Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-17
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 124053 Nombre total de vues : 124053
Description : 17 janvier 1849 17 janvier 1849
Description : 1849/01/17 (Numéro 17). 1849/01/17 (Numéro 17).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k668453z
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
r
MERCREDI iï JANVIER 48 £9.
"f' î'
-"' -tftj>L'
■»£.
numéro i*.
h : gâte' x>x z>'aacssms53EErv «
.j i. PARIS.
TBÔIS MOIS.... 8F.
SIX MOIS.. , .i,. 18
WAN,•'.sa/"
t L u abO&ACBiéns datent des 1" «t 16 d# chuta® moif*
7 . . , COTEAUX A TARIS ! ,
K hi du M Février, 10 (ci-devant da Y«lois)j
r. r Q)flutfAlit directions des postes.—A Londres, chaz MM. Cowit
tu fc—A Strasbourg, ehu Alexandre, pour l'Ailcm&gn*.
J ' !, ( , .* il ' f N / -
i TiSrauer front», pour lï'rédtotloa,"
• i iB. MEIUICAU, férant. . ; t &
ar .thtn lit.ùii ti >i.'■«c.'jti {'î,! | ^
■ 4
JOURNAL POLITIQUE ^LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
0 f . /
tfîàas: s>s x*j&BokrânpiÉBnr î j
. ' . . PARIS. DÉPART. ÊTOA^a
TROIS MOIS ... 8 F. 11 F. M F» ,
Six mois .. . .. la 23 28 '
' 82 "44 , .JW," 1
lUs *bonn«m«nï datent des 1 er *t'i6 de ola^ae Btoli
EÙREAtJX A PARIS ; '
Mvf dvî SI Février, 10 (ol-dévint de Tiïoil). 1
Les annonces font reçnef, de 11l 4 k«or«l t
... an bureau du Jonrpal,
l'oit» insertion dol agrtt* pu 1* (irutl.
" . , ' ' * « J
Vi&cmet frmoo. pour l'administration,~3
. à M.- DEVAIS, dinotovi
MÈIS, 16 JANVIER
.En'(assaut connaître ce matin la com
position de la commission chargée d'exa
miner -la proposition de M.- Rateau r ,nons
îlYons ; émis le doute que cette commission
•vînt demander à l'Assemblée le rejet alv*
solu; de là proposition. Les nécessités de
la situation nous rassuraient contre, les
dispositions .des commissaires.: D'après' les
bruits qui couraient aujourd'hui,, nous - ne
nous serions pas trompés dans nos conjec
tures. On assure que la commission propo
sera de réduire à trois ou quatre au plus 1er
nombre des lois organiques qui devront être
faites par l'Assemblée: la- loi électorale se
rait dece nombre, et devrait- déterminer
l'époque de3 élections pour lesquelles le rap
port se bornerait à indiquer le milieu du
mois d'avril. . . ;
On voit qu'il y a loin de ces résolutions
au langage tenu par la plupart des commis
saires dans leurs-bureaux. C'est une pre
mière concession- que les plus ardens eux-
mêmes sont contraints de faire à l'opinion
publique. Nous croyons que la commission
sera obligée de faire un pas de plus et d'ar
river à fixer une date précise pour là sépa
ration de l'Assemblée. Toutaulrè expédient,
quelque bien, ynaginé qu'il pût' être, aura
toujours pour inconvénient de laisser planer
une sorte d'incertitude sur l'époque de la
dissolution, et dé perpétuer l'inquiétude du.
pays. Une détermination positive et .irrévo
cable peut seule donner une certitude, sans
laquelle tout le mouvement commercial de
meurera paralysé.
Le parti modéré que la force dès choses
sert si bien qu'elle contraint ses adversaires
aux concessions qu'ils repoussaient le plus
loin, doit donc persévérer 'dafis sa ligne de
fermeté.et de modération; il dôit d'une part
se confier au mouvement de l'opinion pu
blique qui lè'seconde si puissamment, et de
l'autre prêter un appui résolu au gouverne
ment, qu'on cherché à harasser par des lut
tes stériles, et à paralyser par une opposi
tion systématique. Le pays a le besoin et la
volonté d'être gouverné; il faut l'aider à sa
tisfaire ce besoin et cette volonté.
Le principal événement de la séance a été
le retrait du projet de loi relatif à l'établis
sement .d'un impôt sur le revenu mobilier;
il est vrai que .M. Goudchaux a annoncé
l'ijjtentifln de reprendre ce projet sous for
me" de proposition. Mais si nous avons loué
hier ,M. Passy.d'avoir accepté la responsa
bilité du projet sur les successions, nous le
félicitons aujourd'hui d'avoirrçcusé celle du
projet d'impôt sur le revenu mobilier, im
pôt complètement impolitique, qui, avec les
amend^mens du comité des finances^ retom
berait uniquement sur le commerce et l'in
dustrie^ et dont la perception entraînerait
d'ailleurs les .mesures les plus vexatoires et
leiplus inquisitoriales.
L'Assi '
^Assemblée s'est occupée, pendant cette
séance, de cinq , projets ou propositions ;
mais il ne s'agissait pour chacun d'eux que
d'une première délibération, et la discus
sion n'a pas produit de résultat immédiat ;
iLa été décidé pour tous qu'on passerait à
une seconde délibération. .
Lé premier projet était relatif àuncré-
diLsupplémentaire de plus de deux millions
réclamés pour la liquidation des atelier? na
tionaux du département de la Seine; il en
résulte que les ateliers nationaux nous au-
ront.coûté 1-4 millions et demi, sans comp
ter le dommage qu'ils ont porté à l'indus
trie, sans compter surtout le mal plus grand
encore qu'ils auront fait au pays en cau
sant l'insurrection de juin ; puisse,, dit le-
rapporteur, puisse de nouveau sacrifice être
le dernier .impo^é^iux contribuables par les
théories anti-sociales, les mauvaises passions
et les idées anarchiques.
second projet a. pour but d'établir
les biens de main-morte une taxe an
nuelle représentative des droits de trans
mission entre vifs et par décès; ce projet a
'obtenu l'approbation de îa commi sion qui
lavait été chargée de l'examiner ; ila été éga
lement squtenu aujourd'hui par M. Dupin,
'qui à fait valoir de très bonnes raisons en
sa faveur.
i " Lè nouvel impôt proposé est basé sur cette
considération,que les établissemens de main
morte, dont l'existence se perpétue par une
subrogation successive de personnes, acqué
rant souvent, n'aliénant que dans des cir
constances très rares et ne mourant jamais,
échappent ainsi à l'impôt des mutations, et
ne, fournissent ■ pas même au trésor le tiers
de ce que. produisent -les autres biens; on
ajoute, en se plaçant au point de vue éco
nomique, qu'il y a de graves inconvéniens
à laisser jouir d'uné semblable immunité
une masse de biens, qui restent dans une in
fériorité de production telle, que, représen
tant près de 5 millions d'hectares ou le
dixième des propriétés imposables de la
France, ils ne donnent cependant qu'un re-
Yepu de 04 millions, ou le trente-et-unième
du .revenu général.
Les biens qui doivent être atteints par le
nouvelimpôtsont Tés biens immeubles passi
bles-de'la contribution foncière ,* apparte-,
nant aux départemens, communes, hospi-
çes, séminaires, fabriques, congrégations re
ligieuses, consistoires, établissemens de cha
rité, bureaux de bienfaisancé, sociétés;ano-
nymes et tous.établissemens publics légale
ment autorisés.
; On voit , que, parmi les établissemens de
main-morte qui vont sè trouver imposés, il
y en a un certain, nombre qui ne se sou
tiennent qu'à l'aide de, sqhveptions accor
dées par, l'Ètàt,; MM. Grellet et Cesnàrd en
ont tiré un argument contre le projet de loi,
parce qu'on sera obligé d'augmenter ces
subventions en raison, du nouvel impôt,
c'est-à-dire qu'on prendra d'une main pour
rendre de l'autre ; ils ont objecté, en outre,
qu'il était impolitique d'imposer les hospi
ces et les établissemens de charité; mais
MM. Passy et Dupin ont réfuté ces objec
tions ; ils ont répondu que l'impôt était jus
te ; qu'il avait pour but de faire disparaître
un privilège en matière d'immeubles ; qu'il
ne porterait que fort peu sur les fondations
charitables ; qu'il n'y avait, d'ailleurs, rien
de contradictoire entre la subvention et ■
Pimpôt, et que, quant, aux hospices .et aux
établissemens de charité, comme ils sont à
la charge des communes,: les pauvres ne
sauraient en souffrir. ;
Le projet primitif assujétissait également
à, la nouvelle taxe les droits d'usage en bois,
appartenant à des communautés,, d'hàbitans
dans, les forêts des particuliers et de ï'État;
mais la commission a considéré que ces
droits constituaient une servitude et non une
propriété, que d'ailleurs ils étaient incessi
bles, et que, par conséquent, ils ne pouvaient
être,passibles d'un impôt qui prend sa source
dans la transmission ; elle propose donc de
ne leur rien demander.
La taxe annuelle apercevoir sur les biens
de main-morte doit être de 5 0/0 du re
venu, taxe un peu moins élevée que le
montant des droits de mutation: qui grè
vent les biens des particuliers ; nous avons
.dit que; Iç revenu des biens de main-morte
était estimé à 64 millions; l'impôtTendrait
donc plus de.3 millions ; mais il faudra en
distraire l'augmentation de secours qu'il
sera nécessaire d'accorder aux établisse
mens subventionnés. . ■ - ■ . " 4
Le troisième projet concerne^ là révision
de l'art. 1781 duGode civil; d'après cet ar
ticle, le maître est cru sur son affirmation
pour la quotité des gages, pour' le paiement
du-salaire de l'anûée échue, et pour les à-
comptes donnés pour l'année courante ; le'
projet, présenté par M. Lemonnier, et mo-
•difié par le comité de législàtîbù, a pour but.
de faire disparaître cette Inégalité ; il porte, !
((u'à défaut de preuve écrite, toùtés toiites-
tations eytre le maître et lës domestiques ou
les ouvriers, seront décidées; sur l'affirma-^
tion de celle des' partie? à laquelle le juge,^
aura cru devoir déférer le serment. . ,
Le. quatrième projet, examine dans la
séance,. porte qu'il sera fait mention dans =
l'acte de mariage, passé devant l'officier de .
l'état civil, du contrat contenant les con
ventions matrimoniales des époux; il s'agit
de mettre les tiers à même de savoir, par
exemple, si le mari peut aliéner les biens,
de sa femme, si la femme peut disposer de >
sa dot en totalité ou en partie, c'est ce qu'on
propose de faire en imposant à l'officier ci
vil l'obligation de faire connaître la date
du contrat, ainsi que le nom et la résidence
du notaire qui l'a reçu.
