MARDI 21 FÉVRIER 1843.
ÊbrnON DE PARIS
NUMERO
RNAL DU
POLÏTÏ^tÎE ET XITTÉKAmîîv
n . ; .. ; ■ ' , ;..- v ,; nvnr n -j—-. w ,■ —
oh «■abonné à ParU . au bureau du CoxsnTvrioma., rue Montmartre, n. 121, iù l'on reçoit les riclaœafiow de» |MAtei^jrt*MMa. qui imérMsent le public, $a«s lesfifpmmeru,
«.Vabê^echez^teslibraireg, les dirfecteurs de peste, et, tant augmentation de prit, chez les directeurs des Messageries de fc rue Nqtre-DamMes^fctoireMtdes Meteagerjes Lafftteet ÇaïUard» Pri* # de rabounement f ; ,,
^^p^r un mois.20 fr* pour trois mois, 40 fr, peur six mois, et 80 fr. pour l'année, franc de port. Lès Annonces, agréera; sont reçues à raison de l fr. la'lighe.^L envoie leur prix a lieu comme jwurte abopemeM.
..j.,■»■■■.■■■■■'..n.■.■■»■■.--—T ----- '
— - Ce programme, qull n'ap'partient aujoiird'hui àpersonne de den-
' 20 FÉVRIER. . i n
' Nous voudrions que personne ne se méprît gur le seBS et la por
tée du débat qui va s'ouvrir.
La question qui est soumise à la chambre, eelle que son vote de
vra décidfer, n'est pas de savoirs'il faut ou non, accorder des fonds
secrete , c'est de savoir si ellea «a non co&flapçe j$|DS : . U ministère..
; Quel que spit l'amendement décisio» -de 1» :
chambre aura cette signification. ^
On a dit que le ministère était décidé àrfester, même après l'adop
tion d'un amendement. On a signalé la réserve de l'exposé des mo
tifs qui ne! dit pas un mot de la. question de confiance, et le langage
non moins discret qu'ont tenu dans léurs bureaux MM. Guizot et Da-
chàtél. ^
Il est passible que M-le ministre de l'intérieur soit résigné à sub
venir aux dépense? de, police avec une allocation moindre que celle
qu 'il a demandée. Mais sa résignation et celle "de M. Guizot ne
pourront pas être mises à l'épreuve, pour deux raisons : en premier
lieu, la chambre, qui aurait solennellement manifesté son manque de
confiance, ne tolérerait pas qu'en se jouât d'elle, et elle aurait bien
tôt fait justice des prétentions inconstitutionnelles d'un cabinet, qui
voudrait gouverner malgré la majorité. En second lieu, dans le sein
même du cabinet, il est des hommes que l'amour du pouvoir n'a
veugle pas,et qui ont publiquement annoncé l'intention de se reti
rer, si l'issue du débat n'est pas favorable au ministère. Ces refaites
partielles amèneraient nécessairement la dislocation du cabinet, car
quel est l 'homme politique, qui consentirait à entrer dans une admi-
ministration que la chambre aurait condamnée ?
Ainsi le sens du vote est net, et ses résultats sont certains : restent
les difficultés de la discussion.
On a dit dans la -presse, on "S dit dans les bureaux de la chambre,
on répétera peut-être à la tribune , que la question eât complexe ;
qu'il ne s'agit pas seulement de-savoir si on a ou non confiance dans
le ministère , mais qu'il faut aussi rechercher si au système qu'on
désapprouve,[succédera ua système qu'on puisse approuver; on vou
dra sàvoti-, en un mot], quel sera le programme du futur ministère.
A cette sollicitude très-louable, il n'y a qu'une objection à faire,
mais elle «st péremptoire. Les explications qu'on voudrait obtenir
ne peuvent être données par personne. Il n'y a, en face de la cham
bre, qu'un ministère ; c'est celui dont on juge la conduite lçs dé
putés n'ont que des opinions personnelles à émettre , et il n'appar
tient à aucun d'eux, quelle que soit sa valeur, de formuler le pro
gramme d'un ministère qui n'existe pas.
. Ce qu'on demande est done tout simplement impraticable. Si l'on
' s'obstinait à réclamer ces débats anticipés sur une politique future,
on paralyserait'tout à la fois la prérogative royale et la prérogative
des chambres. On donnerait aux cabinets en exercice un brevet
d'immutabilité. . , .
Est-ce à dire, pour cela, que la chambre soit désarmée contre
les mauvaises tendances d'une administration nouvelle? Pas le moins
du monde. En renversant un cabinet, elle se réserve tous ses droits
contre le cabinet qui le remplace.
ner, on l'obtiendra certainement du ministère qui recueillera la suc
cession des ministres actuels»Si ja majorité l 'agrée , elle lui donne
ra son appui. Si elle le repoussey ellepoHrra^ elle devra,pour sa
propre' dignité, exprimer éiiergiquement s? désapprobation et refu
ser sa confiance. •' . j ■■■ ,
Les droits de la chambre restent .entiers ; mais il y a peu à craindre j
si elle retire sa majorité ai} cafcin^ t jietuelque cette éûer^içuélé-'
çon soit perMç ppjwaw j»aweflU>ï^*Hdi^y f *f«»ieeKBa(trft que
le changement de personnes n'amène pas. une modification notable
dans le système. Un ministère qui arrivera aH pouvoir par la voie
parlémëntaire, comprendra, s'il n'est insensé , qu 'il doit maintenir
sa majorité dans le parlement. Quoi-qu'il arrive , nous le répétons,
les droits de la chambre restent entiers. „ •
Le ministère fait le brave. Il désespère dç se défendre et de se
justifier; il attaque, non pas de front pourtant, mais par tous les
procédés détournés que lui suggère son désespoir.^
Cependant nous ne pouvons bous empêeher de faire une remar
que. Il faut que le cabinet juge bien mal de sa propre situation et se
regarde comme perdu pour montrer enfin Un semblant de courage.
