Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1848-07-26
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 juillet 1848 26 juillet 1848
Description : 1848/07/26 (Numéro 208). 1848/07/26 (Numéro 208).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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i.
V
NUMEEO 208,
*ass: sb s'iE-aaranE ^saf» i -
PARTS.
DÉPART.
£l&/U(C<
TROÏS MOIS
8 F.
il F.
14».
SIX MOIS
M
33,
£8
EN AN-..
83'
16 .
tes abonneaiens datent de» i" et ltsds chaque moil<
BUREAUX A PARIS :
Rut du £4 Février, 16 (ci-dsrant d* Vgloil).
«On fibon&o dan* I m déparUmatu, aux iB9Mi|!«rie* «I «*X
ratlofe» 008 postes.--A Londres, chai StM.'CoisU »t fUt t Saint*
ia.-w. — A Sirtstourgi «lira Aléjtm&rty paurPAU«MfM<
fTadmssr franco, pour la rédicti.*n ;
k ». mhiikuau , gérant.
Lu «rliolej dipaiâs ne seront t > m tenflns.
v -d i';>
. 1 . t-1 ■ . ;. ..
. «■*■ / s» I
Va.CS BS t'AEttMKMKïyHf.
TROIS «OÙ l
8IX MOIS.........
ON AN .......... »
PARIS. jDBP4tiT.
ÉTRANS.
18 ».
^al politique, littéraire, universel.
8 F. ! ltF.
m ■ i,.-sa
32 I 44
Loi abonnamens (Jattjriî dts? i« r et i S de chaque icoif*
BUREAUX A PA11I9 :
Ru* du 5M Février, iî ( ci-devmtde Taloiif -
EU« annonce* «ont reçue» au bureau du Jounu'J
de 11 * 4 benrM.
Tadr»«ar franco, p«ar l'admij iltritioa,
à mu nom», directeur.
PARIS «'Si $ JUILLET.
On pré t«n d que la com mission ehargéed'exa-
miner îo projet de loi smc la presse, incline à
substituer à ia garantis pécuniaire du cauj-
lionnement, tma responsabilité' personilellp
qui pèserait à la fois sur lé rédacteur en chefi
sur l'auteur des articles incriminas et, en cert
ains cas, sur l'imprimeur. Voici les disposi
tions imaginées par M. Duprat, qui, suivant
ce que rapporte un journal sans trop, y croire,
gagnent du terrain dans la commission. ~ .
La déc'aration qui doit précéder la publi
cation de toutjournal, doit en faire connaît
tre à l'autorité le rédacteur en chef.-r-^Les
manuscrits des divers articles, signés par leurs
auteurs, sont remis entre les niains de l'im
primeur, qui est t<>nu de les comrjnuniquer à
la justice sur réquisition du ministère public»
—Le rédacteur en chef sera toujours poursuivi
en même temps que l'auteur de l'article.'in4
crirainé.—Tout écrivain qqi emprunterait le
-nom d'un autre po#r se dérober à 1$ respon
sabilité de ses œuvres, serait.puni, ainsi 'que
6on complice, de la perte des droits civiques^
pendant un temps qui pourra être porté'jus -r
qu'à- cinq ans.—Tout journal qui aùra été
condamné trois fois pour supposition de si-f
gnature, pourra êtresupprimé.—Toutarticle
non signé, qui donnerait lieu à ,des poursui
tes, entraînera contre le rédacteur en chef et
l'imprimeur, une peine'qui pourra être égal?
à celte dont serait passible l'auteur de l'article!
—Moyennant ces dispositions nouvelles, tou
tes celles qui,dans les lois antérieures,sont re
latives au cautionnement et àia responsabili
té du gérant, seraient supprimées.
Nous ne savons si ce projet a fait effecti
vement le progrès dont on parle, dans l'esprit
de la commission ; mais, sans prendre plus
amples renseignemens, il faut lui barrer Je
chemin. Mieux vaut encore se battre contre
des moulins à vent, que de laisser s'avancer
contre nous un si dangereux ennemi. C'est
par respect pour la liberté, nous n'en dou
tons.pas, qu'on supprime le cautionnement;
auquel on reproche de rassembler à une me
sure préventive. Merci de, l'intention! Mais
le cautionnement est, selon nous, moins pré
ventif que l'effrayante inqaisition par laquelle
on le remplace, et que la responsabilité per-
6oaûclla et corporelle en partie double et mèj
me en partie trip'e, organisée^r le décret dq
M. Duprat. Car cet ptrange droii.de la poUçej
; de venir inventorier des ÊÎgnatyre^.dpis les
bureaux d'un journal, c'^st en vérité V extr
adée transporté durégimEsides boissons dans
le domaine de la pensée..''Aii nomitfei'ladi4
gnité des'lettres*, n'exercez pas les écrivains,'
; donnez-leur au moins la faculté qu'on aci
corde aux c^bareti rs, celle de l'abonne*
ment. Ceux-ci paient une somme convenue
pour se dispenser de la visite. .Quel journal,
pour n'être pas visité, ne s'abonnerait au
cautionnement?
Comparons les deux systèmes. La presse
cautionnée, dira-t-on, était en harmonie avec
l'électoratcensitaire. Mais,sous lerégimerépuT
blicain, il faut que le droit de prédication soit
universel comme le droit de suffrage. A quoi
nous pourrions répondre que le National lui-
même ne regarde pas le suffrage universel
comme le mode'définitif, et nécessaire pour
l'élection des, représentai sous la Républi
que. C'est ce qu'il déclarait il y a deux jours.
Si donc on accorde qu'il puisse être exigé une
certaine garantie pécuniaire pour le droit de
voter, à plus forte raison doit-on l'accorder
pour le droit de parler tous les jours à l'opi
nion publique dans un journal. Le premier
de ces droits est tout personnel , et n'intéres
se que la conscience de l'individu. En exer
çant le second, on se propose d'agir sur les
autres, et on peut compromettre ou la paix
publique ou les intérêts et l'honneur des
particuliers. Est-ce chose injuste que d'atta
cher à ce droit redoutable l'obligation de
fournir une certaine caution? Le député qui
parle du haut de la tribune est moralement
cautionné par les électeurs qui l'ont nommé.
Le prêtre qui parle du haut de la chaire est
moralement cautionné par l'église qui lui a con
fié le saint ministère de prédication. Le jour
naliste seul, qui parle du haut d'un journal,
n'a pas de répondant morah li ne relève que
de soi, il n'y a rien d'exorbitant à- lai de
mander une garantie pécuniaire.
Si le cautionnement était abusivement éle
vé, ce serait une mesure préventive. S'il est
contenu dans de justeslimites, ce n'est plus
que l'hypothèque nécessaire pour assurer les
droits de la répression. Il y a des délits en
vers les particuliers qui ne peuvent (itre effi-
. çacement réparés que :par desdommages-in-
térêts. La diflamation n'atteint pas seulement
l'hommedansson honneur; elle petit l'attein
dre aussi dans sa fortune, dans son crédit com
mercial. Quand tin journal a causé à uh-itï-
divido qn préjudice matériel, l'homme le .plus
•honorable est autçriséà demander et à; accept
. tpr une réparation matérielle. Sans caution}-
nement, cette;réparation est impossible ou;dù
moins peut devenir' illu.-oire, car le journal
coupabte de'l'attaque'et passible de l'amende
ou des dommages-intérêts, peut échapper à
la peine pécuniaire par son insolvabilité. Si ; ,
pour répondre' à cette objection,' oh rendàit
l'imprimeur.solidaire de la condamnation, dé
trois choses l'une : ou il serait exposé à être
coupable sans le.savoir ; ou il prendrait un
droit de censura sur le journal ; ou il e^ir
gérait, pour se couvrir, le cautionnemént
que la loi n'exigerait pas. Ce serait le sys
tème du cautionnement au second degré. J^e
cautionnement modéré, -tel que le' propose
le projet primitif, est un système sensé, pra
tique, qui est une garantie sans être une en
trave. Quel journal, s'il représente une opif
nion un peu répandue, ne se procurera le
cautionnement? Celui qui aurait si peu de
crédit auprès des capitaux,, en mériterait-il
beaucoup sur les esprits. ? ' ' ' '
Passons au systètne de-M. Duprat. Sous
prétexté de démocratiser là presse 1 affranchie
du cautionnement,; il la soumet à'une préven
tion, plus efficace ,par l'intimidation solidaire
qu'il exerce sur. ie rédacteur en chef, les.écrif
vaiqs. et l'imprimeur. "Pourquoi d'abord cç
luxe, ce double et triplé emploi de respon
sabilités? Vous voulez un rédacteur en chef
qui se déclare officiellement endetta qualité,
préalablement à la publication du journal
Eh bi»n ! voilà le vrai répondant. Pourquoi
rechercher les auteurs des différens articles?
Le rédacteur en chèf qui les a lus, ces articles,
qui les a modifiés, qui en a atténué ou ag
gravé la culpabilité, se les est appropriés. Il
les a faits siens. S'il y a délit, c'est son délit.
Qce si, au contraire, vous exigez, ce qui est
intolérable, que chaque écrivain signe sc$
articles, et qu'il vienne en réppndre devant
la justice, pourquoi associez-voils toujours le
rédacteur en chef dans.la poursuite? Il vous
faut deux coupables au lieu d'un. Vous êtes
bien avides. Est-tee pour eh finir plus tôt avèc
lë p rfonnel des écrivainsj que voius' voulez
des poursuites, des condamnations, et des em T
prisonnem^ns par couplés ? Et si par hasard
l'auteur de l'article se cache sous un,faux
nom, s'il y asubstitution de personnes, làen-
core yous saisissez deux délinquans. Mais le
: moyen de fa, re la preuve ? On compare les écri-
tnr< 8 aux écrivains. InU r.viennent les experts
ass rmentés, qui font copier des exemples
aux prévenus; et mettent en parallèle les li-
gnes tracées à l'audience avec les manuscrits
du journal. Quel éclatant procès de presse!
Autre anomalie} Si l'article poursuivi n'est
pas signé, encore deux coùpables l liiïëdac-
t»ur tn chef d'abord, et puis, le croirait-on?
le pauvre imprimeur. Il faut que ce chefd'in -r
dustrie, qui a souvent des travaux si divers
et si multipliés à surveiller, vérifie si le ma-
nuscrit de chaque article porte la signature
de l'auteur, semblable à ces contrôleurs du
trésorqui épluchent les mandats de paiement.
Que deviendrait. la presse sous un tel régi
me? Tout journal sera pour ainsi dire livré
à l'anarchie. Ce qui fait aujourd'hui l'unité
de direction et de pensâe dans chaque jour
nal, c'est l'unité de responsabilité. Le gérant
est seul responsable devant la justice ; il fait
facilement accepter son pouvoir et son con
trôle. Mais du moment où tous les rédacteurs
sont responsabl. s, tous ont des droits. Le dé
cret introduirait dans la rédaction des jour
naux une source de conflits. On n'a certai
nement pas conçu l'idée machiavélique de
diviser la rédaction des journaux pour l'em
barrasser et l'affaiblir ; mais on produirait ce
résultat sans le vouloir et sans le savoir.
