Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1845-03-26
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 mars 1845 26 mars 1845
Description : 1845/03/26 (Numéro 86). 1845/03/26 (Numéro 86).
Description : Note : erreur de numérotation. Note : erreur de numérotation.
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
MERCREDI 26 MARS 1845.
ÉDITION DE PARIS
HIMÉRO 86.
m
m
*1
DIX FRANCS.
ON S'ABONNE A PARIS, RUE M<
H, ,DA.Ni US DiPAKTBKBKI, CHSX LKI
bi a toutes les messa6
- A Londres, ehex MM. Cowie et fils,
RHAL DU COMMEECB, POUTIQCB ET LITTEBAIRB.
osim,
PARIS.
un ah 40 n.
Su. kois .*••••«••••#••• 20
trou mois 10
DEPARTESIENS ET ÉTRANGER.
en as 48 n.
SIX HOU 24
trois kois..., 13
ANNONCES.
1 frtno 80 cent, la petite ligne; — 3 franc» la ligne de réolam*.
TOCTB nraSKTIOM DOIT ÈT*H A&HttB FAI U ai*AMT.
Les lettre» non affranchiet feront rigoureusement réfutées.
AVIS*
Xrf» rapide «uecèg que LE COSISmiITIOMEL »
obtenu, depuis un an, et le grand nombre d'abon
nés qu'il compte aujourd'hui, lui permettent de
faire de nouveaux sacrifiées pour propager les
opinions politiques dont il est l'organe.
UTous annoncerons très prochainement les HTOM-
BREVSES ET ÎMPOBTAÏTKS IXIVOVATIOJS que
LE COXSTIXl TIO.TOEL compte réaliser dans le
courant du trimestre qui va commencer.
PARIS, «5 MARS.
Si le ministère avait à cœur l'honneur du pouvoir et sa propre
dignité, il y a long-temps qu'il aurait qaitté les affaires. Mais les
contradictions, les refus, les humiliations, les démentis, les échecs
de toute nature ne ie touchent point. Il y est fait; il est à terre, et
il y reste; cela lui convient. La chambre toutefois s'inquiète à
bon droit de cet abaissement du pouvoir, et elle commence à s'en
irriter.
Lç nouvel acte de faiblesse et d'humilité que le cabinet a ac
compli aujourd'hui, a causé une véritable indignation sur tous les
bancs de la chambré ; jamais le ministère n'avait encore fait un
aussi grand pas vers sa chute.
Un traité ae commerce est conclu depuis deux ans passés avec
la Belgique. Le gouvernement français l'a présenté deux fois à
l'acceptation des chambres, mais à des époques tellement avan
cées des sessions, quel'examen et le vote ont été impossibles, fiette
fois enfin la chambre étai t en mesure de se prononcer. La commissioii,
jugeant le traité mauvais, onéreux pour l'industrie française, sans
compensation véritable, a exprimé le vœu que le gouvernement
n'en prolongeât pas ta durée. C'était demander à M. le ministre
des affaires étrangères de prendre un engagement à ce sujet. Ce
pendant l'opposition, ayant peu de confiance dans les paroles mi
nistérielles, proposait aujourd'hui, par l'organe de M Lestiboadois
un amendement qui limite la durée des tarifs exceptionnels exis
tant eu vertu du traité, et qui a ainsi pour effet de contraindre le
ministère à dénoncer le traité aussitôt qu'il lui est permis de le
faire. ,
, La commission d'ailleurs, avait résolu ce matin de se réunir à
, l'amendement de M. Lestiboudois, si les paroles de M. Guizot ne
lui paraissaient pas assez explicites,- assez formelles.
C'était déjà quelque chose de grave que d'obliger un ministre
des affaires étrangères à déclarer d'avance à la tribune qu'un trai
té existant sera dénoncé. Mais avoir recours à des moyens coer-
citifs, rendre par un vote la durée du traité matériellement im
possible , c'était un acte inusité, extrà-parlementaire, une sorte
d'empiétement sur le pouvoir exécutif, une marque éclatante de
défiance envers les ministres, un refus évident de croire à la sin
cérité de leurs engagemens, ou au pouvoir qu'ils auront de les
remplir.
Qu'a fait cependant M. Guizot? M. Saglio, rapporteur de la
commission, venait de dire que le traité belge était mauvais sous
le rapport politique et sous le rapport commercial, et il deman
dait les explicitions du ministre.
M. Guizot, effrayé des résolutions de la commission, et crai
gnant de n'en jamais faire assez, a répondu qu'il acceptait l'amen
dement de M. Lestiboudois, comme tout-à-fait favorable à de nou
velles négociations et comme devant donner vis-à-vis de la Belgi
que une grande force au pouvoir ! Nous ne parlons pas du discours
qui a précédé cette déclaration : c'est le plus pauvre, le plus nul,
le moins conforme aux conclusions, le plus embarrassé, le plus mal
fait que M. Guizot, si étranger d'ailleurs aux affaires positives, ait
jamais prononcé de sa vie.
