Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1844-07-03
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 03 juillet 1844 03 juillet 1844
Description : 1844/07/03 (Numéro 185). 1844/07/03 (Numéro 185).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k666775s
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
MERGIIESÎI 5 JUILLET 1844,
ÉDITION DE PARIS.
NUMÉRO 18S
DÉPARTEMENS,
Par Trimestre,
JOURNAL DU COMMERCE, POLITIQUE ET LITTERAIRE;.
ON S'ABONNE A PARIS, RUE MONTMARTRE, N. 121.
et, bans les départemens, chez les directeurs des postes,
et a toutes les messageries.
PARIS.
b» an 40 fb.
six mois 20
trois mois 10
DÉPARTEMENS ET ÉTRANGER.
cs a» 48 fr.
sis mois 24
trois mois. 12
INSERTIONS.
ta ligne 73 centimes.
toute insertion doit être aobéêe par le gérant.
Les lettres non affranchies seront rigoureusement refusées.
PARIS, « JUILLET.
Nous avons dit les raisons pour lesquelles ni M. le duc d'Âu-
male ni le fils aîné de don Carlos ne voulaient et ne pouvaient
aspirer à épouser la reine Isabelle.
On sait l'antipathie manifeste qui existait entre la reine Chris
tine et sa sœur l'infante Carlotta, épouse de l'infant François de
Paule. Cette antipathie ôtait toute chance, du vivant de Carlotta,
à l'un ou à l'autre de ses Sis de devenir l'époux de la reine. Main
tenant que l'infante est morte, les choses ont bien changé, et quoi
que la reine Christine n'ait pas de penchant à donner sa fille à
l'un de ses neveux,'il est .très possible que le choix des cortès
s'arrête sur l'un de ces princes plutôt que sur le comte de Trapani.
Les fils de l'infant de Paule sont Espagnols et Bourbons. Ils ont
de plus l'avantage sur leur concurrent de Naples de n'avoir pas
été élevés dans une cour absolue, par les jésuites et sous l'in
fluence de M. l'évêque de Patras.
Le cabinet français qui a toujours regardé l'affaire du mariage
de la reine comme' un grand embarras, chercha, il y a un an, dans
la maison de Naples, avant la mort de l'infante Carlotta , s'il ne
trouverait pas un prince en âge d'être marié et dont on pourrait
faire au plus viteTépoux d'Isabelle. On trouva lecomtedeTrapani,
âgé de 17 ans et frère du roi de Naples.
Le cabinet français en prit aussitôt son parti. Il s'empressa de
faire des ouvertures au roi de Naples qui les accueillit très bien et
envoya en toute hâte un ambassadeur à Madrid, il était en effet
indispensable de reconnaître Isabelle comme reine d'Espagne avant
de songer à l'épouser. Plus tard le roj de Naples, par reconnais
sance pour la cour des Tuileries, refusa une princesse de sa fa
mille au duc de Bordeaux.
Le mariage du comte de Trapani avec la reine Isabelle avait
donc été arrangé à Paris, en famille, avant le départ de Marie-Chris-
tinépour l'Espagne; on s'était assuré à Eu que l'Angleterre n'y
mettrait point d'opposition déclarée. Lord Aberdeen s'était renfer
mé dans sa forjnule ordinaire : c'egt une question parlementaire
et constitutionnelle pour l'Espagne ; faites agréer votre candidat
par les cortès et nous souscrirons à son mariage.
L'affaireainsi commencée fut d'abord poursuivie avec une grande
ardeur parla courdeFrance On s'occupa de préparer au prince un
bon accueil en Espagne, Voici ce qu'on imagina pour lui impro
viser une sorte de popularité : Le comte de Trapani devait passer
quelque temps en France, puis en Angleterre, pour étudier dans
ces deux pays le régime constitutionnel qu'à Naples il n'a pu
connaître qu'en théorie. Ainsi libéralisé par ces voyages, il pou
vait, pensait-on, aspirer au mariage parlementaire et briguer, sans
trop ae désavantage, les votes des cortès et la main d'Isabelle. On
avait même songé à un procédé plus expéditif pour faire mieux
accueillir le jeune comte de l'autre côté des Pyrénées. Il était
question de l'envoyer en Algérie, de lui faire gagner ses éperons
à côté du duc d'Aumale, de l'exposer à quelque balle arabe ou
marocaine, et de l'envoyer ensuite conquérir pacifiquement l'Es
pagne en débarquant tout glorieux des rivages africains.
Tous ces projets ont été ajournés aussi bien que celui d'une
présentation plus bourgeoise qui devait se faire à Barcelone. Ma
rie-Christine n'est pas pressée de marier sa fille, c'est-à-dire de
partâgerson crédit et de ne plus gouverner le cœur et les pen
sées d'Isabelle. L'Angleterre, qui n'avait mis d'abord aucune en
trave apparente à la réussite des projets du cabinet français, s'est
tout-à-coap démasquée en s'opposant de son mieux aux plans
qu'on voulait exécuter pendant le séjour de la cour à Bar
celone.
On s'étaitarrangépour faire arriver sans bruitlecomtedeTrapani
à Barcelone et pour bâcler le mariage. Les partis auraient pu
FEOTXit.ETOHT DU COKFSTITUTIO«rHTIX , BU 3 JUILLET 1844.
LE JUIF ERRANT
CHAPITRE VII.
le voyageur.
Au cri de la jeune fille, Dagobert se leva brusquement.
