires du Gouvernement provisoire, leur
traitement pendant cette période se serait
élevé à 455,000 fr,, tandis que le traitement
des préfets pendant la même période n'au
rait coûté, conformément au budget, que
426,000 fr. Ainsi, ,1e traitement des com
missaires du Gouvernement provisoire a ex
cédé de 29^000 f. celui qui avaitété affecté au
traitement des préfets. Mais ce n'est pas tout.
On réclama, en outre, pour dépenses diver
ses faites par les commissaires, sous le titre
d'indemnités extraordinaires, une somme
de 242,000 fr. De telle sorte que le montant
total des dépenses relatives aux commissai
res du Gouvernement provisoire en traite-
metis et"în"demnités extraordinaires, indé
pendamment du traitement alloué aux pré
fets, est de 271,000 fr. Et encore sommes-
nous prévenus que ce chiffre n'est pas défi
nitif, et qu'il ne sera possible de le connaître
exactement, que lorsque le ministère de l'in
térieur aura reçu les tableaux qui doivent
lui être envoyés par lès différentes préfec
tures à la. fin de chaque année pour l'exer
cice terminé. .
Voilà, on en conviendra, un fait assez
instructif à mettre en regard des déclama
tions de ces grands promoteurs d'économies,
de ces farouches pourfendeurs de traite
mens, qui s'élèvent avec tant d'énergie con
tre les dépenses du gouvernement déchu, et
qui prétendent refaire le budget de fond
en comble. Les préfets de la monarchie ne
nous auraient coûté que 426,000 fr; les
commissaires du Gouvernement provisoire
nous auront coûté au moins 697,000 fr.,
soit environ 65 0/0 ou deux tiers en sus.
C'est Un chiffre qu'il pourra être utile de
mettre de temps à autre sous les yeux des
républicains de la veille, lorsqu'ils vien
dront tonner contre les abus et réclamer
ces économies héroïques qui auraient pour
conséquence de bouleverser toute l'admi
nistration.
Nous retrouvons encore, dans ce projet
de loi, d'autres traces du désordre et du gas
pillage de cette époque. M. Ledru : Rollin n'a
pas fait moins de 60,000 fr. de dépenses
extraordinaires en têtes dé lettres, en. habil
lement de gens' de service, .'en mobilier de
bureau, ét autres menus frais, L'impression'
et l'affichage de ces fameux Bulletins; de là
République, qui ont, eu tant de retentisse
ment, figurent, pouF-40,000 fr. Nous avons
en outre près de 9,000 fr. pour impressions ét
publications extraordinaires faites; dans les
départemens. Car on a beaucoup imprimé
et publié pour répaiidre l'agitation dans tbiit
lepays.
,Le rapport nous apprend! .qu'à la suite du
24 février; 551,000 fusils, 8,000 mousque
tons, 156,000 sabres ont été pris dans les
arsenaux' et distribués à Paris et dans les
départemens. Combien de ces fusils étaient
entre les mains des insurgés de juin? Tout
ce que nous savons, c'est qu'un des premiers
soins du Gouvernement, à la suite de ces
déplorables journées, a dû être de retirer la
plus grande partie des armes, distribuées
par M. Ledru-Rollin, et de les réintégrer
dans les arsenaux. - , •
Enfin, le projet de loi renferme un cha
pitre par lequel un crédit de 60,000 fr. est
demandé pour secours de route à des ou
vriers et à des réfugiés étrangers, oc L'em
ploi de cette somme, dit le rapport, n'est
justifié que par une lettre du citoyen Flo
con, l'un des membres du Gouvernement,
adressée au ministère dè l'intérieur. Lé ci
toyen Flocon déclare que la somme lui a été
versée en trois paiemens, et qu'elle a été
employée : par lui à faciliter le départ des ré
fugiés et ouvriers polonais, allemands et ita
liens. Cette somme de 60,000 fr. a été ver
sée au citoyen Flocon, par ordre du gouver
nement provisoire, qui lui en a confié la
distribution. Le comité des finances croit
que l'on doit accepter la déclaration du ci
toyen Flocon, autorisé par le gouvernement
provisoire à agir comme il l'a fait. »
La commission chargée de l'examen dç la pro
position Rateau a commencé ce matin ses tra
vaux. Aussitôt qu'ils auront de l'intérêt, nous
en torons connaître les résultats à nos lecteurs.
Le comité du travail s'est réuni ce matin pour
entendre la lecture du rapport sur l'apprcntis-
ssge et passer à une dernière discussion du
projet.
Le rapport de M. Parieua été adopté sans
discussion parle comité.
Les bureaux sè sont réunis cé matin pour
nommer une commission da quinze membres, à
l'cilet d'examiner la demande en autorisation de
poursuites formée par le procureur' de la Répu
blique de Nîmes contre deux représentans du
peuple. L'examen de cette demande n'a pas
donné lieu à. de sérieuses discussions dans les
bureaux, dont la plupart se trouvent d'accord
pour refuser l'autorisation.
La chambre des mises en accusation et la
chambre des appels de police correctionnelle,
réunies sous la présidence de" M. le premier pré
sident, ont rendu hier l'arrêt dans l'affaire de
l'attentat du 4 5 mai.
Tous les prévenus qui étaient compris dans
l'ordonnance de prise de corps ont été mis en
accusation. Le cabinet a saisi aujourd'hui l'As
semblée nationale, comme on l'a vu plus haut,
d'un projet de décret pour que l'affaire soit ju
gée sans délai par la haute cour nationale, qui
se réunirait à Bloi's.
Les sieurs Blanqui, Flotte, Martin dit Albert,
Barbès, Sobrier, Raspail,. Quentin. Dégré, Lar-
ger, Borme, Thomas, Louis Blanc, Seigneuret,
Ilouneau, Huber, Laviron et Napoléon Chance!
sont accusés d'avoir,-en mai 1848, commis un
attentat ayant, pour but dé détruire où de chan
ger le Gouvernement,^ d'avoir à la même épo
que, commis un attentat ayant pour but d'exci
ter la guerre civile em portant les citoyens à s'ar
mer les uns contre les? autres;
Les sieurs CourtafS, Caussidière et Yillain
sont accusés de s'être rendus complices desdits
attentats, en aidant et assistant avec connais
sance les auteurs dans les faits qui les ont pré
parés ou facilités dans ceux qui les ont consom
més.
Huit de ces accusés sont contumaces; ce sont
les sieurs Louis Blanc, Seigneuret, Ilouneau,
lluber, Caussidière, Laviron, Chancel et Yil
lain.
SfOUVELÏaES ÉTRANGÈRES.
On
ITALIE,
a reçu le texte de la lettre de Pie IX,
adrçsséc à' ses Sujets, par laquelle il déclare ex
communié, sans qu'il soit besoin daucuaé'dé
claration, quiconque se rend coupable d'un at
tentat contre la, souveraineté temporelle des sbu,-
vcrains-pohtifes. Voici les, principaux passages
de cette déclaration
« Un nouvel acte d'hypocrite félonie et'de véri
table rébellion, est venu combler la mesure dë no
tre douleur et exciter en même.temps notre juste
indignation, comme il contristera' l'Eglise univer
selle. Nous voulons parler dé cet aôte détestable
soiis tous les rapports par lequel on a prétendu or
donner la convocation d'une soi disant âssemblée
générale nationale dë l'Etat-romain, par un décret
du 29 décembre dernier, flans le but do déterminer
de nouvelles formes politiques à établir dans les
Etats pontificaux.
i » Nous épargnerons h notre dignité l'humiliation
d'insister sur tout ce que renferme de monstrueux
cet acte abominable, et par l'absurdité de son origi
ne, et par l'illégalité des formes, et par l'impiété du
but; mais il appartient certes, à l'autorité apostoli
que dont, quoique Indigne, hous sommes investi^ et
à la responsabilité qui nous lie, par les sermens les
plus sacrés, devant le tout-puissant, lion seulemcrjf
de protester, comme-nous le faisons, de la manière
la plus énergique et la plus efficace contre cet acte,
mais encore de le condamner à la face de l'univers,
comme un'attentat énorme et sacrilège commis au
préjudice de notre indépendance'et de notre sou
veraineté, attentat qui mérite les châtimens por
tés par les lois divines, aussi bien que par les lois
humaines. -
» Afin qu'aucun de vous ne puisse prétexter d'a
voir été trompé par des séductions fallacieuses et
par les prédicateurs des doctriries subversives,- ni
d'avoir ignoré ce qiie trament lès ennemis de tout
ordre, de toute loi, de tout droit, de toute véritable
liberté et de votre félicité .même, nous voulons au
jourd'hui de nouveau élever et répandre notre voix
de telle sorte qu'elle vous rende parfaitemeilt cer
tains de l'ordre absolu par leqûél nous vous défen
dons, quels que soient d'ailleurs votre rang et votre
condition, de prendre, aucune. part aux réunions
qu'on osérait faire pour l'élection des individus à
envoyer à. l'assembleé condamnée. ' .
