Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1848-12-10
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 décembre 1848 10 décembre 1848
Description : 1848/12/10 (Numéro 345). 1848/12/10 (Numéro 345).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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S'ilurwwr franc o < pour r«dmiRlstntitt t 1
à M. DEMAIN, dittStMI. • »
AVIS AUX. ÉLECTEURS.
Les bulletins en faveur de Louis-Napoléon
devront être sur papier blanc,et ainsi con çus,
sans antre désignationni quantification :
LOTIS-NAPOLÉON BONAPARTE.
PARIS, 9 DÉCEMBRE.
* . . ; , .*
\ Honté àlapresseînjurieuse.et calomnia
trice ! Elle est nn crime ! Voilà ce que nous
disent, ànous, et les écrivains républicaine
de la veille, etceux du lendemain, qui, cher
chant à compenser par la ferveur ce qui
manque à l'ancienneté de leur dévoûment
au nouveau pouvoir j s'agenouillent éplorés
devant le calvaire politique de M. le général
Cavaignac-. - - ■ '
. ; Ces amis de la modération du, lendemain
necqmprenpent qu'une presse réservée, dé
cente ét véridique, e', comme symbole de
leur principe, ils ont mis sur le fauteuil de
la présidence l'ancien rédacteur de la Tri-,
bune et du National) l'écrivain modéré des
diX'buit dernières années. Ce nom à lui seul
en dit assez. Nous n'irons pas exhumer tous
les poisons avec lesquels ces nouveaux cri-
mihalislese n matière de publicité ont assas
siné moralement tant d'éminentes victiiups.
L'inventaire en serait trop long. Qui ne sait
d'ailleurs que ces écrivains ont fait leur ré
putation en noircissant toutès les autres, et
les plus grandes, que leur célébrité s'est fon
dée sur l'invective, et qu'ils sont arrivés jui
pouvoir par les derniers excès de la publi
cité.
,- Comment doncleur reconnaîtrions-nous le
droit d>-nous donner dés leçons de modéra
tion ? Nous avons fait quelquefois la guerre
avec eux sous l'ancien gouvernement, maià
nous ne nous sommes pas servis de leurs ar
mes. En attaquant les actes avec vivacité, car
on s'échauffe dans la lutte, nous avons tou
jours respecté les talens et les caractères
pour nous respecter nous-mêmes. Depuis le
24 février, on a pu être tenté d'écrire contre
les hommes du nouveau régime dans les ter
mes d'injure et de colère employés contre
ceux du régime précédent, qui, à coup sûr*
les méritaient moins, si l'on compare fe mal
fait par les uns et par les autres. Cette ten
tation , nous l'avons ressentie ; nous 'n'y
Avons jamais cédé. Nous n'avons dit, depuis
-février, sur les hommeset sur les choses, que
la moitié tout au plus de ce que nous en pen'
sions, et cela non par peur, car nous avons
su nous servir de la liberté dans tous les
temps ; mais par égard, non pour ceux que
nous ménagions, mais pour la société elle—
Oiiême^ui, dans l'état horrible où elle était,
avait besoin d'être ménagée, dont il ne fal^-i
lait pas augmenter la colère par un lan
gage passionné. Le feu était partout. Nous
n'avons pas. voulu ajouter de nouvelles flam
mes à cet incendie. Voilà la raison .de nos
ménagemensj Nous ne demandons pas de re
connaissance.
. Mais que vous, les polémistes à outrance,
vous qui faisiez aux anciens pouvoirs une
-guerre qu'on peut dire en dehors du droit
des gens, que vous veniez nolus traiter d'em-
poisonnèurs et de criminels en matière de
publicité* ah ! c'est trop fort. Nous savions
bien sque.vous qui, comme opposition, por
tiez la presse jusqu'à la licence, vous ne pour
riez pas, comme Gouvernement, en souffrir
la liberté. On ne supporte la discussion li
bre que dans la proportion de ce qu'on
Vaut ; aussi, quand vous avez pu supprimer
la liberté delà presse, vous l'avez fait ; ne le
pouviant plus, vous essayez de la flétrir.
Vous prétendez, à ce que nous lisons dalis
le National, que nous nous sommes condam
nés nous-mêmes, en reculant dans nos accu
sations, à propos de vos malheureuses listes
de pensions; Où avez-vous vu cela ? Nous
n'avons jamais usé de tout notre droit, dans
cette question, parez qu'il nous a convenu |
de n'en pas user. D'autres ont agi plus cruel-'
lement envers le pouvoir. lis en étaient les
maîtres. C'était, après tout, le droit de dis
cussion dont ils se servaient.
Quant à nous* voici notre conduite cette-affaire» -Dés-listes de pensions, conter
nant des noms d'assassins, sont portées par le
ministre à la commission de l'Assemblée.
Des députés en prennent connaissance, c'é
tait leur droit. Ces représentans les commu
niquent aux journaux, c'était leur droit.
Les journaux les publient, c'était aussi leur
droit. - - • - * •
Quant à nous; qui pouvions recevoir,
comme d'autres, cette communication^ nous
ne l'avons pas reçue. N,ous nous bornons à'
reproduire ce que publient les journaux du
Soir, et cela sans réflexions^ ajoutons même
incomplètement, par égard pour, certains
noms de vos amis. Jusque-là, nous n'avons
pas fait un pas qui nous obligé à reculer.
Le lendemain, la discussion.? Nous en
constatons les résultats et avec quelle mesu-<
re! Nous disons que M. Baroche a établi
l'authenticité des listes par des raisons pé-
remptoires. On connaît ces raisons: nous
n'avons pas besoin d.î les répéter.
. Vôilàdonc des listes authentiques ! M. Car
vaignac, que révoltent le6 .pensions accor
dées à des assassins, déclare, lui, qui a au
torisé la présentation du projet de loi', qu'il
ne connaissait pas les listes. Que lui disons-
nous?—Nous vous croybns. —M. Dufàure,
qui a présenté ces listes, déclare, aussi qu'il
ne les connaît pas : que lui disons-jious? —
Nous vous croyons.
Et dans quelles circonstances croyons-r
nous M. Dufaure? Au moment où dans la
discussion même il vient d'être pris (qu'il
nous passe ce mot).en flagrant délitd'une
double inexactitude. Il prétend que les lis
tes sont des relevés de noms faits sur les re
gistres d'écrou; et c'est impossible, puis
qu'elles contiennent des noms de personnes
n'ayant jamais été écroùées. Première in
exactitude. Il prétend qu'aucune proposition
n'était faite à l'égard de certaines personnes
portées sur les états, par la raison qii'en re
gard de leurs noms il n'y a pas de sommes
inscrites ; or, il y avait proposition faite,
puisque le chiffre de la pension qui leur
était accordée, était écrit en tête de la caté
gorie à laquelle ils appartenaient. Seconde
inexactitude.
Ainsi,.M. Dufaùre dit dans cette cliscus
sion deux choses qui ne sont pas, qui ne
peuvent pas être. Est-ce que cela va ôler
pour nous du .crédit à sa parole? Non ; il se
trompé deux fois sur des faits qu'on peut rec
tifier, et cela ne nous empêche pas de le
croire quand il affirme un fait, hors de toute
vérification possible, quand il affirme qu'il
ne connaissait pas les listes. Eh bien ! nous
posons cette question à ces écrivains, répu
blicains de la veille et modérés du lende
main : si un membre de l'ancien Gouverne
ment, si M. Guizot, si M. Duchâtel vous eût
dit qu'il ne connaissait pas des listes présen
tées par lui à une commission , l'eussiez-
vous cru? Si dans le débat il eût dit deux
choses inexactes, s'il en eût dit une seule,
si vous l'eussiez trouvé hors la vérité, sur
tous les points susceptibles d'être vérifiés,
Heussiez-vous cru bénévolement sur une
affirmation dénuée de preuves? Non, vous ne
l'eussiez pas cru. Vous eussiez dit qu'ayant
présenté les listes, il était impossible qu'il ne
les connût pas; que, 1rs connaissant, il pen
sionnait des assassins; et nous entendons ici
toute l'effroyable artillerie de vos invectives.
Oui, cette conduite, nous l'affirmons,
eût été la vôtre. Et, apTès tout, vous eus
siez été dans votre droit, vous eussiez ex
ploité avec cruauté une faute commise par
des ministres. Quelques journaux ont agi
ainsi. C'est de la discussion cruelle, mais non
pas de la discussion criminelle. On n'est pas
obligé de croire les hommes, d'Etat sur
' parole. Pour notre part, nous n'avons pas
fait cela. Nous avons dit : Oui, vous igno -
riez les listes ; mais elle# existent. M. Ba
roche a démontré leur authenticité. Elles
contiennent des noms d'assassins. Quelqu'un
ies y a mis. Ce quelqu'un, c'est une commis-?
sion composée d'hommes .qui ont votre con-
flahee, ,off"qur vous lienhënt sous leur joug.
Nous n'avons rien dit de plus, et aujour.f
d'hui, ioin.de reculer, comme l'a,dit. le No*
tional, nous allons faire up pas eu avant. Au?
jourd'hui que nous savons que çétte com-r
mission, traitée légèrement, a eu le po.uvoiy
de faire violer les lois sur l'année., de, cont
vertir trente-trois anciens détenus en offi-r
ciers improvisés, nous tirons cette conclu
sion, quë si vous' n'avez pas lu les liste®)
c'est que,vous n'avez pas-osé les lire, po,ur
ne point avoir à les discuter avec «es hom-r
mes plus puissans que vous, avec ces hom
mes qui improvisent plus facilement trente-
trois officiers que vous ne feriez trente-trois
sous-préfets. Seulement, vous n'avez pas
supposé qu'ils allassent jusqu'à glorifier les
noms de Lecomte et de Pépin.