Jusqu'à ce jour, la fuite était toute sa ressource. Devant chaque me
nace, il s'humiliait; devant chaque exigence, il cédait. On l'a dit
avec précision et avec vérité : tout ce quele ministère a voulu, il n'a
pu le faire; tout ce qu'il n'a pas voulu, il à été contraint de l'entre
prendre. Son unique effort a eu pour objjst d'obtenir parfois-des dé
lais et de gagner du temps. Ses journaux qui tâchent de prendre au
jourd'hui l'air superbe, seraient humbles et ^honteux s'ils étaient
obligés de s'expliquer sur toutes ces tentatives avortées, sur toutes
ces concessions involontaires dont se compose l'histoire du cabinet.
Aussi se gàrdent-ils bien de le faire. En pareille circonstance, lés
organes officieux d'un ministère qui va périr, tiennent à honneur de
rappeler toute sa conduite, de placer sous les yeux du public le ré
sumé de ses actes, d'aborder tous les griefo, et, s'il se peut, de les
détruire. * " 1
Mais voyez-vous le Journal des Débats obligé de dire : Nous
avons eu la prétention de rompre l'alliance européenne de 1840, et
nous n'avons pas réussi ; nous avons voulu réconcilier la Franee avec
l'Angleterre, et nous avons accru la mésintelligence entre les deux
nations ;uous avons fait des vœux pour la chute du gouvernement
espagnol, et aujourd'hui tout notre succès consiste à avoir pbtenu,
par ïa médiàtion de l'Angleterre, que 1er gouvernement espagnol
cessât d'accuser un de nos agens d'avoir conspiré contre lui ; nous
avons signé un traité en 1841, et il s'est trouvé que, sans y songer,
nous blessions mortellement le sentiment national ; on nous a or
donné de ne pas ratifier ce traité, et nous nous glorifions d'avoir dé
truit notre "œuvre ; nous avons essayé de faire Un recensement uni
versel, et on sait comment nous avons réussi ; nous avons pensé à
unir la France et la Belgique* par un traité de commerce, et l'in
jonction de n'en rien faire nous est venue de toutes parts; nous
avons négocié un traité avec l'Angleterre, et nous n'osons pas le con
clure; nous voulions le maintien des traités de 1831 et 1833, et nous
J nous sommes engagés à négocier pour les. détruire ; nous Voulions
éçhapjpér à cette question, et nous l'avons en^çnimée , parlç conflit,
de la presse anglaise et française ; nous • ayons : mi? le pouvoir à la r
merci des intérêts privés et nqus laissons la France sans alliance. , -,
Voulez-vous que le /ournal de» Débats dise de pareilles,choses?
Cela n?e^t pas possible ; il renonce donc > à s'xpliquer sur les accu
sations qu'on adressé au ministère.; il aime miéux injurier .et pren
dre un ay* provocateur, cela est 'bien plus facile.., : <
; Ma^ qulprovoq^^t-iïf Les ministres futurs. yepeZj leu.r dit-il,
yenez dire_| ja'^,^'iune^ Je *eu^ Jtre mitiistre^ je demande ua por
tefeuille, 8 me faut la survivance de M. Guizot, et, voilà.-mon pro
gramme. . - , >
On comprend combien cela est ingénieux. Le ministère prendrait
le rôle de l'opposition, et l'opposition prendrait le rôie du ministère.
On discuterait les (programmes, on échapperait à la discussion des
actes du cabinet actuel. M. Guizot se cacherait derrière ses succes
seurs.' Nous ne nous trompions pas en disant qu'il n'y avait chez :
nos ministres qu'un semblant de courage. Au moment où ils Jfont
mine de demander le combat, les voilà qui cherchent des faux-
fuyants, qui jettent a.utyur d'eux des regards inquiets pour décou
vrir un abri, fût-ce à l'aide de la complaisante générosité de leurs «
adversaires. , ... ,
Du reste, le Journal des Débats garde encore ce silence prudent
qui, cache ou plutôt qui révèle ses calculs d'avenir. « Bien des noms,
» ditril,- sont dans la bouche du public. » Mais ne le croyez pas si
brave qu'il dise ces noms tout haut ; il s'en garde bien , et ne veut'
pasbrûlerses vaisseaux. ; ;
Seulement, pour obtenir de M. Guizot la. permission de ne pas
tout dire, il fait quelques sacrifices. Il attaque M. Passy", M. Du-
faure, et leHr demande pourquoi, après avoir soutenu 1 quelque temps >
lé ministère, ils l'ont abandonné. On dirait vraiment quele Journal
des Débats a cru que M. Passy «t M. Dufaure étaient attachés à la
glèbe du ministère ! On dirait aussi que la politique de M. Guizot n'a
jamais jusqu'à ce jour été contredite et blâmée par les honorables' dé
putés que l'on interpelle. Le Journal des Débats sait mieux que
nous que M. Guizot n,'a pas lieu d'être surpris d'une^ désapprobation
dont il a été informé le premier. Mais d'ailleurs le journal ministé
riel choisit bien son tçmps. Il interroge M. Dufaure et M. Passy au
moment même où ces honorables députés viennent de donner avec
éclat, dans le monde politique, les raisons de leur opposition et de
leur prochain vote.
