Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1843-02-17
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 février 1843 17 février 1843
Description : 1843/02/17 (Numéro 48). 1843/02/17 (Numéro 48).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
VENDREDI 17 FÉVRIER 1843.
ÈDITIO^EE PARIS
NEUMRO 48.
, POLITIQUE ET LITTÉRAIRE.
'I ■ T i ; - ; ■ . . 46 FEVRIER. . \ _
MANIFESTE DU RÉGENT D'ESPAGNE. !
; les journaux de Madrid nous apportent aujourd'hui , le manifeste
adressé par le régent au peuple espagnol. Ce document, que nous
reproduisons en entier; est attaqué arec une extrême violence par
la presse opposante de Madrid, Nous nous sommes toujours imposé
la loi deine juger qu'arec une extrême réserve les actes qui concer
nent les affaires intérieures de nos ..voisin* , car «1out peuple libre
entend, à bon-droit,• faire lui-même ses affaires, sans que l'étranger
• s'en mêle, si c'est, ae la part ide la diplomatie, upjs prétentioa exor
bitante,que de vouloir influer sur la solution de questions qui ne la
touchent pas, ce serait aussi, de: la part de la presse, une prétention-
tint soit peu ridicule que dé vouloir faire la leçon aux gouvernemens
étrangers et ^prononcer magistralement sur les griefs des partis.
Quand une question touche à la fois deux pays, quand il s'est agi,
par exemple, entre l'Angleterre et la JFrance, du, droit de visité;
entre la France eJ l'Espagne, des faits qui se rattachaient à la con
duite de notre consul àBarceione, la presse française avait le droit
et lé devoir de se mêler activement aU débat, pour contribuer, autant
qu'il dépendait d'elle, à obtenir une solution qui satisfit les intérêts
de la France. Mais qaand le régent Espartero adresse des conseils
aux électeurs, quand il juge les partis qui divisent l'Espagne, nous
.avouons franchement que la presse française ne nous parait pas en
mesure d'apporter;, dans un pareil d.ébat, un jugement suffisamment
éclairé. |
Cependant il est un point de vue sous lequel il nous est permis de
juger le manifeste du régent, paree qu'il y a, pour la France, un
intérêt puissant à ce que le gouvernement constitutionnel se main
tienne et se fortifie en Espagne. Sous ce. rapport, le manifeste nous
parait mériter des-éloges. On a tant parlé de l'ambition d'Espartero,
de ses besoins de dictature, qu'il importe de recueillir, comme dé
menti solennel à ces bruits, les paroles que le régent adresse au
peuple espagnol. Il est impossible de protester en termes plus clairs
et plus énergiques contre les projets que les partis lui prêtent. Le
maintien de la constitution et du trône d'Isabelle II, voilà le but
qu'Espartero se.propose, et, pour l'atteindre, il appelle hautement la
conciliation des partis. Les conseils qu'il donne aux électeurs ont
un caractère de loyauté qui sera apprécié, même en France, soù i le
pouvoir est bien loin d'afficher et surtout de pratiquer l'impartialité
que le régent recommande. Auï yeux du régent, tout candidat qui
ne sort pas de la constitution, peut être utile au pays, alors même
que le ministère trouverait en lui un adversaire. Nous ne savons pas
comment les choses se pratiqueront en Espagne, mais ce dont nous
sommes convaincus, c'est qua si, en France, les hommes qui gou
vernent professaient de tels principes, il se pourrait bien que les
choix dès électeurs renversassënt des ministères ; mais, à coup sûr,
ils fortifieraient la constitution et le gouvernement.
Voici le manifeste du régent :
« Dans la situation si difficile, si compliquée où le conflit des pas
sions, les artifices de l'intrigue, le caractère même des événemeas a placé
la chose publique, le régent du royaume s'adresse à ses concitoyens. En
leur parlant avec sa franchise accoutumée des grands intérêts qui affec
tent présentement l'état, peut-être engagera-t-il ceux qui aiment vérita
blement leur patrie, à concourir au même but, à n'avoir qu'une même
pensée le jour où le scrutin les réuHira.
> Vous avez vu avec quelle obstination, quel acharnement nos enne-
On s'abonne à Paris, au bureau du C omotitijtionksi ., rue Montmartre, in. 121.
on s'abonne chez les libraires,' les directeurs de poste, et, tant augmentation de prix.
~7t. pour un mois. 20 fr. pour trais mois, 40 fr. peur six mois, et80 fr. pour l'année^
mis poursaiveat leur.projet machiavélique et cruel dé nous diviser, de
nous lasser, de nous détourner: de nos affairés.de nous faire prendre^ en.
haine et dégoût, d'abord les hommes, ensuite les choses. Se là se décha î-
nement de la presse, ces diffamations personnelles, cette irruption qui
pénètre par^çût, ces divisions introduites entré les vainqueurs de sep
tembre, si unanimes sur les' grandes questions pélill'qûês, si déplorablè-
mént hostiles les' uh» aux autres sur des points secondaires d'adminis
tration.et d'ordre public.De là aussi ces deux événemens -scandaleux et
graves qui ont troublé la paix de la monarchie dans les deux dernières
' années et ent.mis à nu l'incessante perversité de nos ennemis.