— Qu'avez-vous, Rose?
— Là... là...
Dit-elle en montrant la croisée.
— Il me semble avoir vu une niaindéranger la pelisse.
Rose n'avait pas achevé ces paroles, que Dagobert courait à la fenêtre.
Il l'ouvrit violemment après avoir ôté le manteau suspendu à l'es
pagnolette.
Il faisait toujours nuit noire et grand vent...
Le soldat prêta l'oreille, il n'entendit rien...
Revenant prendre la lumière sur la table, il tâcha d'éclairer au dehors
en abritant la flamme avec sa main.
li ne vit rien...
Fermant de nouveau la fenêtre, il se persuada qu'une bouffée de vent
ayant dérangé et agité la pelisse, Rose avait été dupe d'une fausse
peur.
— Rassurez-vous, mes enfans... Il vente très fort: c'est ce qui aura fait
remuer le coin du manteau.
—Il me semblait pourtant bien avoir vu des doigts qui l'écartaient,
Dit Rose, encore iremblante.
—Moi, je regardais Dagobert ; je n'ai rien vu, reprit Blanche.
—Et il n'y avait rien à voir, nies enfans, c'est tout simple ; la fenêtre
est au moins à huit pieds au-dessus du sol ; il faudrait être un géant pour
y atteindre, ou avoir une échelle poary monter. Cette échelle, on n'aurait
pas eu !e temps de l'ôter, puisque dès que Rose a crié, j'ai couru à la fe
nêtre, et qu'en avançant la lumière au dehors, je n'ai rien vu.
— Je me serai trompée, — dit Rose.
— Vois-tu,masœur... c'est le vent, — ajouta Blanche.
— Alors pardon de t'avoir dérangé, mon bon Dagobert.
— C'est égal, —reprit le soldat en réfléchissant, — je suis fâché que
(1) Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite,
.et serait poursuivie comme contrefaçon.
Yoir nos numéros des-23, 26, 27, 28, 29 juin et 2 juillet.
crier ensuite en Espagne; la chose une fois faite, il n'y aurait pas
eu à la défaire.
Ce projet a manqué surtout par le fait du ministre britannique.
Voici donc où en sont les choses : le roi de Naples épreuve
un très vif mécontentement. Il pense avoir fait assez d'avances, et
désormais il veut qu'on viènne à lui avec use promesse de ma
riage bien et dûment paraphée par qui de droit. De son côté , la
reine Christine ne parait pas disposée à rien faire qui puisse
calmer l'orgueil justement irrité du roi de Naples, et se laisse
accuser par le cabinet français de manquer à ses promesses.
Cependant, les journaux anglais annoncent tous les matins que
le projet est repris et que le comte de Trapaai est attendu à Bar
celone pour l'un des jours du mois de juillet. Jusqu'à plus amples
informations, nous ne croyons pas l'affaire aussi avancée.
Une correspondance de Barcelone, que nous trouvons aujour-
jourd'hui dans el Heraldo, journal de Madrid, vient à l'appui de
notre opinion.
D'après cette correspondance, M. Bresson, ambassadeur de
France, doit partir pour Naples à la fin de ce mois. Ce voyage ne
doit-il pas se rattacher à la question du mariage de là reine avec
le comte de Trapani ? et peut-il avoir d'autre but que celui de cal
mer la mauvaise humeur du roi de Naples, et de le décider à en
voyer son frère à Barcelone ?
: -4-O-t-sè-
HONTE ET PROFIT.
• Si le ministère avait réellement voulu faire accepter par les
chambres un projet de dotation, il n'avait qu'un moyen de le ten
ter. C'était de présenter une loi avant que la session fût aussi avan
cée, d'attacher son existence au vote ae la loi, de se dévouer pour
cette cause, de combattre jusqu'au bout. Ou la chambre, oubliant
le sentiment du pays et perdant tout-à-fait le souvenir des élec
tions dernières, aurait accordé la dotation au ministère, et alors
les ministres, responsables de la demande, obtenaient les avanta
ges du succès ; ou la chambre, bien inspirée, aurait persisté dans
ses refus, et le ministère vaincu aurait du moins attiré à lui toute
la responsabilité et couvert complètement la couronne.
C'était là, pour des hommes persuadés de la convenance et de
l'opportunité d'une loi de dotation, : une conduite honorable, cons
titutionnelle et loyale. '
Au lieu d'agir ainsi, que fait la ministère? Il publie à la fin de
la session, un article qui appelle pendant six mois sur la famille
royale et sur la royauté une discussion passionnée, pleine de périls,
déplorable à beaucoup d'égards. Une telle publication semble avoir
pour but d'irriter les esprits au lieu de les convaincre. Il est cer
tain qu'elle aura pour effet d'animer l'opinion publique, d'éclairer
les électeurs, d'affermiHes députés dans leurs résolutions: L'an
née prochaine l'immense majorité des membres de la chambre re
viendront de leurs départemens après avoir pris de nouveau et
d'une manière formelle, l'engagement de repousser tout projet de
loi sur la dotation. Ce dernier résultat est excellent ; mais est-ce
l'objet qu'on se proposait en publiant l'article, et ne valait-il pas
mieux résister courageusement à toute idée de dotation, que de
faire tomber sur la royauté par cette publication absurde, tout le
poids d'une semblable discussion?