■ ' Ce n'est pas tout :nn journal n'est pas seu
lement l'organe et le propagateur, d'une doc-
trinè politique, il n'est pas seulement ouvert
à ses écrivains ordinaires, il l'est aussi aux
citoyens qui, ont de justes griefs à exposer, fcon-
tre les dépositaires de l'autorité publique -Il
est l'écho de? pla ntes qui Iqi paraissent légi
time». Sous le précédent régime, c'est sour
vent par des communications dues à des per
sonnes étrangères à la presse, que le's jour
naux ont eu connaissance d'une foule d'ac^
tions condamnables commise^ par les agens
du gouvernement, et qu'ils ont été mis à
même de les révéler à l'opinion publique pour
qu'elle les punit au moins d'une flétrissure nio-'
raie.. Ces communicationsentrela piresseet les
citoyens, répandus sur tous les pdinté ùd ter-;
ritoire, lui. donnent le moyen d'étendre un;
contrôle utile sur l'administrât on tout, qn-,
tiçre. M jms ; chaque'josmftl prend le responça -j
biltté de.ces .révélations qu'ilidoit à d'autres.
Dans le système de répression qu'on propose,
les personnes qui nous écriraient pour nous
faire conraître des abus, seraient obligées de
rendre ce service à leurs risques et périls. Ou |
il nous faudrait détruire leurs l ttres,et, faute
de les pouvoir reproduire, condamnation,du (
rédacteur en chef et de l'imprimeur; ou; il!
faudrait conservèr leurs manuscrits, et ces cor-
réspondans volontaires, parfaitement étran
gers à la presse, se trouveraient compris, avec
le rédacteur en chef, dans un procès de presse,
aussi souvent que leurs rapports auraient pro
voqué nne descente de la police dans nos bu
reaux ou dans la collection de nos minuties.'
Certainement, sous un tel régime, les ci
toyens seraient bien .plus sobres d'informa
tions pour les journaux, et les prévàricalions
administrative?, s'il y en, avait, jouiraient; de
plus dé sécurité. Nous voulons croire qu'il y
aura moins d'abus sous là République qu'il
n'y. en a eu pendant les dernières annéçs 'du»
régime, déchu. Mais on ne saurait garantir la:
pureté i universelle des agens de l'autorité à
tous les degrés; de la hiérarchie. Qui oserait
cependant nous.adresser!des plaintes, si Jes,
lignes,signées de sa main devaient rester dans :
nos archives,-condamnées à être livrées, sur
première réguisitioq. aux fouilles de la po
lice? Aujoçrd'hui on ne trouverait chez nous
qu'une collection iknprimée; sous la législa
tion de M; Duprat, on : trouverait une collec
tion de manuscrits signés qui se transforme
raient en pièces de conviction contre leurs,
auteurs. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, nots tom
bions sous un pouvoir violent et proscripteur,
les archives des journaux fourniraient une
liste de proscription toute faite.
Concluons que la législation du .caution-!
nement modéré est infiniment ^plus libérale (
que le système dés responsabilités en partiel'
double, et de la conservation des manuscrits.
—-smoo-
La situation de l'Irlande s'aggrave tous les j
jours, et l'on ne peut guère espérer que l'été i
linissvsans une collision. L<* résultat en est
facile à prévoir; mais les chefs du mouve
ment se sont trop avancés pour reculer*
maintenant; ils sentent" qu'après les outrages i
dont ils ont poursuivi la mémoire d'O'Co^-
nell pour son aversion, pour i l'emploi de la
force, après leurs prédications, et ; on peut
dire leurs fanfaronnades de trois mois, ils
seraient perdus à jamais dans l'opinipn de la
multitude, s'ils faisaient un pas en arrièro. ,
Presque tous,'d'ailleurs/ sont sous le coup i
de poursuites judiciaires^ et comparaîtront
d'ici deux piois devant ie jury; si l'agitation :
s'apaisait, si la crainte des vengeances ne
pesait pas ^ur les jurés, -tis seraient certains
d'être condamnés et d'aller expier aux Bâr-
muiies le mal qu'ils Qnt 'fpt à leur, pays. >
, L'amour-propre et l'intérêt personnel s'u
nissent donc pour entraîner les agitateurs ir- ,
landais à une tentative désespérée. Ils font èn !
ce moment les derniers efforts pour commy- |
niquer à la masse de la population la fièvre
insurrectionnelle à laquelle est en proie la
population de quelques villes. Ils ont rejeté le
masque de légalité dont ils s'étaient couverts :
quelque temps ; les journaux de l'insurrection
se débitent malgré la police ; les numéros sai
sis sont réimprimés et'distribués; desprocla- ;
mations incendiaires et provocatrices, suffi
sant à elles seules pour constituer-les crimes
de félonie et de trahison, sont placardées dans
les villes, signées du nom de leurs auteurs.
Les confédérés, comme ils s'appellent, ont
à leur tête un conseil de vingt-un membres,
qui s'assemblent sans jours fixes, alternative
ment chez l'un ou chez l'autre. Dans ce nom
bre quinze à seize ne sont.que des orateurs de
carrefour, dont la mission est de parcourir le
pays pour haranguer les meetings, ou des
gens inttuens sur les corps de métiers. La di
rection réelle du mouvement réside entre les
mains de cinq à six personnes les plus consi
dérables du parti par leur rang dans la socié
té. et leur réputation. Le pins important de
tous est M. Smith O'Brien, possesseur d'une
grande fortune et dont la famille passe popr :
descendre des dertners rois irlandais : après :
lui viennent M. Meagher, M. Magee, puis i
MM. Duffy, .Martin, Lalor et Brenon. Le par
ti, compte sept à .huit de ses membres dans . la .
chambre des communes, mais tous évitent de
se mêler aujourd'hui au mouvement.
Aux sept comtés qai avaient été déclarés"
enéM it siège, lordClarendo» vient d'a
jouter,. par une proclamation, la ville et le
; comté ^e Kilkenny, le comté de Meath, la
baronnie de Decies et plusieurs baronnies dlu
comté de Cork. Le3 autorités de Waterford,
de Clonmel, de Roscrea et de 'plusieurs au
tres villes ont fait demander à Dublin un
renfort de garnison et du canon. A Cork, la
: proclamation de l'état de siège a causé une
certaine fermentation 1 ; la population a hué
les troupes qui entraient dans la ville, ame-
nant avec elle3 du canon. M. Doheny , dont
nous citions, il y a quelques jours, un article,
va comparaître devant le jury de Nenagh, le
2 août. 6,000 confédérés doivent se rendre
en armes à Nenagh le jour du procès, "afin
d'exercer une intimidation sér ies jurés; et
les meneurs annoncent que dans le cas 'où Mj.
Doheny serait condamné, on attaquerait l{i
prison pour le délivrer, en dépit des 400 hom
mes de la garnison. ;
Les chefs des confédérés n'hésitent pas à
dire et : .imprimer qu'il faut massacrer les
soldats anglais, seul rempart de la tyrannie,
et que le peaple irlandais sera déshonoré et
. stigmatisé dans l'avenir du .nom de lâche, s'il
ne saisit l'occasion qui se présente de secouer
le joug de l'Angleterre. Nous avons donné des
échantillons de discours prononcés dans les
meetings; voici quelques extraits des : procla
mations que les chefs du mouvement font af
ficher daps les villes d'Irlande. M. Guvop
Dully termine ainsi la sienne qu,i est la,pius
modérée detoutes : j.i
« A bas le système qui nous régit; vieil édifice ver-
émoulu , qui ne psut se soutenir, mais miséricorde
"pnur les hommes qui soutiennent l'édifice. Hommes
d'Irlande, puisque la Providence le veut ainsi, soyéz
les instrumens de la volonté divine : aopelés à être
les martyrs de la liberté, montrez-vous dignes de cette
noble et sainte mission! Quant à moi, j'aimerais
mieux, mille fois être envoyé par un jury vendu loin
de ma patrie, que de la voir réduire au triste rang
qu'on lui destine, et je ne maudirai pas le jour qui
éloignerait de mes yeux ce spectacle navrant. » :
M. John.Martin fait un appel direct à l'in
surrection :
« Allons, à l'œuvre ; affranchir l'Irlande^ tel est no
tre devoir, et pour le remplir, rien ne nous doit coû
ter. Amis, ne vous laissez pas effrayer par ces 40,000
machines de destruction (les soldats de la garnison),
qui s'apprêtent à faire de vous une boucherie, à vous
tuer sur le sol de la patrie, pour le crime de la trop
aimerï Aux armés! mieux' vaut la mort;une mort
sainte et g'o.ieuse, qu'une vie déshonorée ! »
, , M. James-F. Lalor est encore plqs explicite :
> * TJÎie seule question aujourd'hui, c'est celle de sa
voir comment on pourra détruire ces 40,000 hommes
armés qui ! portent la livrée et qui sont au service de
l'Augleterrê. Eh bien l aux armes I combattons dès
,septembre) si nous le pouvons, plus tôt s'il le.faut ;
mais qui commencera ? qui frappera le premier coup,
qui cueillera la première palme, celle palme dont la
fraîcheur ne sera jamais flétrie? » ',
Un autre des chefs des confédérés, Joseph
Brenon, se déclare aussi pour l'insurrection
immédiates „ ■ _ ..j.
- *~rrx t*— » + ^ - 4
« Aux armes! aujourd'hui ou jamais, aujourd'hui
pour toujours. Mais, direz-vous, nous ne sommes pas
prêts ! Le serez-vous jamais plus et mieux? Pour
moi, je ne,le pense pas, et je suis de ceux qui
croient que le mieux serait de subir notre destinée
s'ir-le-champ, et d'être libres dans la mort,sinous ne
pouvions pas vivre libres. 1 >>
Le langage des journaux n'est pas moins
violent. La Nation, après avoir appelé aux
armes jusqu'aux enfans de quinze ans, con
tinue ainsi v
« Le casus Mli est arrivé : c'est une lutte de mort
qui s'engage entre le meurtrier et la victime : Frappe !
frappa! Levez-vous, Irlandais, Dieu le veut ! L'armée
de la ligue grossit tous les jours i Le peuple doit se
tenir prêt k agir;—Si Meagher l'avait voulu, il aurait
amené contre-la garnison de Dublin, les hommes de
Tipperary aux larges épaules, les hommes de Lime-
irick, à la; bravoure impétueuse héréditaire, les hom
mes de for de Cork, les sans-peur de Kilkenny. ani
més de l'esprit de 98. » , ,
L'Irish Félon n'est pas moins violent que
la Nation ; et les agens de la police ayant
voulu empêcher la vente de ces deux jour
naux dans les rues ont étébaltus et dispersée.
