Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1845-04-06
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 avril 1845 06 avril 1845
Description : 1845/04/06 (Numéro 96). 1845/04/06 (Numéro 96).
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6670480
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
DIMANCHE 6 AVRIL 1845.
ttMiùNmPARIS.
NUMERO
»tJH MONTMARTRE j K« 4»i'
,niîn lis "nipArraKKw* , chm lia dimctbum dbs toit*».
Qti'B'iÙÛ^ÏiLj
ITi TOUTWtM KBSSA .6EBIXS.
;:A ton&nt, chex MM. CowU et f.lt* Saint-Anndt £4ri*
' '*~' J .. J i i.. l ^ , ■ , i .'i .' m . , f..; ■ ■ '? . l'i ; . ' t .1 .
m iB.(i
SIX MOU
.TROIS «qu.
DÉPAfltfEMENS ÉX ÉTBÀ^GEÛ.
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U.HOIS......... 13 „
V" 1 ; , Airaososà.,
1 frtnoBO ceirt. 6i petite ligne; -^8 franc» lr ligne 1 4e iédama.
'itèétlrlêm/ÀK mmk in : iaWÉriÀwxi-ifiâiûsrr.- 1 • ■ ■
. • £ h te (frai non affjraneMet feront rigoumuement çefiuéu,
rF=î=
3; . ;p , h .- ... , paris,, a ^ , -<:p
. -La 'défaite 4^ vol'ontwrfes -'^pi ont envahi l'état île Lucernè^St'.
com^lètéi One partipjest restée sur çhpnp de fcataillê ; de ndm*
bréux prîsoaffiërë sbnt tombés «ntrelès msms des Lucernois et de
leurs auxiliaires. Oit. annonce que ces prisonniers ènt été fcruéllô-'
menti traités, que pPâsieWs ont été massacrés ; tcrttte guerre civiié
est implacable surtbiit lorsqu'elle a pour cause'le fanatisme réli-
giètt& «■ -i '.'V.'---- ;i "" , 'i ' ■■■ :
. Ainsi. p une faibl.é -mitiofité,l'emporte en- Suisse potir Jë"- ®jo-'
raie qu'ils inspirent.-; Par quelles causes principales faut-Ù expli
quer conflits et leur résulte^ : 1
- Lorsque 1» diète s'est séparée sans sè prononcer sur la question
des jésuites, elle a donné elle-même comme le premier signai de
la guerre civile dans le pays. Chacun pouvait s'y attendre au mi-
lieq. de l'itritalioa des esprits doat le pouvoir central abandonnait
ainsi la direction précisément au plus fort de la criîe. -
- Pourquoi la diète s'est-élle séparée sans résoudre cette question?
La majorité était incontestablement opposée aux-jésuites: Gèpen-
dant cette majorité n'a pas pa parvenir à s'accorder par suite du vice
de la constitution du pouvoir fédéral. Eu effet les députés dè la
diète sont bien moins défe «gens politiques investis d'une pârt du
gouvernement de Ja Suisse, que des ambassadeurs envoyés à un
congrès, avec.des instructions précises, qui les laissent sans auto
rité et sans action sur les événemens imprévus.
» Cen'est pas tout. La dicte porte en son sein un autre principe
de faiblesse. Cette faiblesse résulté de l'égalité vraiment inique de
la représentation des cantons à là dicte. Ch^e caatoa à une voix;
quels que soient son étendue, le chiffre de sa population. Le can
ton dë Berne, qui fournit vingt fois autant de soldats.pour son
contingent des troupes fédérales, que lé canton d'Uri, par exem
ple,' n'à, coûme ce canton, qu'une seule voix à la diète. La ri-'
chèsse, les lumières, la fcrçe de l'un sont placées au même rang
► Napoléon, qui, voalait sincèrement l'unité et le repos de la
Suisse, sous son influènce, n'avait eu garde d'introduire dans le
Îwuvoir central de ce pays un tel élément de faiblesse et de dissô-
ution.'Dans l'acte de médiation dé 1803, il avait été décidé que
les cantons dont la population était de plus de cent mille habi-
tans auraient deux voix, en diète, et que les autres cantons n'en
juraient qu'une. Cette disposition a été annulée depuis 1815. Il
gemme qu'on se soit proposé pour objet de maintenir entre les
cantons un éternel ferment de jtfqusie et ç|e discorde.
Dans la circonstâûca présente les" goùvernemëns ëuropéeiis sè
sont accordés pour affaiblir encore le pouvoir de la diète. Les ca
binets absolutistes, dont M. Guizot a exagéré la politique en l'i
mitant, ont pesé sur la diète en sens inverse des instructions et des
penchans.de la majorité. La note du gouvernement français, plus
absolue que celle des cabinets russe et autrichien, a jeté la me
nace et l'intimidation au, sein de la diète. Au lieu de fortifier le
pouvoir central, elle a contribué à le désorganiser. Elle lui a im
posé une fc"gé|fècroyait flu& U .tpwiwir, &s, jésuites ^aii^è^rale^ J'Eiirope & M-
Guizot çttcpaïtictilieEi, ont déclat^.qu'eUeûétaitcCantonsle, :Mç>ran
lement opprimée -par les cabinets européens , sans instructions
suffisantes, la diète s'est-ajournée, semblant laisser£,la Suisse
elle-mêm^latâçlie de trancher,ce çœq$ gorijièâ'. v■ " , r .V ;)
La guerre à éclaté. Les corps-francs^ bien qu'ils représentas- ;
sent réellement l'opinion de l'immense majorità des Suisses-, ont ;
été èomplèteaent, défa'its j Et comment anraient-ils pu sortir; vain? s
aueurs d'une pardlle lut te ? Le geife^%ur défaite-était; dans ;
1 illégalité même de leur réunion. Gondameés par la diète , insur
gés contre un gouvernement régulièrement établi, ils avaient, en
outre, à lutter contre l'intervention des quatre cantons d'Uri, lîn-
terwalden, Zug et Schwyz, intervention qui; pourrait niêine trou
ver sun excuse dans le pacte fédéral, Il a fallu que la sympathie
nationale qui soutenait lé courage;'des corps-francs fût bien forte
pour que la, bànnière de l'insurrection réunît près de 6,000 hom-
; mes, en déph de circonstances si défavorables ,et si menaçantes. IL
a fallu que çes hommes fussent à. laïois.bien hardis èt bien déses-;
pérés pour tenter une entreprise pareille, dont l'issue ne pouvait
manquer d'être fatale. ; w - ; • !
lis ont été défaits. Et maintenant que va-t-il résulter de leur re
traite et de leur dispersion?. ; , -/jV
Les cantons catholiques, qui se soit animés à la lutte, vont peut-
être envahir l'Argovie paur y preadtie leur revanche de l'affaire de
la suppression des couvens, qui èst.lcompiè on s'en souvient,.l'un
•des derniers épisodes de la lutte intestine qui, depuis long-temps,
n'a pas cessé (l'agiter la Suisse. Quelques correspondances ont dit
que les milices de ces cantons se disposaient à pénétrer dans l'Ar-.,
govie, dans l'espérance de pousser à. la révolte le Freiaint, que les
troubles de Lucarne ont agité. Elles disent que cette invasion a
paru si imminente, que le directoire aurait fait marcher des con-
tingens sur Argovie pour le défendre. IL est probable que cette
démonstration empêchera le mouvement.
Quoi qu'il en soit, la question est envenimée, bien loin d'être
calmée par la défaite des corps-francs. Luçerne massacre ses {ti
sonniers : chacun de ces actes cpels engendre dë nouvelles
; tiés et fortifie les haines apeiennes. |Çes jésuites, arrivant àjLucerne
après là ruine et le meurtre de leurs adversaires, spnt plus niensi-
çans que jamais, et les répulsions.qu'iis soulevaient ne seront; pj£
apaisées par leur triomphe, ils apportent en Suisse une cause
perpanqnte de guerres religieuses. Si aujourd'hui les jésuites sont
çjflîgqés, quel reproche à ceux qui, p|p jxne telle mesure^ piîse
quèTqûes jours plus tôt, pouvaient ëfepcTier l'effùsron du sang !
La situation serait bien différente si les gouvernemens européens,
au Heu de comprimer l'esprit libéral qui voulait renforcer le pou
voir central, l'avait secondé modérément, de manière à régler et
non à entraver sa marche. Les puissances devaient venir en aide
à!a majorité de la diète au lieu de .la réduire à l'impuissance
tout en irritant les susceptibilités nationales du peuple suisse.>Les
gouvernemens d'Europe ont donc leur part de responsabilité dans-
lé^l|é'nrj(^yîènt d'àçcâbîè^ lâ SuifSé, 1 et dàïïS'^dê^idféiiiif
; '.... .«Zyripl^, le ^.avril.184K :, '~' 1//
Bé4fn|i à sés propres^ forcés,' W ^otivÎBrh'èiîiënt iiicèrhbis, malgré les
«aAhnnAliFn.irM'tl; nirAif Pniln nnmnD 4i>n
idécisivè dè la crise, tonte leur population en état.de popter lesLarjBea,f>
|lé'triomphe de cô gouverhèmént était afesuré ; et" cependant il a fallu;
abhfeter ceiriomphe par des torrens de sang. ; . u v ■ :m; ; ;vj «»
Les.réfugié ont succomljé çtjes volontaires av^î MX, aprésdSn>o
^croyables efforts àîgties des temps héroïques de nos, annales.. Pendant
trois heàrëi la victoire a été %uabdSe; mais comment ' qt^trè'^'^inq 1
mille hommes qui avaient fait guatorzejieuês dë cTi > epiin , 'dans ^tirie j'Ottir*'
née et avaient déjà , dû emporter de vive force des paS&ges importais
pour pouvoir, arriver jen un ,jou,r aUx portés,de| Luceraej ço^e^t;di|àf
i colonnes cpemière fois Jay.eille.ei, dp.Dt J organjsatioii deym4 ; ^re.déféc,tueuie,pp
'incomplète, aurait-ëlie; puienir.jçontre vingt inille Sommes,
queura avouent eux-mêmes ce nombre), de troupes fçaîchesj. car elles n,'^
vaient eu pour la. plupart d'autre trajet à faire que celui du lac, yet pojgri
bateaux à vapeur avaient été en circulation jouf etirinit
ce trajét lesfideux
: le 31 mars et' le 4 f «avril ? Tandis que
les,' insurgés en étaient réduits k>
bivoUaquer, dans des plaines otf sur des collines neigeuses pendant deux;
nuits encore froide?/ les troupes des petits cantonfe disposaient jda toute»--
ne» pensa ^.uno retraite/ alors très facile à effectuer ; on Se prépara^
couragpussmeiit au .coaibât. Huit fois, les hauteurs qui. dominent Lu^
cernQ lurent prises .et .reprises ; mais à. peiné trois à flu^tre fléà, tfatajlïï
ï Ions gouvernementaux qui déferiflaient Ija.viU^ étaiçnt-às ho'rp idp'icioînr,
1 batv.queiiêi trGURêsrfraî^ atoif des^
forces,surnaturelles, pour tenir contré de téllçs çhanc^s^ii-.ùii-ù i tï
» Ce n'est qu'après avoir perdu plus de'600 des leurs, tànt'tûeS jqùf^
blessés on prisonniers, qu'pprès avoir en la ; plnpar,t de leuischefelwis^l»
combat, que les insurgés ont pensé à la retraite, retraite rendue .d'autant
plus difficile et désastreuse, que le général Sonnenberg, pouvant dispft-,
ser de forces quadruples dè celles de l'année d'invasién, avait fqitpartu;
dans unè direction à l'abri de toute attaque,, un corps, qui, pendant la
lutte, parvint par des détours à coiiper lés Communications des insurgés?
ceux-ci ont doûc dû. ppur se frajer nn passage; cônquéirit'.-piëdà'pied
chaque pouce de tèrrain 1 .ë'pnîsés de fàtiguesrsans vivres ét prés^ué sitMf
^ùmtionsl pn r aàurè qu'8j peine 5 "â 600 àyàiénV ffii' règaghet B Hiéf,'.
Soit'le t^rHtpirè'^ërnbîS;, ^soit t le ^territoire, argovleiij -et J q|iè; éé|
màlheureux se trouvent dans l'état le plus déplorable; teè renseigné»
uent du reste encore tout-à-fait sur le sort
pourront venir que d'un parti
riasquer la vëraté,'cômrnë il' le fait » propos de sespèrtés,'
qui sont cependant beaucoup plus considérables que celles des insurgés.'
. » Je ne vous entretiens pas d'une multitude de détails que publient
nos'journaux, qui sè ; contredisent les uns leâ autres. Bientôt jë serai ërç
mesure de ,yous dérouler tout le tableau de ce sanglant conflit, qui aura'
un retentissemeut prodigieux dans toute la Suisse. Déjà uné .léttré qu©
je reçois de Berne à l'instant me dit qué jàniais èvénemënt ri'â été acr
cueilli aywî autant de torpeur çh^z les uns 0 et.ayec .autant dë'clameurs
d'indignation chez le plus"
émoi. On se demande si, en présence des massacres de noa frèrës, du
' FXTTZXXTOW Bt7 COXÉilXVflOmsjst BU 6 ÂyiÛX 1845.
LE CoxsTITt rroxMEL donnera aux abonnés non*
vesux,9ui «'inscriront à dnt«r du i' r avril 1845,
tous les Chapitres de ^'AIÀÉKi VEUVES jpu*
blié» avant celle époque.
L'ALLÉE DES VEUVES
(1)
PREMIERE PARTIE.
CHAPÏTKS XX.
Une fois que le grand air et le mouvement de la rue eurent remis no
tre commis dans son sang-froid, il ne put guères se dispenser de comp
ter, avec lui-même de la singulière-mais inutile révélation qui venait de
lui être faite. Ne pouvant voir la question qu'au passé conditionnel, il
Se demanda s'il aurait été plus.heureux pour lui dé savoir en un temps
encore opportun, ce qu'il venait d'apprendre in extremis.
Il était douloureusement affecté, sans doute, en se voyant Ja cause in
volontaire de. la poignante peine de cœur à laquelle là pauvre demoi
selle restait en proie, mais le temps et un autre établissement la cobso-
lçraiënt sans : doute, et, quant à lui , il n'avait vraiment aucune raison
pour regretter,d'avoir été si tardivement averti. .
-, Bien certainement /ce mariage lui étant proposé à temps, la raison
lui aurait conseillé de l'accepter ; mais outre qu'il se condamnait ainsi
an commercea.perpétuité, lorsqu'il se sentait un entraînement vers une
existence plus aérée et d'un horizon plus large, était-il sûr que, malgré
d'excellentes qualités, impossibles à méconnaître dans Mile Lebeau, cet
instinct, impérieux et dominateur dont elle lui avait donné plus d'une
preuve,;n'aurait pas souvent exposé le bonheur et le calme de leur
union? . ;
t i AllonSt; se dit-il, en secouant toutes ces pensées, qui d'ailleurs se
heurtaient maintenant dans le vide, la Providence- fait bien pe qu'elle
fait, et passant à l'ordre d'idées, le plus positif qu'il put trouver, afin de
secouer cette espèce de brume sentimentale dans laquelle il se sentait
perdu, il songea à vérifier le contenu de ce portefeuille qui lui avait été
infligé avec une délicatesse trop ingénieuse, pour qu'il pût avoir quel
que, regret de l'avoir accepté.
- Il: y trouva quatre billets de banque de mille francs, c'est-à-dire une
gratification équivalente à plus d'une année de ses appointemens.
. S'il n'avait pas su de Legros qu'il devait expressément se refuser à
tout entraînement de ses instincts,de générosité, l'emploi de cette somme
lui eût été immédiatement indiqué et il se fût passé l'un des plus déli
cieux plaisirs qui soient sous le ciel, à savoir, celui de donner à ca qu'on
aime; mais cette satisfaction lui étant défendue, il eut aussitôt l'idée
d'une autre destination utile et honorable ; il pensa que sa richesse im
prévue lui servirait à éteindre sa lettre de change et à se libérer de sa
dette de jeu.
(1) Tonte reproduction, même partielle de ce feuilleton , est interdite.
Voir nos numéros des 26, 27,28, 29 et 30 mars, 1 er , 2,3,4 et 5 avril.
Il se rendit donc aussitôt chez l'homme dè loi, et, après quelques paro
les étrangères au sujet principal de sa visite, il lui annonça le dessein
où il était de régler ayee lui.
Au lieu d'accepter cette ouverture avec là satisfaction qui aurait été
naturelle chez un créancier,
— Yous avez donc encore été jouer malgré vos promesses,—demanda
l'homme de loi. ,
— Vous n'y êtes pas, mon cher , — répartit Chevillard , et pour lui
ôtër tout soupçon sur la mauvaise origine de l'argèht qui était en ses
mains, — ma patronne en me faisant ses adieux,'— continua-t-il, —
m'a forcé d'accepter une gratification en récompense de mes bons ser-
vices.■ . _
— Mais vous ne deviez pas recevoir ce cadeau, — interrompit brus
quement l'homme, de loi; —du jour où vous aviez annoncé à cette
femme que vous quittiez sa maison, tout devait êtré fini entre vous.
-Permettez-moi, mon bon Monsieur Legros , de vous répondre qué
vous ne savez pas comment les choses se sont passées : ,j'ai été mis én
demeure, de manière à ce qu'il me fût impossible de refuser.
— Vous ne deviez pas prendre cet argent, vous dis-je.
— Et moi je dis que j'ai fait, en acceptant, une chose digne et con
venable. Aussi bien Ce serait singulièrement entendre l'honneur, quand
on a une dette'sacrée comme la mienne, de se montrer si déliCat sur les
moyens qui vous sont offerts de l'acquitter.
— Elle vous gêne donc bien, cette -dette? — demanda Legros avec
amertume.
— Elle ne me gène pas, puisque j'ai affairé à Un créancier aussi ^bien
veillant que vous ; mais enfin c est une dètte, et je veux affranchir ma
signature puisque j'en ai le moyen.
— Il est incroyable qu'on comprenne aussi peu les nuances, — s'écria
l'homme de loi en ayant l'air de se parler à lui-même.
— Comment ! les nuances ?— fit Chevillard, — je ne sais pas ce que
vous voulez dire.
— Ainsi, cet argent une fois dans les mains, vous avez aussitôt pen
sé à venir m'insulter par une offre de remboursement?
— Mais, mon cher ami, vous prenez les choses bien à rebours.
— C'est vous au contraire qui n'avez aUcUn sentiment de ce qui doit
être fait. Comment! ne voyez-vous pas que, dans votre situation parti
culière, cet argent ne pouvait pas être employé de deux façons? ;
— Ah çal voyons, —dit Chevillard, — il faut cependant que je com
prenne votre idée : voulez-vous dire que je devais le dépenser én ca
deaux de noces? -
'— Vous prétendez être amouçë'ûx, — répondit l'homme de loi, — et
vous le demandez ! ;
— Mais, damné homme que vous êtes, —s'écria le bon jëunë
homme avec une impatience qui, dans le fond, n'avait rien de biert fâ
ché, — c'est vous-même qui'm'avez dit qu'en voulant faire du luxe, je
me brouillerais avec M. Morizat. ,
— Tiens, je crois bien! — répondit l'homme de loi, — vous vouliez
faire l'aimable avec ma bourse !
— Quel drôle de corps vous êtes ! — dit Chevillard en riant de cette
naïveté, — vous ne voulez pas de votre argent quand on veut vous le
rendre, et vous inventez des histoires pour ne pas en prêter.
— Mais, encore un coup, vous ne comprenez rien à rien, mon cher ;
Morizot savait à sou, maille et dénier votre avoir, arrêté au chiffre de
zéro.
| — Eh bien ! après ? •— fit Chevillard.
.Voua jëtér dans de la dépense, c'était lui dire,que vous .faisiez un?
saignée à ma caisse et vous poser comme un glorieux. ... ,,
Tandis qu'au contraire?.„:-rr dit Chevillard en devançant la pensée
dé son interlocuteur.
■ -*-! Tandis qu'au contraire, ayant de l'argent à vous dont vous fàiteé
l'emploi indiqué par les usages, vous n'êtes plus qu'un homme convenir
ble et généreux., , ; . , . , ,
c -r- Ainsi nous revenons à ma; première idée, — dit le futur.r^-eh bien!
ce n'est pas sans peine : mais voyons : quelles , empiètes me conseiller
vous de faire avec les mille écus. que je, yous . apportais ? ;
— Mille écus, c'est là ce dont vous pouvez disposer? a
—■ J'ai quatre mille francs, mais je garde un quart de la somme pour
besoins imprévus ; vous ne direz pas que je jette l'argent par les fer
nôtres. ,,,
— Dam! avec mille écus, on peut avoir quelque jolie*, parure/ quelr
ques châles, je ne sais pas, moi ; vous avez.sansdoute aussi,—çontinna-
t-il avec négligence, — l'intention de faire une galanterié à Mme d$
Saint-Martin? y . . ;
— Ce serait peut-être convenable, qu'en pensez-vous? ;.
— Je pense, mon cher, qu'un cadeau, à moins qu'il ,ne soit, fait pour
offenser .sa vertu, est toujours très bien venu d'une femme. • ,
— Eh bien ! oui ; mais quel genre de cadeau?" VîvJL
— Ah! — fit Legros avec impatience, — je vous vois empêtré à n'en
pas sortir.-.Voyons, vous imaginez.bien qu'un fureteur enragé comme
moi, -r- continua-t-il en montrant son immense Cabinet de curiosités r —•
a quelques relations de marchands?
— Oui, mais je ne veux pas du bric-à-brac, — s'écria;Chevillard.
— Moi non plus, je ne veux pas vous çonseiHer des vieillerieà, Jxiais
si vous pensez qu'un homme ayant un peu de goût, une certains
habitude d'acheter, puisse vous aider en quelque chose, je me mets à vo
tre disposition, pour en' finir, car la journée sera bientôt,passée. ,
-r-Ma foi! mon cher, votre offre m'est tout-à-fait agréable, et voiià
l'argent. _ ' ; ■ , ;
— Très-bien ! — dit Legros,—ainsi, ce soir, à quelle heure comptez-
vous être Allée des Veuvesl -
— Mais, à sept heures au plus tard, — répondit Chevillard. • ; ,
-(-.Eh bien! j'y serai vers ces heures-là, et comme nous n'avons pa»
assez pour faire une corbeille en règle, je verrai à présenter les objets
d'une certaine manière, sans façon, qui vaudra tout autant,
r— C'est entendu, r- dit Chevillard.. — Ainsi, ce que ; vous. jppurrea
trouver de mieux pour Esther, et quelque chose de gentil pour. Mme de
Saint-Martin, mais qui n'écorne pas trop l'autre.cadeau..
— Vous serez content, j'espère,—dit Legros. : : . j;
Et aussitôt après, notre amoureux le quitta, ayant fait, comme il n'arc
rive que trop Souvent dans la vie,, exactement le contraire de ce qu'il
s'était proposé. ,,
CHAPITRE XXI.
La journée qui , précéda le mariage de Chevillard aurait pu & toute força
s'appeler la journée des larmes, car en entrant chez Mme de Saint-Mar
tin, il. trouva Esther plus que jamais en proie à cette vague tristesse
dont la vraie cause lui était toujours inconnue, et même il lui sembla
qu'elle avait pleuré-, , '
S'asseyant auprès d'elle, il lui demanda avec intérêt ce qui là chà-
grinait ainsi, et commeelle ne lui donna aucune explication satisfaisant#,
s alarmant pour lui-même, il finit par craindre de la part de sa fiancée
ttMiùNmPARIS.
NUMERO
»tJH MONTMARTRE j K« 4»i'
,niîn lis "nipArraKKw* , chm lia dimctbum dbs toit*».
Qti'B'iÙÛ^ÏiLj
ITi TOUTWtM KBSSA .6EBIXS.
;:A ton&nt, chex MM. CowU et f.lt* Saint-Anndt £4ri*
' '*~' J .. J i i.. l ^ , ■ , i .'i .' m . , f..; ■ ■ '? . l'i ; . ' t .1 .
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SIX MOU
.TROIS «qu.
DÉPAfltfEMENS ÉX ÉTBÀ^GEÛ.
AH.«,« >mit'ii . 4o 7K»
U.HOIS......... 13 „
V" 1 ; , Airaososà.,
1 frtnoBO ceirt. 6i petite ligne; -^8 franc» lr ligne 1 4e iédama.
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. • £ h te (frai non affjraneMet feront rigoumuement çefiuéu,
rF=î=
3; . ;p , h .- ... , paris,, a ^ , -<:p
. -La 'défaite 4^ vol'ontwrfes -'^pi ont envahi l'état île Lucernè^St'.
com^lètéi One partipjest restée sur çhpnp de fcataillê ; de ndm*
bréux prîsoaffiërë sbnt tombés «ntrelès msms des Lucernois et de
leurs auxiliaires. Oit. annonce que ces prisonniers ènt été fcruéllô-'
menti traités, que pPâsieWs ont été massacrés ; tcrttte guerre civiié
est implacable surtbiit lorsqu'elle a pour cause'le fanatisme réli-
giètt& «■ -i '.'V.'---- ;i "" , 'i ' ■■■ :
. Ainsi. p une faibl.é -mitiofité,l'emporte en- Suisse potir Jë"- ®jo-'
raie qu'ils inspirent.-; Par quelles causes principales faut-Ù expli
quer conflits et leur résulte^ : 1
- Lorsque 1» diète s'est séparée sans sè prononcer sur la question
des jésuites, elle a donné elle-même comme le premier signai de
la guerre civile dans le pays. Chacun pouvait s'y attendre au mi-
lieq. de l'itritalioa des esprits doat le pouvoir central abandonnait
ainsi la direction précisément au plus fort de la criîe. -
- Pourquoi la diète s'est-élle séparée sans résoudre cette question?
La majorité était incontestablement opposée aux-jésuites: Gèpen-
dant cette majorité n'a pas pa parvenir à s'accorder par suite du vice
de la constitution du pouvoir fédéral. Eu effet les députés dè la
diète sont bien moins défe «gens politiques investis d'une pârt du
gouvernement de Ja Suisse, que des ambassadeurs envoyés à un
congrès, avec.des instructions précises, qui les laissent sans auto
rité et sans action sur les événemens imprévus.
» Cen'est pas tout. La dicte porte en son sein un autre principe
de faiblesse. Cette faiblesse résulté de l'égalité vraiment inique de
la représentation des cantons à là dicte. Ch^e caatoa à une voix;
quels que soient son étendue, le chiffre de sa population. Le can
ton dë Berne, qui fournit vingt fois autant de soldats.pour son
contingent des troupes fédérales, que lé canton d'Uri, par exem
ple,' n'à, coûme ce canton, qu'une seule voix à la diète. La ri-'
chèsse, les lumières, la fcrçe de l'un sont placées au même rang
Suisse, sous son influènce, n'avait eu garde d'introduire dans le
Îwuvoir central de ce pays un tel élément de faiblesse et de dissô-
ution.'Dans l'acte de médiation dé 1803, il avait été décidé que
les cantons dont la population était de plus de cent mille habi-
tans auraient deux voix, en diète, et que les autres cantons n'en
juraient qu'une. Cette disposition a été annulée depuis 1815. Il
gemme qu'on se soit proposé pour objet de maintenir entre les
cantons un éternel ferment de jtfqusie et ç|e discorde.
Dans la circonstâûca présente les" goùvernemëns ëuropéeiis sè
sont accordés pour affaiblir encore le pouvoir de la diète. Les ca
binets absolutistes, dont M. Guizot a exagéré la politique en l'i
mitant, ont pesé sur la diète en sens inverse des instructions et des
penchans.de la majorité. La note du gouvernement français, plus
absolue que celle des cabinets russe et autrichien, a jeté la me
nace et l'intimidation au, sein de la diète. Au lieu de fortifier le
pouvoir central, elle a contribué à le désorganiser. Elle lui a im
posé une fc"gé|fè
Guizot çttcpaïtictilieEi, ont déclat^.qu'eUeûétaitcCantonsle, :Mç>ran
lement opprimée -par les cabinets européens , sans instructions
suffisantes, la diète s'est-ajournée, semblant laisser£,la Suisse
elle-mêm^latâçlie de trancher,ce çœq$ gorijièâ'. v■ " , r .V ;)
La guerre à éclaté. Les corps-francs^ bien qu'ils représentas- ;
sent réellement l'opinion de l'immense majorità des Suisses-, ont ;
été èomplèteaent, défa'its j Et comment anraient-ils pu sortir; vain? s
aueurs d'une pardlle lut te ? Le geife^%ur défaite-était; dans ;
1 illégalité même de leur réunion. Gondameés par la diète , insur
gés contre un gouvernement régulièrement établi, ils avaient, en
outre, à lutter contre l'intervention des quatre cantons d'Uri, lîn-
terwalden, Zug et Schwyz, intervention qui; pourrait niêine trou
ver sun excuse dans le pacte fédéral, Il a fallu que la sympathie
nationale qui soutenait lé courage;'des corps-francs fût bien forte
pour que la, bànnière de l'insurrection réunît près de 6,000 hom-
; mes, en déph de circonstances si défavorables ,et si menaçantes. IL
a fallu que çes hommes fussent à. laïois.bien hardis èt bien déses-;
pérés pour tenter une entreprise pareille, dont l'issue ne pouvait
manquer d'être fatale. ; w - ; • !
lis ont été défaits. Et maintenant que va-t-il résulter de leur re
traite et de leur dispersion?. ; , -/jV
Les cantons catholiques, qui se soit animés à la lutte, vont peut-
être envahir l'Argovie paur y preadtie leur revanche de l'affaire de
la suppression des couvens, qui èst.lcompiè on s'en souvient,.l'un
•des derniers épisodes de la lutte intestine qui, depuis long-temps,
n'a pas cessé (l'agiter la Suisse. Quelques correspondances ont dit
que les milices de ces cantons se disposaient à pénétrer dans l'Ar-.,
govie, dans l'espérance de pousser à. la révolte le Freiaint, que les
troubles de Lucarne ont agité. Elles disent que cette invasion a
paru si imminente, que le directoire aurait fait marcher des con-
tingens sur Argovie pour le défendre. IL est probable que cette
démonstration empêchera le mouvement.
Quoi qu'il en soit, la question est envenimée, bien loin d'être
calmée par la défaite des corps-francs. Luçerne massacre ses {ti
sonniers : chacun de ces actes cpels engendre dë nouvelles
; tiés et fortifie les haines apeiennes. |Çes jésuites, arrivant àjLucerne
après là ruine et le meurtre de leurs adversaires, spnt plus niensi-
çans que jamais, et les répulsions.qu'iis soulevaient ne seront; pj£
apaisées par leur triomphe, ils apportent en Suisse une cause
perpanqnte de guerres religieuses. Si aujourd'hui les jésuites sont
çjflîgqés, quel reproche à ceux qui, p|p jxne telle mesure^ piîse
quèTqûes jours plus tôt, pouvaient ëfepcTier l'effùsron du sang !
La situation serait bien différente si les gouvernemens européens,
au Heu de comprimer l'esprit libéral qui voulait renforcer le pou
voir central, l'avait secondé modérément, de manière à régler et
non à entraver sa marche. Les puissances devaient venir en aide
à!a majorité de la diète au lieu de .la réduire à l'impuissance
tout en irritant les susceptibilités nationales du peuple suisse.>Les
gouvernemens d'Europe ont donc leur part de responsabilité dans-
lé^l|é'nrj(^yîènt d'àçcâbîè^ lâ SuifSé, 1 et dàïïS'^dê^idféiiiif
; '.... .«Zyripl^, le ^.avril.184K :, '~' 1//
Bé4fn|i à sés propres^ forcés,' W ^otivÎBrh'èiîiënt iiicèrhbis, malgré les
«aAhnnAliFn.irM'tl; nirAif Pniln nnmnD 4i>n
idécisivè dè la crise, tonte leur population en état.de popter lesLarjBea,f>
|lé'triomphe de cô gouverhèmént était afesuré ; et" cependant il a fallu;
abhfeter ceiriomphe par des torrens de sang. ; . u v ■ :m; ; ;vj «»
Les.réfugié ont succomljé çtjes volontaires av^î MX, aprésdSn>o
^croyables efforts àîgties des temps héroïques de nos, annales.. Pendant
trois heàrëi la victoire a été %uabdSe; mais comment ' qt^trè'^'^inq 1
mille hommes qui avaient fait guatorzejieuês dë cTi > epiin , 'dans ^tirie j'Ottir*'
née et avaient déjà , dû emporter de vive force des paS&ges importais
pour pouvoir, arriver jen un ,jou,r aUx portés,de| Luceraej ço^e^t;di|àf
i colonnes c
'incomplète, aurait-ëlie; puienir.jçontre vingt inille Sommes,
queura avouent eux-mêmes ce nombre), de troupes fçaîchesj. car elles n,'^
vaient eu pour la. plupart d'autre trajet à faire que celui du lac, yet pojgri
bateaux à vapeur avaient été en circulation jouf etirinit
ce trajét lesfideux
: le 31 mars et' le 4 f «avril ? Tandis que
les,' insurgés en étaient réduits k>
bivoUaquer, dans des plaines otf sur des collines neigeuses pendant deux;
nuits encore froide?/ les troupes des petits cantonfe disposaient jda toute»--
ne» pensa ^.uno retraite/ alors très facile à effectuer ; on Se prépara^
couragpussmeiit au .coaibât. Huit fois, les hauteurs qui. dominent Lu^
cernQ lurent prises .et .reprises ; mais à. peiné trois à flu^tre fléà, tfatajlïï
ï Ions gouvernementaux qui déferiflaient Ija.viU^ étaiçnt-às ho'rp idp'icioînr,
1 batv.queiiêi trGURêsrfraî^ atoif des^
forces,surnaturelles, pour tenir contré de téllçs çhanc^s^ii-.ùii-ù i tï
» Ce n'est qu'après avoir perdu plus de'600 des leurs, tànt'tûeS jqùf^
blessés on prisonniers, qu'pprès avoir en la ; plnpar,t de leuischefelwis^l»
combat, que les insurgés ont pensé à la retraite, retraite rendue .d'autant
plus difficile et désastreuse, que le général Sonnenberg, pouvant dispft-,
ser de forces quadruples dè celles de l'année d'invasién, avait fqitpartu;
dans unè direction à l'abri de toute attaque,, un corps, qui, pendant la
lutte, parvint par des détours à coiiper lés Communications des insurgés?
ceux-ci ont doûc dû. ppur se frajer nn passage; cônquéirit'.-piëdà'pied
chaque pouce de tèrrain 1 .ë'pnîsés de fàtiguesrsans vivres ét prés^ué sitMf
^ùmtionsl pn r aàurè qu'8j peine 5 "â 600 àyàiénV ffii' règaghet B Hiéf,'.
Soit'le t^rHtpirè'^ërnbîS;, ^soit t le ^territoire, argovleiij -et J q|iè; éé|
màlheureux se trouvent dans l'état le plus déplorable; teè renseigné»
uent du reste encore tout-à-fait sur le sort
pourront venir que d'un parti
riasquer la vëraté,'cômrnë il' le fait » propos de sespèrtés,'
qui sont cependant beaucoup plus considérables que celles des insurgés.'
. » Je ne vous entretiens pas d'une multitude de détails que publient
nos'journaux, qui sè ; contredisent les uns leâ autres. Bientôt jë serai ërç
mesure de ,yous dérouler tout le tableau de ce sanglant conflit, qui aura'
un retentissemeut prodigieux dans toute la Suisse. Déjà uné .léttré qu©
je reçois de Berne à l'instant me dit qué jàniais èvénemënt ri'â été acr
cueilli aywî autant de torpeur çh^z les uns 0 et.ayec .autant dë'clameurs
d'indignation chez le plus"
émoi. On se demande si, en présence des massacres de noa frèrës, du
' FXTTZXXTOW Bt7 COXÉilXVflOmsjst BU 6 ÂyiÛX 1845.
LE CoxsTITt rroxMEL donnera aux abonnés non*
vesux,9ui «'inscriront à dnt«r du i' r avril 1845,
tous les Chapitres de ^'AIÀÉKi VEUVES jpu*
blié» avant celle époque.
L'ALLÉE DES VEUVES
(1)
PREMIERE PARTIE.
CHAPÏTKS XX.
Une fois que le grand air et le mouvement de la rue eurent remis no
tre commis dans son sang-froid, il ne put guères se dispenser de comp
ter, avec lui-même de la singulière-mais inutile révélation qui venait de
lui être faite. Ne pouvant voir la question qu'au passé conditionnel, il
Se demanda s'il aurait été plus.heureux pour lui dé savoir en un temps
encore opportun, ce qu'il venait d'apprendre in extremis.
Il était douloureusement affecté, sans doute, en se voyant Ja cause in
volontaire de. la poignante peine de cœur à laquelle là pauvre demoi
selle restait en proie, mais le temps et un autre établissement la cobso-
lçraiënt sans : doute, et, quant à lui , il n'avait vraiment aucune raison
pour regretter,d'avoir été si tardivement averti. .
-, Bien certainement /ce mariage lui étant proposé à temps, la raison
lui aurait conseillé de l'accepter ; mais outre qu'il se condamnait ainsi
an commercea.perpétuité, lorsqu'il se sentait un entraînement vers une
existence plus aérée et d'un horizon plus large, était-il sûr que, malgré
d'excellentes qualités, impossibles à méconnaître dans Mile Lebeau, cet
instinct, impérieux et dominateur dont elle lui avait donné plus d'une
preuve,;n'aurait pas souvent exposé le bonheur et le calme de leur
union? . ;
t i AllonSt; se dit-il, en secouant toutes ces pensées, qui d'ailleurs se
heurtaient maintenant dans le vide, la Providence- fait bien pe qu'elle
fait, et passant à l'ordre d'idées, le plus positif qu'il put trouver, afin de
secouer cette espèce de brume sentimentale dans laquelle il se sentait
perdu, il songea à vérifier le contenu de ce portefeuille qui lui avait été
infligé avec une délicatesse trop ingénieuse, pour qu'il pût avoir quel
que, regret de l'avoir accepté.
- Il: y trouva quatre billets de banque de mille francs, c'est-à-dire une
gratification équivalente à plus d'une année de ses appointemens.
. S'il n'avait pas su de Legros qu'il devait expressément se refuser à
tout entraînement de ses instincts,de générosité, l'emploi de cette somme
lui eût été immédiatement indiqué et il se fût passé l'un des plus déli
cieux plaisirs qui soient sous le ciel, à savoir, celui de donner à ca qu'on
aime; mais cette satisfaction lui étant défendue, il eut aussitôt l'idée
d'une autre destination utile et honorable ; il pensa que sa richesse im
prévue lui servirait à éteindre sa lettre de change et à se libérer de sa
dette de jeu.
(1) Tonte reproduction, même partielle de ce feuilleton , est interdite.
Voir nos numéros des 26, 27,28, 29 et 30 mars, 1 er , 2,3,4 et 5 avril.
Il se rendit donc aussitôt chez l'homme dè loi, et, après quelques paro
les étrangères au sujet principal de sa visite, il lui annonça le dessein
où il était de régler ayee lui.
Au lieu d'accepter cette ouverture avec là satisfaction qui aurait été
naturelle chez un créancier,
— Yous avez donc encore été jouer malgré vos promesses,—demanda
l'homme de loi. ,
— Vous n'y êtes pas, mon cher , — répartit Chevillard , et pour lui
ôtër tout soupçon sur la mauvaise origine de l'argèht qui était en ses
mains, — ma patronne en me faisant ses adieux,'— continua-t-il, —
m'a forcé d'accepter une gratification en récompense de mes bons ser-
vices.■ . _
— Mais vous ne deviez pas recevoir ce cadeau, — interrompit brus
quement l'homme, de loi; —du jour où vous aviez annoncé à cette
femme que vous quittiez sa maison, tout devait êtré fini entre vous.
-Permettez-moi, mon bon Monsieur Legros , de vous répondre qué
vous ne savez pas comment les choses se sont passées : ,j'ai été mis én
demeure, de manière à ce qu'il me fût impossible de refuser.
— Vous ne deviez pas prendre cet argent, vous dis-je.
— Et moi je dis que j'ai fait, en acceptant, une chose digne et con
venable. Aussi bien Ce serait singulièrement entendre l'honneur, quand
on a une dette'sacrée comme la mienne, de se montrer si déliCat sur les
moyens qui vous sont offerts de l'acquitter.
— Elle vous gêne donc bien, cette -dette? — demanda Legros avec
amertume.
— Elle ne me gène pas, puisque j'ai affairé à Un créancier aussi ^bien
veillant que vous ; mais enfin c est une dètte, et je veux affranchir ma
signature puisque j'en ai le moyen.
— Il est incroyable qu'on comprenne aussi peu les nuances, — s'écria
l'homme de loi en ayant l'air de se parler à lui-même.
— Comment ! les nuances ?— fit Chevillard, — je ne sais pas ce que
vous voulez dire.
— Ainsi, cet argent une fois dans les mains, vous avez aussitôt pen
sé à venir m'insulter par une offre de remboursement?
— Mais, mon cher ami, vous prenez les choses bien à rebours.
— C'est vous au contraire qui n'avez aUcUn sentiment de ce qui doit
être fait. Comment! ne voyez-vous pas que, dans votre situation parti
culière, cet argent ne pouvait pas être employé de deux façons? ;
— Ah çal voyons, —dit Chevillard, — il faut cependant que je com
prenne votre idée : voulez-vous dire que je devais le dépenser én ca
deaux de noces? -
'— Vous prétendez être amouçë'ûx, — répondit l'homme de loi, — et
vous le demandez ! ;
— Mais, damné homme que vous êtes, —s'écria le bon jëunë
homme avec une impatience qui, dans le fond, n'avait rien de biert fâ
ché, — c'est vous-même qui'm'avez dit qu'en voulant faire du luxe, je
me brouillerais avec M. Morizat. ,
— Tiens, je crois bien! — répondit l'homme de loi, — vous vouliez
faire l'aimable avec ma bourse !
— Quel drôle de corps vous êtes ! — dit Chevillard en riant de cette
naïveté, — vous ne voulez pas de votre argent quand on veut vous le
rendre, et vous inventez des histoires pour ne pas en prêter.
— Mais, encore un coup, vous ne comprenez rien à rien, mon cher ;
Morizot savait à sou, maille et dénier votre avoir, arrêté au chiffre de
zéro.
| — Eh bien ! après ? •— fit Chevillard.
.Voua jëtér dans de la dépense, c'était lui dire,que vous .faisiez un?
saignée à ma caisse et vous poser comme un glorieux. ... ,,
Tandis qu'au contraire?.„:-rr dit Chevillard en devançant la pensée
dé son interlocuteur.
■ -*-! Tandis qu'au contraire, ayant de l'argent à vous dont vous fàiteé
l'emploi indiqué par les usages, vous n'êtes plus qu'un homme convenir
ble et généreux., , ; . , . , ,
c -r- Ainsi nous revenons à ma; première idée, — dit le futur.r^-eh bien!
ce n'est pas sans peine : mais voyons : quelles , empiètes me conseiller
vous de faire avec les mille écus. que je, yous . apportais ? ;
— Mille écus, c'est là ce dont vous pouvez disposer? a
—■ J'ai quatre mille francs, mais je garde un quart de la somme pour
besoins imprévus ; vous ne direz pas que je jette l'argent par les fer
nôtres. ,,,
— Dam! avec mille écus, on peut avoir quelque jolie*, parure/ quelr
ques châles, je ne sais pas, moi ; vous avez.sansdoute aussi,—çontinna-
t-il avec négligence, — l'intention de faire une galanterié à Mme d$
Saint-Martin? y . . ;
— Ce serait peut-être convenable, qu'en pensez-vous? ;.
— Je pense, mon cher, qu'un cadeau, à moins qu'il ,ne soit, fait pour
offenser .sa vertu, est toujours très bien venu d'une femme. • ,
— Eh bien ! oui ; mais quel genre de cadeau?" VîvJL
— Ah! — fit Legros avec impatience, — je vous vois empêtré à n'en
pas sortir.-.Voyons, vous imaginez.bien qu'un fureteur enragé comme
moi, -r- continua-t-il en montrant son immense Cabinet de curiosités r —•
a quelques relations de marchands?
— Oui, mais je ne veux pas du bric-à-brac, — s'écria;Chevillard.
— Moi non plus, je ne veux pas vous çonseiHer des vieillerieà, Jxiais
si vous pensez qu'un homme ayant un peu de goût, une certains
habitude d'acheter, puisse vous aider en quelque chose, je me mets à vo
tre disposition, pour en' finir, car la journée sera bientôt,passée. ,
-r-Ma foi! mon cher, votre offre m'est tout-à-fait agréable, et voiià
l'argent. _ ' ; ■ , ;
— Très-bien ! — dit Legros,—ainsi, ce soir, à quelle heure comptez-
vous être Allée des Veuvesl -
— Mais, à sept heures au plus tard, — répondit Chevillard. • ; ,
-(-.Eh bien! j'y serai vers ces heures-là, et comme nous n'avons pa»
assez pour faire une corbeille en règle, je verrai à présenter les objets
d'une certaine manière, sans façon, qui vaudra tout autant,
r— C'est entendu, r- dit Chevillard.. — Ainsi, ce que ; vous. jppurrea
trouver de mieux pour Esther, et quelque chose de gentil pour. Mme de
Saint-Martin, mais qui n'écorne pas trop l'autre.cadeau..
— Vous serez content, j'espère,—dit Legros. : : . j;
Et aussitôt après, notre amoureux le quitta, ayant fait, comme il n'arc
rive que trop Souvent dans la vie,, exactement le contraire de ce qu'il
s'était proposé. ,,
CHAPITRE XXI.
La journée qui , précéda le mariage de Chevillard aurait pu & toute força
s'appeler la journée des larmes, car en entrant chez Mme de Saint-Mar
tin, il. trouva Esther plus que jamais en proie à cette vague tristesse
dont la vraie cause lui était toujours inconnue, et même il lui sembla
qu'elle avait pleuré-, , '
S'asseyant auprès d'elle, il lui demanda avec intérêt ce qui là chà-
grinait ainsi, et commeelle ne lui donna aucune explication satisfaisant#,
s alarmant pour lui-même, il finit par craindre de la part de sa fiancée
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