Nous disons donc que les ministres viennent de manquer à tous
leurs devoirs envers la royauté; qu'ils ont trahi ses intérêts
véritables, sans même servir l'intérêt chimérique qui est l'objet
du débat. Ils découvrent la couronne; ils livrent le dépôt qui leur
est confié; ils appellent sur l'institution royale l'hostilité des fac
tions ennemies et le mécontentement des plus zélés partisans ; ils
n'auront pas l'argent et ils éloignent l'affection.
D'où vient cette faute inqualifiable? de ce qu'ils ne veulent ni
résister à des volontés imprudentes, ni risquer d'entrer en lutte
Rabat-joie ne soit pas revenu, il aurait veillé la fenêtre, cela vous au
rait rassurées ; mais il aura flairé l'écurie de son camarade Jovial, et il
aura été lui dire bonsoir en passant;., j'ai envie d'aller le chercher.
—Oh non, Dagobert, ne nous laisse pas seules, — s'écrièrent les pe
tites filles, — nous aurions trop peur.
— Au fait, Rabat-joie ne peut maintenant tarder à revenir, et tout à
l'heure nous l'entendrons gratter à la porte, j'en suis sûr.. Ah ça! con
tinuons notre récit, dit Dagobert, et il s assit au chevet des deux
sœurs, cette fois bien en face de la fenêtre :
—YoiUulonelegénéral prisonnier à'varsovie, et amoureux de votre mère,
que l'on voulait marieràun autre—reprit-il. —En 1814, nous apprenonsla
fin de la guerre, l'exil de l'empereur à l'île d'Elbe et le retour des Bour
bons: d'accord avec les Prussiens et les Russes, qui les avaient ra
menés, ils avaient exilé l'empereur à l'île d'Elbe; apprenant cela, votre
mère dit au général : la guerre est terminée, vous êtes libre, l'Empereur
est malheureux; vous lui devez tout: allas le retrouver... je ne sais
quand nous nous reverrons , mais je n'épouserai que vous , vous me
trouverez jusqu'à la mort... Avant de partir, le général m'appelle :
« Dagobert, reste ici, mademoiselle Eva aura peut-être besoin
>: de toi pour fuir sa famille, si on la tourmente trop; notre correspon-
» dance passera par tes mains ; à Paris, je verrai ta femme, ton fils, je
» les rassurerai... je leur dirai que tu es pour moi... un ami. »
— Toujours le même, — dit Rose attendrie, en regardant Dagobert.
— Bon pour le père et pour la mère, comme pour les enfans"... —
ajouta Blanche.
—Aimer les uns, c'est aimerles autres,—répondit le soldat.—Voilà donc
le général à l'île d'Elbe avec l'empereur; moi, à Varsovie, caché dans les
environs de la maison de votre mère ; je recevais les lettres, et les lui
portais en cachette ;.. dans une de ces lettres, je vous le dis fièrement,
mes enfans, le général m'apprenait que l'Empereur s'était souvenu de
moi.
'— De toi!... il te connaissait.
— Un peu , je m'en flatte. — « Ah! Dagobert, » —a-t-il dit à voire
père qui lui parlait de moi : < un grenadier à cheval de ma vieille garde...
» soldat d'Egypte et d'Italie, criblé de blessures, un vieux pince-sans-
» rire... que j'ai décoré de ma main à Wagram, je ne l'ai pas oublié...»
— Dame, mes enfans, quand votre mère m'a lu cela... j'en ai pleuré
comme une bête...
— L'Empereur... quel beau visage d'or il avait sur ta croix d'argent à
ruban rouge que tu nous montrais, quand nous étions sages!
•—■ C'est qu'aussi cette croix-là, donnée par lui, c'est ma .relique
à moi, et elle est là dans mon sac avec ce que j'ai de plus précieux,
notre boursicot, et nos papiers... Mais pour en revenir à votre mère,
contre le sentiment de la chambre. C'est donc un défaut manifeste
de courage. Voilà la honte de leur conduite.
En voici maintenant le profit. L'article du Moniteur, a été suivi
d'une explosion de l'opinion publique; les députés de tous les
partis se sont prononcés avec force; la dotation est manifestement
impossible. Les ministres, malgré leur échec, éprouvent une cer
taine joie : ils pensent que cet éclat de l'opinion fera cesser les-
instances auxquelles ils n'osent pas, disent-ils, résister, et qu'il
les délivrera pour toujours de la question. >
Comme ils sont cependant, après tout, responsables de l'article
du Moniteur, comme cette publication est de leur part ou un ac- ;
te de folie ou un acte de déloyauté., .comme leur manque de cou.- .
rage apparaît à tous les yeux,'ils sentent bien que la séance d'hier
leur a porté un coup funeste. Les effets inévitables de la publica
tion du Moniteur tourneront à leur confusion. Ils ont beau se
croire à l'abri derrière la royauté qu'ils livrent à la plus fâdieuse
polémique, le pavs saura bien les atteindre et les juger. Mais du >
moins, pensent-ils, ils n'ont pas été réduits à déposer leurs por
tefeuilles sur Ip. table du conseil ou sur le bureau de la chambre.
Us échappent peut-être aux dangers d'une lutte parlementaire, aux
dépens de la royauté, aux dépens de l'estime qu'on a de leur pro
pre administration. Ils ont la vie sauve, tout n'est-il pas sauvé?
Hier, en sortant de la chambre, ils étaient accablés et confus ;
mais à travers leur confusion, perçait une sorte de satisfaction,
honteuse d'elle-même, et qui n osait pas se faire voir tout entière.
