Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1845-04-26
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 avril 1845 26 avril 1845
Description : 1845/04/26 (Numéro 116). 1845/04/26 (Numéro 116).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k667068p
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
SAMEDI 26 AVRIL 1845.
EDITION DE PAMS.
HIJMÉEO 11C.
on s'abonne jl pahis, rub mohtmahtrb, k* m,
cr, bans un atouanam, chu uh mmctbitu du foitm,
«TA TOEIM LSI «WW6IBIM.
4 iwwlrw j o A m iTJf. Co»t« et jHt, 5a
PASU.
OU AH*» •
•a bois .
mis Kotf».
•••••••••••••
•••••••••••••
dspahtsmkns et bxrangeb.
40 n. ^ VK AH• 48 riti
20 Iul SEOIS .»■••»••••••■•» S4
10 xaoïs hou..... 12
annonces.
1 frino B0 cent. 1» petite ligne;' — 8 francs la ligne de rédnw.!
coon IMERTIOH DOIT *TM A8BÉÉB fU U ftÉaAHT.
Ltt lettref non affranehiei ttroM rigoureusement refutéti.
PARIS, «S AVRIL.
La chambre avait aujourd'hui à voter un crédit supplémentaire
relatif à l'emprunt grec. M. Duvergier de Hauranne a saisi cette
occasion de demander au gouvernement des explications sur la
politique qu il entend suivre & l'égard de la Grèce. L'orateur a
rappelé qu'à l'épouse où M. Maurocordato était au pouvoir, le mi
nistre deFrance loi avait prêté un appui loyal et sincère, quoique le
cabinet grec agît alors sous Tinflaence exclusive de l'Angleterre.
Un nouveau àunisière a succédé. M. Coietti, ami de la France èf
représentant du parti national, a été appelé au gouvernement, et
l'agent, dé l'Angleterre, peu susceptiblë,' à ce qu'il paraît, du
J{»yal dés intéressement dont M. Piscatory lui avaiVdonné l'exem
ple , a sur le champ mis en œuvre tous les moyens d'influence
dont la politique et la trésorerie d'Angleterre lui permettaient de
disposer pour renverser ce cabinet.
<• Un membre du parlement anglais est venu en aide à ces ma-
ïœwres eu interpellant sir Robert Peel sur les affaires grec-
3ues. Il n'a pas rougi de s'exprimer en termes injurieux 'au sujet
e l'honorable conduite de M. Piscatory; il a demandé au chef du
cabinet ang'ais de s'expliquer sur cette conduite, dans la supposi
tion Sans doute que les agens de la Francè sont tenus désormais de
tendre compte de leurs actes au gouvernement britannique.
Sir Robert Peel, au lieu de rappeler l'orateur au respect des
convenances , et de rendre justice a M. Piscatory, a semblé adhé-
rerpar ses réticences à l'opinion qui venait d'être exprimée.
Tels sont ' les faits qu'a résumés M. Duvergier ae Hauranne,
"avec autant d'esprit que de mesure. Il a engagé le gouvernement
à répondre aux violences de la tribune anglaise par une manifes
tation éclatante en faveur de la Grèce et dé son gouvernement, et
$ revendiquer l'honneur de la politique française, calomniée sous
Je nom et dans la personne de notre agent. Ilconvenait d'autant
plus de donner à la Grècë et à son gouvernement un énergique
appui, que l'Angleterre, après avoir d'abord laissé croire qu'elle
pourrait désapprouver M. Lyons, a fini par lui donner une appro-
balion complète.
En l'absence de M. Guizot, M. Duchâtèl est monté à la' tribune.
M. Ducbâtel aspire, dit-on, à s'élever jusqu'au portefeuille des
adirés étrangères . Son discours était une sorte de " premier pas,
une espèce de début, que la chambre étudiait avec une certaine
curiosité. Jamais on n en a vu de plus malheureux.
_ Cette réponse timide, si profondément inintelligente, qu'elle a excité sur presque
tous les bancs un rire de dédaigneuse surprise. Il a parlé beau
coup , mais il n'a absolument rien dit. Pas un mot au sujet que
r M- Davergierde Hauraxme avait abordé -, quelques phrases va-^
gues d'adhésion à la conduite du ministre français à Athènes ,
mais rien sur la politique à pratiquer envers la Grèce, rien sar
les faits récens dont la nouvelle est arrivée aujourd'hui même,
rien sar les intrigues de l'agent anglais, ni sur les interpellations
inconvenantes qui ont eu lieu dans la chambre des communes.
Et quand M. Dubois a insisté pour avoir l'avis du ministre sur
les réUcences peu polies de M. Peel, quand il a demandé de nouveau
s'il y avait quelque fondement dans les menaces à peine déguisées
de la presse anglaise contre la royauté grecque, M, Duchàtel s'est
retranché puériîement derrière l'exposé de motifs du projet de
. loi, comme an écolier en diplomatie, qui invente les plus ridicu
les expédiens pour échapper à une question à laquelle il n'ose pas
répondre. Son désordre a été si marqué et si ridicule, que la cham-.
bre est restée comme stupéfaite.
M. Duvergier de Hauranne, qui avait traité la question avec
cette fermeté mêlée de prudence, et cet esprit politique et élevé
qu'on cherchait en vain dans le discours du ministre, a jeté M.
