Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1845-01-30
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 janvier 1845 30 janvier 1845
Description : 1845/01/30 (Numéro 30). 1845/01/30 (Numéro 30).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k666984c
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
JEUDI 50 JANVIER 184o.
apsssrasBMre
ÉDITION DE PARIS.
NUMÉRO 30.
ON S'ABONNE A PABIS.RUE MONTMARTRE, N* 121,
'|t, JDAltt MB DipARTKMKHS, CEXZ US DIMCTHUM SES TOSTU,
■TA ÏWJÏK» IBB MESSA6BUM.
A Londres, chex M3I. Coûte et fils, Saint-Anne'* Lane.
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six mois..
TROIS MOIS
PARIS.
T8.
DÉPARTEMENS ET ÉTRANGER.
48 ra.
24
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SIX MOIS......
TROIS MOIS....
, ANNONCES.
1 frase KO cent la petite ligne; — 3 francs la ligne 4? réclame.
* TOUT* INSERTION DOIT ÊTRB ÀGBJÉÉ» fÀS. L> «feAXT.
X«i lettre* non affranchies sentit rigoureusement refusées.
pa»ÏS, »» x&mmn.
\ Hier, unjournal qura notoirement les relations les plus intimes
^yec É, Guizçt, qui est son organe de prédilection, qui se fait le
Moniteur des paroles attribuées au Roi par ses ministres, appelait
les députés qui ont voté contre l'indemnité Pritchard, des routiers
politiques, des émmtiers •parlementaires, des frétons stupides et
voleurs ; il comparait l'honorable M, Billault à Billault-Varennes,
voulant mettre la majorité à la lanterne électorale ; il ajoutait en
fin ; « M- Billault, le mi Billault, s'est retrouvé., Son ambition, à
:*> laquelle on arrachait la proie de la bouche, à moitié mâchée et
» 'déjà yèirie fejii salive, l'a r$Mdy< férMP- » Vpilà quelles basses
et dégoûtantes injures 51. Guizot faisait hier jèter à ses adver
saire?: le journal qui parle ainsi, est, nous le répétons , son
journal intime et favori, celui qui ne le contredit jamais.
; Aujourd'hui, un autre organe du cabinet, sans adopter tout-à-
fait cç langage ignoble et grossier , répète le mot d'ordre que son
confrère avait déjà donné la veille. L'opposition, dit-il, en pu
bliant lès noms des députés qui ont voté pour Pritchard, dresse
Contre le parti conservateur une liste de proscription proscrip
tion électorale à la vérité ; mais de là « a une belle et bonne pros
cription, sans métaphore, il n'y a pas si loin. » Voilà qui est dit :
qous demandons que l'on massacre, que l'on guillotine, ou du
moins que l'on déporte les 213 députés ministériels.
On nous accuse quelquefois de manger du prêtre; aujourd hui
nous mangeons du député ministériel ; notre proie, à moitié mâ
chée et déjà pétrie de notre salive, palpite sous notre dent féroce.
Lés 213 sont des martyrs; ils sont martyrs, comme M. Pritchard:;
et, qui sait? il y a peut-être déjà quelques-unes de nos victimes
qui songent aussi à demander au ministère une indemnité.
Sérieusement, quel est le sens de l'absurde langage des jour
naux ministériels? II s'agit tout simplement d'effrayer, d'étpur-
dir les députés conservateurs par le mot de révolution, comme on
essayait ae ies épouvanter hier par le mot de guerre. On sait que
(jtéjàles électeur^ les plus modérés de quelques arrondissemens ont
écrit à leurs représentans pour leur exprimer le regret du pre
mier vote eh faveur de Pritchard ; on sait que plusieurs des dépu
tés qui se sont laissé entraîner par Je ministère à donner leur ap
probation a une conduite qu'ils réprouvent, sont tout près de met
tre un terme à leur complaisance et de céder au mouvement de
l'opinion qui se manifeste dans leurs collèges électoraux. La liste,
noîi de proscription, mais d'histoire politique, que nous avons pu
bliée, multipliera certainement ces manifestations. Les principaux
électeurs, ceux qui étudient Fppinion de leurs amis pour la mieux
diriger en lui donnant une satisfaction légitime, ne, manqueront
pas d'informer le député qu'il& ra produit son vote. Les passions ministérielles en seront très cal
mées. Les conservateurs, avertis, par ces indices, des véritables
gentimens du pays, auront à choisir entre l'influence de M. Du
châtel et l'opinion des électeurs, entre le ministère Pritchard et le
Lvqeu du pays. Voilà ce qu'on redoute ici et ce qu'on veut préve
nir en engageant à outrance les députés ministériels, en les com
promettant jusqu'à l'absurde.
* On a imaginé dans ce but, la comédie que nous allons raconter
et dont un journal ministériel donnait aujourd'hui le prospectus.
'Rappelons d'abord lés faits : hier, le Journal des Débats annonçait
çous forme officielle que les ministres avaient pris leur parti et
qu'ils conservaient leurs portefeuilles. Pendant la séance, M. Gui-
flot, M. Martin (du Nord), le répétaient à qui voulait l'en tendre;
ee matitt. la presse entière constate cette résolution du cabinet.
Cependant, aujourd'hui le Journal des Débats, qui exposait hier
Imr quelles grandes raisons d'état le ministère restait au pouvoir,
ui conseille de se retirer; il pose de nouveau un problême résolu;
il suppose l'indécision chez ceux qui sont décidés ; il engage M.