Nous'jouons, semblaient-ils se dire, un rôle peu noble ; nous n'a
vons pas un mot à dire pour excuser nos sottises ; on nous gour
mande, on nous baffoue; mais au fond nous voilà délivrés de la ;
dotation, et nous sommes toujours ministres. Honte et profit.
: Î-O
Les fabricans et industriels de Paris qui font des affaires^féc
la Plata, avaient formé le projet de se réunir aujourd'hui, ntfrpô'ur
examiner la question de Montevideo et de Buénos-Ayres au point
.de vue politique, mais pour s'occuper des intérêts commerciaux,
'plus ou moins compromis dans la lutte des deux républiques. MM.
lteynaud et Linard, deux des négocians français qui ont le plus
de relations avec la Plata, s'étaient rendus hier matin à la préfec
ture de police pour faire la déclaration légale et demander au nom
des principaux intéressés l'autorisation de se réunir ; ils avaient
pris soin de faire connaître exactement l'objet de la réunion. '
Ils devaient s'assembler aujourd'hui mardi à une heure et de
mie. Peu de momeijs avant l'heure fixée on a fait savoir à MM. Li
nard et Reynaud que l'autorisation leur était refusée. M. Guizot
ne veut pas que les fabricans , les commerçans, les dépositaires ,
les entjppreneurs de commissions, qui ont presque toute leur for
tune engagée dans les affaires de Montevideo puissent s'entendre
pour se préserver d'une ruine imminente et pour intéresser, par
une pétition , les chambres à leur sort. Pendant que l'on con
damne les malheureux Français de Montevideo à l'inaction^ 'on
s'efforce de réduire au silence les Français de la mère pat rie,'dont
les relations, la famille , les intérêts sont compromis en Amé
rique. Vous verrez que plusieurs centaines d'honorables commer-
çans de Paris seront traités comme des aventuriers, parce qu'ilsont*--;
à se plaindre de l'abandon où le gouvernement laisse leurs inté- <
rêts légitimes.
Cette sorte de persécution organisée à Montevideo et à Paris,
contre un nombre considérable de Français, en faveur d'un bri
gand d'Amérique, est un des faits les plus étranges et les plus
inexplicables, si la politique de la peur ne suffisait pas pour tout
expliquer.
Heureusement qu'on n'a pas ici pour imposer silence aux ci
toyens qui se plaignent, la menace des canons d'un amiral et les
mesures illégales d'un consul. Les chambres et l'opinion publique
de lui porter les lettres du général, d'en parler avec elle, ça la consolait,
car elle souffrait; oh oui, et beaucoup; ses parens avaient beau la tour
menter, s'acharner après elle, elle répondait toujours : je n'épouserai ja
mais que le général Simon. Fièrefemme, allez. .Résignée, mais courageuse
il fallait voir ! Un jour elle reçoit une lettre du général : il avait quitté
l'île d'Elbe avec l'Empereur; voilà la guerre qui recommence ; dans
cette campagne de France, surtout à Montmirail, mes enfans, votre père
se bat comme un lion, et son corps d'armée fait comme lui, ce n'était
plus de la bravoure... c'était de la rage, il m'a dit qu'en Champagne
les paysans en avait tant tué, tant tué de ces Prussiens, que leurs
champsen ont eu de l'engrais pour des années ! hommes, femmes, en
fans, tout courait dessus! Fourches, pierres, pioches, tout était bon pour
la tuerie... vrai battue de loups!...
Et les veinesdu front du soldatsêgonflaient, ses joues s'enflammaient,
cet héroïsme populaire lui rappelait le sublime élan des guerres de la
république, ces levées en masse, dont il avait fait partie, premier pas de
sa vie militaire.
Les orphelines, filles d'un soldat et d'une mère courageuse, se sentaient
émues à ces paroles énergiques, au lieu d'être effrayées de leur rudesse ;
leur cœur battait plus fort, leurs joues s'animaient aussi.
— Quel bonheur pour nous d'être filles d'un père si brave!..—s'écria
Blanche.
— Quel bonheur... et quel honneur, mes enfans, car îe soir du combat
de Montmirail, l'Empereur, à la joie de toute l'armée, nomma votre père
sur le champ de bataille, duc de Montmirail et Maréchal de France...
— Maréchal de France! —Dit Rose étonnée, sans trop comprendre la
valeur de ces mots.
— Duc de Montmirail ! — Reprit Blanche aussi surprise.
—Oui, Pierre Simon, fils d'un ouvrier, duc et maréchal : il faut-étre roi
pour être davantage, — reprit Dagobert, avec orgueil. —Voilà comment
l'Empereur traitait les enfans du peuple, aussi le peuple était à lui; on
avait beau lui dire : «Mais ton Empereur fait de toi de la chair à "Mon.—
» Bah ! un autre ferait de moi de la chair A misère, —répondait le peu pie, qui
» n'est pas bête, —j'aime mieux le canon, et risquer de devenir capi-
» laine, colonel, maréchal, roi... ou invalide; ça vaut encore mieux
» que de crever de faim , de froid et de vieillesse sur la paille d'un
» grenier, après avoir travaillé quarante ans pour les autres. »
— Même en France... même à Paris, dans cette belle ville...il y a des
malheureux qui meurent de faim et de misère... Dagobert?
— Même à Paris..'. Oui, mes enfans; aussi j'en reviens là... le ca
non vaut mieux, car on risque, comme votre père, d'être duc et maré
chal; quand je dis duc et maréchal,' j'ai raison et j'ai tort, car plus tard v
on ne lui a pas reconnu ce titre et ce grade, parce que, après Montrai-
ÉDITION DE PARIS.