Quant à la prétention du Journal des Débats de se faire le hé-
rault d'armes delà discussion sjir les.fonds^secrets, de réglerieseon-
ditioas du combat, de désigner les orateurs,elle est tout simplement
absurde. Si les ministres veulent appeler tel ou tel orateur à la tri
bune, cela leur est toujours facile. Les cartels anticipés _du journal-
trompette ne Sont que de ridicules fanfaronnades.
Ce qui est certain, c'est que la France entière sait et saura mieux-
encore après la discussion des fonds seerets, pourquoi la chambré
n'a pas confiance dans le ministère.
BRUITS DES SALONS POLITIQUES. _
Dimanche soir tous les salons politiques étaient fort nombreux, et
l'on s'y entretenait avec vivacité de ce qui s'était passé la veille dans
PORTRAITS HISTORIQUES.
adam de craponne (1).
Le premier mouvement du gentilhomme provençal, en voyant paraî
tre ces deux étranges visiteurs, avait été de se précipiter vers le meu
ble qui supportait son épée, mais il ne put arriver à temps pour s'eH
saisir. Le plus grand des deux masques s'était aussitôt interposé entre
son arme et lui ; et dans cette position, il dirigea la pointe de sa longue
rapière contre le cœur de Craponne, qui ne pul faire un pas en avant
sans risquer de s'énferrer lui-même.
Le second de ces hommes s'était dirigée vers Caroline ; mais à l'aspect
de cette blanche créature, dont le visage pâle et défait attestait utie ter
reur immense, il s'était arrêté soudain, les bras croisés sur sa poitrine ,
le cou tendu, la respiration haletante, et semblait anéanti par la pré
sence de cette jeune fille.
— Qui êtes-vousdonc, misérables ? s'écria' impétueusement Craponne,
lorsqu'il se vit dans l'impuissance de défendre chèrement sa vie et celle
de Caroline , des Tuschins, sans doute, car de véritables .geBtilhommes
vont le front haut et découvert, et ne se glissent pas traîtreusement
dans le logis d'autrui.
Un sourd ricanement retentit derrière le masque de son antagonistè.
— Qui êtes-veus donc, enfin, et qu'exigez-vous de mei? reprit le gen
tilhomme provençal d'une voix altérée par le sentiment de son impuis
sance.'- ' •'
. — Qui nous sommes ! répondit enfin celui qui s'était posé d'abord
et plus directement son adversaire; ne le devines-tu pas à ce collier de
diamans qui brille à mon cou et qui rappelle le joyau que portait hier
la comtesse de Nably ?
— Qu'entends-je !... vous seriez... j
— Des ennemis implacables que tu as promis de livrer au bourreau,
et qui ne soucient pas de te laisser paisiblement accomplir ta promesse,
les chefs des Tuschins, en un mut.
Ce disant, il arracha son masque, et Adam de Craponne, que le son
de cette voix avait déjà fait tressaillir, exécuta un geste d'horreur en re
connaissant le marquis de Rochebrune.
—Tu étais fier et superbe, ce matin, dans mon hôtel, poursuivit ce der
nier, sans changer la direction de son fer ; l'outrage et la menace se pres
saient sur tes lèvres. J'étais forcé, devant l'évidence des preuves que tu
accumulais sur ma~ tête, de baisser les yeux devant les tiens. Mon attitu
de humiliée redoublait l'insolence de tes propos. Les rôles sont changés
maintenant. Ce ton rogue et méprisant que tu prénais avee moi, je
pourrai l'employer à mon tour. Ces paroles injurieuses et blessantes,
dont tu n'as pas été avare , je puis te les prodiguer aussi ; cette supé
riorité hargneuse de la vertu sur le vice, dont tu le targuais avec tant
d'arrogance, le vice la possède à son tour sur là vertu.
(1) Toir les numéros des 3, *, 7, 8, 9,14, 15, 16 et n février.
— Le ïâche! il insulte un homme désarmé , se contenta de répondre j
le gentilhomme provençal.
— Ecoute, reprit le chef des Tuschins, et garde tes exclamations sono
res pour une meilleure occasion. Tu connais, grâce à cette femme, le
secret qui nous perd ; notre salut, notre unique salut est dans votre tré
pas. Vous mourrez teus les deux. Ce malin, tu étais prêt à nous envoyer
au supplice, car ce matin tH nous tenais en ton pouvoir. A cette heure,
nous sommes maîtres de ta vie et nous en disposons à notre gré.
— Oh ! infime et lâche gentilhomme ! s'écria Craponne , qui ne put
secoatenir plus long-temps. Est-ce là , dis-moi, le noble et glorieux
exemple que t'ont laissé tes ancêtres ? Les Rochebrune ont bien tiré l'é-
pée dans les combats, mais c'était toujours centre les ennemis de la
France. Les Rochebrune ont bien marché à la tête de nombreux batail
lons, mais.ils n'ont jamais commandé à des brigands, à des voleurs, à
meurtriers, à des Tuschins !
— Assez! assez ! s'écria à son tour et avec impétuosité son adversaire.
Si j'ai dégénéré, si j'ai terni l'éclat de mon blasoB, si j'ai traîné dans la
fange le nom sans tache des Rochebrune, nul ne le sait que toi et celte
femme. Vous morts, mon honneur est intact, et mon secret n'appartient
à personne. „
— A personne l répéta Cràssonne en levant le doigt au ciel.
