Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-12
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 12 janvier 1849 12 janvier 1849
Description : 1849/01/12 (Numéro 12). 1849/01/12 (Numéro 12).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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VENDREDI 12 JANVIER 1849.
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à «• DEMAIN, diraotenr.- -n, . . .
PARIS, 44 JARVIEfi.
. La ; révolution de février a fait quelque
. icho^e de bon. Nous ne sommes pas habitués
.à la flatter. Elle, nous le pardonnera. Nous
jae flattons personne, pas même le Président
«que nous avons contribué à faire. Nous lais
sons ses insulteursde la' veille se transfigu
rer en flatteurs du lendemain. Mais nous
.«oràaies justes, et après avoir combattu éner-
; giquement ce que la révolution a produit de
mauvais; nous n'hésitons pas à constater ce
qu'elle a produit de bon. Ce bon fruit qu'elle
a porté,- c'est l'union et la concorde entre de
grands partis long-temps divisés, c'est un
* iheuréux accord de vues entre les chefs de ces
mêmes partis. On peut dire que ce résqUat
n'est pas tout en l'hoqneurde cette révolu
tion, puisqu'il est en grande partie la consé
quence de l'immense danger social qu'elle
• a crééi C'est vrai. Mais enfin elle nous a
«donné à la fois le mal «t le remède; car
'cette union de tous les hommes modérés eçt
le moyen le plus efficace de réparation so
ciale, et il peut devenir quelque chose de
mieux encore, un moyen d'accroissement
dans la prospérité et la puissance à venir de
'la France. -
Il faut d'ailleurs dire toute la vérité. Ce
n'est pas seulement en faisant surgir un
grand péril', que la révolution a réuni beau
coup d'anciças partis dans un seul, qui forme
aujourd'hui;la société presque tout entière;
c'est aussi en supprimant beaucoup de ques
tions qui divisaient'lesesprits. Il suit delà
que cette union n'est pas un fait accidentel
•et de tactique : c'est un fait durable, repo
ussant. sur un sentiment sincère, parce que les
causes, qui précédemment empêchaient cet
accord, sont supprimées.
Sapspaçlerdes questions de dynasties lé
gitime ou quasi-légitime, qui ont disparu
dans l'avènemrnt de la République ; ét des
.controverses liées de l'interprétation de la
rcoustitution parlementaire et monarchique ;
et des dissentimens qu'avait suscités la poli-
.4i<çue d'un règne qui n'est plus ; il y a de
graves débats politiques qui divisaient la
•France il y a dix mois, et que la révolution
-de février a relégués dans l'histoire.
Soiis les precédens régimes, par exemple,
las questions électorales étaient un germe de
anorcellement' infini dans les opinions poli
tiques^ Non seulement il y $rvait les réfor-
'misteset les non-réformistes, mais parmi les
•'premiers,'combien, de nuances, combien de
'degrés' échelonnés ! Les partis devenaient de
petits groupes. Toutes les forces s'annulaient;
«n s'éparpillant. Ces questions secondaires
sont abîmées aujourd'hui dans le suffrage
universel..
; ïltie question d'un ordre plus élevé, celle
l'enseignement, jetait un dissentiment
passionné parmi les hommes qui par le droit
de leurs .lumières et de leur caractère, sont
.appelés à t exercer une grande influence sur
Jés ajites de. la jeunesse/On peut dire_que la
philosophie et le catholicisme, l'une repré
sentée par •HUniversitê, l'autre par le clergé,
^tàïçnt livrés à une lutte déplorable. La ré
volution de février a éteint ce dangereux
conflit, /Le clergé et l'Université, d'adversai
res qu'ils étaient, sont devenus alliés sur le
noble terrain du spiritualisme, devant l'en
nemi commun , c'est-à-dire devant les doc
trines qui proclament la destitution de Dieu,
en même temps qu'elles demandent la desti
tution du pouvoir et du capital .
Ainsi, là révolution de février a réelle
ment retranché des causes de dissentiment
entra les ançiens partis. Aussi répétons-
nous que cette alliance, qui est la force de
là sopiété, est. quelque chose de très dura
ble et de très sincère. Ce n'est point une
coalition, car les anciennes dissidences sont
détruites, et quant au but qu'on se propose,
il est identique, c'est le salut de la société.
C'ést une résistance commune au péril de
vant lequel nous place l'esprit révolution
naire et socialiste.
Les,partis,, autrefois divisés, et aujour
d'hui si heureusement rapprochés, savent
aujourd'hui* par -expérience la force invin
cible du faisceau qu'ils ont formé. Us savent
qu'ils sont la près,que totalité du pays contre
one fraction minime, et qui s'eparpille en
petits fragmens. Les chefs de ce grand parti
de la société ne feront pas la faute de se di
viser. La grande manifestation de l'élection
â éclairé tout le monde. Personne n'ignore
ce que 1$ société attend de son Gouverne-
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 12 JANV.
y
nt. M. Odilon Barrot et ses collîigtteS,
par la franchise et là fefmfeté de leur lan
gage, mofltrent assez qu'ils répondent à l'at
tente publique. Ceux qui, depuis l'élection
du Président, sont entrés au pouvoir, ceux
qui en sont sortis, ceux qui sont restés en
dehors, tous.n'ont qu'un même sentiment
et qu'une même politique. Comme ils s'en-
tendent entre eux, ils s'entendent atec l'e
chef du pouvoir exécutif. La révolution de
février, disons-le en terminant, a créé une
force d'union dont la spectacle ne nous avait
jamais été offert. C'est un dédommagement
qu'elle nous devait.
C'est demain que s'ouvre la discussion su*
la proposition de M. llateau, eÇ qùè là ques
tion de la séparation de la Constituante., de
puis si long-tertips soulevée dans le pays, va
être débattue pour la première, fois devant
l'Assemblée elle-même. Celle-ci va se trou
ver juge et partie : nous avons confiance dans
sa prudence et dans ses bonnes intentions.
Il ne s'agira point d'ailleurs, demain, de
prononcer la dissolution de l'Assemblée,
mais de décider s'il conviant que le jour de
sa séparation soit déterminé d'avance.
: En effet, la proposition. de M. Rateau a
été renvoyée a.ux comités de la justice et de
la législation. Danis l'un, elle a été.acceptée
par 13 voix et repoussée par 18 V dans l'au
tre, acceptée par 48 voix, elle a été repous
sée par 19» Le comité de la justice propose,
parcolîséquent, de rie pas la prendre en con
sidération, c'est à dire de ne pas l'examiner
'dans ses détails. Si l'Assemblée, contraire
ment à cet avis, çroit devoir prendre la pro
position en considération, celle-ci, aux ter
mes du règlement, sera renvoyée aux bu
reaux qui la discuteront, qui nommeront
une commission spéciale, et la proposition
reviendra devant l'Assemblée pour y subir
l'épreuve de la discussion- publique et des
trois lectures.
C'est donc le principe seulement de la
proposition de M. Rateau qui va être débat
tu demain, et non la proposition elle-même;
et la question posée devant la Constituante
sera simplement celle-ci : Est-il convena
ble, est-il opportun d'examiner dès aujour
d'hui si l'Assemblée doit mettre un terme
prochain à ses travaux et doit déterminer à
l'avance le jour quelconque où elle se sépa
rera. A supposer que la proposition soit prise
en considération, aucun de ses détails ne
sera encore admis; seulement l'Assemblée
devra examiner la question qu'elle soulève.
Par conséquent tous ceux qui pensent que
la Constituante doit s'appliquer la règle
qu'elle a imposée aux assemblées futures, et
déterminer d'avance le jour 4e sa sépara
tion, ont le même intérêt à voter la prise eh
considération, quelle que soit leur opinion
sur la date indiquée par M. Rateau,qu'ils la
trouvent ou trop rapprochée ou trop éloi
gnée.
La question de la dissolution elle-même
ne sera soulevée et débattue que -quand la
proposition, prise en considération, aura
passé par les bureaux, aura subi l'examen
d'une commission, et reviendra devant l'As
semblée avec des conclusions conformes ou
opposées. Alors la lutte s'engagera sur l'é
poque la plus convenable de cette dissolu
tion. Nous avons donc peine à croire que la
Constituante repousse demain la prise en
considération^ et qu'en ne permettant pas à
la proposition de franchir cette première
épreuve, elle refuse même de discute? une
question qui préoccupe le pays tout entier.
Nous croyons avoir démontré surabon
damment que l'adoption de la proposition
de M. Rateau était conforme à ce qu'exigent
les besoins du pays, l'intérêt des institutions
nouvellement créées et enfin la dignité de
l'Assemblée; mais nous ne comprendrions
pas qu'on allât jusqu'à refuser la discussion
sur un pareil point, lorsque la nation s'é
meut et s'alarme, et lorsque ses désirs et ses
opinions se manifestent avec un ensemble et
une insistance incontestable.
On a distribué aujourd'hui aux représen
tais le rapport de M. Grévy que nous avons
analysé et dont nous avons montré le vide et
l'inutile violence. Pour fortifier cette argu
mentation sans valeur, on y a joint, sous le
titre d'annexe, un avis du comité de législa
tion rédigé parM.Dupont (de Bussac).Nous
croyons qu'on a simplement grossi le rapport
de huit pages superflues.
koub étions arrivés en effet à la dernière
page de l'avis de M. Duppnt sans avoir rien
trouvé que nous n'eussions déjà lu avec plus
de netteté dans le rapport de M. Grévy ;
àiais presque. aux dernières phrases noqs
avons reftiioht'fè lotit à Coup cette argu
ment inattendu qui fait honneur à l'imagi
nation de M; î)dpofit (d'é Bii'ââàc) jet qui j ustt-
Êe les frais d'impression de sa prose :
« Qui ne voit qu'un appel à des élections nouvel
les serait, dans le moment actuel, le dernier coup
porté ;ï la renaissance du commerce et du travail?