Les crieurs ent pénétré de force dans les bu-
reauxj ont enlevé les exemplaires et le? ont
débités dans Dublin en dépit des autorités.
On annonce en outre la prochaine appari
tion d'une nouvelle feuille sous le titre de
Neuogat•. Calmdar, journal, politique, milir
taire et félon, édité par divers individus déte
nus à Newgate. Ce titre est une allusion aux
cinq propriétaires ou rédacteurs de journaux
qui ont été emprisonnés à .Dublin. Le pros
pectus annoncé que le nouveau journal pu
bliera des détails intéressàns sur la manière
de se battre dans les villes, sur la guerre de
guérillas, sur le génie militaire, sur la fabri
cation des munitions de guerre. Il sera donc f
à la fois le Moniteur,et le manuel de l'Insur
rection. ~ \ ' ^ '
On voit que le ministère anglais a de justes
motifs d'inquiétude i il ne faudrait pfts cepen
dant se les exagérer. L'agitation actuelle est
un feu de paille qui s'éteindra promptement:
elle exîsle à la superficie, mais elië n'a pas.pé-
nétré les masses. De tout temps, on à brûlé en
Irlande l'effigie des minisires anglais, comme
on vient de brûler celle de lord John Russell;
de tout temps, on y a fabriqué des pique .3, on
y a insulté et battu les agens de police, qui ar-
rachai.entlesproclamations séditieuses. Il faut
en outre tenir compte de la mobilité du ca
ractère irlandais, et ne pas oublier que M.
Meagher et M. Smith O'Brien, qui sont au
jourd'hui l'objet de l'idolâtrie de la populace,
ont été, il y a moins de trois mois, en butte à
tous les outrages dans Limerick, et en danger
de perdre la vie sous les coups de cette même
populace qui se presse sur leurs pas.
Les véritables chefs de l'Irlande, les me-,
neurs de l'association du rappel sont et se
tiennent en dehors du' mouvement qu'ils dé
savouent hautement.. Un très petit nombre
de membres du clergé se sont associés à la
campagne insurrectionnélle de M. Meagher;
la très grandé majorité ou demeure silencieu
se ou condamne hautemént cette propagande
insensée qui ne peut aboutir qu!à des catas-
trophes. L'agitation n'a de racines que dans
les dernières classes de la population, et elle
n'a pris des proportions vraiment sérieuses;
que dans les comtés de Waterford et de -Tip
perary, où il y aura sans doute une explosion.
A Dublin même, où l'on n'a rien épargné
pour enflammer la population, où la presse
a infiniment plus d'action que daps le reste
de l'île, le nombre des clubistes armés ne dé
passe pas trois mille. Le conseil de la confé
dération, qui avait nourri un moment l'es
poir de donner de Dublin le signal de l'insur
rection et de s'emparer de la capitale par un
coup de main, a dû renoncer à toute espé
rance. Il a décidé qu'on n'opposerait au dé
sarmement qu'une résistance passive, et com
me la police a procédé aux perquisitions avec
infiniment d'activité et de soin, les clubistes
en sont réduits à faire sortir leurs armes de
Dublin pour ne pas les voir confisquées, et le
désarmement de la capitale sera bientôteom-
plet.
Le gouvernement anglais peut corrptefr
sur l'appui énergique de deux millions de
protestans qui sont concentrés dans les gran
des villes et dans le nord de l'île, et qui sont
fortement organisés. L'absence volontaire de
presque toute la députation irlandaise, le jour
où s'est discutée la, suspension de Vllabeas
corpus , indique assez que la 'masse de la po
pulation n'a nulle intention de paralyser l'ac
tion. du gouvernement, Enfin il y a déjà en
Irlande^ quarante-cinq mille hommes; et sur
la côte d l Ecosse et d'Angleterre quinze millç
hommes sont prêîs "a* passer en îrlandle au
premier signe du télégraphe. La seule garni
son de Dublin va être renforcée d'une batte
rie d'artillerie et de cfuatre régimens d'infan
terie. *
On peut donc dire qqe jamais insurrection
n'eut moins de chance de succès. L'Angle
terre est tranquille, son gouvernement a la
libre disposition de toutes ses forces, et' une
moitié de la population irlandaise est prête à
accabler l'autre. On ne peut donc trop déplo
rer l'égarement des insensés qui sans but,
sans résultat possible, et malgré le désaveu
de presque toute la population, veulent jeter
leur pays dans la guerre civile. Tout le mon
de comprend qu'une insurrection ne peut
conduire qu'à l'extermination de ceux qui y
prendront part, et qu'elle fera perdre à l'Ir
lande une partie des conquêtes d'O'Connell, en
obligeant le gouvernement anglaisé la re-
p acer sous le régime militaire. L'Angleterre
a déjà fait dans ces trois dernières années
d'immenses sacrifice en faveur de l'Irlande, le
ministère anglais, qui.sait quelle dette effroya
ble pèsé depuis des siècles sur la métropole,
était prêt à imposer de nouveaux sacrifices
au parlement, et il était entré franchement
dans la voie des réparations. L'agitation in
sensée dont MM. Meagher et Smith O'Brien
ont pris l'initiative, est venue, en compliquant
la situation de l'Angleterre, paralyser la
bonne volonté du ministère et aggraver les
'maux de l'Irlande. La patrie d'O'Connell ne
tardera pas à .apprendre par une cruelle ex-
périence toute l'étendue de la perte qu'elle a
a faite dans ce grand homme à qui la'Jeune-
Irlande s'apprête à faire de sanglantes funé
railles.
| • La séance de l'Assemblée nationale a été
'coEsacrée tout entière à la loi les clubs.
Personne n'ayant domandé la parole sur la
discussion générale, l'Assemblée a passé im
médiatement à l'examen des articles. Pres
que tous ont été votés sans grande difficulté :
en présence des abus dont Paris'a eu le spec
tacle pendant quatre mois, et des conséquen
ces déplorables que ces abus ont entraînées,
personne ne pouvait contester la nécessité, de
régler l'exercice du droit de réunion de façon
à concilier la liberté du citoyen avec la sé
curité nécessaire à la société.
Seulement le Gouvernement et la commis
sion,.dans leur désir de rendre impossible la
formation des sociétés secrètes, ont adopté
un dispositif d'une telle rigueur, que les réu
nions les plus inoifensives pourraient être in
terdites. L ? article du projet va fort au-delà
de la .législation de l'empire et de la restau
ration, au-delà de la loi de 1834 qui exemp
tait de l'autorisation et mettait à l'abri des
poursuites lés réunions au-dessous de vingt t
personnes, i
M. Senard, ministre de l'intérieur, a dé-
c aré franchement que cette disposition de la
loi de 1834 avait eu pour effet de fractionner
les sociétés secrètes en sections de dix-neuf
personnes , et qu'il voulait prévenir l'emploi
d'un pareil subterfuge. Deux membres de
l'ancienne chambre des députés, M. de Eal-
loux et M. Dafaure, sont.venus défendre,
dis&ienMjs, lé droit de réunion contre une
législation dont la sévérité leur a paru exa
gérée» M. Dupin a répondu avec vivacité à
l'argumentation de M. Dufaure. Immédiate
ment une foule d'amendemens ont surgi, et,
sur la demande du rapporteur, l'Assemblée a
voté le renvoi à la commission. ,
■
L'administration des douanes a publié au
jourd'hui, dans le journal officiel, le tableau
comparatif des marchandises importées pen
dant le premier semestre de l'année actuelle,
et pendant le semestre « orrespondant de l'an
née précédente ; il y a là des chiffres qui ins
pirent de tristes réflexions ; ils peuvent servir
à mesurer, jusqu'à un.certain point, les souf
frances qu'a éprouvées notre industrie dans
ces derniers temps.
Le produit des droits de douanes est des
cendu de 65 millions, pendant les six pre
miers mois de l'année 1847, qui fut elle
même une année de crise, à 58 millions seu
lement. Pendant le mois de juin en particu
lier, il est tombé, de 11 millions à 5,890,000
francs. Remarquons que ce dernier mois est
celui où éclata cette insurrection épouvanta
ble, qui eut pour effet de paralyser complète
ment les transactions pendant une dizaine
de jours.
Les industries textiles sont celles qui ont
le plus souffert. L'industrie du coton n'a em
ployé, pendant le semestre, que. 182,000
quintaux métriques au Ifeu de 220,000; la
réduction a encore été proportionnellement
plus considérable pendant le mois de juin ;
nos fabriques n'ont acheté que 24,000 quin
taux au lieu de 50,000, ou moins de moitié.
La consommation de nos manufactures en
laines étrangères, a baissé de 57,000 quin
taux à 54,000 pendant le semestre ; elle s'est
relevée pendant le mois de juin ; elle a pris
10,000 quintaux, tandis qu'elle n'en avait
absorbé que 8,000 p?ndant la mois corres
pondant de l'année dernière. La fabrique
des soieries n'a importé, pendant le semestre,
que 1,664 quintaux de soies gréges, au lieu
de 5,842, et que 1,579 quintaux de soies
moulinées au lieu de 2,824; la diminution,
pour les soies comme pour les cotons, a été
plus forte pendant le mois de juin ; l'impor
tation des soies grèges a baissé de 752 quin
taux à 140, ou des cinq-sixièmes, et celle des
soies moulinées, de 470 à 144, ou des deux
tiers.
La réduction dans les matières textiles en
a entraîné uns autre dans les matières em
ployées pour l'apprêt ou l'impression des tis
sus ; les introductions d'indigo ont diminué
d'un quart pendant le semestre ; les huiles
d'oljve, dont la majeure partie est consom
mée dans les fabriques de savon, sont tom
bées de 156,000 quintaux à 70,000; il est bon
de faire observer qu'il n'y a pas de diminu
tion sur les graines oléagineuses, quoique les
anti - protectionnistes eussent présenté les
dro'ts adoptés il y a trois ans, comme prohi
bitifs.
Parmi les substances minérales, nous trou
vons que l'importation de 'a houille a décru
de 10 millions de quintaux à 7 millions; celle
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 26 JUILLET
■■HFTili
LE CABINET NOIR.
ROMAN EN SIX PARTIES
PRÉCÉDÉES D'UN PROLOGUE.
PREMIÈRE PARTIE.
LES HULETS.
CHAPITRE I".
Li VOCATION D'UN HOMHE.
En 1774, î'Avent fut prêché à la cour par un
jeune prêtre, nommé Hulet. , , , ■
Le choix de ce prédicateur avait paru étrange ;
homme de tout point .inconnu, n'appartenant k
aucun ordre dont le crédit eût pu lui procurer
l'honneur de parler devant LL. MM., c'était un
simple petit, vicaire de l'une des plus pauvres
paroisses de Paris,.Saint-Landri, en la Cité.