— Ventre de biche, ce met là est profond, observa le marquis en ri
canant; un docteur en Sorbonne n'aurait pas dit mieux. Mais rassu
rez-vous , Monsieur le gentilhomme ; tout chefs de Tuschins que nous
sommes, nous nous flattons d'être iussi "bons chrétiens que vous,.meil
leurs chrétiens que vous, puisque nos ancêtres n'étaient pas de la secte
'hébraïque comme les vôtres (1). Lorsque nous voudrons revenir à bien,
nous saurons, tranquillisez-veus , entreprendre le voyage de Rome. Le,
pape ne nous refusera ni indulgences plénjères, si absolulitn en
tière de nos crimes ; avec les sommes que nous aurons dérobées aux
voyageurs et aux bourgeois attardés, nous pourrons racheter notre robe
d'innocence, et nous n'y manquerons pas, tenez-vous le pour dit. Main
tenant que vous voilà rassuré sur notre sort, voici ce qui me reste à
vo'is déclarer. Ce matin, vohs m'avez accordédix heures à peu près pour
me décider à livrer le propriétaire actuel de la parure de la duchesse,
ou à me voir moi-même accusé de pillage et de meurtre. Dix heures,
c'était beaucoup trop de générosité à vous, monsieur l'ingénieur ; vous
n'avez pas réfléchi à ceci, savoir, que vous étiez trop dangereux peur
que je n'employasse pas ces heures de répit à me venger de vous. Je,ne
commettrai pas cette faute, moi ; il .est vrai que les Tuschins prennent
mieux leurs précautions que les honnêtes gens; vous voyez ce sablier
qui mesure' le temps ? lorsque le globe supérieur sera vide, il se sera
écoulé un quart-d'heure; voilà le seul répit que je vous accorde, pour
vous préparer à comparaître devant Dieu, àjouta-t-il d'un ton résolu.
Certes, si le courage, si le désespoir suffisaient pour rendre fa partie
(l) Les ancêtres d'Adam étaient juifs. ' .
égale entre deux hommes, dont l'un est armé de pied en cap, tandis que
l'autre ect livré sans défense à sa merci, le gentilhomme provençal
n'aurait pas hésité à attaquer résolument le marquis dé Rochebrune.
Trois fois déjà il avait tenté un mouvement peur éviter la pointe meur
trière qui le condamnait à l'immobilité. Trois fois le fer du marquis
avait effleuré sa poitrine , menaçant Craponne d'un prompt trépas, s'il
faisait un pas en avant. il comprenait bien que Bul secours humain ne
pourrait le sauver, et que sa dernière heure était arrivée. Il se soumit
donc à sa destinée , et s'il éleva la voix encoré, ce fut pour demander
la grâce de la-jeune fi fie, que les Tuschins voulaient frapper avec lui.
Mais ce fut en vain qu'il supplia le marquis d'épargner Caroline.
— Pitié ridicule ! répondit ce chef impitoyable ; notre salut, notre
unique salut est dansvotre trépas, répéta-t-il d'un ton bref.
Adam se prépara donc à mourir, mais> sans changer cependant là di
rection de son régard , qUi resta cloué sur l'épée qui lui fesait défaut,
en ce moment suprême. - ; - . . ■
Pendant cette conversation que nous venons dé rapporter , le second
personnage masqué n'avait pas discontinué sa contemplation .silencieuse.
Il paraissait en proie à une vive agitation, sa respiration était toujours
haletante, ses ongles entraient convulsivement dans sa chair. Ses yeux,,
qui brillaient par les ouvertures du loup, reflétaient toutes les phases
du combat qui se livrait en lui. Si on eût pu apercevoir se$ lèvres, on les
eût vues agitées par un mouvement fébrile et inégal. Elles murmuraient
des phrases entrecoupées, des mots sons suite et saHS liaison entre eux,
comme celles d'un homme qui ne jpuit pas de la plénitude de ses facul
tés. Il n'avait pas osé, cet homme, bien que le marquis lui en eût donné
l'exemple, arracher lé masque qui lui couvrait la figuré; mais l'étoffe
de velours n'était pas assez épaisse pour dissimuler son individualité. Et
quand bien même il aurait eu la tête emprisonnée dans un casque de
fer, le corps entièrement caché sous une armure d'acier, l'horreur que sa
présence, inspirait instinctivement à la jeune fille, aurait suffisamment
révélé à cette dernière le nom dH second chef dés Tuschins. La victime
peuvait-elle ne pas reconnaître son bourreau! Elle tenait sa tête pen
chée sur ses blanches épaules; une sueur glacée déeoulait de son front ^
on entendait les horribles paroles prononcées par le marquis, et.un
frisson Herveux agitait ses membres grêles et délicats. Louis Vaudis-
son comprenait que les péripéties de son existence aventureuse avaient
Jaien pu réussir à le distraire momentanément de son amour; que les vo
luptueux rendez-vous de la comtesse deJNably, que la conquête de la
grande dame, étaient bien parvenus, en flattant son orgueil, à lui faire
oublier pendant quelques, jours celle qui posséda ses premières affec
tions. Mais il le sentait maintenant aux battemeqs de son cœur, Caroli
ne n'avait jamais cessé de lui être clière. Dans un moment d'hallucina
tion, d'égarement, de folie, l'homme du peuple, pour respirer le souffle
amoureux d'une noble comtesse, avait pu consentir à céder à un "autre
. les droits qu'il tenait de l'amour.de Caroline; il était frappé alors d'un
fatal aveuglement, et les aiguillons de l'amour-prepre ne lui laissaient
ÊbrnON DE PARIS
NUMERO
RNAL DU
POLÏTÏ^tÎE ET XITTÉKAmîîv
n . ; .. ; ■ ' , ;..- v ,; nvnr n -j—-. w ,■ —
oh «■abonné à ParU . au bureau du CoxsnTvrioma., rue Montmartre, n. 121, iù l'on reçoit les riclaœafiow de» |MAtei^jrt*MMa. qui imérMsent le public, $a«s lesfifpmmeru,
«.Vabê^echez^teslibraireg, les dirfecteurs de peste, et, tant augmentation de prit, chez les directeurs des Messageries de fc rue Nqtre-DamMes^fctoireMtdes Meteagerjes Lafftteet ÇaïUard» Pri* # de rabounement f ; ,,
^^p^r un mois.20 fr* pour trois mois, 40 fr, peur six mois, et 80 fr. pour l'année, franc de port. Lès Annonces, agréera; sont reçues à raison de l fr. la'lighe.^L envoie leur prix a lieu comme jwurte abopemeM.