Duchàtel dans un nouveau trouble, ea interprétant spirituels
lement son silence. Il est évident que M. Duchàtel prend
l'ihsignifiance du langage, le non-sens des paroles, pouf
une marque d'habileté et de profondeur diplomatiques. M. Du
vergier de Hauranne avait dit en commençant qu'il n'y avait pas
de dissidences au sujet de l'emprunt même, et que toutes les
opinions se réunissaient dumomer,; qu'il s'agissait aëla Grèce. La
loi a été en effet adoptée par 248 voix contre 4.
Les nouvelles qui nous parviennent aujourd'hui d'Athènes ct.de
Çonstàntinople, donnent un singulier à-propos aux observations
que MM. Duvergier de Hauranne et Dubois (de la Loire-Inférieure)
ont présentées à la chambre dans le cours de la séance. Toujours
conduit, toujours poussé par M. Lyons, le parti maurocorda-
tiste en est venu à la dernière ressource des partis vaincus, aux
tentatives d'insurrection. Au moment même où un journal an
glais, le Morning-Post, accusait Mi Piscatory dé recevoir cha
que jour des brigands à sa table et annonçait la chute prochaine
du gouvernement ; au moment aussi "où sir Robert Peel
donnait son approbation pleine et entière.à M. Lyons, il était
de notoriété publique que des émissaires anglo-russes parcour
raient tout le pays, semant l'argent, prodiguant les promesses,
entassant calomnies sur calomnies, et provoquant partout desé-
meutes et des troubles, Il était de notoriété publique aussi que des
distributions de fusils et de poudre avaient lieu sur plusieurs
points du royaume, et qu'une prise d'armes se préparait à Athè
nes et ailleurs pour le 6 avril, jour de la déclaration d'indépen
dance. Grâce aux mesures prises pâr le gouvernement, grâce peut-
être à la saisie d'une bombarde chargée dé poudre,, qui avai t
abordé à Hydra dîns une anse écartée , le danger a dis
paru , et la fête de l'indépendance a pu être célébrée sans
désordres. Les détestables projets, du parti vaincu n'ont même
fait que resserrer les liens de la majorité qui, én peu de jours,
a voté la loi sar la réorganisation des ministères et la loi
des nomarchies. Il n'en est pas moins certain que MM, Maurocor
dato et Zographos, naguères ennemis jurés, agissent maintenant
en commun et que leur mariage a été béni par M. Lyons. Il n'en
est pas moins certain que celte union, tant^qu'elle durera et que
l'Angleterre y prêtera les mains, sera quelque chose de fort me
naçant pour la tranquillité comme pour la prospérité de la Grèce.
Voilà pour Athènes. Quant à Çonstàntinople, la trame est plus
habilement ourdie. On sait que le président actuel du conseil des
ministres, M. Coietti, a de tout temps nourri-pour la Grèce les
espérances les plus hautes. Selon lui, comme selon tous les hom
mes de sens, c'est à la Grèce, le jour où tombera-l'empire otto
man, à recueillir la meilleure portion de l'héritage, et à constituer
ainsi dans la Méditerranée un état plein de sève et de vie. Mais,
comme tous les hommes de sens aussi, M. Coietti croit qu'en
voulant hâter le cours des événemens, on ferait plus de mal que
de bien. C'est pourtant sur l'ambition lointaine de M. Coietti,
qu'à Çonstàntinople les ambassadeurs d'Angleterre et de Russie
ont basé leur plan de campagne. Effrayer la Porte et la pousser
à quelque démarche injurieuse à l'égard de la Grèce, exploiter la
réponse da ministère grec, puis encourager la Porte à former sur
la frontière de l'état grec un corps d'observation, voilà le plan
qui déjà a presque réussi. Une fois les Turcs et les Grecs en pré
sence on espère bien qu'il en"résultera quelque conflit, et que le
ministère Coietti, peut-être le gouvernement lui-même, disparaî
tra dans la tempête.
Telle est la situation contre laquelle M. Piscatory lutte avec
énergie à Athènes et que M. de Bourqueney va trouver à Constant
tinople. Et c'est én présence d'une telle situation, c ; ëst après les
paroles si significatives de sir Robert Peel à Londres, que M. Du
chàtel trouve à peine le courage de prononcer quelque# mojts insi-
gnifians et ridicules. C'est en présence d'une telle situation qu'il
n'ose ni répondre aux injures de la chambre des communes, ni
désavouer tes incroyables articles du Journal des Débats I €om-
ment avec de tels ministres là France conserverait -elle lerang qui
lui appartient dans le monde?
A la dépêche menaçante qui a été adressée au ministère grec
par la Portè-Ottomane, M. Coietti a répondu que si le divan en
voyait ses troupes sur la frontière, la Grèce, aè son côté, saurait
en faire autant.
