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PARIS.
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bureaux a paris:
Jîue du 21 Février, 10 (ci-devant de-Valois).
On s'abonne dans les <]ôpurlt?mens. aux messageries ot
ttux-diroctions des poelos. — A Londres» choz «<<(. (,owic et
JUv> — A Strasbourg, chez Alexandre, pour I Allemagne.
S 'adresser franco, pour la rédaction»,
à m. MEURiJAU, gérant.
Les articles déposés no .seront pas rendui.
PARIS.
DÉFART.
ÉTRANG,
8 F.
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IOUM L POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
| EOXX DE l'ABONMIMENT.
TROIS MOIS...
SIX MOIS .
IIJV AN .,.
i Les ^bonropicns dslenl ejes 4" ot )C de chaque mois.
I BUREAUX A,PARIS8
Rue du 24 Février, 10 (ci-devant de Yalois).
Les annonces sont reçues, de 11 à 4 heufei
|[ »u bureau du Journal,
a .Tonte annonce drït Ctr« agitée par le gérant. ,
g .
;{ S'adresser franco, pour l'administration,
i M, denain, directeur.
-JPABIS, « JA'WIEa.
Le National ose entreprendre aujourd'hui
d'établir une comparaison entre son parti,
celui des républicains de la veille, démolis
seurs ou socialistes, et le parii modéré dans
toutes ses nuances conservatrices et libérales.
11 ose, ' après avoir gouverné la France,
comme il l'a fait pendant dix mois, parler
de ce qu'il appelle « une lutte de dix-huit
années dans la boue ! ï>
Nous ne savons que trop les fautes que le
gouvernement de juillet a commises. Nous
croyons n'avoir pas eu tort en lui repro
chant, pour l'extérieur, des faiblesses et des
imprudences; pour l'intérieur, des atteintes
portées aux principes constitutionnels dont
l'observation sincère eût été son salut,
des abus d'influence qui ont affaibli la
considération des pouvoirs. Mais, après
avoir vu depuis dix mois le National à
l'œuvre, après avoir va les hommes inven
tés, prônés par ce journal, et , sortis dé ses
flancs, s'abattre pendant dix mois sur le
pouvoir, donner la mesure de leur caractère
et de leur intelligence, et mettre en aussi
peu de temps la France dans l'état ou elle
est aujourd'hui, nous nous reprochons pres
que, à la face de l'histoire , d'avoir été, à
l'égard du pouvoir tombé, trop sévères en lui
disant la vérité, trop impatiens en lui con
seillant le bien.
Mais que dire du National lui-même, du
National qui, dans sa polémique pleine
d'insultes et de déloyauté, sans respect pour
ce qui était vrai et juste, avait trouvé le
moyen de calomnier le régime de juillet
jusque dans ses fautes,- et qui, aujourd'hui,
après avoir donné par ses amis, dans ces
dix derniers mois, le spectacle de honte, de
ruine et de sang qui effraie encore ta Fran
ce, a l'assurance de restaurer ses vieux ou
trages et sa vieille calomnie?
Que vousmanque-t-il donc à vous-mêmes
en fait de désastres et d'abaissemens; etqu'a-
vez-vous à reprocher aux anciens gouverne-
mens, révolutionnaires, légitimes, ou élus ?
Lois détruites et violées, dictature excrcée'et
déléguée, commissaires oppresseurs, circu
laires criminelles, magistrats inamovibles
suspendus ou destitués, corruption par la
séduction ou la menace employée avec
une audace inouïe, fonctionnaires inves
tis du pouvoir absolu pour préparer leur
propre candidature , politique double au
dehors , paroles de paix et propagande
de révolutions, manque de foi envers les
peuples voisins, nations amies excitées à de
hasardeuses entreprises, abandonnées en
suite dans le danger; germes de révolte en-
tretenusau dedans, perversion des esprits par
des doctrines anti-sociales et immorales,
ateliers d'émeutes organisés par la conni
vence ou parla faiblesse, guerres civiles en-
sanglantantnosvillespar lafaute du pouvoir,
. état de siège pesant six semaines sur Paris,
écrivains emprisonnés sans cause, arbitrai
rement miâ au secret, journaux supprimés,
expéditions militaires ordonnées au dehors
sans consulter la chambre, circulation des
correspondances suspendues pendant six
heures, fortune publique gaspillée etruinée,
comptes en désordre, impôts onéreux ren
dus nécessaires, impôts de facile perception
récemment supprimés, fortunes privées dé
truites en quelques jours, industrie aux a-
bois, travail suspendu, langueur universelle,
craintes de l'instabilité de toutes choses, ré
pandues dans les ames, n'est-ce pas là votre
ouvrage de dix mois? Ne sont-ce pas la , vos
preuves de capacité et de vigueur?
Laissez donc là le passé, vous qui vous
acharnez bravement sur un pouvoir qui
n'est plus. N'injuriez pas non plus, pour le
présent, le parti njodéré, car ce parti c'est
la France elle-même, la France qui est plus
forte que vous et qui vous juge.
Le National peut-être nous répondra qu'il
songe fort à l'avenir, et qu'il le prouve bien
au commencement de l'article même auquel
nous répondons. Cela est vrai. Le National,
qui, il y a quinze jours à peine, ne savait
quelle injure, quelle calomnie inventer, au
nom dè tous ses amis, contre M. Louis-Na
poléon Bonaparte, alors candidat à la pré
sidence, se retourne aujourd'hui, lui aussi,
vers le Président élu, pour lui adresser,
d'un air indifférent et dégagé, quelques
. mots de flatterie. Chose. remarquable et
qui honore tout-à-fait nos nouveaux cour
tisans , c'est que les souvenirs de Stras
bourg et de Boulogne, texte inépuisable ,
il y a peu de jours, de leurs sarcasmes et
de leurs invectives, sont devenus tout-à-
coup le thème favori de leurs avances cal-
iulées'et de leurs flatteuses insinuations. |
Pauvres gens ! voilà où ils en sont réduits :
à retourner leurs injures pour en faire des
louanges, et à mendier le pouvoir de celui
même qu'ils ont voulu en écarter à tout
prix. Le National du reste assaisonne au
jourd'hui son compliment au Président,
d'une attaque contre MM. de Maleville,
Thiers, de Rémusat, qui, dit-il, en 1840,
ont provoqué la conspiration de Boulogne,
et tendu un guet-apens à M. Louis Bona
parte alors prétendant.
Nous répondrons très catégoriquement au
National , que ce qu'il avance est faux de
tous points. M. Thiers, M. de Rémusat, M.
de Maleville, ont fait en 1840 leur devoir,
qui était de maintenir les lofs, de défendre
énergiquement les institutions existantes. Us
agiraient de même aujourd'hui et en toutes
circonstances. Mais l'accusation d'avoir pro
voqué la conspiration et . tendu un guet-a
pens, est une insigne calomnie ; nous som
mes autorisés à le déclarer. <
Ah ! s'il ne s'agissait pas de la France, qui
vient dé traverser tant de maux, et qu'une
nouvelle épreuve précipiterait vers la ruine,
nous voudrions que quelque hasard mît en
core le pouvoir pour un jour aux mains des
amis du National. Le pouvoir, certes, ébran
lé, miné, abaissé par eux, le pouvoir sorti
récemihent de leurs mains, n'a rien qui
puisse séduire personne. Il n'y a plus d'am
bitieux ; et les hommes qui dirigent en ce
moment les affaires publiques, au milieu de
tant de difficultés et d'angoisses, sont des
citoyens courageux dont " là , France ho
nore le dévoûment. M. de Maleville leur
rendait, à cè point de vue, un floble et élo
quent témoignage. Si le parti de la veille
pouvait encore quelque chose, s'il n'était pas
assez connu du pays, s'il n'était pas à terre,
vaincu et à jamais discrédité, s'il arrivait
qu'il ressaisît pour un moment ces porte
feuilles qu'il a mis en lambeaux et qui
tentent encore son ardeur, vous verriez aus
sitôt reparaître derrière lui la banqueroute
qu'il a mise à nos portes, la dictature et le
désordre. Un long cri de douleur et d'indi
gnation s'élèverait d'un bout du pays à l'au
tre. Mais ce sentiment public que chacun
partage et comprend, rend absolument im
possible le retour de ce parti, et suffit à ras
surer la France. Le National le sait, et il se
venge par des injures. Le parti modéré, dit-
il, est impuissant; les ministres actuels sont
impuissans. S'il veut, dire par là qu'il Jeur
a rendu tout difficile, qu'il a multiplié lui-
même les obstacles autour d'eux par l'ac
tion qu'il a exercée sur nos affaires depuis
dix mois, nous ne le contredirons point. Oui
sans doute, le bien est difficile; l'administra
tion est désorganisée; les lois ont per
du de leur empire ; la France est appau
vrie; chaque famille a profondément souf
fert ;î les impôts sont lourds ; la pré
sence de l'armée à l'intérieur est en par
tie nécessaire; l'autorité et la liberté d'action
de notre cabinet à l'extérieur sont diminuées;
de détestables doctrines ont pénétré plus
avant daps la population; les institutions nou
velles, que. nous respectons pour être fidèles
à nos principes,"sont mal Combinées ; mille
causes de trouble dans la société et dans le
pouvoir ont été semées comme à dessein par
les amis du National; cela est vrai, nous le
reconnaissons, et la France, pour réparer
ses maux, aura besoin d'une longue patience
et d'une grandé énergie. Mais les hommes
qui sont aux affaires savent qu'ils la repré
sentent, qu'elle est derrière eux; ils ont la
puissance des suffrages innombrables du
parti modéré; ils ont celle que donne la
haute probité, l'intégrité du caractère, le ta
lent et le courage.