Enfin le dernier projet était relatif au
conseil d'amirauté ; ce, projet, dont nous
avons" déjà parlé;, doit assurer yindépen- ,
dànce et la stabilité de l'institution ; le noji- ;
veau miniçtre de la marine a déclaré qu'il y
donnait sop. adhésion , sauf des modifica-r
lions de.détail qu'il ferait connaître lors de
la discussion des Articles.
! Ala fin dé là séance, M. le président de
l'Assemblée a donné commpnicatio& d'une .
demande én autorisation de poursuites çon- ■
tre MM. Raynaud-Lagardette et Botirbôus-
son, qui se sont battus en duel, il y a plus
d'un mois. .• -
La mort récente de lord Auckland, qui
laissait vacanteja place de.premier lord de
la trésorerie, a donné lieu en Angleterre à
une sorte de crise ministérielle. On avait
supposé que lord Mintô,. en ce moment lord!
du sceau privé, pouvait bien reprendre des
fonctions qu'il a déjà exercées, et, dans cette
hypothèse, tous les journaux qui combattent
la politique étrangère de lord Palmerston,
et qui ne pardonnent pas à lord Minto de s'y
être complètement associé par son voyage
en Italie, ont dirigé contre cet homme d'E
tat les plus vives attaques. Comme lord Min
to est allié, à la famille Grey, qui occupe dé
jà deux des principaux ministères, on n'a
pas manqué de crier au népotisme, aux in
fluences de famille, et de dire que le gou
vernement des whigs n'avait jamais été, à
aucune époque, que là domination de quel
ques familles qui se partageaient les minis
tères comme un patrimoine.
s Lord Minto n'a point été le successeur
choisi pour remplacer lord Aucltland; le
poste de premier lord de l'amirauté a été
donné à l'homme qui dès le premier jour
jjvait été désigné par toutes les personnes
bien informées, comme devant entrer dans
le cabinet. Nous voulons parler de sir Fran
cis Thornhill/Baring qui a déjà occupé dans
un ministère whig la place de chancelier
de l'échiquier. M. Baring sera sans douté
élevé d'ici à quelque temps à la pairie
car le bureau de l'amirauté est déjà suffi
samment représenté à la chambre des com--
munes, et il est. indispensable qu'un de ses
membres au moins appartienne à la cham- .
bre haute, pour. y défendre les intérêts de '
la marine. , .
Cette circonstance avait fait penser que le ;
successeur de lord Auckland pourrait bien
être lord Normanby ou le comte de Claren-
dori. Lord Normanby, qui a déjà occupé
plusieurs ministères, a donné partout des
preuves d'une incontestable capacité, et l'a-
jâairauté l'aurait vu avec plaisir à sa .tête;
mais le cabinet anglais savait qu'il aurait
trop de peine à trouver un ambassadeur à
Paris, pour songer sérieusement à déplacer
lord Normanby. Quant à lord Clarendon,
il est certain qu'il n'eût pas demandé mieux
que d'échanger, contre un a.utre portefeuille,
le gouvernement de l'Irlande : qui lui est à
charge;-mais les raisons politiques qui lui
ont fait donner ce gouvernement plutôt que
le ministère des colonies ou l'ârniranté sùb-,
sisteni'toujours. Lord Clarendon ne quittera,
Dublii que .pour^venir, remplacer Jlorà Pal
merston au Foreign-Office, si: çe .dernier
succonibe devànt-lés attaques que Mi vau
dra-'âaBS-le parlement le coûcburs qu^il a
prêté au Gouvernement républicain . de
France, et Si les wÛigs sé toient contraints
à un remaniement ministériel. ' ■ •
Ce n'est, donc point Teiribafras de choisir-
qui a fait différer plus de deux semaines la
nomination du successeur de lord Auckland^
Sir Francis Baring était naturellement ap
pelé à cette place par l'éclat de ses services
antérieurs et par ses talens : on s'était éton
né, lors de la formation du cabinet whig,
que lord John Russéll eût laissé en 1 dehors
du ministère, un homme de cette valeur, et
il devait se féliciter d'avoir une occasion de
le rattacher à l'administration. Mais lord
John Russell a pensé quelque temps à une
autre combinaison, qui aurait fortifié le.
gouvernement contre. les rudes, attaques
qu'il va avoir à essuyer dans un mois
' "Nous avons exposé plusieurs fois quelle
était la situation' parlementaire du, minis
tère anglais; qu'il suffise de rappeler que le
parti ministériel et le parti, tory se -balan
cent, ët que c'est l'appoint des quatre-vingts
où,cent membres qui suivent sirRobprt Peel
qui a donné la majorité au ministère dans
toute la session dernière; L'alliance s'était
formée naturellement par la communauté
d'idées sur. la politique commerciale, eljë '
s'était cimentée par l'ipitiative habile qu'a-
vait, prise loird John Russellj en : donnant
place dan» son administration à lord Dal-
housïe, à loi;d Lincoln, à M. Sidney Her
bert, qui avaient fait partie de l'administra
tion de sir Robert Peel. , .
La position du ministère anglais est en
core aussi solide que par le passé ; ,çe n'est
pas en présence des bouleversemens dont
l'Europe estle théâtre que les Anglais com
mettront l'imprudence d'ébranler leur gou
vernement ; l'expérience d'autrui leiir pro
fite. Mais il est certain que le ministère n'aura
point une existence aussi paisible que l'an
' passé. Lord Grey n'a point eu la main heu
reuse dans le choix des gouverneurs des dif
férentes colonies, ; d'ailleurs, outre .quelques
nominations malheureuses, il est destiné à
expier les fautes de ses devanciers. Plusieurs
dé§ colonies anglaises,, notamment l'Austra
lie et la Nouvelle -Zélande, après avoir joui
d'une prospérité inouie, sont retombées, de
puis quelques années, dans la langueur par
suite de mauvaises mesures administrati
ves, et la crise déterminée par les révolu
tions de 181-8 a changé cette langueur en
une véritable souffrance.
On s'en est pris de ce regrettable change
ment à la politique coloniale du ministère
whig sansTéfléchir qu'il n'a pas eu le temps
matériel de- faire la moitié-du mal dont on
le rendwsponsable. On peut donc être as
suré quele Gouvernement actuel sera vigou
reusement .attaqué à ce sujet ; et ses fautes
; réelles ont été assez nombreuses pour qu'il
i ait quelqué peine à se défendre. Mais là;
du moins, il aura seulement affaire aux ad-
versaires'habituels du cabinet ; et il pourra
: en être quitte par le sacrifice de quelques
uns des membres de la haute administration
coloniale. Il lui sera bien plus difficile de
se tirer d'embarras sur les^questions de por
litique étrangère.
Les Anglais attachent en temps ordinaire
une médiocre importance à la politique ex
térieure de leur gouvernement ; c'est habi
tuellement sur les questions intérieures, sur
les. questions de commerce et de finances
Qu'ils renversentles ministères.'Mais la fa
çon cruelle dont leur commerce a ressenti
le contre-coup des bouleversemens du con
tinent a éveillé leur attention sur les événe-
mens du dehors;, ce ne sont plus seulement
1 les hommes politiques et les journaux qui
ont suivi les affaires du continent. On ne
' doit pas dissimuler que le sentiment public
en Angleterre, s'est ému f .de voir.lord Pal
merston paraître faire cause commune ,avqç
le Gouvernement républicain- dé France
contre lé? gouvertiem'ens, constitutionnels de
Prusse et d'Autriche ; là politique adoptée
par. lui en, Italie a surtout été l'objet des at
taques -les plus >viyes. Ce qui donne une sir
griificàtioii plus grande à' ces attaques, c'est
qu'elles ne partaient pas seulement des ad
versaires habituels du cabinet, mais dés jour
naux, mêmes qui soutenaient d'habitude le
gouvernement, et surtout des journaux qui
passent pour être en rapport avec sir Robert.
Peel et ses amis. , ~ ; •
Il ést à remarquer que ces attaques ne
sont point dirigées contre le cabinet tout en-
,tier, mais contre lord Palmerston, en qui
l'on personnifie toute la politique extérieure
du gouvernement. Lord John Russell n'est
pas seulement épargné, .il est souvent com
blé d'éloges par ceux qui-poursuivent le pliis
ardemment lord Palmerston. Dans les ques
tions extérieures comme dans les questions
:coloniales, le cabinet whig doit donc s'af-
tendre à des luttes très vives; et ici il a à
redouter la défection des peelites, qui, sans
.vouloir revenir à la politique absolutiste de
lord Castleréagh , pensent que l'Angleterre
doit incliner vers la Priasse èt l'Autriche, ses
allies, naturels, plutôt que vers la France.
L'enten te, sinon l'alliance, qui '' existait
entre les whigs et les peelites, sans être tout
à fait détruite, est donc gravement compro
mise, ; et l'on comRrçnd que lord John llus-
sell ait cherché à ressérrer un accord qui lui
est indispensable pour gouverner sans de
trop graves enibarras. Il a donçpeçsé à faire
dans le, cabinet une nouvelle place à quel-?
ques-uns des hommes distingués qui se sont
attachés à la fortune de sir Robert Peel. Il
a offert là place de premier lord de l'ami
rauté à sir James Graham, qui était ministre
de l'intérieur avec sir Robert Peèl, mais qui
a combattu long-temps dans les rangs du
parti whig, dont il ne s'est séparé, avec lord
Stanley et-quelques autres, qu'à propos du
bill qui réduisait les revenus de l'église an
glicane. d'Irlande. Sir James Graham pou
vait d'autant mieux remplir le poste qui lui
était offert, qu'il a fait, autrefois .partie du
bureau de l'amirauté avec une administra
tion whig. Il ne serait d'ailleurs point entré
seul dans le ministère : lord Minto, loin de
passer à l'amirauté, devait. résigner ses
fonctions de lord du sceau privée et quelques
autres postes ministériels devaient également
devenir vacans. '
La négociation a été conduite assez : loin
pour que lord John Russell ait»eu une en
trevue fort longue avec sir James Graham;
mais elle n'a point abouti. Pour que l'entrée
de sir James Graham au ministère eût quel
que signification, il fallait qu'elle amenât la
cessation de toute hostilité entre les whigs et
les peelites, et pour cela qu'elle correspon
dît à un changement immédiat dans la poli
tique du cabinet. C'était un acte trop grave
pour que lord John Russell pût le faire im
médiatement; il aurait abouti tôt ou tard à
la retraite de lord Palmerston, et comme la
discussion sur les affaires coloniales peut
entraîner ultérieurement la retraite du com
te Grey, lord John Russell aurait été exposé
à demeurer, dans un avenir prochain, tout
à fait isolé, et le ministère complètement dé
mantelé n'aurait plus été. l'expression du
parti whig. C'était accppter d'avance les
conséquences de la plus rude défaite. On ne
doit pas s'étonner qu'il ait mieux aimé cou
rir les chances de la lutte.