Deux bateaux à vapeur, l'un russe, l'autre anglais , arrivés
coup sur coup, le 7 avril, d'Athènes à Çonstàntinople, ont appor
té des dépêcnes relatives à ce démêlé, et le départ du paquebot
français a été retardé d'un jour pour donner le temps à notre char
gé d'affaires de compléter sa correspondance. ,
M. Hébert est chargé de faire le rapport sur la proposition de
M. de.Rémusat, relative aux incompatibilités. La commission dé
signée pour examiner cette proposition a été nommée én même
temps que la commission de la conversion des rentes, Cette der
nière question, complexe et difficile, a nécessairement exigé un
temps considérable. De nombreux documens ont été consultés ; M.
le ministre des finances a été entendu plusieurs fois. Cependant
tout est terminé aujourd'hui : le rapport a été fait ; le projet a été
discuté et voté par la chambre.
Le rapport sur la proposition de M. de Rémusat, au contraire ,
est toujours attendu. A qui faut-il s'en prendre? à lacommisr
sion, à M- Hébert ou au ministère ? La commission n'a siégé que
trois fois pendant ce long intervalle de temps /et elle a prétendu
terminer soa travail dans ces trois séaness. Il ne lui reste plus
qu'à prendre connaissance du rapport de M. Hébert. De deux cho T
ses l'une : ou ce rapport est fait, et alors on est en droit de de*
mander pourquoi il n'est pas soumis à la chambre ; ou il reste à
faire, et alors il serait bon dé savoir si M. Hébert a décidé lui-
même cet ajournement, ou s'il faut l'attribuer à M. Duchàtel.
Dé fâcheux troubles éclatent à chaque instant dans les ëcolss
qui sont sous l'autorité du ministre de la guerre; ces désordres
accusent à la fois le peu d'intelligence de Padministration supé
rieure et l'excessive dureté du régime auauêl sont soumis ces êU-
blissemens. En ce qui concerne surtout l'Ecole Polytechnique, il
semble qu'on soit poussé par un sentiment d'hostilité contre l'ins
titution même. Les élèves sont conduits comme s'ils étaient au
régiment. Ce sont pourtant des jeunes gens livrés à des études
pénibles et approfondies, qui ne se destinent pas tous à l'état
militaire, et qui pourraient attendre de leurs chefs plus de douceur
et de bienveillance. Nous n'accusons point le commandant et les
officiers qui sont à la tête de l'école ; mais nous croyons qu'il y a
un vice général dans la direction suprême, une fâcheuse ignorance
des conditions essentielles de l'instruction publique, et une dispo
sition malheureuse à gouverner la jeunesse studieuse par les mê
mes procédés qui conviennent aux soldats dans un camp. / •
rxvJXLSjeon »vr oomzxttrrxonanc* vu 26 avbjx 1845.
Toutes les peïsanne» qui prendront un abonne
ment nouveau, à dater du 15 avril, recevront
«ans frai» tout ee qui aura paru de I j 'AM j ÉE DES
"VEUVES, e'est-à-dire toute la première partie.
Après la publication de l 'AMiÉIi DES VEUVES
nous reprendrons le JUIF EBBMX, dont il ne
nous reste plus que trois volumes à publier et qui
paraîtront sans interruption.
L'ALLÉE DES VEUVES
in
DEUXIEME PARTIE.
chapitre xxx.
Nous avons vu que presqu'aussitôt après son arrestation , Chatouil
lant avait commencé à se degoûter de son entreprise.
Emporté par sa passion de s'apparenter quelque part, aussitôt le so-
cret surpris à Offembourg, il avait conçu un peu légèrement le plan que
nous l'avohs vu mettre à exécution , et comme, en définitive, en prati
quant une exaction qui ne laissait pas d'être coupable, il opérait sur c(e
fort vilaines gens restées en jouissance d'une scandaleuse impunité, l'im
moralité de son action n'avait pas été suffisamment apparente pour lui.
Se regardant volontiers comme une sorte d'instrument providentiel
destiné à procurer indirectement la punition du crime , il ne s'était pas
nettement représenté que dérober un nom , môme quand il n'appar
tient à personne, et voler des voleurs et des assassins, était toujours une
conduite condamnable et dont on pouvait avoir à compter avec la loi.
Mais la mort qu'il venait.de -voir de si près ayant tout -à-coup porté
la lumière dans sa conscience, il se sentit au regret de s'être embarqué
gi imprudemment, et nonobstant la bonne volonté et les ouvertures de
Legros, il ne songea plus qu'au moyen de se démêler le moins mal qu'il
pourrait de cette dangereuse affaire.
Pans cette situation d'esprit si perplexe, sa pensée se tourna tout na
turellement vers Mlle Lçbeau, avec laquelle il était, relativement à l'af-
(1) Tonte reproduction, même partielle, de ce feuilleton, e«t interdite.
Voir pour la première ptrti* notre numéro da 13 .avril, et, pour les
once premier» cbapiti#» de la deuiième partie notre numéro du 25.
faire qui l'occupait, dans un commencement de confidence. Il la savait
femme de tête et de bon conseil, et ne doutait pas qu'il ne dût ga
gner quelque chose à s'Ouvrir à elle. Il avait d'ailleurs à s'excuser
auprès de la pauvre fille de l'esclandre dont il avait été la cause
involontaire. Toutes ces raisons firent, qu'aussitôt rendu à là liberté ,
Chatouillant se sentit le besoin de rendre une visite à la maison, du Pris
me tricolor , où il s'attendait bien que dureraient encore cette émotionet
cette épouvante que traîne toujours après elle une descente de justice.