NUMÉRO 18S
DÉPARTEMENS,
Par Trimestre,
JOURNAL DU COMMERCE, POLITIQUE ET LITTERAIRE;.
ON S'ABONNE A PARIS, RUE MONTMARTRE, N. 121.
et, bans les départemens, chez les directeurs des postes,
et a toutes les messageries.
PARIS.
b» an 40 fb.
six mois 20
trois mois 10
DÉPARTEMENS ET ÉTRANGER.
cs a» 48 fr.
sis mois 24
trois mois. 12
INSERTIONS.
ta ligne 73 centimes.
toute insertion doit être aobéêe par le gérant.
Les lettres non affranchies seront rigoureusement refusées.
PARIS, « JUILLET.
Nous avons dit les raisons pour lesquelles ni M. le duc d'Âu-
male ni le fils aîné de don Carlos ne voulaient et ne pouvaient
aspirer à épouser la reine Isabelle.
On sait l'antipathie manifeste qui existait entre la reine Chris
tine et sa sœur l'infante Carlotta, épouse de l'infant François de
Paule. Cette antipathie ôtait toute chance, du vivant de Carlotta,
à l'un ou à l'autre de ses Sis de devenir l'époux de la reine. Main
tenant que l'infante est morte, les choses ont bien changé, et quoi
que la reine Christine n'ait pas de penchant à donner sa fille à
l'un de ses neveux,'il est .très possible que le choix des cortès
s'arrête sur l'un de ces princes plutôt que sur le comte de Trapani.
Les fils de l'infant de Paule sont Espagnols et Bourbons. Ils ont
de plus l'avantage sur leur concurrent de Naples de n'avoir pas
été élevés dans une cour absolue, par les jésuites et sous l'in
fluence de M. l'évêque de Patras.
Le cabinet français qui a toujours regardé l'affaire du mariage
de la reine comme' un grand embarras, chercha, il y a un an, dans
la maison de Naples, avant la mort de l'infante Carlotta , s'il ne
trouverait pas un prince en âge d'être marié et dont on pourrait
faire au plus viteTépoux d'Isabelle. On trouva lecomtedeTrapani,
âgé de 17 ans et frère du roi de Naples.
Le cabinet français en prit aussitôt son parti. Il s'empressa de
faire des ouvertures au roi de Naples qui les accueillit très bien et
envoya en toute hâte un ambassadeur à Madrid, il était en effet
indispensable de reconnaître Isabelle comme reine d'Espagne avant
de songer à l'épouser. Plus tard le roj de Naples, par reconnais
sance pour la cour des Tuileries, refusa une princesse de sa fa
mille au duc de Bordeaux.
Le mariage du comte de Trapani avec la reine Isabelle avait
donc été arrangé à Paris, en famille, avant le départ de Marie-Chris-
tinépour l'Espagne; on s'était assuré à Eu que l'Angleterre n'y
mettrait point d'opposition déclarée. Lord Aberdeen s'était renfer
mé dans sa forjnule ordinaire : c'egt une question parlementaire
et constitutionnelle pour l'Espagne ; faites agréer votre candidat
par les cortès et nous souscrirons à son mariage.
L'affaireainsi commencée fut d'abord poursuivie avec une grande
ardeur parla courdeFrance On s'occupa de préparer au prince un
bon accueil en Espagne, Voici ce qu'on imagina pour lui impro
viser une sorte de popularité : Le comte de Trapani devait passer
quelque temps en France, puis en Angleterre, pour étudier dans
ces deux pays le régime constitutionnel qu'à Naples il n'a pu
connaître qu'en théorie. Ainsi libéralisé par ces voyages, il pou
vait, pensait-on, aspirer au mariage parlementaire et briguer, sans
trop ae désavantage, les votes des cortès et la main d'Isabelle. On
avait même songé à un procédé plus expéditif pour faire mieux
accueillir le jeune comte de l'autre côté des Pyrénées. Il était
question de l'envoyer en Algérie, de lui faire gagner ses éperons
à côté du duc d'Aumale, de l'exposer à quelque balle arabe ou
marocaine, et de l'envoyer ensuite conquérir pacifiquement l'Es
pagne en débarquant tout glorieux des rivages africains.
Tous ces projets ont été ajournés aussi bien que celui d'une
présentation plus bourgeoise qui devait se faire à Barcelone. Ma
rie-Christine n'est pas pressée de marier sa fille, c'est-à-dire de
partâgerson crédit et de ne plus gouverner le cœur et les pen
sées d'Isabelle. L'Angleterre, qui n'avait mis d'abord aucune en
trave apparente à la réussite des projets du cabinet français, s'est
tout-à-coap démasquée en s'opposant de son mieux aux plans
qu'on voulait exécuter pendant le séjour de la cour à Bar
celone.
On s'étaitarrangépour faire arriver sans bruitlecomtedeTrapani
à Barcelone et pour bâcler le mariage. Les partis auraient pu
FEOTXit.ETOHT DU COKFSTITUTIO«rHTIX , BU 3 JUILLET 1844.
LE JUIF ERRANT
CHAPITRE VII.
le voyageur.
Au cri de la jeune fille, Dagobert se leva brusquement.
— Qu'avez-vous, Rose?
— Là... là...
Dit-elle en montrant la croisée.
— Il me semble avoir vu une niaindéranger la pelisse.