Ainsi vous ne connaissiez pas ces listes ;
mais elles ont été faites par des hommes dont
vous ne pouvez secouer le joug. Ces liom- 1
mes n'ont pas le pouvoir sans doute de faire
accepter de telles listes à des hommes de vor
tre caractère, mais ils ont celui de vous faire
faire beaucoup de choses anarcliiques et dan
gereuses, comme d'ouvrir des clubs en Al
gérie, mesure qu'il est impossible d'attribuer
à l'initiative spontanée du général Cavaignac
ou de M. Dufaure. Ils vous attachent, malgré
vous, à cent idées soi-disant démocratiques
et qui ne sont que désorganisatrices.
Telles sont nos conclusions dans cette
question des listes. Et si vous nous contestez
le droit de les tirer, si vous appelez cela ré
pandre du poison, commettre un crime,
vous prouvez qu'un gouvernement sorti,
on le sait, des derniers excès de la presse,
ne peut supporter la liberté sage et réglée ;
qu'il vous est impossible de vivre avec la
discussion, que l'on vous crucifie dès qu'on
vous tpuclie, que ce qui eût été un lit de
roses pour lés anciens gouvernans , se
transforme pour vous en umalvaire. Le vote
que nous demandons aux hommes modérés
est autant dans l'intérêt des sages idées dè
gouvernement que dans l'intérêt du plus
légitime usage de la liberté. (
La plus grande partie de la séance a été
occupée par des scrutins ; le projet de dé
cret sur la responsabilité du président de la
République ayant été ajourné, la proposition
qui venait à l'ordre du jour était celle du-
comité de Constitution, relative à la nomen^
clature des lois organiques que l'Assemblée
nationale doit faire avant de se séparer ; plu
sieurs orateurs ont demandé successivement
l'ajournement sans jour fixe, l'ajournement
à jeudi, l'ajournement à lundi; mais toutes
ces demandes ont été écartées; la dernière,
qui a donné lieu à un scrutin, a été repous
sée à la majorité de -320 votes contre 234.
On sait que la proposition du comité-de
Constitution n'efnbrasse pas moins de neuf
lois organiques; encore, sur cë nombre, en
est-il qui doivent compter pour deux, par
exemple, la loi d'organisation départe men
tale et communale, et la loi relative à l'or
ganisation de la force publique, qui em
brasse la garde nationale et l'armée ; ajou
tons qu'il n'y a que depuis la -République
qu'on a imaginé de ranger la loi sur l'état de
siège parmi les lois organiques.
M. Ferdinand de Lasteyrie est venu ex
poser les scrupules qui-le saisissaient en
présence de cette longue nomenclature ; il
a rappelé à l'Assemblée, en la reportant au
but et à l'origine de son mandat; qu'elle
était une Assemblée constituante; que, par
conséquent, elle ne devait faire que ce qui
était vraiment nécessaire pour mettre le
Gouvernement à même de marcher, mais
qu'elle; ne ^devait rien fairéi au-delà; il a j
donc conclu pour qu'elle ne s'occupât que
de la M "sur la ■ responsabilité des déposi
taires de l'autorité publiqu'e, de la loi sur
'leconseil d'Etat, et de la lot électorale,
eu laissant de côté toutes les autres qui pa
raissaient sortir delà limite de ses droits
et de ses obligations. . ! *
. Ce conseil n'à pas été écouté. L'Assemblé^
a décidé au scrutin qu'elle ferait la loi dé
partementale et communale.. M. Hovyri-
Tranchère a essayé encore, après ce vote,
d,'arrêter la chambre dans la voie où elle
s'engageait ; il a reproduit les observations
présentées par M. F. de Lasteyrie ; il a ajou
té, que l'Assemblée, en étendant outre me
sure lé cercle de ses travaux, ferait dire
qu'elle s'adorait, elle-même, et qu'on pour
rait donner à la loi en discussion le surnom
de loi d'amour de toi-même : mais ses paroles
n'ont) pas eu plus de succès, et il a été déci
dé, par une série de scrutins sur les autres
lois qui figuraient dans la nomenclature, que
, l'Assemblée ferait les neuf lois proposées par
le comité de Constitution. , :
Reste maintenant le chapitre, des amen-
demens ; il y; a diverses propositions tendant
à ajouter encore une quinzaine de lois pré
tendues organiques aux neuf précédentes ;
nous tié voyons pas pourquoi, comme l'a dit
M. IIovyn-Trancbère, on n'y, rangerait pas
jusqu'au code rural ; il est certain qu'aVec
une interprétation aussi élastique, l'Assem
blée peut perpétuer indéfiniment son exis
tence; mais est-ce juste, digne et prudent?
La séance s'est terminée par des interpel
lations que M. Jolly a adressées au Gouver
nement, touchant la situation delà capitale;
ces interpellations ont porté sur trois points :
1° sur une conférence que M. le ministre de
l'intérieur aurait eue avec les chefs de
corps de la garde nationale, et dans laquelle
il leur aurait déclaré qu'une insurrection
devait éclater à un jour fixé d'avance, et
qu'elle dèvait être faite par les républicains
rouges; 2°. sur les rassemblemens que le
Gouvernement laisse se former tous les soirs
sur la place Vendôme; 3° sur le projet qu'on
lui attribue sitions répressives contrô les clubs.
M. Dufaure a répondu à ces différentes
interpellations; tout en faisant remarquer
qu'il pourrait se dispenser de répondre à la
première, il a dit qu'il, était inexact qu'il eût
annoncé une insurrection et qu'il en-eût dé
signé lé jour et les auteurs; quant à la se
conde, il a déclaré que les rassemblemens
delà place Vendôme ne lui avaient paru,
jusqu'ici, présenter aucun caractère dange
reux; pour ce qui est de la troisième, il a ré
pondu que, le jour où il croirait un nou
veau décret nécessaire contre les clubs, il
n'hésiterait pas à le présenter.
En terminant, M. Dufaure a protesté de
] a sincère intention du Gouvernement d'accep
ter le résultat du suffrage universel, et ,de s'y
soumettre , sur quelque nom que portât le
choix du peuple ; mais il a insisté sur ce
point que la confiance la plus complète était
nécessaire au Gouvernement dans la situai
tion transitoire où il allait se trouver, et il
a annoncé qu'il demanderait à l'Assemblée
tous les moyens qui lui sembleraient néces
saires pour pouvoir surmonter les difficultés
de celte situation.
M. Ledru-Rollin est monté à la tribune,
après M. Dufaure, pour se plaindre de ce
que M. le ministre de l'intérieur, dans sa
conférence avec les chefs de corps de la gar
de nationale, se serait servi contre lui d'un
discours qu'il aurait prononcé dans un ban
quet et qui aurait été falsifié.
Enfin, le débat a été clos par quelques
paroles de M. Lamoricière au sujet.d'une
lettre publiée par un officier qui fréquentait
des clubs anarchiques, et qu'il aurait envoyé
au bataillon de dépôt, afin de l'éloigner de
i Paris.
A propos du retard de âx heures apporté
avant-hier, au départ des malles-postes, on
nous rappelle un fait bien caractéristique. •
Le.jour de -la mort de M., le duc d'Or
léans, le roi demanda que le départ de la
poste fût retardé d'une heure, afin de pou- "
voir expédier le soir même un récit officiel
de l'événement : le cabinet s'y refusa,
L'ordonnance du général Cavaignac qui
■"applique à l'Algérie la loi sur les clubs, a
produit une vive sensation, comme un in
dice caractéristiquè des tendances du Gou
vernement. Nous n'avons examiné.cette me
sure qu'au point de vue de la convenance et
de l'opportunité ; , mais on ne saurait ou
blier qu'il s'y rattache une question de pou
voir 7 de droit constitutionnel que nous air
Ions brièvement examiner.
Sous la Charte de 1830, les colonies, en
vertu de l'art. 64 de cette Charte, étaient
régies par des lois particulières. Les auteurs
de la Charte, en y inscrivant cet article,
avaient eu pour objet de soustraire les colo
nies à l'arbitraire ministériel, au régime des
ordonnances, pour les placer sous le régime
de la loi. La loi spéciale du 24 avril 1833 a
déterminé, pour les colonies, les matières que
les ministrés ne pourraient régler , par or
donnances, et sur lesquelles il devait être
statué sous forme de loi par le pouvoir légisr
latif de la métropole.
L'Algérie, à la différence des autres colo
nies, et à raison de l'état de guerre qui s'y
perpétuait, est demeurée pendant dix-huit
ans sous le régime des ordonnances et des
arrêtés ministériels. Le ministre de la guerre
et son subordonné le gouverneur-général
statuaient par ordonnances sur les matières
les plus diverses. C'est.contre ce régime
qu'une partie des colons a protesté aussitôt
après la révolution de février ; c'est pour y
mettre un terme que les représentans de l'Al
gérie avaient demandé l'assimilation complè
te de l'Algérie à la France.
Cette proposition a été repoussée ; elle n'a
pas été plus heureuse en reparaissant sous
forme d'amendement au milieu de la discus
sion de la Constitution. En revanche et par
concession aux réclamations de colons on a
écrit dans l'article 109 de la Constitution
nouvelle, que le territoire de l'Algérie et
des colonies sera régi par des lois particuliè
res jusqu'à ce qu'une loi spéciale les place
sous le régime de la présente Constitution.
Cet article 109 n'est que la reproduction de
l'ancien article 64 de la Charte de 4 830.