La chambre avait, il y a trois ans, obligé le ministère à refuser la
ratification d'un traité. Aujourd'hui, elle fait plus; elle blâme un
traité déjà ratifié et exécuté ; ell# !§.déclare, par l'organe de sa
commission, mauvais au point de vuecommercial comme au point
de vue politique ; elle le dénonce elle-même, par un vote,'en dehors
de toutes les formes diplomatiques, avant les termes prescrits ; elle
ne se contente pas de la parole des ministres ! Et M. (ïuizot s'ap
plaudit de la force qu'on donne au pouvoir, et du concours qu'on
lui prête! En vérité, cela est fabuleux ! Nous ne croyons pas qu'un
cabinet puisse tomber plus bas.
M. Billault a constaté avec précision cette situation du minis
tère. Quant aux conservateurs , qui ont quelque respect pour le
gouvernement représentatif, pour leur parti, pour le pouvoir, les
uns ont refusé de se lever derrière les ministres pour voter l'a
mendement ; les autres s'exprimaient sur le compte du cabinet
avec plus de vivacité et moins d'estime encore que l'opposition ;
plusieurs vou'aient parler après le ministre et contre le minis
tre; chacun est sorti de la chambre rougissant d'un tel spectacle
et se demandant si le pouvoir pourrait se relever d'un tel avilis
sement. Ces sentimens étaient à peu près unanimes , comme le
vote l'avait été.
La proposition de M. le comte Daru a éprouvé aujourd hui de
sérieuses résistances à la chambre des pairs. Elle a été combattue
avec beaucoup dé logique et de sens par M. le général Cubières
et M. le comte d Argout. Le premier de ces orateurs attribue les
désordres de la Bourse au systènil-vicieux suivi par le gouverne
ment en matière de chemins de fer, c'est-à-dire au système des
tronçons préféré en vue de certaines combinaisons parlementaires.
M. lé comte d'Argout, de son »ôté, cherche surtout à établir que
la mesure proposée porterait la plus grave atteinte à l'esprit d'as
sociation, au droit dé propriété et k-la liberté des transactions, et
qu'elle ferait une révolution dans notre droit commercial en ce
qu'elle incriminerait des actes qui peuvent être parfaitement lé
gitimes D'ailleurs, ajoute cet orateur, la proposition est incom
plète en ce qu'elle n'attaque qu'une faible partie de l'agiotage et
qu'«lle élude les faits les plus dangereux.
Nous avions jugé dès le premier jour la proposition de M. le
comte Daru à peu près dans les mêmes termes, sans nier en aucu
ne façon l'existence du mal. Plus on examinera cette proposition,
et plus on verra qu'elle a été inspirée, aiDsi qu'on l'a dit aujour
d'hui à la chambre des pairs, plutôt par la voix publique qui s'in
digne avec raison, mais qui s'égare, que par l'étude attentive des
faits.
Le chargé d'affaires d'Autriche auprès de la confédération
suisse, M. de Philippsberg,-a remis le 19 mars au président du di
rectoire fédéral, ainsi que nous l'avons dit hier, une dépêche de
son gouvernement, relative aux événemens dont la Suisse est en ce
moment le théâtre.
Ainsi, trois puissances sont intervenues jusqu'ici diplomatique
ment dans la question, tout intérieure, qui agite la Suisse. Le mi
nistère tory d'Angleterre a réclamé le maintien du pacte fédéral,
tout en protestant au moins de son respect pour l'indépendance
de la Suisse. Aujourd'hui l'Autriche fait à son tour entendre à la
confédération helvétique des conseils équivalant à des ordres. Non
contente de s'élever avec l'Angleterre contre les changemens que
la Suisse pourrait être tentée d'introduire dans sa constitution in
térieure, elle exige la répression des corps-francs, déjà réprouvés
par la diète, comme chacun sait. Mais si impérative que soit au
fond sa dépêche, elle est loin d'avoir la raideur et la morgue qu'on
a remarquées dans celle de M. Guizot, car celui-ci, pour se faire
tolérer dans le concert européen, outre des principes qui contras
tent avec l'origine et le caractère politique du gouvernement de
juillet. La dépêche à la confédération suisse place M. Guiiot à la
queue du gouvernement absolu de l'Autriche, l'entente cordiale
s'élève au rang d'une autre sainte-alliance. Mais le ministère à
beau faire, les apostasies politiques ne rapportent pas plus dfe
Îirofit que d'honneur. Pour obtenir une position équivoque parmi
es puissances absolutistes, M. Guizot blesse dans sa dignité et
dans son indépendance, dans ses sentimens libéraux, un peuplé
ami, dont la neutralité couvre notre frontière. C'est ainsi qu'il
continue à étendre notre influence en Europe.