Rien ne sert donp au National d'attaquer
l'honorable président du conseil, qui, après
avoir vingt ans servi la cause de la liberté,
consacre à celle de l'ordre en péril son ad
mirable talent de tribune, l'ascendant que lui
assurentles nobles qualités de son caractère,
sa longue expérience politique, ses ancien
nes opinions propres à lui concilier la cham
bre actuelle comme la chambre future. Le
Nat : onal ne détruira pas cette haute et pure
renommée; il n'enlèvera pas à chacun des
membres du cabinet actuel ce que leurs étu
des spéciales, les preuves de talent qu'ils ont
faites, leur parfaite loyauté, là diversité
même de leur point de départ en politique,
leur assurent de confiance, d'estime et d'ad
hésion de la part du pays.
H n'y a d'impuissant aujourd'hui que le
National lui-même et ses amis. Tant qu'ils
n'avaient pas touché le pouvoir et fait leurs
preuves, sa polémique calomniatrice et plei
ne d'insulte a pu trouver quelque crédit.
, ' ' > amusait ceux qui trouvaient quelque )
j- uisir à voir les excès d'une critique sans
justice et sans retenue, ceux qui ne pré
voyaient pas que ces détracteurs de la veille
deviendraient les maîtres le lendemain. Mais
aujourd'hui, après dix mois d'épreuve qui
ont coûté assez cher à la France, lé parti
est jugé et vaincu. Il ne peut faire peur
à personne ; le maintien même des lois a -
pour garant la sagesse de la France, mais
non pas la force de ce parti. Désormais, il
compromet et ruine tout ce qu'il touche, et,
pour le salut des institutions dont il se pré
tend le défenseur, nous l'engageons à se te
nir en repos. Ses menaces sont ridicules,
comme ses calomnies sont impuissantes. On
ne le craint pas; on ne le croit pas ; ses ar
mes ne prévaudraient pas ; ses injures ne
blessent pas ; sa plume n'est qu'un poignard
émoussé.
Voici encore^ une 6éance toute favorable
au ministère, dont les adversaires sont venus
étaler à la tribune leur incapacité et leur
ignorance. Le pays, qui a déjà si sévère
ment jugé la conduite de certains hommes,
à l'intérieur, verra, en lisant cette discus
sion, que leur politique étrangère ne serait
ni moins malhabile, ni moins dangereuse.
Il nous répugne d'avoir à être sévères en
vers M. de Lamartine après le scrutin du
10 décembre, mais nous avons vu avec re
gret l'ancien membre du Gouvernement •
provisoire monter à la tribune pour couvrir
encore une fois M. Ledru-Rollin. M. de
Lamartine aura beau rappeler son célèbre'
manifeste, il ne fera .croire à,personne^ que
ce manifeste soit toute la politique étrangère
du Gouvernement provisoire. Il aura beau
protester de ses bonnes intentions person
nelles, il ne fera pas oublier une action di
rectement opposée à la sienne. Par igno- ,
ranceou par faiblesse, M. de Lamartine a
laissé faire bien des choses. Soit qu'il n'ait
pas aperçu d'odieuses intrigues, soit qu'il
ait cédé à cet incurable désir de concilier
l'ordre avec l'anarchie, et de conspirer avec
la foudre, M. de Lamartine a annoncé par
son manifeste une politique extérieure que
les événemens ont étrangement démentie.
Cet épisode écarté, venons au débat lui-
même. Nous laisserons de côté le discours
récité par M. Baune qui a passé en revue le
monde entier, au milieu de l'inattention gé
nérale. M. Baune était envoyé à la tribune
pour entamer le débat, pour débiter quel
ques phrases pendant que les banquettes se
garnissaient, et pour préparer l'entrée en
scène des foudres d'éloquence de la Monta
gne. M. Baune a cru cependant nécessaire
d'illustrer par de grands gestes et de grands
éclats de voix les recettes qu'il a trouvées
pour pacifier l'Italie, révolutionner l'Espa
gne, constituer l'Allemagne, relever là Po
logne, créer la Moldavie et la Valacliie, et
résoudre toute ?a question d'Orient.
Ce cours de géographie terminé, M. Drouin
de Lhuys a fait justice, en quelques mots,
des divagations de M. Baune ; il a nié que
les négociations entamées soient abandon
nées, queles offreâ de médiation de la France
aienJ. été rejetées. M. le ministre des affaires
étran gères n'a pas eu de peine à faire compren
dre qu'on n'ouvre pas une négociation par
un ultimatum. Quant à la différence qu'on
avait voulu faire prévaloir entre la politique
du cabinet actuel et la politique antérieure,
M. Drouia de Lhuys a fait observer qu'il
fallait distinguer dans cette politique anté
rieure, que s'il s'associait à celle qui avait
célébré la paix dans un magnifique langage,
11 ne descendrait jamais à celle qui n'était
qu'une provocation perpétuelle. Celte décla
ration, faite avec énergie, a provoqué une
vive approbation.
C'est alors que M. de Lamartine a voulu
parer le trait dirigé contre M. Ledru-Rol
lin ; les murmures et les rires de l'Assem
blée, et im seul nom : Risquons-Tout, ont
renversé cette apologie. M. Ledru-Rollin est
aussitôt monté à la tribune. Les dernières
paroles de M. Drouin de Lhuys le mettaient
sur la défensive, mais M. Ledru-Rollin a
cette fois encore jugé commode de s'abriter
derrière le manifeste de M. de Lamartine :
il n'a pas été suffisamment provoqué à s'ex
pliquer par la presse française tout entière,
par les murmures de l'Assemblée, par le re
tentissement du procès d'Anvers et les accu
sations catégoriques du procureur général
belge, M. de Bavay, par les déclarations
des avocats des accusés d'Anvers, répétant
tous que ce n'était pas à leurs cliens, mais à
M. Ledru-Rollin que le procès devait être
fait.
M. Ledru-Rollin ignore tout cela, il n'a
rien lu, il n'a rien entendu de tout ce qui' a
été articulé contre lui : il n'a jamais jeté un
regard sur les documens recueillis et publiés
par. la commission d'enquête ; il ne sait rien
de la présence d'élèves de l'école Polytech
nique à Séclin et à Risquons-Tout ; il ne con
naît pas les pièces publiées par les autorités
belges, et notamment ce sauf-conduit délivré
à un fraudeur de profession par un de ses
plus illustres commissaires, M. Delescliize,
son ami et son subordonné, qu'il n'a ni des
titué ni désavoué. M. Ledru-Rollin n'é
prouve aucun besoin de se laver de toute
» participation à ce guet-apens international.
Nous ne serions pas éloignés de croire que
M. Ledru-Rollin n'apas encore appris qu'une
bande recrutée, organisée et payée à Paris,
a envahi le grand-duché de Bade les armes
à la main, et a combattu les troupes badoi-
ses, au nom de la république démocratique
et sociale. Il ne sait pas que des bandes de
démocrates badois se sont réfugiées sur le
territoire français en accusant le Gouverne^
ment provisoire de les avoirtrahies, de leur
avoir promis secours et de les avoir aban
données. M. Ledru-Rollin ignore qu'une,
bande, organisée dans le département du
Rhône, a tout-à-coup envahi la Savoie et
proclamé la république à Chambéry, d'où
elle a été expulsée à coups de fourches par
les paysans ; il ignore que les commerçans
de Lyon, dans de nombreuses publications,
ont protesté que 500,000 fr., expédiés de
Paris à cette époque pour secourir l'indus
trie lyonnaise, n'avaient pas été employés à
cette destination.
Ces faits, ces allégations, qui sont à la
connaissance de toute la France, n'ont pas
apparemment pénétré encore dans la stu
dieuse solitude de M. Ledru-Rollin ; autres
ment l'ancien membre du Gouvernement
provisoire aurait senti la nécessité de don
ner quelques explications, avant d'affirmer
que le manifeste de M. de Lamartine résu
mait en pratique comme en théorie toute la
politique extérieure du], Gouvernement pro
visoire. Nous étions loin de nous douter
qu'on pût avoir à ce sujet quelque chose à
apprendre à M. Ledru-Rollin. Dès lors nous
ne croyons point inutile de lui rappeler qu'il
a porté récemment contre un fonctionnaire
du ministère de l'intérieur une grave accu
sation qu'il a oublié de justifier; nous lui
apprendrons que le fonctionnaire par lui ac
cusé a publié une lettre au sujet de laquelle
le public croit des explications indispensa
bles; et comme ce fonctionnaire vient d'ob
tenir un avancement notable, M. Ledru-
Rollin aurait là à la fois une occasion de
justifier ses dires et de faire , au sujet de la
politique intérieure, une campagne ana
logue à celle qu'il a faite aujourd'hui à pro
pos de la politique étrangère.
Il est vrai que M. Ledru-Rollin n'a pas
été heurteux au milieu des déclamations qu'il
appelle des considérations générales; il a
laissé échapper sa pensée : Il pourrait, a-t-
il dit, désirer une issue pacifique à la situa
tion actuelle ; mais il ne la désire pas, parce
qu'il la croit impossible. Tout lui paraît ren
dre la guerre inévitable ; à l'entendre, elle
est presque commencée ; la France est cer
née de toutes parts, et il demande au minis
tère s'il a agi. Maître du Gouvernement, M.