» En même temps, nous vous rappelons que cette
défense absolue que nous vous signifions est sanc
tionnée par les décrets de nos prédécesseurs et dconciles, et spécialement, du très' saint concile de
Trente {Sess. xxu, c. xi de Iieform.), dans lesquels
l'église, ii diverses reprises, a fulminé ses censures,
et principalement l'excommunication majeure qu'en
court, sans qu'il soit besoin d'aucune déclaration,
quiconque ose se rendre coupable d'un attentat quel
qu'il soit contre la souveraineté temporelle des sou
verains pontifes romains, comme nous déclarons
que l'ont déjà malheureusement encourue tous ceux
qui ont contribué {Tutti cotoro che hanno àalo opéra) à
l'acte susdit et aux acLes précédeiis accomplis au dé
triment de la même souveraineté, ou qui , de quel
que autre manière et sous de faux prétextes, ont
troubl \ violé et usurpé notre autorité. »
Il ne semble pas que celle mesureait eu d'au
tre effet que d'ajouter à l'exaspération des .dé
magogues qui continuent à.se faire suivre par le
peuple. Le oruit avait couru' qu'un mouvement
en laveur du pontife avait eu lieu dans le Trans-
levere. Celle nouvelle n'est point confirmée,
loin de là,, les journaux, ainis du parti qui gou
verne les. Etats Romains, rapportent que la p<5-
pulacc de ltome a l'ait des démonstrations de joie
le jour môme où la bulle d'excommunication a
dû être publiée. Des cris meuaçans ont été pro
férés contre les curés qui l'ont affichée, et, le soir,
des bandes ont parcouru les rues de Rome en
criant '.Vivent les excommuniés! Nousdevons faire
observer cependant que les récits qui nous par
viennent étant empruntés à divers journaux ra
dicaux sont nécessaicement suspects de présen
ter les choses sous l'aspect qui leur convient le
mieux. Le journal radical de Florence s'exprime
ainsi :
« La menace contenue dans là lettre de PicIX n'a
pas empêché la grande fête civique militaire pour
la bannière offerte parles Vénitiens aux Romains, La
fête a commencé h onze heures du matin. Le cor
tège s'est mis en marche de ia placé div^Pouple, et il
a suivi lé Corso jusqu'au Capitole.
» La marche était ouverte par les drapeaux véni
tiens, entourés de l'état-major que composaient les
officiers de toutes armes de Rome. Deux bataillons
civiques venaient ensuite, puis l'artillerie, puis
deux autres bataillons de la garde civique, tous les
bataillons de ligne qui sont à Rome, la gendarme
rie, lé bataillon universitaire, les légionnaires, les
cercles et une immense population, sans compter les
curieux en grand nombre qui encombraièntles rues.
» Hier soir, après la publication de l'encyclique
excommunicatoire, des rassemblemens ont monté le
Corso; ils ont enlevé de toutes les devantures des
boutiques de chapeliers, les chapeaux de cardinaux
qui y figuraient en montre ; ils ont promené ces
chapeaux processionnellement par la ville en chan
tant des hymnes funèbres, et arrivés au pont de
Sixto, ils ont jeté tous c*z chapeaux dSns le Tibre.
» Dans les faubourgs de Monti et Transtévère, de
grands charivaris ont été provoqués par l'excommù-
nication. Le peuple a sifflé les curés de Sainte-Ma
rie-Majeure et de Sainte-Marie-de-Transtèvère qui
avaient fait afficher l'encyclique : jusqu'après minuit
les rues ont retenti des cris du peuple qui faisait
grande fête (facendo grandi feste) et chantait des
chœurs. »
AUTRICHE.
Maintenant que Bude et Pesth sont occupés,
iaSfWSBBi
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 18 M.
1 V
LE CABINET IVOIR.
TROISIÈME PARTIE.
LA GÉORGIENNE.
CHAPITRE XXI.
G10RG1NA.
Il; va sans dire que, dans l'hôtel occupé rue
de Monsieur par Mirza-Babba, les femmes qu'il
faisait garder si soigneusement le jour de son en
trée, habitaient un corps de logis tout-à-fait isolé.
Quelles que fussent les distractions, qu'avaient
pu donner au sublime envoyé, et sa correspon
dance éthérée et quelques autres rencontres plus
terrestres, le régime de son sérail transplanté à
Paris n'avait rien perdu de sa rigueur et de sa
sévérité.
Habitant sous le même toit que les belles re
cluses, Alexis était encore à entrevoir le coin
d'un œil et le pli d'une robe ou d'un voile. Mal
gré quelques furtifs essais de curiosité, la seule
révélation qu'il eût oblenue de ce charmant voi
sinage, qui souvent l'avait fait rêver, c'était, de
temps à autre, quelques lointains accens de voix
qui lui arrivaient mariés aux mélancoliques ac-
cens.du théorbe; puis un jour, sur son passage,
certain remuement qu'il avait cru démêler der
rière une persienne et qu'aussitôt l'aigre voix
d 'un eunuque avait fort sévèrement réprimandé.
Que bien des fois, depuis cette lueur d'intelli
gence se dessinant dans la place ennemie, Alexis,
Voir notre numéro du 17 janvier.
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage,
fit interdite, et ferait poursuite comme contrefaçon.
saiiS avoir l'air de penser £ mal, eût coloyé la fe
nêtre d'où s'était fait entendre ce frôlement va
gue et presqu'insaisissable que pourtant il avait
recueilli, c'est ce qu'aucun de nos lecteurs n'au
ra pour incroyable; chacun sait en effet la pro
digieuse attraction- du mystère et du fruit dé
fendu.
Le curieux jeune homme, tout en évitant de
rien laisser deviner qui pût compromettre le cré
dit dont il jouissait auprès de son maître, allait
donc passant et repassant à portée du harem;
mais, continuant vainement ce manège depuis
plusieurs jours, il arrivait à désespérer de voir
donner une suite à ce commencement d'aventure
lorsqu'un soir, par un beau clair de lune, à tra
vers l'un des jours de la persienne, il voit tom
ber à ses pieds un souci.
Symbole mélancolique, cette fleur, qui s'épa
nouit sous le soleil d'automne, lui parut signifier
une beauté plaintive, soupirant pour lui dans les
fers et lui faisant offre de son cœur s'il pouvait
la rendre à la liberté.
Partant, nouvel intérêt à ses promenades, que
bientôt un nouvel envoi ne faillit point & récom
penser. Cette fois on lui parlait avec un bouquet
formé d'un frais bouton de rose, d'une touffe de
myosotis et de deux pensées à feuilles larges et
veloutées ; ce bouquet pouvait se traduire ainsi :
« Je suis belle et fraîche comme la rose ; plus
je vous vois, plus je vous aime; pensez à moi,
je pense à vous! »
La recommandation, à vrai dire, était bien
inùlilc, penser à sa mystérieuse correspondan
te, non-seulement Alexis ne faisait autre chose,
mîjis, sous la domination de cette idée unique, il
perdait peu à peu la prudence. De jour en jour
moins réservé dans ses démarches,; déjà il en
étatit à prétendre s'ouvrir l'entrée du harem, et
c'était grand hasard si, remarqué par les eunu-
quès, son manège, au premier moment, n'ame
nait quelque fâcheux éclat.