Si cet article 109 a un sens, il assimile
évidemment l'Algérie au reste des colonies
françaises; il la place, comme toutes les au
tres, sous le régime do la loi du 24 avril
1833. La Constitution n'a pas voulu assimi
ler l'Algérie à la métropole, maïs ehe ne l'a
pas laissée non plus sous le régime du der
nier gouvernement ; elle lui a fait faire un
premier pas vers cette égalité en lui accor
dant l'avantage dont jouissaient déjà les au
tres colonies, de ne plus recevoir sa législa
tion des bureaux du ministère.
Aux termes de la Constitution nouvelle,
le régime anormal ou plutôt dictatorial au
quel l'Algérie était soumise a cessé d'exister.
Le pouvoir exécutif a donc perdu le droit de
légiférer en Algérie sur les matières qui
sont du domaine de la loi : c'est au pouvoir
législatif seul, c'est-à-dire à l'Assemblée na
tionale, qu'est désormais dévolu le droit de
statuer sur ces matières, de faire des lois
pour l'Algérie, ou de lui appliquer les lois
qui régissent la métropole.
Nous croyons donc que M. Cavaignac, en
étendant à l'Algérie de son propre mouve
ment la législation relative aux clubs, a ex
cédé ses pouvoirs constitutionnels. Ce n'est
pas, du reste, la première fois que cet excès
de pouvoir a été commis. Un arrêté du gé
néral Cavaignac, publié postérieurement à
la Constitution, mais avec une date antérieu
re à sa promulgation , a déclaré inapplica
bles Algérie, certaines dispositions dé
la loi du 21 avril 1810 sur les mines. La
loi seule dispense de la loi, et M. Cavaignac
n'a pas lespouvoirs législatifs, même en Air
gérie". Un arrêté du 4: novembre 1848 em
piète d'une façon bien plus évidente sur leâ
attributions du pouvoir législatif, puisqu'il
réglemente la propriété, communale en A^
gérie, et qu'il créé un nouvel impôt sous le
nom de taxe sur les loyers.
Voici donc M. le général Cavaignac qui
a non-seulement - le pouvoir de faire des lois
pour l'Algérie, de les modifier en lés affai
blissant ou les aggravant suivant qu'il lui con*
vient ; il a encore celui d'y créer des contrit
buables. Jamais roi constitutionnel, jamais
ministre n'a exercô un pouvoir, pareil ; bien
plus, sous le dernier gouvernement, on ^
voulu contester à la ' chambre des pairs^
branché du pouvoir législatif, le droit d'é
lever le prix des ports d'armes, en s'apr
puyant sur ce que c'était modifier un impôt)
et que l'initiative en matière d'impôts ap*
partënait à la chambre élective. La situation
de l'Algérie, au lieu d'avoir été amélioré^
par la nouvelle Constitution, aurait donc
été singulièrement aggravée par elle. >
A ces deux ordonnances excessives^ il
faut joindre celles qui ont paru hier dans ty
Moniteur , et, en têtç de toutes , celle dont
nous avons signalé l'inopportunité. M. le
général Cavaignac vient en réalité de pro
mulguer une loi pour l'Algérie ën lui ap
pliquant la loi sur les clubs : il vient donc
d'exercer un droit qui appartient exclusive*
ment à l'Assemblée nationale. Il faut, en
vérité, que le chef actuel du pouvoir exécutif
tienne beaucoup à importer en Algérie les
bienfaits des clubs, pour avoir ainsi mécon
nu toutes les graves raisons qui lui défeny
daient de songer à une pareille mesare, et
être allé: jusqu'à outrepasser ses pouvoirs
constitutionnels. (
Nous croyons, du reste, que la question
que nous examinons a été soulevée dans les
régions administratives, et que des scrupules
trop tardifs sont venus au chef du Gouverne
ment. En effet, un nouvel arrêté, publié
ce matin dans le Motiûeur , nomme une com
mission chargée de réviser la législation dé
l'Algérie et de déterminer les matières qui
sont du domaine, soit du pouvoir législatif)
soit du pouvoir exécutif. Nous venons dé
dire que ce dernier travail était tout fait
dansla loi d'avril 4833; nous croyons donc
que sous ce rapport la tâche de la commis-?
sion se réduira à demander l'annulation ou
la transformation en lois des récens arrêtés
du général Cavaignac.
Il y a eu réunion dans les bureaux pour la
nomination d'une commission de quinze mem
bres qui sera chargée d'examiner le projet dis
loi relatif à la proclamation du président je là
République
Voici le résumé de la discussion qui a eu lieu
dans plusieurs bureaux :
1 er bureau.— U. EvaHste Bavotix déclare que le
projet de loi sur la proclamation et l'installation dù
président de la République ne lui paraît susceptible
que d'une approbation à peu près absolue. Cepen»-
dant il présente une observation sur l'art. 4, qui
définit les conditions après l'accomplissement des 1 -
quelles le président sera reconnu par l'Assemblée
nationale. Il voudrait- qu'eu présence des éventuali
tés graves qui peuvent rendre urgente l'investiture
du chef définitif de l'Etat, on introduisit dans ceft
article une exception facultative pour le cas où le
mois. M. Bavoux demande la faculté pour l'Assem
blée de proclamer le nouveau président, si les cir
constances en font sentir la nécessité, avant de con
naître ce vote, en admettant que le nombre total des
votans algériens, qu'on peut porter au chiffre exa
géré de 70, ou 80, ou 100,000 se portât sur un autre
candidat que celui, qui aurait la majorité. Il ajoute
qu'au surplus cette disposition additionnelle qu'il
présente est acceptée par M. le ministre de l'inté
rieur, avec lequel il s'en est 'entendu.
M. D ubrael adopte l'opinion de M. Bavoux, et re
tend au cas où aucun des candidats n'ayant la ma
jorité absolue, c'est la chambre qui serait appelée à
choisir entre les cinq concurrens qui auraient réuni
le plus de suffrages.
S3&S8SBEBB8
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 10 DEC.
LE CABINET NOIR*
DEUXIÈME PARTIE.
GKEGOIUO MATIPHOUB.
CHAPITRE XV.
"SUITE DU .RÉCIT DE FAUNTLEROY —LES Nl'ITS
DE L'HOTEL D'AKCASTER.
'« Le lendemain, miss Oldficld était en effet
'décidée ; elle trouvait plaisant et de très-bon
goût le procédé du marquis, ayant eu l'air de
nous faire Une grave et sérieuse confidence, et,
en somme, ne nous ayant rien appris; moi, au
contraire, j'étais plutôt disposé à voir dans celte
manière d'en user avec nous une nuance d'im
pertinence, et je continuais à résister à un pro
jet où je prévoyais pour l'avenir mille inconvé-
niens. Le délibéré menaçait même de tourner à;
la querelle, car ma belle maltresse avait fini par
nie reprocher que je montrais pour elle une dé-
"Rance'peu obligeante -, mais, tout-à-coup, par
une intervention à laquelle Samàniego n'était
■ probablement pas étranger', la question se trouva
"tranchée définitivement. . •
' y> Miss Ôldfield était, à Co\ent-Garden, dans
line' continuelle rivalité de beauté et de talent
"avec une de ses camarades, miss Wolfington,
et, & ce titre de concurrence, ces deux femmes
se voulaient tout le mal qu'il est possible d'ima
giner. \ .
» Au beau milieu de notre querelle, survient
cette charmante ennemie ; elle tenait à }a main
un numéro du Morning-Herald, et venait; nous
dit-^lle, .-donner à miss Anna des explications re
voir notre numéro du 9' décembre!
Toute reprodnclion, même partielle de cet ouvrage,
est interdite, ei serait poursuivie comme contrefaçon.
lativement à un article qu'elle y avait lu quel
ques instans avant.
« Le foyer de Covent-Garden,—portait cet ar-
» ticle, —« était hier au soir fort ému par les
» commentaires de tout genre auxquels don-
» nait lieu la nouvelle de flagrantes hostilités
» survenues entre nos deux reines de la tragé-
» die. Transporté pour miss Oldfield d'une admi-
» ration sans égale, l'opulent étranger qui se
» montre pour tous Éos artistes un protecteur
» si éclairé, serait venu prier la belle comé-
» dienne de lui faire la grâce d'accepter en tout
» bien tout honneur, un splendide appartement
» qu'il a fait disposer dans son hôtel & son inten-
» tion. En apprenant cet éclatant hommage ren-
» du au talent d'une rivale, miss Wolfington,;
» jetée dans le désespoir, aurait' juré de faire
» obstacle à la munificence de l'opulent étran-
» ger; dans ce but charitable, elle serait allée
» trouver sir Charles F..., personne qui peut
» • prétendre à quelque droit de surveillance sur
» les démarches de miss Oldfield, et.elle lui au-
» rait si bien persuadé la haute inconvenance de
» la proposition qui était faite à, sa protégée, que,
» dans la journée, une rencontre aurait eu lieu
» entre le marquis de S... et sir Charles F...
» Dieu merci 1 aucun malheur n'est résulté de
» ce combat, où paraît cependant être restée sur
» la place la généreuse intention dont miss Old-
» field avait été l'objet ; c'est au moins ce que
» disait ce soir miss Wolfington à qui voulait
» l'entendre, en se félicitant d avoir su main-
» tenir entre elle et sa rivale le pied d'égalité
% auquel on avait essayé -dé porter atteinte par
» une malencontreuse distinction. » .
» L'attitude qu'avait choisie pour ce jour-là
Miss Wolfington, c'était celle d'une bonne et
èxcellente camarade, venant réclamer contre un
tissu de mensonges et de calomnies. Mais, au
fond, le but de sa visite était de savoir au vrai
ce qu'il en était de la munificence prêtée par le
journal au marquis de Samaniego.