Ledru-Rollin aurait donc déjà agi contre
les gouvernemens étrangers! Il est visible
que, dans sa pensée, tous les faits qu'il a énu-
mérés étaient autant de motifs d'hostilité,
autant de casus belli.
Nous ne discuterons pas avec M. Ledru-
Rollin : la position de la France vis-à-vis du
reste du monde est plus ou moins difficile :
mais ce n'est pas au cabinet actuel qu'il
faut demander compte de ces difficulté*. A
qui la faute ? a demandé M. de Larochejà-
quelein ; et la façon dont l'orateur posait
eette question disait assez crûment comment
il la résolvait. Nous dirons, après lui, à
qui la faute si la France rencontre par
tout de la méfiance ou des embàrras? Ce
n'est pas le cabinet actuel qui, après avoir,
arboré le drapeau de la paix et de la propa
gande pacifique, a laissé sortir par toutes
nos frontières des bandes insurrectionnelles
qui ont essayé de renverser des gouverne
mens amis. Ce n'est pas le cabinet actuel qui,
en protestant auprès des souverains de ses
* intentions loyales et pacifiques, a laissé dans
toute l'Italie des démagogues se targuer de
l'appui et des inspirations de la France, et
se faire en son nom les missionnaires de l'a
narchie.
Laissons là la question générale que M.
Ledru-Rollin n'a qu'effleurée : aujourd'hui
il abordait la tribune moins comme politi
que à hautes vues que comme homme pra
tique ; il apportait des faits positifs, et il de
mandait des réponses catégoriques. S'il ne
fallait à M. Ledru-Rollin que de la netteté
et de la précision. M. Drouin de Lhuys ne
lui a rien laissé à désirer. Quant à l'Assem
blée, elle a paru entièrement satisfaite des
répliques énergiques et concises de M. le mi :
nistre des affaires étrangères, et de son lan
gage digne et ferme.
M.' Ledru-Rollin avait dit que la Prusse,
profitant de l'aveuglement du ministère,
avait concentré sur notre frontière du Rhin
des forces chaque jour croissantes. Iln'en est
rien ; le Gouvernement avait demandé des
explications-à la Prusse, et il a. acquis la
prouve que les forces prussiennes, loin d'a
voir été accrues depuisle mois d'avril, avaient
été diminuées.
M. Ledru-Rollin savait qu'une interven
tion armée en faveur du pape avait été pro
posée ; que la France, Naples et l'Aùtriche
devaient l'accomplir à frais communs; il sa
vait même le conseil de cabinet ôu cette
question avîyt été débattue. Il n'en est rien;
aucune proposition, de cette nature n'a été
faite à la France, aucun conseil de cabinet
n'a été tenu à ce sujet.
M. Ledru-Rollin a dit que les négociations
entamées à Naples au sujet de la Sicile,
avaient été rompues. Il n'en est rien : les
négociations se poursuivent.
M. Ledru-Rollin, dont le coup-d'œil per
çant supplée à l'aveuglement et à l'igno
rance du Gouvernement, a vu une flotte
russe dans l'Adriatique, etime seconde flotte
non moins formidable venue dè la Baltique
et en route pour rejoindre la première et
écraser toute résistance. Il n'en est rien :
il n'y a dans l'Adriatique qu'une escadre
française, aucun navire de guerre russe
n'a franchi les Dardanelles ; quant à la
seconde flotte, M. Ledru-Rollin oubliait
que la Baltique est fermée par les glaces
pendant cinq mois de l'année, et que si la
flotte russe doit sortir de Cronstadt, ce ne
sera pas avant le mois de mai. M. le minis
tre de la marine le lui a rappelé.
M. Ledru-Rollin expliquait modestement
la supériorité de ses informations par ce fait
que le Gouvernement avait annulé toutes
les nominations du Gouvernement provi
soire, et ne devait plus avoir en Italie que
des diplomates incapables. Par malheur, il
se trouve qu'il n'a rien'été changé en Italie,
du moins au personnel diplomatique, depuis
que M. Ledru-Rollin a quitté le pouvoir.
Voilà cependant avec quel bagage de sa
voir et d'informations on se croit en droit
d'interpeller deshommes sérieux et instruits
et dé faire perdre à la représentation natio
nale, qui a besoin d'être économe» de ses
heures, une séance tout entière
L'Assemblée nationale, après ces inter
pellations, a pu reprendre la discussion,
déjà si souvent interrompue, du projet
relatif au travail des détenus; nous avons
dit que, dans une séance précédente, elle
avait abrogé le décret du Gouvernement
provisoire, ën date du 24 mars, et décidé
que le travail serait rétabli dans les prisons;
il s'agissait aujourd'hui de déterminer sui
vant quel mode et dans quel système il se
rait rétabli ; car on ne pouvait songer à le
replacer dans les anciennes conditions, à
moins de porter une nouvelle atteinte à l'in
dustrie libre, qui a si cruellement souffert
depuis la révolution de février.
Deux systèmes se trouvent en présence.
Le premier, proposé par le Gouverne
ment, tend à mettre entre les mains dés
préfets des pouvoirs suffisons pour empêcher
les conflits qui se sont élevés entre le tra
vail des détenus et le travail libre. Ainsion ne
permettrait pas, dans les villes où il existe
une industrie qui fait vivre une partie dé la
population, d'introduire cette industrie dans
la maison centrale. On fixerait le salaire
dés détenus de telle façon qu'il ne fût pas
assez abaissépour faire une concurrence dan
gereuse au salaire des ouvriers libres; enfin
on interdirait la venté, dans certaines villes,
des produits, qui pourraient se présenter
en rivalité avec les produits'de l'industrie
locale.
Le second système, proposé par la com
mission, est plus radical : il consiste à faire
consommer par l'Etat les produits fabriqués
par les détenus dans les maisons centrales
de force et de correction; de telle sorte que
ces produits ne puissent plus venir faire
concurrence aux produits de l'industrie li
bre sur nos marchés.
Voici maintenant les objections que sou
lève chacun de ces deux systèmes.
Au système du Gouvernement, la commis
sion reproche de déplacer le mal au lieu d'y
remédier. L'économie du projet consiste
surtout à pouvoir interdire la vente des ob
jets confectionnés par les détenus, dans les
localités mêmes, aprètf avoir consulté les re
présentons des industries locales; On dit. à
l'entrepreneur : Ce que vous fabriquerez
dans la maison centrale, vous ne pourrez le
vendre qu*a vingt ou trente lieues. Qu'en
rcsultei-a-t-il ? que l'entrepreneur sera grevé
de frais de transport, qui retomberont'sur
nos finances, puisqu'il devra les faire entrer
dans ses calculs ; mais qu'en réalité l'indus
trie libre n'y gagnera rien. Ainsi, par exem
ple, on fabrique dé l'ébénisterie dans la mai
son de Poissy ; les articles qui en sortent
sont vendus sur le marché de la capital? ;
que l'on consulte les industriels de Poissy,
ils ne réclameront en aucune façon contre
une fabrication qui ne lèse'en aucune ma
nière leurs intérêts, et cependant l'indus
trie parisienne continuera à souffrir de cette
concurrence.
Au système de la commission, le Gouver
nement reproche de manquer d'élasticité, et
d'être trop impératif ; de , placer l'adminis
tration dans la nécessité de suspendre le tra
vail, si la fabrication des objets que l'on .
peut utilement confectionner dans les mai
sons centrales pour le compte de l'Etat, n'est
pas reconnue suffisante poijr occuper par
tout les détenus ; enfin de mettre obstacle à
certaines améliorations qui peuvent êtreteû-,
tées, telles que l'application des prisonniers
aux travaux agricoles, qui a été indiquée
plusieurs fois, et qui est essayée en ce mo
ment à la maison centrale de Fontevrault.
Le système du Gouvernement a été dé
fendu, aujourd'hui par M. Grellet, celui de
la commission a été soutenu avec beaucoup de
talent par M. Rouher, rapporteur, qui s'est
déjà fait remarquer plusieurs fois par l'in
telligence et la précision avec laquelle il dis-
cute les questions d'économie industrielle ;
mais l'Assemblée n'a encore pris aucune dé
cision ; nous sommes disposés à croire qu'el
le finira par adopter le système de la* com
mission, en lui enlevant ce qu'il a d'exclu
sif et d'absolu; la pensée défaire consom
mer les produits du travail des détenus par
l'Etat, renferme évidemment la vraie solu
tion de la difficulté ; mais il pourrai^ avoir
quelqu'inconvénient à vouloir emprisonner
le Gouvernement dans des prescriptions ri
goureuses avant d'avoir complètement ap
profondi les ressources que ce système .peut
offrir.
La commission chargée de l'examen du décrèt
qui règle l'indemnité à accorder aux colons, par
suite de l'affranchissement des esclaves, a en
tendu aujourd'hui MM. les ministres des finances
et de la marine.
Dans le rapport déposé par M. Crémieux, la
commission avait proposé d'arrêter à 120 mil
lions de francs représentés par 80 millions en
numéraire et une rente de 2millions 5 0/0, l'in
demnité fixée par le projet duGouvernement à 90
miilions. Les deux tiers de la portion de l'indem
nité payable en numéraire devaient être exclusi
vement employés en salaires aux affranchis
ou en améliorations opérées dans les usines ou
les instrumens d'agrieulture. Cette portion de
l'indemnité était incessible et insaisissable. En
fin, sur les deux premières annuités, la portion .
afférente aux colonies de la Guadeloupe, de la
Martinique et de la Réunion,. devait être sou
mise à des prélèvemens qui serviraient à la for
mation d'un, comptoir d'escompte devant être
établi dans chacune de ces colonies. À ce projet,
M. le ministre des finances a proposé à la com
mission de,substituer le mode d'indemnité sui
vant. •
Une rente de 6 millions de francs 3 0/0 serait
accordée aux colons avec jouissance au 22 j uin
prochain, mais les titres définitifs ne leur seraient
remis que dans trois ans.
