Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1845-01-31
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 janvier 1845 31 janvier 1845
Description : 1845/01/31 (Numéro 31). 1845/01/31 (Numéro 31).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k666985r
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
VENDREDI 51 JANVIER 1843.
ÉDITION DE PARIS.
NUMÉRO 31.
PARIS»
VA» SmaiCSTKX,
DIX FRANCS.
URNAfc DU COMMERCE, POLITIQUE ET LITTERAIRE.
ON S'ABONNE A PARIS, RUE MONTUARTBE, N* 121, Il PARIS.
M, BAH» US d S pAMEIKICS, CHEZ LKS DIEKCTïCBS DBS POSTES, il nw AH........
ST A TODTK» t«S KSSSAflKWKS. Il SIX MOIS
ÂZondres, ehti MU. Coûte et fit, rue SainU-Annït Lime. Il trou «ois
40 m.
20
10
DÉPARTEMENS ET ÉTRANGER,
tw AN... .....48 FB.
SIX MOIS 21
MOIS MOIS 12
' ANNONCES.
i frano 80 cent. la petite ligne; — 3 francs la ligne de réclame.
TOUT* IHSEKXION DOIT ftlBB AflKÉil PAR LK fiÊBAHT.
Les lettres non affranchies seront rigoureusement refusées.
PARIS, SOJfMTIEB.
_ %tt Journal des Débats, ses rédacteurs et ceux qui les inspirent
iotà fous, mais fous à mettre aux Petites-Maisons. Enfermés dans
leur étroite et insuffisante majorité. ils s'agitent en fureur, ils
poussent des cris sauvages, ils-invoquent les dieux et les hommes,
ils finissent par des injures contre 11. Thiers , lê refrain obligé de
toutes leurs déclamations insensées. 11 semble, à les entendre/ que
l'émeute se lève, que la guerre soit aux portes, que tout est perdu
en France, parce que 213 députés seulement ont consenti à voter,
la plupart à contre-cœur, un paragraphe où ils expriment leuriisfactitm du ^lésaveu infligéà M. é'Aabigny et de l'indemnité ac-
cordée à M. Pritchard. La presse opposante à nommé les dépotés
qui avaient eu ce tort ou cette faiblesse. Autre texte de déclama
tions furibondes pour le journal en délire.
- M. Thiers, impitoyable dictateur, mène à la boucherie électorale
«le troupeau tremhlaut des 213 ; il résame en sa personne toute la
cruauté, tous les crimes de 1793. Le voilà, ce Marius, ce Sylla, ce
César froidement implacable, qui dresse sa liste de proscription I
Siste., tandem carnxfex ! Arrête-toi enfin bourreau! lui crie le
Jourwâ des Jiébats ; mais M. Thiers est sans pitié. Déjà à sa voix
les deux ceiit mille élecleursse lèvent pour massacrer tous ces con
servateurs imprudens. Comme les martyrs de 4 793, ceux-ci se pré-
- parent noblement à la guillotine des élections générales. Mais l'exé-
-, «ration de la postérité pèsera sur M. Thiers, qui ne les aura pas
épargnés.
, Voilà à peu près de quel ton parlent ou plutôt crient depuis
. quelques jours les ministres et les journaux ministériels.
Cela est bouffon d'abord. Appeler liste de proscription la publi
cation du vote d'un certain nombre de députés dans une circons
tance solennelle, c'est dire un non-sens: Nous n'avons fait qu'u
ser du droit le plus légitime, celui de juger les actes des représen
tons du pays, et d'instruire les électeurs de ce qu'il leur est utile
dé connaître. Il serait trop curieux qu'on voulût supprimer à la
fois le contrôle de la presse et celui des électeurs sur les votes'
parlementaires. On assure que les ministres vont porter la démence
jusqu'à dissoudre la chambre ; notre devoir de surveiller les premiè
res délibérations de cette session si importante n'en était que plus im
périeux . On fait tort aux ■députés lorsqu'on leur prête une
si grande colère au sujet de la publication de leurs votes. Mais,
nous dit le Journal des Débats , Vous ne distinguez donc pas par
mi les 213; vous voulez donc faire sans réserve une Saint-
Barthélémy des 213 conservateurs 1 Nous déclarons très-sincère
ment que nous condamnons leur vote de toutes nos forces ;
nous rougissons pour nôtre pays, et notre indignation se soulève
"uànd nous lisons la phrase satisfaite de l'adresse au sujet de M.
'ritchard. Mais il faudrait que nous fussions fous , à l'égal du
Journal des Débats, pour ne faire, dans notre jugement, aucune
distinction des personnes. 11 y a parmi les 213 des hommes qui
ont voté par un faux point d'honneur parlementaire; d'autres qui
sont honnêtes, convaincus, mais aveuglés; d'autres qui se sont laissé
entraîner par la peur d'une destitution, ou l'importunité des prières.
Nous ne confondons pas ces conservateurs, avec les spécula
teurs subalternes qui défendent en ce moment avec rage, non le
Souyoir dont ils n'ont aucun souci, mais le fruit qu'ils en tirent,
fous 7 ne les confondons pas avec ces familiers des ministè
res, flatteurs intéressés, hommes d'état au petit pied, donneurs de
conseils extravagahs, tout prêts à sacrifier honneur, bon sens,
patrie, pour leurs calculs égoïstes. C'est surtout de ces dévo-
rans du budget, de ces exploitais du pouvoir, de ces monopoleurs
qui regardent toute majorité comme une assurance mutuelle pour
garantir à chacun le partage exclusif dé tous les profits du gou-
yernement; c'est surtout ae ces corrupteurs de l'esprit public, que
nôus demandons aux électeurs de délivrer la chambre.