»■ Miss Oldfield n'avait de garde de laisser
-ignorer à sa curieuse amie- la vérité du fait
qu'elle était venue constater ; elle se hâta donc
de lui répondre qu'en effet un appartement lui
était offert à l'hôtel d'Ancasler, et elle ajouta que
la meilleure réponse à faire aux véridiques infor
mations du journaliste, c'était l'intention où elle
était d'aller, dans la journée môme, occuper ce
logement d'honneur.
» Sur ce, et après quelques propos, où, au
milieu des protestations d'une amitié et d'un dé
voûment inaltérables, l'aigreur et l'ironie étaient
à tout moment sur le point de déborder, les deux
émules se séparèrent, et dès-lors je n'eus plus
qu'à courber la tête, car l'amour-propre de miss
Oldfield était alors engagé dans la question, et ce
n'est pas contre une force pareille que j'aurais
essayé de lutter. . . . . . . ,
• « • • • • • » » « " • •
» Une fois ma belle amie installée au domir
cile du marquis, je dois dire que celui-ci fut
parfaitement convenable. Il célébra sa bien-ve
nue par un banquet, où je fus invité avec les
dandies les plus qualifiés de Londres ; et dans
celte occasion il s'étudia, et parvint, avec un
rare bonheur dé pensée et d'expressions, à assi
gner publiquement à ses rapports avec miss
Oldfield leur véritable caractère, c'est-à-dire
celui d'une admiration enthousiaste qu'il avait
pour 5on talent, et dont elle avait daigné accep
ter une éclatante manifestation.
» Laissant d'ailleurs sa belle locataire vivre à
sa guise, loin d'abuser du voisinage, il eut soin
de ne se présenter chez elle qu'aux heures où il
avait la chance de se trouver en tiers avec moi,
et poussa même la discrétion jusqu'à s'en faire
reprocher l'excès. Sur le chapitre des cadeaux,
il ne fut pas d'une réserve moins admirable, et,
s'il en risqua quelques-uns, ce fut toujours en
ma présence, et en leur trouvant ordinairement
un spécieux prétexte. Tantôt, dans les costumes
de la tragédienne, il' avait remarqué quelque
chose de "reprochable du côté du bon goût ou de
la richesse, et il demandait, humblement la per
mission d'aviser k ces imperfections; tantôt, ve
nant le lendemain d'une représentation, il avait
trouvé, là veille, letalentjde miss Oldfield si écla
tant et tellement inimitable ; elle s'était élevée à
-une telle hauteur, et lui avait procuré de tell s
émotions, < que, mortel reconnaissant, il venait
t> déposer sa modeste offrande sur l'autel delà
» déesse, sans jamais espérer d'acquitter conve-
* » nablement la dette de l'admiration dont il était
» comblé. »
» Dans une autre occasion , me prenant à part
et témoignant par les détails circonstanciés dans
lesquels il entra, avoir du secret de mes affai
res qui commençaient alors à être fort déran
gées, une connaissance aussi parfaite que moi-
même, il m'offrit généreusement de s'entremet
tre pour les rétablir, et ce n'est qu'à grand'peine
que je me dérobai à son généreux empressement.
Bref, dans notre relation, tout allait à merveille
et j'en étais à me reprocher les scrupules par
lesquels j'avais d'abord voulu me tenir éloigné
d'un homme si généreux et si convenable, lors
que pourtant à notre tranquille horizon parut
s'élever un nuage..
h * Un malin, nous venions, le marquis et moi,
d'arriver chez miss Oldfield ; tout-à-coup celles
ci, sans autre préambule, demande à son hôte si
la grande familiarité dans laquelle il est avec
les esprits ne ferait pas courir quelque danger à
ceux qui habitent sous le même toit que lui ?
» Sur le chapitre de la Cabale, le marquis se
laissait volontiers railler, mais jamais pour son
compte rl n'entrait dans la plaisanterie. Par un
inexorable sérieux il maintenait la sincérité de
Sa conviction à l'existence d'un monde invisible
et ne manquait jamais une occasion de faire acte
de foi à cette espèce de religion.
» Non conlent de témoigner, par sa parole,
par ses actions aussi, il se montrait un adepte
empressé. Ainsi on le savait engagé dans de
fréquentes conférences avec les Svedenborgistes
: ou disciples du théosophe Svedenborg, qui de-
puis plusieurs années avaient obtenu à Londres
la tolérance de leur culte. Il fréquentait leurs
chapelles et était un. des rares abonnés de leur
journal the New Jérusalem Magasine (Recueil de
la nouvelle Jérusalem).
» Lors donc que miss Oldfield lui eut posé la
question à laquelle il était sommé de répondre,
il s'enquit avec une curiosité pleine de sérieux,
de la portée, qui devait être donnée aux paroles
' de la charmante miss; à quoi celle ci repartit
que, la huit précédente, il s'était passé dans sa
chambre quelque chose de fort peu rassurant.
— Mais quoi encore ?—-demanda le marquis,
— car il faut s'expliquer.
— Je venais de m'éveiller, — repartit miss
Oldfield,—et j'avais compté deux heures sonnant
à l'horloge de l'hôtel, quand il me semble enten
dre fort distinctement marcher dans ma chambre.
Naturellement, je demande qui va là? A ma
question pas de réponse. Cependant le bruit ces
se, et j'arrive k penser que j'ai rêvé ; mais, un
quart-d'heure après, au lieu d'un bruit dé pas,
je suis parfaitement sûre d'avoir entendu un sou
pir. Alors je sonne à tour de bras ; ma femme
de chambre arrive avec de la lumière, et, après
les recherches les plus minutieuses, nous trou
vons...
» Ici comme miss Oldfield s'était arrêtée :
— Vous trouvez?—demande le marquis.
— Rien,-r-réplique «n souriant miss Anna,—
mais je n'en jurerais pas .moins que cette nuit on
a marché et soupiré dans ma okambre, et vous
m'en voyez encore un peu émue.
— Dans tout ceci, — repartit Samaniego, —
une supposition est fort vraisemblable, c'est que.
vous avez eu ce que j'appelle un rêve éveillé,
c'cst-k-dire que vous étiez dans cette situation
mitoyenne entre le sommeil et la veille où l'on
a, en quelque sorte, conscience des deux états,
lesquels sont momentanément dans un équilibre
trop parfait pour faire penchsr la balance de l'un
ou de l'autre côté : ainsi vous aurez rêvé les
pas ; puis après, rêvé le soupir ; voilà pour la
donnée humaine ; pour ce qui est de l'interven
tion du monde surnaturel, je ne réponds-de rien,
et ne me charge de rien expliquer; mais le mon
de surnaturel, miss Anna, vous n'y croyez pas.
— La chose, — repris-je en intervenant, ■■-i-
n'en est pas moins 1res extraordinaire.
— Quelle chose ? — repartit sèchement le
marquis,— que miss Oldfield ait eu un songe?
— Non ; mais si, comme elle l'assure, elle
n'a point rêvé... quo l'on puisse subrepticement
s'introduire dans sa chambre.
— Ah ça mais ! mon cher, — me dit Sama
niego avec impatience,—avant d'aller d'abord
au fond d'une mauvaise pensée que j'entrevois
très bien, il faudrait vous arrêter à l'idée encore
possible d'un voleur; car une maison a beau
être bien tenue et bien gardée, un malfaiteur
peut s'y introduire. • )
— Soit; mais il ne s'évanouit pas comme un
sylphe.
— Voyons, je suis soupçonné en règle,—s'é
crie Te marquis en se levant avec vivacité, ~
alors, mon cher Monsieur, vous allez venir avec
moi faire la visite de cette chambre; nous y re
tournerons tout, morbleu, et si quelque passage
secret y existe, il faudra bien que vous le trou
viez.
» Lk-dessus, il passa impétueusement dans la
chambre k coucher de miss Anna, où nous hé
sitâmes un moment k le suivre ; cependant, en
l'entendant remuer les meubles et mettre une
bonne foi singulière à tout bouleverser, miss An
na craignit, en effet, d'avoir donné pour un
fait réel, une erreur de^essens. Au moment où
nous entrâmes dans la pièce suspecté, pour l'y
rejoindre, nous le trouvâmes arrachant et met
tant en pièces la tenture du lit, qui était d'un
magnifique satin de Chine.
» Eperdue comme une femme qu'elle était/en
voyant la destruction dont étaient menacées ces
belles étoffes, miss Oldfield lui cria qu'ellë était
maintenant sûre de s'être laissée aller k une sotte
imagination, et que la preuve qu'il prétendait
donner en mettant à nu tous les murs deTappaN
tement, était complètement inutile.
s Lk-dessus, le marquis se calma; niais néan
moins, il exigea que je me livrasse avec lui à
l'examen le plus minutieux de tous les coins ét
recoins de l'appartement. Cela fut fait sans «pie
rien de suspect eût apparu :
-—Miss Anna!—dit Samaniego,— je ne dirai
pas que j'exige, car je n'ai pas le droit d'exi
ger; mais, au nom de ma probité si étrangement
soupçonnée, j'ose vous supplier d'abord de chan
ger de chambre, et ensuite de ne dormir qu'avec
une veilleuse allumée et votre femme de cham
bre couchée dans la même pièce.
Je ne changerai pas de chambre,—répliqua
miss Anna,—ce qui serait vous faire, injure, moii
IM»!*.: ;)»p.l»T. ITTEA**,
§F.{ ii *• j 1 M*.;';
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l'iliKitt franco, peur la rldîctiea«.