L'amour pourtant parut le protéger, car, lors
qu'il semait sur ses pas le péril, ce fut faveur
nouvelle qu'il récolta.
Au langage des fleurs se substitua la parolé
écrite, et, dans un billet venu toujours de la
bienheureuse fenêtre, on lui disaifdans le plus
énergique des dialectes persans : ■
« Si tu aimes, c'est bien ; on l'aime aussi ;
mais l'amour est une rose qui fleurit tout en
haut d'une roche escarpée, et, pour la cueillir,
il faut la poitrine forte et les pieds agiles.
■' » Seize ans, blanche comme un lys, des yeux
noirs comme une nuit sans étoiles, voilà la
femme qui t'écrit ; on l'appelle Giorgina, du
nom de son pays, Tiflis en Géorgie, et aujour
d'hui dans les fers, elle n'est pas moins une lille
noble. Czar Iracli (Héraclius), dernier prince des
Géorgiens, était de sa famille. Les médians
Tcherkesses (Circassiens) ont mis tous les siens
à mort, puis ils l'ont vendue pour le harem de
Mirza-Babba, un homme qui l'adore et qu'elle
ne peut, souffrir. L'esclave te plaît-elle ainsi?
alors viens et fais-la libre. Rien que deux eu
nuques la nuit veillent à la porte ; une clé pour
ouvrir celle-ci, un bon poignard pour les deux
autres! Si l'on savait le jour où tu viendras,
d'avance le hachich ou l'opium aurait "troublé
l'esprit des gardiens ; mais le fer, vois-tu, fait
toujours mieux dormir. Huit jours passés, on ne
t'attendra plus; c'est tout le temps qu'il faut
pour gravir le roc escarpé, si ta poitrine est
forte et si tes pieds agiles. » -
La belle esclave, comme on peut voir, aussi
bien dans son style heurté et elliptique que dans
ses procédés d'évasion, était tranchante, réso
lue, et menait gaillardement les choses. Mais
pour Alexis, un peu mieux au courant de la ci
vilisation, deux hommes à mettre à mort, une
fausse clé à fabriquer, lui donnaient desidéés de
Code pénal très propres à le réfrigérer. Et puis,
tout amoureux qu'il fût, le moment arrivé de
mettre le couteau dans le fruit, l'ami de Mirza-
Babba hésitait. L'hospitalité violée, une existen
ce douce, aisée, tranquille, qu'il s'agissait d'em
barquer à l'aveugle sur le grand océan des
aventures, il y avait là de quoi réfléchir, quand
surtout il aimait sur parole, un.e femme incon
nue, et dont il élait encore à savoir le visage.
D'autre part, ce mot de Géorgienne, cette lille
de sang noble, descendue à la condition d'odalis
que, ces fleurs ingénieux langage, ce billet
fier, décidé, gardant si bien sa dignité dans ses
avances, tout cela parlait bien à l'imagination et
balançait les conseils de la froide raison. Somme
toute, Alexis se sentait cette femme au cœur ;
mais de se rapprocher d'elle et de la posséder,
il voyait vraiment bien peu d'apparence, quand
cette situation, au moment où il l'espérait le
moins, fut dénouée par un imprévu.
Un jour la belle princesse de F..., celle dont
Mirza-Babba s'était déclaré le cavalier serviente,
teut l'idée de lui dire en riant qu'il n'était point
aimable à lui de n'avoir pas eu seulement l'idée
de faire montre de sa galanterie, en arrangeant,
à l'adresse de la dame der ses pensées, quelque
fête ou divertissement dans le goût persan.
Ce simple mot suffit, et, peu de jours après, la
princesse et quelques amis, femmes et hommes,
formant son monde habituel, se trouvaient un
soir réunis chez celui qui avait été ainsi provo
qué.
En tout pays, du plus au moins, les fêtes ont
entr'elles un grand air de famille : danse, musi
que, illuminations, feux d'artifice, de quelque
manière qu'on les agence, en forment toujours
le fond ; et encore ici l'amphitryon se voyait
gêné dans son allure, la princesse, qui ne vou
lait pas donner à causer, ayant exigé que tout
ge passât en petit comité .et seulement entregens
ideson intimité. Inutile donc de longuement s'é
tendre sur les verres de couleurs et transparens
au chiffre de la princesse, non plus que sur un
ballet où des figurantes de l'Opéra remplaçaient
les vraies bayadères de Téhéran, et enlin sur
les fusées et flammes du Bengale dont le ballet
fut couronné.
Ce qui importe à notre récit, c'est un splen-
dide ambigu , mi-partie de cuisine française et
persanne, autour duquel, à la fin de la soirée,
les-hôtes de l'ambassadeur furent conviés à pren=
xlre place.
Vers le milieu du repas , trouvant emploi de
ce poète ou conteur qu'il avait dans sa suite,
Mirza-Babba le lit paraître, portant un instru
ment de son pays, et cet homme débita en l'hon
neur de la princesse tout un long poème chanté
qu'il improvisa, paroles et musique ; admis à
s'asseoir à table avec les convives, Alexis prit
le soin de traduire cet hommage poétique en l'a
brégeant beaucoup. ■
Ici, par suite de celte jalousie que tout le
personnel de l'ambassade portait, comme où le
sait déjà, au jeune secrétaire, se passa' quelque
clique d'assez bouffon , par où demeura prouvé
que le genus irritabile vatum (t) est bien vrai
de tous les pays.
Pendant qu'Alexis rendait intelligibles pour
la princesse les vers faits-à sa louange, en leur
rendant l'incontestable service de les alléger des
interminables longueurs que comporte le génie
de l'Orient, on voit tout à. coup l'improvisateur
se lever d'un air furibond, et allant se jeter aux
pieds de son maître:
— Excellence, — lui dit-il, — dans le peu de
français qu'il avait appris depuis son séjour à
Paris,—prends ma tête, si cela plaît à toi; mais
je ne puis laisser que cet homme traître et mé
chant réduit à rien mes vers et qu'un rossignol
qui chante à plein gosier devient, fomme il le
traduit, un chameau poussif, boîteux et pelé.
(1) Les poètes, gent irritable.
i Ainsi mis en cause, Alexis s'empressa d'ex
pliquer l'intention toute bienveillante dans la
quelle il faisait des coupures. Mirza-Babba trou
va bon son procédé et engagea le poète à se
calmer ; mais celui-ci, voyant donner raison à
son adversaire, continua de se plaindre avec
plus d'amertume, et il perdit si bien le respect,
qu'on fut obligé de le pousser, toujours protes
tant, hors de la salle k manger, ladite expulsion
sans préjudice de quelqu'autre correction. que
sans doute lui réservait la discipline ambassa-
doriale à laquelle il venait de manquer avec tant
d'irrévérence et d'éclat.
Assez malicieuse de sa nature, et ne prenant
pas trop, comme on s'en souvient, son soupi
rant au. sérieux, la princesse choisit justémont
ce moment pour lui faire compliment de la char
mante ordonnance de sa fête.
; —Seulement, mon cher hôte, — ajoula-t-elle,
— je vous dirai qu'au parfait contentement dç
ces dames et au mien, vous avez egoïsteiaent
ménagé quelque chose.
Le diplomate aussitôt de se récrier on de
mandant qu'on lui indique le manquement dont
il s'est rendu coupable et-qu'il a tout à cœur de
réparer pour peu qu'il en soit encore temps.
— Vous me faites adroitement votfe cour, —
reprit l'aimable querelleuse — en àyant l'air
d'avoir votre pensée à mille lieues de ce dont
je veux vous parler. Mais la question n'est pas
de ménager ma jalousie, la curiosité est ici ia
plus forte* et ces belles esclaves que vous tenez
sous les verroux, franchement, nous avions es
péré que vous nous les laisseriez du moins en
trevoir.