..j.,■»■■■.■■■■■'..n.■.■■»■■.--—T ----- '
— - Ce programme, qull n'ap'partient aujoiird'hui àpersonne de den-
' 20 FÉVRIER. . i n
' Nous voudrions que personne ne se méprît gur le seBS et la por
tée du débat qui va s'ouvrir.
La question qui est soumise à la chambre, eelle que son vote de
vra décidfer, n'est pas de savoirs'il faut ou non, accorder des fonds
secrete , c'est de savoir si ellea «a non co&flapçe j$|DS : . U ministère..
; Quel que spit l'amendement décisio» -de 1» :
chambre aura cette signification. ^
On a dit que le ministère était décidé àrfester, même après l'adop
tion d'un amendement. On a signalé la réserve de l'exposé des mo
tifs qui ne! dit pas un mot de la. question de confiance, et le langage
non moins discret qu'ont tenu dans léurs bureaux MM. Guizot et Da-
chàtél. ^
Il est passible que M-le ministre de l'intérieur soit résigné à sub
venir aux dépense? de, police avec une allocation moindre que celle
qu 'il a demandée. Mais sa résignation et celle "de M. Guizot ne
pourront pas être mises à l'épreuve, pour deux raisons : en premier
lieu, la chambre, qui aurait solennellement manifesté son manque de
confiance, ne tolérerait pas qu'en se jouât d'elle, et elle aurait bien
tôt fait justice des prétentions inconstitutionnelles d'un cabinet, qui
voudrait gouverner malgré la majorité. En second lieu, dans le sein
même du cabinet, il est des hommes que l'amour du pouvoir n'a
veugle pas,et qui ont publiquement annoncé l'intention de se reti
rer, si l'issue du débat n'est pas favorable au ministère. Ces refaites
partielles amèneraient nécessairement la dislocation du cabinet, car
quel est l 'homme politique, qui consentirait à entrer dans une admi-
ministration que la chambre aurait condamnée ?
Ainsi le sens du vote est net, et ses résultats sont certains : restent
les difficultés de la discussion.
On a dit dans la -presse, on "S dit dans les bureaux de la chambre,
on répétera peut-être à la tribune , que la question eât complexe ;
qu'il ne s'agit pas seulement de-savoir si on a ou non confiance dans
le ministère , mais qu'il faut aussi rechercher si au système qu'on
désapprouve,[succédera ua système qu'on puisse approuver; on vou
dra sàvoti-, en un mot], quel sera le programme du futur ministère.
A cette sollicitude très-louable, il n'y a qu'une objection à faire,
mais elle «st péremptoire. Les explications qu'on voudrait obtenir
ne peuvent être données par personne. Il n'y a, en face de la cham
bre, qu'un ministère ; c'est celui dont on juge la conduite lçs dé
putés n'ont que des opinions personnelles à émettre , et il n'appar
tient à aucun d'eux, quelle que soit sa valeur, de formuler le pro
gramme d'un ministère qui n'existe pas.
. Ce qu'on demande est done tout simplement impraticable. Si l'on
' s'obstinait à réclamer ces débats anticipés sur une politique future,
on paralyserait'tout à la fois la prérogative royale et la prérogative
des chambres. On donnerait aux cabinets en exercice un brevet
d'immutabilité. . , .
Est-ce à dire, pour cela, que la chambre soit désarmée contre
les mauvaises tendances d'une administration nouvelle? Pas le moins
du monde. En renversant un cabinet, elle se réserve tous ses droits
contre le cabinet qui le remplace.
ner, on l'obtiendra certainement du ministère qui recueillera la suc
cession des ministres actuels»Si ja majorité l 'agrée , elle lui donne
ra son appui. Si elle le repoussey ellepoHrra^ elle devra,pour sa
propre' dignité, exprimer éiiergiquement s? désapprobation et refu
ser sa confiance. •' . j ■■■ ,
Les droits de la chambre restent .entiers ; mais il y a peu à craindre j
si elle retire sa majorité ai} cafcin^ t jietuelque cette éûer^içuélé-'
çon soit perMç ppjwaw j»aweflU>ï^*Hdi^y f *f«»ieeKBa(trft que
le changement de personnes n'amène pas. une modification notable
dans le système. Un ministère qui arrivera aH pouvoir par la voie
parlémëntaire, comprendra, s'il n'est insensé , qu 'il doit maintenir
sa majorité dans le parlement. Quoi-qu'il arrive , nous le répétons,
les droits de la chambre restent entiers. „ •
Le ministère fait le brave. Il désespère dç se défendre et de se
justifier; il attaque, non pas de front pourtant, mais par tous les
procédés détournés que lui suggère son désespoir.^
Cependant nous ne pouvons bous empêeher de faire une remar
que. Il faut que le cabinet juge bien mal de sa propre situation et se
regarde comme perdu pour montrer enfin Un semblant de courage.