La négociation a donc été rompue à re
gret des deux côtés, et le Times, én annon
çant la nomination de sir Francis Baring,
ajoute qu'il n'y aura pas de nouvelles modi
fications dans le cabinet; Ce journal ne dis
simule point que la nomination a été retar
dée par les arrangemens essayés avec le parti
conservateur modéré. Le Morning-Post, de
son côté, : assure qu'on a songé â fairç passer,
;le comte -Grey à l'amirauté, ei à donner à ;
si? James Qrâliam le ministère 1 des colonies ; r
il désign'e |l'e con^te de,Lincoln èt M., Card-
wetl comme ceux dés amis de sir James'
Graham qui devaient ëntrér avec* lui daps
.l£succès de la combinaison tentée par lord»
John Russell. Il est fort possible (jue les,né
gociations soient reprises aussitôt après l'ou
verture du parlement.
t y ... " . f' . ■ ... •• .
La commission chargée de préparer là loi d'or
ganisation départementale et communale se com-
pose de ..
MM'.' m ■
4 cr bur. Ghampànhft. 9» bur. Itepellin.
*2" ïassel (Finistère). 10»' Glais-Bizoin.
3° M 0 Frichon. '
4« _ Hamard. . 42» Rolland (Saùne-
5° Dufaure. ' et-Loire).
,6 e - Lenglet (Nord). 13 e Vivien:
7° Bidier. 14 e Manuel.
8® Fayolle. 15 8 Coralli.
M--Liechtenberger, a été nommé président, M.
Pierre Bonaparte secrétaire de la commission*
chargée de l'examen dés propositions relatives,
soit S la convocation de l'Assemblée législative,
soit à la modification du décret du 15 décembre,
concernant les lois organiques. , ,
-M. Brunet a été nommé rapporteûr de la
commission chargée de l'examen de là proposi
tion relative à l'admission et à' l'avancement
dans.les fonctions publiques.,' _ ' '
' M. Duvergier.de llauranné a pris aussi là pa
role dans lès bureaux, sur là proposition d^ M.
ltate£\ii, et selon son usage en allant droit au
fait,,il a su fortifier son argumentation de con
sidérations nouvelles. Voici l'analyse du dis
cours qu'il a prononcé dans le 13 e bureau.
' M. Duvergier de, Ilauraniie veut prendre la ques
tion au point où l'a amenée le vole de vendredi der
nier]. rouis il lui paraît nécessaire de dire avant tout
un mot de la question constitutionnelle soulevée par
M. Rcgnard. Il c.st Iris vrai qu'en, llii'ss générale un
ministère qui n'a pas la majorité dojt se retirer.;
c'était le principe de la monarchie constitutionnelle,
ce doit être'à plus forte raison le.principe.de la Ré-',
publique. Mais sous la monariihie constitutionnelle !
il restait toujours- au ministère condamné par la
majorité.un droit suprême, le droit d'appel au pays.
En cas de dissentiment entre les pouvoirs, le pays
restait ainsi juge définitif. Il n'est pas possible d'ad
mettre que la Républiaue l'ait dépossédé de ce droit
souverain. ' .
I-e pouvoir executif, il est vrçi, n'a plus. le droit
de dissolution, ft c'est l'Assemblée'qui. se l'est ré
servé; c'est îi elle à en user quand le dissentiment
existe,, et quand il lui apparaît qu'il y a doute sur''
les dispositions du. pays. Or, ce doute, qui peut le.,
nier aujourd'hui? Qui peut nier qu'aux yeux de
beaucoup de bons, citoyens,, le pays don ne-raison
au pouvoir: exécutif plutôt qu'à l'Assemblée» Dans '
cette situation, des élections sont 'indispensabres
pour rétablir le jeu de la machine,constitutionnelle.
11 est bon d'ajouter que, selon, les adversaires de la
proposition Rateau, selon h . t Billault lui-même,
l'Assemblée n'a pas plus de deux pu trois mois ii vi
vre. Le ministère fait donc, très bien d'attendre le
moment où le pays, consulté, seprononcera pour ou
contre lui. v
Quant à la proposition Rateau, il paraît à M. Du
vergier que le principe en a été définitivement admis
par le vote du 12 janvier. Il reste seulement k fixer
l'époque qui convient le mieux pour les é'ections
prochaines. La date extrême est celle du 13 avril,
qus proposent MM. Pagnerre et Bixio. Mais celte,
date est évidemmeut trop éloignée. Il n'est pas cer- '
tain que l'Assemblée nouvelle doive, rétablir comme
par enchantement la confiance, le crédit, le tra
vail. Mais il est certain que ni la confiance, ni le .
crédit, ni les travaux ne renaîtront jusqu'à ce que
l'Assemblée nouvelle soit élue.
Aujourd'hui toutle monde sait qu'une élection gé
nérale aura lieu dans deux ou trois mois au plus, et
tout le monde se préoccupe des résultats de cate élec
tion. Il y a là un mystère k percer, une inconnue k
dégager. Tant que la chose ne sera pas faite, pas de
confiance, pas de crédit, pas de travail possible.
Pour faire les trois seules lois qui soient véritable-
ment organiques, personne d'ailleurs ne peut soute
nir qu'il faille plus de six semaines, surtout si l'As
semblée se décide k se réunir k midi aulieu de deux
heures, et k mettre un peu plus d'activité dans ses
travaux. La question est donc de savoir si, pour vo
ter trois lois plus k son aise, l'Assemblée tiendra
le pays dans l'agitation et dans l'anxiété. Celte
agitation, cette anxiété ne sont, peut-être pas en
core aussi fortes qu'on le dit; mais elles vont crois
sant chaque Jour, et elles deviendraient très fâ-
Bsas
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 17 JANV.
LE CABINET NOIR.
TROISIEME PARTIE.
LES APOTRES DE NUREMBERG.
CHAPITRE XIX.
DE PÈRE EN FILS. :
— Mon père, — dit le jeune'Alexis, —quelle
lugubre histoire I et c'est dans notre famille que
tous ces faits se seraient accomplis ?
— Oui, — repartit l'ex-conventionnel, — le
nom dé Bulet fut originairement 1er nôtre. Mais,
où en étiez-vous du manuscrit? * ■
Alexis lui ayant montré l'endroit ou il s'était
arrêté: .
— Eh bienl en deux mots,—reprit le père,—
je vais conduire le récit jusqu'à no^ jours. L'heu
re du dîner s'approche, et je ne voudrais pas qu'à
table, quand nous serons tous réunis, il fût ques
tion de ce que vous venez de lire. Le secret qui
est au bout, et que vous saurez tout à l'heure,
vous expliquera pourquoi, vis-à-vis de votre mère
et de votre sœur, j'use de cette discrétion.
Cela dit-, il eut encore la pïécaution d'engager
son fils il l'écouter sans l'interrompre; puis il
reprit ainsi :
« Ainsi .échappé à la fatale destinée dans la-
» quelle s'absorba l'association des Apôtres de
» Nuremberg, llulet,-lcur ancientiffîlié, devint,
» comme vous venez de le voir, directeur du
» bureau secret. Etabli en France, il s'y maria,
» ét, jusqu'à la révocation del'édit de Nantes,
» il vécut dans sa patrie adoptive d'une exis-
» tence tranquille et honorée. Mais quand vint
» à éclater la persécution religieuse , des pre-
» miers il en fut atteint. Né en Angleterre, éle-
» vé et ayant toujours vécu dans la religion ré 1
» formée, il refusa aux instances - de M. deLou-
" 1 ' . ' 1 1 «k .
yoir notre numéro du 14 janvier.
Toute reproduction^ même partielle de cet ouvrage,
eit interdite, et serait oartuivie comme i^ntrefaçon.
» vois le sacrifice de ses convictions religieuses,
» et, à la fin même, pour se soustraire aux ob-
» sessions dont il était l'objet, résolut de se.ré-
» fugier à l'étranger. Mais les mesures les plus
» sévères avaient été prises^ pour arrêter l'émi-
» gration des protestans, et d'ailleurs, par suite
» dé ses fonctions, le directeur du Bureau du
» roi était possesseur de trop graves secrets
» pour que son projet de fuite pût s'effectuer.
» Des instructions particulières avaient-elles été
» données à son sujet, ou devint-il seulement
» victime d'ordres généraux? toujours est-il,
» qu'en essayant de passer la frontière, il fut ar-
» quebusé, et périt dans une de ces dragonades
» que le ministre Louvois avait imaginé de trans-
» former en apostolat. » "
— Une fin presqu'aussi malheureuse qu'avait
été celle de son père!—ne put s'empêcher de re
marquer Alexis..
— Et violente, — continua llulet père, —
» comme devait l'être celle de son fils," qui, en-
» levé à ses parens pour être instruit dans la
» religion catholique, fût à son tour placé à la
» tête du Bureau secret. Après "avoir rempli ces
» fonctions sous trois règnes : la fin de celui de
» Louis XIV, la régence du duc d'Orléans et
» une partie du règne de Louis XY, un jour,
» décachetant une volumineuse dépêche qu'une
» criminelle industrie avait chargée d'une forte
» dose de poudre fuminante, il intercepta pour
» ainsi parler, la mort qui était à l'adresse du
» propriétaire de la lettre et succomba aux sui-
» tes'de l'explosion qui, "dans tous les cas, l'au-
» rait laissé, aveugle et horriblement défiguré. »'
— Mais, mon père, — s'écria Alexis comme
frappé d'une illumination subite.—jusqu'à nous,
je l'espère, n'est pas venu cet affreux héritage si
évidemment àl'index de la justice dp Dieu?