à S. HERRCAU, gfeut.
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PARIS. iDEPART.I ÏTRAS8.
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U 1 (4 l «C
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
La ibscbcm (ont reçues, i* 11 ï 4 ksiTM
«a bureau duJoariad. 1
' Ml tUrH«i «oit Hr« tgrMipu M (talfi
■ . M ■ r
S'ilurwwr franc o < pour r«dmiRlstntitt t 1
à M. DEMAIN, dittStMI. • »
AVIS AUX. ÉLECTEURS.
Les bulletins en faveur de Louis-Napoléon
devront être sur papier blanc,et ainsi con çus,
sans antre désignationni quantification :
LOTIS-NAPOLÉON BONAPARTE.
PARIS, 9 DÉCEMBRE.
* . . ; , .*
\ Honté àlapresseînjurieuse.et calomnia
trice ! Elle est nn crime ! Voilà ce que nous
disent, ànous, et les écrivains républicaine
de la veille, etceux du lendemain, qui, cher
chant à compenser par la ferveur ce qui
manque à l'ancienneté de leur dévoûment
au nouveau pouvoir j s'agenouillent éplorés
devant le calvaire politique de M. le général
Cavaignac-. - - ■ '
. ; Ces amis de la modération du, lendemain
necqmprenpent qu'une presse réservée, dé
cente ét véridique, e', comme symbole de
leur principe, ils ont mis sur le fauteuil de
la présidence l'ancien rédacteur de la Tri-,
bune et du National) l'écrivain modéré des
diX'buit dernières années. Ce nom à lui seul
en dit assez. Nous n'irons pas exhumer tous
les poisons avec lesquels ces nouveaux cri-
mihalislese n matière de publicité ont assas
siné moralement tant d'éminentes victiiups.
L'inventaire en serait trop long. Qui ne sait
d'ailleurs que ces écrivains ont fait leur ré
putation en noircissant toutès les autres, et
les plus grandes, que leur célébrité s'est fon
dée sur l'invective, et qu'ils sont arrivés jui
pouvoir par les derniers excès de la publi
cité.
,- Comment doncleur reconnaîtrions-nous le
droit d>-nous donner dés leçons de modéra
tion ? Nous avons fait quelquefois la guerre
avec eux sous l'ancien gouvernement, maià
nous ne nous sommes pas servis de leurs ar
mes. En attaquant les actes avec vivacité, car
on s'échauffe dans la lutte, nous avons tou
jours respecté les talens et les caractères
pour nous respecter nous-mêmes. Depuis le
24 février, on a pu être tenté d'écrire contre
les hommes du nouveau régime dans les ter
mes d'injure et de colère employés contre
ceux du régime précédent, qui, à coup sûr*
les méritaient moins, si l'on compare fe mal
fait par les uns et par les autres. Cette ten
tation , nous l'avons ressentie ; nous 'n'y
Avons jamais cédé. Nous n'avons dit, depuis
-février, sur les hommeset sur les choses, que
la moitié tout au plus de ce que nous en pen'
sions, et cela non par peur, car nous avons
su nous servir de la liberté dans tous les
temps ; mais par égard, non pour ceux que
nous ménagions, mais pour la société elle—
Oiiême^ui, dans l'état horrible où elle était,
avait besoin d'être ménagée, dont il ne fal^-i
lait pas augmenter la colère par un lan
gage passionné. Le feu était partout. Nous
n'avons pas. voulu ajouter de nouvelles flam
mes à cet incendie. Voilà la raison .de nos
ménagemensj Nous ne demandons pas de re
connaissance.
. Mais que vous, les polémistes à outrance,
vous qui faisiez aux anciens pouvoirs une
-guerre qu'on peut dire en dehors du droit
des gens, que vous veniez nolus traiter d'em-
poisonnèurs et de criminels en matière de
publicité* ah ! c'est trop fort. Nous savions
bien sque.vous qui, comme opposition, por
tiez la presse jusqu'à la licence, vous ne pour
riez pas, comme Gouvernement, en souffrir
la liberté. On ne supporte la discussion li
bre que dans la proportion de ce qu'on
Vaut ; aussi, quand vous avez pu supprimer
la liberté delà presse, vous l'avez fait ; ne le
pouviant plus, vous essayez de la flétrir.
Vous prétendez, à ce que nous lisons dalis
le National, que nous nous sommes condam
nés nous-mêmes, en reculant dans nos accu
sations, à propos de vos malheureuses listes
de pensions; Où avez-vous vu cela ? Nous
n'avons jamais usé de tout notre droit, dans
cette question, parez qu'il nous a convenu |
de n'en pas user. D'autres ont agi plus cruel-'
lement envers le pouvoir. lis en étaient les
maîtres. C'était, après tout, le droit de dis
cussion dont ils se servaient.
Quant à nous* voici notre conduite
nant des noms d'assassins, sont portées par le
ministre à la commission de l'Assemblée.
Des députés en prennent connaissance, c'é
tait leur droit. Ces représentans les commu
niquent aux journaux, c'était leur droit.
Les journaux les publient, c'était aussi leur
droit. - - • - * •
Quant à nous; qui pouvions recevoir,
comme d'autres, cette communication^ nous
ne l'avons pas reçue. N,ous nous bornons à'
reproduire ce que publient les journaux du
Soir, et cela sans réflexions^ ajoutons même
incomplètement, par égard pour, certains
noms de vos amis. Jusque-là, nous n'avons
pas fait un pas qui nous obligé à reculer.
Le lendemain, la discussion.? Nous en
constatons les résultats et avec quelle mesu-<
re! Nous disons que M. Baroche a établi
l'authenticité des listes par des raisons pé-
remptoires. On connaît ces raisons: nous
n'avons pas besoin d.î les répéter.
. Vôilàdonc des listes authentiques ! M. Car
vaignac, que révoltent le6 .pensions accor
dées à des assassins, déclare, lui, qui a au
torisé la présentation du projet de loi', qu'il
ne connaissait pas les listes. Que lui disons-
nous?—Nous vous croybns. —M. Dufàure,
qui a présenté ces listes, déclare, aussi qu'il
ne les connaît pas : que lui disons-jious? —
Nous vous croyons.
Et dans quelles circonstances croyons-r
nous M. Dufaure? Au moment où dans la
discussion même il vient d'être pris (qu'il
nous passe ce mot).en flagrant délitd'une
double inexactitude. Il prétend que les lis
tes sont des relevés de noms faits sur les re
gistres d'écrou; et c'est impossible, puis
qu'elles contiennent des noms de personnes
n'ayant jamais été écroùées. Première in
exactitude. Il prétend qu'aucune proposition
n'était faite à l'égard de certaines personnes
portées sur les états, par la raison qii'en re
gard de leurs noms il n'y a pas de sommes
inscrites ; or, il y avait proposition faite,
puisque le chiffre de la pension qui leur
était accordée, était écrit en tête de la caté
gorie à laquelle ils appartenaient. Seconde
inexactitude.
Ainsi,.M. Dufaùre dit dans cette cliscus
sion deux choses qui ne sont pas, qui ne
peuvent pas être. Est-ce que cela va ôler
pour nous du .crédit à sa parole? Non ; il se
trompé deux fois sur des faits qu'on peut rec
tifier, et cela ne nous empêche pas de le
croire quand il affirme un fait, hors de toute
vérification possible, quand il affirme qu'il
ne connaissait pas les listes. Eh bien ! nous
posons cette question à ces écrivains, répu
blicains de la veille et modérés du lende
main : si un membre de l'ancien Gouverne
ment, si M. Guizot, si M. Duchâtel vous eût
dit qu'il ne connaissait pas des listes présen
tées par lui à une commission , l'eussiez-
vous cru? Si dans le débat il eût dit deux
choses inexactes, s'il en eût dit une seule,
si vous l'eussiez trouvé hors la vérité, sur
tous les points susceptibles d'être vérifiés,
Heussiez-vous cru bénévolement sur une
affirmation dénuée de preuves? Non, vous ne
l'eussiez pas cru. Vous eussiez dit qu'ayant
présenté les listes, il était impossible qu'il ne
les connût pas; que, 1rs connaissant, il pen
sionnait des assassins; et nous entendons ici
toute l'effroyable artillerie de vos invectives.
Oui, cette conduite, nous l'affirmons,
eût été la vôtre. Et, apTès tout, vous eus
siez été dans votre droit, vous eussiez ex
ploité avec cruauté une faute commise par
des ministres. Quelques journaux ont agi
ainsi. C'est de la discussion cruelle, mais non
pas de la discussion criminelle. On n'est pas
obligé de croire les hommes, d'Etat sur
' parole. Pour notre part, nous n'avons pas
fait cela. Nous avons dit : Oui, vous igno -
riez les listes ; mais elle# existent. M. Ba
roche a démontré leur authenticité. Elles
contiennent des noms d'assassins. Quelqu'un
ies y a mis. Ce quelqu'un, c'est une commis-?
sion composée d'hommes .qui ont votre con-
flahee, ,off"qur vous lienhënt sous leur joug.
Nous n'avons rien dit de plus, et aujour.f
d'hui, ioin.de reculer, comme l'a,dit. le No*
tional, nous allons faire up pas eu avant. Au?
jourd'hui que nous savons que çétte com-r
mission, traitée légèrement, a eu le po.uvoiy
de faire violer les lois sur l'année., de, cont
vertir trente-trois anciens détenus en offi-r
ciers improvisés, nous tirons cette conclu
sion, quë si vous' n'avez pas lu les liste®)
c'est que,vous n'avez pas-osé les lire, po,ur
ne point avoir à les discuter avec «es hom-r
mes plus puissans que vous, avec ces hom
mes qui improvisent plus facilement trente-
trois officiers que vous ne feriez trente-trois
sous-préfets. Seulement, vous n'avez pas
supposé qu'ils allassent jusqu'à glorifier les
noms de Lecomte et de Pépin.