Jusqu'à ce jour, la fuite était toute sa ressource. Devant chaque me
nace, il s'humiliait; devant chaque exigence, il cédait. On l'a dit
avec précision et avec vérité : tout ce quele ministère a voulu, il n'a
pu le faire; tout ce qu'il n'a pas voulu, il à été contraint de l'entre
prendre. Son unique effort a eu pour objjst d'obtenir parfois-des dé
lais et de gagner du temps. Ses journaux qui tâchent de prendre au
jourd'hui l'air superbe, seraient humbles et ^honteux s'ils étaient
obligés de s'expliquer sur toutes ces tentatives avortées, sur toutes
ces concessions involontaires dont se compose l'histoire du cabinet.
Aussi se gàrdent-ils bien de le faire. En pareille circonstance, lés
organes officieux d'un ministère qui va périr, tiennent à honneur de
rappeler toute sa conduite, de placer sous les yeux du public le ré
sumé de ses actes, d'aborder tous les griefo, et, s'il se peut, de les
détruire. * " 1
Mais voyez-vous le Journal des Débats obligé de dire : Nous
avons eu la prétention de rompre l'alliance européenne de 1840, et
nous n'avons pas réussi ; nous avons voulu réconcilier la Franee avec
l'Angleterre, et nous avons accru la mésintelligence entre les deux
nations ;uous avons fait des vœux pour la chute du gouvernement
espagnol, et aujourd'hui tout notre succès consiste à avoir pbtenu,
par ïa médiàtion de l'Angleterre, que 1er gouvernement espagnol
cessât d'accuser un de nos agens d'avoir conspiré contre lui ; nous
avons signé un traité en 1841, et il s'est trouvé que, sans y songer,
nous blessions mortellement le sentiment national ; on nous a or
donné de ne pas ratifier ce traité, et nous nous glorifions d'avoir dé
truit notre "œuvre ; nous avons essayé de faire Un recensement uni
versel, et on sait comment nous avons réussi ; nous avons pensé à
unir la France et la Belgique* par un traité de commerce, et l'in
jonction de n'en rien faire nous est venue de toutes parts; nous
avons négocié un traité avec l'Angleterre, et nous n'osons pas le con
clure; nous voulions le maintien des traités de 1831 et 1833, et nous
J nous sommes engagés à négocier pour les. détruire ; nous Voulions
éçhapjpér à cette question, et nous l'avons en^çnimée , parlç conflit,
de la presse anglaise et française ; nous • ayons : mi? le pouvoir à la r
merci des intérêts privés et nqus laissons la France sans alliance. , -,
Voulez-vous que le /ournal de» Débats dise de pareilles,choses?
Cela n?e^t pas possible ; il renonce donc > à s'xpliquer sur les accu
sations qu'on adressé au ministère.; il aime miéux injurier .et pren
dre un ay* provocateur, cela est 'bien plus facile.., : <
; Ma^ qulprovoq^^t-iïf Les ministres futurs. yepeZj leu.r dit-il,
yenez dire_| ja'^,^'iune^ Je *eu^ Jtre mitiistre^ je demande ua por
tefeuille, 8 me faut la survivance de M. Guizot, et, voilà.-mon pro
gramme. . - , >
On comprend combien cela est ingénieux. Le ministère prendrait
le rôle de l'opposition, et l'opposition prendrait le rôie du ministère.
On discuterait les (programmes, on échapperait à la discussion des
actes du cabinet actuel. M. Guizot se cacherait derrière ses succes
seurs.' Nous ne nous trompions pas en disant qu'il n'y avait chez :
nos ministres qu'un semblant de courage. Au moment où ils Jfont
mine de demander le combat, les voilà qui cherchent des faux-
fuyants, qui jettent a.utyur d'eux des regards inquiets pour décou
vrir un abri, fût-ce à l'aide de la complaisante générosité de leurs «
adversaires. , ... ,
Du reste, le Journal des Débats garde encore ce silence prudent
qui, cache ou plutôt qui révèle ses calculs d'avenir. « Bien des noms,
» ditril,- sont dans la bouche du public. » Mais ne le croyez pas si
brave qu'il dise ces noms tout haut ; il s'en garde bien , et ne veut'
pasbrûlerses vaisseaux. ; ;
Seulement, pour obtenir de M. Guizot la. permission de ne pas
tout dire, il fait quelques sacrifices. Il attaque M. Passy", M. Du-
faure, et leHr demande pourquoi, après avoir soutenu 1 quelque temps >
lé ministère, ils l'ont abandonné. On dirait vraiment quele Journal
des Débats a cru que M. Passy «t M. Dufaure étaient attachés à la
glèbe du ministère ! On dirait aussi que la politique de M. Guizot n'a
jamais jusqu'à ce jour été contredite et blâmée par les honorables' dé
putés que l'on interpelle. Le Journal des Débats sait mieux que
nous que M. Guizot n,'a pas lieu d'être surpris d'une^ désapprobation
dont il a été informé le premier. Mais d'ailleurs le journal ministé
riel choisit bien son tçmps. Il interroge M. Dufaure et M. Passy au
moment même où ces honorables députés viennent de donner avec
éclat, dans le monde politique, les raisons de leur opposition et de
leur prochain vote.