— Laissez-moi dire,—repartit llulet, — èt
ne préjugez rien. Fils aîné de celui que nous
venons de voir faire une fin si déplorable, l'au
teur du présent manuscrit était votre aïeul, moi
j'étais son unique enfant. Comme à vous il lui
parut que la direction du Bureau secret était un
bien redoutable héritage, et s'y prenant de lon
gue main pour m'y soustraire, ce résultat obte
nu, il crut avoir beaucoup fait pour le bonheur
de ma vie. Une seule chose, dans ses prévisions;
ne lui faillit pas, à savoir : lédénoûment funeste
de tousses devanciers,, qui l'attendait, lui, sur l'é-
chafaudde93; quant ïmoj, par suite delà fausse
direction qu'il m'avait imprimée, jeté dans des
traverses et des adversités sans nombre, il m'a
fallu, 'quoi que j'en eusse, suivre la pente hé
réditaire,. et, à mon tour, aujourd'hui, je suis
( le directeur du Bureau secret.
— Yous, mon père ! — s'écria Alexis Hulet
avec épouvante.
, — Ne nous passionnons pas, mon fils,—reprit
l'ex-conventionnel, — et dans une question où
il y va des plus hauts intérêts de la société, n'ad
mettons ni la trompeuse illusion des idées de
jeunesse, ni la niaise pruderie du lieu-commun.
Pénétrer les secrets des familles, c'est un grand
mal, sans doute, mais un grand bien aussi, quand
la découverte de ces secrets tourne au profit de
l'Etat, qui est la grande famille à tous et qu'il
faut avant tout protéger. Le mal n'est d'ailleurs
le mal qu'autant que, détournée de son but et de
sa direction véritables, la surveillance épistolaire
tournerait à devenir un instrument d'intrigues et
ne serait point exercée dans les conditions d'une
fidélité singulière; mais à ce danger il a été soi
gneusement pourvu. A l'époque où, sur l'invita
tion de Bonaparte, premier consul, j'acceptai ce
grave mandat, je fis deux conditions : la première
' que, placé dans une -complète indépendance de
la police , je resterais exclusivement maître
de composer le personnel des employés tra
vaillant sous moi'; la seconde, que je serais,
autorisé à faire régner dans cette administra-'
tion dont j'allais être le chef, un ordre et une
moralité qui n'y avaient point'toujours été ob
servés jusque-là.
Hulet père avait pu, sans être interrompu, sé,
livrer à ce long exposé du ^régime intérieur du"
Cabinet noir : sous la première émotion de la ré
vélation qui venait de lui être faite, son fils n'a
vait trouvé d'autres paroles qu'une exclamation
de terreur.
— Mais la mort,—s'écria enfin le jeune hom
me, — est pour vous au bout de ces 'fonctions,
qu'évidemment Dieu a maudites. •
— Tout me fait croire, en effet, — repartît
Hulet père, en homme qui, dès long-temps,
avait envisagé cet avenir, "—que, pour moi
* omme pour mes devanciers/ la fin de mon man-
' dat ne doit pas être heureuse, et probablement
la même destinée, vous attend après que vous
m'aurez succédé. ^
— Qui, moi? que je fasse ce métier? n'y,
comptez pasJ
— Auriez-vous peur. .mon fils? ;
— Peur,' oui, de la mort dans l'infamie !
—L'infamie I voyez ma vie pourtant ! en con
naissez.- vous beaucoup d'aussi ordonnées et
d'aussi pures, et si, dans mes moeurs quelque
chose était à reprendre, ne serait-ce pas. plutôt
un'excès d'austérité?
—Expiation accordée au cri de la.conscience,
— repartit Alexis Hulet, qui, à côté de sa na
ture légère et impressionnable, faisait souvent
voir un esprit'd'observation au-dessus de son
âge.
— Non Monsieur, — repartit Hulet père-avec
dignité, -— je n'expie pas, je pratique. Ayant,
dès le principe,-considéré mes fonctions, comme 1
un sacerdoce, je me suis fait une existence dans
la logique de cette idée.
— Vous vous cachez pourtant, mon père, car
ces sorties matinales, sous un pieux prétexte...
— Sont une nécessité pour qui aie dépôt d'un
secret qiii n'est pas le sien. Du reste, ne discu
tons pas ; si vous n'étiez pas sous l'empire d'un
préjugé, je pourrais voir à vous convaincre én
vous faisant comprendre ce qu'il y a au contraire
de consolant et d'honorable dans la haute confian
ce et dans le pouvoir immense et vraiment discré-
tionnaireidont nous sommes investis; je pour
rais même essayer de parler à votre imagination
en vous laissant entrevoir, et de précieuses étu
des à faire sur le cœur humain, et l'intérêt pres
que romanesque de certaines révélations arri
vant jusqu'à nous; mais j'ai, mieux que cela à
vous dire : Yous me succéderez, parce que', dé
par un décret d'en haut, c'est notre loi de fa
mille, parce que j'ai succédé à mon père et lui au
sien. ' '■ • . . ... . -
— Jamais! — répondit Alexis avec anima
tion.— Fils respectueux, mais, avant tout...
créature libre...
— Libre I — répéta Hulet père en haussant
les épaules; —.quand sur le cadavre de trois de
nos aïeux, votre grand-père a pu écrire : h
dogme du péché .originel a sa réalisation dans
la destinée de certaines familles où la flétrissure
de la souche gagne de branche en branche
jusqu'aux dernières générations ! Et lui, a-t-il
trompé sa destinée? Et moi, cinquième dans
cette triste dynastie, et ayant rejoint après un
long détour, ne suis-je pas plus que tous les au
tres un décisif et frappant exemple de la fatalité-
qui.est sur nous? ■
— Mon. Dieu ! mais quel souvenir ! — se pri t
à dire Alexis. — Sur la liste des juges qui ont
envoyé Louis XYI à la mort, figure le nom de
Hulet. Mon père, vous vous appelez Yandel?
, _ Je vous l'ai dit : autrefois je m'appelais
Hulet, et s'il est vrai que, par son < coup de ha
che, le bourreau de Charles I er ait fait sourdre'
la malédiction qui pèse sur notre race, croyez-
vous qu'il fût réservé au juge de Louis XYI.de
la tarir et de la conjurer ?
— Alors, votre arrêt fut donc injuste?
— .Te ne sais ; je votai seloîi ma conscience ;
mais peut-être s'égara-t elle sous l'inspiration
de la pensée démocratique qui ne veutpas qu'en
tre le premier criminel venu et celui que la Pro
vidence avait placé à la tête d'une grande na
tion, la justice fasse quelquediflerence. Peut-être
aussi nous sommes-nous trompés en'voulant faire
un instrument de règne de l'échafaud politique.
Qui peut dire si un jour, sous la marche des idées
civilisatrices, on-ne verra pas l'instrument de
mort fléchir et's'abîmer? Mais nous s_euls, de
père en fils, bourreaux de rois, ne gagnerons
rien à cette clémence, et aux rayons de la lu
mière nouvelle s'élevant à l'horizon de l'huma
nité, la tache sanglante du régicide ne marque
ra que mieux notre nom. ■.
— Non, mon père, car, à cette lumière aussi,
doit disparaître cette ténébreuse pratique dont
on veut me faire l'instrument?
— N'en croyez rien, mon enfant: on le dira
peut-être, mais les gouvernemeiis ont leurs né
cessités , qui né comportent pas la morale ab
solue.
— Eh bien ! à d'autres l'œuvre ; moi, je ne le
ferai pas.
— Mais que prétëndez-vous ? Votre éduca
tion a été conduite en vue decet avenir, et avec
votre connaissance des langues de l'Orient, yous
serez un sujet à part, l'un de nos employés le®
plus utiles et les plus distingués. Aucune autrè
carrière pour vous n'est ouverte. Habiiilé à for
tement vouloir et à être obéi, l'Empereur, m'a
appelé à ces fonctions au nom du principe de
l'hérédité, et il a toujours entendu que nous de
vions nous recruter entre nous ; il me prendrait
en pitié s'il entendait parler d'une résistance que
mon pouvoir paternel n'eût en deux ipots abais
sée devant lui. -
— Mon père, l'obéissance filiale finit où com
mence la dignité humaine.
—Prenez-y garde, Alexis. Jusqu'ici vous vivez
par moi. Sans appui dans le monde, ayant le
goût du luxe et des plaisirs, que feriez-vous si,
en suite de votre révolte obstinée, j'allais me re-
tirerde vous? ' ■
-i- Soit,—répondit Alexis avec vivacité. — Je
quitterai cette maison, j'irai, s'ilie faut, invo
quer la charité publique; cela vaut mieux que :
de manger le pain de l'infamie.
— Encore une fois,-songez-y, — repartit Hu
let père,— votre menace inconsidérée pourrait
bien être mise en demeure de s'exécuter, car
très certainement je ne supporterai pas ce caprice
de puritanisme,persévérant au-delà d'un certain
délai.
.—.Tout de suite, Monsieur, — dit Alexis en
se levant, — je vais embrasser ma mère et .ma
sœur... : . . - - ■ : / '
— Je vous ordonne d'attendre et de réfléchir
jusqu'à demain. Maintenant pas un. mot de tout
ceci à personne, et, pour obtenir votre discrétion,
je ne vous parle pas des dangers que vous pour
riez courir, je m'adresse j uniquement à votre;
loyauté. Dans notre famille surtout, silence; les
femmes ne.sont jamais, pour les secretSi de sûres
dépositaires.
Alexis répondit que, quant à sa discrétion,,le
Cabinet noir pouvait être tranquille. Ensuite!
Hulet père sortit de sa chambre; où il le laissa
livré au conflit de pensées que l'on peut bien - se?;
figurer. •
Le lendemain, Alexis se présentait chez son:
père ; sans affecter des airs de bravade; son vi-;
sage avait quelque-chose-de câline et d'épa
noui.
Interrogé sur le parti auquel il s'était arrêté :
MERCREDI iï JANVIER 48 £9.
"f' î'
-"' -tftj>L'
■»£.
numéro i*.
h : gâte' x>x z>'aacssms53EErv «
.j i. PARIS.
TBÔIS MOIS.... 8F.