Nous recevons notre correspondance de Zurich du 22. Il ne s'était
encore produit aucun fait nouveau; mais on croit que le gouvernement
de Lucerne pourrait bien être renversé par un mouvement intérieur, ;
Nous avons des nouvelles de Grèce jusqu'au 40 mars. Ces nou
velles ont beaucoup d'importance. Encouragée par l'adoption d'un
amendement sur la loi du jury, la minorité anglo-napiste se
croyait déjà victorieuse, quand commença la délibération sur les
élections d'Hydra qui avaient été ajournées. Les trois'députés
d'Hydra, amis intimes de la légation anglaise, étaient-ils réguliè
rement, légalement élus? voilà la question telle qu'elle se présen
tait à la chambre. Dans le doute, beaucoup de personnes sages et
modérées pensaient qu'il convenait d'approuver cette élection, et
de prouver ainsi que toute pensée de réaction serait désormais
étrangère à l'assemblée. Le ministère Coletti-Metaxas inclinait
lui-même vers cet avis, qui était très vivement, très énergiquement
soutenu par le ministre ae France. Mais la légation anglaise, dans
cette circonstance comme toujours, a trouvé le moyen de rendre
impossible la transaction qui se préparait. Selon elle et selon ses
organes habituels, la chambre, en admettant les trois députés
d'Hydra, allait prononcer un blâme sévère contre le cabinet, et
peut-être le renverser. Grâce à cette habile manœuvre de la léga
tion anglaise, la question est devenue ministérielle, et les députés
d'Hydrar ont été renvoyés devant leurs électeurs à la majorité de
56 voix «ontre 30.
On juge qu'une telle décision n'a pas diminué la colère de la lé
gation anglaise et de ses adhérens. Maintenant c'est plus que de
la violence, c'est presque de la conspiration. Malgré tout cela, le
pays devient de plus en plus calme, le commerce reprend, la pros
périté matérielle augmente, c'est au point qu'une caisse d'épargne,
fondée dans les derniers jours de février, a pris en quinze jours un
développement considérable. En même temps le cabinet propose
des mesures financières qui doivent à la fois améliorer le revenu
public et affranchir les contribuables d'une foule de vexations.
Tout cela n'empêchera pas les journaux anglais de toute nuance
de porter aux nues M. Maurocoraato , d'approuver pleinement M.
Lyons, de maudire M. Coletti et d'injurier M. Piscatory. Nous le
comprenons; mais nous voudrions que les journaux français, ceux
surtout qui passent pour les organes du ministère , ne fissent pas
cause commune avec eux. Nous croyons savoir qu'à Athènes on
s'est un peu étonné du silence que la presse française a gardé sur
des événemens et des querelles où 1 influence de la France était
feîtïixss'ojr bu ooarszrnrtiasrarxl bit 26 tuas 1845.
(*)
L'ALLEE DES VEUVES
PROLOGUE.
. i.
Sur la fin d'une froide soirée du mois de janvier 4804, un violonet
une clarinette, attachés à l'orchestre du célèbre Café des Aveugles, s'é
taient mis en devoir, une fois leur tâche faite, de regagner le domicile
qu'ils tenaient de la charité publique, à l'hôpital national des Quinze-
Vingts.
Le violon répondait au nom de Michel et la clarinette s'appelait Corni-
quet.
Bras-dessus et bras-dessous, et l'un portant l'autre, bâton en main,
. marchant du ventre, la jambe un peu flageolante et la tête au vent, ils
s'en allaient sans guide, à l'autre bout de Paris, confians dans la Provi
dence qui depuis bien des années avait préservé de toute embûche leur
course nocturne, et confians aussi dans l'instinct de l'aveugle, qui, une
fois sur la route dont il a l'habitude, court moins que beaucoup de
clairvoyans peut-être, le risque de s'égarer.
Au sortir du Palais-Royal, ou palais du Tribunat, comme on disait alors,
les deux virtuoses suivaientla rue Saint-Honoré dans toute sa longueur,
et de là, par un chemin qui se continuait presqu'en ligne droite, ils ar
rivaient à la place de la Bastille, d'où, en quatre pas , ils se trouvaient
rendus à leur domicile, 38, rue de Charenton.
Gourmets de tabac, nos gens ne manquaient jamais, au sortir de leur
antre musical, de faire une station au célèbre magasin de la Civette,
en possession, dès cette époque, de la renommée qu'il garde encore
aujourd'hui.
Leurs tabatières amplement garnies, après avoir adressé quelques
gaudrioles à la demoiselle de comptoir, tout en lui recommandant de
faire bonne mesure, nos voyageurs venaient de se remettre en route,
quand, à peine arrivés sur la place du Palais-Royal, il s'aperçurent qu'il
y régnait, ce soir là, un mouvementet une agitation tout à fait inaccou
tumés. •
Ils entendaient au loin une vague rumeur ; des gens passaient auprès
d'eus en grande hâte, se dirigeant tous dans le même sens ; presque au
même moment, leur oreille fut frappée par un bruit de ferraille sem-
(1) Toute reproduction, même partielle de ce feuilleton , est interdite.
blable à ce retentissement sonore que produit un train d'artillerie en
roulant sur le pavé ; puis, bientôt après, ils se trouvèrent arrêtés dans
leur marche, par le défilé d'une force armée assez considérable.
— Allons ! — dit Michel — voilà encore les faubourgs qui descendent !
— Ils ont peut-être tort — répartit Corniquet, qui était un chaud
démocrate — le peuple a tant d'agrément !
Mais bientôt par une conversation qui se tenait à quelques pas d'eux,
nos deux alarmistes connurent que ce qu'ils avaient pris pour des piè
ces de canon était simplement des pompes à incendie. Le feu venait
d'éclater chez un liquoriste de la rue Saint-Honoré , au coin de la rue
Pierre-Lescot.