Ainsi vous ne connaissiez pas ces listes ;
mais elles ont été faites par des hommes dont
vous ne pouvez secouer le joug. Ces liom- 1
mes n'ont pas le pouvoir sans doute de faire
accepter de telles listes à des hommes de vor
tre caractère, mais ils ont celui de vous faire
faire beaucoup de choses anarcliiques et dan
gereuses, comme d'ouvrir des clubs en Al
gérie, mesure qu'il est impossible d'attribuer
à l'initiative spontanée du général Cavaignac
ou de M. Dufaure. Ils vous attachent, malgré
vous, à cent idées soi-disant démocratiques
et qui ne sont que désorganisatrices.
Telles sont nos conclusions dans cette
question des listes. Et si vous nous contestez
le droit de les tirer, si vous appelez cela ré
pandre du poison, commettre un crime,
vous prouvez qu'un gouvernement sorti,
on le sait, des derniers excès de la presse,
ne peut supporter la liberté sage et réglée ;
qu'il vous est impossible de vivre avec la
discussion, que l'on vous crucifie dès qu'on
vous tpuclie, que ce qui eût été un lit de
roses pour lés anciens gouvernans , se
transforme pour vous en umalvaire. Le vote
que nous demandons aux hommes modérés
est autant dans l'intérêt des sages idées dè
gouvernement que dans l'intérêt du plus
légitime usage de la liberté. (
La plus grande partie de la séance a été
occupée par des scrutins ; le projet de dé
cret sur la responsabilité du président de la
République ayant été ajourné, la proposition
qui venait à l'ordre du jour était celle du-
comité de Constitution, relative à la nomen^
clature des lois organiques que l'Assemblée
nationale doit faire avant de se séparer ; plu
sieurs orateurs ont demandé successivement
l'ajournement sans jour fixe, l'ajournement
à jeudi, l'ajournement à lundi; mais toutes
ces demandes ont été écartées; la dernière,
qui a donné lieu à un scrutin, a été repous
sée à la majorité de -320 votes contre 234.
On sait que la proposition du comité-de
Constitution n'efnbrasse pas moins de neuf
lois organiques; encore, sur cë nombre, en
est-il qui doivent compter pour deux, par
exemple, la loi d'organisation départe men
tale et communale, et la loi relative à l'or
ganisation de la force publique, qui em
brasse la garde nationale et l'armée ; ajou
tons qu'il n'y a que depuis la -République
qu'on a imaginé de ranger la loi sur l'état de
siège parmi les lois organiques.
M. Ferdinand de Lasteyrie est venu ex
poser les scrupules qui-le saisissaient en
présence de cette longue nomenclature ; il
a rappelé à l'Assemblée, en la reportant au
but et à l'origine de son mandat; qu'elle
était une Assemblée constituante; que, par
conséquent, elle ne devait faire que ce qui
était vraiment nécessaire pour mettre le
Gouvernement à même de marcher, mais
qu'elle; ne ^devait rien fairéi au-delà; il a j
donc conclu pour qu'elle ne s'occupât que
de la M "sur la ■ responsabilité des déposi
taires de l'autorité publiqu'e, de la loi sur
'leconseil d'Etat, et de la lot électorale,
eu laissant de côté toutes les autres qui pa
raissaient sortir delà limite de ses droits
et de ses obligations. . ! *
. Ce conseil n'à pas été écouté. L'Assemblé^
a décidé au scrutin qu'elle ferait la loi dé
partementale et communale.. M. Hovyri-
Tranchère a essayé encore, après ce vote,
d,'arrêter la chambre dans la voie où elle
s'engageait ; il a reproduit les observations
présentées par M. F. de Lasteyrie ; il a ajou
té, que l'Assemblée, en étendant outre me
sure lé cercle de ses travaux, ferait dire
qu'elle s'adorait, elle-même, et qu'on pour
rait donner à la loi en discussion le surnom
de loi d'amour de toi-même : mais ses paroles
n'ont) pas eu plus de succès, et il a été déci
dé, par une série de scrutins sur les autres
lois qui figuraient dans la nomenclature, que
, l'Assemblée ferait les neuf lois proposées par
le comité de Constitution. , :
Reste maintenant le chapitre, des amen-
demens ; il y; a diverses propositions tendant
à ajouter encore une quinzaine de lois pré
tendues organiques aux neuf précédentes ;
nous tié voyons pas pourquoi, comme l'a dit
M. IIovyn-Trancbère, on n'y, rangerait pas
jusqu'au code rural ; il est certain qu'aVec
une interprétation aussi élastique, l'Assem
blée peut perpétuer indéfiniment son exis
tence; mais est-ce juste, digne et prudent?
La séance s'est terminée par des interpel
lations que M. Jolly a adressées au Gouver
nement, touchant la situation delà capitale;
ces interpellations ont porté sur trois points :
1° sur une conférence que M. le ministre de
l'intérieur aurait eue avec les chefs de
corps de la garde nationale, et dans laquelle
il leur aurait déclaré qu'une insurrection
devait éclater à un jour fixé d'avance, et
qu'elle dèvait être faite par les républicains
rouges; 2°. sur les rassemblemens que le
Gouvernement laisse se former tous les soirs
sur la place Vendôme; 3° sur le projet qu'on
lui attribue
M. Dufaure a répondu à ces différentes
interpellations; tout en faisant remarquer
qu'il pourrait se dispenser de répondre à la
première, il a dit qu'il, était inexact qu'il eût
annoncé une insurrection et qu'il en-eût dé
signé lé jour et les auteurs; quant à la se
conde, il a déclaré que les rassemblemens
delà place Vendôme ne lui avaient paru,
jusqu'ici, présenter aucun caractère dange
reux; pour ce qui est de la troisième, il a ré
pondu que, le jour où il croirait un nou
veau décret nécessaire contre les clubs, il
n'hésiterait pas à le présenter.
En terminant, M. Dufaure a protesté de
] a sincère intention du Gouvernement d'accep
ter le résultat du suffrage universel, et ,de s'y
soumettre , sur quelque nom que portât le
choix du peuple ; mais il a insisté sur ce
point que la confiance la plus complète était
nécessaire au Gouvernement dans la situai
tion transitoire où il allait se trouver, et il
a annoncé qu'il demanderait à l'Assemblée
tous les moyens qui lui sembleraient néces
saires pour pouvoir surmonter les difficultés
de celte situation.
M. Ledru-Rollin est monté à la tribune,
après M. Dufaure, pour se plaindre de ce
que M. le ministre de l'intérieur, dans sa
conférence avec les chefs de corps de la gar
de nationale, se serait servi contre lui d'un
discours qu'il aurait prononcé dans un ban
quet et qui aurait été falsifié.
Enfin, le débat a été clos par quelques
paroles de M. Lamoricière au sujet.d'une
lettre publiée par un officier qui fréquentait
des clubs anarchiques, et qu'il aurait envoyé
au bataillon de dépôt, afin de l'éloigner de
i Paris.
A propos du retard de âx heures apporté
avant-hier, au départ des malles-postes, on
nous rappelle un fait bien caractéristique. •
Le.jour de -la mort de M., le duc d'Or
léans, le roi demanda que le départ de la
poste fût retardé d'une heure, afin de pou- "
voir expédier le soir même un récit officiel
de l'événement : le cabinet s'y refusa,
L'ordonnance du général Cavaignac qui
■"applique à l'Algérie la loi sur les clubs, a
produit une vive sensation, comme un in
dice caractéristiquè des tendances du Gou
vernement. Nous n'avons examiné.cette me
sure qu'au point de vue de la convenance et
de l'opportunité ; , mais on ne saurait ou
blier qu'il s'y rattache une question de pou
voir 7 de droit constitutionnel que nous air
Ions brièvement examiner.
Sous la Charte de 1830, les colonies, en
vertu de l'art. 64 de cette Charte, étaient
régies par des lois particulières. Les auteurs
de la Charte, en y inscrivant cet article,
avaient eu pour objet de soustraire les colo
nies à l'arbitraire ministériel, au régime des
ordonnances, pour les placer sous le régime
de la loi. La loi spéciale du 24 avril 1833 a
déterminé, pour les colonies, les matières que
les ministrés ne pourraient régler , par or
donnances, et sur lesquelles il devait être
statué sous forme de loi par le pouvoir légisr
latif de la métropole.
L'Algérie, à la différence des autres colo
nies, et à raison de l'état de guerre qui s'y
perpétuait, est demeurée pendant dix-huit
ans sous le régime des ordonnances et des
arrêtés ministériels. Le ministre de la guerre
et son subordonné le gouverneur-général
statuaient par ordonnances sur les matières
les plus diverses. C'est.contre ce régime
qu'une partie des colons a protesté aussitôt
après la révolution de février ; c'est pour y
mettre un terme que les représentans de l'Al
gérie avaient demandé l'assimilation complè
te de l'Algérie à la France.
Cette proposition a été repoussée ; elle n'a
pas été plus heureuse en reparaissant sous
forme d'amendement au milieu de la discus
sion de la Constitution. En revanche et par
concession aux réclamations de colons on a
écrit dans l'article 109 de la Constitution
nouvelle, que le territoire de l'Algérie et
des colonies sera régi par des lois particuliè
res jusqu'à ce qu'une loi spéciale les place
sous le régime de la présente Constitution.