Guizot, M. Duchâtel et ses collègues à donner leur démission, si la
majorité ne s'oppose pas à leur retraite par une démarche; formelle.
Voici l'explication de cette feinte ridicule, et qui ne trompe
personne, puisque tout le monde savait le parti pris par le mi
nistère. .. • ; < ^ .
•Depuis hier M. Fulchiron s'agitait pour engager son parti à se
réunir chez Lemardelay. Là, chaque aéputé engageant son vote à
l'avance, devait promettre au ministère une adhésion sans con
dition. C'est pour préparer cette scôue que le Journal des Débats
a tiré de ses cartons l'article fait depuis deux jours, dans l'hypo
thèse de la démission du cabinet, et s'est mis à jouer le prologue
de la comédie dont, il était le confident. La séance a donc eu lieu
aujourd'hui à dix heures. On prétend avoir été 190 en comptant
les adhésions par lettres ; nous tenons d'un témoin oculaire qu'on
4tait toutou-plus-i40. Les fonctioja^làres^ui dépendent du ^-
binet formaient la majorité de«î'assemblée. M. Fulchiron a laissé
le fauteuil à M. Hartmann.
Un journal ministériel du soir qui porte, non pas même à 190,
mais a deux cents, le nombre des conservateurs réunis chez Le
mardelay, rapporte qu'au nombre des députés présens et des
principaux orateurs s'est-trouvé M. Saint-Marc-Girardm. Cè
journal fait mieux : il donne une analyse assez détaillée du dis
cours de l'honorable député. L'exactitude de cette nouvelle fera
juger dfi-la vérité du reste.
Il est faux, absolument faux, que M. Saint-Marc-Girardin ait
assisté à cette réunion, et à plus forte raison qu'il y ait prononcé
un discours.
Ce qui est vrai dans le récit du journal ministériel, c'est que M.
de Salvandy a eu tous les honneurs de la séance, et il le méritait
bien' ! M. de Salvandy est arrivé, de ridicule en ridicule, à se con
sidérer comme l'un Ses hommes les plus influens de ce pays, où
d'ordinaire le ridicule perd sans ressource ceux qu'il a touchés.
Le ministre brouillon de l'instruction publique qui avait inventé
de si belles choses, que M. Villemaia a dû passer une bonne partie
/I A nnn X «ArnAiiitA I'r/\ /IAMM l n/]■ M,
que, qui, après s'être noyé dans une question d'étiquette, écrivait
au ministère qu'il rapportait de ce côté des Pyrénées Vhonneur de
la France, la seule chose qu'il eût pu saiiver, commeFrançois I er ;
le biographe modeste qui publiait qu'il n'y avait que trois hommes
politiques du premier ordre en France M. Guizot, M. Thiers et M.
de Salvandy ; le vice-président malencontreux qui.se fesait gron
der par le Roi, se plaignait ensuite avec grand scandale du trai
tement qu'il avait subi, puis fesait ses soumissions ; le fonction
naire qui donnait, retirait, rendait, reprenait sa démission, tou
jours ner dans son ridicule; le candidat ministre qui acceptait à
dix heures le portefeuille qu'il refusait à midi, se repentait en
suit^ de son refus, et fesait aujourd'hui une pétition nou
velle à ceux dont il avait repoussé les offres; le partisan.de
M. Molé,, qui disait il y a peu de jours à vingt députés dans
la chambre : « Ma position est en ce moment la plus élevée de
» toutes ; elle est désormais le centre de toutes les conciliations
» et de toutes les transactions possibles. » Et encore : « Je garde
» ici, au centre, cent quatre-vingts voix pour le premier ministère
» conciliateur. » Cet orateur, cet ancien ministre, cë candidat,
cet ancien ambassadeur, cet homme de parti, déclarait aujourd'hui
chez Lemarde'ay que tout ministère Molé est impossible, et il fai
sait partie delà commission chargée d'aller supplier lé maréchal
Soult et M. Guizot de garder le pouvoir; de ne point se retirer, et
de renoncer à la résolution qu'ils n'ont jamais prise.
Il n'est pas surprenant que M. de Salvandy ait joué le plus sé
rieusement son rôle dans toute cette affaire.
M. le maréchal Soult a répondu à la députation composée de M.
Hartmann, du maréchal Sébastiani, du maréchal Bugeaud, de
trois des vice-présidens et de l'inévitable M. Fulchiron, qu'il ne
se retirerait point. M. Guizot en a dit autant, et le Journal des Dé
bats dira demain ; Nous avions donné le conseil au ministère de
se retirer ; mais devant l'éclatante manifestation de la majorité,
c'est notre conseil que nous retirons. .
213 députés ne peuvent soutenir le ministère, et 440 prêtent-
dent l'affermir I Une minorité dans une majorité insuffisante croit
qu'il suffit pour multiplier ses votes de les grossir par des cla
meurs! Allons donc ! tout cela est puéril. ' > . ?
Lorsqu'en 1831 Casimir Périer donna sa ^démission parce qu'il
n'avait qu'une voix de majorité, et consentit ensuite à rester au
pouvoir, ce ne fut point pour céder à des démarches collectives individuelles. Il avait refusé au contraire de se rendre aux repré
sentations qui hii étaient faites par des membres de cette majo
rité insuffisante. Mais on apprit tout à coup l'entrée de l'armée
hollandaiseen Belg'
de couvrir Bruxeli
ministre. , , . .