En, présence des incertitudes que provoquerait le
caractère inconnu dçs élections futures, qui oserait
çtitfent'ehifte line aîtaire, qui oserait ouvrir un cré
dit? "La prolongation de la vie de l'Assemblée est
nécessaire en ce moment k la vie industrielle, ma
térielle de la nation. » ■
Nous serions curieux d'apprendre sur
quels renseignemensM. Dupont (de Russac)
se fonde pour émettre une opinion directe
ment contraire à celle des conseils généraux
et d'un grand nombre de conseils mtiùid-
paux. Croit-il que le conseil municipal de
Marseijle soit moins préoccupé que lui delà
renaissance du commerce et du travail, et
qu'il soit disposé à sacrifier les intérêts d'une
ville de deux cent mille ames au caprice de
se joindre à des clameurs factice# ?
M. Dupont (de Russac) n'a plus cette res
source de dire que les conseils municipaux
iie représentent pas les populations dont el
les administrant les affaires, puisque le suf
frage universel vient de renouveler toutes
les municipalités. Qu'il invoque l'a Consti
tution pour établir que la Constituante a le
droit de ne tenir aucun compte de toute
pétition; qu'il acciise de réaction et de
conspiration tous les pétiti0ilnaiï6s ; céla lié
prouve pas que les corps électifs ne soient
pas les organes de la nation ; cela ne prou
ve pas qu'ils soient aveugles sur les vrais
intérêts du pays.
Placés entre deux affirmations contraires,
l'une de M. Dupont qui prétend la prolon
gation de la Constituante nécessaire à la re
naissance du commerce ; l'autre des conseils
municipaux et d'innombrables pétitiohnai-
res qui déclarent qii'Uné plus longue durée'
de la situation actuelle est la seule cause qui
entretienne l'inquiétude et le malaise dans
le pays, nous avouons que nous n'hésitons
pas à donner tort au représentant, à l'homme
de parti plaidant pour 6a propre cause, et
raison aux corps électifs chargé de défendre
les intérêts de leurs administrés.
Comment se fait-il encore que le com
merce de Paris, auquel, aucun renseigne
ment ne manque pour bien jnger la position
actuelle, ait sur ses intérêts et ses besoins
une opinion opposée à celle de M. Dupont
(de Russac). Les commerçans parisiens ont-
ils été tout à coup frappés d'aveuglement,
et conspirent - ils leur propre perte; eux
qui signent avec tant d'ardeur une pétition
spéciale dans laquelle ils demandent à l'As
semblée de se séparer, au nom des souffran
ces qu'elle leur imposerait par une perpé
tuité pleine d'alarmes et de périls.
. Que M. Dupont (de Russ; c) veuille bien
mettre d'accord, avec cette affirmation posi-
tivej qu'il prjnd sOUs sa responsabilité, ce
fait au moins étrange que la Rourse hausse
cliàque fois que les nouvelles du jour pré
sentent l'Assemblée comme disposée à une
séparation prochaine, et qu'elle baisse quand
la résistance de M. Dupont et de ses amis
fait prévoir le iejet d'une mesure univer
sellement reclamée. La Bourse n'a pourtant
pas la réputation de se méprendre facile
ment sur ses intérêts ; et si M. Dupont (de
Russac) tient à passer pour clairvoyant, il met
bien des gens au rang des aveugles.
Quand on a la prétention d'être un hom
me politique, ce n'est pas par des paroles
lancées à la légère et par des assertions
étôurdies que l'on contredit l'opinion hau
tement manifestée d'une partie considérable
des corps électifs et des électeurs; si l'on
croit avoir à combattre une erreur accré
ditée à tort, on la réfute par une discussion
complète et par des faits préicis. Ici les faits
parlent, et on leur répond par des déclama
tions et en accusant la moitié du pays de
conspirer sa perte.
Nous ne sommes, point étonnés que M,
Dupont (de Russac), après de telles prémis
ses, repousse à la fois toutes les propositions
qui tendent à fixer un terme aux travaux
de 'la Constituante, et qu'il lui demande de
proclamer hautement qu'elle vivra le temps
nécessaire pour asseoir son œuvre. M. Du
pont lui trace même un programme qui ne
manque pas d'intérêt en ce qu'il mtifltr'é jdS
qu'où vont les illusions de son parti . Ce pro
gramme, outre les lois organiques, com
prend la refonte des impôts, le remaniement
dtt budget et t'&ytes sortes de mesures pour
assurer, de co^ert avec le Président, l'orr
dreirïapaix et la renaissance du travail
Dieu veuille, dans l'iritéi'êt du Commerce et
"du travail, que la voix de M. tlupont né soit
pas entendue.
Le vote de la réduction de l'impôt du sel
ë&t cértaineiiiëât 1& t(?te lë plus regrettable
qui soit échappé à l'Assemblée nationale; ài
ia majorité a voulu par là reconquérir une
popularité qitelqiie peu compromise par son
attitude pendant ces derhiêrs tériïpSj ce n'a
pas été seulement de sa part une faute finan
cière, ç'a été encore un mauvais calcul ; les
renseignemens qui nous parviennent nous
portent à croire qlie cette mesure n'a pas re
çu l'accueil favorable qu'on espérait; le cul
tivateur redoute que la désorganisation de
nos ressources n'amène une nouvelle édi -
tion de l'impôt des 45 centimes, et l'ouvrier
se demande si le profit qu'il retirera de la
réduction de l'impôt du sel, profit équiva
lant à une journée de travail) est de nalurë
à compcnsér l'éventualité de semaines de
chômage.
Nous estimions à 47 millionsle déficitque
la réduction de l'impôt devait entraîner
dans les recettes de 1849; nous étions au-
dessous de la réalité; nous avions.oublié
l'article qui prescrit le remboursement des
deux tiers de l'ancien droit sur les quantités,
jexistantdans le commercei Get approvision
nement, -suivant l'appréciation généralement
adoptée, étant du quart de la consommation
annuelle, la restitution portera sur plus de
62 millions de kilogrammes et s'élèvera à en
viron 12 millions de fr. Ainsi, perte de 47
millions silr la jierCeption anhuelle^ rem
boursement de 12 millions au commerce ,
en tout 59 millions, tel est le chiffre du dé
ficit qu'éprouvera le trésor sur cette branche
du revenu public; de telle sorte qu'il ne lui
restera qu'une somme de 11 à 12 millions
dont il faudra défalquer encore les frais de
recouvrement pour avoir le produit net.
: L'Assemblée était appelée aujourd'hui à
revenir sur cette loi malencontreuse qu'elle
a votée le 28 décembre dernier; mais ce n'é
tait pas de l'impôt qu'il s'agissait; la propo
sition qui lui était soumise avait pour but
de relever le tarif adopté à l'importation des
sels étrangers dans les ports de l'Océan et de
la Manc 'he.-
Nous ayons signalé l'erreur commise par
l'Assemblee dans la précipitation apportée
au vote de cette loi et en présence de l'é
motion causée par la réduction de l'impôt ;
on fit à peine attention aux dispositions qui
.devaient garantir la production indigène
contre'la production étrangère ; jusqu'ici les
sels étrangers avaient été frappés de prohi
bition, la commission avait proposé de la
remplacer par des droits qui variaient sui
vant les zones"d'importation; ainsi elle avait
présenté un tarif de 2 fr. oÔ soils pavillon
français et de 5 fr. sous pavillon étranger
par le littoral de la Manche et de l'Océan ;
mais l'Assemblée, qui avait adopté le droit
de 2 fr. à l'entrée par terre et par les fron
tières de Relgique j réduisit le droit sur la
Méditerranée et l'Océan à 50 centimes et
1 fr. suivant le pavillon.
Quelques mots suffiront à fàire compren
dre l'incohérence de ces' votes ; ce sont les
sels anglais qùi doivent également venir
faire concurrence aux sels indigènes, soit
par la frontière de la Relgique, soit par le
littoral de la Manche et de l'Océan ; or, d'a
près le système de tarifs adopté par l'Assem
blée, ils ne pouvaient entrer qu'au droit de
2 fr. par la frontière de Relgique, tandis
qu'ils pouvaient être importés au droit de, 50
c. par le littoral; quelle cause assigner à
l'excessive inégalité de ces droits sur les mê
mes produits ayant la même origine? Il n'y
en avait qu'une, la confusion qui avait pré
sidé à la discussion et aux votes.
Aussi, à peine la loi était-elle votée qne
cinq représentai déposèrent une proposi
tion pour rehausser les droits à l'importa
tion par nos frontières de la Manche et de
tes. de l'Ouest ; il résulta des recherches ,
auxquelles eïJésë livra, que le prix du quin}
tal de sel de l'Ouest, rendu à Rouen, pou
vait être en moyenne de..5 fr. 58' c., tandis
que le - prix du' sel portugais, : rendu à la
même destination';; serait de'5 fr. 4 50^ et eelui
du sel anglais de 3 fr*. 63 ; de telle, sorte
qu'il y avait une différence de 2 fr. 08 an
profit cftf sel portugais, et de 1 fr. 95'au
profit du sél afîglais; là Commission fut' ainsi
conduite à proposer un droit de 2 fr. et de
2 fr. 50, suivant le pavillon ; ce droit de
2 fr., s'élevant à 2 fr. 20 avec le décime,
laissait à nos produits un avantage de 25 c.
sur lë sel anglais et de 12 c. sur le sel de
Portugal.
,Le tarif de la commission a été vivement
attaqué, quoiqu'il fût, suivant nous, em
preint d'une grande modération ; en effet,
ce droit de 2 fr. modifiait déjà d'une façon,
considérable la position des producteurs de
l'Ouest, puisque les prix de tester qur, de
1838 à 1847.; avaient varié de 1 fr. 27 à'
8 fr. 54, auràteiît pu encore descendre aussi
bas qu'ils sont descendus sous le régime de la
prohibition, tandis que le nouvéàu . droit ne
leur permettait jamais de s'élever au-dessusde
âfr. 88, limite supérieure à partir;'dë la
quelle les produits anglais seraient venus se
substituer aux, produits de nos marais sa-
lans; cependant, malgré l'appui que ,lui a
donné le ministre des finances, le "chiffre
proposé par la commission a été, après une
épraivë douleuscj. rejeté pu scrutin de di
vision par 585 votans contre 344. <
M. Passy est alors monté de riotiveau à la
tribune pour rappeler à l'Assembîéë foute'
l'importance de la. question ; il à.insisté poin 1
qu'on ne compromît pas,. faute d'une pro
tection suffisante, Inexistence d'une indus
trie qui occupe plus de 100,000 ouvrier^ et
qui procure un transport de plus de 100,000
tonneaux à notre marine côtière ; M. Du-
faure s'est ensuite attaché 'à montrer les
conséquences funestes qui résulteraient de
l'abandon des marais salans, dont les exha
laisons pestilentielles porteraient la mort
dans le voisinage, et décimeraient toute la
population du littoral de l'Ouest.