Revenue assez tard de Charenton, nous savons déjà qu'elle avait
dû s'y rendre , Mlle Lebeau avait trouvé ses demoiselles de magasin au
désespoir, ses meubles forcés, ses armoires en désordre , et, pour com
ble de satisfaction, on lui avait laissé entendre que cette visite domici
liaire ayant pour but de mettre la main sur des papiers compromettans
découverts en sa possession , elle devait, d'un moment à l'autre , s'at
tendre à être arrêtée.
On voulait même , en vue de cette menace , la décider à quitter sa
maison et à chercher un as'lechezune amie. Mais, forte de sa conscience,
et pensant que cette démarche serait la première preuve de sa culpabi
lité, la courageuse jeune fille s'y était péremptoirement refusée , et
précisément elle était occupée à se défendre des instances qui, de toutes
parts, lui étaient faites dans le sens d'un éloignement momentané, mais
nécessaire, quand arriva Chabouillant.
Sans emportement, et ayant l'air plutôt blessée d'avoir été prise pour
dupe qu'épouvantée du danger qui était censé peser sur elle, Mlle Le
beau reprocha au survenant le coupable subterfuge dont il avait usé à
son égard.
— Dans un danger pressant,—lui dit-elle,—je ne refuserai jamais de
prêter mon secours à qui me le demandera; maisje trouve de la déloyau
té à dérober un service, en laissant ignorer à celui qui veut bien le
rendre les conséquences possibles de son dévoûment.
Encore plus engagé à dire toute la vérité par cette grave accusation
d'abus de confiance qui était portée contre lui, Chabouillant demanda à
Mlle Lebeau m entretien particulier, et commençant par la rassurer sur
son danger imaginaire, il lui conta de point en point la conversation
d'Offembourg, le périlleux usage qu'il avait cru pouvoir faire de cette dé
couverte, et enfin, le terrible dénoûment qu'une heure avant, cette belle
entreprise avait failli avoir pour lui.
Dans ce long récit, dont, avec toute sa perspicacité, la jeune mar
chande ne saisit d'abord qu'assez imparfaitement l'ensemble, tant il était
compliqué de détails difficiles à bien suivre dans leur enchaînement, elle
fut surtout frappée de ce qui avait rapport àChevillard, et c'était juste
ment, faute de le bien savoir, ce que le conteur expliquait le plus con
fusément. Toutefois , à la suite de plusieurs questions propres à éluci
der cet effroyable inconnu, finissant par se rendre clairement compte du
rôle que son ancien teneur de livres avait joué dans ce terrible drame ,
— Pauvre garçon,-HjiWelle, — dans quel horrible abîme il était allé
se jeter làl
Mais comme il n'était pas du caractère de cette charmante fille, dans
quelque affaire que ce fût, de long-temps penser à elle et à ses intérêts,
vère probité,
— Monsieur Chabouillant, — lui dit-elle, —votre conduite a été bien
imprudente ; je vous savais dissipé, un peu libre sur le chapitre des
moeurs ; mais de là à un si sérieux oubli de ce qu'un honnête homme
se doit à lui-même, il y avait encore bien du chemin!
— Tenez, Mademoiselle, je vous en prie,.— répondit Chatouillant,—
ne me confusionnez pas. Je sais, sans que vous me le disiez, combien
j'ai démérité de votre estime ; mais que faut-il faire pour réparer ma
faute ? Ce que vous ordonnerez, je l'exécuterai à l'instant même, tant
j'ai de confiance dans la bonté de votre jugement.
— A mon avis, il n'y a pas deux partis à prendre : la Providence
vous a mis sur la trace de forfaits horribles ; vous en devez la révéla
tion à la justice.
— Mon Dieu! ma conscience m'insinuait bien déjà tout-à-l'heure de
prendre ce parti ; mais, pensez donc, la culpabilité dont ces misérables
ont su créer l'apparence ; ces dangereuses lettres restées entre leurs
mains !
— C'est justement là ce qui me pousse à vous conseiller de cette ma
nière. A votre retour d'Allemagne, si vous m'aviez dit le secret dont
vous étiez devenu dépositaire, j'aurais été embarrassée de vous donner
un avis, parce qu'il en coûte toujours de se faire dénonciateur, mémo
quand il s'agit des plus grands criminels.
— Certainement, dit Chabouillant, abondant dans ce sens, — en
voyer ainsi toute une société à l'échafaud !
— Mais aujourd'hui, — reprit Mlle "Lebeau, — vous, n'avez plus le
choix. Par ia coupable démarche que vous avez faite, et en essayant de
profiter du crime, vous en avez assumé une sorte de complicité morale.
Désormais votre destinée, au moyen des lettres que vous avez dû écrire,
est liée à celle de ces misérables, et chaque moment de retard resserrera
ce lien : il n'y a qu'un aveu immédiat et un prompt repentir qui puis
sent vous affranchir de cette solidarité dont-la portée est incalculable.
— Mais, sans parler de l'accusation de meurtre, la loi porte peut-être
une peine contre les faux noms. On me l'appliquera et je serai désho
noré.
— Je ne sais pas ce qu'il en est, — repartit la jeune marchande, —
mais enfin vous n'avez profité en rien de votre imprudente démarche?