V » Le premier é'est l'attentat d'octobre. Lé monde a vu'quelle fut l'is-
sue de cette abominable conspiration qui se portait directement sur
le palais sacré de nos roisj ; „ • :
: ~»"Le monde a vu la ruiâe et l'opprobr&âeij exécuteurs de ce plan aussi
sacrilège que téméraire. v "
• ' » Nos ennemis persistèrent dans leur objet, mais en changeant de
plan, sans diriger . comme la première f6is, le poignard au cœur-de la .
monarchie , ils cherchèrent ,'a rallumer une autre guerre civile. Ils s'ap
puyèrent sur la riche et populeuse Barcelone ; c'est là qu'ils établirent
l'arsenal de'leurs intrigues et de leurs artifices ; là accoururent comme
auxiliaires les vagabonds de-l'Europe, scorie de, tbutes les nations, qui,
sans patrie,' sans. foyer* sans lien social aucun,: sont .toujours les vils ins-
trumens de la main qHi les, paye. A eux çt à leurs, cruels instigateurs
sont dus.les dangers qu'a "courus ce bouleyard de'ndtrè industrie, et les
: maux que. lui a valus son imprudente témérité; C'était le devoir du gou
vernement de réprimer vigoureusement une rébellion déclarée." Il avait
pour cela plus de forces qu'il,ne lui en fallait ; le choix d'une occasion
lui appartenait entièrement (la ocasione jaera suya del todo), la résistan
ce était impossible. Et pourtant l'Espagne , l'Europe, savent avec quels
ménagemëns il a usé de 6on droit de chllier. Les faits sont notoires : de
vaines déclamations, de grossières impostures., ne sauraient prévaloir,
contre eux. Mais laissons ces armes pux fauteurs, aux complices du sou
lèvement ; qu'ils se consolent par là de la perte de leurs èspérances.
» Mais si la cause nationale a glorieusement triomphé de ces deux pé
rils, leur influence morale sur l'esprit public n'est pas moins effective ,
évidente. .Us ontproduit de nouveaux intérêts , de nouvelles passions,
des difficultés nouvelles. L'aspect de nos affaires est aujourd'hui complè
tement changé: son caractère est tout différent de celui qu'il avait lors
que les cortèsse réunirent au mois de mars 1841. Il était de la conve
nance publique; ou, pour mieux dire , de toute nécessité de convoquer
de nouvelles chambras - qui tussent l'expression manifeste de la volonté
nationale, à l'égard des besoins actuels et des remèdes qu'exigeait la nou
velle situation de l'état. Animé de cet esprit, ,et dans ce seul but, j'ai usé
dans cette occasion des facultés-que la constitution me concède. D accord
avec mon, conseil des ministras, j'aj dissous les chambres, et j'en ai con
voqué de nouvelles. .
» La mission des nouvelles chambres est grande autant que .glorieuse;
le système des . impôts, l'organisation de la force-publique et du pouvoir
judiciaire,:Jes:codes, le crédit public, les budgets châtiés avec la plus sé
vère économie; la balance, approximative des recettes et des dépenses,
les ressources pour comblèr je déficit et faire face aux obligations ; les
municipalités, les dpputations provinciales, les préfectures, la presse, la
milice» l'instruction publique, tels sont les projets qui réclameront les
soins des nouvelles chambres, aussi bien que lès lois organiques qui au
ront pour but de consolider la loi fondamentale, objets delà plus haute
importance, tous délicats , tous difficiles , s'il y a rien de difficile pour
une velôHlé ferme et constante, pour un patriotisme éclairé et de
bonne foi. *
* 11 est donc nécessaire, qu'en approchant de l'urne électorale , vous
considériez mûrement quel nom vous allez y jeter; et si le citoyen qui
le porte est capable de. remplir d'aussi graves devoirs, de défendre
d'aussi chers intérêts. Je - ne prétends pas vous désigner, je n'ai pas le
droit de vous désigner la classe, le parti, l'opinion auxquels, pour rem
plir ce but, vous devez accorder votre voix. Tous les partis . toutes les
opinions, toutes les vues qui n'outrepasseront pas les limites de.la cons
titution, peuvent être utiles au service de l'état, tous sont respectables
pour moi. Ce qui importe , c'est que les élus, quel que soit leur parti,
soient des hommes de raison et de bon conseil,'suffisamment instruits des
besoins et des ressources du pays,- des hommes d'une probité reconnue,
sévères pour l'intrigue, impénétrables à la corruption, inaccessibles à la
crainte. Ce n'est pas moi qui impose ees conditions, c'est la patrie, c'est
la nécessité des choses. y '*
» Elevé que je suis par la confiance de la nation à un poste si émi-
nent, investi d'une confiancèsi étendue, je ne puis être ému des passions
M—«««f 1*** t 7^im*1VfltTinm[|'VlmHiltUWimmiltl>l
qui prennent place dans les débats parlementaires. Je vous donne ces'
conseils: avec la plus entière impartialité, avec la plus:pure ; bonne foi..