; Mais lés clameurs du Journal des Débats ne sont pas insensées
seulement, elles sont encore saus pudeur, nous lui empruntons le
mot. Comment! c'est au nom de M. Guizotet de M. Duchâlei qu'il
$
Pi
parle! et il ne se souvient pas de 1839 ! Ne voit-il pas qu'il dit au,
nom de M. Guizot contre M. Molé, ce quil disait à cette époque
au nom de M-Molé contre M- Guizot .' Alors, comme aujourd'hui,
11 y avait un partage des votes ; il y avait des listes ; il y avait un
violent conflit : nous allons dire comment les époques diffèrent.
En 1839, M. Guizot, voulant se venger sur M. Molé d'avoir été
jeté hors du pouvoir à l'occasion de la loi de disjonction, furieux
de l'amnistie, est sorti des rangs conservateurs et est venu se pla
cer à côté de M. Thiers. Ce n'est pas M. Thiers qui a abandonné
ses convictions ; il avait quitté le pouvoir après te ministère du
^février ,plutôtque de gouvmsrsans liberté, sans indépen
dance. Il ne voulait pas se fairel'instrument d'une politique aveu
gle qui, par un sentiment exagéré de conservation, laisse la di
gnité de la France sans défense au-dehors. Il avait gardé toutes
ces convictions en 1839 ; il lésa encore aujourd'hui. M. Guizot
au contraire, comme il l'aprouvé depuis, a trahi toutes les sien
nes; Il croyait au fond que M. le comte Molé n'avait pas assez de
complaisance, qu'il n'était pas assez humble devant l'Europe,
puisqu'il comptait tenir un jour lui-même la conduite que nous
voyons aujourd'hui. Et cependant il disait le contraire avec inju
re, avec violence. Venir se ranger à Côté de M. Thiers , c'était donc
de la part de M. Guizot une apostasie. Le Journal des Débats ne
craint pas de rappeler ces souvenirs !
Que se passe-t-il cependant aujourd'hui ? Depuis plusieurs mois,
l'opposition donne les preuves d'une modération plus grande que
jamais. La calomnie de la guerre est tombée elle-même devant
les actes et devant les paroles de M. Thiers, de M. Barrot, de
M. Billault. L'opposition, voyant le pays abaissé,le pouvoir com
promis par l'étourderie et la faiblesse, tous les ressorts du gou
vernement tendus à l'excès parla politique à outrance, se montre
disposée à rendre le pouvoir facile à un ministère modéré qui
calmât les passions par la conciliation, et qui dirigeât nos affai
res avec plus de circonspection et de tenue. M. Thiers pourrait se
créer des chances pour reprendre les affaires ; il ne le veut pas, il
ne veut pas le pouvoir, s'il ne lui est pas donné d'y pratiquer
librement sa politique. Mais il promettait, il promet encore son
appui à un ministère tel que celui que nous venons de définir. ,
Cette modération de l'opposition, cette promesse de M- Thiers
désespèrent le ministère. C'est parce que cette promesse est sin
cère et permanente que nous voyons le Journal des Débats se li
vrer à des fureurs extravagantes, et «dresser à M, Thiers toutes
ses injures de 4839.
Mais ne faut-il pas avoir perdu ia raison pour rappeler aux
conservateurs une telle date quand on veut obtenir leur estime et
leur appui pour M. G uizot!
On annonce que les fonds secrets seront présentés jeudi pro
chain par le ministère. . , . .
M. Duchâtel a, dit-on, fait connaître à un assez grand nombre
de députés que la chambre serait dissoute après la session et que
les élections générales auraient lieu en novembre prochain.
I r,a i 0-l*gT—
La chambre a terminé dans une seule séance l'examen de la loi
des comptes de 4842. Cette rapidité avec laquelle on procède au
règlement définitif des budgets a quelque chose d'affligeant.
L'examen des comptes est une des attributions les plus impor
tantes du pouvoir législatif. C'est l'appréciation définitive de la ges
tion financière du cabinet ; c'est le contrôle de l'emploi des deniers
pnblips, et enfin la vérification de toutes les parties de la loi' de
finances. En effet, un des principaux devoirs delà commission des
comptes, c'est de vérifier si l'exécution des services s'est faite sui
vant les vœux et les prescriptions des lois qui ont ouvert les cré
dits, c est de constater si les observations produites par les com
missions des budgets et consacrées par le vote des chambres, ont
été prises en considération par les ordonnateurs des dépenses ;
c'est, en un mot, de procéder à toutes les investigations qui peu-
vent faire servir, les enseignemens du passé aux prescriptions de
l'avenir.
M. Etienne a ouvert la séance par un discours où il réclame des
réformes dans la partie de notre régime financier, qui comprend
l'administration des contributions directes et celle de l'enregistre-
ment.ll voudrait que ces deux sections fussent réunies et il expose
à cette occasion une partie du système de M. d'Audiffret. M. Lapla-
gne a vivement combattu ce. plan en se fondant sur l'impossibilité'
de son exécution. % , . -, > -
_ Les prêts consedtis aux chemins de fer ont soulevé des réclama^
tiens fondées. Au 4 '* janvier 4842 une avance de 24,2ÛÔ,0ÛÛ Je,
avait été faite par l'étataux compagnies de chemins de fer,, en vertu
des lois du 47 juillet 1837,du 4"août 4839 et du la juillet 48,40.