A cette brusque atteinte, le visage dé l'ex
cellence se rembrunit beaucoup :
— Madame, — dit-il avec embarras, — c'est
se montrer peu généreuse 1
i — Mais non, — dit la princesse, — ces der
moisçlleg et moi sommes dans deux ordres d'i-
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BUREAUX A PARIS :
Jt tu du 2-J F4vritr, iOJci-derant da YsloigJ,
FOn s'abonna dans les d&parlemens, an messageries et
aux directions des poales. — A J/ondres, ches MM. Cswie tf
JU*.—A Strasbourg, chez Alexandre, pour L'Albamagn*.
; S'adresser franco, pour la réâaclioa',
• à M. M erruau , gérant.
Le! «rtioîe» déposés se m ront pw renie t.
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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Ittt abonnemens datent des l tr el 4G de chaque mots.] ]
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gui du 34,Févrkr, iô (ci-^dêvanj drç
Lc« «nnoncoi sont reçue», de Il à 4 îseore».,"
su bureau du Journal.'
i îo«U inMrtlQn doit être igréte par le gérant
6'idresftor franco ; pour .l'admiaUtratios, ;
à M. denain , directeur. '
FAM§ ? 1T_JÂNVISII." '
: Le parti des républicains de la veille qui ;
pousse l'Assemblée constituante à prolonger
son mandat au delà de ce qu'on peut appe
ler sa durée morale, et qui en môme temps
se sert dë toutes les occasions pour provo
quer la majorité des représenta ns à des actes
d'opposition systématique contre le Gouver
nement forme après l'élection du 10 décem
bre, ce parti-là, se rend-on bien compte du
rôle qu'il veut faire jouer à l'Assemblée?
Ce rôle est très grave. Qu'on yi^renne gardé !
11 ne tend pas à moins qu'à annuler, autant
que cela se peut faire, le vote.le plus impo
sant par sa grandeur numérique, le vote
moralement le plus impératif qu'ait jamais
émis la France consultée dansrPuniversilité
de ses citoyens. Il tend en ef[et à réconsti
tuer le pouvoir tel qu'il était avant que ce
vote ne l'eût renversé, c'est-à-dire à faire
rentrer ce pouvoir dans le système et dans
les mains dont le peuple souverain, par.l'oç-
gane de près de six millions de voix, avait
entendu le faire sortir. Il y a là une résis
tance à la volonté nationale exprimée par
la plus claire de ses manifestations.
Nous avons vu des rois résister à dés as
semblées; mais ces assemblées étaient issues
d'un électorat restreint, et ces rois pou
vaient croire ou se dire pour prétexte, .que,
s'ils avaient le pays légal contre eux, ils
avaient pour appui le pays tout entier, ce
pays même frappé d'exclusion politique par
leurs l'ois. Aujourd'hui, les hommes dispo
sés aux capitulation; de conscience n'ont
plus cette ressource. Le pays légal, c'est tout
le monde ; et de tout le monde, il faut bien
convenir qu'on n'en peut appeler à personne.
Comment donc ceux qui se vantaient d'avoir
inventé le suffrage universel, peuvent-ils
contester les arrêts de ce grand tribunal en
dernier ressort? '
Ils équivoquent sur le sens du vote? Mais
que l'équivoque est insoutenable ! Ils disent
que ce vote est tout simplement une option
entre deux candidats ; le peuple a pris le nô
tre et repoussé le leur. Ils respectent l'élu
du peuple, mais ils ne sont pas tenus de res
pecter un système de gouvernement qui
n'était pas en cause, et ils suscitent tous les
obstacles possibles à ce système, ce qui ne
les empêche pas de professer un véritable
culte pour la souveraineté populaire. Voilà
l'argument. Il n'y avait pas, disent-ils, dans
l'élection de la présidence, tout un système
et tout, un personnel de gouvernement en
cause. Entendez-les cependant parler d'une
élection quelconque, ou ils auront eu un
minime avantage ; la dernière élection du
Bas-Rhin, par exemple. C'ést le ministère
tout entier qui est' condamné dans la nomi
nation de leur candidat. Le plus petit triom
phe local devient pour eux un grand triom
phe. politique ; et la plus capitale, la plus
politique des élections, celle du Président
de la République, n'est pas une affaire de
système politique; c'est, un ballotage entre
des noms propres, c'est pour nous servir
d'une expression tant de fois employée par
le National pendant la lutte, une préférence
donnée à un certain arrangement de syl
labes.
Rappelons un peu aux républicains de la
veille.les faits qui ont précédé l'élection.
Nous ne sommes pas étonnés de les voir
susciter tant d'obstacles à ce qu'a voulu le
suffrage universel. Ils s'en défiaient. Les uns
ne voulaient pas qu'il y eût de président de
la République, ce qui dispensait, de soule
ver même la question du mode d'élection.
D'autres, en' plus grand nombre, voulaient
qué le chef du pouvoir exécutif fût nommé
par l'Assemblée. Cette propositions été .re
poussée comme portant atteinte air*principe
de la souveraineté populaire. Dès qu'il a été
décidé, selon le droit du régime nouveau,
que le président serait nommé^ap x ^ voie du
suffrage urfiversel, tout un plaijflqtçonduile
a été arrêté, convenu, suivi eîitr&le Gou
vernement d'alors et l'Assemb % plan très
rationnel, très légitime, qui semblait offrir
de grands avantages. UneuniosiiHji'ne exis
tait entre l'honorable général Càvaignac
et la majorité de la chambre. Cette majo
rité l'adoptait pour candidat. S'il était nom
mé par lè pays, la chambre, s'appuyant sur
... ..
le décret desiois organiques, pouvait con
tinuer de gouverner avec lui. En prolon
geant son existence comme Assemblée légis
lative, elle faisait durer l'harmonie entre le
pouvoir parlementaire et le pouvoir exécu
tif. Cette combinaison faisait naître un es
poir de stabilité, de cette stabilité que les
peuples apprécient, surtout quand ils vièn-
nent d'être éprouvés par une rapide succes
sion de changement politiques.
Restait à savoir si le pays s'associerait à
ce plan. Il fut un moment question de pro
roger l'Assemblée, pour que les représen
tai pussent se rendre auprès de leurs man
dataires et leur exposer les avantages de ce
systèiAe.' A défaut de prorogation, il y a eu
les congés. C'est un fait notoire qu'un grand
nombre des membres de l'Assemblée, qui
adhéraient à ce plan de conduite, ont été le
préconiser, le soutenir dans le départemens.
Quand le scrutin s'est ouvert, tout le monde
était averti qu'il ne s'agissait pas seulement
d'opter entre deux candidats, mais entre deux
systèmes de gouvernement, et, corrtme nous
l'avons dit nous-mêmes, entre deux partis
de gouvernement. Le suffrage universel a
parlé ; et il s'est prononcé, bien moins en
core, on peut l'affirmer, contré l'honorable
général Càvaignac, que, contré le. système
dont il était l'expression, système qui avait
pour conséquence naturelle de prolonger
l'existence de l'Assemblée, et de maintenir
au pouvoir les hommes et le parti qui y
étaient alors 1 . . '
Cela est si vrai, que, le lendemain de l'é
lection, les républicains de la veille, haly-*
tués à ne considérer comme républicains
que ceux qui l'étaient avant la République,,,
convenant que le pouvoir avait été dé%ô,
par ce vote aux hommes môdérés, disaient
Nous allons voir comment la République
sera gouvernée sans les républicains. Ainsi,
nos adversaires proclamaient eux-mêmes
l'une des conséquences du vote: c'est que le
pouvoir leur était retiré par la France. Ce
même vote avait une autre conséquence ;
c'est que la prolongation de l'Assemblée,
très raisonnable, désirable même dans l'hy
pothèse d'une autre nomination, devenait
incompatible, impossible avec la nomina
tion que la France venait de faire.