Rose n'avait pas achevé ces paroles, que Dagobert courait à la fenêtre.
Il l'ouvrit violemment après avoir ôté le manteau suspendu à l'es
pagnolette.
Il faisait toujours nuit noire et grand vent...
Le soldat prêta l'oreille, il n'entendit rien...
Revenant prendre la lumière sur la table, il tâcha d'éclairer au dehors
en abritant la flamme avec sa main.
li ne vit rien...
Fermant de nouveau la fenêtre, il se persuada qu'une bouffée de vent
ayant dérangé et agité la pelisse, Rose avait été dupe d'une fausse
peur.
— Rassurez-vous, mes enfans... Il vente très fort: c'est ce qui aura fait
remuer le coin du manteau.
—Il me semblait pourtant bien avoir vu des doigts qui l'écartaient,
Dit Rose, encore iremblante.
—Moi, je regardais Dagobert ; je n'ai rien vu, reprit Blanche.
—Et il n'y avait rien à voir, nies enfans, c'est tout simple ; la fenêtre
est au moins à huit pieds au-dessus du sol ; il faudrait être un géant pour
y atteindre, ou avoir une échelle poary monter. Cette échelle, on n'aurait
pas eu !e temps de l'ôter, puisque dès que Rose a crié, j'ai couru à la fe
nêtre, et qu'en avançant la lumière au dehors, je n'ai rien vu.
— Je me serai trompée, — dit Rose.
— Vois-tu,masœur... c'est le vent, — ajouta Blanche.
— Alors pardon de t'avoir dérangé, mon bon Dagobert.
— C'est égal, —reprit le soldat en réfléchissant, — je suis fâché que
(1) Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite,
.et serait poursuivie comme contrefaçon.
Yoir nos numéros des-23, 26, 27, 28, 29 juin et 2 juillet.
crier ensuite en Espagne; la chose une fois faite, il n'y aurait pas
eu à la défaire.
Ce projet a manqué surtout par le fait du ministre britannique.
Voici donc où en sont les choses : le roi de Naples épreuve
un très vif mécontentement. Il pense avoir fait assez d'avances, et
désormais il veut qu'on viènne à lui avec use promesse de ma
riage bien et dûment paraphée par qui de droit. De son côté , la
reine Christine ne parait pas disposée à rien faire qui puisse
calmer l'orgueil justement irrité du roi de Naples, et se laisse
accuser par le cabinet français de manquer à ses promesses.
Cependant, les journaux anglais annoncent tous les matins que
le projet est repris et que le comte de Trapaai est attendu à Bar
celone pour l'un des jours du mois de juillet. Jusqu'à plus amples
informations, nous ne croyons pas l'affaire aussi avancée.
Une correspondance de Barcelone, que nous trouvons aujour-
jourd'hui dans el Heraldo, journal de Madrid, vient à l'appui de
notre opinion.
D'après cette correspondance, M. Bresson, ambassadeur de
France, doit partir pour Naples à la fin de ce mois. Ce voyage ne
doit-il pas se rattacher à la question du mariage de là reine avec
le comte de Trapani ? et peut-il avoir d'autre but que celui de cal
mer la mauvaise humeur du roi de Naples, et de le décider à en
voyer son frère à Barcelone ?
: -4-O-t-sè-
HONTE ET PROFIT.
• Si le ministère avait réellement voulu faire accepter par les
chambres un projet de dotation, il n'avait qu'un moyen de le ten
ter. C'était de présenter une loi avant que la session fût aussi avan
cée, d'attacher son existence au vote ae la loi, de se dévouer pour
cette cause, de combattre jusqu'au bout. Ou la chambre, oubliant
le sentiment du pays et perdant tout-à-fait le souvenir des élec
tions dernières, aurait accordé la dotation au ministère, et alors
les ministres, responsables de la demande, obtenaient les avanta
ges du succès ; ou la chambre, bien inspirée, aurait persisté dans
ses refus, et le ministère vaincu aurait du moins attiré à lui toute
la responsabilité et couvert complètement la couronne.
C'était là, pour des hommes persuadés de la convenance et de
l'opportunité d'une loi de dotation, : une conduite honorable, cons
titutionnelle et loyale. '
Au lieu d'agir ainsi, que fait la ministère? Il publie à la fin de
la session, un article qui appelle pendant six mois sur la famille
royale et sur la royauté une discussion passionnée, pleine de périls,
déplorable à beaucoup d'égards. Une telle publication semble avoir
pour but d'irriter les esprits au lieu de les convaincre. Il est cer
tain qu'elle aura pour effet d'animer l'opinion publique, d'éclairer
les électeurs, d'affermiHes députés dans leurs résolutions: L'an
née prochaine l'immense majorité des membres de la chambre re
viendront de leurs départemens après avoir pris de nouveau et
d'une manière formelle, l'engagement de repousser tout projet de
loi sur la dotation. Ce dernier résultat est excellent ; mais est-ce
l'objet qu'on se proposait en publiant l'article, et ne valait-il pas
mieux résister courageusement à toute idée de dotation, que de
faire tomber sur la royauté par cette publication absurde, tout le
poids d'une semblable discussion?
Nous disons donc que les ministres viennent de manquer à tous
leurs devoirs envers la royauté; qu'ils ont trahi ses intérêts
véritables, sans même servir l'intérêt chimérique qui est l'objet
du débat. Ils découvrent la couronne; ils livrent le dépôt qui leur
est confié; ils appellent sur l'institution royale l'hostilité des fac
tions ennemies et le mécontentement des plus zélés partisans ; ils
n'auront pas l'argent et ils éloignent l'affection.