— C'est-à-dire, — repondit le commis-voyageur, — que j'ai été sur
le point d'y laisser ma peau... voilà tout le bénéfice.
— De plus, — continua Mlle Lebeau, — par vos révélations, vous
aurez rendu un grand service à la société ; enfin, en allant vous dé
noncer vous-même, vous montrerez qu'ayant agi avec légèreté et irré
flexion , aussitôt averti de la moralité de votre conduite, vous avez eu à
EDITION DE PAMS.
HIJMÉEO 11C.
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cr, bans un atouanam, chu uh mmctbitu du foitm,
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4 iwwlrw j o A m iTJf. Co»t« et jHt, 5a
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coon IMERTIOH DOIT *TM A8BÉÉB fU U ftÉaAHT.
Ltt lettref non affranehiei ttroM rigoureusement refutéti.
PARIS, «S AVRIL.
La chambre avait aujourd'hui à voter un crédit supplémentaire
relatif à l'emprunt grec. M. Duvergier de Hauranne a saisi cette
occasion de demander au gouvernement des explications sur la
politique qu il entend suivre & l'égard de la Grèce. L'orateur a
rappelé qu'à l'épouse où M. Maurocordato était au pouvoir, le mi
nistre deFrance loi avait prêté un appui loyal et sincère, quoique le
cabinet grec agît alors sous Tinflaence exclusive de l'Angleterre.
Un nouveau àunisière a succédé. M. Coietti, ami de la France èf
représentant du parti national, a été appelé au gouvernement, et
l'agent, dé l'Angleterre, peu susceptiblë,' à ce qu'il paraît, du
J{»yal dés intéressement dont M. Piscatory lui avaiVdonné l'exem
ple , a sur le champ mis en œuvre tous les moyens d'influence
dont la politique et la trésorerie d'Angleterre lui permettaient de
disposer pour renverser ce cabinet.
<• Un membre du parlement anglais est venu en aide à ces ma-
ïœwres eu interpellant sir Robert Peel sur les affaires grec-
3ues. Il n'a pas rougi de s'exprimer en termes injurieux 'au sujet
e l'honorable conduite de M. Piscatory; il a demandé au chef du
cabinet ang'ais de s'expliquer sur cette conduite, dans la supposi
tion Sans doute que les agens de la Francè sont tenus désormais de
tendre compte de leurs actes au gouvernement britannique.
Sir Robert Peel, au lieu de rappeler l'orateur au respect des
convenances , et de rendre justice a M. Piscatory, a semblé adhé-
rerpar ses réticences à l'opinion qui venait d'être exprimée.
Tels sont ' les faits qu'a résumés M. Duvergier ae Hauranne,
"avec autant d'esprit que de mesure. Il a engagé le gouvernement
à répondre aux violences de la tribune anglaise par une manifes
tation éclatante en faveur de la Grèce et dé son gouvernement, et
$ revendiquer l'honneur de la politique française, calomniée sous
Je nom et dans la personne de notre agent. Ilconvenait d'autant
plus de donner à la Grècë et à son gouvernement un énergique
appui, que l'Angleterre, après avoir d'abord laissé croire qu'elle
pourrait désapprouver M. Lyons, a fini par lui donner une appro-
balion complète.
En l'absence de M. Guizot, M. Duchâtèl est monté à la' tribune.
M. Ducbâtel aspire, dit-on, à s'élever jusqu'au portefeuille des
adirés étrangères . Son discours était une sorte de " premier pas,
une espèce de début, que la chambre étudiait avec une certaine
curiosité. Jamais on n en a vu de plus malheureux.
_ Cette réponse
tous les bancs un rire de dédaigneuse surprise. Il a parlé beau
coup , mais il n'a absolument rien dit. Pas un mot au sujet que
r M- Davergierde Hauraxme avait abordé -, quelques phrases va-^
gues d'adhésion à la conduite du ministre français à Athènes ,
mais rien sur la politique à pratiquer envers la Grèce, rien sar
les faits récens dont la nouvelle est arrivée aujourd'hui même,
rien sar les intrigues de l'agent anglais, ni sur les interpellations
inconvenantes qui ont eu lieu dans la chambre des communes.
Et quand M. Dubois a insisté pour avoir l'avis du ministre sur
les réUcences peu polies de M. Peel, quand il a demandé de nouveau
s'il y avait quelque fondement dans les menaces à peine déguisées
de la presse anglaise contre la royauté grecque, M, Duchàtel s'est
retranché puériîement derrière l'exposé de motifs du projet de
. loi, comme an écolier en diplomatie, qui invente les plus ridicu
les expédiens pour échapper à une question à laquelle il n'ose pas
répondre. Son désordre a été si marqué et si ridicule, que la cham-.
bre est restée comme stupéfaite.
M. Duvergier de Hauranne, qui avait traité la question avec
cette fermeté mêlée de prudence, et cet esprit politique et élevé
qu'on cherchait en vain dans le discours du ministre, a jeté M.
Duchàtel dans un nouveau trouble, ea interprétant spirituels
lement son silence. Il est évident que M. Duchàtel prend
l'ihsignifiance du langage, le non-sens des paroles, pouf
une marque d'habileté et de profondeur diplomatiques. M. Du
vergier de Hauranne avait dit en commençant qu'il n'y avait pas
de dissidences au sujet de l'emprunt même, et que toutes les
opinions se réunissaient dumomer,; qu'il s'agissait aëla Grèce. La
loi a été en effet adoptée par 248 voix contre 4.