Aucune somme ne figure au courte des recettes pour les intérêts de
ces avances, qui se sont élevées, en 1843, à 36,700,000 fr .N 'est-il
pas singulier que l'état abandonne ainsi les intérêts du trésor? La
plupart des compagnies auxquelles on a fait des avances sont fort
en état de payer les arrérages, et c'est par . une coupable tolérance
que ces rentrées ne sont pas effectuées. M. le ministre des finan
ces a cherché à expliquer . mais il lui a été impossible de jus
tifier les retards, on pourrait même dire l'inobservation complète
d'une des clauses du prêt. • ?
On a aussi rappelé les créances, que nous avons sur les gour
vernemens étrangers, et qui figurent dans la'loi des comp
tes. Eu même temps que nous payons , des indemnités à tout
le monde, nous sommes les créanciers les plus débonnaires. La
créance sur l'Espagne résultant de la guerre de 4823, est ,,de
98,325.000 fr. ; celle pour les avances concernant la légion étran-
ère, de 4,784,000 fr. ; celle sur le gouvernement belge, à raison
es armemens de 4831 et 4832, de 45,294,000 fr.; celle sur le
gouvernement russe, relativement à l'emprunt négocié en 4842
entre la France et la Saxe, et pour sûreté duquel le roi de Saxe,
alors grand-duc de Varsovie, affecta le produit des mines de Wié-
liska. pour mémoire ; celle sur la régence de Tunis pour
mémoire; enfin la créance sur la Grèce était en 4 842 de 3,462,000 fr.
Voilà, de compte fait, 148,830,000 fr. qu'on nous doit, sans comp
ter les créances de la Russie et de Tunis.
Aux interpellations qui ont été adressées au ministère à ce su
jet, M. Guizot a répondu qu'on était occupé à constater nos droits,,
et, sur l'observation que, pour l'Espagne du moins, ce soin était
superflu, attendu • que la dette était reconnue,, M. le ministre des
affaires étrangères a ajouté qu'on constatait de nouveau'ces droits
pour ne point les oublier. , . , ,
On n'a du reste pre&qu'une médiocre attention à ladiscussion
générale. Tous les articles ont été successivement adoptés ; mais
comme la chambre n'était plus en nombre, le vote, sur l'ensemble
de la loi a été renvoyé à demain.
Le projet de loi sur la police des chemins de fer a été examiné
dans la dernière session par la chambre des pairs ; il est resté à
l'état de rapport à la chambre des députés. . . : « (
La matière est sans précédens en France ; aussi le projet mi
nistériel est-il fort incomplet, quoiqu'il ait été calqué.en partie
sur les législations anglaise et belge. Le rapport fait a la chambre
des pairs sur ce projet n'est qu'une longue critique, et change de
fond en comble 1 esprit de l'œuvre de M. Martin (du Nord), >
La loi est divisée en trois titres : le premier renferme des mesu
res relatives à la conservation des chemins de fer; le deuxième pré
voit les contraventions que les concessionnaires peuvent commet
tre dans l'exécution des travaux qui leur sont confiés ; enfin , le
troisième contient les dispositions pénales contre les imprudences,*
les tentatives ou les crimes qui peuvent compromettre la sûreté de
circulation sur ces chemins.
- A la chambré des pairs, on a surtout fait ressortir, dans le litre
I er , les inconvéniens qu'il y avait à attribuer la répression des dé
remuisos bu oommimoram bu 31 janv. ims.
LE JUIF ERRANT
SIXIÈME VOLUME.
LE PROTECTEUR.
ÇHAVXTBX XIX.
RÉVÉLATIONS.
, Mademoiselle de Cardoville très étonnée de la frayeur de Rodin lors-
gu'eile lui avait demandé quelque explication sur le pouvoir si formida-
lo, si étendu, dont dispo ait l'abbé a'Aigrigny, lui dit :
Mais Monsieur, qu'y a-t-il donc de si étrangè dans la question que
je viens de vous faire?
Rodin, après un moment de silence , jetant les yeux autour de lui,
avec une inquiétude parfaitement simulée, répondit à voix basse :
, 1 Encore une fois, Mademoiselle, ne m'interrogez pas sur un sujet
si redoutable ; les murailles de cette maison ont des oreilles, ainsi qu'on
dit vulgairement.
Adrienne et Dagobert se regardèrent avec une surprise croissante.
; La Mayeux, par un instinct d'une persistance incroyable, conti
nuait à éprouver un sentiment dé défiance invincible contre Rodin.
Quelquefois elle le regardait long-temps à là dérobée, lâchant de
pénétrer sous le masque de cet homme qui l'épouvantait. Un moment
le jésuite rencontra le regard inquiet de la Mayeux obstinément a' taché
sur lui ; .il lui Gt aussitôt un petit signe de tête plein d'aménité ; la jeune
fïllè, effrayée de se voir surprise, détourna les yeux en tressaillant.
' (i)Toate reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite
et serait poursuivie comme contrefaçon.