D'où vient cette faute inqualifiable? de ce qu'ils ne veulent ni
résister à des volontés imprudentes, ni risquer d'entrer en lutte
Rabat-joie ne soit pas revenu, il aurait veillé la fenêtre, cela vous au
rait rassurées ; mais il aura flairé l'écurie de son camarade Jovial, et il
aura été lui dire bonsoir en passant;., j'ai envie d'aller le chercher.
—Oh non, Dagobert, ne nous laisse pas seules, — s'écrièrent les pe
tites filles, — nous aurions trop peur.
— Au fait, Rabat-joie ne peut maintenant tarder à revenir, et tout à
l'heure nous l'entendrons gratter à la porte, j'en suis sûr.. Ah ça! con
tinuons notre récit, dit Dagobert, et il s assit au chevet des deux
sœurs, cette fois bien en face de la fenêtre :
—YoiUulonelegénéral prisonnier à'varsovie, et amoureux de votre mère,
que l'on voulait marieràun autre—reprit-il. —En 1814, nous apprenonsla
fin de la guerre, l'exil de l'empereur à l'île d'Elbe et le retour des Bour
bons: d'accord avec les Prussiens et les Russes, qui les avaient ra
menés, ils avaient exilé l'empereur à l'île d'Elbe; apprenant cela, votre
mère dit au général : la guerre est terminée, vous êtes libre, l'Empereur
est malheureux; vous lui devez tout: allas le retrouver... je ne sais
quand nous nous reverrons , mais je n'épouserai que vous , vous me
trouverez jusqu'à la mort... Avant de partir, le général m'appelle :
« Dagobert, reste ici, mademoiselle Eva aura peut-être besoin
>: de toi pour fuir sa famille, si on la tourmente trop; notre correspon-
» dance passera par tes mains ; à Paris, je verrai ta femme, ton fils, je
» les rassurerai... je leur dirai que tu es pour moi... un ami. »
— Toujours le même, — dit Rose attendrie, en regardant Dagobert.
— Bon pour le père et pour la mère, comme pour les enfans"... —
ajouta Blanche.
—Aimer les uns, c'est aimerles autres,—répondit le soldat.—Voilà donc
le général à l'île d'Elbe avec l'empereur; moi, à Varsovie, caché dans les
environs de la maison de votre mère ; je recevais les lettres, et les lui
portais en cachette ;.. dans une de ces lettres, je vous le dis fièrement,
mes enfans, le général m'apprenait que l'Empereur s'était souvenu de
moi.
'— De toi!... il te connaissait.
— Un peu , je m'en flatte. — « Ah! Dagobert, » —a-t-il dit à voire
père qui lui parlait de moi : < un grenadier à cheval de ma vieille garde...
» soldat d'Egypte et d'Italie, criblé de blessures, un vieux pince-sans-
» rire... que j'ai décoré de ma main à Wagram, je ne l'ai pas oublié...»
— Dame, mes enfans, quand votre mère m'a lu cela... j'en ai pleuré
comme une bête...
— L'Empereur... quel beau visage d'or il avait sur ta croix d'argent à
ruban rouge que tu nous montrais, quand nous étions sages!
•—■ C'est qu'aussi cette croix-là, donnée par lui, c'est ma .relique
à moi, et elle est là dans mon sac avec ce que j'ai de plus précieux,
notre boursicot, et nos papiers... Mais pour en revenir à votre mère,
contre le sentiment de la chambre. C'est donc un défaut manifeste
de courage. Voilà la honte de leur conduite.
En voici maintenant le profit. L'article du Moniteur, a été suivi
d'une explosion de l'opinion publique; les députés de tous les
partis se sont prononcés avec force; la dotation est manifestement
impossible. Les ministres, malgré leur échec, éprouvent une cer
taine joie : ils pensent que cet éclat de l'opinion fera cesser les-
instances auxquelles ils n'osent pas, disent-ils, résister, et qu'il
les délivrera pour toujours de la question. >
Comme ils sont cependant, après tout, responsables de l'article
du Moniteur, comme cette publication est de leur part ou un ac- ;
te de folie ou un acte de déloyauté., .comme leur manque de cou.- .
rage apparaît à tous les yeux,'ils sentent bien que la séance d'hier
leur a porté un coup funeste. Les effets inévitables de la publica
tion du Moniteur tourneront à leur confusion. Ils ont beau se
croire à l'abri derrière la royauté qu'ils livrent à la plus fâdieuse
polémique, le pavs saura bien les atteindre et les juger. Mais du >
moins, pensent-ils, ils n'ont pas été réduits à déposer leurs por
tefeuilles sur Ip. table du conseil ou sur le bureau de la chambre.
Us échappent peut-être aux dangers d'une lutte parlementaire, aux
dépens de la royauté, aux dépens de l'estime qu'on a de leur pro
pre administration. Ils ont la vie sauve, tout n'est-il pas sauvé?
Hier, en sortant de la chambre, ils étaient accablés et confus ;
mais à travers leur confusion, perçait une sorte de satisfaction,
honteuse d'elle-même, et qui n osait pas se faire voir tout entière.
Nous'jouons, semblaient-ils se dire, un rôle peu noble ; nous n'a
vons pas un mot à dire pour excuser nos sottises ; on nous gour
mande, on nous baffoue; mais au fond nous voilà délivrés de la ;
dotation, et nous sommes toujours ministres. Honte et profit.