La maison qui brûlait se trouvait précisément sur leur route, et vu
la grande émotion qui se manifestait dans le quartier, le désastre pa
raissait devoir être considérable. Il était donc probable que la rue Saint-
Honoré serait barrée; sans compter, qu'à trop s'approcher du foyer de
l'incendie, on était exposé à être mis en réquisition pow. faire la chaîne.
Dans ces circonstances, la prudence ordonnait ae prendre un autre
chemin. Or, changer un itinéraire à eux connu, n'est pas une petite
affaire pour des aveugles. Les nôtres tinrent donc conseil, et il semble
que Corniquet ouvrait un avis assez raisonnable en proposant de prendre
une voiture de place, qui les reconduirait chez eux.
Mais Michel était avare et ne faisait jamais une dépense qu'à la der
nière extrémité. Il faut d'ailleurs remarquer un trait saillant de son
caractère: possédé d'un singulier amour-propre d'aveugle, il avait la
prétention de très bien connaître Paris et de n'être jamais embarrassé
de trouver son chemin.
En conséquence, il proposa de gagner la rue Saint-Thomas-du-Lou-
vre, qui, partant de la place du Palais-Royal, les menait droit à la ri
vière (1).
—Une fois,— ajouta-t-il,— que nous tiendrons la Seine, je réponds de
nous ! le parapet des quais, c'est comme un fil ; nous n'avons qu'à le
suivre et à compter les ponts. Après le quatrième, qui est le Pont-Marie,
toutes les rues à notre gauche descendent à la rue Antoine. Là, nous
sommes, autant dire, chez nous.
vue.
A son extrémité, la rue Saint-Thomas du Louvre rejoint la rue de
Chartres avec laquelle elle forme un angle aigu, et par une erreur bien
(1) En 1804, la rue Saint-Thomas se prolongeait jusqu'au quai dû Lou
vre, sur lequel elle débouchait par un guichet percé sous la galerie du
Musée. Ce guichet existe encore; mais il est aujourd'hui fermé; on y pas
sait l'eau ayant la construction du Pont-des-Arts.
facile à expliquer, ce fut justement danslarue qu'il ne fallait pas prendra
que Michel s engagea.
Cette erreur eut les conséquences que l'on peut croire; une heure du
rant, ces pauvres diables battirent la campagne et l'on peut juger de
leur désappointement, quand un passant attardé auprès duquel ils
se renseignèrent leur apprit qu'au lieu de gagner la rivière , ils
étaient allés retomber rue Saint-Honoré auprès de l'église Saint-Roch.
Le découragement gagna l'intrépide Michel lui-même, et ilnefit plus de
résistance à monter dans une voilure de placé. La question n'était donc
plus que de se procurer cette ressource, ce qui devenait difficile, quand
déjà minuit était sonné depuis long-temps.
Par bonheur, quelques minutes plus tard, un fiacre vint à passer,
descendant à toute bride la rue Saint-Honoré pour de là gagner la bar
rière de l'Etoile, au-delà de laquelle il remisait.
Mis en réquisition par nos pauvres égarés, le cocher s'arrêta et vou
lut savoir d'abord le lieu où il était question de les conduire.
Mais quand il entendit parler de la rue de Charenton et de la place de
la Bastille, il n'eut aucune envie d'entreprendre une pareille course à
une heure si avancée, et se disposa à continuer son chemin.
Pour le décider à se charger d'eux, et en même temps dans l'espoir
d'obtenir un rabais sur le prix de la course, Michel s'adressa à son huma
nité et lui exposa la douloureuse position de deux malheureux aveugles
perdus, de nuit, au milieu de Paris.
Corniquet crut mieux faire en parlant à sa cupidité et offrit rondement
de donner un écu de 3 livres.
Malheureusement, la seconde de ces deux cordes était la seule sensible
chez le vaurien auquel il avait affaire, et presqu'aussitôt ce méchant
homme conçut l'infernale pensée de s'approprier le gain qu'on lui offrait
sans néanmoins se détourner de la route qui le ramenait à son logis.
Il feignit de n'avoir pas de confiance dans la solvabilité de ses pratiques
qui, effectivement, ne ressemblaient à rien moins qu'à des capitalistes
et exigea au préalable le prix convenu.
Cette extorsion pratiquée, il installa nos gens dans sa voiture : puis, fai
sant tourner à plusieurs reprises ses chevaux sur eux-mêmes, comme s'ils
eussent été rétifs à prendre le chemin qui les éloignait de l'écurie . il
mit ses dupes dans l'impossibilité de reconnaître le sens dans lequel iï
les menait.
Arrivé au Rond-Point des Champs-Elysées, le cocher calcula qtte'le
trajet était assez long pour que les pauvres diables pussent se croire- ren
dus chez eux ; il s'arrêta donc en cet endroit, leur ouvrit la portière, et,
partant au triple galop, les abandonna au milieu de la chaussée, sans
s'occuper autrement de ce qu'ils deviendraient.