Ces raisons puissantes ont fini par con
vaincre la majorité qui nous semblait sur
tout préoccupée de la crainte de se déjuger;
l'Assemblée a adopté un amendement de M.
Sauteyra, qui fixe lé droit d'importation
dans les ports de la Manche et de l'Océan à
1 fr. 75 sous pavillon français, et 2 fr. 25 sous
pavillon étranger ; c'est une diminution, de
25 centimes sur le droit qui avait été propo-,
se par la commission ; nous espérons encore
qu'il pourra sauvegarder les intérêts de la
production nationale.
En résumé, l'Assemblée a élevé à 1 franc
75 cent, un tarif que, par la loi du 28 dé
cembre dernier, elle avait fixé à 50 cent,
seulement; c'est-à-dire qu'elle a reconnu
nécessaire, pour ne pas anéantir une indus
trie, importante, de tripler, et aurdelà, un
chiffre qu'elle avait voté il.y a dix ou douze
jours; puisse cet avertissement lui être pro
fitable et l'engager à se défier des proposi
tions improvisées en matière de finance et
de commerce ! ^
Au commencement de la séance, l'As
semblée avait adopté, sans grands débats, le
nouveau chapitre proposé par la commis
sion du règlement, concernant les projets
de loi qui lui sont apportés et les proposi
tions qui lui sont soumises.
M. Gaslonde , représentant de la Manche , a
déposé aujourd'hui sur le bureau de la chambre,
une pétition d'un grand nombre d'habitans d'À-
vranches et des communes de l'arrondissement,
qui invitent l'assemblée nationale à se dissoudre.
Les pétitionnaires terminent en disant :
« Persuadés que le crédit et la confiance ne
renaîtront que par l'homogénéité et l'accord des
Pouvoirs , les soussignés espèrent que l'Àssem-
lée nationale donnera un nouveau gage de son
désintéressement et de som dévoûment à la pa
trie, en déposant son mandat. » ■
Trente-cinq membres de 1'A.ssemblée na
tionale se sont déjà inscrits pour prendre la pa
role dans la discussion qui doit avoir lieu demain
vendredi, sur la proposition de M. Rateau, re
lative à la dissolution de l'Assemblée.
. i ... , , - n ii Yoici les noms des neuf orateurs inscrits con-
1 Océan; le comité de 1 agriculture, auquel] tre k proposition : MM. Alem Rousseau, Billault,
elle fut renvoyee, reconnut qu en ellet le , — r - r - - - ■ -
droit de 50 cent, livrerait notre marché in- i
térieur aux sels étrangers, et porterait un j
coup funeste à la production sur nos. cô-i
Girerd, Ducoux, Corbon, Félix Pyat, le général
Cavaignac, Bourzat et Jules Favre.
Yingt-quatre orateurs sont inscrits pour parler
en faveur de la proposition. Ce sont MM. de
1 Montâlembert,Fresneàu,ïIuhert-I)eIisle,Rabnan f
Dariste, Yictor'Hugo, Jobez. Desmolles, dcSeze.
de Kerdrel, Th., Diicos,' Dufournel, Ferdinand
Barrot, Jules de' Lasteyrie/Charles Dupinj dè
Charràcey^ Dabeaux, Laçasc^ de Laboulie,' Char
ramaule/.'de'Moriiay; Itouher 'et'Lamartine. " ■ -
MM. Pagnerre et Barthélémy ; Saintr &ilMré sè
sont fait inscrire ppur parler sur là proposrMo^
Nous apprenons'que M., de Tinguy a retiré, '
dans un' esprit de conciliation, la proposition
qu'il avait faite pour la dissolution immédiate de
l'Assemblée nationale,- afin de ne pas(nuire : à la
proposition de M. Rateau, qui fixe cette dissolu
tion au mois de mars. ,8i
- M. Dufournel, représentant du peuple, vient
d'adresser sa démission de membre de la réu
nion formée dernièrement àu palais des' Beaux-*
Arts, sous la présidence de Ai. Alem-Roùsseau.
Voici les motifs de cette .démission, adressée
au présidât de celte réunion :!
« Je lis dans la Presse d'hier, que la Réunion des
Beaux-Arts a décidé,à là presqu'unanimité, que la
proposition deM. Rateau, sur la dissolution de l'As
semblée; serait repoussée, et que le décret relatif à
la nomenclature des lois organiques: ne devait subir
aucune modification. ,• 11
» Gomme cette résolution est entièrement opposée
à ma manière de voir, et que, d'ici .à la .lin de la ses
sion, * je serais err dissentîméjif absolu' avec' la
réunion-sur' ce point ; important' je'• viens•• vous
prier, Monsieur le président. d« vouloir bien' agréer
et faire agréer k mes . collègues ma démission de
membre de,cette réunion. . ;
» Veuillez, etc. ,
» DUKOtîRNjïL, -
» Représentant de la Haule-Sa≠ i,
» Paris, .40. janvier 4849." » ; ■<.. „„ ..
• - ' 1 —«w»— B— ii.'. TTTii .
On a discuté aujourd'hui dans la commission:
d^; l'enseignement sur le. mode 1 de nonfiination
désdouiie''mem])rescoiDp6saint la sfection del'en-
se'jgtteiftent piibliç. Il a été admis qu'il y aurait
une double présentation laite par l'Institut et
par la section elle-même. . . t
L'inamovibilité ayant été ropoussée, on. a dû.
s'occuper delixCr la'durée des fonctions. Ce point
a été le sajet d'une longue discussion ; rien n'ar
été encore arrêté. ' ■ " '■■■•' : ' 1
Le comité des affaires, étrangères a discuté, cèi
matin>la proposition deM. Francisque Bouvet*,..
tendant à l'aire accepter aux puissances un con- '
grès général dans lequel on réglerait les condi
tions d'un désarmement proportionnel. Ce con
grès serait chargé de travailler à la conciliation
des différends qui existent entre les Etats, et sié
rait un acheminement.à une vaste confédération
d'Etats reliés par une Juridiction commune. 1 v,
M. Francisque Bouvet, qui poursuit depuis :
long-teinps celte idee d'une constitution déiiair,
tivede Ja paix universelle, a,développé so» pro
jet en le présentant ^ous tous les -aspects. « Lit
guerre est contraire à la morale.; elle révolte le»,
sentiinens d humanité, elle ruine les finances
des Etats, absorbe les imembres les plus,, sains,
du corps social: Déjà on ne pe.ut plus la faire;;
malgré, les'velléités qui se..manifestent-, -en-r:
core de certains côtés. Si, donc la-guerre e«t,
désormais impossible en présence des-inté-:
rets commerciaux, Jes sympathies mutuelles/
des peuples, en même, temps que là icligioi* Ja,
condamne,, il faut que .la Fi ance cherche un nu- .
tre moyen d'exercer son influence au dehors; .car
elle ne saurait rester inactive et indifi'érénté eii 1
présence du grand mouvement' qui entraîhé les'
peuples vers des destinées nouvelles. Pourquoi'
1a France n'attendrait-elle pas dans la- pàix ; lc
but de sa mission civilisatrice i C'est au sein dé'
la paix que se développent tous les élémexis qùP
concourent au bien-ôtre des peuples et a leur'
indépendance, tandis, que ia guerre,' la guerrt?
échevelée et sanglante, voit tarir devant elle les'
sources de 'la prospérité publique : J 7 induStrîc; '
l'agriculture ; elle se place entre les affections 1
domestiques, et fait courir à la patrie, à .'li
berté surtout; les plus grands daugers.» , ' ,
M. Sarrans jeune rend justice aux généreux
seritimens qui ont inspiré la proposition de M. "
Francisque Bouvet. Mais il croit que la guerre
n'est pas étrangère aux progrès de la civilisation;
il n'admet pas qu'elle soit opposée à la prospé
rité de tous les Etats.Il soutient que les guerres^
contre jla République et l'Empire n'ont pas été
la source de la dette énorme de l'Angleterre,
comme, le dit M. Bouvet, mais que la prospérité,
de l'Angleterre s'est au contraire développée.par"
la guerre, et quel'Angleterre n'accéderait pas à.
la proposition d'une paix définitive fondée sur
un mode de transactions arbitrales. M. Sarrans"
croit, du reste v que la guerre est nécessaire aux
passions et à empêcher un développement trop'
considérable dépopulation. Il repousselapro
position de M. Bouvet.
M. Heeckeren. pense qu'on aura toujours la
guerre. Il ne conçoit pas comment on organise-:
rait ime force cap'able d'imposer aux puissances
récalcitrantes.
M. Aylics exprimé l'ëtonnement dans lequel'
l'ont jeté les paroles de M. Sarrans au sujet de,
la prospérité de l'Angleterre. Ii croit avec M.
Bouvet que la guerre a fait à l'Angleterre cette
énorme plaie qui saigne encore, et qui ne se-
LE CABHVET NOIR.
TROISIÈME PARTIE.
LES APOTHUS DE NUREMBERG.
CHAPITRE SÏV. -
SUITE DU MANUSCRIT. — UXE SÉANCE 1)E t.l
CIIAMBKK KOIBK.
« N'ayant plus d'espoir du côté de Mme de
Nesselbourg, Earl était tout à fait en mesure
d'apprécier la valeur morale qu'il avait subite
ment surprise dans Christiana.