Une somme de 6 millions de francs en numé
raire serait mise à la disposition des intéressés
pour parer au besoin si urgent d'argent qui se
fait sentir aux colonies; 3 millions seraient dé
clarés incessibles et insaisissables , et-les por
tions des 3 autres millions revenant à la Guade
loupe, à la Martinique et à la Réunion seraient
appliquées à la création de comptoirs d'escompte
dans ces colonies.
L'honorable M. Passy est entré dans des con
sidérations très développées sur l'état de nos
colonies, et ces considérations ont-vivement im-
pressionnéia commission. L'émancipation, sui
vant lui. doit être suivie de la reconstitution de
la propriété sous une forme assez nette pour que
le propriétaire trouve le crédit. Il a cité, comme
exemple, les colonies les plus privilégiées qui
sont aujourd'hui les plus obérées. M. le ministre
de la marine a dit quelques paroles rassurantes
sur le travail dans les colonies. Le travail n est
nullement abandonné ; il v a eu seulement de
, la part des nouveaux affranchis, exagération
I dans la culture des vivres.
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 9 JANV-
LE CABINET NQIR.
TROISIEME PARTIE.
LJÏS APOTRES DE NUREMBERG.
GHAPITRE XII.
SUITE DU MANUSCRIT. — LES APOTRES
DE NUREMBERG. .
i
« Beaucoup de choses étaient vraies dans l'é
trange confidence qui venait d'être faite à Karl.
» Dès 1660, une institution équivalente à notre
rCabinet noir, existait à Hambourg. Fondée par
l'instinct commercial, doveloppée et consolidée
-par l'intérêt politique, elle avait aussi emprunté
quelque chose à ces idées mystiques età ce goût
d'association mystérieuse qui, depuis le fameux
tribunal secret, n'ont pas cessé d'avoir cours en
Allemagne.
» Initié par sa position de commissaire impé-
Yoir notre numéro du 6 janvier.
Toute reproduction, mémo .partielle de cet ouvrage,
t interdite, et lereit poursuivie comme contr«f»çon.
rial à toits les secrets du petit Etat qu'il était
venu régenter, M. de Nesselbourg avait connu
l'existence de la Chambre noire ,( die schwartze
kammer), et il avait aussitôt pensé à la faire ser
vir aux curiosités de sa jalousie.
»Mais quant k la manière dont, sans sa parti
cipation, avait été enrôlé le pauvre jeune hom
me, tout ne s'était pas passé comme on le lui di
sait.
» Bien qu'il n'eût eu, pendant long-temps, au
cun soupçon sur un homme qu'il appelait un de
ses domestiques, le comte avait fini par entre
voir la passion de Rarl pour sa femme, et, sui
vant ses habitudes de jalousie rentrée , sans rien
témoigner de ses découvertes , il avait aussitôt
conçu le dessein de l'éloigner de sa maison, en
l'affiliant à la ténébreuse agence.
» A cette combinaison , il voyait plus d'un avan
tage. Si M. le secrétaire refusait, il encourait le
poignard des sombres associés qui, en effet, ne
se faisaient pas faute, pour leur sécurité, de
prendre, au besoin, la vie d'un indiscret, et, de
cette façon, un insolent ^mour aurait sa puni
tion. Si, au contraire, ce qui sémblait plus pro
bable, cet homme de rien s'empressait de se je
ter sur l'occasion d'une existence indépendante
et aisée, notre jaloux serait renseigné sur ce qifi
lui tenait surtout au cœur, à savoir, les dispo
sitions de la comtesse pour son cousin, et, de
plus, la flétrissure du métier auquel Karl serait
descendu, serait une bonne vengeance à tirer de
son amour audacieux.
«Enfin, pour triompher de l'hésitation qui pou
vait être prévue, entre un refus absolu et une
détermination immédiate, le comte avait compté
sur l'influence de la peur et plus encore sur la
passion de ce jeune fou pour la comtesse, car, se
voyant dédaigné et apprenant qu'un autre était
plus heureux, rien que par un désir de vengean-'
ce, il semblait devoir entrer dans les desseins
que l'on avait sur lui : tout était donc bien pesé
et calculé dans l'esprit du commissaire impérial;
seulement son ignoble et méchante nature l'a
vait empêché de prévoir une chance par laquelle
le résultat principal de sa noire habileté fut neu
tralisé dans ses mains.
» Cette chance, c'était qu'au lieu d'être, comme
lui, insouciant de la vie des autres et bassement
jaloux, Karl s'épouvantât du danger qui mena
çait la vie de la comtesse, et qu'amant malheu
reux, il eût pourtant la générosité de se dévouer
pour celle qui l'avait si cruellement rejeté.
v Lors donc, qu'un peu après, le courageux jeu
ne homme, se ravisant, écrivit à M. de Nessel-
bourg qu'il avait réfléchi et se tenait à sa dispo
sition, il avait déjà son plan arrêté. Si la com-
tèsse^était coupable, il ne fournirait au mari ja
loux que de faux extraits de correspondance, et,
sous main, celle pour laquelle il sacrifiait jus
qu'à son honneur, serait avertie des périls dont
elle était entourée. Nous ne dirons pas non plus
qu'il n'entrât pas dans la vertueuse détermina
tion de ce dévoûment, un peu de cette furieuse
curiosité qui prend toujours à un amoureux mal
traité, de savoir si un autre est en efljet mieux
venu que lui : et puis, n'était-ce pas quelque
chose de singulièrement attrayant que l'idée d'ê
tre adm'S à l'audiencfc des pensées les plus se
crètes d'une femme aimée, et de lire dans son
cœur à livre ouvert et comme si ce cœur fût de
venu transparent?
» Quoi qu'il en soit, le soir même du jour où
avait eu lieu l'entrevue, d'abord sans résultat,
du comte et de Karl, tout était arrangé en-
tr'eux, et le généreux jeune homme avait obtenu
l'heureuse certitude qu'il n'aurait à fournir au
jaloux que les copies des lettres, ctnon les lettres,
elles-mêmes, auquel cas il eût décidément refu
sé le mandat.
—Trois-quarts avant minuit, —lui dit M. de
Nesselbourg, en le quittant, — vous n'avez qu'à
vous rendre sur les bords de l'Alstcr,au lieu dit
Teufelsort (la Place du Diable); vous y serez
bientôt rejoint par un homme qui vous dira :
Combien sont-ils ?
d Vous répondrez : Ils sont treize. Vous sui
vrez alors cet homme, qui vous conduira au lieu
où se fera la cérémonie de votre réception. Dès
demain, vous entrerez en charge. Ordre sera
donné pour que toutes les lettres de Mme de
"Valdorf et de ma femme passent par vos mains.
Je compte sur votre fidélité et sur votre intelli
gence pour me transmettre tout ce qui pourra
intéresser le Sujet en question et $ autres encore
s'il y avait lieu.
— Et ces copies , comment vous les ferai-je
parvenir? ^
— Vous les remettrez comme tout autre tra
vail auquel vous pourrez ptre employé, dans les
mains du président de la chambre; j'ai à la chan
cellerie du sénat des gens ^ moi par lesquels
tout me parviendra.
» Les trois-quarts avant minuit sonnaient à
l'horloge de l'église dé Saint-Nicolas lorsque
Karl arriva sur le Teufelsort: La solitude y était
profonde aussi bien que la nuit et le silence ; il
attendit quelque temps, regardant autour de lui
autant que pouvait le permettre l'épaisseur des
ténèbres.
» Tout à coup il tressaillit ; sans avoir entendu
aucun bruit de pas, il sentit une main se poser
par derrière sur son épaule, et en même temps
on lufdisait bas, à l'oreille :
— Combien sont-ils ?
— Ils i ont treize, — répondit le poète un peu
ému.
— Suivez-moi donc, — reprit l'inconnu; —
mais d'abord prenez ce masque, afin que je ne
voie pas plus votre visage que vous ne verrez le
mien. .
Karl ajusta sur sa ligure le masque que l'on
venait de lui remettre, et presque aussitôt il en
tendit le bruit d'un petit ressort qui se fermait ;
alors le carton recouvert de velours adhéra si
étroitement à sa face, -qu'il lui eût été impos
sible de l'en séparer si plus tard on ne lui eût
enseigné le secret.
— Oh ! oh I — dit-il gaîment pour faire mon
tre de son sang-froid, —.voilà bien des précau-
tionsl
» Et parlant ainsi, il reconnut à l'endroit de la
bouche l'existence d'un petit appareil qui déna
turait complètement le son de la voix.
— Oui, — répliqua l'inconnu, — les apôtres
ne se connaissent pas entre eux. Le maître de*
travaux sait seul leur visage et leur nom.
» Karl voulait continuer la conversation ; mais
son conducteur lui dit sententieusement : —
Parole nuit, qui ne ter t.
» Et en même temps il i'engagea à marcher à
sa suite.