" Voir nolre numéro Ja 22 novembre pour l'indication de tous les chapi
tres publiés jusqu'à cette date, notre nsniéro du 25 janvier pour les chapi
tres du S* volume, et no6 numéros des 29 et ,30, pour les deux premiers
•bapitres du fi* volume.
— Non, non, ma chère Demoiselle, — reprit Rodin avec un soupir en
voyant que Mademoiselle de Cardoville s'étonnait de son silence, — ne
m'interrogez pas sur la puissance de l'abbé d'Aigrigny.
-r- Mais, encore une fois, Monsieur, —reprit Adrienne, pourquoi cette
hésitation à me répondre? Que craignez-vous?
— Ah! ma chère Demoiselle, —dit Rodin en frissonnant, —ces gens-
là sont si puissans!... leur animosité est si terrible 1
— Rassurez-vous, Monsieur, je vous dois trop pour que mon appui
vous manque jamais.
— Eh! ma chère Demoiselle,—s'écria Rodin presque blessé,—jugez-
moi mieux, je vous en prie. Est-ce donc pojir moi que je crains?... Non,
non, je suis trop obscur, trop inoffenéif; mais c'est vous, mais c'est M.
le maréchal Simon, mais ce sont les autres personnes de votre famille qui
ont tout à redouter... Ah! tenez, ma chère Demoiselle, encore une fois,
ne m'interrogez pas -; il est des secrets funestes à ceux qui les possè
dent...,
— Mais enfin, Monsieur, ne vaut-il pas mieux connaître les périls
dont on est menacé ?
— Quand on sait la manœuvre de son ennemi, on peut se défendre
au moins, —dit Dagobert. —Vaut mieux une attaque en plein jour
qu'une embuscade.
— Puis, je vous l'assure, — reprit Adrienne, — le peu de mots
que vous m'avez dits m'inspirent une vague inquiétude...
— Allons, puisqu'il le faut... ma chère Demoiselle, — reprit le jésuite
en paraissant faire un grand effort sur lui-môme, —puisque.vous ne
comprenez pas à demi-mot... je serai plus explicite;... mais rappelez-
vous, — ajouta-t-il d'un ton grave,.. — rappelez-vous que votre insis
tance me force à vous apprendre ce qu'il vaudrait peut T ôtre mieux igno
rer. , •
—Parlez de grâce, Monsieur, parlez, -—dit Adrienne.
Rodin, rassemblant autour de lui Adrienne, Dagobert et la Mayeux,
leur dit à voix basse d'up air mystérieux :
— N'avez-vous donc jamais entendu parler d'une association puissante
qui étend son réseau sur toute la terre, qui compte des affiliés, des
séides, des fanatiques dans toutes les classes de la société.,, qui a eu et
qui a encore'souvent l'oreille des rois et des grands,., association toute
puissante, qui d'un mot élève ses créatures aux positions les plus hau
tes, et d'un mot aussi les rejette dans le néant dont elle seule a pu
les tirer?
—Mon Dieu ! Monsieur,— dit Adrienne — quelle est donc cette as
sociation formidable! Jamais je n'en ai jusqu'ici entendu parler.
— Je vous crois, et pourtant votre ignorance à ce sujet m'étonne au
dernier point, ma chère Demoiselle.
— Et pourquoi cet étonnemént ?
— Parce que vous avez vécu long-temps avec Madame votre tante,
et vu souvent l'abbé d'Aigrigny. •
— J'ai vécu chez Mme de Sainl-Dizier, mais non pas avec elle, car
pour mille raisons elle m'inspirait une aversion légitime.
— Mais ait fait, ma chère demoiselle, ma remarque n'était pas juste;
c'est là plus qu'ailleurs où, devant vous surtout, on devait garder le si
lence sur cette association, et c'est pourtant grâce à elle que Mma
de Saint-Dizier a joui d'une si redoutable influence dans le monde sous
le dernier règne... Eh bien! sachez-le donc! C'est le concours de cette
association qui rend l'abbé d'Aigrigny un homme si dangereux ; par
elle il a pu surveiller , poursuivre , atteindre -différons membres de votre
famille, ceux-ci en Sibérie^ ceux-là au fond de l'Inde, d'autres enfin, au
milieu des montagnes de l'Amérique, car, je vous l'ai dit, c'est par hasard
avant-hier, en compulsant "les papiers de l'abbé d'Aigrigny, que j'ai été
mis sur la trace, puis convaincu de son affiliation à cette compagnie, dont
il est le chef le plus actif et le plus capable.
— Mais, Monsieur, le nom... le. nom de cetté compagnie,—dit
Adrienne.
— Eh bien !... c'est... — et Rodin s'arrêta.
— C'est,... —reprit Adrienne, aussi intéressée que Dagobert et que la
Mayeux,— : c'est...
Rodin regarda autour de lui, ramena par un signe les. autres acteurs
de cette scène encore plus près de lui, et dit à voix basse, en accentuant
lentement ses paroles ;
— C'est... la compagnie de Jésus.
Et il tressaillit.
— Les jésuites, — s'écria Mlle de Cardoville ne pouvant retenir un
éclat de rire d'autant plus franc que, d'après les mystérieuses précau
tions oratoires de Rodin, elle s'attendait à une révélation selon elle beau
coup plus terrible, — les jésuites ! — reprit-elle en riant toujours ; —
mais ils n'existent que dans les livres ; ce sont des personnages histori-
• • - «• ' ' ' ' " ' si Mme de
■ils pasas-
Après avoir écouté silencieusement Mlle de Cardoville, Rodin reprit
d'un air grave et pénétré: .