Que pourrais-je,désirer de plus? La première page de ma destinée se,
trouve inscrite dans lés champs de Gergara. La Providence l'ai fermée
aux événemens de septembre et au vote qui m'éleva à la régence. Je sais"*
que ma responsabilité est immense. Mais la ligne 1 de mes devoirs est
clairement tracée par mon madat, par les événemens, par la loyauté dfci
mes principes, par la modération,de mes désirs : Je l'ai dit et j'ai jurés
cent fois : conserver, çpnsolider la liberté, politique" et civile de notre (
patrie,.maintenir sans atteinte le ; trône (l'Isabelle et déposée.à ses pieds .
l'autorité qui s'exerce en son nom, au jour déterminé par la loi'fonda- ' !
mentale, tels sont.mes désirs. Ils sont clairs, précis^ déterminés, et n'ont'
besoin ni.d'explication, ni d'interprétation; Soyez.certains que je sau?v>
railes remplir, v..
» C'est à ce fermeidèsséin que j'ai formé, qu'est due l'hostilité acharnée;
à laquelle je suis en butte, moi, homme du peuplé,»,sojdat de fortune,',
favorisé par le sort et devant mes succès militaires bien moins .à ma ea-'
pacité qu'à la valeur de nos troupes et à là bonté de la cause que je dé 1 '
fends. Moi, pacificateur du pays, défenseur, de la constitution , du trône;
et de nos institutions politiques, comment aurai-je pu éçhapper aux,a.t-t
taques des ennemis acharnés de ces objets dont je suis lé Ijouclier tu té-,
laire? Conspirations, menaces, insultes, calomnies, ils n'épargnent" rreii'
pour me séparer de vohs et de l'Europe, pour me détourner de mon no
ble but, et, si c'était possible, m'inlimider. - , . c e
» Qse ces ennemis ne s'y trompent pas. Ou qu'apparaisse la plus légère
étincelle de guerre civile , Ta moindre trame contre les droits-d'Isabelle
et de la constitution, la moindre conspiration contre l'indépendance nà? .
flAtlfllâ *1 N» ¥TA 1 AMA ! 1 rt nllAIÏAmAÎ AAifXhAM «Ml - — * ? L. _ J 1. ' • _ f
de discipline. C'est ainsi que je les châtiai en octobre devant le palais dé
nos rois; c'est ainsi que je les châtiai en Navarre et plus récemment' à'
Barcelone. Et celte sécurité , Espagnols, ne vient pas'd'une vaine con
fiance dans mes forces, dans mou habileté, dans mon bonheur.' Non, je.
ne suis rien sans vous. Mais, par suite d'événemens qu'il n'a été au po\i-
voir de personne de diriger , je suis devenu en quelque serte le repré
sentant de Cette opinion, de cette volonté nationale, qui, il y a trente
ans, s'opposa à l'épouvantable aggression de Napoléon , etl'abandon de nos princes, parvint à tenir tête à ce colosse. ; , ■ j
_ » i Je suis le représentant de cette volonté, qui exigea des. libertés poli
tiques,et civiles pour que l'Espagne ne fut pas eiposée une seconde fois
à de si ignominieux outrages, qui sut reconquérir en 182tf là liberté per
due par excès de loyauté , qui, plus tard, après que cette liberté eûtf
succombé devant une invasion étrangère, auxiliaire de nps discordes,
civiles, la proclama de nouveau au nom d'Isabelle II et sût la défendre
héroïquement contre les efforts de don Carlos, qui, enfin, sut la proté
ger en septembre, et qui l'a sauvée ees dangers de la dernière insurrec- !
tion.
» Dans cette volonté est ma force; en elle je mets ma confiance;, et si
les législateurs que vous allez nommer arrivent pénétrés des mêmes sen-'
timens , la grande «euvre, déjà si avancée t sera ceurennée. C'est ainsi 1
qu'à l'époque où Isabelle II prendra dans ses jeunes mains les rênes de
l'état,, vous loi donnerez un royaume tranquille au dedans, respecté au
dehors, défendu par votre valeur, arrosé de votre sang;, constitue par vo
tre sagesse; et votre patriotisme, votre loyauté n'auront rien oublié ,
rien omis.
» Madrid, 6 février 1843. Signé, le bbc db la victoim ,
' » régent du royaume. •
( Suivent les signatures dés ministres. )
DÉSAVEU DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL.
Nous recevons aujourd'hui le texte complet du désaveu publié par
la Gazette de Madrid du 10, désaveu que la dépêche télégraphique
publiée avant-hier a fait incdmplètement connaître. Notre corres
pondance annonce que M. Capaz, mibistre de la marine , et M. Pe
dro Chacon , capitaine-général de Madrid, ont puissamment contri
bué, par leurs dispositions tout-à-fait conciliantes , à la détermina
tion qu'a prise le .gouvernement espagnol de satisfaire aux réclama
tions de la France. On ne doute pas que ce désaveu, et la répri
mande qui a été adressée à Zurbano, à l'occasion de son démêlé avec
PORTRAITS HISTORIQUES.