» A ses yeux, ce n'était plus cette petite fille
tout entière dévouée aux occupations ménagè
res, et capable, bien juste; d'une sorte.de senti
ment bourgeois. La naïveté mêlée à l'énergie, la
passion vive, et vraie, combinéede résolution et
de. .raison froide, voilà ce qui le frappait main-
tenant dans le caractère que,-jusque-là, il avait
cru d'un effacement achevé.
,»Mais lui, de son côté, le pas qu'il avait fait la
veille était si grave, le métier auquel son fol â-
mour pourla comtesse l'avait conduit, lui pa
raissait avoir quelque chose de si flétrissant,
qu'il dut se demander si, en honnête homme, il
Voir -notre numéro du il janvier.
Tonte reproduction, même partielle, de cet ouvrage,
t interdite, et serait poursuivie comme eea'refaçon.
pouvait, à cette heure, ramasser le joyau qui
venait de se trouver sur son chemin. D'autre
part pourtant, s'il ne se jetait en travers du
cruel sacrifice que méditait sa sœur adoptive,
quel sort la malheureuse ne se préparait-elle
pas! On comprend que, dans ce conflit d'idées et
de sentimens, la perplexité de Karl fut ex
trême, et une résolution, elle-même bien déli
cate à-prendre, se trouva la seule et dernière
ressource à, laquelle il crut pouvoir s'arrêter.
— Oui, — se dit-il, — Christiana, je dois le
croire, est une fille sûre : je lui confierai le ter
rible secret de mon initiation, et la ferai juge;
si elle me veut, malgré cette tache, je serai son
mari ; si, au contraire, son mépris pour ma faute
est plus fort que son amour, au moins je la dé
ciderai à révoquer un choix indigne, et comme,
après tout, dans le sentiment que j'ai mainte
nant pour elle, il entre encore plus d'estime que
d'impérieuse passion, eh bien ! je me consolerai
de la voir à un autre, s'il peut la rendre heu
reuse, et, quant à moi, j'aurai appris ce que
coûte l'amour des grandes dames aux impru-
dens qui veulent regarder ces soleils et en res
tent aveuglés.
» Dans 'tous les cas, une lettre ne pouvait ici
suppléer à une explication, et, en attendant qu'il
put revoir Christiana et consulter, au besoin,
avec elle sur la manière d'échapper à l'étreinte
de la ténébreuse association dont il était devenu
membre, le nouvel apôtre alla toujours prendre
possession de ses fonctions occultes ; c'était là
une nécessité impérieuse de sa position.
«Encore trop inhabile au métier d'éventrer une
lettre, Karl n'eut à se rendre coupable d'aucun
bris de cachet, et, sur l'indication du mitre des
travaux, il eut seulement à faire quelques ex
traits, dont il ne comprit pas même l'intérêt. La
séance s'écoulait donc pour lui assez vide et
monotone, et il se demandait si , avant le re
mords qui accompagne toujours une action mal
honnête, l'ennui ne,devait pas être le premier
châtiment du misérable métier auquel il était
descendu.
» Mais l'usage était de donner d'abord à ou
vrir, Ifs lettres que l'on supposait le moins riches
de renseignemens ; quand à celles qui parais
saient d'un intérêt plus sérieux, elles étaient
réservées. De cette manière, l'attention et la vi
gilance des travailleurs étaient tenues en ha
ie ne jusqu'au dernier moment.
» Lors donc que le nouvel initié s'y attendait le
moins, il vit tout à coup arriver dans ses mains
une lettre que le maître des travaux lui faisait
passer toute décachetée. Adressée à Vienne, àMa-
datne la chanoinesse de Valdorf, cette lettre ,
quand il n'en eut pas d'abord reconnu l'écritu
re, lui aurait tout dit par sa suscriptiou.
» A coup sùr, en présence de la révélation qu'il
avait si proche, une certaine émotion intérieure
dut animer le pauvre amoureux; mais il se pi
qua d'imiter une certaine impassibilité dont >
l'exemple lui était donné par ses collègues, et
avec un sang-froid qu'il s'étudia à rendre le
plus apparent possible, il déplia la lettre dans
laquelle, à ce moment suprême, il ne douta pas
que le triomphe de M. Grundheim ne fût claire
ment manifesté.
» Toutefois ce semblant de force dame ne dura
guère, et qui eût pu, sous son masque, aller
chercher les impressions de ce lecteur si insou
ciant, se fût aperçu qu'à Ja lecture des premiè
res lignes son visage avait changé deux ou trois
fois de couleur, et au même moment l'agitation
de son ame commença de se révéler au-dehors
par un tremblement qui, de ses mains, se com
muniqua au papier.
« Chère bonne, — écrivait Mme de Nessel-
» bourg, —j'ai fait suivant les conseils de votre
» sagesse. J'ai été pour ce malheureux jeune
» homme sans indulgence, sans pitié; j'ai pous-
» sé avec lui jusqu'à l'insulte, et l'ai mis dans
» la nécessité de quitter notre maison. Depuis
» trois jours qu'il est parti, en suis-je plus heu-
» reuse et plus calme? ai-je un instant cessé de
» penser à lui ?
» Quand il était là, faisant son service autour
» de mon mari, je pouvais mieux me rappeler
» la distance qu'il y a de lui à moi ; maintenant,
» j'oublie la situation sociale pour ne plus me
» rappeler que l'homme. Ah! que vous vous
» trompez, ma toute belle, en faisant de l'absen-
». ce un-remède héroïque ! Oui, quand on a mal
» adressé son cœur, ne plus être avec Ieé gens,
» peut vous aider à le ravoir ; mais quand on
» aime en bon lieu, l'absence, autour des mérites
» qui vous ont charmé, c'est bien plutôt comme
» une "auréole. Moi, je retournerais le vieux mot
» et dirais: Les présens ont tort; car, présens,
» ils sont heureux, ne souffrent pas et ne solli-
» citent pas le souvenir par la pitié, cette perfi-
t,. de entremetteuse. — Que fait-il maintenant,
» le pauvre.enfant? Que son cœur doit être dé-
« chiré et plein d'amertumes ! comme il doit se
» dire que je suis un cœur dur et une femme
» altière! Voilà les pensées qui sans cesse me
» reviennent, et vous voulez, chère amie, que
l'on guérisse à ce régime ! A l'époque où j'é
tais avec lui dans le naturel et'la vérité,quand
je le traitais avec les égards et la bonté aux
quels avaient droit son dévoûment et les pré
cieuses qualités de son cœur et de son esprit,
je ne m'apercevais pas même l'aimer; mais
depuis le moment où, pour éviter les clair-
voyans regards de Conrad, j'ai essayé de re
monter ma pente ; depuis l'époque surtout où,
pour suivre vos conseils, j'ai exagéré le sem
blant de mon mauvais vouloir, il semble
qu'ainsi contrarié et rudement tenu en bride,
mon pauvre cœur se -cabre, et pour le con
tenir dans son impétueux élan, je ne sais tan
tôt plus où me prendre.
» Enfin, il n'est plus là; je n'ai plus main
tenant ni chance, ni occasion de le voir ;
partant, je suis sûre au moins, tout en souf
frant une cruelle torture, de ne me laisser al
ler à aucun aveu compromettant, et c'est,
vous me direz, un grand bien que cela ! Oui!
comme c'est un grand bien de laisser prati
quer l'amputation d'un membre qui aurait en
traîné la perte de tout le corps ; mais l'opéra
tion en est-elle pour cela moins douloureuse,
et ne dit-on pas que, dans les nerfs, il y à une
éternelle mémoire de cette partie du moi dont
on s'est séparé, et que parfois on la ^sent en
core?
» Dieu merci! la mission deM. de Nesselbourg
touche à son terme, et bientôt, je pense, nous
repartirons pour Vienne. Ce changement de
lieu, j'espère, me fera du bien. Oh 1 mon
Dieu! et était-ce aii milieu de ce monde de
marchands et de spéculateurs que je devais
craindre yu échec à ma pauvre r5(1 son! «
«Transporté d'une manièresi peu espérée dans
le ciel qui tout à coup s'ouvrait pour lui, l'heu
reux Karl ne perdit pourtant pas de vue un au
tre intérêt moins céleste et qui, aii çontrairp,
par ce qu'il venait de lire, ne faisait, que çe re
commander plus impérieusement à son souci.
Ce n'était plus en effet ,du bonheur de M. de
Grundheim, mais bien de son bonheur à lui-'
même qu'il fallait maintenant dépayser le jaloux.
En conséquence, il prit une plume, et avec une
verve d'amour heureux, la plus belle force ins •
piratrice qui soit au monde, il se mit à rédiger,
à l'usage de M. de Nesselbourg, une contre-lettre
-que voici-: '
« Chère bonne, vous avez beau vous en défen
dre, rien qu'à la fréquence de vos lettres je'
vous soupçonnerais d'un tendre sentiment. Et
puis, on ne revient pas ainsi, toujours, sur le
chapitre d'un homme, même pour en médire,
sans qu'il ait fait un peu d'impression î Au
reste, pourquoi vous cacher de moi ? Ne pou-
vez-vous pas vous faire relever de vos vœux
et épouser le préféré? Je vous vois avec joie'
venir tout doucement à mariage ; vous y étiez
si opposée autrefois ! J'avais beau vous répé
ter : C'est un état heureux, quoi qu'on en dise,
et vous donner en exemple le bonheur de mon' :
union avec M. de Nesselbourg,' vous pènsièz
toujours que je voulais faire avec vous la côn-"
tente, et qu'il y avait à petit brait de la mé~ f
sintelligence entre mon mari et moi. ■
» S'il,faut tout vous avouer, j'ai craint, il y a
quelque temps, pour sa tranquillité et pour la '
mienne, et le séjour que mon cousin Conrad '
est venu faire ijr rétemment, cojnmJen^it
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ï »
VENDREDI 12 JANVIER 1849.
ffUMÉROl 12.