En effet, le nouveau Président, et on en
convenait dans le parti contraire, était obligé
de prendre son ministère dans la minorité
de l'Assemblée : sans quoi y il l'aurait pris ,
dans la minorité du pays. Il ne pouvait, lui
l'élu de la nation , remettre le pouvoir aux
hommes d'entre les mains desquels la nation
avait voulu que le pouvoir fût retiré. Ces
derniers, cependant, ont la majorité dans
une chatnbre qu'on ne peut dissoudre. Si
encore les républicains de la veille, par res
pect pour le suffrage universel, et dans l'in
térêt de la République fondée depuis si peu
de temps , conseillaient aux représentans de
leur parti une politique de résignation et de
réserve vis-à-vis du pouvoir ministériel né de
la grande manifestation populaire du 10. dé
cembre, le pays attendrait avec moins d'im
patience que l'Assemblée mît un terme à son
mandat. Mais il n'en est pas ainsi. Les répu
blicains de la veille conseillent à la chambre
l'opposition systématique. Ils ne compren
nent, ils n'approu vent qu'une telle conduite.
Et nous le disons avec regret, la majorité a
le malheur de suivre trop souvent ces fu
nestes conseils.
On sait par quel vole fatal à nos finances,
cette majorité a débuté vis-à-vis du pouvoir
nouveau. Ceux qui ont élargi d'une manié-:
re si inopportune la plaie de notre délicat,'
ont dit qu'ils avaient voté pour la question
elle-même et non contre le cabinet. Soit;
nous le croyons; mais depuis lors combien
n'avons-nous pas vu d'actes portant le ca
ractère d'une hostilité systématique! Tout
est sujet d'opposition. Le parti vaincu dans
le scrutin du 10 décembre, ne laisse passer
aucune occasion de montrer qu'il a la su
périorité du nombre dans l'Assemblée. S'a
git-il de nommer les présidens et lès secré
taires de bureau, les choix sont pris exclu
sivement dans la petite église des républi
cains conformistes. Il en est de même pour
toutes les commissions. On crée, comme à
plaisir, des embarras au pouvoir; on l'acca
ble sous des interpellations dont le seul but
est de susciter des difficultés. Puis, emprun.- '
tant les traditions d'un tout autre régime, >
prétendant faire revivre des règles qui ne :
sont applicables qu'à une situation tqute '
différente, on fait entendre au cabinet qu'il
n'est pas. dans une situation parlementaire.
Quel effet croit-on qu'une pareille guerre, •
une guerre incessante, produise sur l'opi
nion publique?
Le pays s'en inquiète. A chaque instant,
il craint de voir s'élever un conflit d'une
plus grande gravité. Mais nous osons affir
mer que ceux qui font éprouver ces échecs
en sont moralement plus blessés que le pou
voir qui les subit. Phis lés rapports du" pou
voir avec la chambre sont rendus difficiles; :
plus on désire, plus on est disposé à deman
der avec instance que l'existence de l'As
semblée atteigne son terme. Car, enfin, ou
le pouvoir serait rendu impossible, ou il
faudrait le remettre aux nyiins qui le tenaient
avant le vote du 10 décembre. Mais alors
ce vote national serait annulé, et, pour se
mettre d'accord avec la majorité de l'Assem
blée, il faudrait la placer en dehorë dela ' ;
majorité du pays. Ést-ce qué les républi
cains ne sont plus d'avis aujourd'hui que le
dernier mot appartient au pays? et n'est-ce
pas le pays qui a parlé le dernier ? ou souf
frez qu'on se conforme à son avis, cessez ,
une résistance systématique contre le vœu
dû suffrage universel, ou si le jugement qu'il
-a porté ne vous paraît pas assez clair, sans '
prolonger un conflit désastreux pour les in
térêts de la France, consentez à replacer au %
plus tôt la question devant lui dans une élec- 4
^.tion générale.
Les dernières séances suffiraient à dé-
'montrer que l'Assemblée nationale a bien
réellement épuisé son mandat et terminé
son œuvre ; la force et la vie l'abandonnent;
c'est tout au plus si elle peut réunir à deux
heures le nombre de membres nécessaires
pour valider ses votes ; aujourd'hui, comme
hier, il a fallu procéder au scrutin de divi
sion pour constater les noms des absens, et
la séance s'est passée en débats sans intérêt,
L'Assemblée .n'a été tirée un moment de
sa torpeur que parla présentation d'un pro-,
jet de décret ayant pour but de convoquer
la hauté cour de justice, instituée parla
Constitution, pour juger les auteurs et les
complices de l'attentat du 15 mai, qui vien
nent d'être mis eh accusation par un arrêt
de la cour d'appel de Paris du 4G de ce
mois;' la haute coar doit se réunir à Bourges
. dans le mois qui suivra la promulgation du
décret; on sait que la cour de cassation a
déjà désigné les cinq membres qui doivent
en faire partie; le pouvoir veillera à la mise
à exécution des autres dispositions et no
tamment à la constitution du jury.
Le décret, sur la demande de M. Odilon r
Barrot, qui l'avait présenté, a été renvoyé
aux bureaux, qui auront à nommer une
commission chargée de faire un rapport sur :
la question d'urgence. Si le rapport est lu
demain, l'Assemblée pourra passer immé
diatement à la discussion, et le décret pourra
être adopté séance tenante.
L'ordre du jour appelait la première déli
bération sur le projet relatif à l'indemnité
à accorder aux colons par suite de l'affran
chissement des esclaves; mais on a objecté
qu'un nouveau rapport avait été fait par la
commission, qu'il n'était pas encore impri
mé, et que comme il concluait à un change
ment de système, il serait convenable d'at
tendre qu'il pût être mis sous les yeux de
l'Assemblée. La première délibération a été,
en conséquence, renvoyée à après-demain.
On s'est occupé alors d'un projet tendant
à secourir les industries diverses qui se rat
tachent à l'industrie des voitures ; la com
mission en a proposé le rejét ; elle s'est fon
dée sur la situation de nos finances, qui ne
permet pas d'engager lé crédit de l'Etat pour
venir en aide à toutes les industries en souf
france ; elle à fait valoir en outre que l'a
doption de la mesure ne Jfera.it pas confec
tionner dans Paris deux voitures déplus ;.Ics
conclusions de la commission ont été adop
tées sans discussion; oç a seulement présen
té, à cette occasion, des observations en fa
veur des armuriers de Paris, qui attendent
encore une indemnité pour les pertes éprou
vées par eux dans, les journées de février, et
de juin. ; ' > T >
L'Assemblée a décidé-ensuite qu'il y
avait Jiou'-à passer à une seconde délibéra
tion 'sur proposition relative/aux majo-
rats et aux substitutions ; une proposition de
M. Astouin, relative au privilège des salaires
des ouvriers a été, contrairement aux con
clusions du comité de législation, renvoyée
à une commission nommée dans les bureaux ;
on a également renvoyé aux bureaux, con
trairement aux conclusions du comité du
commerce, une proposition de M. Alexan
dre Martin, ayant pour objet la création
de banques départementales.
Les pétitions ont. rempli la fin de là
séance ; M. le président a déclaré que l'As
semblée n'en avait pas reçu moins de 8,000 ;
nous en avons distingué une aujourd'hui qui
demande qu'on érige l'athéisme en science,
et qu'on l'enseigne dans les collèges.
Une interpellation, adressée à la commis
sion chargée de rédiger la loi- électorale, a
eupour résultat de nous apprendre que cette
commission avait nommé son rapporteur, et
que celui-ci devait donner, communication
de son travail dans le courant de la semai
ne prochaine.
Une proposition a été déposée par M.
Etienne, pour que l'Assemblée fixât le trai
tement du vice-président avant de procéder
à là nomination.
L'Assemblée nationale doit examiner de
main le projet de loi tendant à ouvrir un
crédit lie 581,000 fr. au ministère de l'inté
rieur pour dépenses diverses effectuées sans
crédits réguliers à la suite de la révolution ;
le rapport présenté par M. Lempereur, au
nom du comité des finances, contient des
renseignemens qui méritent d'être signalés ;
nous les ferons connaître en peu de mots.