» Arrivés dans une longue ruelle, sur les der
rières du palais du sénat, vers le lieu dit le Bu
reau des écrivains, ils pénétrèrent dans l'encein
te del'édifice'par une porte dérobée qui s'ouvrait
• au moyen d'une serrure à combinaisons. Après
avoir parcouru un dédalede couloirs et d'apparte-
mens inhabités qu'encombrait un dépôt d'archi
ves, ils parvinrent, en descendant un escalier en
spirale, jusqu'à une antichambre voûtée que fer
mait une porte de fer. En cet endroit, Karl fut
laissé par son conducteur. Bientôt après, ré
vêtu d'un étrange costume et tenant un trousseau
de grosses clés à la main, le conducteur vint le
reprendre et l'engagea à passer avec lui dans une
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S 'adresser franco, pour la rédaction»,
à m. MEURiJAU, gérant.
Les articles déposés no .seront pas rendui.
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a .Tonte annonce drït Ctr« agitée par le gérant. ,
g .
;{ S'adresser franco, pour l'administration,
i M, denain, directeur.
-JPABIS, « JA'WIEa.
Le National ose entreprendre aujourd'hui
d'établir une comparaison entre son parti,
celui des républicains de la veille, démolis
seurs ou socialistes, et le parii modéré dans
toutes ses nuances conservatrices et libérales.
11 ose, ' après avoir gouverné la France,
comme il l'a fait pendant dix mois, parler
de ce qu'il appelle « une lutte de dix-huit
années dans la boue ! ï>
Nous ne savons que trop les fautes que le
gouvernement de juillet a commises. Nous
croyons n'avoir pas eu tort en lui repro
chant, pour l'extérieur, des faiblesses et des
imprudences; pour l'intérieur, des atteintes
portées aux principes constitutionnels dont
l'observation sincère eût été son salut,
des abus d'influence qui ont affaibli la
considération des pouvoirs. Mais, après
avoir vu depuis dix mois le National à
l'œuvre, après avoir va les hommes inven
tés, prônés par ce journal, et , sortis dé ses
flancs, s'abattre pendant dix mois sur le
pouvoir, donner la mesure de leur caractère
et de leur intelligence, et mettre en aussi
peu de temps la France dans l'état ou elle
est aujourd'hui, nous nous reprochons pres
que, à la face de l'histoire , d'avoir été, à
l'égard du pouvoir tombé, trop sévères en lui
disant la vérité, trop impatiens en lui con
seillant le bien.
Mais que dire du National lui-même, du
National qui, dans sa polémique pleine
d'insultes et de déloyauté, sans respect pour
ce qui était vrai et juste, avait trouvé le
moyen de calomnier le régime de juillet
jusque dans ses fautes,- et qui, aujourd'hui,
après avoir donné par ses amis, dans ces
dix derniers mois, le spectacle de honte, de
ruine et de sang qui effraie encore ta Fran
ce, a l'assurance de restaurer ses vieux ou
trages et sa vieille calomnie?
Que vousmanque-t-il donc à vous-mêmes
en fait de désastres et d'abaissemens; etqu'a-
vez-vous à reprocher aux anciens gouverne-
mens, révolutionnaires, légitimes, ou élus ?
Lois détruites et violées, dictature excrcée'et
déléguée, commissaires oppresseurs, circu
laires criminelles, magistrats inamovibles
suspendus ou destitués, corruption par la
séduction ou la menace employée avec
une audace inouïe, fonctionnaires inves
tis du pouvoir absolu pour préparer leur
propre candidature , politique double au
dehors , paroles de paix et propagande
de révolutions, manque de foi envers les
peuples voisins, nations amies excitées à de
hasardeuses entreprises, abandonnées en
suite dans le danger; germes de révolte en-
tretenusau dedans, perversion des esprits par
des doctrines anti-sociales et immorales,
ateliers d'émeutes organisés par la conni
vence ou parla faiblesse, guerres civiles en-
sanglantantnosvillespar lafaute du pouvoir,
. état de siège pesant six semaines sur Paris,
écrivains emprisonnés sans cause, arbitrai
rement miâ au secret, journaux supprimés,
expéditions militaires ordonnées au dehors
sans consulter la chambre, circulation des
correspondances suspendues pendant six
heures, fortune publique gaspillée etruinée,
comptes en désordre, impôts onéreux ren
dus nécessaires, impôts de facile perception
récemment supprimés, fortunes privées dé
truites en quelques jours, industrie aux a-
bois, travail suspendu, langueur universelle,
craintes de l'instabilité de toutes choses, ré
pandues dans les ames, n'est-ce pas là votre
ouvrage de dix mois? Ne sont-ce pas la , vos
preuves de capacité et de vigueur?
Laissez donc là le passé, vous qui vous
acharnez bravement sur un pouvoir qui
n'est plus. N'injuriez pas non plus, pour le
présent, le parti njodéré, car ce parti c'est
la France elle-même, la France qui est plus
forte que vous et qui vous juge.
Le National peut-être nous répondra qu'il
songe fort à l'avenir, et qu'il le prouve bien
au commencement de l'article même auquel
nous répondons. Cela est vrai. Le National,
qui, il y a quinze jours à peine, ne savait
quelle injure, quelle calomnie inventer, au
nom dè tous ses amis, contre M. Louis-Na
poléon Bonaparte, alors candidat à la pré
sidence, se retourne aujourd'hui, lui aussi,
vers le Président élu, pour lui adresser,
d'un air indifférent et dégagé, quelques
. mots de flatterie. Chose. remarquable et
qui honore tout-à-fait nos nouveaux cour
tisans , c'est que les souvenirs de Stras
bourg et de Boulogne, texte inépuisable ,
il y a peu de jours, de leurs sarcasmes et
de leurs invectives, sont devenus tout-à-
coup le thème favori de leurs avances cal-
iulées'et de leurs flatteuses insinuations. |
Pauvres gens ! voilà où ils en sont réduits :
à retourner leurs injures pour en faire des
louanges, et à mendier le pouvoir de celui
même qu'ils ont voulu en écarter à tout
prix. Le National du reste assaisonne au
jourd'hui son compliment au Président,
d'une attaque contre MM. de Maleville,
Thiers, de Rémusat, qui, dit-il, en 1840,
ont provoqué la conspiration de Boulogne,
et tendu un guet-apens à M. Louis Bona
parte alors prétendant.
Nous répondrons très catégoriquement au
National , que ce qu'il avance est faux de
tous points. M. Thiers, M. de Rémusat, M.
de Maleville, ont fait en 1840 leur devoir,
qui était de maintenir les lofs, de défendre
énergiquement les institutions existantes. Us
agiraient de même aujourd'hui et en toutes
circonstances. Mais l'accusation d'avoir pro
voqué la conspiration et . tendu un guet-a
pens, est une insigne calomnie ; nous som
mes autorisés à le déclarer. <
Ah ! s'il ne s'agissait pas de la France, qui
vient dé traverser tant de maux, et qu'une
nouvelle épreuve précipiterait vers la ruine,
nous voudrions que quelque hasard mît en
core le pouvoir pour un jour aux mains des
amis du National. Le pouvoir, certes, ébran
lé, miné, abaissé par eux, le pouvoir sorti
récemihent de leurs mains, n'a rien qui
puisse séduire personne. Il n'y a plus d'am
bitieux ; et les hommes qui dirigent en ce
moment les affaires publiques, au milieu de
tant de difficultés et d'angoisses, sont des
citoyens courageux dont " là , France ho
nore le dévoûment. M. de Maleville leur
rendait, à cè point de vue, un floble et élo
quent témoignage. Si le parti de la veille
pouvait encore quelque chose, s'il n'était pas
assez connu du pays, s'il n'était pas à terre,
vaincu et à jamais discrédité, s'il arrivait
qu'il ressaisît pour un moment ces porte
feuilles qu'il a mis en lambeaux et qui
tentent encore son ardeur, vous verriez aus
sitôt reparaître derrière lui la banqueroute
qu'il a mise à nos portes, la dictature et le
désordre. Un long cri de douleur et d'indi
gnation s'élèverait d'un bout du pays à l'au
tre. Mais ce sentiment public que chacun
partage et comprend, rend absolument im
possible le retour de ce parti, et suffit à ras
surer la France. Le National le sait, et il se
venge par des injures. Le parti modéré, dit-
il, est impuissant; les ministres actuels sont
impuissans. S'il veut, dire par là qu'il Jeur
a rendu tout difficile, qu'il a multiplié lui-
même les obstacles autour d'eux par l'ac
tion qu'il a exercée sur nos affaires depuis
dix mois, nous ne le contredirons point. Oui
sans doute, le bien est difficile; l'administra
tion est désorganisée; les lois ont per
du de leur empire ; la France est appau
vrie; chaque famille a profondément souf
fert ;î les impôts sont lourds ; la pré
sence de l'armée à l'intérieur est en par
tie nécessaire; l'autorité et la liberté d'action
de notre cabinet à l'extérieur sont diminuées;
de détestables doctrines ont pénétré plus
avant daps la population; les institutions nou
velles, que. nous respectons pour être fidèles
à nos principes,"sont mal Combinées ; mille
causes de trouble dans la société et dans le
pouvoir ont été semées comme à dessein par
les amis du National; cela est vrai, nous le
reconnaissons, et la France, pour réparer
ses maux, aura besoin d'une longue patience
et d'une grandé énergie. Mais les hommes
qui sont aux affaires savent qu'ils la repré
sentent, qu'elle est derrière eux; ils ont la
puissance des suffrages innombrables du
parti modéré; ils ont celle que donne la
haute probité, l'intégrité du caractère, le ta
lent et le courage.