M. Guizot et M. Duchâtel n'auront jamais de semblables raisptfs
pour garder les affaires.'C'est pour payer Pritchard qu'ils conser
vent leurs portefeuilles. Ce qu'ils font, n'est pas même une parodié.
.—■ngti'O-f"»-! ———^-r. . . "
Tout le monde comprend, dans la chambre et dans le pays. , la
nécessité d'un ministère modéré et conciliateur, qui calmerait les
esprits, et qui, pacificateur au-dedans, pacifique au dehors, étein
drait en France les haines politiques , maintiendrait mieux Ja di
gnité du pays à l'étranger. \ (
Le Journal des Débats, dont les patrons on( besoin d'entretenir
la violence et la guerre entre les partis . répand contre M. Thieris
un torrent d'injures, parce qup cet homipe d'état, pans vouloir lja
pouvoir pour lui-même, a montré à la chamhre qu'il appuierait
toute combinaison tendant à réaliser ce facile programme.
« M. Thiers, dit entre autres «hoses le journal ministériel, M.
Thiers est toujours sorti du pouvoir plus petit qu'il n'y était entré;
qui osera dire'que M. Guizot n'en sort pas plus grand ?.»
Voilà de l'effronterie. M. Thiers est sorti deux fois du pouvoir
avec une majorité énorme dans la chambre, sans avoir jamais ét£
vaincu par le jugement du pays. Il en est sorti pour avoir conser
vé tout entières ses convictions et sa politique; il était entré hono
rablement par des votes de Ja chambre, sans palinodie, sans tra
hir personne, sans se démentir, sans abandonner ses amis ; il est
tombé honoré et respecté de ses adversaires, conséquent avec lui-
-même, et sans avoir rencontré d'autre obstacle qu'un dissentiment
avec la couronne. *
Vous qui l'outragez aujourd'hui, vous qui avez rendu à M. Gui
zot, après sa seconde trahison, l'estime que vous lui refusiez après
la première, vous qui aviez partagé et défendu l'opinion de M-
Thiers ministre, soit sur la question d'Espagne, soit sur la ques
tion d'Orient, et qui avez soutenu l'ophûoir contraire lorsqu'il «ut
résigné le pouvoir, vous qui tournez sans cesse vos regaras et vos
mains vers ceux qui gouvernent, et qui injuriez, par ordre, tous
ceux qui ne gouvernent plus, dites-nous combien vons estimez la
grandeur de M. Guizot?
11 y a de l'honneur à lutter contre dès difficultés lorsqu'on ne
les a pas soi-même créées et lorsqu'on a pris le parti du
courage. Nous comprenons que la politique de M. Thiers fût dif
ficile^ placé au milieu de complications dont il n'était pas l'auteur
il entreprenait de résister à l'injuste volonté de l'Europe. Mais
lorsqu'on a proclamé le système de la paix à tout prix, rien n'est
plus facile que de céder sans cesse. Quels sont, s'il vous plaît, lés
embarras de M. Guizot ? Depuis quatre ans, qu'a-t-il fait? Il a sou
levé à plaisir l'affaire du droit de visite ! Il s'est fait de gatté de
cœur le conquérant des Marquises l II est arrivé de conquête en
conquête à l'indemnité Pritchard 1 voilà sa grandeur! La po
litique qui, commençant par la paix partout et toujours, est de
venue pleine d'embarras et de périls au-dehors, est une politique
absurde et inepte. Voyezies grands ministres., qui ont pris pour
ennemis le roi Yoteté et l'accoucheur de la reine Pomaré , et qui
succombent devant de tels adversaires! Glorifiez lés gens de cœur
dont les meilleurs titres à vos applaudissemens sont un traité si-
pnmpco* DU MOTTinmOHHlIi »U 30 JABTV. *845.
LE JUIF ERRANT V
MlîMI
2 VOLUME.
I.E PROTECTEUR.
CHA^ITM ZI.
XJBS EXCUSES.
Mlle de Cardoville en voyant Dagobert saisir si rudement Rodin au
C /ollet, s'était écriée avec effroi, en faisant quelques pas vers le soldat :
— Au nom du ciel! Monsieur... que faites-vous?
— Ce que je fais ! — répondit durement le soldat sans lâcher Rodin,
et eu tournant la tête du côté d'Aérienne qu'il ne connaissait pas, — ja
profite de l'occasion pour serrer la gorge d'un des misérables de la bande
du renégat, jusqu'à ce qu'il m'ait dit où sont mes pauvres enfans...
ttt Voasçi'étranglez. dit le jésuite d'une voix syncopée , en tâ
chant d'échapper au soldat.
— Où sont les orphelines , puisqu'elles ne sont pas ici et qu'on m'a
fermé la porte du couvent sans vouloir me répondre ! •— cria Dagobert
d'unevoii tonnante.
— A l'aide ! — murmura Rodin.
— Ab ! c'est affreux ! — dit Adrienne.
Et pâlè, tremblante , s'adressant à Dagobert, les mains jointes :
— GrâCe,Monsieur!..écoutez-moi... écoutez-le...
— Monsieur Dagobert,—s'écria la Mayeux, en courant saisir de ses fai
bles mains le bras de .Dagobert, et lui montrant Adrienne, — c'est Mlle
(1J Tonte reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite, et
ferait poursuivie comme contrefaçon.
_Voir notre numéro du 22 novembre pour l'indication de tous les cha
pitres publiés jusqu'à cette date, notre numéro du 23 janvier pour les
cb agi très du S« volume, et nôtre numéro du 29 pour le premier chapitre
du 6« volume. . >
de Cardoville... Devant elle, quelle violence!... et puis, vous vous trom
pez... sans doute.