: Î-O
Les fabricans et industriels de Paris qui font des affaires^féc
la Plata, avaient formé le projet de se réunir aujourd'hui, ntfrpô'ur
examiner la question de Montevideo et de Buénos-Ayres au point
.de vue politique, mais pour s'occuper des intérêts commerciaux,
'plus ou moins compromis dans la lutte des deux républiques. MM.
lteynaud et Linard, deux des négocians français qui ont le plus
de relations avec la Plata, s'étaient rendus hier matin à la préfec
ture de police pour faire la déclaration légale et demander au nom
des principaux intéressés l'autorisation de se réunir ; ils avaient
pris soin de faire connaître exactement l'objet de la réunion. '
Ils devaient s'assembler aujourd'hui mardi à une heure et de
mie. Peu de momeijs avant l'heure fixée on a fait savoir à MM. Li
nard et Reynaud que l'autorisation leur était refusée. M. Guizot
ne veut pas que les fabricans , les commerçans, les dépositaires ,
les entjppreneurs de commissions, qui ont presque toute leur for
tune engagée dans les affaires de Montevideo puissent s'entendre
pour se préserver d'une ruine imminente et pour intéresser, par
une pétition , les chambres à leur sort. Pendant que l'on con
damne les malheureux Français de Montevideo à l'inaction^ 'on
s'efforce de réduire au silence les Français de la mère pat rie,'dont
les relations, la famille , les intérêts sont compromis en Amé
rique. Vous verrez que plusieurs centaines d'honorables commer-
çans de Paris seront traités comme des aventuriers, parce qu'ilsont*--;
à se plaindre de l'abandon où le gouvernement laisse leurs inté- <
rêts légitimes.
Cette sorte de persécution organisée à Montevideo et à Paris,
contre un nombre considérable de Français, en faveur d'un bri
gand d'Amérique, est un des faits les plus étranges et les plus
inexplicables, si la politique de la peur ne suffisait pas pour tout
expliquer.
Heureusement qu'on n'a pas ici pour imposer silence aux ci
toyens qui se plaignent, la menace des canons d'un amiral et les
mesures illégales d'un consul. Les chambres et l'opinion publique
de lui porter les lettres du général, d'en parler avec elle, ça la consolait,
car elle souffrait; oh oui, et beaucoup; ses parens avaient beau la tour
menter, s'acharner après elle, elle répondait toujours : je n'épouserai ja
mais que le général Simon. Fièrefemme, allez. .Résignée, mais courageuse
il fallait voir ! Un jour elle reçoit une lettre du général : il avait quitté
l'île d'Elbe avec l'Empereur; voilà la guerre qui recommence ; dans
cette campagne de France, surtout à Montmirail, mes enfans, votre père
se bat comme un lion, et son corps d'armée fait comme lui, ce n'était
plus de la bravoure... c'était de la rage, il m'a dit qu'en Champagne
les paysans en avait tant tué, tant tué de ces Prussiens, que leurs
champsen ont eu de l'engrais pour des années ! hommes, femmes, en
fans, tout courait dessus! Fourches, pierres, pioches, tout était bon pour
la tuerie... vrai battue de loups!...
Et les veinesdu front du soldatsêgonflaient, ses joues s'enflammaient,
cet héroïsme populaire lui rappelait le sublime élan des guerres de la
république, ces levées en masse, dont il avait fait partie, premier pas de
sa vie militaire.
Les orphelines, filles d'un soldat et d'une mère courageuse, se sentaient
émues à ces paroles énergiques, au lieu d'être effrayées de leur rudesse ;
leur cœur battait plus fort, leurs joues s'animaient aussi.
— Quel bonheur pour nous d'être filles d'un père si brave!..—s'écria
Blanche.
— Quel bonheur... et quel honneur, mes enfans, car îe soir du combat
de Montmirail, l'Empereur, à la joie de toute l'armée, nomma votre père
sur le champ de bataille, duc de Montmirail et Maréchal de France...
— Maréchal de France! —Dit Rose étonnée, sans trop comprendre la
valeur de ces mots.
— Duc de Montmirail ! — Reprit Blanche aussi surprise.
—Oui, Pierre Simon, fils d'un ouvrier, duc et maréchal : il faut-étre roi
pour être davantage, — reprit Dagobert, avec orgueil. —Voilà comment
l'Empereur traitait les enfans du peuple, aussi le peuple était à lui; on
avait beau lui dire : «Mais ton Empereur fait de toi de la chair à "Mon.—
» Bah ! un autre ferait de moi de la chair A misère, —répondait le peu pie, qui
» n'est pas bête, —j'aime mieux le canon, et risquer de devenir capi-
» laine, colonel, maréchal, roi... ou invalide; ça vaut encore mieux
» que de crever de faim , de froid et de vieillesse sur la paille d'un
» grenier, après avoir travaillé quarante ans pour les autres. »
— Même en France... même à Paris, dans cette belle ville...il y a des
malheureux qui meurent de faim et de misère... Dagobert?
— Même à Paris..'. Oui, mes enfans; aussi j'en reviens là... le ca
non vaut mieux, car on risque, comme votre père, d'être duc et maré
chal; quand je dis duc et maréchal,' j'ai raison et j'ai tort, car plus tard v
on ne lui a pas reconnu ce titre et ce grade, parce que, après Montrai-
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