adam de craponne (1),
, Pendant que ces deux misérables se disposaient ainsi à .commettre un
double meurtre, Adam de Craponne descendait la rue Saint-Honoré, se
-dirigeant vers sa demeure. Quelque préoccupé qu'il dût être de sa con
versation avec le marquis, et des suites qu'elle pouvait avoir, il ne lais
sait pas que de reporter sa pensée dans la petite maison qu'habitait Ca
roline. La conduite de la jeune fille présentait à.son esprit un problème
insoluble. Elle l'aimait, elle lui avait fait ce doux aveu, dans un de ces
momens suprêmes, dans un de ces élaHS spontanés, où l'ame se révèle
par la parole; et cependant, Caroline, qui lui avait paru subjuguée, fas
cinée par ses tendres accens, Caroline dont le sein, par ses mouvemens
rapides et désordonnés, trahissait l'émotion intérieure, avait résisté aux
douces instances qui lui étaient faites, et avait refusé de le recevoir de
nouveau. Cette manière d'agir de la part d'une épouse qui n'a jamais
trahi ses devoirs, de Ta part d'une chaste créature dont les désirs inno-
cens n'ont jamais franchi le seuil paternel, aurait semblé toute ration
nelle à Craponne. Mais Caroline n'était pa» dans cette position, la mal
heureuse jeune fille.! Entrainée loin de sa famille, par un amour im
mense et absorbant; adorée, puis trahie, puis lâchement livrée par celui
qui occupait toutés ses facultés, Caroline a goûté tous les énivremens
de la passion ; elle s'est affaissée sous le poids des déceptions et des souf
frances qu'elle traîne à sa suite. Maintenant le bonheur lui sourit de
- nouveau ; elle peut renaître à la vie, recommencer une existence toute
de parfums et de délices ; son cœur l'y engage, et voilà que, par un ca
price inconcevable, par une de ces causes que l'esprit le plus pénétrant
ne peut découvrir, elfe se raidit contre ce penchant qui l'entraine.
Etrange bizarrerie! énigme impénétrable dent Craponne cherche par
tout le mot et qu'il ne peut trouver! Peut-être aurait-il deviné le mobile
qui dicte, en cette circonstance, sa conduite, à la jeune fille, s'il avait
mieux étudié cette organisation exquise, cette nature simple et passion-
" née, ce caractère grand et noble, que l'adversité n'a pu réussir à dégra
der. Peut-être, s'il l'avait mfeux connue, cette belle créature que le ha
sard a jetée sur sa route, lui serait apparue avec des proportions qui
n'appartiennent pas aux femmes vulgaires, et alors à ce sentiment affec
tueux qu'il nourrissait pour elle, se serait joint cet autre sentiment,
l'admiration qu'un dévoûment sublime peut seul inspirer.
Mais si un court espace de temps, quelques jours, une seule entrevue,
suffisent quelquefois à faire naître un amour réciproque et violent, il
faut des mois et des années peur pouvoir lire couramment dans l'ame de
" ■
(l) Yoirles numéros des 3, 4,7, 8, 9,14, 15 et 16 février.
la personne qui nous est chère, pour y découvrir, dans ses replis cachés,
toutes les perfections, tous lés secrets, tous les germes vicieux qu'elle
recèle, et encore, après une étude persévérante et approfondie, ne trou
ve-1-on pas toujours la clé de ce mystérieux dédale.
Craponne suivait donc la rue Saint-Honoré, cherchant à s'expliquer
le motif de la conduite de Caroline, lorsqu'une main s'appuya familière
ment sur son épaule.
— Vous ici, Monsieur de Brissac? s'écria Craponne en recon naissant
le colonel de la cavalerie légère.
— Moi-même, mon cher Adam, répondit le favori de DiaHe de Poi
tiers; mais vous sortez de chez le marquis de Roehebrune, si je ne me
trompe ?
— Vous ne vous trompez nullement. J'avais apparier au marquis.
— Ne serait-ce pas au sujet du diamant-trouvé en la possession de la
comtesse P
— Peut-être.
— Vous êtes d'une discrétion désespérante, mon eher Craponne; je!
serai plus communicatif que vous, moi, et je vous dirai que depuis une
hèure, depuis mon entretien avec Mme de Nably, entretien dont vous
connaissez le résultat, il s'est passé en haut lieu, des événemens fort
extraordinaires. „
— En vérité P
—"J'étais revenu chez Mme Diane > en sortant de chez la comtesse, k
peint avions-nous échangé quelques paroles que Mme de Nably est sur
venue tout-à-coup. Elle était pâle, égarée, mourante. Lorsqu'elle a pu
surmonter sa faiblesse, la noble dame m'a conjuré de ne pas.rapporter
au roi notre conversation. Elle a ajouté,'qu'elle m'avait déguisé la vérité,
que ce n'était pas du marquis qu'elle tenait le diamant, et qu'elle vou
lait se jeter aux pieds du roi pour lui foire un aveu.complet de ce qui
s'était passé. Henri li se trouve présentement à la Muette. En apprenant
cotte nouvelle, la comtesse est remontée dans son carrosse et s'est dirigée
du côté de cette résidence. Qu'a-t-elle à déclarer au roi P Je l'ignore.