Au nom de Mlle de Cardoville, la bienfaitrice de son fils, le soldat se
retourna brusquement, et lâcha Rodin ; celui-ci, rendu cramoisi par la
colère et par la suffocation, se hâta de rajuster son collet et sa cravate.
— Pardon, Mademoiselle... — dit Dagobert, en allant vers Adrienne,
encore pâle de frayeur,—je ne savais pas qui vous étiez ;... mais le pre
mier mouvement m'a emporté malgré moi...
— Mais , mon Dieu ! qu'avez-vous contre Monsieur ?— dit Adrienne.
— Si vous m'aviez écouté, vous sauriez... "
— Excusez-moi si je vous interromps , Mademoiselle, — dit le soldat
à Adrienne, d'une voix contenue. Puis , s'adressant à Rodin, qui avait
repris son sang-froid : — Remerciez Mademoiselle, et allez-vous en ;...
si vous restez là... je ne réponds pas de moi..,.
— Un mot seulement, mon cher Monsieur, — dit Rodin, — je...
— Je vous dis que je ne réponds pas de moi si vous restez-là ! — s'é
cria Dagobert en frappant du pied.
—Mais, au nom du Ciel, dites au moins la cause de cette colère... —
reprit Adrienne, — et surtout ne vous'fiez pas aux apparences ; calmez-
vous et écoutez-nous...
— Que je me calme, Mademoiselle ! — s'écria Dagobert avec déses
poir; — mais je ne pense qu'à une chose... Mademoiselle,... à l'arrivée
du maréchal Simon ; il sera ÏParis aujourd'hui ou demain... >
— Il serait possible ! — dit Adrienne.
Rodin fit un mouvement de surprise ekde joie.
— Hier soir, — reprit Dagobert, — j'ai reçu une lettre du maréchal ;
il a débarqué au Havre ; depuis trois jours, j'ai fait démarches sur dé
marches, espérant que les orphelines me seraient rendues , puisque la
machination de ces misérables avait échoué ( et il montra Rodin avec un
nouveau geste de colère). — Eh bien S non... Ils complottent encore
quelque infamie. Je m'attends à tout... :
— Mais, Monsieur, -r dit Rodin en s'avançant, — permettez-moi de
vous... - ;
— Sortez ! —s'écria Dagobert, dont l'irritation et l'anxiété redou
blaient en songeant que d'un moment à Vautre le maréchal Simon pou
vait arriver à Paris ; —sortez,... car, sans Mademoiselle,... je me serais
au moins vengésur quelqu'un...
Rodin fit un signe d'intelligence à Adrienne, dont il #e rapprocha
prudemment, lui montra Dagobert d'un geste de commisération tou
chante, et dit à ce dernier : ; .
— Je sortirai donc, Monsieur, et... d'autant plus volontiers, que j«
quittais cette chambre quand vous y êtes entré. .
Puis, te rapprochant tout-à-fait de Mlle de Cardoville, le jésuite lui
dit à voix basse :
— Pauvre soldat !.. la douleur l'égaré ; il serait incapable de m'ente*-
dre. Expliquezrlui tout, ma chère Demoiselle ; il sera bien attrapé, ^
ajouta-t-il d'un air fin ; —mais, en attendant,— repritRodin en fouillant
dans la poche de côté de sa redingote et en, en tirant u» petit paquet, —-
remettez-lui ceci, je vous prie, ma chère Demoiselle ;... c'est ma ven
geance;... elle sera bonne.
Et comme Adrienne, tenant le petit paquet dans sa main, regardait le
jésuite avec étonnement, celui-ci mit son index sur sa lèvre comnie
pour recommander le silence à la jeune fille, gagna la porte en marchant
a reculons sur la pointe des pieds, et sortit après avoir encore d'un geste
de pitié montré Dagobert qui, dans un morne abattement, la tête bais
sée, les bras croises sur la poitrine, restait muet aux consolations em
pressées de la Mayeux.
Lorsque Rodin eut quitté la chambre, Adrienne, s'apprqchantdusol-'
dat, lui dit de sa voix douce et avec l'expression d'un profond intérêt :
— Votre entrée si brusqué m'a empêchée de vous faire une question
bien intéressante pour moi... Et votre hlessure?. *
— Merci 1 Mademoiselle, — dit Dagobert en sortant de sa pénibl»
préoccupation, — Merci! ça n'est pas grand'chose, maiis je n'ai pas le
temps d y songer... Je suis fâché d avoir été si brutal devant vous, d'a
voir chassé ce misérable ;.. mais c'est plus fort que moi ; à la vue de ces
gens-là... mon sang ne fait qu'un tour.
— Et pourtant, croyez-moi, vous avez été trop prompt à juger... la
personne qui était la tout-à-l'heure.
— Trop prompt... Mademoiselle... mais ce n'est pas d'aujourd'hui que
je le connais... Il était avec ce renégat d'abbé d'Aigrigny...
*■ —- Sans doute... ce qui ne l'empêche pas d'être un honnête et exc#l-
lent homme... K
— Lui!..—s'écria Dagobert.
— Oui... et il n'est en ce moment même occupé que d'une chose. ..
de vous faire rendre vos chères enfans.
— Lui !... — reprit Dagobert, en regardant Adrienne comme s'il ne
pouvait croire à ce qu'il entendait, — lui... me rendre mes enfans I
— Oui... plutôt que vous ne le pensez, peut-être. ' ,
— Mademoiselle, — dit tout-a-coup Dagobert ;—il vous trompe..-.