SIX MOIS.. , .i,. 18
WAN,•'.sa/"
t L u abO&ACBiéns datent des 1" «t 16 d# chuta® moif*
7 . . , COTEAUX A TARIS ! ,
K hi du M Février, 10 (ci-devant da Y«lois)j
r. r Q)flutfA
tu fc—A Strasbourg, ehu Alexandre, pour l'Ailcm&gn*.
J ' !, ( , .* il ' f N / -
i TiSrauer front», pour lï'rédtotloa,"
• i iB. MEIUICAU, férant. . ; t &
ar .thtn lit.ùii ti >i.'■«c.'jti {'î,! | ^
■ 4
JOURNAL POLITIQUE ^LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
0 f . /
tfîàas: s>s x*j&BokrânpiÉBnr î j
. ' . . PARIS. DÉPART. ÊTOA^a
TROIS MOIS ... 8 F. 11 F. M F» ,
Six mois .. . .. la 23 28 '
' 82 "44 , .JW," 1
lUs *bonn«m«nï datent des 1 er *t'i6 de ola^ae Btoli
EÙREAtJX A PARIS ; '
Mvf dvî SI Février, 10 (ol-dévint de Tiïoil). 1
Les annonces font reçnef, de 11l 4 k«or«l t
... an bureau du Jonrpal,
l'oit» insertion dol agrtt* pu 1* (irutl.
" . , ' ' * « J
Vi&cmet frmoo. pour l'administration,~3
. à M.- DEVAIS, dinotovi
MÈIS, 16 JANVIER
.En'(assaut connaître ce matin la com
position de la commission chargée d'exa
miner -la proposition de M.- Rateau r ,nons
îlYons ; émis le doute que cette commission
•vînt demander à l'Assemblée le rejet alv*
solu; de là proposition. Les nécessités de
la situation nous rassuraient contre, les
dispositions .des commissaires.: D'après' les
bruits qui couraient aujourd'hui,, nous - ne
nous serions pas trompés dans nos conjec
tures. On assure que la commission propo
sera de réduire à trois ou quatre au plus 1er
nombre des lois organiques qui devront être
faites par l'Assemblée: la- loi électorale se
rait dece nombre, et devrait- déterminer
l'époque de3 élections pour lesquelles le rap
port se bornerait à indiquer le milieu du
mois d'avril. . . ;
On voit qu'il y a loin de ces résolutions
au langage tenu par la plupart des commis
saires dans leurs-bureaux. C'est une pre
mière concession- que les plus ardens eux-
mêmes sont contraints de faire à l'opinion
publique. Nous croyons que la commission
sera obligée de faire un pas de plus et d'ar
river à fixer une date précise pour là sépa
ration de l'Assemblée. Toutaulrè expédient,
quelque bien, ynaginé qu'il pût' être, aura
toujours pour inconvénient de laisser planer
une sorte d'incertitude sur l'époque de la
dissolution, et dé perpétuer l'inquiétude du.
pays. Une détermination positive et .irrévo
cable peut seule donner une certitude, sans
laquelle tout le mouvement commercial de
meurera paralysé.
Le parti modéré que la force dès choses
sert si bien qu'elle contraint ses adversaires
aux concessions qu'ils repoussaient le plus
loin, doit donc persévérer 'dafis sa ligne de
fermeté.et de modération; il dôit d'une part
se confier au mouvement de l'opinion pu
blique qui lè'seconde si puissamment, et de
l'autre prêter un appui résolu au gouverne
ment, qu'on cherché à harasser par des lut
tes stériles, et à paralyser par une opposi
tion systématique. Le pays a le besoin et la
volonté d'être gouverné; il faut l'aider à sa
tisfaire ce besoin et cette volonté.
Le principal événement de la séance a été
le retrait du projet de loi relatif à l'établis
sement .d'un impôt sur le revenu mobilier;
il est vrai que .M. Goudchaux a annoncé
l'ijjtentifln de reprendre ce projet sous for
me" de proposition. Mais si nous avons loué
hier ,M. Passy.d'avoir accepté la responsa
bilité du projet sur les successions, nous le
félicitons aujourd'hui d'avoirrçcusé celle du
projet d'impôt sur le revenu mobilier, im
pôt complètement impolitique, qui, avec les
amend^mens du comité des finances^ retom
berait uniquement sur le commerce et l'in
dustrie^ et dont la perception entraînerait
d'ailleurs les .mesures les plus vexatoires et
leiplus inquisitoriales.
L'Assi '
^Assemblée s'est occupée, pendant cette
séance, de cinq , projets ou propositions ;
mais il ne s'agissait pour chacun d'eux que
d'une première délibération, et la discus
sion n'a pas produit de résultat immédiat ;
iLa été décidé pour tous qu'on passerait à
une seconde délibération. .
Lé premier projet était relatif àuncré-
diLsupplémentaire de plus de deux millions
réclamés pour la liquidation des atelier? na
tionaux du département de la Seine; il en
résulte que les ateliers nationaux nous au-
ront.coûté 1-4 millions et demi, sans comp
ter le dommage qu'ils ont porté à l'indus
trie, sans compter surtout le mal plus grand
encore qu'ils auront fait au pays en cau
sant l'insurrection de juin ; puisse,, dit le-
rapporteur, puisse de nouveau sacrifice être
le dernier .impo^é^iux contribuables par les
théories anti-sociales, les mauvaises passions
et les idées anarchiques.
second projet a. pour but d'établir
les biens de main-morte une taxe an
nuelle représentative des droits de trans
mission entre vifs et par décès; ce projet a
'obtenu l'approbation de îa commi sion qui
lavait été chargée de l'examiner ; ila été éga
lement squtenu aujourd'hui par M. Dupin,
'qui à fait valoir de très bonnes raisons en
sa faveur.
i " Lè nouvel impôt proposé est basé sur cette
considération,que les établissemens de main
morte, dont l'existence se perpétue par une
subrogation successive de personnes, acqué
rant souvent, n'aliénant que dans des cir
constances très rares et ne mourant jamais,
échappent ainsi à l'impôt des mutations, et
ne, fournissent ■ pas même au trésor le tiers
de ce que. produisent -les autres biens; on
ajoute, en se plaçant au point de vue éco
nomique, qu'il y a de graves inconvéniens
à laisser jouir d'uné semblable immunité
une masse de biens, qui restent dans une in
fériorité de production telle, que, représen
tant près de 5 millions d'hectares ou le
dixième des propriétés imposables de la
France, ils ne donnent cependant qu'un re-
Yepu de 04 millions, ou le trente-et-unième
du .revenu général.
Les biens qui doivent être atteints par le
nouvelimpôtsont Tés biens immeubles passi
bles-de'la contribution foncière ,* apparte-,
nant aux départemens, communes, hospi-
çes, séminaires, fabriques, congrégations re
ligieuses, consistoires, établissemens de cha
rité, bureaux de bienfaisancé, sociétés;ano-
nymes et tous.établissemens publics légale
ment autorisés.
; On voit , que, parmi les établissemens de
main-morte qui vont sè trouver imposés, il
y en a un certain, nombre qui ne se sou
tiennent qu'à l'aide de, sqhveptions accor
dées par, l'Ètàt,; MM. Grellet et Cesnàrd en
ont tiré un argument contre le projet de loi,
parce qu'on sera obligé d'augmenter ces
subventions en raison, du nouvel impôt,
c'est-à-dire qu'on prendra d'une main pour
rendre de l'autre ; ils ont objecté, en outre,
qu'il était impolitique d'imposer les hospi
ces et les établissemens de charité; mais
MM. Passy et Dupin ont réfuté ces objec
tions ; ils ont répondu que l'impôt était jus
te ; qu'il avait pour but de faire disparaître
un privilège en matière d'immeubles ; qu'il
ne porterait que fort peu sur les fondations
charitables ; qu'il n'y avait, d'ailleurs, rien
de contradictoire entre la subvention et ■
Pimpôt, et que, quant, aux hospices .et aux
établissemens de charité, comme ils sont à
la charge des communes,: les pauvres ne
sauraient en souffrir. ;
Le projet primitif assujétissait également
à, la nouvelle taxe les droits d'usage en bois,
appartenant à des communautés,, d'hàbitans
dans, les forêts des particuliers et de ï'État;
mais la commission a considéré que ces
droits constituaient une servitude et non une
propriété, que d'ailleurs ils étaient incessi
bles, et que, par conséquent, ils ne pouvaient
être,passibles d'un impôt qui prend sa source
dans la transmission ; elle propose donc de
ne leur rien demander.
La taxe annuelle apercevoir sur les biens
de main-morte doit être de 5 0/0 du re
venu, taxe un peu moins élevée que le
montant des droits de mutation: qui grè
vent les biens des particuliers ; nous avons
.dit que; Iç revenu des biens de main-morte
était estimé à 64 millions; l'impôtTendrait
donc plus de.3 millions ; mais il faudra en
distraire l'augmentation de secours qu'il
sera nécessaire d'accorder aux établisse
mens subventionnés. . ■ - ■ . " 4
Le troisième projet concerne^ là révision
de l'art. 1781 duGode civil; d'après cet ar
ticle, le maître est cru sur son affirmation
pour la quotité des gages, pour' le paiement
du-salaire de l'anûée échue, et pour les à-
comptes donnés pour l'année courante ; le'
projet, présenté par M. Lemonnier, et mo-
•difié par le comité de législàtîbù, a pour but.
de faire disparaître cette Inégalité ; il porte, !
((u'à défaut de preuve écrite, toùtés toiites-
tations eytre le maître et lës domestiques ou
les ouvriers, seront décidées; sur l'affirma-^
tion de celle des' partie? à laquelle le juge,^
aura cru devoir déférer le serment. . ,
Le. quatrième projet, examine dans la
séance,. porte qu'il sera fait mention dans =
l'acte de mariage, passé devant l'officier de .
l'état civil, du contrat contenant les con
ventions matrimoniales des époux; il s'agit
de mettre les tiers à même de savoir, par
exemple, si le mari peut aliéner les biens,
de sa femme, si la femme peut disposer de >
sa dot en totalité ou en partie, c'est ce qu'on
propose de faire en imposant à l'officier ci
vil l'obligation de faire connaître la date
du contrat, ainsi que le nom et la résidence
du notaire qui l'a reçu.
Enfin le dernier projet était relatif au
conseil d'amirauté ; ce, projet, dont nous
avons" déjà parlé;, doit assurer yindépen- ,
dànce et la stabilité de l'institution ; le noji- ;
veau miniçtre de la marine a déclaré qu'il y
donnait sop. adhésion , sauf des modifica-r
lions de.détail qu'il ferait connaître lors de
la discussion des Articles.