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L»l tbojmtiacnj'itinil dss 1" al 16 d« ehtqn«î«MlVl
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' Jtm d» M jFéoriBr, 10 (ci-dovsnt âa Ttlail)»
On «'»bonn« duns loi tioartinHtB, anx ttessagtrl®* «I
dlrtctionfl des postes.—À Londres. choi Cttrif
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JOURNAL POLITIQUE, iïTT®MîRE 5 UNIVERSEL.
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frdr&jto/Van»,, pour l'admfnîffttiAi»*» f
à «• DEMAIN, diraotenr.- -n, . . .
PARIS, 44 JARVIEfi.
. La ; révolution de février a fait quelque
. icho^e de bon. Nous ne sommes pas habitués
.à la flatter. Elle, nous le pardonnera. Nous
jae flattons personne, pas même le Président
«que nous avons contribué à faire. Nous lais
sons ses insulteursde la' veille se transfigu
rer en flatteurs du lendemain. Mais nous
.«oràaies justes, et après avoir combattu éner-
; giquement ce que la révolution a produit de
mauvais; nous n'hésitons pas à constater ce
qu'elle a produit de bon. Ce bon fruit qu'elle
a porté,- c'est l'union et la concorde entre de
grands partis long-temps divisés, c'est un
* iheuréux accord de vues entre les chefs de ces
mêmes partis. On peut dire que ce résqUat
n'est pas tout en l'hoqneurde cette révolu
tion, puisqu'il est en grande partie la consé
quence de l'immense danger social qu'elle
• a crééi C'est vrai. Mais enfin elle nous a
«donné à la fois le mal «t le remède; car
'cette union de tous les hommes modérés eçt
le moyen le plus efficace de réparation so
ciale, et il peut devenir quelque chose de
mieux encore, un moyen d'accroissement
dans la prospérité et la puissance à venir de
'la France. -
Il faut d'ailleurs dire toute la vérité. Ce
n'est pas seulement en faisant surgir un
grand péril', que la révolution a réuni beau
coup d'anciças partis dans un seul, qui forme
aujourd'hui;la société presque tout entière;
c'est aussi en supprimant beaucoup de ques
tions qui divisaient'lesesprits. Il suit delà
que cette union n'est pas un fait accidentel
•et de tactique : c'est un fait durable, repo
ussant. sur un sentiment sincère, parce que les
causes, qui précédemment empêchaient cet
accord, sont supprimées.
Sapspaçlerdes questions de dynasties lé
gitime ou quasi-légitime, qui ont disparu
dans l'avènemrnt de la République ; ét des
.controverses liées de l'interprétation de la
rcoustitution parlementaire et monarchique ;
et des dissentimens qu'avait suscités la poli-
.4i<çue d'un règne qui n'est plus ; il y a de
graves débats politiques qui divisaient la
•France il y a dix mois, et que la révolution
-de février a relégués dans l'histoire.
Soiis les precédens régimes, par exemple,
las questions électorales étaient un germe de
anorcellement' infini dans les opinions poli
tiques^ Non seulement il y $rvait les réfor-
'misteset les non-réformistes, mais parmi les
•'premiers,'combien, de nuances, combien de
'degrés' échelonnés ! Les partis devenaient de
petits groupes. Toutes les forces s'annulaient;
«n s'éparpillant. Ces questions secondaires
sont abîmées aujourd'hui dans le suffrage
universel..
; ïltie question d'un ordre plus élevé, celle
l'enseignement, jetait un dissentiment
passionné parmi les hommes qui par le droit
de leurs .lumières et de leur caractère, sont
.appelés à t exercer une grande influence sur
Jés ajites de. la jeunesse/On peut dire_que la
philosophie et le catholicisme, l'une repré
sentée par •HUniversitê, l'autre par le clergé,
^tàïçnt livrés à une lutte déplorable. La ré
volution de février a éteint ce dangereux
conflit, /Le clergé et l'Université, d'adversai
res qu'ils étaient, sont devenus alliés sur le
noble terrain du spiritualisme, devant l'en
nemi commun , c'est-à-dire devant les doc
trines qui proclament la destitution de Dieu,
en même temps qu'elles demandent la desti
tution du pouvoir et du capital .
Ainsi, là révolution de février a réelle
ment retranché des causes de dissentiment
entra les ançiens partis. Aussi répétons-
nous que cette alliance, qui est la force de
là sopiété, est. quelque chose de très dura
ble et de très sincère. Ce n'est point une
coalition, car les anciennes dissidences sont
détruites, et quant au but qu'on se propose,
il est identique, c'est le salut de la société.
C'ést une résistance commune au péril de
vant lequel nous place l'esprit révolution
naire et socialiste.
Les,partis,, autrefois divisés, et aujour
d'hui si heureusement rapprochés, savent
aujourd'hui* par -expérience la force invin
cible du faisceau qu'ils ont formé. Us savent
qu'ils sont la près,que totalité du pays contre
one fraction minime, et qui s'eparpille en
petits fragmens. Les chefs de ce grand parti
de la société ne feront pas la faute de se di
viser. La grande manifestation de l'élection
â éclairé tout le monde. Personne n'ignore
ce que 1$ société attend de son Gouverne-
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 12 JANV.
y
nt. M. Odilon Barrot et ses collîigtteS,
par la franchise et là fefmfeté de leur lan
gage, mofltrent assez qu'ils répondent à l'at
tente publique. Ceux qui, depuis l'élection
du Président, sont entrés au pouvoir, ceux
qui en sont sortis, ceux qui sont restés en
dehors, tous.n'ont qu'un même sentiment
et qu'une même politique. Comme ils s'en-
tendent entre eux, ils s'entendent atec l'e
chef du pouvoir exécutif. La révolution de
février, disons-le en terminant, a créé une
force d'union dont la spectacle ne nous avait
jamais été offert. C'est un dédommagement
qu'elle nous devait.
C'est demain que s'ouvre la discussion su*
la proposition de M. llateau, eÇ qùè là ques
tion de la séparation de la Constituante., de
puis si long-tertips soulevée dans le pays, va
être débattue pour la première, fois devant
l'Assemblée elle-même. Celle-ci va se trou
ver juge et partie : nous avons confiance dans
sa prudence et dans ses bonnes intentions.
Il ne s'agira point d'ailleurs, demain, de
prononcer la dissolution de l'Assemblée,
mais de décider s'il conviant que le jour de
sa séparation soit déterminé d'avance.
: En effet, la proposition. de M. Rateau a
été renvoyée a.ux comités de la justice et de
la législation. Danis l'un, elle a été.acceptée
par 13 voix et repoussée par 18 V dans l'au
tre, acceptée par 48 voix, elle a été repous
sée par 19» Le comité de la justice propose,
parcolîséquent, de rie pas la prendre en con
sidération, c'est à dire de ne pas l'examiner
'dans ses détails. Si l'Assemblée, contraire
ment à cet avis, çroit devoir prendre la pro
position en considération, celle-ci, aux ter
mes du règlement, sera renvoyée aux bu
reaux qui la discuteront, qui nommeront
une commission spéciale, et la proposition
reviendra devant l'Assemblée pour y subir
l'épreuve de la discussion- publique et des
trois lectures.
C'est donc le principe seulement de la
proposition de M. Rateau qui va être débat
tu demain, et non la proposition elle-même;
et la question posée devant la Constituante
sera simplement celle-ci : Est-il convena
ble, est-il opportun d'examiner dès aujour
d'hui si l'Assemblée doit mettre un terme
prochain à ses travaux et doit déterminer à
l'avance le jour quelconque où elle se sépa
rera. A supposer que la proposition soit prise
en considération, aucun de ses détails ne
sera encore admis; seulement l'Assemblée
devra examiner la question qu'elle soulève.
Par conséquent tous ceux qui pensent que
la Constituante doit s'appliquer la règle
qu'elle a imposée aux assemblées futures, et
déterminer d'avance le jour 4e sa sépara
tion, ont le même intérêt à voter la prise eh
considération, quelle que soit leur opinion
sur la date indiquée par M. Rateau,qu'ils la
trouvent ou trop rapprochée ou trop éloi
gnée.
La question de la dissolution elle-même
ne sera soulevée et débattue que -quand la
proposition, prise en considération, aura
passé par les bureaux, aura subi l'examen
d'une commission, et reviendra devant l'As
semblée avec des conclusions conformes ou
opposées. Alors la lutte s'engagera sur l'é
poque la plus convenable de cette dissolu
tion. Nous avons donc peine à croire que la
Constituante repousse demain la prise en
considération^ et qu'en ne permettant pas à
la proposition de franchir cette première
épreuve, elle refuse même de discute? une
question qui préoccupe le pays tout entier.
Nous croyons avoir démontré surabon
damment que l'adoption de la proposition
de M. Rateau était conforme à ce qu'exigent
les besoins du pays, l'intérêt des institutions
nouvellement créées et enfin la dignité de
l'Assemblée; mais nous ne comprendrions
pas qu'on allât jusqu'à refuser la discussion
sur un pareil point, lorsque la nation s'é
meut et s'alarme, et lorsque ses désirs et ses
opinions se manifestent avec un ensemble et
une insistance incontestable.
On a distribué aujourd'hui aux représen
tais le rapport de M. Grévy que nous avons
analysé et dont nous avons montré le vide et
l'inutile violence. Pour fortifier cette argu
mentation sans valeur, on y a joint, sous le
titre d'annexe, un avis du comité de législa
tion rédigé parM.Dupont (de Bussac).Nous
croyons qu'on a simplement grossi le rapport
de huit pages superflues.
koub étions arrivés en effet à la dernière
page de l'avis de M. Duppnt sans avoir rien
trouvé que nous n'eussions déjà lu avec plus
de netteté dans le rapport de M. Grévy ;
àiais presque. aux dernières phrases noqs
avons reftiioht'fè lotit à Coup cette argu
ment inattendu qui fait honneur à l'imagi
nation de M; î)dpofit (d'é Bii'ââàc) jet qui j ustt-
Êe les frais d'impression de sa prose :
« Qui ne voit qu'un appel à des élections nouvel
les serait, dans le moment actuel, le dernier coup
porté ;ï la renaissance du commerce et du travail?