' vous êtes dupe de ce vieux gueux-là. . . . , ™
apsssrasBMre
ÉDITION DE PARIS.
NUMÉRO 30.
ON S'ABONNE A PABIS.RUE MONTMARTRE, N* 121,
'|t, JDAltt MB DipARTKMKHS, CEXZ US DIMCTHUM SES TOSTU,
■TA ÏWJÏK» IBB MESSA6BUM.
A Londres, chex M3I. Coûte et fils, Saint-Anne'* Lane.
tm ah
six mois..
TROIS MOIS
PARIS.
T8.
DÉPARTEMENS ET ÉTRANGER.
48 ra.
24
12
ttR AS ......a.
SIX MOIS......
TROIS MOIS....
, ANNONCES.
1 frase KO cent la petite ligne; — 3 francs la ligne 4? réclame.
* TOUT* INSERTION DOIT ÊTRB ÀGBJÉÉ» fÀS. L> «feAXT.
X«i lettre* non affranchies sentit rigoureusement refusées.
pa»ÏS, »» x&mmn.
\ Hier, unjournal qura notoirement les relations les plus intimes
^yec É, Guizçt, qui est son organe de prédilection, qui se fait le
Moniteur des paroles attribuées au Roi par ses ministres, appelait
les députés qui ont voté contre l'indemnité Pritchard, des routiers
politiques, des émmtiers •parlementaires, des frétons stupides et
voleurs ; il comparait l'honorable M, Billault à Billault-Varennes,
voulant mettre la majorité à la lanterne électorale ; il ajoutait en
fin ; « M- Billault, le mi Billault, s'est retrouvé., Son ambition, à
:*> laquelle on arrachait la proie de la bouche, à moitié mâchée et
» 'déjà yèirie fejii salive, l'a r$Mdy< férMP- » Vpilà quelles basses
et dégoûtantes injures 51. Guizot faisait hier jèter à ses adver
saire?: le journal qui parle ainsi, est, nous le répétons , son
journal intime et favori, celui qui ne le contredit jamais.
; Aujourd'hui, un autre organe du cabinet, sans adopter tout-à-
fait cç langage ignoble et grossier , répète le mot d'ordre que son
confrère avait déjà donné la veille. L'opposition, dit-il, en pu
bliant lès noms des députés qui ont voté pour Pritchard, dresse
Contre le parti conservateur une liste de proscription proscrip
tion électorale à la vérité ; mais de là « a une belle et bonne pros
cription, sans métaphore, il n'y a pas si loin. » Voilà qui est dit :
qous demandons que l'on massacre, que l'on guillotine, ou du
moins que l'on déporte les 213 députés ministériels.
On nous accuse quelquefois de manger du prêtre; aujourd hui
nous mangeons du député ministériel ; notre proie, à moitié mâ
chée et déjà pétrie de notre salive, palpite sous notre dent féroce.
Lés 213 sont des martyrs; ils sont martyrs, comme M. Pritchard:;
et, qui sait? il y a peut-être déjà quelques-unes de nos victimes
qui songent aussi à demander au ministère une indemnité.
Sérieusement, quel est le sens de l'absurde langage des jour
naux ministériels? II s'agit tout simplement d'effrayer, d'étpur-
dir les députés conservateurs par le mot de révolution, comme on
essayait ae ies épouvanter hier par le mot de guerre. On sait que
(jtéjàles électeur^ les plus modérés de quelques arrondissemens ont
écrit à leurs représentans pour leur exprimer le regret du pre
mier vote eh faveur de Pritchard ; on sait que plusieurs des dépu
tés qui se sont laissé entraîner par Je ministère à donner leur ap
probation a une conduite qu'ils réprouvent, sont tout près de met
tre un terme à leur complaisance et de céder au mouvement de
l'opinion qui se manifeste dans leurs collèges électoraux. La liste,
noîi de proscription, mais d'histoire politique, que nous avons pu
bliée, multipliera certainement ces manifestations. Les principaux
électeurs, ceux qui étudient Fppinion de leurs amis pour la mieux
diriger en lui donnant une satisfaction légitime, ne, manqueront
pas d'informer le député qu'il&
mées. Les conservateurs, avertis, par ces indices, des véritables
gentimens du pays, auront à choisir entre l'influence de M. Du
châtel et l'opinion des électeurs, entre le ministère Pritchard et le
Lvqeu du pays. Voilà ce qu'on redoute ici et ce qu'on veut préve
nir en engageant à outrance les députés ministériels, en les com
promettant jusqu'à l'absurde.
* On a imaginé dans ce but, la comédie que nous allons raconter
et dont un journal ministériel donnait aujourd'hui le prospectus.
'Rappelons d'abord lés faits : hier, le Journal des Débats annonçait
çous forme officielle que les ministres avaient pris leur parti et
qu'ils conservaient leurs portefeuilles. Pendant la séance, M. Gui-
flot, M. Martin (du Nord), le répétaient à qui voulait l'en tendre;
ee matitt. la presse entière constate cette résolution du cabinet.
Cependant, aujourd'hui le Journal des Débats, qui exposait hier
Imr quelles grandes raisons d'état le ministère restait au pouvoir,
ui conseille de se retirer; il pose de nouveau un problême résolu;
il suppose l'indécision chez ceux qui sont décidés ; il engage M.
Guizot, M. Duchâtel et ses collègues à donner leur démission, si la
majorité ne s'oppose pas à leur retraite par une démarche; formelle.