Les aveugles ne s'aperçurent pas d'abord du mauvais tour qu'on ve
nait de leur jouer ..En descendant du fiacre, Corniquet avait senti tomber
de la poche ae sa redingote le pavillon de sa clarinette, qui, n'y pouvant
ÉDITION DE PARIS
HIMÉRO 86.
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DIX FRANCS.
ON S'ABONNE A PARIS, RUE M<
H, ,DA.Ni US DiPAKTBKBKI, CHSX LKI
bi a toutes les messa6
- A Londres, ehex MM. Cowie et fils,
RHAL DU COMMEECB, POUTIQCB ET LITTEBAIRB.
osim,
PARIS.
un ah 40 n.
Su. kois .*••••«••••#••• 20
trou mois 10
DEPARTESIENS ET ÉTRANGER.
en as 48 n.
SIX HOU 24
trois kois..., 13
ANNONCES.
1 frtno 80 cent, la petite ligne; — 3 franc» la ligne de réolam*.
TOCTB nraSKTIOM DOIT ÈT*H A&HttB FAI U ai*AMT.
Les lettre» non affranchiet feront rigoureusement réfutées.
AVIS*
Xrf» rapide «uecèg que LE COSISmiITIOMEL »
obtenu, depuis un an, et le grand nombre d'abon
nés qu'il compte aujourd'hui, lui permettent de
faire de nouveaux sacrifiées pour propager les
opinions politiques dont il est l'organe.
UTous annoncerons très prochainement les HTOM-
BREVSES ET ÎMPOBTAÏTKS IXIVOVATIOJS que
LE COXSTIXl TIO.TOEL compte réaliser dans le
courant du trimestre qui va commencer.
PARIS, «5 MARS.
Si le ministère avait à cœur l'honneur du pouvoir et sa propre
dignité, il y a long-temps qu'il aurait qaitté les affaires. Mais les
contradictions, les refus, les humiliations, les démentis, les échecs
de toute nature ne ie touchent point. Il y est fait; il est à terre, et
il y reste; cela lui convient. La chambre toutefois s'inquiète à
bon droit de cet abaissement du pouvoir, et elle commence à s'en
irriter.
Lç nouvel acte de faiblesse et d'humilité que le cabinet a ac
compli aujourd'hui, a causé une véritable indignation sur tous les
bancs de la chambré ; jamais le ministère n'avait encore fait un
aussi grand pas vers sa chute.
Un traité ae commerce est conclu depuis deux ans passés avec
la Belgique. Le gouvernement français l'a présenté deux fois à
l'acceptation des chambres, mais à des époques tellement avan
cées des sessions, quel'examen et le vote ont été impossibles, fiette
fois enfin la chambre étai t en mesure de se prononcer. La commissioii,
jugeant le traité mauvais, onéreux pour l'industrie française, sans
compensation véritable, a exprimé le vœu que le gouvernement
n'en prolongeât pas ta durée. C'était demander à M. le ministre
des affaires étrangères de prendre un engagement à ce sujet. Ce
pendant l'opposition, ayant peu de confiance dans les paroles mi
nistérielles, proposait aujourd'hui, par l'organe de M Lestiboadois
un amendement qui limite la durée des tarifs exceptionnels exis
tant eu vertu du traité, et qui a ainsi pour effet de contraindre le
ministère à dénoncer le traité aussitôt qu'il lui est permis de le
faire. ,
, La commission d'ailleurs, avait résolu ce matin de se réunir à
, l'amendement de M. Lestiboudois, si les paroles de M. Guizot ne
lui paraissaient pas assez explicites,- assez formelles.
C'était déjà quelque chose de grave que d'obliger un ministre
des affaires étrangères à déclarer d'avance à la tribune qu'un trai
té existant sera dénoncé. Mais avoir recours à des moyens coer-
citifs, rendre par un vote la durée du traité matériellement im
possible , c'était un acte inusité, extrà-parlementaire, une sorte
d'empiétement sur le pouvoir exécutif, une marque éclatante de
défiance envers les ministres, un refus évident de croire à la sin
cérité de leurs engagemens, ou au pouvoir qu'ils auront de les
remplir.
Qu'a fait cependant M. Guizot? M. Saglio, rapporteur de la
commission, venait de dire que le traité belge était mauvais sous
le rapport politique et sous le rapport commercial, et il deman
dait les explicitions du ministre.
M. Guizot, effrayé des résolutions de la commission, et crai
gnant de n'en jamais faire assez, a répondu qu'il acceptait l'amen
dement de M. Lestiboudois, comme tout-à-fait favorable à de nou
velles négociations et comme devant donner vis-à-vis de la Belgi
que une grande force au pouvoir ! Nous ne parlons pas du discours
qui a précédé cette déclaration : c'est le plus pauvre, le plus nul,
le moins conforme aux conclusions, le plus embarrassé, le plus mal
fait que M. Guizot, si étranger d'ailleurs aux affaires positives, ait
jamais prononcé de sa vie.