ÉDITION DE PARIS.
NUMÉRO 31.
PARIS»
VA» SmaiCSTKX,
DIX FRANCS.
URNAfc DU COMMERCE, POLITIQUE ET LITTERAIRE.
ON S'ABONNE A PARIS, RUE MONTUARTBE, N* 121, Il PARIS.
M, BAH» US d S pAMEIKICS, CHEZ LKS DIEKCTïCBS DBS POSTES, il nw AH........
ST A TODTK» t«S KSSSAflKWKS. Il SIX MOIS
ÂZondres, ehti MU. Coûte et fit, rue SainU-Annït Lime. Il trou «ois
40 m.
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10
DÉPARTEMENS ET ÉTRANGER,
tw AN... .....48 FB.
SIX MOIS 21
MOIS MOIS 12
' ANNONCES.
i frano 80 cent. la petite ligne; — 3 francs la ligne de réclame.
TOUT* IHSEKXION DOIT ftlBB AflKÉil PAR LK fiÊBAHT.
Les lettres non affranchies seront rigoureusement refusées.
PARIS, SOJfMTIEB.
_ %tt Journal des Débats, ses rédacteurs et ceux qui les inspirent
iotà fous, mais fous à mettre aux Petites-Maisons. Enfermés dans
leur étroite et insuffisante majorité. ils s'agitent en fureur, ils
poussent des cris sauvages, ils-invoquent les dieux et les hommes,
ils finissent par des injures contre 11. Thiers , lê refrain obligé de
toutes leurs déclamations insensées. 11 semble, à les entendre/ que
l'émeute se lève, que la guerre soit aux portes, que tout est perdu
en France, parce que 213 députés seulement ont consenti à voter,
la plupart à contre-cœur, un paragraphe où ils expriment leur
cordée à M. Pritchard. La presse opposante à nommé les dépotés
qui avaient eu ce tort ou cette faiblesse. Autre texte de déclama
tions furibondes pour le journal en délire.
- M. Thiers, impitoyable dictateur, mène à la boucherie électorale
«le troupeau tremhlaut des 213 ; il résame en sa personne toute la
cruauté, tous les crimes de 1793. Le voilà, ce Marius, ce Sylla, ce
César froidement implacable, qui dresse sa liste de proscription I
Siste., tandem carnxfex ! Arrête-toi enfin bourreau! lui crie le
Jourwâ des Jiébats ; mais M. Thiers est sans pitié. Déjà à sa voix
les deux ceiit mille élecleursse lèvent pour massacrer tous ces con
servateurs imprudens. Comme les martyrs de 4 793, ceux-ci se pré-
- parent noblement à la guillotine des élections générales. Mais l'exé-
-, «ration de la postérité pèsera sur M. Thiers, qui ne les aura pas
épargnés.
, Voilà à peu près de quel ton parlent ou plutôt crient depuis
. quelques jours les ministres et les journaux ministériels.
Cela est bouffon d'abord. Appeler liste de proscription la publi
cation du vote d'un certain nombre de députés dans une circons
tance solennelle, c'est dire un non-sens: Nous n'avons fait qu'u
ser du droit le plus légitime, celui de juger les actes des représen
tons du pays, et d'instruire les électeurs de ce qu'il leur est utile
dé connaître. Il serait trop curieux qu'on voulût supprimer à la
fois le contrôle de la presse et celui des électeurs sur les votes'
parlementaires. On assure que les ministres vont porter la démence
jusqu'à dissoudre la chambre ; notre devoir de surveiller les premiè
res délibérations de cette session si importante n'en était que plus im
périeux . On fait tort aux ■députés lorsqu'on leur prête une
si grande colère au sujet de la publication de leurs votes. Mais,
nous dit le Journal des Débats , Vous ne distinguez donc pas par
mi les 213; vous voulez donc faire sans réserve une Saint-
Barthélémy des 213 conservateurs 1 Nous déclarons très-sincère
ment que nous condamnons leur vote de toutes nos forces ;
nous rougissons pour nôtre pays, et notre indignation se soulève
"uànd nous lisons la phrase satisfaite de l'adresse au sujet de M.
'ritchard. Mais il faudrait que nous fussions fous , à l'égal du
Journal des Débats, pour ne faire, dans notre jugement, aucune
distinction des personnes. 11 y a parmi les 213 des hommes qui
ont voté par un faux point d'honneur parlementaire; d'autres qui
sont honnêtes, convaincus, mais aveuglés; d'autres qui se sont laissé
entraîner par la peur d'une destitution, ou l'importunité des prières.
Nous ne confondons pas ces conservateurs, avec les spécula
teurs subalternes qui défendent en ce moment avec rage, non le
Souyoir dont ils n'ont aucun souci, mais le fruit qu'ils en tirent,
fous 7 ne les confondons pas avec ces familiers des ministè
res, flatteurs intéressés, hommes d'état au petit pied, donneurs de
conseils extravagahs, tout prêts à sacrifier honneur, bon sens,
patrie, pour leurs calculs égoïstes. C'est surtout de ces dévo-
rans du budget, de ces exploitais du pouvoir, de ces monopoleurs
qui regardent toute majorité comme une assurance mutuelle pour
garantir à chacun le partage exclusif dé tous les profits du gou-
yernement; c'est surtout ae ces corrupteurs de l'esprit public, que
nôus demandons aux électeurs de délivrer la chambre.