! Ala fin dé là séance, M. le président de
l'Assemblée a donné commpnicatio& d'une .
demande én autorisation de poursuites çon- ■
tre MM. Raynaud-Lagardette et Botirbôus-
son, qui se sont battus en duel, il y a plus
d'un mois. .• -
La mort récente de lord Auckland, qui
laissait vacanteja place de.premier lord de
la trésorerie, a donné lieu en Angleterre à
une sorte de crise ministérielle. On avait
supposé que lord Mintô,. en ce moment lord!
du sceau privé, pouvait bien reprendre des
fonctions qu'il a déjà exercées, et, dans cette
hypothèse, tous les journaux qui combattent
la politique étrangère de lord Palmerston,
et qui ne pardonnent pas à lord Minto de s'y
être complètement associé par son voyage
en Italie, ont dirigé contre cet homme d'E
tat les plus vives attaques. Comme lord Min
to est allié, à la famille Grey, qui occupe dé
jà deux des principaux ministères, on n'a
pas manqué de crier au népotisme, aux in
fluences de famille, et de dire que le gou
vernement des whigs n'avait jamais été, à
aucune époque, que là domination de quel
ques familles qui se partageaient les minis
tères comme un patrimoine.
s Lord Minto n'a point été le successeur
choisi pour remplacer lord Aucltland; le
poste de premier lord de l'amirauté a été
donné à l'homme qui dès le premier jour
jjvait été désigné par toutes les personnes
bien informées, comme devant entrer dans
le cabinet. Nous voulons parler de sir Fran
cis Thornhill/Baring qui a déjà occupé dans
un ministère whig la place de chancelier
de l'échiquier. M. Baring sera sans douté
élevé d'ici à quelque temps à la pairie
car le bureau de l'amirauté est déjà suffi
samment représenté à la chambre des com--
munes, et il est. indispensable qu'un de ses
membres au moins appartienne à la cham- .
bre haute, pour. y défendre les intérêts de '
la marine. , .
Cette circonstance avait fait penser que le ;
successeur de lord Auckland pourrait bien
être lord Normanby ou le comte de Claren-
dori. Lord Normanby, qui a déjà occupé
plusieurs ministères, a donné partout des
preuves d'une incontestable capacité, et l'a-
jâairauté l'aurait vu avec plaisir à sa .tête;
mais le cabinet anglais savait qu'il aurait
trop de peine à trouver un ambassadeur à
Paris, pour songer sérieusement à déplacer
lord Normanby. Quant à lord Clarendon,
il est certain qu'il n'eût pas demandé mieux
que d'échanger, contre un a.utre portefeuille,
le gouvernement de l'Irlande : qui lui est à
charge;-mais les raisons politiques qui lui
ont fait donner ce gouvernement plutôt que
le ministère des colonies ou l'ârniranté sùb-,
sisteni'toujours. Lord Clarendon ne quittera,
Dublii que .pour^venir, remplacer Jlorà Pal
merston au Foreign-Office, si: çe .dernier
succonibe devànt-lés attaques que Mi vau
dra-'âaBS-le parlement le coûcburs qu^il a
prêté au Gouvernement républicain . de
France, et Si les wÛigs sé toient contraints
à un remaniement ministériel. ' ■ •
Ce n'est, donc point Teiribafras de choisir-
qui a fait différer plus de deux semaines la
nomination du successeur de lord Auckland^
Sir Francis Baring était naturellement ap
pelé à cette place par l'éclat de ses services
antérieurs et par ses talens : on s'était éton
né, lors de la formation du cabinet whig,
que lord John Russéll eût laissé en 1 dehors
du ministère, un homme de cette valeur, et
il devait se féliciter d'avoir une occasion de
le rattacher à l'administration. Mais lord
John Russell a pensé quelque temps à une
autre combinaison, qui aurait fortifié le.
gouvernement contre. les rudes, attaques
qu'il va avoir à essuyer dans un mois
' "Nous avons exposé plusieurs fois quelle
était la situation' parlementaire du, minis
tère anglais; qu'il suffise de rappeler que le
parti ministériel et le parti, tory se -balan
cent, ët que c'est l'appoint des quatre-vingts
où,cent membres qui suivent sirRobprt Peel
qui a donné la majorité au ministère dans
toute la session dernière; L'alliance s'était
formée naturellement par la communauté
d'idées sur. la politique commerciale, eljë '
s'était cimentée par l'ipitiative habile qu'a-
vait, prise loird John Russellj en : donnant
place dan» son administration à lord Dal-
housïe, à loi;d Lincoln, à M. Sidney Her
bert, qui avaient fait partie de l'administra
tion de sir Robert Peel. , .
La position du ministère anglais est en
core aussi solide que par le passé ; ,çe n'est
pas en présence des bouleversemens dont
l'Europe estle théâtre que les Anglais com
mettront l'imprudence d'ébranler leur gou
vernement ; l'expérience d'autrui leiir pro
fite. Mais il est certain que le ministère n'aura
point une existence aussi paisible que l'an
' passé. Lord Grey n'a point eu la main heu
reuse dans le choix des gouverneurs des dif
férentes colonies, ; d'ailleurs, outre .quelques
nominations malheureuses, il est destiné à
expier les fautes de ses devanciers. Plusieurs
dé§ colonies anglaises,, notamment l'Austra
lie et la Nouvelle -Zélande, après avoir joui
d'une prospérité inouie, sont retombées, de
puis quelques années, dans la langueur par
suite de mauvaises mesures administrati
ves, et la crise déterminée par les révolu
tions de 181-8 a changé cette langueur en
une véritable souffrance.
On s'en est pris de ce regrettable change
ment à la politique coloniale du ministère
whig sansTéfléchir qu'il n'a pas eu le temps
matériel de- faire la moitié-du mal dont on
le rendwsponsable. On peut donc être as
suré quele Gouvernement actuel sera vigou
reusement .attaqué à ce sujet ; et ses fautes
; réelles ont été assez nombreuses pour qu'il
i ait quelqué peine à se défendre. Mais là;
du moins, il aura seulement affaire aux ad-
versaires'habituels du cabinet ; et il pourra
: en être quitte par le sacrifice de quelques
uns des membres de la haute administration
coloniale. Il lui sera bien plus difficile de
se tirer d'embarras sur les^questions de por
litique étrangère.
Les Anglais attachent en temps ordinaire
une médiocre importance à la politique ex
térieure de leur gouvernement ; c'est habi
tuellement sur les questions intérieures, sur
les. questions de commerce et de finances
Qu'ils renversentles ministères.'Mais la fa
çon cruelle dont leur commerce a ressenti
le contre-coup des bouleversemens du con
tinent a éveillé leur attention sur les événe-
mens du dehors;, ce ne sont plus seulement
1 les hommes politiques et les journaux qui
ont suivi les affaires du continent. On ne
' doit pas dissimuler que le sentiment public
en Angleterre, s'est ému f .de voir.lord Pal
merston paraître faire cause commune ,avqç
le Gouvernement républicain- dé France
contre lé? gouvertiem'ens, constitutionnels de
Prusse et d'Autriche ; là politique adoptée
par. lui en, Italie a surtout été l'objet des at
taques -les plus >viyes. Ce qui donne une sir
griificàtioii plus grande à' ces attaques, c'est
qu'elles ne partaient pas seulement des ad
versaires habituels du cabinet, mais dés jour
naux, mêmes qui soutenaient d'habitude le
gouvernement, et surtout des journaux qui
passent pour être en rapport avec sir Robert.
Peel et ses amis. , ~ ; •
Il ést à remarquer que ces attaques ne
sont point dirigées contre le cabinet tout en-
,tier, mais contre lord Palmerston, en qui
l'on personnifie toute la politique extérieure
du gouvernement. Lord John Russell n'est
pas seulement épargné, .il est souvent com
blé d'éloges par ceux qui-poursuivent le pliis
ardemment lord Palmerston. Dans les ques
tions extérieures comme dans les questions
:coloniales, le cabinet whig doit donc s'af-
tendre à des luttes très vives; et ici il a à
redouter la défection des peelites, qui, sans
.vouloir revenir à la politique absolutiste de
lord Castleréagh , pensent que l'Angleterre
doit incliner vers la Priasse èt l'Autriche, ses
allies, naturels, plutôt que vers la France.
L'enten te, sinon l'alliance, qui '' existait
entre les whigs et les peelites, sans être tout
à fait détruite, est donc gravement compro
mise, ; et l'on comRrçnd que lord John llus-
sell ait cherché à ressérrer un accord qui lui
est indispensable pour gouverner sans de
trop graves enibarras. Il a donçpeçsé à faire
dans le, cabinet une nouvelle place à quel-?
ques-uns des hommes distingués qui se sont
attachés à la fortune de sir Robert Peel. Il
a offert là place de premier lord de l'ami
rauté à sir James Graham, qui était ministre
de l'intérieur avec sir Robert Peèl, mais qui
a combattu long-temps dans les rangs du
parti whig, dont il ne s'est séparé, avec lord
Stanley et-quelques autres, qu'à propos du
bill qui réduisait les revenus de l'église an
glicane. d'Irlande. Sir James Graham pou
vait d'autant mieux remplir le poste qui lui
était offert, qu'il a fait, autrefois .partie du
bureau de l'amirauté avec une administra
tion whig. Il ne serait d'ailleurs point entré
seul dans le ministère : lord Minto, loin de
passer à l'amirauté, devait. résigner ses
fonctions de lord du sceau privée et quelques
autres postes ministériels devaient également
devenir vacans. '
La négociation a été conduite assez : loin
pour que lord John Russell ait»eu une en
trevue fort longue avec sir James Graham;
mais elle n'a point abouti. Pour que l'entrée
de sir James Graham au ministère eût quel
que signification, il fallait qu'elle amenât la
cessation de toute hostilité entre les whigs et
les peelites, et pour cela qu'elle correspon
dît à un changement immédiat dans la poli
tique du cabinet. C'était un acte trop grave
pour que lord John Russell pût le faire im
médiatement; il aurait abouti tôt ou tard à
la retraite de lord Palmerston, et comme la
discussion sur les affaires coloniales peut
entraîner ultérieurement la retraite du com
te Grey, lord John Russell aurait été exposé
à demeurer, dans un avenir prochain, tout
à fait isolé, et le ministère complètement dé
mantelé n'aurait plus été. l'expression du
parti whig. C'était accppter d'avance les
conséquences de la plus rude défaite. On ne
doit pas s'étonner qu'il ait mieux aimé cou
rir les chances de la lutte.