La bonne fortune qui lai arrivait, n'avait pour
tant rien que de fort explicable.,,Un jour, par on
ne .s3 .it quel liasard, Mme la princesse deLamT-
balle avait été entendre les vêpres à Saint-Lan-
dri.et, à la suite de l'office, elle avait assisté à un
sermon de l'abbé Itulet. Le talent déployé en
cette occasion par le jeune prédicateur avait d'au-
nant pins frappé là princesse, qu'elle devait moins
s'attendre à le rencontrer en pareil lieu. Aussi", à
Voir notre unméro du 23 juillet. ,
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvragé,
e it interdite, et lerait poonoivia comme centrefeîoa.
son retour à Versailles, en avait-elle parlé k la
reine dans les termes de l'admiration, la plus
exaltée. .
Sur la parole d'une personne à laquelle, pour
toute chqçe, elle accordait une entière confiance,
Marie-Antoinette fut curieuse d'entendre ce Bour-
daloue si peu à sa place, et, quelques jours plus
tard, lui était déférée là prodigieuse distinction
dont il vient d'être parlé. Toutefois, .ce qu'à: une
autre époque les. jésuites eussent obtenu sous
jambe pour le moindre sujet, de leur ordre, la
reine, aidée de la surintendante de sa. maison,
avait eu quelque peine à. le rendre faisable pour
son protégé. . . ;j ,
Le vieux Maurepas, celui qui, plup jeune, avait
(ait sur Mme de Pompadour une sale et plate épi-
gramme qu'il paya d'une disgrâceprolongée pçn-*
dant tout le règne de Louis XY, se trouva, au com
mencement du règne suivant, le ministre tout puis
sant. Sans son approbation et privilège, LouisXYI
ne se serait pas permis de vouloir quelque ebose,
et quand il fut question du prédicateur de I'Avent,
en présence même $es chaudes protectrices qui
poussaient l'abbé à ce poste, l'oracle fut consulté.
— Ilum I—fit alors M, de Maurepas,—pour ob
tenir rhonneur de prêcher ,en coui;, jè ne dis pas
précisément qu'il faille être de noblesse... .
— C'est aussi ce qu'il, me semble, — interrom
pit vivement Mme de Lamballe; —Massillon
était fils d'un notaire* ,
— Oui, mais au moins sa famille était de pas
sable bourgeoisie, tandis que le père de l'abbé
Hulet... , ,
— Eh bien I le père de l'abbé Hulet? -r • de
manda Marie-Aqtoinette avec impatience."
— Je ne puis dire qu'au roi l'obstacle que j'en
trevois au désir de,la.rftine;,il ; s'agit..d'un secret
d'Etat.
£t s'approcha&t de l'oreille de celui qu'il aurait
bien pu appeler son royal élève, M. de Maurepas ;
lui dit quelques mots à voix basse.
— Quoil cette vilenie dure encore! - s'écria
le roi, avec un vif accent de probité.
— Mais sans doute, — repartit le vieux minis- i
tre, —et il faut bien que cela dure ; autrement, i
qui voudrait se: charger de gouverner ? [
— Je ne trouve rien d'impoli et de discourtois i
comme un secret d'Etat, —.dit cependant la rei-]
nç,.— il semble autoriser devant les .femmes , j
quel que soit leur rang, des chuchotemens et des
à paro les plus désobligeans du monde.
— Au fait, — reprit le roi avec sa faiblesse or
dinaire pour, sa belle compagne , — je puis bien 1
dire à ma femme.... > !
. Et, cette fois, sans consulter le vieux ministre, !
qui ne parnt pas trop approuver cetteindiscrétion, ;
il dit confidentiellement k ; l'oreille de Marie-An
toinette le secret de,!'indignité, de l'abbé Hulet.: i
L'argument, quel qu'il fût,-sembla faire impres- !
gion sur la reine, qui se. montra disposée .à sacri- !
fier le pauvre vicaire, en disant d 'un air de re
gret '■
— Mais alors, qui choisirons-nous? .
. Laissée seule en dehors du secret d'Etat, et bles-
.sée d'ailleurs de la désertion générale qui se fai
sait, au préjudice de son protégé, Mme de JLam- ;
balle eut un mouvement de vivacité, et à la ques
tion posée,par la reine, elle répondit :
— Mais Leurs Majestés ont le jeune abbé de Pé-
rigord. H.est, celui-là, je pense; d'assez bonne
maison. • . ;
M. de Talleyrand, celui qui fut depuisévêque !
d'Autun et l'un des diplomates éminens des temps :
modernes, avait alors vingl.ans. Il venait de fi-.
nir ses études, ecclésiastiques, et s'était mis en :
. évidence, par, quelques aventures, très, médiocre- s
ment édifiantes. C'était de lui que voulait parler '
Mme de Lamballe, et il est en effet regrettable que
, l'avis ironiquement ouvert par elle, n'ait pas alors
été suivi. A cette vie si pleine d'étranges fluc
tuations, il manque peut-ê.tré ce qui n'a pas man
qué à cellfe dm cardinal de Retz,. la bizarre cir
constance d'avoir prêché un Avent (1).
— En pareil cas, la naissance n'est pas tout,
— repartit cependant le roi, qui. ne s'était point
aperçu que la princesse eût parlé en se moquant.
—Elle est si peu tout, qu'elle n'est rien,—reprit
Mme de Lamballe avec animation ; — m'est avis,
autantqu'une femme peut se connaître à ces choses,
que, pour le prêtre, il n'y a pas de filiation ; dans
sa qualité de , ministre du Très-Haut, viennent
s'absorber tous ses antécédens de famille, et il me
paraîtra toujours étrange, quand Dieu trouve un
homme d'assez bon lieu pour son service, qu'un
souverain de la terre, fût-ce même le roi de France,
croie devoir Je, rechercher sur le fait de sa nais
sance.
M, de Maurepas,.qui riait de tout (on a ainsi
résumé sa politique et son caractère), accueillit
gaiement - cette sortie de la princesse ; mais
Louis XVI, qui avait un grand fonds, de ce que
plus tard, on appela libéralisme, fut très vive
ment frappé du trait de vérité qui venait de lui
être jeté, et, après quelques paroles encore échan
gées,, la belle. et' forte argumentation de Mme de
Lamballe emporta la décjsion. -
L'abbé Hulet, en dépit de ce que pouvait être
son père, parut donc dans la chaire qui avait vu
Bossuet, ïléchier, Bourdaloue et Massillon, et
quoiqu'il ne s'éievât pas tout à fait à la hauteur de
ces illustres devanciers, son sermon du premier
dimanche de l'Avent fut accueilli avec une faveur
marquée. En même temps un bruit se répandit,
qui auprès des femmes de la cour lui devint
'(t) « Je commençai mes sermons de l'Advenf danï
8aiat-JeajJ-en.-Grère, le jour de la Toussaint. »
irei du cardinal de Ketz, 2* pai'tie.)
aussitôt d'une grande recommandation. On di
sait que son entrée dans les ordres avait été dé
terminée par un désespoir amoureux, et il s'en
fallait de peu de chose que l'on ne vît en lui uu
autre abbé de Rancé. Il y avait à ia fois du faux
et du vrai dans cette histoire : en fait, voici réelle
ment la manière dont fes choses s'étaient passées:
Malgré l'onction attendrissante de sa parole,
l'abbé Hulet n'était rien moins qu'une ame air-
mante; sa vocation religieuse, comme celle du célè
bre réformateur auquel on avait voulu le comparer,
était compliquée d'un grand fonds d'ambition et
d'un ardent.désir d'une haute fortune temporelle.
L'amour, si l'on veut, avait été le point de départ,
mais il n'avait pas été le motif déterminant du sa
crifice qui lui ralliait, tant de douces sympathies.
Comme il y a mille manières d'aimer sans cette
disposition par excellence qu'on appelle la ten
dresse de cœur ; comme on aime avec ses sens,
avec sa tête, avec son amour-propre, avec son
intérêt, son désœuvrement, et même avec l'habi
tude, à dixTneuf ans et avant qu'il ne fût question
pour lui d'entrer dans les ordres, le jeune abbé, à
sa façon et autant qu'il enj était capable, s'é
tait attaché à la fille d'un gentilhomme nommé
Boisbrunet.
, Fils d'un petit bourgeois simplement aisé; et
qui tenait, au département des affaires étrangères,
un obscur emploi de commis, Hulet n'était point
posé pour aspirer à la main de cette riche héri
tière, que sa fortune et la supériorité de sa nais
sance semblaient rendre inabordable pour lui.
Toutefois, k la suite d'un important service que
Hulet père avait eu l'occasion de rendre au mar
quis de Boisbrunet, celui-ci s'était trouvé recon
naissant, et de là, entre les deux familles, une
grande intimité. Les jeunes gens, dès leur en
fance, avaient donc "eu journellement l 'occasion
de se voir, et sitôt qu'ils s'étaient'trouvés eu âge
de sentir leur cœur, l'amour, qui ne se soucie
guères des distinctions et distances sociale?, avait
commencé de se glisser entr'eux.
Leur rfmtuel attachement n'était pas resté long
temps un secret pour le marquis; mais, contre
l'usage immémorial, ce sentiment avait trouvé
grâce devant lui. .
A la suite d'une amitié de quinze ans, heureux
d'avoir une occasion de reconnaître les bons ofli-
cés de Hulet père, M. de Boisbrunet était venu de
lui-même lui proposer une mésalliance, et avait
parlé d'un mariage entre leurs enfans.
Mais suivant le même renversement de toutes
les règles établies, l'humble employé s'était vive
ment récrié k cette ouverture, disant que son fils
n'était pas d'une Baissance à pouvoir accepter
l'honneur qui s'offrait à lui ; et quoique le marquis
lui eût fait observer que ce n'était point au rotu
rier k s'embarrasser de pareils scrupules, si le
gentilhomme trouvait bonne son alliance, Hulet
père n'en avait pas moins maintenu son refus,"et
cela, dans les termes d'une abnégation singulièré
et qui évidemment n'avait rien de joué.
Né pouvant avoir raison d'une résistance si opi
niâtre, M. de, Boisbrunet avait fini par remettre
la négociation entre les mains de celui dont il
pensait à faire son gendre, et le jeune homme avait
pensé que le succès n'en serait ni difficile ni loin
tain. Après avoir donné aux scrupules de son ex
trême délicatesse tel cours que de raison, son
père, à ce qu'il lui semblait, devait les faire cé
der devant les chaudes instances de l'amitié et
devant la considération du bonheur de son fils.
Toutefois il se trouva dans ces prévisions bien du
mécompte : non-seulement le jeune Ilulet n'obtiùt
pas de l'inflexible auteur de ses jours le consen
tement qu'il espérait, mais il se vit très rudement
semoncé pour avoir osé porter ses prétentions en
si haut lieu, et en fia de cause, il se heurta contre
i.