La chambre avait, il y a trois ans, obligé le ministère à refuser la
ratification d'un traité. Aujourd'hui, elle fait plus; elle blâme un
traité déjà ratifié et exécuté ; ell# !§.déclare, par l'organe de sa
commission, mauvais au point de vuecommercial comme au point
de vue politique ; elle le dénonce elle-même, par un vote,'en dehors
de toutes les formes diplomatiques, avant les termes prescrits ; elle
ne se contente pas de la parole des ministres ! Et M. (ïuizot s'ap
plaudit de la force qu'on donne au pouvoir, et du concours qu'on
lui prête! En vérité, cela est fabuleux ! Nous ne croyons pas qu'un
cabinet puisse tomber plus bas.
M. Billault a constaté avec précision cette situation du minis
tère. Quant aux conservateurs , qui ont quelque respect pour le
gouvernement représentatif, pour leur parti, pour le pouvoir, les
uns ont refusé de se lever derrière les ministres pour voter l'a
mendement ; les autres s'exprimaient sur le compte du cabinet
avec plus de vivacité et moins d'estime encore que l'opposition ;
plusieurs vou'aient parler après le ministre et contre le minis
tre; chacun est sorti de la chambre rougissant d'un tel spectacle
et se demandant si le pouvoir pourrait se relever d'un tel avilis
sement. Ces sentimens étaient à peu près unanimes , comme le
vote l'avait été.
La proposition de M. le comte Daru a éprouvé aujourd hui de
sérieuses résistances à la chambre des pairs. Elle a été combattue
avec beaucoup dé logique et de sens par M. le général Cubières
et M. le comte d Argout. Le premier de ces orateurs attribue les
désordres de la Bourse au systènil-vicieux suivi par le gouverne
ment en matière de chemins de fer, c'est-à-dire au système des
tronçons préféré en vue de certaines combinaisons parlementaires.
M. lé comte d'Argout, de son »ôté, cherche surtout à établir que
la mesure proposée porterait la plus grave atteinte à l'esprit d'as
sociation, au droit dé propriété et k-la liberté des transactions, et
qu'elle ferait une révolution dans notre droit commercial en ce
qu'elle incriminerait des actes qui peuvent être parfaitement lé
gitimes D'ailleurs, ajoute cet orateur, la proposition est incom
plète en ce qu'elle n'attaque qu'une faible partie de l'agiotage et
qu'«lle élude les faits les plus dangereux.
Nous avions jugé dès le premier jour la proposition de M. le
comte Daru à peu près dans les mêmes termes, sans nier en aucu
ne façon l'existence du mal. Plus on examinera cette proposition,
et plus on verra qu'elle a été inspirée, aiDsi qu'on l'a dit aujour
d'hui à la chambre des pairs, plutôt par la voix publique qui s'in
digne avec raison, mais qui s'égare, que par l'étude attentive des
faits.
Le chargé d'affaires d'Autriche auprès de la confédération
suisse, M. de Philippsberg,-a remis le 19 mars au président du di
rectoire fédéral, ainsi que nous l'avons dit hier, une dépêche de
son gouvernement, relative aux événemens dont la Suisse est en ce
moment le théâtre.
Ainsi, trois puissances sont intervenues jusqu'ici diplomatique
ment dans la question, tout intérieure, qui agite la Suisse. Le mi
nistère tory d'Angleterre a réclamé le maintien du pacte fédéral,
tout en protestant au moins de son respect pour l'indépendance
de la Suisse. Aujourd'hui l'Autriche fait à son tour entendre à la
confédération helvétique des conseils équivalant à des ordres. Non
contente de s'élever avec l'Angleterre contre les changemens que
la Suisse pourrait être tentée d'introduire dans sa constitution in
térieure, elle exige la répression des corps-francs, déjà réprouvés
par la diète, comme chacun sait. Mais si impérative que soit au
fond sa dépêche, elle est loin d'avoir la raideur et la morgue qu'on
a remarquées dans celle de M. Guizot, car celui-ci, pour se faire
tolérer dans le concert européen, outre des principes qui contras
tent avec l'origine et le caractère politique du gouvernement de
juillet. La dépêche à la confédération suisse place M. Guiiot à la
queue du gouvernement absolu de l'Autriche, l'entente cordiale
s'élève au rang d'une autre sainte-alliance. Mais le ministère à
beau faire, les apostasies politiques ne rapportent pas plus dfe
Îirofit que d'honneur. Pour obtenir une position équivoque parmi
es puissances absolutistes, M. Guizot blesse dans sa dignité et
dans son indépendance, dans ses sentimens libéraux, un peuplé
ami, dont la neutralité couvre notre frontière. C'est ainsi qu'il
continue à étendre notre influence en Europe.