Les nouvelles qui nous parviennent aujourd'hui d'Athènes ct.de
Çonstàntinople, donnent un singulier à-propos aux observations
que MM. Duvergier de Hauranne et Dubois (de la Loire-Inférieure)
ont présentées à la chambre dans le cours de la séance. Toujours
conduit, toujours poussé par M. Lyons, le parti maurocorda-
tiste en est venu à la dernière ressource des partis vaincus, aux
tentatives d'insurrection. Au moment même où un journal an
glais, le Morning-Post, accusait Mi Piscatory dé recevoir cha
que jour des brigands à sa table et annonçait la chute prochaine
du gouvernement ; au moment aussi "où sir Robert Peel
donnait son approbation pleine et entière.à M. Lyons, il était
de notoriété publique que des émissaires anglo-russes parcour
raient tout le pays, semant l'argent, prodiguant les promesses,
entassant calomnies sur calomnies, et provoquant partout desé-
meutes et des troubles, Il était de notoriété publique aussi que des
distributions de fusils et de poudre avaient lieu sur plusieurs
points du royaume, et qu'une prise d'armes se préparait à Athè
nes et ailleurs pour le 6 avril, jour de la déclaration d'indépen
dance. Grâce aux mesures prises pâr le gouvernement, grâce peut-
être à la saisie d'une bombarde chargée dé poudre,, qui avai t
abordé à Hydra dîns une anse écartée , le danger a dis
paru , et la fête de l'indépendance a pu être célébrée sans
désordres. Les détestables projets, du parti vaincu n'ont même
fait que resserrer les liens de la majorité qui, én peu de jours,
a voté la loi sar la réorganisation des ministères et la loi
des nomarchies. Il n'en est pas moins certain que MM, Maurocor
dato et Zographos, naguères ennemis jurés, agissent maintenant
en commun et que leur mariage a été béni par M. Lyons. Il n'en
est pas moins certain que celte union, tant^qu'elle durera et que
l'Angleterre y prêtera les mains, sera quelque chose de fort me
naçant pour la tranquillité comme pour la prospérité de la Grèce.
Voilà pour Athènes. Quant à Çonstàntinople, la trame est plus
habilement ourdie. On sait que le président actuel du conseil des
ministres, M. Coietti, a de tout temps nourri-pour la Grèce les
espérances les plus hautes. Selon lui, comme selon tous les hom
mes de sens, c'est à la Grèce, le jour où tombera-l'empire otto
man, à recueillir la meilleure portion de l'héritage, et à constituer
ainsi dans la Méditerranée un état plein de sève et de vie. Mais,
comme tous les hommes de sens aussi, M. Coietti croit qu'en
voulant hâter le cours des événemens, on ferait plus de mal que
de bien. C'est pourtant sur l'ambition lointaine de M. Coietti,
qu'à Çonstàntinople les ambassadeurs d'Angleterre et de Russie
ont basé leur plan de campagne. Effrayer la Porte et la pousser
à quelque démarche injurieuse à l'égard de la Grèce, exploiter la
réponse da ministère grec, puis encourager la Porte à former sur
la frontière de l'état grec un corps d'observation, voilà le plan
qui déjà a presque réussi. Une fois les Turcs et les Grecs en pré
sence on espère bien qu'il en"résultera quelque conflit, et que le
ministère Coietti, peut-être le gouvernement lui-même, disparaî
tra dans la tempête.
Telle est la situation contre laquelle M. Piscatory lutte avec
énergie à Athènes et que M. de Bourqueney va trouver à Constant
tinople. Et c'est én présence d'une telle situation, c ; ëst après les
paroles si significatives de sir Robert Peel à Londres, que M. Du
chàtel trouve à peine le courage de prononcer quelque# mojts insi-
gnifians et ridicules. C'est en présence d'une telle situation qu'il
n'ose ni répondre aux injures de la chambre des communes, ni
désavouer tes incroyables articles du Journal des Débats I €om-
ment avec de tels ministres là France conserverait -elle lerang qui
lui appartient dans le monde?
A la dépêche menaçante qui a été adressée au ministère grec
par la Portè-Ottomane, M. Coietti a répondu que si le divan en
voyait ses troupes sur la frontière, la Grèce, aè son côté, saurait
en faire autant.
Deux bateaux à vapeur, l'un russe, l'autre anglais , arrivés
coup sur coup, le 7 avril, d'Athènes à Çonstàntinople, ont appor
té des dépêcnes relatives à ce démêlé, et le départ du paquebot
français a été retardé d'un jour pour donner le temps à notre char
gé d'affaires de compléter sa correspondance. ,
M. Hébert est chargé de faire le rapport sur la proposition de
M. de.Rémusat, relative aux incompatibilités. La commission dé
signée pour examiner cette proposition a été nommée én même
temps que la commission de la conversion des rentes, Cette der
nière question, complexe et difficile, a nécessairement exigé un
temps considérable. De nombreux documens ont été consultés ; M.
le ministre des finances a été entendu plusieurs fois. Cependant
tout est terminé aujourd'hui : le rapport a été fait ; le projet a été
discuté et voté par la chambre.