V
NUMEEO 208,
*ass: sb s'iE-aaranE ^saf» i -
PARTS.
DÉPART.
£l&/U(C<
TROÏS MOIS
8 F.
il F.
14».
SIX MOIS
M
33,
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EN AN-..
83'
16 .
tes abonneaiens datent de» i" et ltsds chaque moil<
BUREAUX A PARIS :
Rut du £4 Février, 16 (ci-dsrant d* Vgloil).
«On fibon&o dan* I m déparUmatu, aux iB9Mi|!«rie* «I «*X
ratlofe» 008 postes.--A Londres, chai StM.'CoisU »t fUt t Saint*
ia.-w. — A Sirtstourgi «lira Aléjtm&rty paurPAU«MfM<
fTadmssr franco, pour la rédicti.*n ;
k ». mhiikuau , gérant.
Lu «rliolej dipaiâs ne seront t > m tenflns.
v -d i';>
. 1 . t-1 ■ . ;. ..
. «■*■ / s» I
Va.CS BS t'AEttMKMKïyHf.
TROIS «OÙ l
8IX MOIS.........
ON AN .......... »
PARIS. jDBP4tiT.
ÉTRANS.
18 ».
^al politique, littéraire, universel.
8 F. ! ltF.
m ■ i,.-sa
32 I 44
Loi abonnamens (Jattjriî dts? i« r et i S de chaque icoif*
BUREAUX A PA11I9 :
Ru* du 5M Février, iî ( ci-devmtde Taloiif -
EU« annonce* «ont reçue» au bureau du Jounu'J
de 11 * 4 benrM.
T
à mu nom», directeur.
PARIS «'Si $ JUILLET.
On pré t«n d que la com mission ehargéed'exa-
miner îo projet de loi smc la presse, incline à
substituer à ia garantis pécuniaire du cauj-
lionnement, tma responsabilité' personilellp
qui pèserait à la fois sur lé rédacteur en chefi
sur l'auteur des articles incriminas et, en cert
ains cas, sur l'imprimeur. Voici les disposi
tions imaginées par M. Duprat, qui, suivant
ce que rapporte un journal sans trop, y croire,
gagnent du terrain dans la commission. ~ .
La déc'aration qui doit précéder la publi
cation de toutjournal, doit en faire connaît
tre à l'autorité le rédacteur en chef.-r-^Les
manuscrits des divers articles, signés par leurs
auteurs, sont remis entre les niains de l'im
primeur, qui est t<>nu de les comrjnuniquer à
la justice sur réquisition du ministère public»
—Le rédacteur en chef sera toujours poursuivi
en même temps que l'auteur de l'article.'in4
crirainé.—Tout écrivain qqi emprunterait le
-nom d'un autre po#r se dérober à 1$ respon
sabilité de ses œuvres, serait.puni, ainsi 'que
6on complice, de la perte des droits civiques^
pendant un temps qui pourra être porté'jus -r
qu'à- cinq ans.—Tout journal qui aùra été
condamné trois fois pour supposition de si-f
gnature, pourra êtresupprimé.—Toutarticle
non signé, qui donnerait lieu à ,des poursui
tes, entraînera contre le rédacteur en chef et
l'imprimeur, une peine'qui pourra être égal?
à celte dont serait passible l'auteur de l'article!
—Moyennant ces dispositions nouvelles, tou
tes celles qui,dans les lois antérieures,sont re
latives au cautionnement et àia responsabili
té du gérant, seraient supprimées.
Nous ne savons si ce projet a fait effecti
vement le progrès dont on parle, dans l'esprit
de la commission ; mais, sans prendre plus
amples renseignemens, il faut lui barrer Je
chemin. Mieux vaut encore se battre contre
des moulins à vent, que de laisser s'avancer
contre nous un si dangereux ennemi. C'est
par respect pour la liberté, nous n'en dou
tons.pas, qu'on supprime le cautionnement;
auquel on reproche de rassembler à une me
sure préventive. Merci de, l'intention! Mais
le cautionnement est, selon nous, moins pré
ventif que l'effrayante inqaisition par laquelle
on le remplace, et que la responsabilité per-
6oaûclla et corporelle en partie double et mèj
me en partie trip'e, organisée^r le décret dq
M. Duprat. Car cet ptrange droii.de la poUçej
; de venir inventorier des ÊÎgnatyre^.dpis les
bureaux d'un journal, c'^st en vérité V extr
adée transporté durégimEsides boissons dans
le domaine de la pensée..''Aii nomitfei'ladi4
gnité des'lettres*, n'exercez pas les écrivains,'
; donnez-leur au moins la faculté qu'on aci
corde aux c^bareti rs, celle de l'abonne*
ment. Ceux-ci paient une somme convenue
pour se dispenser de la visite. .Quel journal,
pour n'être pas visité, ne s'abonnerait au
cautionnement?
Comparons les deux systèmes. La presse
cautionnée, dira-t-on, était en harmonie avec
l'électoratcensitaire. Mais,sous lerégimerépuT
blicain, il faut que le droit de prédication soit
universel comme le droit de suffrage. A quoi
nous pourrions répondre que le National lui-
même ne regarde pas le suffrage universel
comme le mode'définitif, et nécessaire pour
l'élection des, représentai sous la Républi
que. C'est ce qu'il déclarait il y a deux jours.
Si donc on accorde qu'il puisse être exigé une
certaine garantie pécuniaire pour le droit de
voter, à plus forte raison doit-on l'accorder
pour le droit de parler tous les jours à l'opi
nion publique dans un journal. Le premier
de ces droits est tout personnel , et n'intéres
se que la conscience de l'individu. En exer
çant le second, on se propose d'agir sur les
autres, et on peut compromettre ou la paix
publique ou les intérêts et l'honneur des
particuliers. Est-ce chose injuste que d'atta
cher à ce droit redoutable l'obligation de
fournir une certaine caution? Le député qui
parle du haut de la tribune est moralement
cautionné par les électeurs qui l'ont nommé.
Le prêtre qui parle du haut de la chaire est
moralement cautionné par l'église qui lui a con
fié le saint ministère de prédication. Le jour
naliste seul, qui parle du haut d'un journal,
n'a pas de répondant morah li ne relève que
de soi, il n'y a rien d'exorbitant à- lai de
mander une garantie pécuniaire.
Si le cautionnement était abusivement éle
vé, ce serait une mesure préventive. S'il est
contenu dans de justeslimites, ce n'est plus
que l'hypothèque nécessaire pour assurer les
droits de la répression. Il y a des délits en
vers les particuliers qui ne peuvent (itre effi-
. çacement réparés que :par desdommages-in-
térêts. La diflamation n'atteint pas seulement
l'hommedansson honneur; elle petit l'attein
dre aussi dans sa fortune, dans son crédit com
mercial. Quand tin journal a causé à uh-itï-
divido qn préjudice matériel, l'homme le .plus
•honorable est autçriséà demander et à; accept
. tpr une réparation matérielle. Sans caution}-
nement, cette;réparation est impossible ou;dù
moins peut devenir' illu.-oire, car le journal
coupabte de'l'attaque'et passible de l'amende
ou des dommages-intérêts, peut échapper à
la peine pécuniaire par son insolvabilité. Si ; ,
pour répondre' à cette objection,' oh rendàit
l'imprimeur.solidaire de la condamnation, dé
trois choses l'une : ou il serait exposé à être
coupable sans le.savoir ; ou il prendrait un
droit de censura sur le journal ; ou il e^ir
gérait, pour se couvrir, le cautionnemént
que la loi n'exigerait pas. Ce serait le sys
tème du cautionnement au second degré. J^e
cautionnement modéré, -tel que le' propose
le projet primitif, est un système sensé, pra
tique, qui est une garantie sans être une en
trave. Quel journal, s'il représente une opif
nion un peu répandue, ne se procurera le
cautionnement? Celui qui aurait si peu de
crédit auprès des capitaux,, en mériterait-il
beaucoup sur les esprits. ? ' ' ' '
Passons au systètne de-M. Duprat. Sous
prétexté de démocratiser là presse 1 affranchie
du cautionnement,; il la soumet à'une préven
tion, plus efficace ,par l'intimidation solidaire
qu'il exerce sur. ie rédacteur en chef, les.écrif
vaiqs. et l'imprimeur. "Pourquoi d'abord cç
luxe, ce double et triplé emploi de respon
sabilités? Vous voulez un rédacteur en chef
qui se déclare officiellement endetta qualité,
préalablement à la publication du journal
Eh bi»n ! voilà le vrai répondant. Pourquoi
rechercher les auteurs des différens articles?
Le rédacteur en chèf qui les a lus, ces articles,
qui les a modifiés, qui en a atténué ou ag
gravé la culpabilité, se les est appropriés. Il
les a faits siens. S'il y a délit, c'est son délit.
Qce si, au contraire, vous exigez, ce qui est
intolérable, que chaque écrivain signe sc$
articles, et qu'il vienne en réppndre devant
la justice, pourquoi associez-voils toujours le
rédacteur en chef dans.la poursuite? Il vous
faut deux coupables au lieu d'un. Vous êtes
bien avides. Est-tee pour eh finir plus tôt avèc
lë p rfonnel des écrivainsj que voius' voulez
des poursuites, des condamnations, et des em T
prisonnem^ns par couplés ? Et si par hasard
l'auteur de l'article se cache sous un,faux
nom, s'il y asubstitution de personnes, làen-
core yous saisissez deux délinquans. Mais le
: moyen de fa, re la preuve ? On compare les écri-
tnr< 8 aux écrivains. InU r.viennent les experts
ass rmentés, qui font copier des exemples
aux prévenus; et mettent en parallèle les li-
gnes tracées à l'audience avec les manuscrits
du journal. Quel éclatant procès de presse!
Autre anomalie} Si l'article poursuivi n'est
pas signé, encore deux coùpables l liiïëdac-
t»ur tn chef d'abord, et puis, le croirait-on?
le pauvre imprimeur. Il faut que ce chefd'in -r
dustrie, qui a souvent des travaux si divers
et si multipliés à surveiller, vérifie si le ma-
nuscrit de chaque article porte la signature
de l'auteur, semblable à ces contrôleurs du
trésorqui épluchent les mandats de paiement.
Que deviendrait. la presse sous un tel régi
me? Tout journal sera pour ainsi dire livré
à l'anarchie. Ce qui fait aujourd'hui l'unité
de direction et de pensâe dans chaque jour
nal, c'est l'unité de responsabilité. Le gérant
est seul responsable devant la justice ; il fait
facilement accepter son pouvoir et son con
trôle. Mais du moment où tous les rédacteurs
sont responsabl. s, tous ont des droits. Le dé
cret introduirait dans la rédaction des jour
naux une source de conflits. On n'a certai
nement pas conçu l'idée machiavélique de
diviser la rédaction des journaux pour l'em
barrasser et l'affaiblir ; mais on produirait ce
résultat sans le vouloir et sans le savoir.