Rien ne sert donp au National d'attaquer
l'honorable président du conseil, qui, après
avoir vingt ans servi la cause de la liberté,
consacre à celle de l'ordre en péril son ad
mirable talent de tribune, l'ascendant que lui
assurentles nobles qualités de son caractère,
sa longue expérience politique, ses ancien
nes opinions propres à lui concilier la cham
bre actuelle comme la chambre future. Le
Nat : onal ne détruira pas cette haute et pure
renommée; il n'enlèvera pas à chacun des
membres du cabinet actuel ce que leurs étu
des spéciales, les preuves de talent qu'ils ont
faites, leur parfaite loyauté, là diversité
même de leur point de départ en politique,
leur assurent de confiance, d'estime et d'ad
hésion de la part du pays.
H n'y a d'impuissant aujourd'hui que le
National lui-même et ses amis. Tant qu'ils
n'avaient pas touché le pouvoir et fait leurs
preuves, sa polémique calomniatrice et plei
ne d'insulte a pu trouver quelque crédit.
, ' ' > amusait ceux qui trouvaient quelque )
j- uisir à voir les excès d'une critique sans
justice et sans retenue, ceux qui ne pré
voyaient pas que ces détracteurs de la veille
deviendraient les maîtres le lendemain. Mais
aujourd'hui, après dix mois d'épreuve qui
ont coûté assez cher à la France, lé parti
est jugé et vaincu. Il ne peut faire peur
à personne ; le maintien même des lois a -
pour garant la sagesse de la France, mais
non pas la force de ce parti. Désormais, il
compromet et ruine tout ce qu'il touche, et,
pour le salut des institutions dont il se pré
tend le défenseur, nous l'engageons à se te
nir en repos. Ses menaces sont ridicules,
comme ses calomnies sont impuissantes. On
ne le craint pas; on ne le croit pas ; ses ar
mes ne prévaudraient pas ; ses injures ne
blessent pas ; sa plume n'est qu'un poignard
émoussé.
Voici encore^ une 6éance toute favorable
au ministère, dont les adversaires sont venus
étaler à la tribune leur incapacité et leur
ignorance. Le pays, qui a déjà si sévère
ment jugé la conduite de certains hommes,
à l'intérieur, verra, en lisant cette discus
sion, que leur politique étrangère ne serait
ni moins malhabile, ni moins dangereuse.
Il nous répugne d'avoir à être sévères en
vers M. de Lamartine après le scrutin du
10 décembre, mais nous avons vu avec re
gret l'ancien membre du Gouvernement •
provisoire monter à la tribune pour couvrir
encore une fois M. Ledru-Rollin. M. de
Lamartine aura beau rappeler son célèbre'
manifeste, il ne fera .croire à,personne^ que
ce manifeste soit toute la politique étrangère
du Gouvernement provisoire. Il aura beau
protester de ses bonnes intentions person
nelles, il ne fera pas oublier une action di
rectement opposée à la sienne. Par igno- ,
ranceou par faiblesse, M. de Lamartine a
laissé faire bien des choses. Soit qu'il n'ait
pas aperçu d'odieuses intrigues, soit qu'il
ait cédé à cet incurable désir de concilier
l'ordre avec l'anarchie, et de conspirer avec
la foudre, M. de Lamartine a annoncé par
son manifeste une politique extérieure que
les événemens ont étrangement démentie.
Cet épisode écarté, venons au débat lui-
même. Nous laisserons de côté le discours
récité par M. Baune qui a passé en revue le
monde entier, au milieu de l'inattention gé
nérale. M. Baune était envoyé à la tribune
pour entamer le débat, pour débiter quel
ques phrases pendant que les banquettes se
garnissaient, et pour préparer l'entrée en
scène des foudres d'éloquence de la Monta
gne. M. Baune a cru cependant nécessaire
d'illustrer par de grands gestes et de grands
éclats de voix les recettes qu'il a trouvées
pour pacifier l'Italie, révolutionner l'Espa
gne, constituer l'Allemagne, relever là Po
logne, créer la Moldavie et la Valacliie, et
résoudre toute ?a question d'Orient.
Ce cours de géographie terminé, M. Drouin
de Lhuys a fait justice, en quelques mots,
des divagations de M. Baune ; il a nié que
les négociations entamées soient abandon
nées, queles offreâ de médiation de la France
aienJ. été rejetées. M. le ministre des affaires
étran gères n'a pas eu de peine à faire compren
dre qu'on n'ouvre pas une négociation par
un ultimatum. Quant à la différence qu'on
avait voulu faire prévaloir entre la politique
du cabinet actuel et la politique antérieure,
M. Drouia de Lhuys a fait observer qu'il
fallait distinguer dans cette politique anté
rieure, que s'il s'associait à celle qui avait
célébré la paix dans un magnifique langage,
11 ne descendrait jamais à celle qui n'était
qu'une provocation perpétuelle. Celte décla
ration, faite avec énergie, a provoqué une
vive approbation.
C'est alors que M. de Lamartine a voulu
parer le trait dirigé contre M. Ledru-Rol
lin ; les murmures et les rires de l'Assem
blée, et im seul nom : Risquons-Tout, ont
renversé cette apologie. M. Ledru-Rollin est
aussitôt monté à la tribune. Les dernières
paroles de M. Drouin de Lhuys le mettaient
sur la défensive, mais M. Ledru-Rollin a
cette fois encore jugé commode de s'abriter
derrière le manifeste de M. de Lamartine :
il n'a pas été suffisamment provoqué à s'ex
pliquer par la presse française tout entière,
par les murmures de l'Assemblée, par le re
tentissement du procès d'Anvers et les accu
sations catégoriques du procureur général
belge, M. de Bavay, par les déclarations
des avocats des accusés d'Anvers, répétant
tous que ce n'était pas à leurs cliens, mais à
M. Ledru-Rollin que le procès devait être
fait.
M. Ledru-Rollin ignore tout cela, il n'a
rien lu, il n'a rien entendu de tout ce qui' a
été articulé contre lui : il n'a jamais jeté un
regard sur les documens recueillis et publiés
par. la commission d'enquête ; il ne sait rien
de la présence d'élèves de l'école Polytech
nique à Séclin et à Risquons-Tout ; il ne con
naît pas les pièces publiées par les autorités
belges, et notamment ce sauf-conduit délivré
à un fraudeur de profession par un de ses
plus illustres commissaires, M. Delescliize,
son ami et son subordonné, qu'il n'a ni des
titué ni désavoué. M. Ledru-Rollin n'é
prouve aucun besoin de se laver de toute
» participation à ce guet-apens international.
Nous ne serions pas éloignés de croire que
M. Ledru-Rollin n'apas encore appris qu'une
bande recrutée, organisée et payée à Paris,
a envahi le grand-duché de Bade les armes
à la main, et a combattu les troupes badoi-
ses, au nom de la république démocratique
et sociale. Il ne sait pas que des bandes de
démocrates badois se sont réfugiées sur le
territoire français en accusant le Gouverne^
ment provisoire de les avoirtrahies, de leur
avoir promis secours et de les avoir aban
données. M. Ledru-Rollin ignore qu'une,
bande, organisée dans le département du
Rhône, a tout-à-coup envahi la Savoie et
proclamé la république à Chambéry, d'où
elle a été expulsée à coups de fourches par
les paysans ; il ignore que les commerçans
de Lyon, dans de nombreuses publications,
ont protesté que 500,000 fr., expédiés de
Paris à cette époque pour secourir l'indus
trie lyonnaise, n'avaient pas été employés à
cette destination.
Ces faits, ces allégations, qui sont à la
connaissance de toute la France, n'ont pas
apparemment pénétré encore dans la stu
dieuse solitude de M. Ledru-Rollin ; autres
ment l'ancien membre du Gouvernement
provisoire aurait senti la nécessité de don
ner quelques explications, avant d'affirmer
que le manifeste de M. de Lamartine résu
mait en pratique comme en théorie toute la
politique extérieure du], Gouvernement pro
visoire. Nous étions loin de nous douter
qu'on pût avoir à ce sujet quelque chose à
apprendre à M. Ledru-Rollin. Dès lors nous
ne croyons point inutile de lui rappeler qu'il
a porté récemment contre un fonctionnaire
du ministère de l'intérieur une grave accu
sation qu'il a oublié de justifier; nous lui
apprendrons que le fonctionnaire par lui ac
cusé a publié une lettre au sujet de laquelle
le public croit des explications indispensa
bles; et comme ce fonctionnaire vient d'ob
tenir un avancement notable, M. Ledru-
Rollin aurait là à la fois une occasion de
justifier ses dires et de faire , au sujet de la
politique intérieure, une campagne ana
logue à celle qu'il a faite aujourd'hui à pro
pos de la politique étrangère.
Il est vrai que M. Ledru-Rollin n'a pas
été heurteux au milieu des déclamations qu'il
appelle des considérations générales; il a
laissé échapper sa pensée : Il pourrait, a-t-
il dit, désirer une issue pacifique à la situa
tion actuelle ; mais il ne la désire pas, parce
qu'il la croit impossible. Tout lui paraît ren
dre la guerre inévitable ; à l'entendre, elle
est presque commencée ; la France est cer
née de toutes parts, et il demande au minis
tère s'il a agi. Maître du Gouvernement, M.
Ledru-Rollin aurait donc déjà agi contre
les gouvernemens étrangers! Il est visible
que, dans sa pensée, tous les faits qu'il a énu-
mérés étaient autant de motifs d'hostilité,
autant de casus belli.