Le rapport sur la proposition de M. de Rémusat, au contraire ,
est toujours attendu. A qui faut-il s'en prendre? à lacommisr
sion, à M- Hébert ou au ministère ? La commission n'a siégé que
trois fois pendant ce long intervalle de temps /et elle a prétendu
terminer soa travail dans ces trois séaness. Il ne lui reste plus
qu'à prendre connaissance du rapport de M. Hébert. De deux cho T
ses l'une : ou ce rapport est fait, et alors on est en droit de de*
mander pourquoi il n'est pas soumis à la chambre ; ou il reste à
faire, et alors il serait bon dé savoir si M. Hébert a décidé lui-
même cet ajournement, ou s'il faut l'attribuer à M. Duchàtel.
Dé fâcheux troubles éclatent à chaque instant dans les ëcolss
qui sont sous l'autorité du ministre de la guerre; ces désordres
accusent à la fois le peu d'intelligence de Padministration supé
rieure et l'excessive dureté du régime auauêl sont soumis ces êU-
blissemens. En ce qui concerne surtout l'Ecole Polytechnique, il
semble qu'on soit poussé par un sentiment d'hostilité contre l'ins
titution même. Les élèves sont conduits comme s'ils étaient au
régiment. Ce sont pourtant des jeunes gens livrés à des études
pénibles et approfondies, qui ne se destinent pas tous à l'état
militaire, et qui pourraient attendre de leurs chefs plus de douceur
et de bienveillance. Nous n'accusons point le commandant et les
officiers qui sont à la tête de l'école ; mais nous croyons qu'il y a
un vice général dans la direction suprême, une fâcheuse ignorance
des conditions essentielles de l'instruction publique, et une dispo
sition malheureuse à gouverner la jeunesse studieuse par les mê
mes procédés qui conviennent aux soldats dans un camp. / •
rxvJXLSjeon »vr oomzxttrrxonanc* vu 26 avbjx 1845.
Toutes les peïsanne» qui prendront un abonne
ment nouveau, à dater du 15 avril, recevront
«ans frai» tout ee qui aura paru de I j 'AM j ÉE DES
"VEUVES, e'est-à-dire toute la première partie.
Après la publication de l 'AMiÉIi DES VEUVES
nous reprendrons le JUIF EBBMX, dont il ne
nous reste plus que trois volumes à publier et qui
paraîtront sans interruption.
L'ALLÉE DES VEUVES
in
DEUXIEME PARTIE.
chapitre xxx.
Nous avons vu que presqu'aussitôt après son arrestation , Chatouil
lant avait commencé à se degoûter de son entreprise.
Emporté par sa passion de s'apparenter quelque part, aussitôt le so-
cret surpris à Offembourg, il avait conçu un peu légèrement le plan que
nous l'avohs vu mettre à exécution , et comme, en définitive, en prati
quant une exaction qui ne laissait pas d'être coupable, il opérait sur c(e
fort vilaines gens restées en jouissance d'une scandaleuse impunité, l'im
moralité de son action n'avait pas été suffisamment apparente pour lui.
Se regardant volontiers comme une sorte d'instrument providentiel
destiné à procurer indirectement la punition du crime , il ne s'était pas
nettement représenté que dérober un nom , môme quand il n'appar
tient à personne, et voler des voleurs et des assassins, était toujours une
conduite condamnable et dont on pouvait avoir à compter avec la loi.
Mais la mort qu'il venait.de -voir de si près ayant tout -à-coup porté
la lumière dans sa conscience, il se sentit au regret de s'être embarqué
gi imprudemment, et nonobstant la bonne volonté et les ouvertures de
Legros, il ne songea plus qu'au moyen de se démêler le moins mal qu'il
pourrait de cette dangereuse affaire.
Pans cette situation d'esprit si perplexe, sa pensée se tourna tout na
turellement vers Mlle Lçbeau, avec laquelle il était, relativement à l'af-
(1) Tonte reproduction, même partielle, de ce feuilleton, e«t interdite.
Voir pour la première ptrti* notre numéro da 13 .avril, et, pour les
once premier» cbapiti#» de la deuiième partie notre numéro du 25.
faire qui l'occupait, dans un commencement de confidence. Il la savait
femme de tête et de bon conseil, et ne doutait pas qu'il ne dût ga
gner quelque chose à s'Ouvrir à elle. Il avait d'ailleurs à s'excuser
auprès de la pauvre fille de l'esclandre dont il avait été la cause
involontaire. Toutes ces raisons firent, qu'aussitôt rendu à là liberté ,
Chatouillant se sentit le besoin de rendre une visite à la maison, du Pris
me tricolor , où il s'attendait bien que dureraient encore cette émotionet
cette épouvante que traîne toujours après elle une descente de justice.
Revenue assez tard de Charenton, nous savons déjà qu'elle avait
dû s'y rendre , Mlle Lebeau avait trouvé ses demoiselles de magasin au
désespoir, ses meubles forcés, ses armoires en désordre , et, pour com
ble de satisfaction, on lui avait laissé entendre que cette visite domici
liaire ayant pour but de mettre la main sur des papiers compromettans
découverts en sa possession , elle devait, d'un moment à l'autre , s'at
tendre à être arrêtée.