La négociation a donc été rompue à re
gret des deux côtés, et le Times, én annon
çant la nomination de sir Francis Baring,
ajoute qu'il n'y aura pas de nouvelles modi
fications dans le cabinet; Ce journal ne dis
simule point que la nomination a été retar
dée par les arrangemens essayés avec le parti
conservateur modéré. Le Morning-Post, de
son côté, : assure qu'on a songé â fairç passer,
;le comte -Grey à l'amirauté, ei à donner à ;
si? James Qrâliam le ministère 1 des colonies ; r
il désign'e |l'e con^te de,Lincoln èt M., Card-
wetl comme ceux dés amis de sir James'
Graham qui devaient ëntrér avec* lui daps
.l£succès de la combinaison tentée par lord»
John Russell. Il est fort possible (jue les,né
gociations soient reprises aussitôt après l'ou
verture du parlement.
t y ... " . f' . ■ ... •• .
La commission chargée de préparer là loi d'or
ganisation départementale et communale se com-
pose de ..
MM'.' m ■
4 cr bur. Ghampànhft. 9» bur. Itepellin.
*2" ïassel (Finistère). 10»' Glais-Bizoin.
3° M 0 Frichon. '
4« _ Hamard. . 42» Rolland (Saùne-
5° Dufaure. ' et-Loire).
,6 e - Lenglet (Nord). 13 e Vivien:
7° Bidier. 14 e Manuel.
8® Fayolle. 15 8 Coralli.
M--Liechtenberger, a été nommé président, M.
Pierre Bonaparte secrétaire de la commission*
chargée de l'examen dés propositions relatives,
soit S la convocation de l'Assemblée législative,
soit à la modification du décret du 15 décembre,
concernant les lois organiques. , ,
-M. Brunet a été nommé rapporteûr de la
commission chargée de l'examen de là proposi
tion relative à l'admission et à' l'avancement
dans.les fonctions publiques.,' _ ' '
' M. Duvergier.de llauranné a pris aussi là pa
role dans lès bureaux, sur là proposition d^ M.
ltate£\ii, et selon son usage en allant droit au
fait,,il a su fortifier son argumentation de con
sidérations nouvelles. Voici l'analyse du dis
cours qu'il a prononcé dans le 13 e bureau.
' M. Duvergier de, Ilauraniie veut prendre la ques
tion au point où l'a amenée le vole de vendredi der
nier]. rouis il lui paraît nécessaire de dire avant tout
un mot de la question constitutionnelle soulevée par
M. Rcgnard. Il c.st Iris vrai qu'en, llii'ss générale un
ministère qui n'a pas la majorité dojt se retirer.;
c'était le principe de la monarchie constitutionnelle,
ce doit être'à plus forte raison le.principe.de la Ré-',
publique. Mais sous la monariihie constitutionnelle !
il restait toujours- au ministère condamné par la
majorité.un droit suprême, le droit d'appel au pays.
En cas de dissentiment entre les pouvoirs, le pays
restait ainsi juge définitif. Il n'est pas possible d'ad
mettre que la Républiaue l'ait dépossédé de ce droit
souverain. ' .
I-e pouvoir executif, il est vrçi, n'a plus. le droit
de dissolution, ft c'est l'Assemblée'qui. se l'est ré
servé; c'est îi elle à en user quand le dissentiment
existe,, et quand il lui apparaît qu'il y a doute sur''
les dispositions du. pays. Or, ce doute, qui peut le.,
nier aujourd'hui? Qui peut nier qu'aux yeux de
beaucoup de bons, citoyens,, le pays don ne-raison
au pouvoir: exécutif plutôt qu'à l'Assemblée» Dans '
cette situation, des élections sont 'indispensabres
pour rétablir le jeu de la machine,constitutionnelle.
11 est bon d'ajouter que, selon, les adversaires de la
proposition Rateau, selon h . t Billault lui-même,
l'Assemblée n'a pas plus de deux pu trois mois ii vi
vre. Le ministère fait donc, très bien d'attendre le
moment où le pays, consulté, seprononcera pour ou
contre lui. v
Quant à la proposition Rateau, il paraît à M. Du
vergier que le principe en a été définitivement admis
par le vote du 12 janvier. Il reste seulement k fixer
l'époque qui convient le mieux pour les é'ections
prochaines. La date extrême est celle du 13 avril,
qus proposent MM. Pagnerre et Bixio. Mais celte,
date est évidemmeut trop éloignée. Il n'est pas cer- '
tain que l'Assemblée nouvelle doive, rétablir comme
par enchantement la confiance, le crédit, le tra
vail. Mais il est certain que ni la confiance, ni le .
crédit, ni les travaux ne renaîtront jusqu'à ce que
l'Assemblée nouvelle soit élue.
Aujourd'hui toutle monde sait qu'une élection gé
nérale aura lieu dans deux ou trois mois au plus, et
tout le monde se préoccupe des résultats de cate élec
tion. Il y a là un mystère k percer, une inconnue k
dégager. Tant que la chose ne sera pas faite, pas de
confiance, pas de crédit, pas de travail possible.
Pour faire les trois seules lois qui soient véritable-
ment organiques, personne d'ailleurs ne peut soute
nir qu'il faille plus de six semaines, surtout si l'As
semblée se décide k se réunir k midi aulieu de deux
heures, et k mettre un peu plus d'activité dans ses
travaux. La question est donc de savoir si, pour vo
ter trois lois plus k son aise, l'Assemblée tiendra
le pays dans l'agitation et dans l'anxiété. Celte
agitation, cette anxiété ne sont, peut-être pas en
core aussi fortes qu'on le dit; mais elles vont crois
sant chaque Jour, et elles deviendraient très fâ-
Bsas
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 17 JANV.
LE CABINET NOIR.
TROISIEME PARTIE.
LES APOTRES DE NUREMBERG.
CHAPITRE XIX.
DE PÈRE EN FILS. :
— Mon père, — dit le jeune'Alexis, —quelle
lugubre histoire I et c'est dans notre famille que
tous ces faits se seraient accomplis ?
— Oui, — repartit l'ex-conventionnel, — le
nom dé Bulet fut originairement 1er nôtre. Mais,
où en étiez-vous du manuscrit? * ■
Alexis lui ayant montré l'endroit ou il s'était
arrêté: .
— Eh bienl en deux mots,—reprit le père,—
je vais conduire le récit jusqu'à no^ jours. L'heu
re du dîner s'approche, et je ne voudrais pas qu'à
table, quand nous serons tous réunis, il fût ques
tion de ce que vous venez de lire. Le secret qui
est au bout, et que vous saurez tout à l'heure,
vous expliquera pourquoi, vis-à-vis de votre mère
et de votre sœur, j'use de cette discrétion.
Cela dit-, il eut encore la pïécaution d'engager
son fils il l'écouter sans l'interrompre; puis il
reprit ainsi :
« Ainsi .échappé à la fatale destinée dans la-
» quelle s'absorba l'association des Apôtres de
» Nuremberg, llulet,-lcur ancientiffîlié, devint,
» comme vous venez de le voir, directeur du
» bureau secret. Etabli en France, il s'y maria,
» ét, jusqu'à la révocation del'édit de Nantes,
» il vécut dans sa patrie adoptive d'une exis-
» tence tranquille et honorée. Mais quand vint
» à éclater la persécution religieuse , des pre-
» miers il en fut atteint. Né en Angleterre, éle-
» vé et ayant toujours vécu dans la religion ré 1
» formée, il refusa aux instances - de M. deLou-
" 1 ' . ' 1 1 «k .
yoir notre numéro du 14 janvier.
Toute reproduction^ même partielle de cet ouvrage,
eit interdite, et serait oartuivie comme i^ntrefaçon.
» vois le sacrifice de ses convictions religieuses,
» et, à la fin même, pour se soustraire aux ob-
» sessions dont il était l'objet, résolut de se.ré-
» fugier à l'étranger. Mais les mesures les plus
» sévères avaient été prises^ pour arrêter l'émi-
» gration des protestans, et d'ailleurs, par suite
» dé ses fonctions, le directeur du Bureau du
» roi était possesseur de trop graves secrets
» pour que son projet de fuite pût s'effectuer.
» Des instructions particulières avaient-elles été
» données à son sujet, ou devint-il seulement
» victime d'ordres généraux? toujours est-il,
» qu'en essayant de passer la frontière, il fut ar-
» quebusé, et périt dans une de ces dragonades
» que le ministre Louvois avait imaginé de trans-
» former en apostolat. » "
— Une fin presqu'aussi malheureuse qu'avait
été celle de son père!—ne put s'empêcher de re
marquer Alexis..
— Et violente, — continua llulet père, —
» comme devait l'être celle de son fils," qui, en-
» levé à ses parens pour être instruit dans la
» religion catholique, fût à son tour placé à la
» tête du Bureau secret. Après "avoir rempli ces
» fonctions sous trois règnes : la fin de celui de
» Louis XIV, la régence du duc d'Orléans et
» une partie du règne de Louis XY, un jour,
» décachetant une volumineuse dépêche qu'une
» criminelle industrie avait chargée d'une forte
» dose de poudre fuminante, il intercepta pour
» ainsi parler, la mort qui était à l'adresse du
» propriétaire de la lettre et succomba aux sui-
» tes'de l'explosion qui, "dans tous les cas, l'au-
» rait laissé, aveugle et horriblement défiguré. »'
— Mais, mon père, — s'écria Alexis comme
frappé d'une illumination subite.—jusqu'à nous,
je l'espère, n'est pas venu cet affreux héritage si
évidemment àl'index de la justice dp Dieu?
— Laissez-moi dire,—repartit llulet, — èt
ne préjugez rien. Fils aîné de celui que nous
venons de voir faire une fin si déplorable, l'au
teur du présent manuscrit était votre aïeul, moi
j'étais son unique enfant. Comme à vous il lui
parut que la direction du Bureau secret était un
bien redoutable héritage, et s'y prenant de lon
gue main pour m'y soustraire, ce résultat obte
nu, il crut avoir beaucoup fait pour le bonheur
de ma vie. Une seule chose, dans ses prévisions;
ne lui faillit pas, à savoir : lédénoûment funeste
de tousses devanciers,, qui l'attendait, lui, sur l'é-
chafaudde93; quant ïmoj, par suite delà fausse
direction qu'il m'avait imprimée, jeté dans des
traverses et des adversités sans nombre, il m'a
fallu, 'quoi que j'en eusse, suivre la pente hé
réditaire,. et, à mon tour, aujourd'hui, je suis
( le directeur du Bureau secret.