Voici l'explication de cette feinte ridicule, et qui ne trompe
personne, puisque tout le monde savait le parti pris par le mi
nistère. .. • ; < ^ .
•Depuis hier M. Fulchiron s'agitait pour engager son parti à se
réunir chez Lemardelay. Là, chaque aéputé engageant son vote à
l'avance, devait promettre au ministère une adhésion sans con
dition. C'est pour préparer cette scôue que le Journal des Débats
a tiré de ses cartons l'article fait depuis deux jours, dans l'hypo
thèse de la démission du cabinet, et s'est mis à jouer le prologue
de la comédie dont, il était le confident. La séance a donc eu lieu
aujourd'hui à dix heures. On prétend avoir été 190 en comptant
les adhésions par lettres ; nous tenons d'un témoin oculaire qu'on
4tait toutou-plus-i40. Les fonctioja^làres^ui dépendent du ^-
binet formaient la majorité de«î'assemblée. M. Fulchiron a laissé
le fauteuil à M. Hartmann.
Un journal ministériel du soir qui porte, non pas même à 190,
mais a deux cents, le nombre des conservateurs réunis chez Le
mardelay, rapporte qu'au nombre des députés présens et des
principaux orateurs s'est-trouvé M. Saint-Marc-Girardm. Cè
journal fait mieux : il donne une analyse assez détaillée du dis
cours de l'honorable député. L'exactitude de cette nouvelle fera
juger dfi-la vérité du reste.
Il est faux, absolument faux, que M. Saint-Marc-Girardin ait
assisté à cette réunion, et à plus forte raison qu'il y ait prononcé
un discours.
Ce qui est vrai dans le récit du journal ministériel, c'est que M.
de Salvandy a eu tous les honneurs de la séance, et il le méritait
bien' ! M. de Salvandy est arrivé, de ridicule en ridicule, à se con
sidérer comme l'un Ses hommes les plus influens de ce pays, où
d'ordinaire le ridicule perd sans ressource ceux qu'il a touchés.
Le ministre brouillon de l'instruction publique qui avait inventé
de si belles choses, que M. Villemaia a dû passer une bonne partie
/I A nnn X «ArnAiiitA I'r/\ /IAMM l n/]■ M,
que, qui, après s'être noyé dans une question d'étiquette, écrivait
au ministère qu'il rapportait de ce côté des Pyrénées Vhonneur de
la France, la seule chose qu'il eût pu saiiver, commeFrançois I er ;
le biographe modeste qui publiait qu'il n'y avait que trois hommes
politiques du premier ordre en France M. Guizot, M. Thiers et M.
de Salvandy ; le vice-président malencontreux qui.se fesait gron
der par le Roi, se plaignait ensuite avec grand scandale du trai
tement qu'il avait subi, puis fesait ses soumissions ; le fonction
naire qui donnait, retirait, rendait, reprenait sa démission, tou
jours ner dans son ridicule; le candidat ministre qui acceptait à
dix heures le portefeuille qu'il refusait à midi, se repentait en
suit^ de son refus, et fesait aujourd'hui une pétition nou
velle à ceux dont il avait repoussé les offres; le partisan.de
M. Molé,, qui disait il y a peu de jours à vingt députés dans
la chambre : « Ma position est en ce moment la plus élevée de
» toutes ; elle est désormais le centre de toutes les conciliations
» et de toutes les transactions possibles. » Et encore : « Je garde
» ici, au centre, cent quatre-vingts voix pour le premier ministère
» conciliateur. » Cet orateur, cet ancien ministre, cë candidat,
cet ancien ambassadeur, cet homme de parti, déclarait aujourd'hui
chez Lemarde'ay que tout ministère Molé est impossible, et il fai
sait partie delà commission chargée d'aller supplier lé maréchal
Soult et M. Guizot de garder le pouvoir; de ne point se retirer, et
de renoncer à la résolution qu'ils n'ont jamais prise.
Il n'est pas surprenant que M. de Salvandy ait joué le plus sé
rieusement son rôle dans toute cette affaire.
M. le maréchal Soult a répondu à la députation composée de M.
Hartmann, du maréchal Sébastiani, du maréchal Bugeaud, de
trois des vice-présidens et de l'inévitable M. Fulchiron, qu'il ne
se retirerait point. M. Guizot en a dit autant, et le Journal des Dé
bats dira demain ; Nous avions donné le conseil au ministère de
se retirer ; mais devant l'éclatante manifestation de la majorité,
c'est notre conseil que nous retirons. .
213 députés ne peuvent soutenir le ministère, et 440 prêtent-
dent l'affermir I Une minorité dans une majorité insuffisante croit
qu'il suffit pour multiplier ses votes de les grossir par des cla
meurs! Allons donc ! tout cela est puéril. ' > . ?
Lorsqu'en 1831 Casimir Périer donna sa ^démission parce qu'il
n'avait qu'une voix de majorité, et consentit ensuite à rester au
pouvoir, ce ne fut point pour céder à des démarches collectives
sentations qui hii étaient faites par des membres de cette majo
rité insuffisante. Mais on apprit tout à coup l'entrée de l'armée
hollandaiseen Belg'
de couvrir Bruxeli
ministre. , , . .
M. Guizot et M. Duchâtel n'auront jamais de semblables raisptfs
pour garder les affaires.'C'est pour payer Pritchard qu'ils conser
vent leurs portefeuilles. Ce qu'ils font, n'est pas même une parodié.