Nous recevons notre correspondance de Zurich du 22. Il ne s'était
encore produit aucun fait nouveau; mais on croit que le gouvernement
de Lucerne pourrait bien être renversé par un mouvement intérieur, ;
Nous avons des nouvelles de Grèce jusqu'au 40 mars. Ces nou
velles ont beaucoup d'importance. Encouragée par l'adoption d'un
amendement sur la loi du jury, la minorité anglo-napiste se
croyait déjà victorieuse, quand commença la délibération sur les
élections d'Hydra qui avaient été ajournées. Les trois'députés
d'Hydra, amis intimes de la légation anglaise, étaient-ils réguliè
rement, légalement élus? voilà la question telle qu'elle se présen
tait à la chambre. Dans le doute, beaucoup de personnes sages et
modérées pensaient qu'il convenait d'approuver cette élection, et
de prouver ainsi que toute pensée de réaction serait désormais
étrangère à l'assemblée. Le ministère Coletti-Metaxas inclinait
lui-même vers cet avis, qui était très vivement, très énergiquement
soutenu par le ministre ae France. Mais la légation anglaise, dans
cette circonstance comme toujours, a trouvé le moyen de rendre
impossible la transaction qui se préparait. Selon elle et selon ses
organes habituels, la chambre, en admettant les trois députés
d'Hydra, allait prononcer un blâme sévère contre le cabinet, et
peut-être le renverser. Grâce à cette habile manœuvre de la léga
tion anglaise, la question est devenue ministérielle, et les députés
d'Hydrar ont été renvoyés devant leurs électeurs à la majorité de
56 voix «ontre 30.
On juge qu'une telle décision n'a pas diminué la colère de la lé
gation anglaise et de ses adhérens. Maintenant c'est plus que de
la violence, c'est presque de la conspiration. Malgré tout cela, le
pays devient de plus en plus calme, le commerce reprend, la pros
périté matérielle augmente, c'est au point qu'une caisse d'épargne,
fondée dans les derniers jours de février, a pris en quinze jours un
développement considérable. En même temps le cabinet propose
des mesures financières qui doivent à la fois améliorer le revenu
public et affranchir les contribuables d'une foule de vexations.
Tout cela n'empêchera pas les journaux anglais de toute nuance
de porter aux nues M. Maurocoraato , d'approuver pleinement M.
Lyons, de maudire M. Coletti et d'injurier M. Piscatory. Nous le
comprenons; mais nous voudrions que les journaux français, ceux
surtout qui passent pour les organes du ministère , ne fissent pas
cause commune avec eux. Nous croyons savoir qu'à Athènes on
s'est un peu étonné du silence que la presse française a gardé sur
des événemens et des querelles où 1 influence de la France était
feîtïixss'ojr bu ooarszrnrtiasrarxl bit 26 tuas 1845.
(*)
L'ALLEE DES VEUVES
PROLOGUE.
. i.
Sur la fin d'une froide soirée du mois de janvier 4804, un violonet
une clarinette, attachés à l'orchestre du célèbre Café des Aveugles, s'é
taient mis en devoir, une fois leur tâche faite, de regagner le domicile
qu'ils tenaient de la charité publique, à l'hôpital national des Quinze-
Vingts.
Le violon répondait au nom de Michel et la clarinette s'appelait Corni-
quet.
Bras-dessus et bras-dessous, et l'un portant l'autre, bâton en main,
. marchant du ventre, la jambe un peu flageolante et la tête au vent, ils
s'en allaient sans guide, à l'autre bout de Paris, confians dans la Provi
dence qui depuis bien des années avait préservé de toute embûche leur
course nocturne, et confians aussi dans l'instinct de l'aveugle, qui, une
fois sur la route dont il a l'habitude, court moins que beaucoup de
clairvoyans peut-être, le risque de s'égarer.
Au sortir du Palais-Royal, ou palais du Tribunat, comme on disait alors,
les deux virtuoses suivaientla rue Saint-Honoré dans toute sa longueur,
et de là, par un chemin qui se continuait presqu'en ligne droite, ils ar
rivaient à la place de la Bastille, d'où, en quatre pas , ils se trouvaient
rendus à leur domicile, 38, rue de Charenton.
Gourmets de tabac, nos gens ne manquaient jamais, au sortir de leur
antre musical, de faire une station au célèbre magasin de la Civette,
en possession, dès cette époque, de la renommée qu'il garde encore
aujourd'hui.
Leurs tabatières amplement garnies, après avoir adressé quelques
gaudrioles à la demoiselle de comptoir, tout en lui recommandant de
faire bonne mesure, nos voyageurs venaient de se remettre en route,
quand, à peine arrivés sur la place du Palais-Royal, il s'aperçurent qu'il
y régnait, ce soir là, un mouvementet une agitation tout à fait inaccou
tumés. •
Ils entendaient au loin une vague rumeur ; des gens passaient auprès
d'eus en grande hâte, se dirigeant tous dans le même sens ; presque au
même moment, leur oreille fut frappée par un bruit de ferraille sem-
(1) Toute reproduction, même partielle de ce feuilleton , est interdite.
blable à ce retentissement sonore que produit un train d'artillerie en
roulant sur le pavé ; puis, bientôt après, ils se trouvèrent arrêtés dans
leur marche, par le défilé d'une force armée assez considérable.
— Allons ! — dit Michel — voilà encore les faubourgs qui descendent !
— Ils ont peut-être tort — répartit Corniquet, qui était un chaud
démocrate — le peuple a tant d'agrément !
Mais bientôt par une conversation qui se tenait à quelques pas d'eux,
nos deux alarmistes connurent que ce qu'ils avaient pris pour des piè
ces de canon était simplement des pompes à incendie. Le feu venait
d'éclater chez un liquoriste de la rue Saint-Honoré , au coin de la rue
Pierre-Lescot.