Quant à la prétention du Journal des Débats de se faire le hé-
rault d'armes delà discussion sjir les.fonds^secrets, de réglerieseon-
ditioas du combat, de désigner les orateurs,elle est tout simplement
absurde. Si les ministres veulent appeler tel ou tel orateur à la tri
bune, cela leur est toujours facile. Les cartels anticipés _du journal-
trompette ne Sont que de ridicules fanfaronnades.
Ce qui est certain, c'est que la France entière sait et saura mieux-
encore après la discussion des fonds seerets, pourquoi la chambré
n'a pas confiance dans le ministère.
BRUITS DES SALONS POLITIQUES. _
Dimanche soir tous les salons politiques étaient fort nombreux, et
l'on s'y entretenait avec vivacité de ce qui s'était passé la veille dans
PORTRAITS HISTORIQUES.
adam de craponne (1).
Le premier mouvement du gentilhomme provençal, en voyant paraî
tre ces deux étranges visiteurs, avait été de se précipiter vers le meu
ble qui supportait son épée, mais il ne put arriver à temps pour s'eH
saisir. Le plus grand des deux masques s'était aussitôt interposé entre
son arme et lui ; et dans cette position, il dirigea la pointe de sa longue
rapière contre le cœur de Craponne, qui ne pul faire un pas en avant
sans risquer de s'énferrer lui-même.
Le second de ces hommes s'était dirigée vers Caroline ; mais à l'aspect
de cette blanche créature, dont le visage pâle et défait attestait utie ter
reur immense, il s'était arrêté soudain, les bras croisés sur sa poitrine ,
le cou tendu, la respiration haletante, et semblait anéanti par la pré
sence de cette jeune fille.
— Qui êtes-vousdonc, misérables ? s'écria' impétueusement Craponne,
lorsqu'il se vit dans l'impuissance de défendre chèrement sa vie et celle
de Caroline , des Tuschins, sans doute, car de véritables .geBtilhommes
vont le front haut et découvert, et ne se glissent pas traîtreusement
dans le logis d'autrui.
Un sourd ricanement retentit derrière le masque de son antagonistè.
— Qui êtes-veus donc, enfin, et qu'exigez-vous de mei? reprit le gen
tilhomme provençal d'une voix altérée par le sentiment de son impuis
sance.'- ' •'
. — Qui nous sommes ! répondit enfin celui qui s'était posé d'abord
et plus directement son adversaire; ne le devines-tu pas à ce collier de
diamans qui brille à mon cou et qui rappelle le joyau que portait hier
la comtesse de Nably ?
— Qu'entends-je !... vous seriez... j
— Des ennemis implacables que tu as promis de livrer au bourreau,
et qui ne soucient pas de te laisser paisiblement accomplir ta promesse,
les chefs des Tuschins, en un mut.
Ce disant, il arracha son masque, et Adam de Craponne, que le son
de cette voix avait déjà fait tressaillir, exécuta un geste d'horreur en re
connaissant le marquis de Rochebrune.
—Tu étais fier et superbe, ce matin, dans mon hôtel, poursuivit ce der
nier, sans changer la direction de son fer ; l'outrage et la menace se pres
saient sur tes lèvres. J'étais forcé, devant l'évidence des preuves que tu
accumulais sur ma~ tête, de baisser les yeux devant les tiens. Mon attitu
de humiliée redoublait l'insolence de tes propos. Les rôles sont changés
maintenant. Ce ton rogue et méprisant que tu prénais avee moi, je
pourrai l'employer à mon tour. Ces paroles injurieuses et blessantes,
dont tu n'as pas été avare , je puis te les prodiguer aussi ; cette supé
riorité hargneuse de la vertu sur le vice, dont tu le targuais avec tant
d'arrogance, le vice la possède à son tour sur là vertu.
(1) Toir les numéros des 3, *, 7, 8, 9,14, 15, 16 et n février.
— Le ïâche! il insulte un homme désarmé , se contenta de répondre j
le gentilhomme provençal.
— Ecoute, reprit le chef des Tuschins, et garde tes exclamations sono
res pour une meilleure occasion. Tu connais, grâce à cette femme, le
secret qui nous perd ; notre salut, notre unique salut est dans votre tré
pas. Vous mourrez teus les deux. Ce malin, tu étais prêt à nous envoyer
au supplice, car ce matin tH nous tenais en ton pouvoir. A cette heure,
nous sommes maîtres de ta vie et nous en disposons à notre gré.
— Oh ! infime et lâche gentilhomme ! s'écria Craponne , qui ne put
secoatenir plus long-temps. Est-ce là , dis-moi, le noble et glorieux
exemple que t'ont laissé tes ancêtres ? Les Rochebrune ont bien tiré l'é-
pée dans les combats, mais c'était toujours centre les ennemis de la
France. Les Rochebrune ont bien marché à la tête de nombreux batail
lons, mais.ils n'ont jamais commandé à des brigands, à des voleurs, à
meurtriers, à des Tuschins !
— Assez! assez ! s'écria à son tour et avec impétuosité son adversaire.
Si j'ai dégénéré, si j'ai terni l'éclat de mon blasoB, si j'ai traîné dans la
fange le nom sans tache des Rochebrune, nul ne le sait que toi et celte
femme. Vous morts, mon honneur est intact, et mon secret n'appartient
à personne. „
— A personne l répéta Cràssonne en levant le doigt au ciel.