■ ' Ce n'est pas tout :nn journal n'est pas seu
lement l'organe et le propagateur, d'une doc-
trinè politique, il n'est pas seulement ouvert
à ses écrivains ordinaires, il l'est aussi aux
citoyens qui, ont de justes griefs à exposer, fcon-
tre les dépositaires de l'autorité publique -Il
est l'écho de? pla ntes qui Iqi paraissent légi
time». Sous le précédent régime, c'est sour
vent par des communications dues à des per
sonnes étrangères à la presse, que le's jour
naux ont eu connaissance d'une foule d'ac^
tions condamnables commise^ par les agens
du gouvernement, et qu'ils ont été mis à
même de les révéler à l'opinion publique pour
qu'elle les punit au moins d'une flétrissure nio-'
raie.. Ces communicationsentrela piresseet les
citoyens, répandus sur tous les pdinté ùd ter-;
ritoire, lui. donnent le moyen d'étendre un;
contrôle utile sur l'administrât on tout, qn-,
tiçre. M jms ; chaque'josmftl prend le responça -j
biltté de.ces .révélations qu'ilidoit à d'autres.
Dans le système de répression qu'on propose,
les personnes qui nous écriraient pour nous
faire conraître des abus, seraient obligées de
rendre ce service à leurs risques et périls. Ou |
il nous faudrait détruire leurs l ttres,et, faute
de les pouvoir reproduire, condamnation,du (
rédacteur en chef et de l'imprimeur; ou; il!
faudrait conservèr leurs manuscrits, et ces cor-
réspondans volontaires, parfaitement étran
gers à la presse, se trouveraient compris, avec
le rédacteur en chef, dans un procès de presse,
aussi souvent que leurs rapports auraient pro
voqué nne descente de la police dans nos bu
reaux ou dans la collection de nos minuties.'
Certainement, sous un tel régime, les ci
toyens seraient bien .plus sobres d'informa
tions pour les journaux, et les prévàricalions
administrative?, s'il y en, avait, jouiraient; de
plus dé sécurité. Nous voulons croire qu'il y
aura moins d'abus sous là République qu'il
n'y. en a eu pendant les dernières annéçs 'du»
régime, déchu. Mais on ne saurait garantir la:
pureté i universelle des agens de l'autorité à
tous les degrés; de la hiérarchie. Qui oserait
cependant nous.adresser!des plaintes, si Jes,
lignes,signées de sa main devaient rester dans :
nos archives,-condamnées à être livrées, sur
première réguisitioq. aux fouilles de la po
lice? Aujoçrd'hui on ne trouverait chez nous
qu'une collection iknprimée; sous la législa
tion de M; Duprat, on : trouverait une collec
tion de manuscrits signés qui se transforme
raient en pièces de conviction contre leurs,
auteurs. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, nots tom
bions sous un pouvoir violent et proscripteur,
les archives des journaux fourniraient une
liste de proscription toute faite.
Concluons que la législation du .caution-!
nement modéré est infiniment ^plus libérale (
que le système dés responsabilités en partiel'
double, et de la conservation des manuscrits.
—-smoo-
La situation de l'Irlande s'aggrave tous les j
jours, et l'on ne peut guère espérer que l'été i
linissvsans une collision. L<* résultat en est
facile à prévoir; mais les chefs du mouve
ment se sont trop avancés pour reculer*
maintenant; ils sentent" qu'après les outrages i
dont ils ont poursuivi la mémoire d'O'Co^-
nell pour son aversion, pour i l'emploi de la
force, après leurs prédications, et ; on peut
dire leurs fanfaronnades de trois mois, ils
seraient perdus à jamais dans l'opinipn de la
multitude, s'ils faisaient un pas en arrièro. ,
Presque tous,'d'ailleurs/ sont sous le coup i
de poursuites judiciaires^ et comparaîtront
d'ici deux piois devant ie jury; si l'agitation :
s'apaisait, si la crainte des vengeances ne
pesait pas ^ur les jurés, -tis seraient certains
d'être condamnés et d'aller expier aux Bâr-
muiies le mal qu'ils Qnt 'fpt à leur, pays. >
, L'amour-propre et l'intérêt personnel s'u
nissent donc pour entraîner les agitateurs ir- ,
landais à une tentative désespérée. Ils font èn !
ce moment les derniers efforts pour commy- |
niquer à la masse de la population la fièvre
insurrectionnelle à laquelle est en proie la
population de quelques villes. Ils ont rejeté le
masque de légalité dont ils s'étaient couverts :
quelque temps ; les journaux de l'insurrection
se débitent malgré la police ; les numéros sai
sis sont réimprimés et'distribués; desprocla- ;
mations incendiaires et provocatrices, suffi
sant à elles seules pour constituer-les crimes
de félonie et de trahison, sont placardées dans
les villes, signées du nom de leurs auteurs.
Les confédérés, comme ils s'appellent, ont
à leur tête un conseil de vingt-un membres,
qui s'assemblent sans jours fixes, alternative
ment chez l'un ou chez l'autre. Dans ce nom
bre quinze à seize ne sont.que des orateurs de
carrefour, dont la mission est de parcourir le
pays pour haranguer les meetings, ou des
gens inttuens sur les corps de métiers. La di
rection réelle du mouvement réside entre les
mains de cinq à six personnes les plus consi
dérables du parti par leur rang dans la socié
té. et leur réputation. Le pins important de
tous est M. Smith O'Brien, possesseur d'une
grande fortune et dont la famille passe popr :
descendre des dertners rois irlandais : après :
lui viennent M. Meagher, M. Magee, puis i
MM. Duffy, .Martin, Lalor et Brenon. Le par
ti, compte sept à .huit de ses membres dans . la .
chambre des communes, mais tous évitent de
se mêler aujourd'hui au mouvement.
Aux sept comtés qai avaient été déclarés"
enéM it siège, lordClarendo» vient d'a
jouter,. par une proclamation, la ville et le
; comté ^e Kilkenny, le comté de Meath, la
baronnie de Decies et plusieurs baronnies dlu
comté de Cork. Le3 autorités de Waterford,
de Clonmel, de Roscrea et de 'plusieurs au
tres villes ont fait demander à Dublin un
renfort de garnison et du canon. A Cork, la
: proclamation de l'état de siège a causé une
certaine fermentation 1 ; la population a hué
les troupes qui entraient dans la ville, ame-
nant avec elle3 du canon. M. Doheny , dont
nous citions, il y a quelques jours, un article,
va comparaître devant le jury de Nenagh, le
2 août. 6,000 confédérés doivent se rendre
en armes à Nenagh le jour du procès, "afin
d'exercer une intimidation sér ies jurés; et
les meneurs annoncent que dans le cas 'où Mj.
Doheny serait condamné, on attaquerait l{i
prison pour le délivrer, en dépit des 400 hom
mes de la garnison. ;
Les chefs des confédérés n'hésitent pas à
dire et : .imprimer qu'il faut massacrer les
soldats anglais, seul rempart de la tyrannie,
et que le peaple irlandais sera déshonoré et
. stigmatisé dans l'avenir du .nom de lâche, s'il
ne saisit l'occasion qui se présente de secouer
le joug de l'Angleterre. Nous avons donné des
échantillons de discours prononcés dans les
meetings; voici quelques extraits des : procla
mations que les chefs du mouvement font af
ficher daps les villes d'Irlande. M. Guvop
Dully termine ainsi la sienne qu,i est la,pius
modérée detoutes : j.i
« A bas le système qui nous régit; vieil édifice ver-
émoulu , qui ne psut se soutenir, mais miséricorde
"pnur les hommes qui soutiennent l'édifice. Hommes
d'Irlande, puisque la Providence le veut ainsi, soyéz
les instrumens de la volonté divine : aopelés à être
les martyrs de la liberté, montrez-vous dignes de cette
noble et sainte mission! Quant à moi, j'aimerais
mieux, mille fois être envoyé par un jury vendu loin
de ma patrie, que de la voir réduire au triste rang
qu'on lui destine, et je ne maudirai pas le jour qui
éloignerait de mes yeux ce spectacle navrant. » :
M. John.Martin fait un appel direct à l'in
surrection :
« Allons, à l'œuvre ; affranchir l'Irlande^ tel est no
tre devoir, et pour le remplir, rien ne nous doit coû
ter. Amis, ne vous laissez pas effrayer par ces 40,000
machines de destruction (les soldats de la garnison),
qui s'apprêtent à faire de vous une boucherie, à vous
tuer sur le sol de la patrie, pour le crime de la trop
aimerï Aux armés! mieux' vaut la mort;une mort
sainte et g'o.ieuse, qu'une vie déshonorée ! »
, , M. James-F. Lalor est encore plqs explicite :
> * TJÎie seule question aujourd'hui, c'est celle de sa
voir comment on pourra détruire ces 40,000 hommes
armés qui ! portent la livrée et qui sont au service de
l'Augleterrê. Eh bien l aux armes I combattons dès
,septembre) si nous le pouvons, plus tôt s'il le.faut ;
mais qui commencera ? qui frappera le premier coup,
qui cueillera la première palme, celle palme dont la
fraîcheur ne sera jamais flétrie? » ',
Un autre des chefs des confédérés, Joseph
Brenon, se déclare aussi pour l'insurrection
immédiates „ ■ _ ..j.
- *~rrx t*— » + ^ - 4
« Aux armes! aujourd'hui ou jamais, aujourd'hui
pour toujours. Mais, direz-vous, nous ne sommes pas
prêts ! Le serez-vous jamais plus et mieux? Pour
moi, je ne,le pense pas, et je suis de ceux qui
croient que le mieux serait de subir notre destinée
s'ir-le-champ, et d'être libres dans la mort,sinous ne
pouvions pas vivre libres. 1 >>
Le langage des journaux n'est pas moins
violent. La Nation, après avoir appelé aux
armes jusqu'aux enfans de quinze ans, con
tinue ainsi v
« Le casus Mli est arrivé : c'est une lutte de mort
qui s'engage entre le meurtrier et la victime : Frappe !
frappa! Levez-vous, Irlandais, Dieu le veut ! L'armée
de la ligue grossit tous les jours i Le peuple doit se
tenir prêt k agir;—Si Meagher l'avait voulu, il aurait
amené contre-la garnison de Dublin, les hommes de
Tipperary aux larges épaules, les hommes de Lime-
irick, à la; bravoure impétueuse héréditaire, les hom
mes de for de Cork, les sans-peur de Kilkenny. ani
més de l'esprit de 98. » , ,
L'Irish Félon n'est pas moins violent que
la Nation ; et les agens de la police ayant
voulu empêcher la vente de ces deux jour
naux dans les rues ont étébaltus et dispersée.