La maison qui brûlait se trouvait précisément sur leur route, et vu
la grande émotion qui se manifestait dans le quartier, le désastre pa
raissait devoir être considérable. Il était donc probable que la rue Saint-
Honoré serait barrée; sans compter, qu'à trop s'approcher du foyer de
l'incendie, on était exposé à être mis en réquisition pow. faire la chaîne.
Dans ces circonstances, la prudence ordonnait ae prendre un autre
chemin. Or, changer un itinéraire à eux connu, n'est pas une petite
affaire pour des aveugles. Les nôtres tinrent donc conseil, et il semble
que Corniquet ouvrait un avis assez raisonnable en proposant de prendre
une voiture de place, qui les reconduirait chez eux.
Mais Michel était avare et ne faisait jamais une dépense qu'à la der
nière extrémité. Il faut d'ailleurs remarquer un trait saillant de son
caractère: possédé d'un singulier amour-propre d'aveugle, il avait la
prétention de très bien connaître Paris et de n'être jamais embarrassé
de trouver son chemin.
En conséquence, il proposa de gagner la rue Saint-Thomas-du-Lou-
vre, qui, partant de la place du Palais-Royal, les menait droit à la ri
vière (1).
—Une fois,— ajouta-t-il,— que nous tiendrons la Seine, je réponds de
nous ! le parapet des quais, c'est comme un fil ; nous n'avons qu'à le
suivre et à compter les ponts. Après le quatrième, qui est le Pont-Marie,
toutes les rues à notre gauche descendent à la rue Antoine. Là, nous
sommes, autant dire, chez nous.
vue.
A son extrémité, la rue Saint-Thomas du Louvre rejoint la rue de
Chartres avec laquelle elle forme un angle aigu, et par une erreur bien
(1) En 1804, la rue Saint-Thomas se prolongeait jusqu'au quai dû Lou
vre, sur lequel elle débouchait par un guichet percé sous la galerie du
Musée. Ce guichet existe encore; mais il est aujourd'hui fermé; on y pas
sait l'eau ayant la construction du Pont-des-Arts.
facile à expliquer, ce fut justement danslarue qu'il ne fallait pas prendra
que Michel s engagea.
Cette erreur eut les conséquences que l'on peut croire; une heure du
rant, ces pauvres diables battirent la campagne et l'on peut juger de
leur désappointement, quand un passant attardé auprès duquel ils
se renseignèrent leur apprit qu'au lieu de gagner la rivière , ils
étaient allés retomber rue Saint-Honoré auprès de l'église Saint-Roch.
Le découragement gagna l'intrépide Michel lui-même, et ilnefit plus de
résistance à monter dans une voilure de placé. La question n'était donc
plus que de se procurer cette ressource, ce qui devenait difficile, quand
déjà minuit était sonné depuis long-temps.
Par bonheur, quelques minutes plus tard, un fiacre vint à passer,
descendant à toute bride la rue Saint-Honoré pour de là gagner la bar
rière de l'Etoile, au-delà de laquelle il remisait.
Mis en réquisition par nos pauvres égarés, le cocher s'arrêta et vou
lut savoir d'abord le lieu où il était question de les conduire.
Mais quand il entendit parler de la rue de Charenton et de la place de
la Bastille, il n'eut aucune envie d'entreprendre une pareille course à
une heure si avancée, et se disposa à continuer son chemin.
Pour le décider à se charger d'eux, et en même temps dans l'espoir
d'obtenir un rabais sur le prix de la course, Michel s'adressa à son huma
nité et lui exposa la douloureuse position de deux malheureux aveugles
perdus, de nuit, au milieu de Paris.
Corniquet crut mieux faire en parlant à sa cupidité et offrit rondement
de donner un écu de 3 livres.
Malheureusement, la seconde de ces deux cordes était la seule sensible
chez le vaurien auquel il avait affaire, et presqu'aussitôt ce méchant
homme conçut l'infernale pensée de s'approprier le gain qu'on lui offrait
sans néanmoins se détourner de la route qui le ramenait à son logis.
Il feignit de n'avoir pas de confiance dans la solvabilité de ses pratiques
qui, effectivement, ne ressemblaient à rien moins qu'à des capitalistes
et exigea au préalable le prix convenu.
Cette extorsion pratiquée, il installa nos gens dans sa voiture : puis, fai
sant tourner à plusieurs reprises ses chevaux sur eux-mêmes, comme s'ils
eussent été rétifs à prendre le chemin qui les éloignait de l'écurie . il
mit ses dupes dans l'impossibilité de reconnaître le sens dans lequel iï
les menait.
Arrivé au Rond-Point des Champs-Elysées, le cocher calcula qtte'le
trajet était assez long pour que les pauvres diables pussent se croire- ren
dus chez eux ; il s'arrêta donc en cet endroit, leur ouvrit la portière, et,
partant au triple galop, les abandonna au milieu de la chaussée, sans
s'occuper autrement de ce qu'ils deviendraient.
Les aveugles ne s'aperçurent pas d'abord du mauvais tour qu'on ve
nait de leur jouer ..En descendant du fiacre, Corniquet avait senti tomber
de la poche ae sa redingote le pavillon de sa clarinette, qui, n'y pouvant
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