Cet article 109 n'est que la reproduction de
l'ancien article 64 de la Charte de 4 830.
Si cet article 109 a un sens, il assimile
évidemment l'Algérie au reste des colonies
françaises; il la place, comme toutes les au
tres, sous le régime do la loi du 24 avril
1833. La Constitution n'a pas voulu assimi
ler l'Algérie à la métropole, maïs ehe ne l'a
pas laissée non plus sous le régime du der
nier gouvernement ; elle lui a fait faire un
premier pas vers cette égalité en lui accor
dant l'avantage dont jouissaient déjà les au
tres colonies, de ne plus recevoir sa législa
tion des bureaux du ministère.
Aux termes de la Constitution nouvelle,
le régime anormal ou plutôt dictatorial au
quel l'Algérie était soumise a cessé d'exister.
Le pouvoir exécutif a donc perdu le droit de
légiférer en Algérie sur les matières qui
sont du domaine de la loi : c'est au pouvoir
législatif seul, c'est-à-dire à l'Assemblée na
tionale, qu'est désormais dévolu le droit de
statuer sur ces matières, de faire des lois
pour l'Algérie, ou de lui appliquer les lois
qui régissent la métropole.
Nous croyons donc que M. Cavaignac, en
étendant à l'Algérie de son propre mouve
ment la législation relative aux clubs, a ex
cédé ses pouvoirs constitutionnels. Ce n'est
pas, du reste, la première fois que cet excès
de pouvoir a été commis. Un arrêté du gé
néral Cavaignac, publié postérieurement à
la Constitution, mais avec une date antérieu
re à sa promulgation , a déclaré inapplica
bles Algérie, certaines dispositions dé
la loi du 21 avril 1810 sur les mines. La
loi seule dispense de la loi, et M. Cavaignac
n'a pas lespouvoirs législatifs, même en Air
gérie". Un arrêté du 4: novembre 1848 em
piète d'une façon bien plus évidente sur leâ
attributions du pouvoir législatif, puisqu'il
réglemente la propriété, communale en A^
gérie, et qu'il créé un nouvel impôt sous le
nom de taxe sur les loyers.
Voici donc M. le général Cavaignac qui
a non-seulement - le pouvoir de faire des lois
pour l'Algérie, de les modifier en lés affai
blissant ou les aggravant suivant qu'il lui con*
vient ; il a encore celui d'y créer des contrit
buables. Jamais roi constitutionnel, jamais
ministre n'a exercô un pouvoir, pareil ; bien
plus, sous le dernier gouvernement, on ^
voulu contester à la ' chambre des pairs^
branché du pouvoir législatif, le droit d'é
lever le prix des ports d'armes, en s'apr
puyant sur ce que c'était modifier un impôt)
et que l'initiative en matière d'impôts ap*
partënait à la chambre élective. La situation
de l'Algérie, au lieu d'avoir été amélioré^
par la nouvelle Constitution, aurait donc
été singulièrement aggravée par elle. >
A ces deux ordonnances excessives^ il
faut joindre celles qui ont paru hier dans ty
Moniteur , et, en têtç de toutes , celle dont
nous avons signalé l'inopportunité. M. le
général Cavaignac vient en réalité de pro
mulguer une loi pour l'Algérie ën lui ap
pliquant la loi sur les clubs : il vient donc
d'exercer un droit qui appartient exclusive*
ment à l'Assemblée nationale. Il faut, en
vérité, que le chef actuel du pouvoir exécutif
tienne beaucoup à importer en Algérie les
bienfaits des clubs, pour avoir ainsi mécon
nu toutes les graves raisons qui lui défeny
daient de songer à une pareille mesare, et
être allé: jusqu'à outrepasser ses pouvoirs
constitutionnels. (
Nous croyons, du reste, que la question
que nous examinons a été soulevée dans les
régions administratives, et que des scrupules
trop tardifs sont venus au chef du Gouverne
ment. En effet, un nouvel arrêté, publié
ce matin dans le Motiûeur , nomme une com
mission chargée de réviser la législation dé
l'Algérie et de déterminer les matières qui
sont du domaine, soit du pouvoir législatif)
soit du pouvoir exécutif. Nous venons dé
dire que ce dernier travail était tout fait
dansla loi d'avril 4833; nous croyons donc
que sous ce rapport la tâche de la commis-?
sion se réduira à demander l'annulation ou
la transformation en lois des récens arrêtés
du général Cavaignac.
Il y a eu réunion dans les bureaux pour la
nomination d'une commission de quinze mem
bres qui sera chargée d'examiner le projet dis
loi relatif à la proclamation du président je là
République
Voici le résumé de la discussion qui a eu lieu
dans plusieurs bureaux :
1 er bureau.— U. EvaHste Bavotix déclare que le
projet de loi sur la proclamation et l'installation dù
président de la République ne lui paraît susceptible
que d'une approbation à peu près absolue. Cepen»-
dant il présente une observation sur l'art. 4, qui
définit les conditions après l'accomplissement des 1 -
quelles le président sera reconnu par l'Assemblée
nationale. Il voudrait- qu'eu présence des éventuali
tés graves qui peuvent rendre urgente l'investiture
du chef définitif de l'Etat, on introduisit dans ceft
article une exception facultative pour le cas où le
mois. M. Bavoux demande la faculté pour l'Assem
blée de proclamer le nouveau président, si les cir
constances en font sentir la nécessité, avant de con
naître ce vote, en admettant que le nombre total des
votans algériens, qu'on peut porter au chiffre exa
géré de 70, ou 80, ou 100,000 se portât sur un autre
candidat que celui, qui aurait la majorité. Il ajoute
qu'au surplus cette disposition additionnelle qu'il
présente est acceptée par M. le ministre de l'inté
rieur, avec lequel il s'en est 'entendu.
M. D ubrael adopte l'opinion de M. Bavoux, et re
tend au cas où aucun des candidats n'ayant la ma
jorité absolue, c'est la chambre qui serait appelée à
choisir entre les cinq concurrens qui auraient réuni
le plus de suffrages.
S3&S8SBEBB8
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 10 DEC.
LE CABINET NOIR*
DEUXIÈME PARTIE.
GKEGOIUO MATIPHOUB.
CHAPITRE XV.
"SUITE DU .RÉCIT DE FAUNTLEROY —LES Nl'ITS
DE L'HOTEL D'AKCASTER.
'« Le lendemain, miss Oldficld était en effet
'décidée ; elle trouvait plaisant et de très-bon
goût le procédé du marquis, ayant eu l'air de
nous faire Une grave et sérieuse confidence, et,
en somme, ne nous ayant rien appris; moi, au
contraire, j'étais plutôt disposé à voir dans celte
manière d'en user avec nous une nuance d'im
pertinence, et je continuais à résister à un pro
jet où je prévoyais pour l'avenir mille inconvé-
niens. Le délibéré menaçait même de tourner à;
la querelle, car ma belle maltresse avait fini par
nie reprocher que je montrais pour elle une dé-
"Rance'peu obligeante -, mais, tout-à-coup, par
une intervention à laquelle Samàniego n'était
■ probablement pas étranger', la question se trouva
"tranchée définitivement. . •
' y> Miss Ôldfield était, à Co\ent-Garden, dans
line' continuelle rivalité de beauté et de talent
"avec une de ses camarades, miss Wolfington,
et, & ce titre de concurrence, ces deux femmes
se voulaient tout le mal qu'il est possible d'ima
giner. \ .
» Au beau milieu de notre querelle, survient
cette charmante ennemie ; elle tenait à }a main
un numéro du Morning-Herald, et venait; nous
dit-^lle, .-donner à miss Anna des explications re
voir notre numéro du 9' décembre!
Toute reprodnclion, même partielle de cet ouvrage,
est interdite, ei serait poursuivie comme contrefaçon.
lativement à un article qu'elle y avait lu quel
ques instans avant.
« Le foyer de Covent-Garden,—portait cet ar-
» ticle, —« était hier au soir fort ému par les
» commentaires de tout genre auxquels don-
» nait lieu la nouvelle de flagrantes hostilités
» survenues entre nos deux reines de la tragé-
» die. Transporté pour miss Oldfield d'une admi-
» ration sans égale, l'opulent étranger qui se
» montre pour tous Éos artistes un protecteur
» si éclairé, serait venu prier la belle comé-
» dienne de lui faire la grâce d'accepter en tout
» bien tout honneur, un splendide appartement
» qu'il a fait disposer dans son hôtel & son inten-
» tion. En apprenant cet éclatant hommage ren-
» du au talent d'une rivale, miss Wolfington,;
» jetée dans le désespoir, aurait' juré de faire
» obstacle à la munificence de l'opulent étran-
» ger; dans ce but charitable, elle serait allée
» trouver sir Charles F..., personne qui peut
» • prétendre à quelque droit de surveillance sur
» les démarches de miss Oldfield, et.elle lui au-
» rait si bien persuadé la haute inconvenance de
» la proposition qui était faite à, sa protégée, que,
» dans la journée, une rencontre aurait eu lieu
» entre le marquis de S... et sir Charles F...
» Dieu merci 1 aucun malheur n'est résulté de
» ce combat, où paraît cependant être restée sur
» la place la généreuse intention dont miss Old-
» field avait été l'objet ; c'est au moins ce que
» disait ce soir miss Wolfington à qui voulait
» l'entendre, en se félicitant d avoir su main-
» tenir entre elle et sa rivale le pied d'égalité
% auquel on avait essayé -dé porter atteinte par
» une malencontreuse distinction. » .