.—■ngti'O-f"»-! ———^-r. . . "
Tout le monde comprend, dans la chambre et dans le pays. , la
nécessité d'un ministère modéré et conciliateur, qui calmerait les
esprits, et qui, pacificateur au-dedans, pacifique au dehors, étein
drait en France les haines politiques , maintiendrait mieux Ja di
gnité du pays à l'étranger. \ (
Le Journal des Débats, dont les patrons on( besoin d'entretenir
la violence et la guerre entre les partis . répand contre M. Thieris
un torrent d'injures, parce qup cet homipe d'état, pans vouloir lja
pouvoir pour lui-même, a montré à la chamhre qu'il appuierait
toute combinaison tendant à réaliser ce facile programme.
« M. Thiers, dit entre autres «hoses le journal ministériel, M.
Thiers est toujours sorti du pouvoir plus petit qu'il n'y était entré;
qui osera dire'que M. Guizot n'en sort pas plus grand ?.»
Voilà de l'effronterie. M. Thiers est sorti deux fois du pouvoir
avec une majorité énorme dans la chambre, sans avoir jamais ét£
vaincu par le jugement du pays. Il en est sorti pour avoir conser
vé tout entières ses convictions et sa politique; il était entré hono
rablement par des votes de Ja chambre, sans palinodie, sans tra
hir personne, sans se démentir, sans abandonner ses amis ; il est
tombé honoré et respecté de ses adversaires, conséquent avec lui-
-même, et sans avoir rencontré d'autre obstacle qu'un dissentiment
avec la couronne. *
Vous qui l'outragez aujourd'hui, vous qui avez rendu à M. Gui
zot, après sa seconde trahison, l'estime que vous lui refusiez après
la première, vous qui aviez partagé et défendu l'opinion de M-
Thiers ministre, soit sur la question d'Espagne, soit sur la ques
tion d'Orient, et qui avez soutenu l'ophûoir contraire lorsqu'il «ut
résigné le pouvoir, vous qui tournez sans cesse vos regaras et vos
mains vers ceux qui gouvernent, et qui injuriez, par ordre, tous
ceux qui ne gouvernent plus, dites-nous combien vons estimez la
grandeur de M. Guizot?
11 y a de l'honneur à lutter contre dès difficultés lorsqu'on ne
les a pas soi-même créées et lorsqu'on a pris le parti du
courage. Nous comprenons que la politique de M. Thiers fût dif
ficile^ placé au milieu de complications dont il n'était pas l'auteur
il entreprenait de résister à l'injuste volonté de l'Europe. Mais
lorsqu'on a proclamé le système de la paix à tout prix, rien n'est
plus facile que de céder sans cesse. Quels sont, s'il vous plaît, lés
embarras de M. Guizot ? Depuis quatre ans, qu'a-t-il fait? Il a sou
levé à plaisir l'affaire du droit de visite ! Il s'est fait de gatté de
cœur le conquérant des Marquises l II est arrivé de conquête en
conquête à l'indemnité Pritchard 1 voilà sa grandeur! La po
litique qui, commençant par la paix partout et toujours, est de
venue pleine d'embarras et de périls au-dehors, est une politique
absurde et inepte. Voyezies grands ministres., qui ont pris pour
ennemis le roi Yoteté et l'accoucheur de la reine Pomaré , et qui
succombent devant de tels adversaires! Glorifiez lés gens de cœur
dont les meilleurs titres à vos applaudissemens sont un traité si-
pnmpco* DU MOTTinmOHHlIi »U 30 JABTV. *845.
LE JUIF ERRANT V
MlîMI
2 VOLUME.
I.E PROTECTEUR.
CHA^ITM ZI.
XJBS EXCUSES.
Mlle de Cardoville en voyant Dagobert saisir si rudement Rodin au
C /ollet, s'était écriée avec effroi, en faisant quelques pas vers le soldat :
— Au nom du ciel! Monsieur... que faites-vous?
— Ce que je fais ! — répondit durement le soldat sans lâcher Rodin,
et eu tournant la tête du côté d'Aérienne qu'il ne connaissait pas, — ja
profite de l'occasion pour serrer la gorge d'un des misérables de la bande
du renégat, jusqu'à ce qu'il m'ait dit où sont mes pauvres enfans...
ttt Voasçi'étranglez. dit le jésuite d'une voix syncopée , en tâ
chant d'échapper au soldat.
— Où sont les orphelines , puisqu'elles ne sont pas ici et qu'on m'a
fermé la porte du couvent sans vouloir me répondre ! •— cria Dagobert
d'unevoii tonnante.
— A l'aide ! — murmura Rodin.
— Ab ! c'est affreux ! — dit Adrienne.
Et pâlè, tremblante , s'adressant à Dagobert, les mains jointes :
— GrâCe,Monsieur!..écoutez-moi... écoutez-le...
— Monsieur Dagobert,—s'écria la Mayeux, en courant saisir de ses fai
bles mains le bras de .Dagobert, et lui montrant Adrienne, — c'est Mlle
(1J Tonte reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite, et
ferait poursuivie comme contrefaçon.
_Voir notre numéro du 22 novembre pour l'indication de tous les cha
pitres publiés jusqu'à cette date, notre numéro du 23 janvier pour les
cb agi très du S« volume, et nôtre numéro du 29 pour le premier chapitre
du 6« volume. . >
de Cardoville... Devant elle, quelle violence!... et puis, vous vous trom
pez... sans doute.