Les crieurs ent pénétré de force dans les bu-
reauxj ont enlevé les exemplaires et le? ont
débités dans Dublin en dépit des autorités.
On annonce en outre la prochaine appari
tion d'une nouvelle feuille sous le titre de
Neuogat•. Calmdar, journal, politique, milir
taire et félon, édité par divers individus déte
nus à Newgate. Ce titre est une allusion aux
cinq propriétaires ou rédacteurs de journaux
qui ont été emprisonnés à .Dublin. Le pros
pectus annoncé que le nouveau journal pu
bliera des détails intéressàns sur la manière
de se battre dans les villes, sur la guerre de
guérillas, sur le génie militaire, sur la fabri
cation des munitions de guerre. Il sera donc f
à la fois le Moniteur,et le manuel de l'Insur
rection. ~ \ ' ^ '
On voit que le ministère anglais a de justes
motifs d'inquiétude i il ne faudrait pfts cepen
dant se les exagérer. L'agitation actuelle est
un feu de paille qui s'éteindra promptement:
elle exîsle à la superficie, mais elië n'a pas.pé-
nétré les masses. De tout temps, on à brûlé en
Irlande l'effigie des minisires anglais, comme
on vient de brûler celle de lord John Russell;
de tout temps, on y a fabriqué des pique .3, on
y a insulté et battu les agens de police, qui ar-
rachai.entlesproclamations séditieuses. Il faut
en outre tenir compte de la mobilité du ca
ractère irlandais, et ne pas oublier que M.
Meagher et M. Smith O'Brien, qui sont au
jourd'hui l'objet de l'idolâtrie de la populace,
ont été, il y a moins de trois mois, en butte à
tous les outrages dans Limerick, et en danger
de perdre la vie sous les coups de cette même
populace qui se presse sur leurs pas.
Les véritables chefs de l'Irlande, les me-,
neurs de l'association du rappel sont et se
tiennent en dehors du' mouvement qu'ils dé
savouent hautement.. Un très petit nombre
de membres du clergé se sont associés à la
campagne insurrectionnélle de M. Meagher;
la très grandé majorité ou demeure silencieu
se ou condamne hautemént cette propagande
insensée qui ne peut aboutir qu!à des catas-
trophes. L'agitation n'a de racines que dans
les dernières classes de la population, et elle
n'a pris des proportions vraiment sérieuses;
que dans les comtés de Waterford et de -Tip
perary, où il y aura sans doute une explosion.
A Dublin même, où l'on n'a rien épargné
pour enflammer la population, où la presse
a infiniment plus d'action que daps le reste
de l'île, le nombre des clubistes armés ne dé
passe pas trois mille. Le conseil de la confé
dération, qui avait nourri un moment l'es
poir de donner de Dublin le signal de l'insur
rection et de s'emparer de la capitale par un
coup de main, a dû renoncer à toute espé
rance. Il a décidé qu'on n'opposerait au dé
sarmement qu'une résistance passive, et com
me la police a procédé aux perquisitions avec
infiniment d'activité et de soin, les clubistes
en sont réduits à faire sortir leurs armes de
Dublin pour ne pas les voir confisquées, et le
désarmement de la capitale sera bientôteom-
plet.
Le gouvernement anglais peut corrptefr
sur l'appui énergique de deux millions de
protestans qui sont concentrés dans les gran
des villes et dans le nord de l'île, et qui sont
fortement organisés. L'absence volontaire de
presque toute la députation irlandaise, le jour
où s'est discutée la, suspension de Vllabeas
corpus , indique assez que la 'masse de la po
pulation n'a nulle intention de paralyser l'ac
tion. du gouvernement, Enfin il y a déjà en
Irlande^ quarante-cinq mille hommes; et sur
la côte d l Ecosse et d'Angleterre quinze millç
hommes sont prêîs "a* passer en îrlandle au
premier signe du télégraphe. La seule garni
son de Dublin va être renforcée d'une batte
rie d'artillerie et de cfuatre régimens d'infan
terie. *
On peut donc dire qqe jamais insurrection
n'eut moins de chance de succès. L'Angle
terre est tranquille, son gouvernement a la
libre disposition de toutes ses forces, et' une
moitié de la population irlandaise est prête à
accabler l'autre. On ne peut donc trop déplo
rer l'égarement des insensés qui sans but,
sans résultat possible, et malgré le désaveu
de presque toute la population, veulent jeter
leur pays dans la guerre civile. Tout le mon
de comprend qu'une insurrection ne peut
conduire qu'à l'extermination de ceux qui y
prendront part, et qu'elle fera perdre à l'Ir
lande une partie des conquêtes d'O'Connell, en
obligeant le gouvernement anglaisé la re-
p acer sous le régime militaire. L'Angleterre
a déjà fait dans ces trois dernières années
d'immenses sacrifice en faveur de l'Irlande, le
ministère anglais, qui.sait quelle dette effroya
ble pèsé depuis des siècles sur la métropole,
était prêt à imposer de nouveaux sacrifices
au parlement, et il était entré franchement
dans la voie des réparations. L'agitation in
sensée dont MM. Meagher et Smith O'Brien
ont pris l'initiative, est venue, en compliquant
la situation de l'Angleterre, paralyser la
bonne volonté du ministère et aggraver les
'maux de l'Irlande. La patrie d'O'Connell ne
tardera pas à .apprendre par une cruelle ex-
périence toute l'étendue de la perte qu'elle a
a faite dans ce grand homme à qui la'Jeune-
Irlande s'apprête à faire de sanglantes funé
railles.
| • La séance de l'Assemblée nationale a été
'coEsacrée tout entière à la loi les clubs.
Personne n'ayant domandé la parole sur la
discussion générale, l'Assemblée a passé im
médiatement à l'examen des articles. Pres
que tous ont été votés sans grande difficulté :
en présence des abus dont Paris'a eu le spec
tacle pendant quatre mois, et des conséquen
ces déplorables que ces abus ont entraînées,
personne ne pouvait contester la nécessité, de
régler l'exercice du droit de réunion de façon
à concilier la liberté du citoyen avec la sé
curité nécessaire à la société.
Seulement le Gouvernement et la commis
sion,.dans leur désir de rendre impossible la
formation des sociétés secrètes, ont adopté
un dispositif d'une telle rigueur, que les réu
nions les plus inoifensives pourraient être in
terdites. L ? article du projet va fort au-delà
de la .législation de l'empire et de la restau
ration, au-delà de la loi de 1834 qui exemp
tait de l'autorisation et mettait à l'abri des
poursuites lés réunions au-dessous de vingt t
personnes, i
M. Senard, ministre de l'intérieur, a dé-
c aré franchement que cette disposition de la
loi de 1834 avait eu pour effet de fractionner
les sociétés secrètes en sections de dix-neuf
personnes , et qu'il voulait prévenir l'emploi
d'un pareil subterfuge. Deux membres de
l'ancienne chambre des députés, M. de Eal-
loux et M. Dafaure, sont.venus défendre,
dis&ienMjs, lé droit de réunion contre une
législation dont la sévérité leur a paru exa
gérée» M. Dupin a répondu avec vivacité à
l'argumentation de M. Dufaure. Immédiate
ment une foule d'amendemens ont surgi, et,
sur la demande du rapporteur, l'Assemblée a
voté le renvoi à la commission. ,
■
L'administration des douanes a publié au
jourd'hui, dans le journal officiel, le tableau
comparatif des marchandises importées pen
dant le premier semestre de l'année actuelle,
et pendant le semestre « orrespondant de l'an
née précédente ; il y a là des chiffres qui ins
pirent de tristes réflexions ; ils peuvent servir
à mesurer, jusqu'à un.certain point, les souf
frances qu'a éprouvées notre industrie dans
ces derniers temps.
Le produit des droits de douanes est des
cendu de 65 millions, pendant les six pre
miers mois de l'année 1847, qui fut elle
même une année de crise, à 58 millions seu
lement. Pendant le mois de juin en particu
lier, il est tombé, de 11 millions à 5,890,000
francs. Remarquons que ce dernier mois est
celui où éclata cette insurrection épouvanta
ble, qui eut pour effet de paralyser complète
ment les transactions pendant une dizaine
de jours.
Les industries textiles sont celles qui ont
le plus souffert. L'industrie du coton n'a em
ployé, pendant le semestre, que. 182,000
quintaux métriques au Ifeu de 220,000; la
réduction a encore été proportionnellement
plus considérable pendant le mois de juin ;
nos fabriques n'ont acheté que 24,000 quin
taux au lieu de 50,000, ou moins de moitié.
La consommation de nos manufactures en
laines étrangères, a baissé de 57,000 quin
taux à 54,000 pendant le semestre ; elle s'est
relevée pendant le mois de juin ; elle a pris
10,000 quintaux, tandis qu'elle n'en avait
absorbé que 8,000 p?ndant la mois corres
pondant de l'année dernière. La fabrique
des soieries n'a importé, pendant le semestre,
que 1,664 quintaux de soies gréges, au lieu
de 5,842, et que 1,579 quintaux de soies
moulinées au lieu de 2,824; la diminution,
pour les soies comme pour les cotons, a été
plus forte pendant le mois de juin ; l'impor
tation des soies grèges a baissé de 752 quin
taux à 140, ou des cinq-sixièmes, et celle des
soies moulinées, de 470 à 144, ou des deux
tiers.
La réduction dans les matières textiles en
a entraîné uns autre dans les matières em
ployées pour l'apprêt ou l'impression des tis
sus ; les introductions d'indigo ont diminué
d'un quart pendant le semestre ; les huiles
d'oljve, dont la majeure partie est consom
mée dans les fabriques de savon, sont tom
bées de 156,000 quintaux à 70,000; il est bon
de faire observer qu'il n'y a pas de diminu
tion sur les graines oléagineuses, quoique les
anti - protectionnistes eussent présenté les
dro'ts adoptés il y a trois ans, comme prohi
bitifs.
Parmi les substances minérales, nous trou
vons que l'importation de 'a houille a décru
de 10 millions de quintaux à 7 millions; celle
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 26 JUILLET
■■HFTili
LE CABINET NOIR.
ROMAN EN SIX PARTIES
PRÉCÉDÉES D'UN PROLOGUE.
PREMIÈRE PARTIE.
LES HULETS.
CHAPITRE I".
Li VOCATION D'UN HOMHE.
En 1774, î'Avent fut prêché à la cour par un
jeune prêtre, nommé Hulet. , , , ■
Le choix de ce prédicateur avait paru étrange ;
homme de tout point .inconnu, n'appartenant k
aucun ordre dont le crédit eût pu lui procurer
l'honneur de parler devant LL. MM., c'était un
simple petit, vicaire de l'une des plus pauvres
paroisses de Paris,.Saint-Landri, en la Cité.