» L'attitude qu'avait choisie pour ce jour-là
Miss Wolfington, c'était celle d'une bonne et
èxcellente camarade, venant réclamer contre un
tissu de mensonges et de calomnies. Mais, au
fond, le but de sa visite était de savoir au vrai
ce qu'il en était de la munificence prêtée par le
journal au marquis de Samaniego.
»■ Miss Oldfield n'avait de garde de laisser
-ignorer à sa curieuse amie- la vérité du fait
qu'elle était venue constater ; elle se hâta donc
de lui répondre qu'en effet un appartement lui
était offert à l'hôtel d'Ancasler, et elle ajouta que
la meilleure réponse à faire aux véridiques infor
mations du journaliste, c'était l'intention où elle
était d'aller, dans la journée môme, occuper ce
logement d'honneur.
» Sur ce, et après quelques propos, où, au
milieu des protestations d'une amitié et d'un dé
voûment inaltérables, l'aigreur et l'ironie étaient
à tout moment sur le point de déborder, les deux
émules se séparèrent, et dès-lors je n'eus plus
qu'à courber la tête, car l'amour-propre de miss
Oldfield était alors engagé dans la question, et ce
n'est pas contre une force pareille que j'aurais
essayé de lutter. . . . . . . ,
• « • • • • • » » « " • •
» Une fois ma belle amie installée au domir
cile du marquis, je dois dire que celui-ci fut
parfaitement convenable. Il célébra sa bien-ve
nue par un banquet, où je fus invité avec les
dandies les plus qualifiés de Londres ; et dans
celte occasion il s'étudia, et parvint, avec un
rare bonheur dé pensée et d'expressions, à assi
gner publiquement à ses rapports avec miss
Oldfield leur véritable caractère, c'est-à-dire
celui d'une admiration enthousiaste qu'il avait
pour 5on talent, et dont elle avait daigné accep
ter une éclatante manifestation.
» Laissant d'ailleurs sa belle locataire vivre à
sa guise, loin d'abuser du voisinage, il eut soin
de ne se présenter chez elle qu'aux heures où il
avait la chance de se trouver en tiers avec moi,
et poussa même la discrétion jusqu'à s'en faire
reprocher l'excès. Sur le chapitre des cadeaux,
il ne fut pas d'une réserve moins admirable, et,
s'il en risqua quelques-uns, ce fut toujours en
ma présence, et en leur trouvant ordinairement
un spécieux prétexte. Tantôt, dans les costumes
de la tragédienne, il' avait remarqué quelque
chose de "reprochable du côté du bon goût ou de
la richesse, et il demandait, humblement la per
mission d'aviser k ces imperfections; tantôt, ve
nant le lendemain d'une représentation, il avait
trouvé, là veille, letalentjde miss Oldfield si écla
tant et tellement inimitable ; elle s'était élevée à
-une telle hauteur, et lui avait procuré de tell s
émotions, < que, mortel reconnaissant, il venait
t> déposer sa modeste offrande sur l'autel delà
» déesse, sans jamais espérer d'acquitter conve-
* » nablement la dette de l'admiration dont il était
» comblé. »
» Dans une autre occasion , me prenant à part
et témoignant par les détails circonstanciés dans
lesquels il entra, avoir du secret de mes affai
res qui commençaient alors à être fort déran
gées, une connaissance aussi parfaite que moi-
même, il m'offrit généreusement de s'entremet
tre pour les rétablir, et ce n'est qu'à grand'peine
que je me dérobai à son généreux empressement.
Bref, dans notre relation, tout allait à merveille
et j'en étais à me reprocher les scrupules par
lesquels j'avais d'abord voulu me tenir éloigné
d'un homme si généreux et si convenable, lors
que pourtant à notre tranquille horizon parut
s'élever un nuage..
h * Un malin, nous venions, le marquis et moi,
d'arriver chez miss Oldfield ; tout-à-coup celles
ci, sans autre préambule, demande à son hôte si
la grande familiarité dans laquelle il est avec
les esprits ne ferait pas courir quelque danger à
ceux qui habitent sous le même toit que lui ?
» Sur le chapitre de la Cabale, le marquis se
laissait volontiers railler, mais jamais pour son
compte rl n'entrait dans la plaisanterie. Par un
inexorable sérieux il maintenait la sincérité de
Sa conviction à l'existence d'un monde invisible
et ne manquait jamais une occasion de faire acte
de foi à cette espèce de religion.
» Non conlent de témoigner, par sa parole,
par ses actions aussi, il se montrait un adepte
empressé. Ainsi on le savait engagé dans de
fréquentes conférences avec les Svedenborgistes
: ou disciples du théosophe Svedenborg, qui de-
puis plusieurs années avaient obtenu à Londres
la tolérance de leur culte. Il fréquentait leurs
chapelles et était un. des rares abonnés de leur
journal the New Jérusalem Magasine (Recueil de
la nouvelle Jérusalem).
» Lors donc que miss Oldfield lui eut posé la
question à laquelle il était sommé de répondre,
il s'enquit avec une curiosité pleine de sérieux,
de la portée, qui devait être donnée aux paroles
' de la charmante miss; à quoi celle ci repartit
que, la huit précédente, il s'était passé dans sa
chambre quelque chose de fort peu rassurant.
— Mais quoi encore ?—-demanda le marquis,
— car il faut s'expliquer.
— Je venais de m'éveiller, — repartit miss
Oldfield,—et j'avais compté deux heures sonnant
à l'horloge de l'hôtel, quand il me semble enten
dre fort distinctement marcher dans ma chambre.
Naturellement, je demande qui va là? A ma
question pas de réponse. Cependant le bruit ces
se, et j'arrive k penser que j'ai rêvé ; mais, un
quart-d'heure après, au lieu d'un bruit dé pas,
je suis parfaitement sûre d'avoir entendu un sou
pir. Alors je sonne à tour de bras ; ma femme
de chambre arrive avec de la lumière, et, après
les recherches les plus minutieuses, nous trou
vons...
» Ici comme miss Oldfield s'était arrêtée :
— Vous trouvez?—demande le marquis.
— Rien,-r-réplique «n souriant miss Anna,—
mais je n'en jurerais pas .moins que cette nuit on
a marché et soupiré dans ma okambre, et vous
m'en voyez encore un peu émue.
— Dans tout ceci, — repartit Samaniego, —
une supposition est fort vraisemblable, c'est que.
vous avez eu ce que j'appelle un rêve éveillé,
c'cst-k-dire que vous étiez dans cette situation
mitoyenne entre le sommeil et la veille où l'on
a, en quelque sorte, conscience des deux états,
lesquels sont momentanément dans un équilibre
trop parfait pour faire penchsr la balance de l'un
ou de l'autre côté : ainsi vous aurez rêvé les
pas ; puis après, rêvé le soupir ; voilà pour la
donnée humaine ; pour ce qui est de l'interven
tion du monde surnaturel, je ne réponds-de rien,
et ne me charge de rien expliquer; mais le mon
de surnaturel, miss Anna, vous n'y croyez pas.
— La chose, — repris-je en intervenant, ■■-i-
n'en est pas moins 1res extraordinaire.
— Quelle chose ? — repartit sèchement le
marquis,— que miss Oldfield ait eu un songe?
— Non ; mais si, comme elle l'assure, elle
n'a point rêvé... quo l'on puisse subrepticement
s'introduire dans sa chambre.
— Ah ça mais ! mon cher, — me dit Sama
niego avec impatience,—avant d'aller d'abord
au fond d'une mauvaise pensée que j'entrevois
très bien, il faudrait vous arrêter à l'idée encore
possible d'un voleur; car une maison a beau
être bien tenue et bien gardée, un malfaiteur
peut s'y introduire. • )
— Soit; mais il ne s'évanouit pas comme un
sylphe.
— Voyons, je suis soupçonné en règle,—s'é
crie Te marquis en se levant avec vivacité, ~
alors, mon cher Monsieur, vous allez venir avec
moi faire la visite de cette chambre; nous y re
tournerons tout, morbleu, et si quelque passage
secret y existe, il faudra bien que vous le trou
viez.
» Lk-dessus, il passa impétueusement dans la
chambre k coucher de miss Anna, où nous hé
sitâmes un moment k le suivre ; cependant, en
l'entendant remuer les meubles et mettre une
bonne foi singulière à tout bouleverser, miss An
na craignit, en effet, d'avoir donné pour un
fait réel, une erreur de^essens. Au moment où
nous entrâmes dans la pièce suspecté, pour l'y
rejoindre, nous le trouvâmes arrachant et met
tant en pièces la tenture du lit, qui était d'un
magnifique satin de Chine.
» Eperdue comme une femme qu'elle était/en
voyant la destruction dont étaient menacées ces
belles étoffes, miss Oldfield lui cria qu'ellë était
maintenant sûre de s'être laissée aller k une sotte
imagination, et que la preuve qu'il prétendait
donner en mettant à nu tous les murs deTappaN
tement, était complètement inutile.
s Lk-dessus, le marquis se calma; niais néan
moins, il exigea que je me livrasse avec lui à
l'examen le plus minutieux de tous les coins ét
recoins de l'appartement. Cela fut fait sans «pie
rien de suspect eût apparu :
-—Miss Anna!—dit Samaniego,— je ne dirai
pas que j'exige, car je n'ai pas le droit d'exi
ger; mais, au nom de ma probité si étrangement
soupçonnée, j'ose vous supplier d'abord de chan
ger de chambre, et ensuite de ne dormir qu'avec
une veilleuse allumée et votre femme de cham
bre couchée dans la même pièce.
Je ne changerai pas de chambre,—répliqua
miss Anna,—ce qui serait vous faire, injure, moii
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