On voulait même , en vue de cette menace , la décider à quitter sa
maison et à chercher un as'lechezune amie. Mais, forte de sa conscience,
et pensant que cette démarche serait la première preuve de sa culpabi
lité, la courageuse jeune fille s'y était péremptoirement refusée , et
précisément elle était occupée à se défendre des instances qui, de toutes
parts, lui étaient faites dans le sens d'un éloignement momentané, mais
nécessaire, quand arriva Chabouillant.
Sans emportement, et ayant l'air plutôt blessée d'avoir été prise pour
dupe qu'épouvantée du danger qui était censé peser sur elle, Mlle Le
beau reprocha au survenant le coupable subterfuge dont il avait usé à
son égard.
— Dans un danger pressant,—lui dit-elle,—je ne refuserai jamais de
prêter mon secours à qui me le demandera; maisje trouve de la déloyau
té à dérober un service, en laissant ignorer à celui qui veut bien le
rendre les conséquences possibles de son dévoûment.
Encore plus engagé à dire toute la vérité par cette grave accusation
d'abus de confiance qui était portée contre lui, Chabouillant demanda à
Mlle Lebeau m entretien particulier, et commençant par la rassurer sur
son danger imaginaire, il lui conta de point en point la conversation
d'Offembourg, le périlleux usage qu'il avait cru pouvoir faire de cette dé
couverte, et enfin, le terrible dénoûment qu'une heure avant, cette belle
entreprise avait failli avoir pour lui.
Dans ce long récit, dont, avec toute sa perspicacité, la jeune mar
chande ne saisit d'abord qu'assez imparfaitement l'ensemble, tant il était
compliqué de détails difficiles à bien suivre dans leur enchaînement, elle
fut surtout frappée de ce qui avait rapport àChevillard, et c'était juste
ment, faute de le bien savoir, ce que le conteur expliquait le plus con
fusément. Toutefois , à la suite de plusieurs questions propres à éluci
der cet effroyable inconnu, finissant par se rendre clairement compte du
rôle que son ancien teneur de livres avait joué dans ce terrible drame ,
— Pauvre garçon,-HjiWelle, — dans quel horrible abîme il était allé
se jeter làl
Mais comme il n'était pas du caractère de cette charmante fille, dans
quelque affaire que ce fût, de long-temps penser à elle et à ses intérêts,
vère probité,
— Monsieur Chabouillant, — lui dit-elle, —votre conduite a été bien
imprudente ; je vous savais dissipé, un peu libre sur le chapitre des
moeurs ; mais de là à un si sérieux oubli de ce qu'un honnête homme
se doit à lui-même, il y avait encore bien du chemin!
— Tenez, Mademoiselle, je vous en prie,.— répondit Chatouillant,—
ne me confusionnez pas. Je sais, sans que vous me le disiez, combien
j'ai démérité de votre estime ; mais que faut-il faire pour réparer ma
faute ? Ce que vous ordonnerez, je l'exécuterai à l'instant même, tant
j'ai de confiance dans la bonté de votre jugement.
— A mon avis, il n'y a pas deux partis à prendre : la Providence
vous a mis sur la trace de forfaits horribles ; vous en devez la révéla
tion à la justice.
— Mon Dieu! ma conscience m'insinuait bien déjà tout-à-l'heure de
prendre ce parti ; mais, pensez donc, la culpabilité dont ces misérables
ont su créer l'apparence ; ces dangereuses lettres restées entre leurs
mains !
— C'est justement là ce qui me pousse à vous conseiller de cette ma
nière. A votre retour d'Allemagne, si vous m'aviez dit le secret dont
vous étiez devenu dépositaire, j'aurais été embarrassée de vous donner
un avis, parce qu'il en coûte toujours de se faire dénonciateur, mémo
quand il s'agit des plus grands criminels.
— Certainement, dit Chabouillant, abondant dans ce sens, — en
voyer ainsi toute une société à l'échafaud !
— Mais aujourd'hui, — reprit Mlle "Lebeau, — vous, n'avez plus le
choix. Par ia coupable démarche que vous avez faite, et en essayant de
profiter du crime, vous en avez assumé une sorte de complicité morale.
Désormais votre destinée, au moyen des lettres que vous avez dû écrire,
est liée à celle de ces misérables, et chaque moment de retard resserrera
ce lien : il n'y a qu'un aveu immédiat et un prompt repentir qui puis
sent vous affranchir de cette solidarité dont-la portée est incalculable.
— Mais, sans parler de l'accusation de meurtre, la loi porte peut-être
une peine contre les faux noms. On me l'appliquera et je serai désho
noré.
— Je ne sais pas ce qu'il en est, — repartit la jeune marchande, —
mais enfin vous n'avez profité en rien de votre imprudente démarche?
— C'est-à-dire, — repondit le commis-voyageur, — que j'ai été sur
le point d'y laisser ma peau... voilà tout le bénéfice.
— De plus, — continua Mlle Lebeau, — par vos révélations, vous
aurez rendu un grand service à la société ; enfin, en allant vous dé
noncer vous-même, vous montrerez qu'ayant agi avec légèreté et irré
flexion , aussitôt averti de la moralité de votre conduite, vous avez eu à
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