— Yous, mon père ! — s'écria Alexis Hulet
avec épouvante.
, — Ne nous passionnons pas, mon fils,—reprit
l'ex-conventionnel, — et dans une question où
il y va des plus hauts intérêts de la société, n'ad
mettons ni la trompeuse illusion des idées de
jeunesse, ni la niaise pruderie du lieu-commun.
Pénétrer les secrets des familles, c'est un grand
mal, sans doute, mais un grand bien aussi, quand
la découverte de ces secrets tourne au profit de
l'Etat, qui est la grande famille à tous et qu'il
faut avant tout protéger. Le mal n'est d'ailleurs
le mal qu'autant que, détournée de son but et de
sa direction véritables, la surveillance épistolaire
tournerait à devenir un instrument d'intrigues et
ne serait point exercée dans les conditions d'une
fidélité singulière; mais à ce danger il a été soi
gneusement pourvu. A l'époque où, sur l'invita
tion de Bonaparte, premier consul, j'acceptai ce
grave mandat, je fis deux conditions : la première
' que, placé dans une -complète indépendance de
la police , je resterais exclusivement maître
de composer le personnel des employés tra
vaillant sous moi'; la seconde, que je serais,
autorisé à faire régner dans cette administra-'
tion dont j'allais être le chef, un ordre et une
moralité qui n'y avaient point'toujours été ob
servés jusque-là.
Hulet père avait pu, sans être interrompu, sé,
livrer à ce long exposé du ^régime intérieur du"
Cabinet noir : sous la première émotion de la ré
vélation qui venait de lui être faite, son fils n'a
vait trouvé d'autres paroles qu'une exclamation
de terreur.
— Mais la mort,—s'écria enfin le jeune hom
me, — est pour vous au bout de ces 'fonctions,
qu'évidemment Dieu a maudites. •
— Tout me fait croire, en effet, — repartît
Hulet père, en homme qui, dès long-temps,
avait envisagé cet avenir, "—que, pour moi
* omme pour mes devanciers/ la fin de mon man-
' dat ne doit pas être heureuse, et probablement
la même destinée, vous attend après que vous
m'aurez succédé. ^
— Qui, moi? que je fasse ce métier? n'y,
comptez pasJ
— Auriez-vous peur. .mon fils? ;
— Peur,' oui, de la mort dans l'infamie !
—L'infamie I voyez ma vie pourtant ! en con
naissez.- vous beaucoup d'aussi ordonnées et
d'aussi pures, et si, dans mes moeurs quelque
chose était à reprendre, ne serait-ce pas. plutôt
un'excès d'austérité?
—Expiation accordée au cri de la.conscience,
— repartit Alexis Hulet, qui, à côté de sa na
ture légère et impressionnable, faisait souvent
voir un esprit'd'observation au-dessus de son
âge.
— Non Monsieur, — repartit Hulet père-avec
dignité, -— je n'expie pas, je pratique. Ayant,
dès le principe,-considéré mes fonctions, comme 1
un sacerdoce, je me suis fait une existence dans
la logique de cette idée.
— Vous vous cachez pourtant, mon père, car
ces sorties matinales, sous un pieux prétexte...
— Sont une nécessité pour qui aie dépôt d'un
secret qiii n'est pas le sien. Du reste, ne discu
tons pas ; si vous n'étiez pas sous l'empire d'un
préjugé, je pourrais voir à vous convaincre én
vous faisant comprendre ce qu'il y a au contraire
de consolant et d'honorable dans la haute confian
ce et dans le pouvoir immense et vraiment discré-
tionnaireidont nous sommes investis; je pour
rais même essayer de parler à votre imagination
en vous laissant entrevoir, et de précieuses étu
des à faire sur le cœur humain, et l'intérêt pres
que romanesque de certaines révélations arri
vant jusqu'à nous; mais j'ai, mieux que cela à
vous dire : Yous me succéderez, parce que', dé
par un décret d'en haut, c'est notre loi de fa
mille, parce que j'ai succédé à mon père et lui au
sien. ' '■ • . . ... . -
— Jamais! — répondit Alexis avec anima
tion.— Fils respectueux, mais, avant tout...
créature libre...
— Libre I — répéta Hulet père en haussant
les épaules; —.quand sur le cadavre de trois de
nos aïeux, votre grand-père a pu écrire : h
dogme du péché .originel a sa réalisation dans
la destinée de certaines familles où la flétrissure
de la souche gagne de branche en branche
jusqu'aux dernières générations ! Et lui, a-t-il
trompé sa destinée? Et moi, cinquième dans
cette triste dynastie, et ayant rejoint après un
long détour, ne suis-je pas plus que tous les au
tres un décisif et frappant exemple de la fatalité-
qui.est sur nous? ■
— Mon. Dieu ! mais quel souvenir ! — se pri t
à dire Alexis. — Sur la liste des juges qui ont
envoyé Louis XYI à la mort, figure le nom de
Hulet. Mon père, vous vous appelez Yandel?
, _ Je vous l'ai dit : autrefois je m'appelais
Hulet, et s'il est vrai que, par son < coup de ha
che, le bourreau de Charles I er ait fait sourdre'
la malédiction qui pèse sur notre race, croyez-
vous qu'il fût réservé au juge de Louis XYI.de
la tarir et de la conjurer ?
— Alors, votre arrêt fut donc injuste?
— .Te ne sais ; je votai seloîi ma conscience ;
mais peut-être s'égara-t elle sous l'inspiration
de la pensée démocratique qui ne veutpas qu'en
tre le premier criminel venu et celui que la Pro
vidence avait placé à la tête d'une grande na
tion, la justice fasse quelquediflerence. Peut-être
aussi nous sommes-nous trompés en'voulant faire
un instrument de règne de l'échafaud politique.
Qui peut dire si un jour, sous la marche des idées
civilisatrices, on-ne verra pas l'instrument de
mort fléchir et's'abîmer? Mais nous s_euls, de
père en fils, bourreaux de rois, ne gagnerons
rien à cette clémence, et aux rayons de la lu
mière nouvelle s'élevant à l'horizon de l'huma
nité, la tache sanglante du régicide ne marque
ra que mieux notre nom. ■.
— Non, mon père, car, à cette lumière aussi,
doit disparaître cette ténébreuse pratique dont
on veut me faire l'instrument?
— N'en croyez rien, mon enfant: on le dira
peut-être, mais les gouvernemeiis ont leurs né
cessités , qui né comportent pas la morale ab
solue.
— Eh bien ! à d'autres l'œuvre ; moi, je ne le
ferai pas.
— Mais que prétëndez-vous ? Votre éduca
tion a été conduite en vue decet avenir, et avec
votre connaissance des langues de l'Orient, yous
serez un sujet à part, l'un de nos employés le®
plus utiles et les plus distingués. Aucune autrè
carrière pour vous n'est ouverte. Habiiilé à for
tement vouloir et à être obéi, l'Empereur, m'a
appelé à ces fonctions au nom du principe de
l'hérédité, et il a toujours entendu que nous de
vions nous recruter entre nous ; il me prendrait
en pitié s'il entendait parler d'une résistance que
mon pouvoir paternel n'eût en deux ipots abais
sée devant lui. -
— Mon père, l'obéissance filiale finit où com
mence la dignité humaine.
—Prenez-y garde, Alexis. Jusqu'ici vous vivez
par moi. Sans appui dans le monde, ayant le
goût du luxe et des plaisirs, que feriez-vous si,
en suite de votre révolte obstinée, j'allais me re-
tirerde vous? ' ■
-i- Soit,—répondit Alexis avec vivacité. — Je
quitterai cette maison, j'irai, s'ilie faut, invo
quer la charité publique; cela vaut mieux que :
de manger le pain de l'infamie.
— Encore une fois,-songez-y, — repartit Hu
let père,— votre menace inconsidérée pourrait
bien être mise en demeure de s'exécuter, car
très certainement je ne supporterai pas ce caprice
de puritanisme,persévérant au-delà d'un certain
délai.
.—.Tout de suite, Monsieur, — dit Alexis en
se levant, — je vais embrasser ma mère et .ma
sœur... : . . - - ■ : / '
— Je vous ordonne d'attendre et de réfléchir
jusqu'à demain. Maintenant pas un. mot de tout
ceci à personne, et, pour obtenir votre discrétion,
je ne vous parle pas des dangers que vous pour
riez courir, je m'adresse j uniquement à votre;
loyauté. Dans notre famille surtout, silence; les
femmes ne.sont jamais, pour les secretSi de sûres
dépositaires.
Alexis répondit que, quant à sa discrétion,,le
Cabinet noir pouvait être tranquille. Ensuite!
Hulet père sortit de sa chambre; où il le laissa
livré au conflit de pensées que l'on peut bien - se?;
figurer. •
Le lendemain, Alexis se présentait chez son:
père ; sans affecter des airs de bravade; son vi-;
sage avait quelque-chose-de câline et d'épa
noui.
Interrogé sur le parti auquel il s'était arrêté :
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 85.94%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 85.94%.
- Collections numériques similaires Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas" or dc.contributor adj "Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas")Colnet du Ravel Charles Joseph Colnet du Ravel Charles Joseph /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Colnet du Ravel Charles Joseph" or dc.contributor adj "Colnet du Ravel Charles Joseph") Porthmann Jules Louis Melchior Porthmann Jules Louis Melchior /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Porthmann Jules Louis Melchior" or dc.contributor adj "Porthmann Jules Louis Melchior")
- Auteurs similaires Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas" or dc.contributor adj "Dusaulchoy de Bergemont Joseph François Nicolas")Colnet du Ravel Charles Joseph Colnet du Ravel Charles Joseph /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Colnet du Ravel Charles Joseph" or dc.contributor adj "Colnet du Ravel Charles Joseph") Porthmann Jules Louis Melchior Porthmann Jules Louis Melchior /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Porthmann Jules Louis Melchior" or dc.contributor adj "Porthmann Jules Louis Melchior")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k668453z/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k668453z/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k668453z/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k668453z/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k668453z
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k668453z
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k668453z/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest