Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1845-04-03
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 03 avril 1845 03 avril 1845
Description : 1845/04/03 (Numéro 93). 1845/04/03 (Numéro 93).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k667045v
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
JEUDI 3 AVRIL 1845.
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ÉDITION DE PABIS.
NUMÉRO
DIX FRÀ^CS*
JOUMÀli DU COMMERCE, POLITIQUE ET LITTfEÀIRS
ON S'ABONNE A>ARiS*«BljE MONTMARTRE, N- 121,
rr, daim CM BirAurensn», ana le» dikectwm ms rosïaa,
kt A. todtkâ lk3 eessasbuies.
, À Londres, chez MU. Cowie et fils, Saint-Anns 'i tant.
PARIS.
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MOIS «ou.
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DÉPARTEMEN8 ET ETRANGER.
Cïf A2f •••«»••
HX MOU.; • ••
TROIS «OIS...
ANNONCES. .
1 frano M cent, la petite ligne.; --<8 franc» la iign*«d|t râclMM.
tout» ihsbbtion noir trua ASUli> va*. lIs «Ébamk-"-!
ÎM lettres nonaffranchiet feront rigoureiumeni reflttitt.
PARES, g AVRIL.
' La chambre des députés a adopté, dans la séance d'aujourd'hui,
le projet de loi sur jes douanes, après avoir admis un amende
ment de M- Berryer sur les conditions qui donnent à un navire le
caractère de bâtiment français. Deux cent six. voix contre trente-
deux se sont prononcées pour le projet ; c'est à peuprès l'unani
mité qui a sanctionné les quatrp ou cinq votes considérables qui
ont complètement transformé la loi, et qui ont fait sabir. au mi-
aistère autant d'échecs réels. On se rappelle-que le traité belge a
été dénoncé par un vote, que la chambre s'est réservé de dénoncer
elle-même après quatre ans le traité sarde, que le droit sur le
sésame a été doublé, que la classification pour le tarif des bes
tiaux, c'est-à-dire une dés parties les plus importantes dû traité, a
été entièrement changée. Rarement un travail ministériel a reçu
de plus éclatans démentis. ,
NOUVELLES DE SUISSE.
Les événemens dont la Suisse est le théâtre acquièrent chaque
jour plus d'intérêt, et la crise que l'on redoutait a sans doute
éejate. Voici les nouvelles les plus récentes :
« Zurich, le 30 mars.
» La journée de demain est décidément choisie pour l'expédition pro
jetée contre Lucerne. Déjà des renforts sont Tenus an comité insurrection
nel, précisément des troupes appelées sons les armes par le gouverne
ment. Sur sept bataillons appelés au service, non-seulement < aucun ne
c'est présenté au complet, mais sur trois d'entre eux, la moitié des trou
pes a"fait défaut ou a passé dans le camp libéral, et, à l'heure qu'il
est, les rfeux tiers au moins des officiers d'élite du canton sont Tenus ré
joindre les réfugiés. Au moment où je tous écris, les réfugiés locarnois
comptent prôi de deux mille hommes résolus et bien armés, et parmi eux
trois compagnies de carabiniers (les meilleures troup's du canton) qui
sont arrivées hier et avait l-hier *vec ajmes et bagages pour rejoindre le noyau
d'insurgés. Ces deux mille hommes sont renforaés d'un nombre à peu
prés égal de volontaires qui ont plusieurs pièces d'artillerie à leur dispo
sition.
Lo grand-conseil d'ArgoTie s'est borné à renvoyer l'affaire des corps-
francs à une commission, et lorsqu'il prendra une décision tout sera proba
blement terminé.
Le jorort parait lui-même extrêmement divisé sur la nature des mesu
res éprendre: tandis que le représentant le pics fougueux des idées aris
tocratiques, auseindece corps, M. Blnntschli, réclamait à grands cris des
mesures vigoureuses pour entraver l'entreprise des réfugiés, l'opinion qui
veut laisser les événemens suivre leur cours naturel, l'a emporté, de
sorte que les délégués du gouvernement lucérnois, qui étaient vernis,
la menace à la bouche, sommer le vorort de .préserrer Lucerne d'une in
vasion, sont partis aujourd'hui de Zurich tout décontenancés. On doit;
' pâme leur avoir déclaré dans les plus hantes régions, que malgré tout le
désir qu'on aurait de soutenir le gouvernement de Lucerne, ce gouverne
ment ne devait s'en prendre qu'à son obstination si les choses avaient pris
la tournure extrême où elles sont aujourd'hui.
Une lettre que je reçois en cet instant de Lucerne, me mande que les
esprits sont extrêmement montés, et qu'aussitôt que l'on apprendra que
les réfugiés ont fait leur entrée sur le territoire du canton, le parti libéral
de la capitale fera une démonstration de nature à prouver que ce n'est pas
en vain qu'on compte sur son appui, malgré les baïonnettes dont il est
entouré.
P. S. Encore une note" de la Russie, dont personne ne s'inquiète, tant
on est préoccupé de ce qui se passe sous nos yeux.
« Berne, le 30 mars.
» Notre gouvernement, pressé par le vorort de prendre des mesures
pour empêcher que des corps-francs ne partent de notre territoire pour
aider les réfugiés lucérnois, viént de donner signe de vie par la publica
tion d'une défense aux habitans de prendre parti dans les corps-francs
qui se forment à la frontière de Lucerne. Cette proclamation, conçue
dans des termes très doux, et qui n'a été arrêtée qu'après de longs débats,
est tout.à fait tardive, car tous les volontaires disposés à prêter un con
cours actif aux libéraux lucérnois, avaient déjà franchi notre frontière
avant le 28 mars; aucune pénalité n'est portée contre les contrevenans,
excepté à l'égard des fonctionnaires publics, et encore même se réserve-t
on de ne sévir contre eux que suivant les circonstances. Or, il est hors de
doute que si le gouvernement jésuitique de Lucerne est culbuté, ce que
tout le monde désire ici ardemment, on trouvera moyen de concilier les
exigences du décret de la diète avec une grande indulgence pour les con-
trewnans. »
Le parlement anglais a repris séance avant-hier. L'ord John Russell a
annoncé que, vendredi, il demandérait la production de certaines dé
pêches du gouvernement des Etats-Unis relatives au'territoire de l'Oré-
gon : il est difficile que le débat engagé sur ce point rie s'étende pas
à l'ensemble de la politique anglaise vis-à-vis des Etats-Unis. La presse
de Londres paraît prendre plus paisiblement «ftt'on ne" l'aurait Gru l'an
nexion du Texas. ; '
Trois projets de loi ont été soumis aujourd'hui à l'examen des bu
reaux de la chambre. Celui dé ces projets qui tend à affecter une som
me de 47,750,000 francs à la fabrication du matériel destiné à l'arme
ment de l'enceinte de Paris et des ouvrages extérieurs, a été l'objet
d'un examen plus spécial. En voici les traitssprincipaux :
1 er bureau.— M. Ferdinand detLaHeyrie voituri avertissement signifi
catif et salutaire dans la réprobation qui s'est manifestée s! généralement
lors de la présentation da projet ds loi. Rien, engflgt, nesemblelajustifier,
et le moment paraît bien mal choisi, lorsque nos arsenaux sont tellement
vides, que nos flottes ne pourraient affronter même une victoire! lorsque
nos côtes sont tellement dégarnies, qu'elles n'auraient aucun moyen de ré
sister à une agression de'quelque importance. L'orateur admet sans doute
qu'il faudrait. qu'un gouvernement, fût à la fois bjen criminel et bien
insensé pour songer à fcrùler sa métropole; mais'' n'est-il donc point d'au
tres moyens d'intiiûider une ville, delà rédniremê'ihe au besoin, et nos
pères, en détruisant la Bastille, h'avaient-ils d'autre pensée que la crainte
des boulets qu'elle pouvait lancer sur Paris? Tïon tdans un état libre, on
ne- peut admettre que la représentation nationale délibère sous le feu des
canons, on ne pent admettre que le centre de là civilisation prenne l'ag-
■ pect d'une place de guerre. ,
M. Duchdtèl , ministre de l'intérieur. — Personne' ne peut croire que
c'est dans un% intention liberticide que la loi sur les : fortifications a été
présentée. Le projet de loi est la conséquence du vote sur les fortifications
mêmes. La France se couvrirait de ridicnle aux yeux de l'Europe si, après
avoir dépensé près de deux cents millions pour la construction des fortifi
cations. elle ne prenait pas ses mesures pour les armer- C'est en temps de
paix qu'il faut >e préparer à la guerre : tels sont les conseils de la logique
et de la prudence. En deux m,ots, la chambre p entendu faire une choie
sérieuse, et alors élie ne doit pas, elle ne peut, pat reculer devant la con
séquence de la loi sur les fortifications. Il ne s'agit que de voter les fonds
pour déposer dans les magasins les canons qui serviront à l'armement de
Paris. ' ■ . ■ ' '■
M. de Larochejaquelein a toujours considéré les fortifications de Paris
comme une arme liberticide. Il les aurait refusées à la restauration
comme au gouvernement actuel, convaincu que, isi ce n'est dans le pré-,
sent, elles peuvent devenir dans l'avenir l'instrument d'un pouvoir despo
tique et violent. Elles compromeUent^'jhdépendance de Paris, et, Paris as
servi, la France l'est également.
, M. Boblaye approuve le projet.
M. Odilon Barrot —Je suis de cetix qui ont voté les .fortifications de
Paris. Je l'ai fait dans l'intérêt du pays. Je ne me dissimule point que ce
vote entraîne avec lui l'armement de Paris. Mais y a-t-il opportunité?
Voilà la question. Si la défense du pays exigeait l'armement, je voterais cet
armement, parce qu'avant tout, avant même la, question de liberté, il faut
assurer l'indépendance du pays. Je ne suis pas rassuré sur les intentions
des gouvernemens en général. Au moment du 18 brumaire, ne prêtait-on
pas serment à la constitution du pays? La veille des ordonnances, Char
les X ne protestait-il pas de son dévoùment à la charte? Mais ce qui me
rassure dans le pays,' c'eft son culte pour la liberté. C'est surtout qu'on a
besoin d'un budget de quatorze cent millions. L'honorable orateur termine
ses observations en disant que l'état de paix de la France, la politique mc-
'deste, humble, de son gouvernement, vis-à-vis des puissances étrangères,
ne fait pas prévoir des chances de guerre, et, qu'en conséquence, il com
bat et il combattra le projet de loi.
M. le ministre de l'intérieur répond que lorsque l'honorable M. Barrot
a voté la loi sur les fortifications de Paris, le cabinet qui est au pouvoir
aujourd'hui s'y trouvait, et le cabinet du 29 octobre n'aTait pas plus les
sympathies de l'honorable membre en 1842, qu'en 1848. On ne com
prend pas qu'on ait voté' les fortifications sans donner les moyens de les
rendre utiles en temps de guerre. Croyez-vous donc que si nous aTions la
guerre, nous l'aurions arec une seule puissance ? Il y a donc contradic
tion dans l'opinion de M. Odilon Barrot.
2 e bureau. JW. le baron Pérignon admet l'armement des fortifica
tions; c'est la conséquence forcée du vote des fortifications... A l'époque
de 1840, la France était menacée, elle n'avait d'autre manière de protes
ter contre l'agression et le mauvais vouloir de l'étranger qu'en votant les
1 fortifications... L'honorable orateur déclare les avoir votées et être prêt à
les voter encore. Mais donner au cahinet du 29 octobre l'armement de
Paris,' c'est lui donner une preuTe de confiance. M.- Pérignon né veut Oir
ne peut donner cette preuve de confiance. A quoi bon donner dei armes à
un cabinet qui, formé sous le drapeau de la paix armée, n'a rien fait de-^
puis cinq ans pour soutenir .l'honneur national et qui-à cédé Bur tons les 1
points ? L'honorable membre déclare qu'il est inutile de donner des armes
à des soldats, si leur mot d'ordre est d'avoir toujours l'arme au bras ou'
l'arme baissée. Il proteste contre le projet de loi, qui h'â pis defranehisey
et qui renferme au contraire un principe de duplicité en proposant deux
natures d'armemens, l'un de sûreté et l'autre de défense; Il seprononctf
donc contre le projet du goavergement. _ " : ' •'
M. le ministre du eommerce répond qu'il ne comprend' pa» que l'on
fasse une question de confiance d'une question natidnalê; qù'il s'agit da ■
l'intérêt et de la défense du pays ; que les armemens ne devant se faire
que d'ici à cinq ans, il n'est pas probable que ce soit' le 'cabinet actuel
qui les termine. . . '
M. le général Durieu déclare qu'il a voté contre les fortifications; mais
qu'il " votera pour l'armement. Il ne voterait pas les fortifications ;
mais une fois faites, il faut les rendre utiles et les armer. Il ne pense pas
qu'on puisse Taire une question de cabinet d'une pareille question, car
alors, suivant les cabinets, il faudrait donc détruire on relever successi
vement les-fortifications. Il vote pour l'adoption du projet: ■ ** » ^ j
M. de Lamartine s'élève avec vivacité contre-les armemens; adversaire
prononcé des fortifications en 1840, il trouve que c'est mettre M comble
à une première faute que de voter les armemens en 1845; il ne voit là
qu'un moyen, de tyrannie. Laquelle? il l'ignoré; mais un jour viendra on
les fortifications, lés embastillemens seront la destructioM^du gouverne
ment représentatif. Il proteste contre ce qui a été fait et contre ce qu'os
Veut faire; il accuse à la fois MM. Pérignon ef Durieu d'inconséquence.
C'est au nom du pays qu'il repousse, dans le présént comme dans l'avenip,
tout armement de Paris. ' ;
M. de Tracy parle contre le projet.
M. de Chasseloup-Laubat parle dans le même sens que le général Du-
rieu. . ! ' ' ' ' ''
M. le général Durieu est nommé commissaire par 21voix contre 14 A
M. de Lamartine et S à M. Pérignon. '
bureau. — M. le vicomte Daru exprime d'abord le regret que Ip
gouvernement ait présenté le projet de loi, au milieu des difficultés ac
tuelles. Je voudrais, ajoute-t-il, écarter de la discussion l'argument du
bombardement possible de la capitale.-Les partis extrêmes'peuvent s'en
servir pour exciter les passions politiques; mais la qaestion me semble ju
gée par le rapport lumineux de l'honorable M. Allard et par la discussion
qu'il a soulevée. Les fortifications ont été élevées : laisserons-nous main
tenant notre oeuvre incomplète et stérile? Faire des fortifications sans ar
mement, ce serait un soldat sans armes, ce serait une absurdité.'
M. Larabit attaque le projet de loi, et, à ce sujet, revient sur la loi des
fortifications de Paris. Il approuvait l'enceinte continue, il blâme les forts
détachés.
M. Taillandier parle aussi contre le projet.
M. de Bussières. — Si l'armement n'est pas voté, les fortifications ne
pourront pas être et elles ne seront pasdéfendues. L'ennemi les occupera
sans coup férir, et il ne se fera pas, lui, sçrqpnlé de les armer pour asser
vir le pays. Il sera toujours temps, dit-on, de voter l'armement quand le
danger viendra. Comment a-t-on oublié ce qui s'est passé en 1840 ? Les
canons manquaient et même le cuivre nécessaire pour fondre dès pièces
nouvelles. On passa des marchés pour en avoir, et comme on ne pouvait
en tirer que de Russie, le marché qui fut passé avec une puissante maison
de banque, porte que si la Russie permettait l'exportation, les enivres
seraient livrés et payés, mais que le marché serait résilié si la Russie
s'opposait à leur sortie. De telle sorte qu'en cas de guerre les "cuivres man
quaient et la France restait désarmée. Ne retombons pas dans ces fautes,
s'écrie l'orateur, ce n'est pas ici une question de parti, c'est une question
nationale. Ce qu'il faut défendre, le cas échéant, c'est la FraAce de tout
le monde, la France de toutes les opinions. N'est-il pas heureux que tous
les partis soient unis par ce grand intérêt commun devant lequel leurs
nuances diverses pâlissent et s'effacent?
Et qu'on ne parle pas de la confiance ou de la défiance que tel ou tel
cabinet inspire. Lorsque l'approvisionnement de Paris en matériel de
guerre existera, les cabinets se succéderont et auront successivement le
matériel à leur disposition. Il n'est pas le patrimoine de tel ou tel sys
tème politique, il appartient également à tous. La garantie de l'usage qui
en sera fait est dans nos institutions et dans l'esprit public.
4 e bureau. — M. le général Laidet combat le projet comme n'étant
pas justifié par la nécessité. Les approvisionnemens de nos arsenaux per
mettraient toujours de consacrer un nombreux matériel à la défense de
Paris ; le nombre des points exposés à l'attaque ne serait pas assez consi
dérable pour exiger les dépenses que prévoit le projet de loi. Il est impo
litique d'alarmer l'opinion par un projet qui n'a aucun caractère d'oppor
tunité ni d'urgence.
FKUIULETON DU COKSTXTTmONKSX DIX 3 AVRIL 18*5.
L'ALLÉE DES VEUVES
m
PREMIERE PARTIE.
CHA7XTHS VI.
Dans la disposition d'esprit où nous venons de laisser Chevillard, ses
rapports avec Mlle Lebeau ne pouvaient que devenir plus aigres. Ayant
fait la veille, dans le sens de la conciliation, presque au-delà de ce qu'elle
devait faire, la jeune fille s'était promis de garder au moins jusqu'à nou
vel ordre lïattitude la plus froide et la plus réservée, et, de son côté, la
teneur de livres, nourrissant une pensée de rupture, était bien aise de
maintenir un état d-liostilité qui préparait naturellement la transition an
coup d'état qu'il méditait.
11 ne s'était donc absolument rien passé qui pût lui donner un douta
sur la convenance et sur la sagesse de ses idées de mariage, quand la
lendemain, dans 1'aprèî-midi, il reçut une lettre dont il crut aussitôt re
connaître l'écriture; il l'ouvrit avec une certaine crainte, car il lui sem
bla que là était contenue la solution de tout son avenir. C'était un sim
ple billet, non signé, dans lequel on lui disait :
« L 'affaire prend bonne tournure. Votre prétention n'a pas du tout
» été mal venue. Je suis autorisé à vous présenter aujourd'hui même
» sur le pied que vous pouvez désirer. Si vous voulez m'attendre ce
'» sOir, sur les sept heures, au palais du Tribunat, près le théâtre Mon-
» tansier , nous partirons de là pour nous aboucher à qui de droit.—A
» vous de cœur et soyez exact. »
La rapidité de ce résultat était de nature à donner la meilleure idée de
la conclusion définitive, et Chevillard en ressentit une telle joie au cœur
-qu'il ne put se tenir de faire éclater au dehors la satisfaction qu'il éproa-
71) Tonte reproduction, même partielle de ce feailleton , est interdite.
Voir nos numéro» des 26,27, 28, 29 et 30 mars, 1" et 2 avril. -
vait. L'heure du dîner venue, il fut donc, à la différence de la v«ille,
fort expansif et fort causeur ; mais comme il n'entrait pas dans son plan
de faire aucune espèce de frais à l'adresse de Mlle Lebeau, celle-ci ne vit
dans cette attitude nouvelle qu'un dessein pris de la braver, et «Ile
finit par laisser entendre à Chevillard que faute d'être suffisamment jus
tifiées, ses gaîtés comme ses mauvaises humeurs lui, semblaient d'asseï
mauvais goût. Le teneur de livres ne fut ni long, ni modéré; à la riposte,
et de là quelques propos aigres qui envenimèrent d'autant la situation.
Chevillard enfin mit le comble à l'irritation de sa patronne, quand, après
lui avoir annoncé d'un ton leste et cavalier qu'il avait pour le soir uns
affaire qui l'obligeait à lui demander un congé, il ajouta :
— Si vous croyez avoir besoin de la clé de la caisse, je vous la lais
serai.
— Vous ferez bien , — répondit Mlle Lebeau , — si vos affaires , qui
me paraissent devenir très multipliées, doivent vous retenir demain jus
qu'à midi.
Chevillard ne voulut pa» avoir le démenti de sa mauvaise plaisan
terie.
— Je ne pense pas , répondit-il, être occupé tout-à-fait .aussi long
temps; mais, à tout hasard, voici la clé !
Mlle Lebeau la prit sans rien répondra , et ir fallait que cette" petite
scène l'eût étrangement émue, car , un instant plus tard, oublieuse de
l'admirable égalité d'humeur, qui était le fond de son caractère , à l'oc
casion d'une faute réellement assez vénielle , elle s'emporta contre sa
première demoiselle de magasin jusqu'à faire pleurer la pauvre fille, qui
n'en pouvait mais ; pendant ce temps, Chevillard était dans sa chambre,
occupé à la toilette la plus étudiée que certainement il eût faite de sa vie.
Legros se trouva exactement au rendez-vous et, en montant avec son
protégé dans une voiture de place, il dit au cocher : Allée des Veuves.
— C'est là que demeure Mme de Saint-Martin?—demanda Chevillard
avec étonnement.
— Oui; je vous ai dit qu'elle habitait la campagne, ou peu s'en faut.
— Drôle de quartier ! — ne pût s'empêcher de dire le teneurde livres.
— Pourquoi? C'est un endroit comme un autre', un peu éloigné du
centre seulement.
— Merci 1 un endroit comme un autre, — dit 1» teneur délivrés, — à,
cela près qu'il a la réputation d'être un coupe-gorge des mieux condi
tionnés.
— Ah! ça, est-ce que par hasard vous auriez peur? — demanda Le
gros en riant.
— Non; mais je dis que pour des femmes seules, c'est être logé sin
gulièrement. '
— D'abord, mon cher, on doit se défier de toutes les renommées, dfes
bonnes aussi bien que des mauvaises ; ensuite, il vous faut savoir qoe
Mme de Saint-Martin s'est retirée dans ce quartier mal famé , pendant
la Terreur, parce qu'elle était fort inquiétée pour ses opinions royalistes
dans le district qu'elle habitait.
— La chose s'explique. — dit alors le commis.
— C'est moi qui l'ai engagée à acheter cet immeuble; il faisait partie d«
la succession d'un émigré , dont il était ce que l'on appelait avant la
révolution, la petite maison. Je dois même ajouter que Mme -de Saint-
Martin a fait, en cette occasion, unë excellente affaire, car cette maison
qui a un joli jardin, est vraimentunebonbonnière, et elle l'a eue presque
pour rien.
Tout en devisant de la sorte, nos voyageurs étaient arrivés à leur
destination. Comme ils mettaient pied à terre, remarquant à la porte de
la maison où ils allaient entrer, un brillant équipage, Legros dit au co
cher qui le conduisait : ■ j
— Tiens 1 c'est vous, Antoine ; votre maître est donc là?
— Oui, Monsieur, —^ répondit le cocher ; — Monsieur a dîné ici, et il
m'a dit de venir le reprendre à huit heures pour le mener à l'Opéra.
— Ça se trouve bien, dit Legros à Chevillard, — et nous allons
faire d'une pierre deux coups; c'est la voiture du tuteur d'Esther; r je
pense qu'en dînant, Mme de Saint-Martin l'aura mis au courant de
nos projets ; cette rencontre peut beaucoup avancer l'affaire en peu de
temps. *
Pendant ce court dialogue, une espèce de fille de campagne était ve
nue ouvrir la porte, et après avoir traversé une petite cour et monté un
perron de quelques marches, Chevillard fut introduit dans un élégant
vestibule orné de statues et de stucs de couleurs. Un escalier aboutis
sant à cette première pièce qui formait en même temps antichambre,
conduisait aux chambres du seul étage dont fût élevée la maison.
Passant le premier, Legros ouvrit une porte de palissandre dont une
marqueterie de bois relevait les panneaux, et le teneur de livrés se trou
va peu après dans un salon en rotonde et percé de deux fenêtres don
nant sur un jardin. 'Cette pièce était décorée avec un luxe plein de
quetteHe dans le goût du siècle qui venait de finir ; seulement, on
Vait voir que tout l'apeublement avait dû faire un Içpg service, ca v
/"Al >*, -■■"■ ' 'jl ' : i'. < - ' ..... - "
M»ai>MMiigwKiin>iBi
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ÉDITION DE PABIS.
NUMÉRO
DIX FRÀ^CS*
JOUMÀli DU COMMERCE, POLITIQUE ET LITTfEÀIRS
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PARES, g AVRIL.
' La chambre des députés a adopté, dans la séance d'aujourd'hui,
le projet de loi sur jes douanes, après avoir admis un amende
ment de M- Berryer sur les conditions qui donnent à un navire le
caractère de bâtiment français. Deux cent six. voix contre trente-
deux se sont prononcées pour le projet ; c'est à peuprès l'unani
mité qui a sanctionné les quatrp ou cinq votes considérables qui
ont complètement transformé la loi, et qui ont fait sabir. au mi-
aistère autant d'échecs réels. On se rappelle-que le traité belge a
été dénoncé par un vote, que la chambre s'est réservé de dénoncer
elle-même après quatre ans le traité sarde, que le droit sur le
sésame a été doublé, que la classification pour le tarif des bes
tiaux, c'est-à-dire une dés parties les plus importantes dû traité, a
été entièrement changée. Rarement un travail ministériel a reçu
de plus éclatans démentis. ,
NOUVELLES DE SUISSE.
Les événemens dont la Suisse est le théâtre acquièrent chaque
jour plus d'intérêt, et la crise que l'on redoutait a sans doute
éejate. Voici les nouvelles les plus récentes :
« Zurich, le 30 mars.
» La journée de demain est décidément choisie pour l'expédition pro
jetée contre Lucerne. Déjà des renforts sont Tenus an comité insurrection
nel, précisément des troupes appelées sons les armes par le gouverne
ment. Sur sept bataillons appelés au service, non-seulement < aucun ne
c'est présenté au complet, mais sur trois d'entre eux, la moitié des trou
pes a"fait défaut ou a passé dans le camp libéral, et, à l'heure qu'il
est, les rfeux tiers au moins des officiers d'élite du canton sont Tenus ré
joindre les réfugiés. Au moment où je tous écris, les réfugiés locarnois
comptent prôi de deux mille hommes résolus et bien armés, et parmi eux
trois compagnies de carabiniers (les meilleures troup's du canton) qui
sont arrivées hier et avait l-hier *vec ajmes et bagages pour rejoindre le noyau
d'insurgés. Ces deux mille hommes sont renforaés d'un nombre à peu
prés égal de volontaires qui ont plusieurs pièces d'artillerie à leur dispo
sition.
Lo grand-conseil d'ArgoTie s'est borné à renvoyer l'affaire des corps-
francs à une commission, et lorsqu'il prendra une décision tout sera proba
blement terminé.
Le jorort parait lui-même extrêmement divisé sur la nature des mesu
res éprendre: tandis que le représentant le pics fougueux des idées aris
tocratiques, auseindece corps, M. Blnntschli, réclamait à grands cris des
mesures vigoureuses pour entraver l'entreprise des réfugiés, l'opinion qui
veut laisser les événemens suivre leur cours naturel, l'a emporté, de
sorte que les délégués du gouvernement lucérnois, qui étaient vernis,
la menace à la bouche, sommer le vorort de .préserrer Lucerne d'une in
vasion, sont partis aujourd'hui de Zurich tout décontenancés. On doit;
' pâme leur avoir déclaré dans les plus hantes régions, que malgré tout le
désir qu'on aurait de soutenir le gouvernement de Lucerne, ce gouverne
ment ne devait s'en prendre qu'à son obstination si les choses avaient pris
la tournure extrême où elles sont aujourd'hui.
Une lettre que je reçois en cet instant de Lucerne, me mande que les
esprits sont extrêmement montés, et qu'aussitôt que l'on apprendra que
les réfugiés ont fait leur entrée sur le territoire du canton, le parti libéral
de la capitale fera une démonstration de nature à prouver que ce n'est pas
en vain qu'on compte sur son appui, malgré les baïonnettes dont il est
entouré.
P. S. Encore une note" de la Russie, dont personne ne s'inquiète, tant
on est préoccupé de ce qui se passe sous nos yeux.
« Berne, le 30 mars.
» Notre gouvernement, pressé par le vorort de prendre des mesures
pour empêcher que des corps-francs ne partent de notre territoire pour
aider les réfugiés lucérnois, viént de donner signe de vie par la publica
tion d'une défense aux habitans de prendre parti dans les corps-francs
qui se forment à la frontière de Lucerne. Cette proclamation, conçue
dans des termes très doux, et qui n'a été arrêtée qu'après de longs débats,
est tout.à fait tardive, car tous les volontaires disposés à prêter un con
cours actif aux libéraux lucérnois, avaient déjà franchi notre frontière
avant le 28 mars; aucune pénalité n'est portée contre les contrevenans,
excepté à l'égard des fonctionnaires publics, et encore même se réserve-t
on de ne sévir contre eux que suivant les circonstances. Or, il est hors de
doute que si le gouvernement jésuitique de Lucerne est culbuté, ce que
tout le monde désire ici ardemment, on trouvera moyen de concilier les
exigences du décret de la diète avec une grande indulgence pour les con-
trewnans. »
Le parlement anglais a repris séance avant-hier. L'ord John Russell a
annoncé que, vendredi, il demandérait la production de certaines dé
pêches du gouvernement des Etats-Unis relatives au'territoire de l'Oré-
gon : il est difficile que le débat engagé sur ce point rie s'étende pas
à l'ensemble de la politique anglaise vis-à-vis des Etats-Unis. La presse
de Londres paraît prendre plus paisiblement «ftt'on ne" l'aurait Gru l'an
nexion du Texas. ; '
Trois projets de loi ont été soumis aujourd'hui à l'examen des bu
reaux de la chambre. Celui dé ces projets qui tend à affecter une som
me de 47,750,000 francs à la fabrication du matériel destiné à l'arme
ment de l'enceinte de Paris et des ouvrages extérieurs, a été l'objet
d'un examen plus spécial. En voici les traitssprincipaux :
1 er bureau.— M. Ferdinand detLaHeyrie voituri avertissement signifi
catif et salutaire dans la réprobation qui s'est manifestée s! généralement
lors de la présentation da projet ds loi. Rien, engflgt, nesemblelajustifier,
et le moment paraît bien mal choisi, lorsque nos arsenaux sont tellement
vides, que nos flottes ne pourraient affronter même une victoire! lorsque
nos côtes sont tellement dégarnies, qu'elles n'auraient aucun moyen de ré
sister à une agression de'quelque importance. L'orateur admet sans doute
qu'il faudrait. qu'un gouvernement, fût à la fois bjen criminel et bien
insensé pour songer à fcrùler sa métropole; mais'' n'est-il donc point d'au
tres moyens d'intiiûider une ville, delà rédniremê'ihe au besoin, et nos
pères, en détruisant la Bastille, h'avaient-ils d'autre pensée que la crainte
des boulets qu'elle pouvait lancer sur Paris? Tïon tdans un état libre, on
ne- peut admettre que la représentation nationale délibère sous le feu des
canons, on ne pent admettre que le centre de là civilisation prenne l'ag-
■ pect d'une place de guerre. ,
M. Duchdtèl , ministre de l'intérieur. — Personne' ne peut croire que
c'est dans un% intention liberticide que la loi sur les : fortifications a été
présentée. Le projet de loi est la conséquence du vote sur les fortifications
mêmes. La France se couvrirait de ridicnle aux yeux de l'Europe si, après
avoir dépensé près de deux cents millions pour la construction des fortifi
cations. elle ne prenait pas ses mesures pour les armer- C'est en temps de
paix qu'il faut >e préparer à la guerre : tels sont les conseils de la logique
et de la prudence. En deux m,ots, la chambre p entendu faire une choie
sérieuse, et alors élie ne doit pas, elle ne peut, pat reculer devant la con
séquence de la loi sur les fortifications. Il ne s'agit que de voter les fonds
pour déposer dans les magasins les canons qui serviront à l'armement de
Paris. ' ■ . ■ ' '■
M. de Larochejaquelein a toujours considéré les fortifications de Paris
comme une arme liberticide. Il les aurait refusées à la restauration
comme au gouvernement actuel, convaincu que, isi ce n'est dans le pré-,
sent, elles peuvent devenir dans l'avenir l'instrument d'un pouvoir despo
tique et violent. Elles compromeUent^'jhdépendance de Paris, et, Paris as
servi, la France l'est également.
, M. Boblaye approuve le projet.
M. Odilon Barrot —Je suis de cetix qui ont voté les .fortifications de
Paris. Je l'ai fait dans l'intérêt du pays. Je ne me dissimule point que ce
vote entraîne avec lui l'armement de Paris. Mais y a-t-il opportunité?
Voilà la question. Si la défense du pays exigeait l'armement, je voterais cet
armement, parce qu'avant tout, avant même la, question de liberté, il faut
assurer l'indépendance du pays. Je ne suis pas rassuré sur les intentions
des gouvernemens en général. Au moment du 18 brumaire, ne prêtait-on
pas serment à la constitution du pays? La veille des ordonnances, Char
les X ne protestait-il pas de son dévoùment à la charte? Mais ce qui me
rassure dans le pays,' c'eft son culte pour la liberté. C'est surtout qu'on a
besoin d'un budget de quatorze cent millions. L'honorable orateur termine
ses observations en disant que l'état de paix de la France, la politique mc-
'deste, humble, de son gouvernement, vis-à-vis des puissances étrangères,
ne fait pas prévoir des chances de guerre, et, qu'en conséquence, il com
bat et il combattra le projet de loi.
M. le ministre de l'intérieur répond que lorsque l'honorable M. Barrot
a voté la loi sur les fortifications de Paris, le cabinet qui est au pouvoir
aujourd'hui s'y trouvait, et le cabinet du 29 octobre n'aTait pas plus les
sympathies de l'honorable membre en 1842, qu'en 1848. On ne com
prend pas qu'on ait voté' les fortifications sans donner les moyens de les
rendre utiles en temps de guerre. Croyez-vous donc que si nous aTions la
guerre, nous l'aurions arec une seule puissance ? Il y a donc contradic
tion dans l'opinion de M. Odilon Barrot.
2 e bureau. JW. le baron Pérignon admet l'armement des fortifica
tions; c'est la conséquence forcée du vote des fortifications... A l'époque
de 1840, la France était menacée, elle n'avait d'autre manière de protes
ter contre l'agression et le mauvais vouloir de l'étranger qu'en votant les
1 fortifications... L'honorable orateur déclare les avoir votées et être prêt à
les voter encore. Mais donner au cahinet du 29 octobre l'armement de
Paris,' c'est lui donner une preuTe de confiance. M.- Pérignon né veut Oir
ne peut donner cette preuve de confiance. A quoi bon donner dei armes à
un cabinet qui, formé sous le drapeau de la paix armée, n'a rien fait de-^
puis cinq ans pour soutenir .l'honneur national et qui-à cédé Bur tons les 1
points ? L'honorable membre déclare qu'il est inutile de donner des armes
à des soldats, si leur mot d'ordre est d'avoir toujours l'arme au bras ou'
l'arme baissée. Il proteste contre le projet de loi, qui h'â pis defranehisey
et qui renferme au contraire un principe de duplicité en proposant deux
natures d'armemens, l'un de sûreté et l'autre de défense; Il seprononctf
donc contre le projet du goavergement. _ " : ' •'
M. le ministre du eommerce répond qu'il ne comprend' pa» que l'on
fasse une question de confiance d'une question natidnalê; qù'il s'agit da ■
l'intérêt et de la défense du pays ; que les armemens ne devant se faire
que d'ici à cinq ans, il n'est pas probable que ce soit' le 'cabinet actuel
qui les termine. . . '
M. le général Durieu déclare qu'il a voté contre les fortifications; mais
qu'il " votera pour l'armement. Il ne voterait pas les fortifications ;
mais une fois faites, il faut les rendre utiles et les armer. Il ne pense pas
qu'on puisse Taire une question de cabinet d'une pareille question, car
alors, suivant les cabinets, il faudrait donc détruire on relever successi
vement les-fortifications. Il vote pour l'adoption du projet: ■ ** » ^ j
M. de Lamartine s'élève avec vivacité contre-les armemens; adversaire
prononcé des fortifications en 1840, il trouve que c'est mettre M comble
à une première faute que de voter les armemens en 1845; il ne voit là
qu'un moyen, de tyrannie. Laquelle? il l'ignoré; mais un jour viendra on
les fortifications, lés embastillemens seront la destructioM^du gouverne
ment représentatif. Il proteste contre ce qui a été fait et contre ce qu'os
Veut faire; il accuse à la fois MM. Pérignon ef Durieu d'inconséquence.
C'est au nom du pays qu'il repousse, dans le présént comme dans l'avenip,
tout armement de Paris. ' ;
M. de Tracy parle contre le projet.
M. de Chasseloup-Laubat parle dans le même sens que le général Du-
rieu. . ! ' ' ' ' ''
M. le général Durieu est nommé commissaire par 21voix contre 14 A
M. de Lamartine et S à M. Pérignon. '
bureau. — M. le vicomte Daru exprime d'abord le regret que Ip
gouvernement ait présenté le projet de loi, au milieu des difficultés ac
tuelles. Je voudrais, ajoute-t-il, écarter de la discussion l'argument du
bombardement possible de la capitale.-Les partis extrêmes'peuvent s'en
servir pour exciter les passions politiques; mais la qaestion me semble ju
gée par le rapport lumineux de l'honorable M. Allard et par la discussion
qu'il a soulevée. Les fortifications ont été élevées : laisserons-nous main
tenant notre oeuvre incomplète et stérile? Faire des fortifications sans ar
mement, ce serait un soldat sans armes, ce serait une absurdité.'
M. Larabit attaque le projet de loi, et, à ce sujet, revient sur la loi des
fortifications de Paris. Il approuvait l'enceinte continue, il blâme les forts
détachés.
M. Taillandier parle aussi contre le projet.
M. de Bussières. — Si l'armement n'est pas voté, les fortifications ne
pourront pas être et elles ne seront pasdéfendues. L'ennemi les occupera
sans coup férir, et il ne se fera pas, lui, sçrqpnlé de les armer pour asser
vir le pays. Il sera toujours temps, dit-on, de voter l'armement quand le
danger viendra. Comment a-t-on oublié ce qui s'est passé en 1840 ? Les
canons manquaient et même le cuivre nécessaire pour fondre dès pièces
nouvelles. On passa des marchés pour en avoir, et comme on ne pouvait
en tirer que de Russie, le marché qui fut passé avec une puissante maison
de banque, porte que si la Russie permettait l'exportation, les enivres
seraient livrés et payés, mais que le marché serait résilié si la Russie
s'opposait à leur sortie. De telle sorte qu'en cas de guerre les "cuivres man
quaient et la France restait désarmée. Ne retombons pas dans ces fautes,
s'écrie l'orateur, ce n'est pas ici une question de parti, c'est une question
nationale. Ce qu'il faut défendre, le cas échéant, c'est la FraAce de tout
le monde, la France de toutes les opinions. N'est-il pas heureux que tous
les partis soient unis par ce grand intérêt commun devant lequel leurs
nuances diverses pâlissent et s'effacent?
Et qu'on ne parle pas de la confiance ou de la défiance que tel ou tel
cabinet inspire. Lorsque l'approvisionnement de Paris en matériel de
guerre existera, les cabinets se succéderont et auront successivement le
matériel à leur disposition. Il n'est pas le patrimoine de tel ou tel sys
tème politique, il appartient également à tous. La garantie de l'usage qui
en sera fait est dans nos institutions et dans l'esprit public.
4 e bureau. — M. le général Laidet combat le projet comme n'étant
pas justifié par la nécessité. Les approvisionnemens de nos arsenaux per
mettraient toujours de consacrer un nombreux matériel à la défense de
Paris ; le nombre des points exposés à l'attaque ne serait pas assez consi
dérable pour exiger les dépenses que prévoit le projet de loi. Il est impo
litique d'alarmer l'opinion par un projet qui n'a aucun caractère d'oppor
tunité ni d'urgence.
FKUIULETON DU COKSTXTTmONKSX DIX 3 AVRIL 18*5.
L'ALLÉE DES VEUVES
m
PREMIERE PARTIE.
CHA7XTHS VI.
Dans la disposition d'esprit où nous venons de laisser Chevillard, ses
rapports avec Mlle Lebeau ne pouvaient que devenir plus aigres. Ayant
fait la veille, dans le sens de la conciliation, presque au-delà de ce qu'elle
devait faire, la jeune fille s'était promis de garder au moins jusqu'à nou
vel ordre lïattitude la plus froide et la plus réservée, et, de son côté, la
teneur de livres, nourrissant une pensée de rupture, était bien aise de
maintenir un état d-liostilité qui préparait naturellement la transition an
coup d'état qu'il méditait.
11 ne s'était donc absolument rien passé qui pût lui donner un douta
sur la convenance et sur la sagesse de ses idées de mariage, quand la
lendemain, dans 1'aprèî-midi, il reçut une lettre dont il crut aussitôt re
connaître l'écriture; il l'ouvrit avec une certaine crainte, car il lui sem
bla que là était contenue la solution de tout son avenir. C'était un sim
ple billet, non signé, dans lequel on lui disait :
« L 'affaire prend bonne tournure. Votre prétention n'a pas du tout
» été mal venue. Je suis autorisé à vous présenter aujourd'hui même
» sur le pied que vous pouvez désirer. Si vous voulez m'attendre ce
'» sOir, sur les sept heures, au palais du Tribunat, près le théâtre Mon-
» tansier , nous partirons de là pour nous aboucher à qui de droit.—A
» vous de cœur et soyez exact. »
La rapidité de ce résultat était de nature à donner la meilleure idée de
la conclusion définitive, et Chevillard en ressentit une telle joie au cœur
-qu'il ne put se tenir de faire éclater au dehors la satisfaction qu'il éproa-
71) Tonte reproduction, même partielle de ce feailleton , est interdite.
Voir nos numéro» des 26,27, 28, 29 et 30 mars, 1" et 2 avril. -
vait. L'heure du dîner venue, il fut donc, à la différence de la v«ille,
fort expansif et fort causeur ; mais comme il n'entrait pas dans son plan
de faire aucune espèce de frais à l'adresse de Mlle Lebeau, celle-ci ne vit
dans cette attitude nouvelle qu'un dessein pris de la braver, et «Ile
finit par laisser entendre à Chevillard que faute d'être suffisamment jus
tifiées, ses gaîtés comme ses mauvaises humeurs lui, semblaient d'asseï
mauvais goût. Le teneur de livres ne fut ni long, ni modéré; à la riposte,
et de là quelques propos aigres qui envenimèrent d'autant la situation.
Chevillard enfin mit le comble à l'irritation de sa patronne, quand, après
lui avoir annoncé d'un ton leste et cavalier qu'il avait pour le soir uns
affaire qui l'obligeait à lui demander un congé, il ajouta :
— Si vous croyez avoir besoin de la clé de la caisse, je vous la lais
serai.
— Vous ferez bien , — répondit Mlle Lebeau , — si vos affaires , qui
me paraissent devenir très multipliées, doivent vous retenir demain jus
qu'à midi.
Chevillard ne voulut pa» avoir le démenti de sa mauvaise plaisan
terie.
— Je ne pense pas , répondit-il, être occupé tout-à-fait .aussi long
temps; mais, à tout hasard, voici la clé !
Mlle Lebeau la prit sans rien répondra , et ir fallait que cette" petite
scène l'eût étrangement émue, car , un instant plus tard, oublieuse de
l'admirable égalité d'humeur, qui était le fond de son caractère , à l'oc
casion d'une faute réellement assez vénielle , elle s'emporta contre sa
première demoiselle de magasin jusqu'à faire pleurer la pauvre fille, qui
n'en pouvait mais ; pendant ce temps, Chevillard était dans sa chambre,
occupé à la toilette la plus étudiée que certainement il eût faite de sa vie.
Legros se trouva exactement au rendez-vous et, en montant avec son
protégé dans une voiture de place, il dit au cocher : Allée des Veuves.
— C'est là que demeure Mme de Saint-Martin?—demanda Chevillard
avec étonnement.
— Oui; je vous ai dit qu'elle habitait la campagne, ou peu s'en faut.
— Drôle de quartier ! — ne pût s'empêcher de dire le teneurde livres.
— Pourquoi? C'est un endroit comme un autre', un peu éloigné du
centre seulement.
— Merci 1 un endroit comme un autre, — dit 1» teneur délivrés, — à,
cela près qu'il a la réputation d'être un coupe-gorge des mieux condi
tionnés.
— Ah! ça, est-ce que par hasard vous auriez peur? — demanda Le
gros en riant.
— Non; mais je dis que pour des femmes seules, c'est être logé sin
gulièrement. '
— D'abord, mon cher, on doit se défier de toutes les renommées, dfes
bonnes aussi bien que des mauvaises ; ensuite, il vous faut savoir qoe
Mme de Saint-Martin s'est retirée dans ce quartier mal famé , pendant
la Terreur, parce qu'elle était fort inquiétée pour ses opinions royalistes
dans le district qu'elle habitait.
— La chose s'explique. — dit alors le commis.
— C'est moi qui l'ai engagée à acheter cet immeuble; il faisait partie d«
la succession d'un émigré , dont il était ce que l'on appelait avant la
révolution, la petite maison. Je dois même ajouter que Mme -de Saint-
Martin a fait, en cette occasion, unë excellente affaire, car cette maison
qui a un joli jardin, est vraimentunebonbonnière, et elle l'a eue presque
pour rien.
Tout en devisant de la sorte, nos voyageurs étaient arrivés à leur
destination. Comme ils mettaient pied à terre, remarquant à la porte de
la maison où ils allaient entrer, un brillant équipage, Legros dit au co
cher qui le conduisait : ■ j
— Tiens 1 c'est vous, Antoine ; votre maître est donc là?
— Oui, Monsieur, —^ répondit le cocher ; — Monsieur a dîné ici, et il
m'a dit de venir le reprendre à huit heures pour le mener à l'Opéra.
— Ça se trouve bien, dit Legros à Chevillard, — et nous allons
faire d'une pierre deux coups; c'est la voiture du tuteur d'Esther; r je
pense qu'en dînant, Mme de Saint-Martin l'aura mis au courant de
nos projets ; cette rencontre peut beaucoup avancer l'affaire en peu de
temps. *
Pendant ce court dialogue, une espèce de fille de campagne était ve
nue ouvrir la porte, et après avoir traversé une petite cour et monté un
perron de quelques marches, Chevillard fut introduit dans un élégant
vestibule orné de statues et de stucs de couleurs. Un escalier aboutis
sant à cette première pièce qui formait en même temps antichambre,
conduisait aux chambres du seul étage dont fût élevée la maison.
Passant le premier, Legros ouvrit une porte de palissandre dont une
marqueterie de bois relevait les panneaux, et le teneur de livrés se trou
va peu après dans un salon en rotonde et percé de deux fenêtres don
nant sur un jardin. 'Cette pièce était décorée avec un luxe plein de
quetteHe dans le goût du siècle qui venait de finir ; seulement, on
Vait voir que tout l'apeublement avait dû faire un Içpg service, ca v
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