En, présence des incertitudes que provoquerait le
caractère inconnu dçs élections futures, qui oserait
çtitfent'ehifte line aîtaire, qui oserait ouvrir un cré
dit? "La prolongation de la vie de l'Assemblée est
nécessaire en ce moment k la vie industrielle, ma
térielle de la nation. » ■
Nous serions curieux d'apprendre sur
quels renseignemensM. Dupont (de Russac)
se fonde pour émettre une opinion directe
ment contraire à celle des conseils généraux
et d'un grand nombre de conseils mtiùid-
paux. Croit-il que le conseil municipal de
Marseijle soit moins préoccupé que lui delà
renaissance du commerce et du travail, et
qu'il soit disposé à sacrifier les intérêts d'une
ville de deux cent mille ames au caprice de
se joindre à des clameurs factice# ?
M. Dupont (de Russac) n'a plus cette res
source de dire que les conseils municipaux
iie représentent pas les populations dont el
les administrant les affaires, puisque le suf
frage universel vient de renouveler toutes
les municipalités. Qu'il invoque l'a Consti
tution pour établir que la Constituante a le
droit de ne tenir aucun compte de toute
pétition; qu'il acciise de réaction et de
conspiration tous les pétiti0ilnaiï6s ; céla lié
prouve pas que les corps électifs ne soient
pas les organes de la nation ; cela ne prou
ve pas qu'ils soient aveugles sur les vrais
intérêts du pays.
Placés entre deux affirmations contraires,
l'une de M. Dupont qui prétend la prolon
gation de la Constituante nécessaire à la re
naissance du commerce ; l'autre des conseils
municipaux et d'innombrables pétitiohnai-
res qui déclarent qii'Uné plus longue durée'
de la situation actuelle est la seule cause qui
entretienne l'inquiétude et le malaise dans
le pays, nous avouons que nous n'hésitons
pas à donner tort au représentant, à l'homme
de parti plaidant pour 6a propre cause, et
raison aux corps électifs chargé de défendre
les intérêts de leurs administrés.
Comment se fait-il encore que le com
merce de Paris, auquel, aucun renseigne
ment ne manque pour bien jnger la position
actuelle, ait sur ses intérêts et ses besoins
une opinion opposée à celle de M. Dupont
(de Russac). Les commerçans parisiens ont-
ils été tout à coup frappés d'aveuglement,
et conspirent - ils leur propre perte; eux
qui signent avec tant d'ardeur une pétition
spéciale dans laquelle ils demandent à l'As
semblée de se séparer, au nom des souffran
ces qu'elle leur imposerait par une perpé
tuité pleine d'alarmes et de périls.
. Que M. Dupont (de Russ; c) veuille bien
mettre d'accord, avec cette affirmation posi-
tivej qu'il prjnd sOUs sa responsabilité, ce
fait au moins étrange que la Rourse hausse
cliàque fois que les nouvelles du jour pré
sentent l'Assemblée comme disposée à une
séparation prochaine, et qu'elle baisse quand
la résistance de M. Dupont et de ses amis
fait prévoir le iejet d'une mesure univer
sellement reclamée. La Bourse n'a pourtant
pas la réputation de se méprendre facile
ment sur ses intérêts ; et si M. Dupont (de
Russac) tient à passer pour clairvoyant, il met
bien des gens au rang des aveugles.
Quand on a la prétention d'être un hom
me politique, ce n'est pas par des paroles
lancées à la légère et par des assertions
étôurdies que l'on contredit l'opinion hau
tement manifestée d'une partie considérable
des corps électifs et des électeurs; si l'on
croit avoir à combattre une erreur accré
ditée à tort, on la réfute par une discussion
complète et par des faits préicis. Ici les faits
parlent, et on leur répond par des déclama
tions et en accusant la moitié du pays de
conspirer sa perte.
Nous ne sommes, point étonnés que M,
Dupont (de Russac), après de telles prémis
ses, repousse à la fois toutes les propositions
qui tendent à fixer un terme aux travaux
de 'la Constituante, et qu'il lui demande de
proclamer hautement qu'elle vivra le temps
nécessaire pour asseoir son œuvre. M. Du
pont lui trace même un programme qui ne
manque pas d'intérêt en ce qu'il mtifltr'é jdS
qu'où vont les illusions de son parti . Ce pro
gramme, outre les lois organiques, com
prend la refonte des impôts, le remaniement
dtt budget et t'&ytes sortes de mesures pour
assurer, de co^ert avec le Président, l'orr
dreirïapaix et la renaissance du travail
Dieu veuille, dans l'iritéi'êt du Commerce et
"du travail, que la voix de M. tlupont né soit
pas entendue.
Le vote de la réduction de l'impôt du sel
ë&t cértaineiiiëât 1& t(?te lë plus regrettable
qui soit échappé à l'Assemblée nationale; ài
ia majorité a voulu par là reconquérir une
popularité qitelqiie peu compromise par son
attitude pendant ces derhiêrs tériïpSj ce n'a
pas été seulement de sa part une faute finan
cière, ç'a été encore un mauvais calcul ; les
renseignemens qui nous parviennent nous
portent à croire qlie cette mesure n'a pas re
çu l'accueil favorable qu'on espérait; le cul
tivateur redoute que la désorganisation de
nos ressources n'amène une nouvelle édi -
tion de l'impôt des 45 centimes, et l'ouvrier
se demande si le profit qu'il retirera de la
réduction de l'impôt du sel, profit équiva
lant à une journée de travail) est de nalurë
à compcnsér l'éventualité de semaines de
chômage.
Nous estimions à 47 millionsle déficitque
la réduction de l'impôt devait entraîner
dans les recettes de 1849; nous étions au-
dessous de la réalité; nous avions.oublié
l'article qui prescrit le remboursement des
deux tiers de l'ancien droit sur les quantités,
jexistantdans le commercei Get approvision
nement, -suivant l'appréciation généralement
adoptée, étant du quart de la consommation
annuelle, la restitution portera sur plus de
62 millions de kilogrammes et s'élèvera à en
viron 12 millions de fr. Ainsi, perte de 47
millions silr la jierCeption anhuelle^ rem
boursement de 12 millions au commerce ,
en tout 59 millions, tel est le chiffre du dé
ficit qu'éprouvera le trésor sur cette branche
du revenu public; de telle sorte qu'il ne lui
restera qu'une somme de 11 à 12 millions
dont il faudra défalquer encore les frais de
recouvrement pour avoir le produit net.
: L'Assemblée était appelée aujourd'hui à
revenir sur cette loi malencontreuse qu'elle
a votée le 28 décembre dernier; mais ce n'é
tait pas de l'impôt qu'il s'agissait; la propo
sition qui lui était soumise avait pour but
de relever le tarif adopté à l'importation des
sels étrangers dans les ports de l'Océan et de
la Manc 'he.-
Nous ayons signalé l'erreur commise par
l'Assemblee dans la précipitation apportée
au vote de cette loi et en présence de l'é
motion causée par la réduction de l'impôt ;
on fit à peine attention aux dispositions qui
.devaient garantir la production indigène
contre'la production étrangère ; jusqu'ici les
sels étrangers avaient été frappés de prohi
bition, la commission avait proposé de la
remplacer par des droits qui variaient sui
vant les zones"d'importation; ainsi elle avait
présenté un tarif de 2 fr. oÔ soils pavillon
français et de 5 fr. sous pavillon étranger
par le littoral de la Manche et de l'Océan ;
mais l'Assemblée, qui avait adopté le droit
de 2 fr. à l'entrée par terre et par les fron
tières de Relgique j réduisit le droit sur la
Méditerranée et l'Océan à 50 centimes et
1 fr. suivant le pavillon.
Quelques mots suffiront à fàire compren
dre l'incohérence de ces' votes ; ce sont les
sels anglais qùi doivent également venir
faire concurrence aux sels indigènes, soit
par la frontière de la Relgique, soit par le
littoral de la Manche et de l'Océan ; or, d'a
près le système de tarifs adopté par l'Assem
blée, ils ne pouvaient entrer qu'au droit de
2 fr. par la frontière de Relgique, tandis
qu'ils pouvaient être importés au droit de, 50
c. par le littoral; quelle cause assigner à
l'excessive inégalité de ces droits sur les mê
mes produits ayant la même origine? Il n'y
en avait qu'une, la confusion qui avait pré
sidé à la discussion et aux votes.
Aussi, à peine la loi était-elle votée qne
cinq représentai déposèrent une proposi
tion pour rehausser les droits à l'importa
tion par nos frontières de la Manche et de
tes. de l'Ouest ; il résulta des recherches ,
auxquelles eïJésë livra, que le prix du quin}
tal de sel de l'Ouest, rendu à Rouen, pou
vait être en moyenne de..5 fr. 58' c., tandis
que le - prix du' sel portugais, : rendu à la
même destination';; serait de'5 fr. 4 50^ et eelui
du sel anglais de 3 fr*. 63 ; de telle, sorte
qu'il y avait une différence de 2 fr. 08 an
profit cftf sel portugais, et de 1 fr. 95'au
profit du sél afîglais; là Commission fut' ainsi
conduite à proposer un droit de 2 fr. et de
2 fr. 50, suivant le pavillon ; ce droit de
2 fr., s'élevant à 2 fr. 20 avec le décime,
laissait à nos produits un avantage de 25 c.
sur lë sel anglais et de 12 c. sur le sel de
Portugal.