Nous ne discuterons pas avec M. Ledru-
Rollin : la position de la France vis-à-vis du
reste du monde est plus ou moins difficile :
mais ce n'est pas au cabinet actuel qu'il
faut demander compte de ces difficulté*. A
qui la faute ? a demandé M. de Larochejà-
quelein ; et la façon dont l'orateur posait
eette question disait assez crûment comment
il la résolvait. Nous dirons, après lui, à
qui la faute si la France rencontre par
tout de la méfiance ou des embàrras? Ce
n'est pas le cabinet actuel qui, après avoir,
arboré le drapeau de la paix et de la propa
gande pacifique, a laissé sortir par toutes
nos frontières des bandes insurrectionnelles
qui ont essayé de renverser des gouverne
mens amis. Ce n'est pas le cabinet actuel qui,
en protestant auprès des souverains de ses
* intentions loyales et pacifiques, a laissé dans
toute l'Italie des démagogues se targuer de
l'appui et des inspirations de la France, et
se faire en son nom les missionnaires de l'a
narchie.
Laissons là la question générale que M.
Ledru-Rollin n'a qu'effleurée : aujourd'hui
il abordait la tribune moins comme politi
que à hautes vues que comme homme pra
tique ; il apportait des faits positifs, et il de
mandait des réponses catégoriques. S'il ne
fallait à M. Ledru-Rollin que de la netteté
et de la précision. M. Drouin de Lhuys ne
lui a rien laissé à désirer. Quant à l'Assem
blée, elle a paru entièrement satisfaite des
répliques énergiques et concises de M. le mi :
nistre des affaires étrangères, et de son lan
gage digne et ferme.
M.' Ledru-Rollin avait dit que la Prusse,
profitant de l'aveuglement du ministère,
avait concentré sur notre frontière du Rhin
des forces chaque jour croissantes. Iln'en est
rien ; le Gouvernement avait demandé des
explications-à la Prusse, et il a. acquis la
prouve que les forces prussiennes, loin d'a
voir été accrues depuisle mois d'avril, avaient
été diminuées.
M. Ledru-Rollin savait qu'une interven
tion armée en faveur du pape avait été pro
posée ; que la France, Naples et l'Aùtriche
devaient l'accomplir à frais communs; il sa
vait même le conseil de cabinet ôu cette
question avîyt été débattue. Il n'en est rien;
aucune proposition, de cette nature n'a été
faite à la France, aucun conseil de cabinet
n'a été tenu à ce sujet.
M. Ledru-Rollin a dit que les négociations
entamées à Naples au sujet de la Sicile,
avaient été rompues. Il n'en est rien : les
négociations se poursuivent.
M. Ledru-Rollin, dont le coup-d'œil per
çant supplée à l'aveuglement et à l'igno
rance du Gouvernement, a vu une flotte
russe dans l'Adriatique, etime seconde flotte
non moins formidable venue dè la Baltique
et en route pour rejoindre la première et
écraser toute résistance. Il n'en est rien :
il n'y a dans l'Adriatique qu'une escadre
française, aucun navire de guerre russe
n'a franchi les Dardanelles ; quant à la
seconde flotte, M. Ledru-Rollin oubliait
que la Baltique est fermée par les glaces
pendant cinq mois de l'année, et que si la
flotte russe doit sortir de Cronstadt, ce ne
sera pas avant le mois de mai. M. le minis
tre de la marine le lui a rappelé.
M. Ledru-Rollin expliquait modestement
la supériorité de ses informations par ce fait
que le Gouvernement avait annulé toutes
les nominations du Gouvernement provi
soire, et ne devait plus avoir en Italie que
des diplomates incapables. Par malheur, il
se trouve qu'il n'a rien'été changé en Italie,
du moins au personnel diplomatique, depuis
que M. Ledru-Rollin a quitté le pouvoir.
Voilà cependant avec quel bagage de sa
voir et d'informations on se croit en droit
d'interpeller deshommes sérieux et instruits
et dé faire perdre à la représentation natio
nale, qui a besoin d'être économe» de ses
heures, une séance tout entière
L'Assemblée nationale, après ces inter
pellations, a pu reprendre la discussion,
déjà si souvent interrompue, du projet
relatif au travail des détenus; nous avons
dit que, dans une séance précédente, elle
avait abrogé le décret du Gouvernement
provisoire, ën date du 24 mars, et décidé
que le travail serait rétabli dans les prisons;
il s'agissait aujourd'hui de déterminer sui
vant quel mode et dans quel système il se
rait rétabli ; car on ne pouvait songer à le
replacer dans les anciennes conditions, à
moins de porter une nouvelle atteinte à l'in
dustrie libre, qui a si cruellement souffert
depuis la révolution de février.
Deux systèmes se trouvent en présence.
Le premier, proposé par le Gouverne
ment, tend à mettre entre les mains dés
préfets des pouvoirs suffisons pour empêcher
les conflits qui se sont élevés entre le tra
vail des détenus et le travail libre. Ainsion ne
permettrait pas, dans les villes où il existe
une industrie qui fait vivre une partie dé la
population, d'introduire cette industrie dans
la maison centrale. On fixerait le salaire
dés détenus de telle façon qu'il ne fût pas
assez abaissépour faire une concurrence dan
gereuse au salaire des ouvriers libres; enfin
on interdirait la venté, dans certaines villes,
des produits, qui pourraient se présenter
en rivalité avec les produits'de l'industrie
locale.
Le second système, proposé par la com
mission, est plus radical : il consiste à faire
consommer par l'Etat les produits fabriqués
par les détenus dans les maisons centrales
de force et de correction; de telle sorte que
ces produits ne puissent plus venir faire
concurrence aux produits de l'industrie li
bre sur nos marchés.
Voici maintenant les objections que sou
lève chacun de ces deux systèmes.
Au système du Gouvernement, la commis
sion reproche de déplacer le mal au lieu d'y
remédier. L'économie du projet consiste
surtout à pouvoir interdire la vente des ob
jets confectionnés par les détenus, dans les
localités mêmes, aprètf avoir consulté les re
présentons des industries locales; On dit. à
l'entrepreneur : Ce que vous fabriquerez
dans la maison centrale, vous ne pourrez le
vendre qu*a vingt ou trente lieues. Qu'en
rcsultei-a-t-il ? que l'entrepreneur sera grevé
de frais de transport, qui retomberont'sur
nos finances, puisqu'il devra les faire entrer
dans ses calculs ; mais qu'en réalité l'indus
trie libre n'y gagnera rien. Ainsi, par exem
ple, on fabrique dé l'ébénisterie dans la mai
son de Poissy ; les articles qui en sortent
sont vendus sur le marché de la capital? ;
que l'on consulte les industriels de Poissy,
ils ne réclameront en aucune façon contre
une fabrication qui ne lèse'en aucune ma
nière leurs intérêts, et cependant l'indus
trie parisienne continuera à souffrir de cette
concurrence.
Au système de la commission, le Gouver
nement reproche de manquer d'élasticité, et
d'être trop impératif ; de , placer l'adminis
tration dans la nécessité de suspendre le tra
vail, si la fabrication des objets que l'on .
peut utilement confectionner dans les mai
sons centrales pour le compte de l'Etat, n'est
pas reconnue suffisante poijr occuper par
tout les détenus ; enfin de mettre obstacle à
certaines améliorations qui peuvent êtreteû-,
tées, telles que l'application des prisonniers
aux travaux agricoles, qui a été indiquée
plusieurs fois, et qui est essayée en ce mo
ment à la maison centrale de Fontevrault.
Le système du Gouvernement a été dé
fendu, aujourd'hui par M. Grellet, celui de
la commission a été soutenu avec beaucoup de
talent par M. Rouher, rapporteur, qui s'est
déjà fait remarquer plusieurs fois par l'in
telligence et la précision avec laquelle il dis-
cute les questions d'économie industrielle ;
mais l'Assemblée n'a encore pris aucune dé
cision ; nous sommes disposés à croire qu'el
le finira par adopter le système de la* com
mission, en lui enlevant ce qu'il a d'exclu
sif et d'absolu; la pensée défaire consom
mer les produits du travail des détenus par
l'Etat, renferme évidemment la vraie solu
tion de la difficulté ; mais il pourrai^ avoir
quelqu'inconvénient à vouloir emprisonner
le Gouvernement dans des prescriptions ri
goureuses avant d'avoir complètement ap
profondi les ressources que ce système .peut
offrir.
La commission chargée de l'examen du décrèt
qui règle l'indemnité à accorder aux colons, par
suite de l'affranchissement des esclaves, a en
tendu aujourd'hui MM. les ministres des finances
et de la marine.
Dans le rapport déposé par M. Crémieux, la
commission avait proposé d'arrêter à 120 mil
lions de francs représentés par 80 millions en
numéraire et une rente de 2millions 5 0/0, l'in
demnité fixée par le projet duGouvernement à 90
miilions. Les deux tiers de la portion de l'indem
nité payable en numéraire devaient être exclusi
vement employés en salaires aux affranchis
ou en améliorations opérées dans les usines ou
les instrumens d'agrieulture. Cette portion de
l'indemnité était incessible et insaisissable. En
fin, sur les deux premières annuités, la portion .
afférente aux colonies de la Guadeloupe, de la
Martinique et de la Réunion,. devait être sou
mise à des prélèvemens qui serviraient à la for
mation d'un, comptoir d'escompte devant être
établi dans chacune de ces colonies. À ce projet,
M. le ministre des finances a proposé à la com
mission de,substituer le mode d'indemnité sui
vant. •
Une rente de 6 millions de francs 3 0/0 serait
accordée aux colons avec jouissance au 22 j uin
prochain, mais les titres définitifs ne leur seraient
remis que dans trois ans.