Le chapitre qui fixe principalement l'at
tention est celui qui contient une demande
de 180,000 fr. pour traitemens et indemni
tés aux préfets. Il résulte, dit le rapport, des
documens fournis au comité des finances,
qu'en, évaluant à une période moyenne de
trois mois la durée de la, mission des com
missaires du Gouvernement provisoire, leur
traitement pendant cette période se serait
élevé à 455,000 fr,, tandis que le traitement
des préfets pendant la même période n'au
rait coûté, conformément au budget, que
426,000 fr. Ainsi, ,1e traitement des com
missaires du Gouvernement provisoire a ex
cédé de 29^000 f. celui qui avaitété affecté au
traitement des préfets. Mais ce n'est pas tout.
On réclama, en outre, pour dépenses diver
ses faites par les commissaires, sous le titre
d'indemnités extraordinaires, une somme
de 242,000 fr. De telle sorte que le montant
total des dépenses relatives aux commissai
res du Gouvernement provisoire en traite-
metis et"în"demnités extraordinaires, indé
pendamment du traitement alloué aux pré
fets, est de 271,000 fr. Et encore sommes-
nous prévenus que ce chiffre n'est pas défi
nitif, et qu'il ne sera possible de le connaître
exactement, que lorsque le ministère de l'in
térieur aura reçu les tableaux qui doivent
lui être envoyés par lès différentes préfec
tures à la. fin de chaque année pour l'exer
cice terminé. .
Voilà, on en conviendra, un fait assez
instructif à mettre en regard des déclama
tions de ces grands promoteurs d'économies,
de ces farouches pourfendeurs de traite
mens, qui s'élèvent avec tant d'énergie con
tre les dépenses du gouvernement déchu, et
qui prétendent refaire le budget de fond
en comble. Les préfets de la monarchie ne
nous auraient coûté que 426,000 fr; les
commissaires du Gouvernement provisoire
nous auront coûté au moins 697,000 fr.,
soit environ 65 0/0 ou deux tiers en sus.
C'est Un chiffre qu'il pourra être utile de
mettre de temps à autre sous les yeux des
républicains de la veille, lorsqu'ils vien
dront tonner contre les abus et réclamer
ces économies héroïques qui auraient pour
conséquence de bouleverser toute l'admi
nistration.
Nous retrouvons encore, dans ce projet
de loi, d'autres traces du désordre et du gas
pillage de cette époque. M. Ledru : Rollin n'a
pas fait moins de 60,000 fr. de dépenses
extraordinaires en têtes dé lettres, en. habil
lement de gens' de service, .'en mobilier de
bureau, ét autres menus frais, L'impression'
et l'affichage de ces fameux Bulletins; de là
République, qui ont, eu tant de retentisse
ment, figurent, pouF-40,000 fr. Nous avons
en outre près de 9,000 fr. pour impressions ét
publications extraordinaires faites; dans les
départemens. Car on a beaucoup imprimé
et publié pour répaiidre l'agitation dans tbiit
lepays.
,Le rapport nous apprend! .qu'à la suite du
24 février; 551,000 fusils, 8,000 mousque
tons, 156,000 sabres ont été pris dans les
arsenaux' et distribués à Paris et dans les
départemens. Combien de ces fusils étaient
entre les mains des insurgés de juin? Tout
ce que nous savons, c'est qu'un des premiers
soins du Gouvernement, à la suite de ces
déplorables journées, a dû être de retirer la
plus grande partie des armes, distribuées
par M. Ledru-Rollin, et de les réintégrer
dans les arsenaux. - , •
Enfin, le projet de loi renferme un cha
pitre par lequel un crédit de 60,000 fr. est
demandé pour secours de route à des ou
vriers et à des réfugiés étrangers, oc L'em
ploi de cette somme, dit le rapport, n'est
justifié que par une lettre du citoyen Flo
con, l'un des membres du Gouvernement,
adressée au ministère dè l'intérieur. Lé ci
toyen Flocon déclare que la somme lui a été
versée en trois paiemens, et qu'elle a été
employée : par lui à faciliter le départ des ré
fugiés et ouvriers polonais, allemands et ita
liens. Cette somme de 60,000 fr. a été ver
sée au citoyen Flocon, par ordre du gouver
nement provisoire, qui lui en a confié la
distribution. Le comité des finances croit
que l'on doit accepter la déclaration du ci
toyen Flocon, autorisé par le gouvernement
provisoire à agir comme il l'a fait. »
La commission chargée de l'examen dç la pro
position Rateau a commencé ce matin ses tra
vaux. Aussitôt qu'ils auront de l'intérêt, nous
en torons connaître les résultats à nos lecteurs.
Le comité du travail s'est réuni ce matin pour
entendre la lecture du rapport sur l'apprcntis-
ssge et passer à une dernière discussion du
projet.
Le rapport de M. Parieua été adopté sans
discussion parle comité.
Les bureaux sè sont réunis cé matin pour
nommer une commission da quinze membres, à
l'cilet d'examiner la demande en autorisation de
poursuites formée par le procureur' de la Répu
blique de Nîmes contre deux représentans du
peuple. L'examen de cette demande n'a pas
donné lieu à. de sérieuses discussions dans les
bureaux, dont la plupart se trouvent d'accord
pour refuser l'autorisation.
La chambre des mises en accusation et la
chambre des appels de police correctionnelle,
réunies sous la présidence de" M. le premier pré
sident, ont rendu hier l'arrêt dans l'affaire de
l'attentat du 4 5 mai.
Tous les prévenus qui étaient compris dans
l'ordonnance de prise de corps ont été mis en
accusation. Le cabinet a saisi aujourd'hui l'As
semblée nationale, comme on l'a vu plus haut,
d'un projet de décret pour que l'affaire soit ju
gée sans délai par la haute cour nationale, qui
se réunirait à Bloi's.
Les sieurs Blanqui, Flotte, Martin dit Albert,
Barbès, Sobrier, Raspail,. Quentin. Dégré, Lar-
ger, Borme, Thomas, Louis Blanc, Seigneuret,
Ilouneau, Huber, Laviron et Napoléon Chance!
sont accusés d'avoir,-en mai 1848, commis un
attentat ayant, pour but dé détruire où de chan
ger le Gouvernement,^ d'avoir à la même épo
que, commis un attentat ayant pour but d'exci
ter la guerre civile em portant les citoyens à s'ar
mer les uns contre les? autres;
Les sieurs CourtafS, Caussidière et Yillain
sont accusés de s'être rendus complices desdits
attentats, en aidant et assistant avec connais
sance les auteurs dans les faits qui les ont pré
parés ou facilités dans ceux qui les ont consom
més.
Huit de ces accusés sont contumaces; ce sont
les sieurs Louis Blanc, Seigneuret, Ilouneau,
lluber, Caussidière, Laviron, Chancel et Yil
lain.
SfOUVELÏaES ÉTRANGÈRES.
On
ITALIE,
a reçu le texte de la lettre de Pie IX,
adrçsséc à' ses Sujets, par laquelle il déclare ex
communié, sans qu'il soit besoin daucuaé'dé
claration, quiconque se rend coupable d'un at
tentat contre la, souveraineté temporelle des sbu,-
vcrains-pohtifes. Voici les, principaux passages
de cette déclaration
« Un nouvel acte d'hypocrite félonie et'de véri
table rébellion, est venu combler la mesure dë no
tre douleur et exciter en même.temps notre juste
indignation, comme il contristera' l'Eglise univer
selle. Nous voulons parler dé cet aôte détestable
soiis tous les rapports par lequel on a prétendu or
donner la convocation d'une soi disant âssemblée
générale nationale dë l'Etat-romain, par un décret
du 29 décembre dernier, flans le but do déterminer
de nouvelles formes politiques à établir dans les
Etats pontificaux.
i » Nous épargnerons h notre dignité l'humiliation
d'insister sur tout ce que renferme de monstrueux
cet acte abominable, et par l'absurdité de son origi
ne, et par l'illégalité des formes, et par l'impiété du
but; mais il appartient certes, à l'autorité apostoli
que dont, quoique Indigne, hous sommes investi^ et
à la responsabilité qui nous lie, par les sermens les
plus sacrés, devant le tout-puissant, lion seulemcrjf
de protester, comme-nous le faisons, de la manière
la plus énergique et la plus efficace contre cet acte,
mais encore de le condamner à la face de l'univers,
comme un'attentat énorme et sacrilège commis au
préjudice de notre indépendance'et de notre sou
veraineté, attentat qui mérite les châtimens por
tés par les lois divines, aussi bien que par les lois
humaines. -
» Afin qu'aucun de vous ne puisse prétexter d'a
voir été trompé par des séductions fallacieuses et
par les prédicateurs des doctriries subversives,- ni
d'avoir ignoré ce qiie trament lès ennemis de tout
ordre, de toute loi, de tout droit, de toute véritable
liberté et de votre félicité .même, nous voulons au
jourd'hui de nouveau élever et répandre notre voix
de telle sorte qu'elle vous rende parfaitemeilt cer
tains de l'ordre absolu par leqûél nous vous défen
dons, quels que soient d'ailleurs votre rang et votre
condition, de prendre, aucune. part aux réunions
qu'on osérait faire pour l'élection des individus à
envoyer à. l'assembleé condamnée. ' .