Toujours est-il que tout cela me parait bien extraordinaire et que je
soupçonne fort, malgré les dénégations de Mme de Nably, certain mar
quis de Roehebrune de n'être pas étranger au vol des diamans. N'êtes-
vous pas de cet avis, Monsieur de Craponne ?
— Peut-être , répondit de nouveau le gentilhomme provençal, qui
comptait sur l'entier accomplissement de la condition imposée au mar
quis, et qui ne voulait pas, par une parole inconsidérée , aider à ternir
le nom si glorieux des Roehebrune.
— Allons, allons, je devine, reprit le colonel, que vous en savez plus
long que vous ne voulez l'avouer, Monsieur de Craponne. Mais, par la
mortdieu, il faudra bien que le mystère du vol des diamans soit pénétré.
— Il le sera, vous pouvez y compter.
— En vérité P
— En vérité.
— Bientôt ? *
— Bientôt.
— Demain P
— Ce soir. C'est moi qui vous le promets, et vous savez si je promets
en vain. . ,
Pendant que Craponne prononçait ces dernières paroles, le beau co
lonel suivait d'un œil attentif , deux hommes enveloppés dans de larges
manteaux, et la figure cachée, l'on était dans les jours gras , sous dés
masques de velours. Ces deux hommes paraissaient les examiner avec
soiH, Craponne et lui. La présence de ces personnages mystérieux, leurs
allures sinistres, le regard qui brillait derrière le masque, et qui restait
attaché sur eux, inquiétaient visiblement le colonel.
— Monsieur de Craponne, dit-il à son interlocuteur, remarqHez-veus
ces deux hommes qui ne nous perdent pas de vue , et qui, de temps à
autre, échangent quelques mots à voix basse?
— En effet, ils semblent rôder autour de nous comme des animaux
féroces autour de leur proie , répondit Craponne. Mais . ajouta-t-il aus
sitôt, l'un d'eux, le plus graHd, a toute la tournure du marquis.
— Vous croyez P demanda M. de Brissac, qui parut respirer plus libre
ment, je craignais.... je m'imaginais....
— Je devine.... votre inquiétude m'explique le motif de votre pré
sence en ce lieu. Vous attèndez quelque beauté mystérieuse, sans doute.
Cette beauté est affligée d'un tyran jaloux et soupçonneux, qui pourrait
b'^ji trouver mauvais que sa femme allât rejoindre, aux étuves du com
père Garacciolli, le fringant colonel de la cavalerie légère*
— De la calomnie, M. de Craponne, fit M. de Brissac en souriant.
— Non pas ; de la médisance peut-être.
— Eh bien ! vous avez deviné juste. Oui , Monsieur Adam > les étuves
du signor Caracciolli sont le but où je porte mes pas.... Je dois y re
trouver une femme charmante, la perle des dames de la cour.
— Une déesse , n'est-il pas vrai ? dit Craponne , en faisant allusion à
Mme Diane , qui, nous l'avons déjà observé, avait distingué, dans la
foule de ses adorateurs, le beau-colonel.
M. de Brissac n'entendit pas l'observation de son interlocuteur ; toute
son attention était concentrée, en ce moment, sur une chaise à porteurs
qui s'avançait de son côté. Des rideaux de soie verte, disposés d'une cer
taine façon à la portière droite, lui ont révélé la présence de celle qu'il
attend ; mais il redoute un guet-à-pens, car les deux masques sont toû-
ÈDITIO^EE PARIS
NEUMRO 48.
, POLITIQUE ET LITTÉRAIRE.
'I ■ T i ; - ; ■ . . 46 FEVRIER. . \ _
MANIFESTE DU RÉGENT D'ESPAGNE. !
; les journaux de Madrid nous apportent aujourd'hui , le manifeste
adressé par le régent au peuple espagnol. Ce document, que nous
reproduisons en entier; est attaqué arec une extrême violence par
la presse opposante de Madrid, Nous nous sommes toujours imposé
la loi deine juger qu'arec une extrême réserve les actes qui concer
nent les affaires intérieures de nos ..voisin* , car «1out peuple libre
entend, à bon-droit,• faire lui-même ses affaires, sans que l'étranger
• s'en mêle, si c'est, ae la part ide la diplomatie, upjs prétentioa exor
bitante,que de vouloir influer sur la solution de questions qui ne la
touchent pas, ce serait aussi, de: la part de la presse, une prétention-
tint soit peu ridicule que dé vouloir faire la leçon aux gouvernemens
étrangers et ^prononcer magistralement sur les griefs des partis.