Au nom de Mlle de Cardoville, la bienfaitrice de son fils, le soldat se
retourna brusquement, et lâcha Rodin ; celui-ci, rendu cramoisi par la
colère et par la suffocation, se hâta de rajuster son collet et sa cravate.
— Pardon, Mademoiselle... — dit Dagobert, en allant vers Adrienne,
encore pâle de frayeur,—je ne savais pas qui vous étiez ;... mais le pre
mier mouvement m'a emporté malgré moi...
— Mais , mon Dieu ! qu'avez-vous contre Monsieur ?— dit Adrienne.
— Si vous m'aviez écouté, vous sauriez... "
— Excusez-moi si je vous interromps , Mademoiselle, — dit le soldat
à Adrienne, d'une voix contenue. Puis , s'adressant à Rodin, qui avait
repris son sang-froid : — Remerciez Mademoiselle, et allez-vous en ;...
si vous restez là... je ne réponds pas de moi..,.
— Un mot seulement, mon cher Monsieur, — dit Rodin, — je...
— Je vous dis que je ne réponds pas de moi si vous restez-là ! — s'é
cria Dagobert en frappant du pied.
—Mais, au nom du Ciel, dites au moins la cause de cette colère... —
reprit Adrienne, — et surtout ne vous'fiez pas aux apparences ; calmez-
vous et écoutez-nous...
— Que je me calme, Mademoiselle ! — s'écria Dagobert avec déses
poir; — mais je ne pense qu'à une chose... Mademoiselle,... à l'arrivée
du maréchal Simon ; il sera ÏParis aujourd'hui ou demain... >
— Il serait possible ! — dit Adrienne.
Rodin fit un mouvement de surprise ekde joie.
— Hier soir, — reprit Dagobert, — j'ai reçu une lettre du maréchal ;
il a débarqué au Havre ; depuis trois jours, j'ai fait démarches sur dé
marches, espérant que les orphelines me seraient rendues , puisque la
machination de ces misérables avait échoué ( et il montra Rodin avec un
nouveau geste de colère). — Eh bien S non... Ils complottent encore
quelque infamie. Je m'attends à tout... :
— Mais, Monsieur, -r dit Rodin en s'avançant, — permettez-moi de
vous... - ;
— Sortez ! —s'écria Dagobert, dont l'irritation et l'anxiété redou
blaient en songeant que d'un moment à Vautre le maréchal Simon pou
vait arriver à Paris ; —sortez,... car, sans Mademoiselle,... je me serais
au moins vengésur quelqu'un...
Rodin fit un signe d'intelligence à Adrienne, dont il #e rapprocha
prudemment, lui montra Dagobert d'un geste de commisération tou
chante, et dit à ce dernier : ; .
— Je sortirai donc, Monsieur, et... d'autant plus volontiers, que j«
quittais cette chambre quand vous y êtes entré. .
Puis, te rapprochant tout-à-fait de Mlle de Cardoville, le jésuite lui
dit à voix basse :
— Pauvre soldat !.. la douleur l'égaré ; il serait incapable de m'ente*-
dre. Expliquezrlui tout, ma chère Demoiselle ; il sera bien attrapé, ^
ajouta-t-il d'un air fin ; —mais, en attendant,— repritRodin en fouillant
dans la poche de côté de sa redingote et en, en tirant u» petit paquet, —-
remettez-lui ceci, je vous prie, ma chère Demoiselle ;... c'est ma ven
geance;... elle sera bonne.
Et comme Adrienne, tenant le petit paquet dans sa main, regardait le
jésuite avec étonnement, celui-ci mit son index sur sa lèvre comnie
pour recommander le silence à la jeune fille, gagna la porte en marchant
a reculons sur la pointe des pieds, et sortit après avoir encore d'un geste
de pitié montré Dagobert qui, dans un morne abattement, la tête bais
sée, les bras croises sur la poitrine, restait muet aux consolations em
pressées de la Mayeux.
Lorsque Rodin eut quitté la chambre, Adrienne, s'apprqchantdusol-'
dat, lui dit de sa voix douce et avec l'expression d'un profond intérêt :
— Votre entrée si brusqué m'a empêchée de vous faire une question
bien intéressante pour moi... Et votre hlessure?. *
— Merci 1 Mademoiselle, — dit Dagobert en sortant de sa pénibl»
préoccupation, — Merci! ça n'est pas grand'chose, maiis je n'ai pas le
temps d y songer... Je suis fâché d avoir été si brutal devant vous, d'a
voir chassé ce misérable ;.. mais c'est plus fort que moi ; à la vue de ces
gens-là... mon sang ne fait qu'un tour.
— Et pourtant, croyez-moi, vous avez été trop prompt à juger... la
personne qui était la tout-à-l'heure.
— Trop prompt... Mademoiselle... mais ce n'est pas d'aujourd'hui que
je le connais... Il était avec ce renégat d'abbé d'Aigrigny...
*■ —- Sans doute... ce qui ne l'empêche pas d'être un honnête et exc#l-
lent homme... K
— Lui!..—s'écria Dagobert.
— Oui... et il n'est en ce moment même occupé que d'une chose. ..
de vous faire rendre vos chères enfans.
— Lui !... — reprit Dagobert, en regardant Adrienne comme s'il ne
pouvait croire à ce qu'il entendait, — lui... me rendre mes enfans I
— Oui... plutôt que vous ne le pensez, peut-être. ' ,
— Mademoiselle, — dit tout-a-coup Dagobert ;—il vous trompe..-.
' vous êtes dupe de ce vieux gueux-là. . . . , ™
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