; Mais lés clameurs du Journal des Débats ne sont pas insensées
seulement, elles sont encore saus pudeur, nous lui empruntons le
mot. Comment! c'est au nom de M. Guizotet de M. Duchâlei qu'il
$
Pi
parle! et il ne se souvient pas de 1839 ! Ne voit-il pas qu'il dit au,
nom de M. Guizot contre M. Molé, ce quil disait à cette époque
au nom de M-Molé contre M- Guizot .' Alors, comme aujourd'hui,
11 y avait un partage des votes ; il y avait des listes ; il y avait un
violent conflit : nous allons dire comment les époques diffèrent.
En 1839, M. Guizot, voulant se venger sur M. Molé d'avoir été
jeté hors du pouvoir à l'occasion de la loi de disjonction, furieux
de l'amnistie, est sorti des rangs conservateurs et est venu se pla
cer à côté de M. Thiers. Ce n'est pas M. Thiers qui a abandonné
ses convictions ; il avait quitté le pouvoir après te ministère du
^février ,plutôtque de gouvmsrsans liberté, sans indépen
dance. Il ne voulait pas se fairel'instrument d'une politique aveu
gle qui, par un sentiment exagéré de conservation, laisse la di
gnité de la France sans défense au-dehors. Il avait gardé toutes
ces convictions en 1839 ; il lésa encore aujourd'hui. M. Guizot
au contraire, comme il l'aprouvé depuis, a trahi toutes les sien
nes; Il croyait au fond que M. le comte Molé n'avait pas assez de
complaisance, qu'il n'était pas assez humble devant l'Europe,
puisqu'il comptait tenir un jour lui-même la conduite que nous
voyons aujourd'hui. Et cependant il disait le contraire avec inju
re, avec violence. Venir se ranger à Côté de M. Thiers , c'était donc
de la part de M. Guizot une apostasie. Le Journal des Débats ne
craint pas de rappeler ces souvenirs !
Que se passe-t-il cependant aujourd'hui ? Depuis plusieurs mois,
l'opposition donne les preuves d'une modération plus grande que
jamais. La calomnie de la guerre est tombée elle-même devant
les actes et devant les paroles de M. Thiers, de M. Barrot, de
M. Billault. L'opposition, voyant le pays abaissé,le pouvoir com
promis par l'étourderie et la faiblesse, tous les ressorts du gou
vernement tendus à l'excès parla politique à outrance, se montre
disposée à rendre le pouvoir facile à un ministère modéré qui
calmât les passions par la conciliation, et qui dirigeât nos affai
res avec plus de circonspection et de tenue. M. Thiers pourrait se
créer des chances pour reprendre les affaires ; il ne le veut pas, il
ne veut pas le pouvoir, s'il ne lui est pas donné d'y pratiquer
librement sa politique. Mais il promettait, il promet encore son
appui à un ministère tel que celui que nous venons de définir. ,
Cette modération de l'opposition, cette promesse de M- Thiers
désespèrent le ministère. C'est parce que cette promesse est sin
cère et permanente que nous voyons le Journal des Débats se li
vrer à des fureurs extravagantes, et «dresser à M, Thiers toutes
ses injures de 4839.
Mais ne faut-il pas avoir perdu ia raison pour rappeler aux
conservateurs une telle date quand on veut obtenir leur estime et
leur appui pour M. G uizot!
On annonce que les fonds secrets seront présentés jeudi pro
chain par le ministère. . , . .
M. Duchâtel a, dit-on, fait connaître à un assez grand nombre
de députés que la chambre serait dissoute après la session et que
les élections générales auraient lieu en novembre prochain.
I r,a i 0-l*gT—
La chambre a terminé dans une seule séance l'examen de la loi
des comptes de 4842. Cette rapidité avec laquelle on procède au
règlement définitif des budgets a quelque chose d'affligeant.
L'examen des comptes est une des attributions les plus impor
tantes du pouvoir législatif. C'est l'appréciation définitive de la ges
tion financière du cabinet ; c'est le contrôle de l'emploi des deniers
pnblips, et enfin la vérification de toutes les parties de la loi' de
finances. En effet, un des principaux devoirs delà commission des
comptes, c'est de vérifier si l'exécution des services s'est faite sui
vant les vœux et les prescriptions des lois qui ont ouvert les cré
dits, c est de constater si les observations produites par les com
missions des budgets et consacrées par le vote des chambres, ont
été prises en considération par les ordonnateurs des dépenses ;
c'est, en un mot, de procéder à toutes les investigations qui peu-
vent faire servir, les enseignemens du passé aux prescriptions de
l'avenir.
M. Etienne a ouvert la séance par un discours où il réclame des
réformes dans la partie de notre régime financier, qui comprend
l'administration des contributions directes et celle de l'enregistre-
ment.ll voudrait que ces deux sections fussent réunies et il expose
à cette occasion une partie du système de M. d'Audiffret. M. Lapla-
gne a vivement combattu ce. plan en se fondant sur l'impossibilité'
de son exécution. % , . -, > -
_ Les prêts consedtis aux chemins de fer ont soulevé des réclama^
tiens fondées. Au 4 '* janvier 4842 une avance de 24,2ÛÔ,0ÛÛ Je,
avait été faite par l'étataux compagnies de chemins de fer,, en vertu
des lois du 47 juillet 1837,du 4"août 4839 et du la juillet 48,40.