Une somme de 6 millions de francs en numé
raire serait mise à la disposition des intéressés
pour parer au besoin si urgent d'argent qui se
fait sentir aux colonies; 3 millions seraient dé
clarés incessibles et insaisissables , et-les por
tions des 3 autres millions revenant à la Guade
loupe, à la Martinique et à la Réunion seraient
appliquées à la création de comptoirs d'escompte
dans ces colonies.
L'honorable M. Passy est entré dans des con
sidérations très développées sur l'état de nos
colonies, et ces considérations ont-vivement im-
pressionnéia commission. L'émancipation, sui
vant lui. doit être suivie de la reconstitution de
la propriété sous une forme assez nette pour que
le propriétaire trouve le crédit. Il a cité, comme
exemple, les colonies les plus privilégiées qui
sont aujourd'hui les plus obérées. M. le ministre
de la marine a dit quelques paroles rassurantes
sur le travail dans les colonies. Le travail n est
nullement abandonné ; il v a eu seulement de
, la part des nouveaux affranchis, exagération
I dans la culture des vivres.
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 9 JANV-
LE CABINET NQIR.
TROISIEME PARTIE.
LJÏS APOTRES DE NUREMBERG.
GHAPITRE XII.
SUITE DU MANUSCRIT. — LES APOTRES
DE NUREMBERG. .
i
« Beaucoup de choses étaient vraies dans l'é
trange confidence qui venait d'être faite à Karl.
» Dès 1660, une institution équivalente à notre
rCabinet noir, existait à Hambourg. Fondée par
l'instinct commercial, doveloppée et consolidée
-par l'intérêt politique, elle avait aussi emprunté
quelque chose à ces idées mystiques età ce goût
d'association mystérieuse qui, depuis le fameux
tribunal secret, n'ont pas cessé d'avoir cours en
Allemagne.
» Initié par sa position de commissaire impé-
Yoir notre numéro du 6 janvier.
Toute reproduction, mémo .partielle de cet ouvrage,
t interdite, et lereit poursuivie comme contr«f»çon.
rial à toits les secrets du petit Etat qu'il était
venu régenter, M. de Nesselbourg avait connu
l'existence de la Chambre noire ,( die schwartze
kammer), et il avait aussitôt pensé à la faire ser
vir aux curiosités de sa jalousie.
»Mais quant k la manière dont, sans sa parti
cipation, avait été enrôlé le pauvre jeune hom
me, tout ne s'était pas passé comme on le lui di
sait.
» Bien qu'il n'eût eu, pendant long-temps, au
cun soupçon sur un homme qu'il appelait un de
ses domestiques, le comte avait fini par entre
voir la passion de Rarl pour sa femme, et, sui
vant ses habitudes de jalousie rentrée , sans rien
témoigner de ses découvertes , il avait aussitôt
conçu le dessein de l'éloigner de sa maison, en
l'affiliant à la ténébreuse agence.
» A cette combinaison , il voyait plus d'un avan
tage. Si M. le secrétaire refusait, il encourait le
poignard des sombres associés qui, en effet, ne
se faisaient pas faute, pour leur sécurité, de
prendre, au besoin, la vie d'un indiscret, et, de
cette façon, un insolent ^mour aurait sa puni
tion. Si, au contraire, ce qui sémblait plus pro
bable, cet homme de rien s'empressait de se je
ter sur l'occasion d'une existence indépendante
et aisée, notre jaloux serait renseigné sur ce qifi
lui tenait surtout au cœur, à savoir, les dispo
sitions de la comtesse pour son cousin, et, de
plus, la flétrissure du métier auquel Karl serait
descendu, serait une bonne vengeance à tirer de
son amour audacieux.
«Enfin, pour triompher de l'hésitation qui pou
vait être prévue, entre un refus absolu et une
détermination immédiate, le comte avait compté
sur l'influence de la peur et plus encore sur la
passion de ce jeune fou pour la comtesse, car, se
voyant dédaigné et apprenant qu'un autre était
plus heureux, rien que par un désir de vengean-'
ce, il semblait devoir entrer dans les desseins
que l'on avait sur lui : tout était donc bien pesé
et calculé dans l'esprit du commissaire impérial;
seulement son ignoble et méchante nature l'a
vait empêché de prévoir une chance par laquelle
le résultat principal de sa noire habileté fut neu
tralisé dans ses mains.
» Cette chance, c'était qu'au lieu d'être, comme
lui, insouciant de la vie des autres et bassement
jaloux, Karl s'épouvantât du danger qui mena
çait la vie de la comtesse, et qu'amant malheu
reux, il eût pourtant la générosité de se dévouer
pour celle qui l'avait si cruellement rejeté.
v Lors donc, qu'un peu après, le courageux jeu
ne homme, se ravisant, écrivit à M. de Nessel-
bourg qu'il avait réfléchi et se tenait à sa dispo
sition, il avait déjà son plan arrêté. Si la com-
tèsse^était coupable, il ne fournirait au mari ja
loux que de faux extraits de correspondance, et,
sous main, celle pour laquelle il sacrifiait jus
qu'à son honneur, serait avertie des périls dont
elle était entourée. Nous ne dirons pas non plus
qu'il n'entrât pas dans la vertueuse détermina
tion de ce dévoûment, un peu de cette furieuse
curiosité qui prend toujours à un amoureux mal
traité, de savoir si un autre est en efljet mieux
venu que lui : et puis, n'était-ce pas quelque
chose de singulièrement attrayant que l'idée d'ê
tre adm'S à l'audiencfc des pensées les plus se
crètes d'une femme aimée, et de lire dans son
cœur à livre ouvert et comme si ce cœur fût de
venu transparent?
» Quoi qu'il en soit, le soir même du jour où
avait eu lieu l'entrevue, d'abord sans résultat,
du comte et de Karl, tout était arrangé en-
tr'eux, et le généreux jeune homme avait obtenu
l'heureuse certitude qu'il n'aurait à fournir au
jaloux que les copies des lettres, ctnon les lettres,
elles-mêmes, auquel cas il eût décidément refu
sé le mandat.
—Trois-quarts avant minuit, —lui dit M. de
Nesselbourg, en le quittant, — vous n'avez qu'à
vous rendre sur les bords de l'Alstcr,au lieu dit
Teufelsort (la Place du Diable); vous y serez
bientôt rejoint par un homme qui vous dira :
Combien sont-ils ?
d Vous répondrez : Ils sont treize. Vous sui
vrez alors cet homme, qui vous conduira au lieu
où se fera la cérémonie de votre réception. Dès
demain, vous entrerez en charge. Ordre sera
donné pour que toutes les lettres de Mme de
"Valdorf et de ma femme passent par vos mains.
Je compte sur votre fidélité et sur votre intelli
gence pour me transmettre tout ce qui pourra
intéresser le Sujet en question et $ autres encore
s'il y avait lieu.
— Et ces copies , comment vous les ferai-je
parvenir? ^
— Vous les remettrez comme tout autre tra
vail auquel vous pourrez ptre employé, dans les
mains du président de la chambre; j'ai à la chan
cellerie du sénat des gens ^ moi par lesquels
tout me parviendra.
» Les trois-quarts avant minuit sonnaient à
l'horloge de l'église dé Saint-Nicolas lorsque
Karl arriva sur le Teufelsort: La solitude y était
profonde aussi bien que la nuit et le silence ; il
attendit quelque temps, regardant autour de lui
autant que pouvait le permettre l'épaisseur des
ténèbres.
» Tout à coup il tressaillit ; sans avoir entendu
aucun bruit de pas, il sentit une main se poser
par derrière sur son épaule, et en même temps
on lufdisait bas, à l'oreille :
— Combien sont-ils ?
— Ils i ont treize, — répondit le poète un peu
ému.
— Suivez-moi donc, — reprit l'inconnu; —
mais d'abord prenez ce masque, afin que je ne
voie pas plus votre visage que vous ne verrez le
mien. .
Karl ajusta sur sa ligure le masque que l'on
venait de lui remettre, et presque aussitôt il en
tendit le bruit d'un petit ressort qui se fermait ;
alors le carton recouvert de velours adhéra si
étroitement à sa face, -qu'il lui eût été impos
sible de l'en séparer si plus tard on ne lui eût
enseigné le secret.
— Oh ! oh I — dit-il gaîment pour faire mon
tre de son sang-froid, —.voilà bien des précau-
tionsl
» Et parlant ainsi, il reconnut à l'endroit de la
bouche l'existence d'un petit appareil qui déna
turait complètement le son de la voix.
— Oui, — répliqua l'inconnu, — les apôtres
ne se connaissent pas entre eux. Le maître de*
travaux sait seul leur visage et leur nom.
» Karl voulait continuer la conversation ; mais
son conducteur lui dit sententieusement : —
Parole nuit, qui ne ter t.
» Et en même temps il i'engagea à marcher à
sa suite.
» Arrivés dans une longue ruelle, sur les der
rières du palais du sénat, vers le lieu dit le Bu
reau des écrivains, ils pénétrèrent dans l'encein
te del'édifice'par une porte dérobée qui s'ouvrait
• au moyen d'une serrure à combinaisons. Après
avoir parcouru un dédalede couloirs et d'apparte-
mens inhabités qu'encombrait un dépôt d'archi
ves, ils parvinrent, en descendant un escalier en
spirale, jusqu'à une antichambre voûtée que fer
mait une porte de fer. En cet endroit, Karl fut
laissé par son conducteur. Bientôt après, ré
vêtu d'un étrange costume et tenant un trousseau
de grosses clés à la main, le conducteur vint le
reprendre et l'engagea à passer avec lui dans une
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