La bonne fortune qui lai arrivait, n'avait pour
tant rien que de fort explicable.,,Un jour, par on
ne .s3 .it quel liasard, Mme la princesse deLamT-
balle avait été entendre les vêpres à Saint-Lan-
dri.et, à la suite de l'office, elle avait assisté à un
sermon de l'abbé Itulet. Le talent déployé en
cette occasion par le jeune prédicateur avait d'au-
nant pins frappé là princesse, qu'elle devait moins
s'attendre à le rencontrer en pareil lieu. Aussi", à
Voir notre unméro du 23 juillet. ,
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvragé,
e it interdite, et lerait poonoivia comme centrefeîoa.
son retour à Versailles, en avait-elle parlé k la
reine dans les termes de l'admiration, la plus
exaltée. .
Sur la parole d'une personne à laquelle, pour
toute chqçe, elle accordait une entière confiance,
Marie-Antoinette fut curieuse d'entendre ce Bour-
daloue si peu à sa place, et, quelques jours plus
tard, lui était déférée là prodigieuse distinction
dont il vient d'être parlé. Toutefois, .ce qu'à: une
autre époque les. jésuites eussent obtenu sous
jambe pour le moindre sujet, de leur ordre, la
reine, aidée de la surintendante de sa. maison,
avait eu quelque peine à. le rendre faisable pour
son protégé. . . ;j ,
Le vieux Maurepas, celui qui, plup jeune, avait
(ait sur Mme de Pompadour une sale et plate épi-
gramme qu'il paya d'une disgrâceprolongée pçn-*
dant tout le règne de Louis XY, se trouva, au com
mencement du règne suivant, le ministre tout puis
sant. Sans son approbation et privilège, LouisXYI
ne se serait pas permis de vouloir quelque ebose,
et quand il fut question du prédicateur de I'Avent,
en présence même $es chaudes protectrices qui
poussaient l'abbé à ce poste, l'oracle fut consulté.
— Ilum I—fit alors M, de Maurepas,—pour ob
tenir rhonneur de prêcher ,en coui;, jè ne dis pas
précisément qu'il faille être de noblesse... .
— C'est aussi ce qu'il, me semble, — interrom
pit vivement Mme de Lamballe; —Massillon
était fils d'un notaire* ,
— Oui, mais au moins sa famille était de pas
sable bourgeoisie, tandis que le père de l'abbé
Hulet... , ,
— Eh bien I le père de l'abbé Hulet? -r • de
manda Marie-Aqtoinette avec impatience."
— Je ne puis dire qu'au roi l'obstacle que j'en
trevois au désir de,la.rftine;,il ; s'agit..d'un secret
d'Etat.
£t s'approcha&t de l'oreille de celui qu'il aurait
bien pu appeler son royal élève, M. de Maurepas ;
lui dit quelques mots à voix basse.
— Quoil cette vilenie dure encore! - s'écria
le roi, avec un vif accent de probité.
— Mais sans doute, — repartit le vieux minis- i
tre, —et il faut bien que cela dure ; autrement, i
qui voudrait se: charger de gouverner ? [
— Je ne trouve rien d'impoli et de discourtois i
comme un secret d'Etat, —.dit cependant la rei-]
nç,.— il semble autoriser devant les .femmes , j
quel que soit leur rang, des chuchotemens et des
à paro les plus désobligeans du monde.
— Au fait, — reprit le roi avec sa faiblesse or
dinaire pour, sa belle compagne , — je puis bien 1
dire à ma femme.... > !
. Et, cette fois, sans consulter le vieux ministre, !
qui ne parnt pas trop approuver cetteindiscrétion, ;
il dit confidentiellement k ; l'oreille de Marie-An
toinette le secret de,!'indignité, de l'abbé Hulet.: i
L'argument, quel qu'il fût,-sembla faire impres- !
gion sur la reine, qui se. montra disposée .à sacri- !
fier le pauvre vicaire, en disant d 'un air de re
gret '■
— Mais alors, qui choisirons-nous? .
. Laissée seule en dehors du secret d'Etat, et bles-
.sée d'ailleurs de la désertion générale qui se fai
sait, au préjudice de son protégé, Mme de JLam- ;
balle eut un mouvement de vivacité, et à la ques
tion posée,par la reine, elle répondit :
— Mais Leurs Majestés ont le jeune abbé de Pé-
rigord. H.est, celui-là, je pense; d'assez bonne
maison. • . ;
M. de Talleyrand, celui qui fut depuisévêque !
d'Autun et l'un des diplomates éminens des temps :
modernes, avait alors vingl.ans. Il venait de fi-.
nir ses études, ecclésiastiques, et s'était mis en :
. évidence, par, quelques aventures, très, médiocre- s
ment édifiantes. C'était de lui que voulait parler '
Mme de Lamballe, et il est en effet regrettable que
, l'avis ironiquement ouvert par elle, n'ait pas alors
été suivi. A cette vie si pleine d'étranges fluc
tuations, il manque peut-ê.tré ce qui n'a pas man
qué à cellfe dm cardinal de Retz,. la bizarre cir
constance d'avoir prêché un Avent (1).
— En pareil cas, la naissance n'est pas tout,
— repartit cependant le roi, qui. ne s'était point
aperçu que la princesse eût parlé en se moquant.
—Elle est si peu tout, qu'elle n'est rien,—reprit
Mme de Lamballe avec animation ; — m'est avis,
autantqu'une femme peut se connaître à ces choses,
que, pour le prêtre, il n'y a pas de filiation ; dans
sa qualité de , ministre du Très-Haut, viennent
s'absorber tous ses antécédens de famille, et il me
paraîtra toujours étrange, quand Dieu trouve un
homme d'assez bon lieu pour son service, qu'un
souverain de la terre, fût-ce même le roi de France,
croie devoir Je, rechercher sur le fait de sa nais
sance.
M, de Maurepas,.qui riait de tout (on a ainsi
résumé sa politique et son caractère), accueillit
gaiement - cette sortie de la princesse ; mais
Louis XVI, qui avait un grand fonds, de ce que
plus tard, on appela libéralisme, fut très vive
ment frappé du trait de vérité qui venait de lui
être jeté, et, après quelques paroles encore échan
gées,, la belle. et' forte argumentation de Mme de
Lamballe emporta la décjsion. -
L'abbé Hulet, en dépit de ce que pouvait être
son père, parut donc dans la chaire qui avait vu
Bossuet, ïléchier, Bourdaloue et Massillon, et
quoiqu'il ne s'éievât pas tout à fait à la hauteur de
ces illustres devanciers, son sermon du premier
dimanche de l'Avent fut accueilli avec une faveur
marquée. En même temps un bruit se répandit,
qui auprès des femmes de la cour lui devint
'(t) « Je commençai mes sermons de l'Advenf danï
8aiat-JeajJ-en.-Grère, le jour de la Toussaint. »
irei du cardinal de Ketz, 2* pai'tie.)
aussitôt d'une grande recommandation. On di
sait que son entrée dans les ordres avait été dé
terminée par un désespoir amoureux, et il s'en
fallait de peu de chose que l'on ne vît en lui uu
autre abbé de Rancé. Il y avait à ia fois du faux
et du vrai dans cette histoire : en fait, voici réelle
ment la manière dont fes choses s'étaient passées:
Malgré l'onction attendrissante de sa parole,
l'abbé Hulet n'était rien moins qu'une ame air-
mante; sa vocation religieuse, comme celle du célè
bre réformateur auquel on avait voulu le comparer,
était compliquée d'un grand fonds d'ambition et
d'un ardent.désir d'une haute fortune temporelle.
L'amour, si l'on veut, avait été le point de départ,
mais il n'avait pas été le motif déterminant du sa
crifice qui lui ralliait, tant de douces sympathies.
Comme il y a mille manières d'aimer sans cette
disposition par excellence qu'on appelle la ten
dresse de cœur ; comme on aime avec ses sens,
avec sa tête, avec son amour-propre, avec son
intérêt, son désœuvrement, et même avec l'habi
tude, à dixTneuf ans et avant qu'il ne fût question
pour lui d'entrer dans les ordres, le jeune abbé, à
sa façon et autant qu'il enj était capable, s'é
tait attaché à la fille d'un gentilhomme nommé
Boisbrunet.
, Fils d'un petit bourgeois simplement aisé; et
qui tenait, au département des affaires étrangères,
un obscur emploi de commis, Hulet n'était point
posé pour aspirer à la main de cette riche héri
tière, que sa fortune et la supériorité de sa nais
sance semblaient rendre inabordable pour lui.
Toutefois, k la suite d'un important service que
Hulet père avait eu l'occasion de rendre au mar
quis de Boisbrunet, celui-ci s'était trouvé recon
naissant, et de là, entre les deux familles, une
grande intimité. Les jeunes gens, dès leur en
fance, avaient donc "eu journellement l 'occasion
de se voir, et sitôt qu'ils s'étaient'trouvés eu âge
de sentir leur cœur, l'amour, qui ne se soucie
guères des distinctions et distances sociale?, avait
commencé de se glisser entr'eux.
Leur rfmtuel attachement n'était pas resté long
temps un secret pour le marquis; mais, contre
l'usage immémorial, ce sentiment avait trouvé
grâce devant lui. .
A la suite d'une amitié de quinze ans, heureux
d'avoir une occasion de reconnaître les bons ofli-
cés de Hulet père, M. de Boisbrunet était venu de
lui-même lui proposer une mésalliance, et avait
parlé d'un mariage entre leurs enfans.
Mais suivant le même renversement de toutes
les règles établies, l'humble employé s'était vive
ment récrié k cette ouverture, disant que son fils
n'était pas d'une Baissance à pouvoir accepter
l'honneur qui s'offrait à lui ; et quoique le marquis
lui eût fait observer que ce n'était point au rotu
rier k s'embarrasser de pareils scrupules, si le
gentilhomme trouvait bonne son alliance, Hulet
père n'en avait pas moins maintenu son refus,"et
cela, dans les termes d'une abnégation singulièré
et qui évidemment n'avait rien de joué.
Né pouvant avoir raison d'une résistance si opi
niâtre, M. de, Boisbrunet avait fini par remettre
la négociation entre les mains de celui dont il
pensait à faire son gendre, et le jeune homme avait
pensé que le succès n'en serait ni difficile ni loin
tain. Après avoir donné aux scrupules de son ex
trême délicatesse tel cours que de raison, son
père, à ce qu'il lui semblait, devait les faire cé
der devant les chaudes instances de l'amitié et
devant la considération du bonheur de son fils.
Toutefois il se trouva dans ces prévisions bien du
mécompte : non-seulement le jeune Ilulet n'obtiùt
pas de l'inflexible auteur de ses jours le consen
tement qu'il espérait, mais il se vit très rudement
semoncé pour avoir osé porter ses prétentions en
si haut lieu, et en fia de cause, il se heurta contre
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