Quand une question touche à la fois deux pays, quand il s'est agi,
par exemple, entre l'Angleterre et la JFrance, du, droit de visité;
entre la France eJ l'Espagne, des faits qui se rattachaient à la con
duite de notre consul àBarceione, la presse française avait le droit
et lé devoir de se mêler activement aU débat, pour contribuer, autant
qu'il dépendait d'elle, à obtenir une solution qui satisfit les intérêts
de la France. Mais qaand le régent Espartero adresse des conseils
aux électeurs, quand il juge les partis qui divisent l'Espagne, nous
.avouons franchement que la presse française ne nous parait pas en
mesure d'apporter;, dans un pareil d.ébat, un jugement suffisamment
éclairé. |
Cependant il est un point de vue sous lequel il nous est permis de
juger le manifeste du régent, paree qu'il y a, pour la France, un
intérêt puissant à ce que le gouvernement constitutionnel se main
tienne et se fortifie en Espagne. Sous ce. rapport, le manifeste nous
parait mériter des-éloges. On a tant parlé de l'ambition d'Espartero,
de ses besoins de dictature, qu'il importe de recueillir, comme dé
menti solennel à ces bruits, les paroles que le régent adresse au
peuple espagnol. Il est impossible de protester en termes plus clairs
et plus énergiques contre les projets que les partis lui prêtent. Le
maintien de la constitution et du trône d'Isabelle II, voilà le but
qu'Espartero se.propose, et, pour l'atteindre, il appelle hautement la
conciliation des partis. Les conseils qu'il donne aux électeurs ont
un caractère de loyauté qui sera apprécié, même en France, soù i le
pouvoir est bien loin d'afficher et surtout de pratiquer l'impartialité
que le régent recommande. Auï yeux du régent, tout candidat qui
ne sort pas de la constitution, peut être utile au pays, alors même
que le ministère trouverait en lui un adversaire. Nous ne savons pas
comment les choses se pratiqueront en Espagne, mais ce dont nous
sommes convaincus, c'est qua si, en France, les hommes qui gou
vernent professaient de tels principes, il se pourrait bien que les
choix dès électeurs renversassënt des ministères ; mais, à coup sûr,
ils fortifieraient la constitution et le gouvernement.
Voici le manifeste du régent :
« Dans la situation si difficile, si compliquée où le conflit des pas
sions, les artifices de l'intrigue, le caractère même des événemeas a placé
la chose publique, le régent du royaume s'adresse à ses concitoyens. En
leur parlant avec sa franchise accoutumée des grands intérêts qui affec
tent présentement l'état, peut-être engagera-t-il ceux qui aiment vérita
blement leur patrie, à concourir au même but, à n'avoir qu'une même
pensée le jour où le scrutin les réuHira.
> Vous avez vu avec quelle obstination, quel acharnement nos enne-
On s'abonne à Paris, au bureau du C omotitijtionksi ., rue Montmartre, in. 121.
on s'abonne chez les libraires,' les directeurs de poste, et, tant augmentation de prix.
~7t. pour un mois. 20 fr. pour trais mois, 40 fr. peur six mois, et80 fr. pour l'année^
mis poursaiveat leur.projet machiavélique et cruel dé nous diviser, de
nous lasser, de nous détourner: de nos affairés.de nous faire prendre^ en.
haine et dégoût, d'abord les hommes, ensuite les choses. Se là se décha î-
nement de la presse, ces diffamations personnelles, cette irruption qui
pénètre par^çût, ces divisions introduites entré les vainqueurs de sep
tembre, si unanimes sur les' grandes questions pélill'qûês, si déplorablè-
mént hostiles les' uh» aux autres sur des points secondaires d'adminis
tration.et d'ordre public.De là aussi ces deux événemens -scandaleux et
graves qui ont troublé la paix de la monarchie dans les deux dernières
' années et ent.mis à nu l'incessante perversité de nos ennemis.
V » Le premier é'est l'attentat d'octobre. Lé monde a vu'quelle fut l'is-
sue de cette abominable conspiration qui se portait directement sur
le palais sacré de nos roisj ; „ • :
: ~»"Le monde a vu la ruiâe et l'opprobr&âeij exécuteurs de ce plan aussi
sacrilège que téméraire. v "
• ' » Nos ennemis persistèrent dans leur objet, mais en changeant de
plan, sans diriger . comme la première f6is, le poignard au cœur-de la .
monarchie , ils cherchèrent ,'a rallumer une autre guerre civile. Ils s'ap
puyèrent sur la riche et populeuse Barcelone ; c'est là qu'ils établirent
l'arsenal de'leurs intrigues et de leurs artifices ; là accoururent comme
auxiliaires les vagabonds de-l'Europe, scorie de, tbutes les nations, qui,
sans patrie,' sans. foyer* sans lien social aucun,: sont .toujours les vils ins-
trumens de la main qHi les, paye. A eux çt à leurs, cruels instigateurs
sont dus.les dangers qu'a "courus ce bouleyard de'ndtrè industrie, et les
: maux que. lui a valus son imprudente témérité; C'était le devoir du gou
vernement de réprimer vigoureusement une rébellion déclarée." Il avait
pour cela plus de forces qu'il,ne lui en fallait ; le choix d'une occasion
lui appartenait entièrement (la ocasione jaera suya del todo), la résistan
ce était impossible. Et pourtant l'Espagne , l'Europe, savent avec quels
ménagemëns il a usé de 6on droit de chllier. Les faits sont notoires : de
vaines déclamations, de grossières impostures., ne sauraient prévaloir,
contre eux. Mais laissons ces armes pux fauteurs, aux complices du sou
lèvement ; qu'ils se consolent par là de la perte de leurs èspérances.