» En même temps, nous vous rappelons que cette
défense absolue que nous vous signifions est sanc
tionnée par les décrets de nos prédécesseurs et d
Trente {Sess. xxu, c. xi de Iieform.), dans lesquels
l'église, ii diverses reprises, a fulminé ses censures,
et principalement l'excommunication majeure qu'en
court, sans qu'il soit besoin d'aucune déclaration,
quiconque ose se rendre coupable d'un attentat quel
qu'il soit contre la souveraineté temporelle des sou
verains pontifes romains, comme nous déclarons
que l'ont déjà malheureusement encourue tous ceux
qui ont contribué {Tutti cotoro che hanno àalo opéra) à
l'acte susdit et aux acLes précédeiis accomplis au dé
triment de la même souveraineté, ou qui , de quel
que autre manière et sous de faux prétextes, ont
troubl \ violé et usurpé notre autorité. »
Il ne semble pas que celle mesureait eu d'au
tre effet que d'ajouter à l'exaspération des .dé
magogues qui continuent à.se faire suivre par le
peuple. Le oruit avait couru' qu'un mouvement
en laveur du pontife avait eu lieu dans le Trans-
levere. Celle nouvelle n'est point confirmée,
loin de là,, les journaux, ainis du parti qui gou
verne les. Etats Romains, rapportent que la p<5-
pulacc de ltome a l'ait des démonstrations de joie
le jour môme où la bulle d'excommunication a
dû être publiée. Des cris meuaçans ont été pro
férés contre les curés qui l'ont affichée, et, le soir,
des bandes ont parcouru les rues de Rome en
criant '.Vivent les excommuniés! Nousdevons faire
observer cependant que les récits qui nous par
viennent étant empruntés à divers journaux ra
dicaux sont nécessaicement suspects de présen
ter les choses sous l'aspect qui leur convient le
mieux. Le journal radical de Florence s'exprime
ainsi :
« La menace contenue dans là lettre de PicIX n'a
pas empêché la grande fête civique militaire pour
la bannière offerte parles Vénitiens aux Romains, La
fête a commencé h onze heures du matin. Le cor
tège s'est mis en marche de ia placé div^Pouple, et il
a suivi lé Corso jusqu'au Capitole.
» La marche était ouverte par les drapeaux véni
tiens, entourés de l'état-major que composaient les
officiers de toutes armes de Rome. Deux bataillons
civiques venaient ensuite, puis l'artillerie, puis
deux autres bataillons de la garde civique, tous les
bataillons de ligne qui sont à Rome, la gendarme
rie, lé bataillon universitaire, les légionnaires, les
cercles et une immense population, sans compter les
curieux en grand nombre qui encombraièntles rues.
» Hier soir, après la publication de l'encyclique
excommunicatoire, des rassemblemens ont monté le
Corso; ils ont enlevé de toutes les devantures des
boutiques de chapeliers, les chapeaux de cardinaux
qui y figuraient en montre ; ils ont promené ces
chapeaux processionnellement par la ville en chan
tant des hymnes funèbres, et arrivés au pont de
Sixto, ils ont jeté tous c*z chapeaux dSns le Tibre.
» Dans les faubourgs de Monti et Transtévère, de
grands charivaris ont été provoqués par l'excommù-
nication. Le peuple a sifflé les curés de Sainte-Ma
rie-Majeure et de Sainte-Marie-de-Transtèvère qui
avaient fait afficher l'encyclique : jusqu'après minuit
les rues ont retenti des cris du peuple qui faisait
grande fête (facendo grandi feste) et chantait des
chœurs. »
AUTRICHE.
Maintenant que Bude et Pesth sont occupés,
iaSfWSBBi
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 18 M.
1 V
LE CABINET IVOIR.
TROISIÈME PARTIE.
LA GÉORGIENNE.
CHAPITRE XXI.
G10RG1NA.
Il; va sans dire que, dans l'hôtel occupé rue
de Monsieur par Mirza-Babba, les femmes qu'il
faisait garder si soigneusement le jour de son en
trée, habitaient un corps de logis tout-à-fait isolé.
Quelles que fussent les distractions, qu'avaient
pu donner au sublime envoyé, et sa correspon
dance éthérée et quelques autres rencontres plus
terrestres, le régime de son sérail transplanté à
Paris n'avait rien perdu de sa rigueur et de sa
sévérité.
Habitant sous le même toit que les belles re
cluses, Alexis était encore à entrevoir le coin
d'un œil et le pli d'une robe ou d'un voile. Mal
gré quelques furtifs essais de curiosité, la seule
révélation qu'il eût oblenue de ce charmant voi
sinage, qui souvent l'avait fait rêver, c'était, de
temps à autre, quelques lointains accens de voix
qui lui arrivaient mariés aux mélancoliques ac-
cens.du théorbe; puis un jour, sur son passage,
certain remuement qu'il avait cru démêler der
rière une persienne et qu'aussitôt l'aigre voix
d 'un eunuque avait fort sévèrement réprimandé.
Que bien des fois, depuis cette lueur d'intelli
gence se dessinant dans la place ennemie, Alexis,
Voir notre numéro du 17 janvier.
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage,
fit interdite, et ferait poursuite comme contrefaçon.
saiiS avoir l'air de penser £ mal, eût coloyé la fe
nêtre d'où s'était fait entendre ce frôlement va
gue et presqu'insaisissable que pourtant il avait
recueilli, c'est ce qu'aucun de nos lecteurs n'au
ra pour incroyable; chacun sait en effet la pro
digieuse attraction- du mystère et du fruit dé
fendu.
Le curieux jeune homme, tout en évitant de
rien laisser deviner qui pût compromettre le cré
dit dont il jouissait auprès de son maître, allait
donc passant et repassant à portée du harem;
mais, continuant vainement ce manège depuis
plusieurs jours, il arrivait à désespérer de voir
donner une suite à ce commencement d'aventure
lorsqu'un soir, par un beau clair de lune, à tra
vers l'un des jours de la persienne, il voit tom
ber à ses pieds un souci.
Symbole mélancolique, cette fleur, qui s'épa
nouit sous le soleil d'automne, lui parut signifier
une beauté plaintive, soupirant pour lui dans les
fers et lui faisant offre de son cœur s'il pouvait
la rendre à la liberté.
Partant, nouvel intérêt à ses promenades, que
bientôt un nouvel envoi ne faillit point & récom
penser. Cette fois on lui parlait avec un bouquet
formé d'un frais bouton de rose, d'une touffe de
myosotis et de deux pensées à feuilles larges et
veloutées ; ce bouquet pouvait se traduire ainsi :
« Je suis belle et fraîche comme la rose ; plus
je vous vois, plus je vous aime; pensez à moi,
je pense à vous! »
La recommandation, à vrai dire, était bien
inùlilc, penser à sa mystérieuse correspondan
te, non-seulement Alexis ne faisait autre chose,
mîjis, sous la domination de cette idée unique, il
perdait peu à peu la prudence. De jour en jour
moins réservé dans ses démarches,; déjà il en
étatit à prétendre s'ouvrir l'entrée du harem, et
c'était grand hasard si, remarqué par les eunu-
quès, son manège, au premier moment, n'ame
nait quelque fâcheux éclat.