Aucune somme ne figure au courte des recettes pour les intérêts de
ces avances, qui se sont élevées, en 1843, à 36,700,000 fr .N 'est-il
pas singulier que l'état abandonne ainsi les intérêts du trésor? La
plupart des compagnies auxquelles on a fait des avances sont fort
en état de payer les arrérages, et c'est par . une coupable tolérance
que ces rentrées ne sont pas effectuées. M. le ministre des finan
ces a cherché à expliquer . mais il lui a été impossible de jus
tifier les retards, on pourrait même dire l'inobservation complète
d'une des clauses du prêt. • ?
On a aussi rappelé les créances, que nous avons sur les gour
vernemens étrangers, et qui figurent dans la'loi des comp
tes. Eu même temps que nous payons , des indemnités à tout
le monde, nous sommes les créanciers les plus débonnaires. La
créance sur l'Espagne résultant de la guerre de 4823, est ,,de
98,325.000 fr. ; celle pour les avances concernant la légion étran-
ère, de 4,784,000 fr. ; celle sur le gouvernement belge, à raison
es armemens de 4831 et 4832, de 45,294,000 fr.; celle sur le
gouvernement russe, relativement à l'emprunt négocié en 4842
entre la France et la Saxe, et pour sûreté duquel le roi de Saxe,
alors grand-duc de Varsovie, affecta le produit des mines de Wié-
liska. pour mémoire ; celle sur la régence de Tunis pour
mémoire; enfin la créance sur la Grèce était en 4 842 de 3,462,000 fr.
Voilà, de compte fait, 148,830,000 fr. qu'on nous doit, sans comp
ter les créances de la Russie et de Tunis.
Aux interpellations qui ont été adressées au ministère à ce su
jet, M. Guizot a répondu qu'on était occupé à constater nos droits,,
et, sur l'observation que, pour l'Espagne du moins, ce soin était
superflu, attendu • que la dette était reconnue,, M. le ministre des
affaires étrangères a ajouté qu'on constatait de nouveau'ces droits
pour ne point les oublier. , . , ,
On n'a du reste pre&qu'une médiocre attention à ladiscussion
générale. Tous les articles ont été successivement adoptés ; mais
comme la chambre n'était plus en nombre, le vote, sur l'ensemble
de la loi a été renvoyé à demain.
Le projet de loi sur la police des chemins de fer a été examiné
dans la dernière session par la chambre des pairs ; il est resté à
l'état de rapport à la chambre des députés. . . : « (
La matière est sans précédens en France ; aussi le projet mi
nistériel est-il fort incomplet, quoiqu'il ait été calqué.en partie
sur les législations anglaise et belge. Le rapport fait a la chambre
des pairs sur ce projet n'est qu'une longue critique, et change de
fond en comble 1 esprit de l'œuvre de M. Martin (du Nord), >
La loi est divisée en trois titres : le premier renferme des mesu
res relatives à la conservation des chemins de fer; le deuxième pré
voit les contraventions que les concessionnaires peuvent commet
tre dans l'exécution des travaux qui leur sont confiés ; enfin , le
troisième contient les dispositions pénales contre les imprudences,*
les tentatives ou les crimes qui peuvent compromettre la sûreté de
circulation sur ces chemins.
- A la chambré des pairs, on a surtout fait ressortir, dans le litre
I er , les inconvéniens qu'il y avait à attribuer la répression des dé
remuisos bu oommimoram bu 31 janv. ims.
LE JUIF ERRANT
SIXIÈME VOLUME.
LE PROTECTEUR.
ÇHAVXTBX XIX.
RÉVÉLATIONS.
, Mademoiselle de Cardoville très étonnée de la frayeur de Rodin lors-
gu'eile lui avait demandé quelque explication sur le pouvoir si formida-
lo, si étendu, dont dispo ait l'abbé a'Aigrigny, lui dit :
Mais Monsieur, qu'y a-t-il donc de si étrangè dans la question que
je viens de vous faire?
Rodin, après un moment de silence , jetant les yeux autour de lui,
avec une inquiétude parfaitement simulée, répondit à voix basse :
, 1 Encore une fois, Mademoiselle, ne m'interrogez pas sur un sujet
si redoutable ; les murailles de cette maison ont des oreilles, ainsi qu'on
dit vulgairement.
Adrienne et Dagobert se regardèrent avec une surprise croissante.
; La Mayeux, par un instinct d'une persistance incroyable, conti
nuait à éprouver un sentiment dé défiance invincible contre Rodin.
Quelquefois elle le regardait long-temps à là dérobée, lâchant de
pénétrer sous le masque de cet homme qui l'épouvantait. Un moment
le jésuite rencontra le regard inquiet de la Mayeux obstinément a' taché
sur lui ; .il lui Gt aussitôt un petit signe de tête plein d'aménité ; la jeune
fïllè, effrayée de se voir surprise, détourna les yeux en tressaillant.
' (i)Toate reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite
et serait poursuivie comme contrefaçon.
" Voir nolre numéro Ja 22 novembre pour l'indication de tous les chapi
tres publiés jusqu'à cette date, notre nsniéro du 25 janvier pour les chapi
tres du S* volume, et no6 numéros des 29 et ,30, pour les deux premiers
•bapitres du fi* volume.