» Mais si la cause nationale a glorieusement triomphé de ces deux pé
rils, leur influence morale sur l'esprit public n'est pas moins effective ,
évidente. .Us ontproduit de nouveaux intérêts , de nouvelles passions,
des difficultés nouvelles. L'aspect de nos affaires est aujourd'hui complè
tement changé: son caractère est tout différent de celui qu'il avait lors
que les cortèsse réunirent au mois de mars 1841. Il était de la conve
nance publique; ou, pour mieux dire , de toute nécessité de convoquer
de nouvelles chambras - qui tussent l'expression manifeste de la volonté
nationale, à l'égard des besoins actuels et des remèdes qu'exigeait la nou
velle situation de l'état. Animé de cet esprit, ,et dans ce seul but, j'ai usé
dans cette occasion des facultés-que la constitution me concède. D accord
avec mon, conseil des ministras, j'aj dissous les chambres, et j'en ai con
voqué de nouvelles. .
» La mission des nouvelles chambres est grande autant que .glorieuse;
le système des . impôts, l'organisation de la force-publique et du pouvoir
judiciaire,:Jes:codes, le crédit public, les budgets châtiés avec la plus sé
vère économie; la balance, approximative des recettes et des dépenses,
les ressources pour comblèr je déficit et faire face aux obligations ; les
municipalités, les dpputations provinciales, les préfectures, la presse, la
milice» l'instruction publique, tels sont les projets qui réclameront les
soins des nouvelles chambres, aussi bien que lès lois organiques qui au
ront pour but de consolider la loi fondamentale, objets delà plus haute
importance, tous délicats , tous difficiles , s'il y a rien de difficile pour
une velôHlé ferme et constante, pour un patriotisme éclairé et de
bonne foi. *
* 11 est donc nécessaire, qu'en approchant de l'urne électorale , vous
considériez mûrement quel nom vous allez y jeter; et si le citoyen qui
le porte est capable de. remplir d'aussi graves devoirs, de défendre
d'aussi chers intérêts. Je - ne prétends pas vous désigner, je n'ai pas le
droit de vous désigner la classe, le parti, l'opinion auxquels, pour rem
plir ce but, vous devez accorder votre voix. Tous les partis . toutes les
opinions, toutes les vues qui n'outrepasseront pas les limites de.la cons
titution, peuvent être utiles au service de l'état, tous sont respectables
pour moi. Ce qui importe , c'est que les élus, quel que soit leur parti,
soient des hommes de raison et de bon conseil,'suffisamment instruits des
besoins et des ressources du pays,- des hommes d'une probité reconnue,
sévères pour l'intrigue, impénétrables à la corruption, inaccessibles à la
crainte. Ce n'est pas moi qui impose ees conditions, c'est la patrie, c'est
la nécessité des choses. y '*
» Elevé que je suis par la confiance de la nation à un poste si émi-
nent, investi d'une confiancèsi étendue, je ne puis être ému des passions
M—«««f 1*** t 7^im*1VfltTinm[|'VlmHiltUWimmiltl>l
qui prennent place dans les débats parlementaires. Je vous donne ces'
conseils: avec la plus entière impartialité, avec la plus:pure ; bonne foi..
Que pourrais-je,désirer de plus? La première page de ma destinée se,
trouve inscrite dans lés champs de Gergara. La Providence l'ai fermée
aux événemens de septembre et au vote qui m'éleva à la régence. Je sais"*
que ma responsabilité est immense. Mais la ligne 1 de mes devoirs est
clairement tracée par mon madat, par les événemens, par la loyauté dfci
mes principes, par la modération,de mes désirs : Je l'ai dit et j'ai jurés
cent fois : conserver, çpnsolider la liberté, politique" et civile de notre (
patrie,.maintenir sans atteinte le ; trône (l'Isabelle et déposée.à ses pieds .
l'autorité qui s'exerce en son nom, au jour déterminé par la loi'fonda- ' !
mentale, tels sont.mes désirs. Ils sont clairs, précis^ déterminés, et n'ont'
besoin ni.d'explication, ni d'interprétation; Soyez.certains que je sau?v>
railes remplir, v..
» C'est à ce fermeidèsséin que j'ai formé, qu'est due l'hostilité acharnée;
à laquelle je suis en butte, moi, homme du peuplé,»,sojdat de fortune,',
favorisé par le sort et devant mes succès militaires bien moins .à ma ea-'
pacité qu'à la valeur de nos troupes et à là bonté de la cause que je dé 1 '
fends. Moi, pacificateur du pays, défenseur, de la constitution , du trône;
et de nos institutions politiques, comment aurai-je pu éçhapper aux,a.t-t
taques des ennemis acharnés de ces objets dont je suis lé Ijouclier tu té-,
laire? Conspirations, menaces, insultes, calomnies, ils n'épargnent" rreii'
pour me séparer de vohs et de l'Europe, pour me détourner de mon no
ble but, et, si c'était possible, m'inlimider. - , . c e
» Qse ces ennemis ne s'y trompent pas. Ou qu'apparaisse la plus légère
étincelle de guerre civile , Ta moindre trame contre les droits-d'Isabelle
et de la constitution, la moindre conspiration contre l'indépendance nà? .