,Le tarif de la commission a été vivement
attaqué, quoiqu'il fût, suivant nous, em
preint d'une grande modération ; en effet,
ce droit de 2 fr. modifiait déjà d'une façon,
considérable la position des producteurs de
l'Ouest, puisque les prix de tester qur, de
1838 à 1847.; avaient varié de 1 fr. 27 à'
8 fr. 54, auràteiît pu encore descendre aussi
bas qu'ils sont descendus sous le régime de la
prohibition, tandis que le nouvéàu . droit ne
leur permettait jamais de s'élever au-dessusde
âfr. 88, limite supérieure à partir;'dë la
quelle les produits anglais seraient venus se
substituer aux, produits de nos marais sa-
lans; cependant, malgré l'appui que ,lui a
donné le ministre des finances, le "chiffre
proposé par la commission a été, après une
épraivë douleuscj. rejeté pu scrutin de di
vision par 585 votans contre 344. <
M. Passy est alors monté de riotiveau à la
tribune pour rappeler à l'Assembîéë foute'
l'importance de la. question ; il à.insisté poin 1
qu'on ne compromît pas,. faute d'une pro
tection suffisante, Inexistence d'une indus
trie qui occupe plus de 100,000 ouvrier^ et
qui procure un transport de plus de 100,000
tonneaux à notre marine côtière ; M. Du-
faure s'est ensuite attaché 'à montrer les
conséquences funestes qui résulteraient de
l'abandon des marais salans, dont les exha
laisons pestilentielles porteraient la mort
dans le voisinage, et décimeraient toute la
population du littoral de l'Ouest.
Ces raisons puissantes ont fini par con
vaincre la majorité qui nous semblait sur
tout préoccupée de la crainte de se déjuger;
l'Assemblée a adopté un amendement de M.
Sauteyra, qui fixe lé droit d'importation
dans les ports de la Manche et de l'Océan à
1 fr. 75 sous pavillon français, et 2 fr. 25 sous
pavillon étranger ; c'est une diminution, de
25 centimes sur le droit qui avait été propo-,
se par la commission ; nous espérons encore
qu'il pourra sauvegarder les intérêts de la
production nationale.
En résumé, l'Assemblée a élevé à 1 franc
75 cent, un tarif que, par la loi du 28 dé
cembre dernier, elle avait fixé à 50 cent,
seulement; c'est-à-dire qu'elle a reconnu
nécessaire, pour ne pas anéantir une indus
trie, importante, de tripler, et aurdelà, un
chiffre qu'elle avait voté il.y a dix ou douze
jours; puisse cet avertissement lui être pro
fitable et l'engager à se défier des proposi
tions improvisées en matière de finance et
de commerce ! ^
Au commencement de la séance, l'As
semblée avait adopté, sans grands débats, le
nouveau chapitre proposé par la commis
sion du règlement, concernant les projets
de loi qui lui sont apportés et les proposi
tions qui lui sont soumises.
M. Gaslonde , représentant de la Manche , a
déposé aujourd'hui sur le bureau de la chambre,
une pétition d'un grand nombre d'habitans d'À-
vranches et des communes de l'arrondissement,
qui invitent l'assemblée nationale à se dissoudre.
Les pétitionnaires terminent en disant :
« Persuadés que le crédit et la confiance ne
renaîtront que par l'homogénéité et l'accord des
Pouvoirs , les soussignés espèrent que l'Àssem-
lée nationale donnera un nouveau gage de son
désintéressement et de som dévoûment à la pa
trie, en déposant son mandat. » ■
Trente-cinq membres de 1'A.ssemblée na
tionale se sont déjà inscrits pour prendre la pa
role dans la discussion qui doit avoir lieu demain
vendredi, sur la proposition de M. Rateau, re
lative à la dissolution de l'Assemblée.
. i ... , , - n ii Yoici les noms des neuf orateurs inscrits con-
1 Océan; le comité de 1 agriculture, auquel] tre k proposition : MM. Alem Rousseau, Billault,
elle fut renvoyee, reconnut qu en ellet le , — r - r - - - ■ -
droit de 50 cent, livrerait notre marché in- i
térieur aux sels étrangers, et porterait un j
coup funeste à la production sur nos. cô-i
Girerd, Ducoux, Corbon, Félix Pyat, le général
Cavaignac, Bourzat et Jules Favre.
Yingt-quatre orateurs sont inscrits pour parler
en faveur de la proposition. Ce sont MM. de
1 Montâlembert,Fresneàu,ïIuhert-I)eIisle,Rabnan f
Dariste, Yictor'Hugo, Jobez. Desmolles, dcSeze.
de Kerdrel, Th., Diicos,' Dufournel, Ferdinand
Barrot, Jules de' Lasteyrie/Charles Dupinj dè
Charràcey^ Dabeaux, Laçasc^ de Laboulie,' Char
ramaule/.'de'Moriiay; Itouher 'et'Lamartine. " ■ -
MM. Pagnerre et Barthélémy ; Saintr &ilMré sè
sont fait inscrire ppur parler sur là proposrMo^
Nous apprenons'que M., de Tinguy a retiré, '
dans un' esprit de conciliation, la proposition
qu'il avait faite pour la dissolution immédiate de
l'Assemblée nationale,- afin de ne pas(nuire : à la
proposition de M. Rateau, qui fixe cette dissolu
tion au mois de mars. ,8i
- M. Dufournel, représentant du peuple, vient
d'adresser sa démission de membre de la réu
nion formée dernièrement àu palais des' Beaux-*
Arts, sous la présidence de Ai. Alem-Roùsseau.
Voici les motifs de cette .démission, adressée
au présidât de celte réunion :!
« Je lis dans la Presse d'hier, que la Réunion des
Beaux-Arts a décidé,à là presqu'unanimité, que la
proposition deM. Rateau, sur la dissolution de l'As
semblée; serait repoussée, et que le décret relatif à
la nomenclature des lois organiques: ne devait subir
aucune modification. ,• 11
» Gomme cette résolution est entièrement opposée
à ma manière de voir, et que, d'ici .à la .lin de la ses
sion, * je serais err dissentîméjif absolu' avec' la
réunion-sur' ce point ; important' je'• viens•• vous
prier, Monsieur le président. d« vouloir bien' agréer
et faire agréer k mes . collègues ma démission de
membre de,cette réunion. . ;
» Veuillez, etc. ,
» DUKOtîRNjïL, -
» Représentant de la Haule-Sa≠ i,
» Paris, .40. janvier 4849." » ; ■<.. „„ ..
• - ' 1 —«w»— B— ii.'. TTTii .
On a discuté aujourd'hui dans la commission:
d^; l'enseignement sur le. mode 1 de nonfiination
désdouiie''mem])rescoiDp6saint la sfection del'en-
se'jgtteiftent piibliç. Il a été admis qu'il y aurait
une double présentation laite par l'Institut et
par la section elle-même. . . t
L'inamovibilité ayant été ropoussée, on. a dû.
s'occuper delixCr la'durée des fonctions. Ce point
a été le sajet d'une longue discussion ; rien n'ar
été encore arrêté. ' ■ " '■■■•' : ' 1
Le comité des affaires, étrangères a discuté, cèi
matin>la proposition deM. Francisque Bouvet*,..
tendant à l'aire accepter aux puissances un con- '
grès général dans lequel on réglerait les condi
tions d'un désarmement proportionnel. Ce con
grès serait chargé de travailler à la conciliation
des différends qui existent entre les Etats, et sié
rait un acheminement.à une vaste confédération
d'Etats reliés par une Juridiction commune. 1 v,
M. Francisque Bouvet, qui poursuit depuis :
long-teinps celte idee d'une constitution déiiair,
tivede Ja paix universelle, a,développé so» pro
jet en le présentant ^ous tous les -aspects. « Lit
guerre est contraire à la morale.; elle révolte le»,
sentiinens d humanité, elle ruine les finances
des Etats, absorbe les imembres les plus,, sains,
du corps social: Déjà on ne pe.ut plus la faire;;
malgré, les'velléités qui se..manifestent-, -en-r:
core de certains côtés. Si, donc la-guerre e«t,
désormais impossible en présence des-inté-:
rets commerciaux, Jes sympathies mutuelles/
des peuples, en même, temps que là icligioi* Ja,
condamne,, il faut que .la Fi ance cherche un nu- .
tre moyen d'exercer son influence au dehors; .car
elle ne saurait rester inactive et indifi'érénté eii 1
présence du grand mouvement' qui entraîhé les'
peuples vers des destinées nouvelles. Pourquoi'
1a France n'attendrait-elle pas dans la- pàix ; lc
but de sa mission civilisatrice i C'est au sein dé'
la paix que se développent tous les élémexis qùP
concourent au bien-ôtre des peuples et a leur'
indépendance, tandis, que ia guerre,' la guerrt?
échevelée et sanglante, voit tarir devant elle les'
sources de 'la prospérité publique : J 7 induStrîc; '
l'agriculture ; elle se place entre les affections 1
domestiques, et fait courir à la patrie, à .'li
berté surtout; les plus grands daugers.» , ' ,
M. Sarrans jeune rend justice aux généreux
seritimens qui ont inspiré la proposition de M. "
Francisque Bouvet. Mais il croit que la guerre
n'est pas étrangère aux progrès de la civilisation;
il n'admet pas qu'elle soit opposée à la prospé
rité de tous les Etats.Il soutient que les guerres^
contre jla République et l'Empire n'ont pas été
la source de la dette énorme de l'Angleterre,
comme, le dit M. Bouvet, mais que la prospérité,
de l'Angleterre s'est au contraire développée.par"
la guerre, et quel'Angleterre n'accéderait pas à.
la proposition d'une paix définitive fondée sur
un mode de transactions arbitrales. M. Sarrans"
croit, du reste v que la guerre est nécessaire aux
passions et à empêcher un développement trop'
considérable dépopulation. Il repousselapro
position de M. Bouvet.
M. Heeckeren. pense qu'on aura toujours la
guerre. Il ne conçoit pas comment on organise-:
rait ime force cap'able d'imposer aux puissances
récalcitrantes.
M. Aylics exprimé l'ëtonnement dans lequel'
l'ont jeté les paroles de M. Sarrans au sujet de,
la prospérité de l'Angleterre. Ii croit avec M.
Bouvet que la guerre a fait à l'Angleterre cette
énorme plaie qui saigne encore, et qui ne se-
LE CABHVET NOIR.
TROISIÈME PARTIE.
LES APOTHUS DE NUREMBERG.
CHAPITRE SÏV. -
SUITE DU MANUSCRIT. — UXE SÉANCE 1)E t.l
CIIAMBKK KOIBK.