— Non, non, ma chère Demoiselle, — reprit Rodin avec un soupir en
voyant que Mademoiselle de Cardoville s'étonnait de son silence, — ne
m'interrogez pas sur la puissance de l'abbé d'Aigrigny.
-r- Mais, encore une fois, Monsieur, —reprit Adrienne, pourquoi cette
hésitation à me répondre? Que craignez-vous?
— Ah! ma chère Demoiselle, —dit Rodin en frissonnant, —ces gens-
là sont si puissans!... leur animosité est si terrible 1
— Rassurez-vous, Monsieur, je vous dois trop pour que mon appui
vous manque jamais.
— Eh! ma chère Demoiselle,—s'écria Rodin presque blessé,—jugez-
moi mieux, je vous en prie. Est-ce donc pojir moi que je crains?... Non,
non, je suis trop obscur, trop inoffenéif; mais c'est vous, mais c'est M.
le maréchal Simon, mais ce sont les autres personnes de votre famille qui
ont tout à redouter... Ah! tenez, ma chère Demoiselle, encore une fois,
ne m'interrogez pas -; il est des secrets funestes à ceux qui les possè
dent...,
— Mais enfin, Monsieur, ne vaut-il pas mieux connaître les périls
dont on est menacé ?
— Quand on sait la manœuvre de son ennemi, on peut se défendre
au moins, —dit Dagobert. —Vaut mieux une attaque en plein jour
qu'une embuscade.
— Puis, je vous l'assure, — reprit Adrienne, — le peu de mots
que vous m'avez dits m'inspirent une vague inquiétude...
— Allons, puisqu'il le faut... ma chère Demoiselle, — reprit le jésuite
en paraissant faire un grand effort sur lui-môme, —puisque.vous ne
comprenez pas à demi-mot... je serai plus explicite;... mais rappelez-
vous, — ajouta-t-il d'un ton grave,.. — rappelez-vous que votre insis
tance me force à vous apprendre ce qu'il vaudrait peut T ôtre mieux igno
rer. , •
—Parlez de grâce, Monsieur, parlez, -—dit Adrienne.
Rodin, rassemblant autour de lui Adrienne, Dagobert et la Mayeux,
leur dit à voix basse d'up air mystérieux :
— N'avez-vous donc jamais entendu parler d'une association puissante
qui étend son réseau sur toute la terre, qui compte des affiliés, des
séides, des fanatiques dans toutes les classes de la société.,, qui a eu et
qui a encore'souvent l'oreille des rois et des grands,., association toute
puissante, qui d'un mot élève ses créatures aux positions les plus hau
tes, et d'un mot aussi les rejette dans le néant dont elle seule a pu
les tirer?
—Mon Dieu ! Monsieur,— dit Adrienne — quelle est donc cette as
sociation formidable! Jamais je n'en ai jusqu'ici entendu parler.
— Je vous crois, et pourtant votre ignorance à ce sujet m'étonne au
dernier point, ma chère Demoiselle.
— Et pourquoi cet étonnemént ?
— Parce que vous avez vécu long-temps avec Madame votre tante,
et vu souvent l'abbé d'Aigrigny. •
— J'ai vécu chez Mme de Sainl-Dizier, mais non pas avec elle, car
pour mille raisons elle m'inspirait une aversion légitime.
— Mais ait fait, ma chère demoiselle, ma remarque n'était pas juste;
c'est là plus qu'ailleurs où, devant vous surtout, on devait garder le si
lence sur cette association, et c'est pourtant grâce à elle que Mma
de Saint-Dizier a joui d'une si redoutable influence dans le monde sous
le dernier règne... Eh bien! sachez-le donc! C'est le concours de cette
association qui rend l'abbé d'Aigrigny un homme si dangereux ; par
elle il a pu surveiller , poursuivre , atteindre -différons membres de votre
famille, ceux-ci en Sibérie^ ceux-là au fond de l'Inde, d'autres enfin, au
milieu des montagnes de l'Amérique, car, je vous l'ai dit, c'est par hasard
avant-hier, en compulsant "les papiers de l'abbé d'Aigrigny, que j'ai été
mis sur la trace, puis convaincu de son affiliation à cette compagnie, dont
il est le chef le plus actif et le plus capable.
— Mais, Monsieur, le nom... le. nom de cetté compagnie,—dit
Adrienne.
— Eh bien !... c'est... — et Rodin s'arrêta.
— C'est,... —reprit Adrienne, aussi intéressée que Dagobert et que la
Mayeux,— : c'est...
Rodin regarda autour de lui, ramena par un signe les. autres acteurs
de cette scène encore plus près de lui, et dit à voix basse, en accentuant
lentement ses paroles ;
— C'est... la compagnie de Jésus.
Et il tressaillit.
— Les jésuites, — s'écria Mlle de Cardoville ne pouvant retenir un
éclat de rire d'autant plus franc que, d'après les mystérieuses précau
tions oratoires de Rodin, elle s'attendait à une révélation selon elle beau
coup plus terrible, — les jésuites ! — reprit-elle en riant toujours ; —
mais ils n'existent que dans les livres ; ce sont des personnages histori-
• • - «• ' ' ' ' " ' si Mme de
■ils pasas-
Après avoir écouté silencieusement Mlle de Cardoville, Rodin reprit
d'un air grave et pénétré: .
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