— Ventre de biche, ce met là est profond, observa le marquis en ri
canant; un docteur en Sorbonne n'aurait pas dit mieux. Mais rassu
rez-vous , Monsieur le gentilhomme ; tout chefs de Tuschins que nous
sommes, nous nous flattons d'être iussi "bons chrétiens que vous,.meil
leurs chrétiens que vous, puisque nos ancêtres n'étaient pas de la secte
'hébraïque comme les vôtres (1). Lorsque nous voudrons revenir à bien,
nous saurons, tranquillisez-veus , entreprendre le voyage de Rome. Le,
pape ne nous refusera ni indulgences plénjères, si absolulitn en
tière de nos crimes ; avec les sommes que nous aurons dérobées aux
voyageurs et aux bourgeois attardés, nous pourrons racheter notre robe
d'innocence, et nous n'y manquerons pas, tenez-vous le pour dit. Main
tenant que vous voilà rassuré sur notre sort, voici ce qui me reste à
vo'is déclarer. Ce matin, vohs m'avez accordédix heures à peu près pour
me décider à livrer le propriétaire actuel de la parure de la duchesse,
ou à me voir moi-même accusé de pillage et de meurtre. Dix heures,
c'était beaucoup trop de générosité à vous, monsieur l'ingénieur ; vous
n'avez pas réfléchi à ceci, savoir, que vous étiez trop dangereux peur
que je n'employasse pas ces heures de répit à me venger de vous. Je,ne
commettrai pas cette faute, moi ; il .est vrai que les Tuschins prennent
mieux leurs précautions que les honnêtes gens; vous voyez ce sablier
qui mesure' le temps ? lorsque le globe supérieur sera vide, il se sera
écoulé un quart-d'heure; voilà le seul répit que je vous accorde, pour
vous préparer à comparaître devant Dieu, àjouta-t-il d'un ton résolu.
Certes, si le courage, si le désespoir suffisaient pour rendre fa partie
(l) Les ancêtres d'Adam étaient juifs. ' .
égale entre deux hommes, dont l'un est armé de pied en cap, tandis que
l'autre ect livré sans défense à sa merci, le gentilhomme provençal
n'aurait pas hésité à attaquer résolument le marquis dé Rochebrune.
Trois fois déjà il avait tenté un mouvement peur éviter la pointe meur
trière qui le condamnait à l'immobilité. Trois fois le fer du marquis
avait effleuré sa poitrine , menaçant Craponne d'un prompt trépas, s'il
faisait un pas en avant. il comprenait bien que Bul secours humain ne
pourrait le sauver, et que sa dernière heure était arrivée. Il se soumit
donc à sa destinée , et s'il éleva la voix encoré, ce fut pour demander
la grâce de la-jeune fi fie, que les Tuschins voulaient frapper avec lui.
Mais ce fut en vain qu'il supplia le marquis d'épargner Caroline.
— Pitié ridicule ! répondit ce chef impitoyable ; notre salut, notre
unique salut est dansvotre trépas, répéta-t-il d'un ton bref.
Adam se prépara donc à mourir, mais> sans changer cependant là di
rection de son régard , qUi resta cloué sur l'épée qui lui fesait défaut,
en ce moment suprême. - ; - . . ■
Pendant cette conversation que nous venons dé rapporter , le second
personnage masqué n'avait pas discontinué sa contemplation .silencieuse.
Il paraissait en proie à une vive agitation, sa respiration était toujours
haletante, ses ongles entraient convulsivement dans sa chair. Ses yeux,,
qui brillaient par les ouvertures du loup, reflétaient toutes les phases
du combat qui se livrait en lui. Si on eût pu apercevoir se$ lèvres, on les
eût vues agitées par un mouvement fébrile et inégal. Elles murmuraient
des phrases entrecoupées, des mots sons suite et saHS liaison entre eux,
comme celles d'un homme qui ne jpuit pas de la plénitude de ses facul
tés. Il n'avait pas osé, cet homme, bien que le marquis lui en eût donné
l'exemple, arracher lé masque qui lui couvrait la figuré; mais l'étoffe
de velours n'était pas assez épaisse pour dissimuler son individualité. Et
quand bien même il aurait eu la tête emprisonnée dans un casque de
fer, le corps entièrement caché sous une armure d'acier, l'horreur que sa
présence, inspirait instinctivement à la jeune fille, aurait suffisamment
révélé à cette dernière le nom dH second chef dés Tuschins. La victime
peuvait-elle ne pas reconnaître son bourreau! Elle tenait sa tête pen
chée sur ses blanches épaules; une sueur glacée déeoulait de son front ^
on entendait les horribles paroles prononcées par le marquis, et.un
frisson Herveux agitait ses membres grêles et délicats. Louis Vaudis-
son comprenait que les péripéties de son existence aventureuse avaient
Jaien pu réussir à le distraire momentanément de son amour; que les vo
luptueux rendez-vous de la comtesse deJNably, que la conquête de la
grande dame, étaient bien parvenus, en flattant son orgueil, à lui faire
oublier pendant quelques, jours celle qui posséda ses premières affec
tions. Mais il le sentait maintenant aux battemeqs de son cœur, Caroli
ne n'avait jamais cessé de lui être clière. Dans un moment d'hallucina
tion, d'égarement, de folie, l'homme du peuple, pour respirer le souffle
amoureux d'une noble comtesse, avait pu consentir à céder à un "autre
. les droits qu'il tenait de l'amour.de Caroline; il était frappé alors d'un
fatal aveuglement, et les aiguillons de l'amour-prepre ne lui laissaient
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