L'amour pourtant parut le protéger, car, lors
qu'il semait sur ses pas le péril, ce fut faveur
nouvelle qu'il récolta.
Au langage des fleurs se substitua la parolé
écrite, et, dans un billet venu toujours de la
bienheureuse fenêtre, on lui disaifdans le plus
énergique des dialectes persans : ■
« Si tu aimes, c'est bien ; on l'aime aussi ;
mais l'amour est une rose qui fleurit tout en
haut d'une roche escarpée, et, pour la cueillir,
il faut la poitrine forte et les pieds agiles.
■' » Seize ans, blanche comme un lys, des yeux
noirs comme une nuit sans étoiles, voilà la
femme qui t'écrit ; on l'appelle Giorgina, du
nom de son pays, Tiflis en Géorgie, et aujour
d'hui dans les fers, elle n'est pas moins une lille
noble. Czar Iracli (Héraclius), dernier prince des
Géorgiens, était de sa famille. Les médians
Tcherkesses (Circassiens) ont mis tous les siens
à mort, puis ils l'ont vendue pour le harem de
Mirza-Babba, un homme qui l'adore et qu'elle
ne peut, souffrir. L'esclave te plaît-elle ainsi?
alors viens et fais-la libre. Rien que deux eu
nuques la nuit veillent à la porte ; une clé pour
ouvrir celle-ci, un bon poignard pour les deux
autres! Si l'on savait le jour où tu viendras,
d'avance le hachich ou l'opium aurait "troublé
l'esprit des gardiens ; mais le fer, vois-tu, fait
toujours mieux dormir. Huit jours passés, on ne
t'attendra plus; c'est tout le temps qu'il faut
pour gravir le roc escarpé, si ta poitrine est
forte et si tes pieds agiles. » -
La belle esclave, comme on peut voir, aussi
bien dans son style heurté et elliptique que dans
ses procédés d'évasion, était tranchante, réso
lue, et menait gaillardement les choses. Mais
pour Alexis, un peu mieux au courant de la ci
vilisation, deux hommes à mettre à mort, une
fausse clé à fabriquer, lui donnaient desidéés de
Code pénal très propres à le réfrigérer. Et puis,
tout amoureux qu'il fût, le moment arrivé de
mettre le couteau dans le fruit, l'ami de Mirza-
Babba hésitait. L'hospitalité violée, une existen
ce douce, aisée, tranquille, qu'il s'agissait d'em
barquer à l'aveugle sur le grand océan des
aventures, il y avait là de quoi réfléchir, quand
surtout il aimait sur parole, un.e femme incon
nue, et dont il élait encore à savoir le visage.
D'autre part, ce mot de Géorgienne, cette lille
de sang noble, descendue à la condition d'odalis
que, ces fleurs ingénieux langage, ce billet
fier, décidé, gardant si bien sa dignité dans ses
avances, tout cela parlait bien à l'imagination et
balançait les conseils de la froide raison. Somme
toute, Alexis se sentait cette femme au cœur ;
mais de se rapprocher d'elle et de la posséder,
il voyait vraiment bien peu d'apparence, quand
cette situation, au moment où il l'espérait le
moins, fut dénouée par un imprévu.
Un jour la belle princesse de F..., celle dont
Mirza-Babba s'était déclaré le cavalier serviente,
teut l'idée de lui dire en riant qu'il n'était point
aimable à lui de n'avoir pas eu seulement l'idée
de faire montre de sa galanterie, en arrangeant,
à l'adresse de la dame der ses pensées, quelque
fête ou divertissement dans le goût persan.
Ce simple mot suffit, et, peu de jours après, la
princesse et quelques amis, femmes et hommes,
formant son monde habituel, se trouvaient un
soir réunis chez celui qui avait été ainsi provo
qué.
En tout pays, du plus au moins, les fêtes ont
entr'elles un grand air de famille : danse, musi
que, illuminations, feux d'artifice, de quelque
manière qu'on les agence, en forment toujours
le fond ; et encore ici l'amphitryon se voyait
gêné dans son allure, la princesse, qui ne vou
lait pas donner à causer, ayant exigé que tout
ge passât en petit comité .et seulement entregens
ideson intimité. Inutile donc de longuement s'é
tendre sur les verres de couleurs et transparens
au chiffre de la princesse, non plus que sur un
ballet où des figurantes de l'Opéra remplaçaient
les vraies bayadères de Téhéran, et enlin sur
les fusées et flammes du Bengale dont le ballet
fut couronné.
Ce qui importe à notre récit, c'est un splen-
dide ambigu , mi-partie de cuisine française et
persanne, autour duquel, à la fin de la soirée,
les-hôtes de l'ambassadeur furent conviés à pren=
xlre place.
Vers le milieu du repas , trouvant emploi de
ce poète ou conteur qu'il avait dans sa suite,
Mirza-Babba le lit paraître, portant un instru
ment de son pays, et cet homme débita en l'hon
neur de la princesse tout un long poème chanté
qu'il improvisa, paroles et musique ; admis à
s'asseoir à table avec les convives, Alexis prit
le soin de traduire cet hommage poétique en l'a
brégeant beaucoup. ■
Ici, par suite de celte jalousie que tout le
personnel de l'ambassade portait, comme où le
sait déjà, au jeune secrétaire, se passa' quelque
clique d'assez bouffon , par où demeura prouvé
que le genus irritabile vatum (t) est bien vrai
de tous les pays.
Pendant qu'Alexis rendait intelligibles pour
la princesse les vers faits-à sa louange, en leur
rendant l'incontestable service de les alléger des
interminables longueurs que comporte le génie
de l'Orient, on voit tout à. coup l'improvisateur
se lever d'un air furibond, et allant se jeter aux
pieds de son maître:
— Excellence, — lui dit-il, — dans le peu de
français qu'il avait appris depuis son séjour à
Paris,—prends ma tête, si cela plaît à toi; mais
je ne puis laisser que cet homme traître et mé
chant réduit à rien mes vers et qu'un rossignol
qui chante à plein gosier devient, fomme il le
traduit, un chameau poussif, boîteux et pelé.
(1) Les poètes, gent irritable.
i Ainsi mis en cause, Alexis s'empressa d'ex
pliquer l'intention toute bienveillante dans la
quelle il faisait des coupures. Mirza-Babba trou
va bon son procédé et engagea le poète à se
calmer ; mais celui-ci, voyant donner raison à
son adversaire, continua de se plaindre avec
plus d'amertume, et il perdit si bien le respect,
qu'on fut obligé de le pousser, toujours protes
tant, hors de la salle k manger, ladite expulsion
sans préjudice de quelqu'autre correction. que
sans doute lui réservait la discipline ambassa-
doriale à laquelle il venait de manquer avec tant
d'irrévérence et d'éclat.
Assez malicieuse de sa nature, et ne prenant
pas trop, comme on s'en souvient, son soupi
rant au. sérieux, la princesse choisit justémont
ce moment pour lui faire compliment de la char
mante ordonnance de sa fête.
; —Seulement, mon cher hôte, — ajoula-t-elle,
— je vous dirai qu'au parfait contentement dç
ces dames et au mien, vous avez egoïsteiaent
ménagé quelque chose.
Le diplomate aussitôt de se récrier on de
mandant qu'on lui indique le manquement dont
il s'est rendu coupable et-qu'il a tout à cœur de
réparer pour peu qu'il en soit encore temps.
— Vous me faites adroitement votfe cour, —
reprit l'aimable querelleuse — en àyant l'air
d'avoir votre pensée à mille lieues de ce dont
je veux vous parler. Mais la question n'est pas
de ménager ma jalousie, la curiosité est ici ia
plus forte* et ces belles esclaves que vous tenez
sous les verroux, franchement, nous avions es
péré que vous nous les laisseriez du moins en
trevoir.
A cette brusque atteinte, le visage dé l'ex
cellence se rembrunit beaucoup :
— Madame, — dit-il avec embarras, — c'est
se montrer peu généreuse 1
i — Mais non, — dit la princesse, — ces der
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