« N'ayant plus d'espoir du côté de Mme de
Nesselbourg, Earl était tout à fait en mesure
d'apprécier la valeur morale qu'il avait subite
ment surprise dans Christiana.
» A ses yeux, ce n'était plus cette petite fille
tout entière dévouée aux occupations ménagè
res, et capable, bien juste; d'une sorte.de senti
ment bourgeois. La naïveté mêlée à l'énergie, la
passion vive, et vraie, combinéede résolution et
de. .raison froide, voilà ce qui le frappait main-
tenant dans le caractère que,-jusque-là, il avait
cru d'un effacement achevé.
,»Mais lui, de son côté, le pas qu'il avait fait la
veille était si grave, le métier auquel son fol â-
mour pourla comtesse l'avait conduit, lui pa
raissait avoir quelque chose de si flétrissant,
qu'il dut se demander si, en honnête homme, il
Voir -notre numéro du il janvier.
Tonte reproduction, même partielle, de cet ouvrage,
t interdite, et serait poursuivie comme eea'refaçon.
pouvait, à cette heure, ramasser le joyau qui
venait de se trouver sur son chemin. D'autre
part pourtant, s'il ne se jetait en travers du
cruel sacrifice que méditait sa sœur adoptive,
quel sort la malheureuse ne se préparait-elle
pas! On comprend que, dans ce conflit d'idées et
de sentimens, la perplexité de Karl fut ex
trême, et une résolution, elle-même bien déli
cate à-prendre, se trouva la seule et dernière
ressource à, laquelle il crut pouvoir s'arrêter.
— Oui, — se dit-il, — Christiana, je dois le
croire, est une fille sûre : je lui confierai le ter
rible secret de mon initiation, et la ferai juge;
si elle me veut, malgré cette tache, je serai son
mari ; si, au contraire, son mépris pour ma faute
est plus fort que son amour, au moins je la dé
ciderai à révoquer un choix indigne, et comme,
après tout, dans le sentiment que j'ai mainte
nant pour elle, il entre encore plus d'estime que
d'impérieuse passion, eh bien ! je me consolerai
de la voir à un autre, s'il peut la rendre heu
reuse, et, quant à moi, j'aurai appris ce que
coûte l'amour des grandes dames aux impru-
dens qui veulent regarder ces soleils et en res
tent aveuglés.
» Dans 'tous les cas, une lettre ne pouvait ici
suppléer à une explication, et, en attendant qu'il
put revoir Christiana et consulter, au besoin,
avec elle sur la manière d'échapper à l'étreinte
de la ténébreuse association dont il était devenu
membre, le nouvel apôtre alla toujours prendre
possession de ses fonctions occultes ; c'était là
une nécessité impérieuse de sa position.
«Encore trop inhabile au métier d'éventrer une
lettre, Karl n'eut à se rendre coupable d'aucun
bris de cachet, et, sur l'indication du mitre des
travaux, il eut seulement à faire quelques ex
traits, dont il ne comprit pas même l'intérêt. La
séance s'écoulait donc pour lui assez vide et
monotone, et il se demandait si , avant le re
mords qui accompagne toujours une action mal
honnête, l'ennui ne,devait pas être le premier
châtiment du misérable métier auquel il était
descendu.
» Mais l'usage était de donner d'abord à ou
vrir, Ifs lettres que l'on supposait le moins riches
de renseignemens ; quand à celles qui parais
saient d'un intérêt plus sérieux, elles étaient
réservées. De cette manière, l'attention et la vi
gilance des travailleurs étaient tenues en ha
ie ne jusqu'au dernier moment.
» Lors donc que le nouvel initié s'y attendait le
moins, il vit tout à coup arriver dans ses mains
une lettre que le maître des travaux lui faisait
passer toute décachetée. Adressée à Vienne, àMa-
datne la chanoinesse de Valdorf, cette lettre ,
quand il n'en eut pas d'abord reconnu l'écritu
re, lui aurait tout dit par sa suscriptiou.
» A coup sùr, en présence de la révélation qu'il
avait si proche, une certaine émotion intérieure
dut animer le pauvre amoureux; mais il se pi
qua d'imiter une certaine impassibilité dont >
l'exemple lui était donné par ses collègues, et
avec un sang-froid qu'il s'étudia à rendre le
plus apparent possible, il déplia la lettre dans
laquelle, à ce moment suprême, il ne douta pas
que le triomphe de M. Grundheim ne fût claire
ment manifesté.
» Toutefois ce semblant de force dame ne dura
guère, et qui eût pu, sous son masque, aller
chercher les impressions de ce lecteur si insou
ciant, se fût aperçu qu'à Ja lecture des premiè
res lignes son visage avait changé deux ou trois
fois de couleur, et au même moment l'agitation
de son ame commença de se révéler au-dehors
par un tremblement qui, de ses mains, se com
muniqua au papier.
« Chère bonne, — écrivait Mme de Nessel-
» bourg, —j'ai fait suivant les conseils de votre
» sagesse. J'ai été pour ce malheureux jeune
» homme sans indulgence, sans pitié; j'ai pous-
» sé avec lui jusqu'à l'insulte, et l'ai mis dans
» la nécessité de quitter notre maison. Depuis
» trois jours qu'il est parti, en suis-je plus heu-
» reuse et plus calme? ai-je un instant cessé de
» penser à lui ?
» Quand il était là, faisant son service autour
» de mon mari, je pouvais mieux me rappeler
» la distance qu'il y a de lui à moi ; maintenant,
» j'oublie la situation sociale pour ne plus me
» rappeler que l'homme. Ah! que vous vous
» trompez, ma toute belle, en faisant de l'absen-
». ce un-remède héroïque ! Oui, quand on a mal
» adressé son cœur, ne plus être avec Ieé gens,
» peut vous aider à le ravoir ; mais quand on
» aime en bon lieu, l'absence, autour des mérites
» qui vous ont charmé, c'est bien plutôt comme
» une "auréole. Moi, je retournerais le vieux mot
» et dirais: Les présens ont tort; car, présens,
» ils sont heureux, ne souffrent pas et ne solli-
» citent pas le souvenir par la pitié, cette perfi-
t,. de entremetteuse. — Que fait-il maintenant,
» le pauvre.enfant? Que son cœur doit être dé-
« chiré et plein d'amertumes ! comme il doit se
» dire que je suis un cœur dur et une femme
» altière! Voilà les pensées qui sans cesse me
» reviennent, et vous voulez, chère amie, que
l'on guérisse à ce régime ! A l'époque où j'é
tais avec lui dans le naturel et'la vérité,quand
je le traitais avec les égards et la bonté aux
quels avaient droit son dévoûment et les pré
cieuses qualités de son cœur et de son esprit,
je ne m'apercevais pas même l'aimer; mais
depuis le moment où, pour éviter les clair-
voyans regards de Conrad, j'ai essayé de re
monter ma pente ; depuis l'époque surtout où,
pour suivre vos conseils, j'ai exagéré le sem
blant de mon mauvais vouloir, il semble
qu'ainsi contrarié et rudement tenu en bride,
mon pauvre cœur se -cabre, et pour le con
tenir dans son impétueux élan, je ne sais tan
tôt plus où me prendre.
» Enfin, il n'est plus là; je n'ai plus main
tenant ni chance, ni occasion de le voir ;
partant, je suis sûre au moins, tout en souf
frant une cruelle torture, de ne me laisser al
ler à aucun aveu compromettant, et c'est,
vous me direz, un grand bien que cela ! Oui!
comme c'est un grand bien de laisser prati
quer l'amputation d'un membre qui aurait en
traîné la perte de tout le corps ; mais l'opéra
tion en est-elle pour cela moins douloureuse,
et ne dit-on pas que, dans les nerfs, il y à une
éternelle mémoire de cette partie du moi dont
on s'est séparé, et que parfois on la ^sent en
core?
» Dieu merci! la mission deM. de Nesselbourg
touche à son terme, et bientôt, je pense, nous
repartirons pour Vienne. Ce changement de
lieu, j'espère, me fera du bien. Oh 1 mon
Dieu! et était-ce aii milieu de ce monde de
marchands et de spéculateurs que je devais
craindre yu échec à ma pauvre r5(1 son! «
«Transporté d'une manièresi peu espérée dans
le ciel qui tout à coup s'ouvrait pour lui, l'heu
reux Karl ne perdit pourtant pas de vue un au
tre intérêt moins céleste et qui, aii çontrairp,
par ce qu'il venait de lire, ne faisait, que çe re
commander plus impérieusement à son souci.
Ce n'était plus en effet ,du bonheur de M. de
Grundheim, mais bien de son bonheur à lui-'
même qu'il fallait maintenant dépayser le jaloux.
En conséquence, il prit une plume, et avec une
verve d'amour heureux, la plus belle force ins •
piratrice qui soit au monde, il se mit à rédiger,
à l'usage de M. de Nesselbourg, une contre-lettre
-que voici-: '
« Chère bonne, vous avez beau vous en défen
dre, rien qu'à la fréquence de vos lettres je'
vous soupçonnerais d'un tendre sentiment. Et
puis, on ne revient pas ainsi, toujours, sur le
chapitre d'un homme, même pour en médire,
sans qu'il ait fait un peu d'impression î Au
reste, pourquoi vous cacher de moi ? Ne pou-
vez-vous pas vous faire relever de vos vœux
et épouser le préféré? Je vous vois avec joie'
venir tout doucement à mariage ; vous y étiez
si opposée autrefois ! J'avais beau vous répé
ter : C'est un état heureux, quoi qu'on en dise,
et vous donner en exemple le bonheur de mon' :
union avec M. de Nesselbourg,' vous pènsièz
toujours que je voulais faire avec vous la côn-"
tente, et qu'il y avait à petit brait de la mé~ f
sintelligence entre mon mari et moi. ■
» S'il,faut tout vous avouer, j'ai craint, il y a
quelque temps, pour sa tranquillité et pour la '
mienne, et le séjour que mon cousin Conrad '
est venu faire ijr rétemment, cojnmJen^it
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