flAtlfllâ *1 N» ¥TA 1 AMA ! 1 rt nllAIÏAmAÎ AAifXhAM «Ml - — * ? L. _ J 1. ' • _ f
de discipline. C'est ainsi que je les châtiai en octobre devant le palais dé
nos rois; c'est ainsi que je les châtiai en Navarre et plus récemment' à'
Barcelone. Et celte sécurité , Espagnols, ne vient pas'd'une vaine con
fiance dans mes forces, dans mou habileté, dans mon bonheur.' Non, je.
ne suis rien sans vous. Mais, par suite d'événemens qu'il n'a été au po\i-
voir de personne de diriger , je suis devenu en quelque serte le repré
sentant de Cette opinion, de cette volonté nationale, qui, il y a trente
ans, s'opposa à l'épouvantable aggression de Napoléon , et
_ » i Je suis le représentant de cette volonté, qui exigea des. libertés poli
tiques,et civiles pour que l'Espagne ne fut pas eiposée une seconde fois
à de si ignominieux outrages, qui sut reconquérir en 182tf là liberté per
due par excès de loyauté , qui, plus tard, après que cette liberté eûtf
succombé devant une invasion étrangère, auxiliaire de nps discordes,
civiles, la proclama de nouveau au nom d'Isabelle II et sût la défendre
héroïquement contre les efforts de don Carlos, qui, enfin, sut la proté
ger en septembre, et qui l'a sauvée ees dangers de la dernière insurrec- !
tion.
» Dans cette volonté est ma force; en elle je mets ma confiance;, et si
les législateurs que vous allez nommer arrivent pénétrés des mêmes sen-'
timens , la grande «euvre, déjà si avancée t sera ceurennée. C'est ainsi 1
qu'à l'époque où Isabelle II prendra dans ses jeunes mains les rênes de
l'état,, vous loi donnerez un royaume tranquille au dedans, respecté au
dehors, défendu par votre valeur, arrosé de votre sang;, constitue par vo
tre sagesse; et votre patriotisme, votre loyauté n'auront rien oublié ,
rien omis.
» Madrid, 6 février 1843. Signé, le bbc db la victoim ,
' » régent du royaume. •
( Suivent les signatures dés ministres. )
DÉSAVEU DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL.
Nous recevons aujourd'hui le texte complet du désaveu publié par
la Gazette de Madrid du 10, désaveu que la dépêche télégraphique
publiée avant-hier a fait incdmplètement connaître. Notre corres
pondance annonce que M. Capaz, mibistre de la marine , et M. Pe
dro Chacon , capitaine-général de Madrid, ont puissamment contri
bué, par leurs dispositions tout-à-fait conciliantes , à la détermina
tion qu'a prise le .gouvernement espagnol de satisfaire aux réclama
tions de la France. On ne doute pas que ce désaveu, et la répri
mande qui a été adressée à Zurbano, à l'occasion de son démêlé avec
PORTRAITS HISTORIQUES.
adam de craponne (1),
, Pendant que ces deux misérables se disposaient ainsi à .commettre un
double meurtre, Adam de Craponne descendait la rue Saint-Honoré, se
-dirigeant vers sa demeure. Quelque préoccupé qu'il dût être de sa con
versation avec le marquis, et des suites qu'elle pouvait avoir, il ne lais
sait pas que de reporter sa pensée dans la petite maison qu'habitait Ca
roline. La conduite de la jeune fille présentait à.son esprit un problème
insoluble. Elle l'aimait, elle lui avait fait ce doux aveu, dans un de ces
momens suprêmes, dans un de ces élaHS spontanés, où l'ame se révèle
par la parole; et cependant, Caroline, qui lui avait paru subjuguée, fas
cinée par ses tendres accens, Caroline dont le sein, par ses mouvemens
rapides et désordonnés, trahissait l'émotion intérieure, avait résisté aux
douces instances qui lui étaient faites, et avait refusé de le recevoir de
nouveau. Cette manière d'agir de la part d'une épouse qui n'a jamais
trahi ses devoirs, de Ta part d'une chaste créature dont les désirs inno-
cens n'ont jamais franchi le seuil paternel, aurait semblé toute ration
nelle à Craponne. Mais Caroline n'était pa» dans cette position, la mal
heureuse jeune fille.! Entrainée loin de sa famille, par un amour im
mense et absorbant; adorée, puis trahie, puis lâchement livrée par celui
qui occupait toutés ses facultés, Caroline a goûté tous les énivremens
de la passion ; elle s'est affaissée sous le poids des déceptions et des souf
frances qu'elle traîne à sa suite. Maintenant le bonheur lui sourit de
- nouveau ; elle peut renaître à la vie, recommencer une existence toute
de parfums et de délices ; son cœur l'y engage, et voilà que, par un ca
price inconcevable, par une de ces causes que l'esprit le plus pénétrant
ne peut découvrir, elfe se raidit contre ce penchant qui l'entraine.
Etrange bizarrerie! énigme impénétrable dent Craponne cherche par
tout le mot et qu'il ne peut trouver! Peut-être aurait-il deviné le mobile
qui dicte, en cette circonstance, sa conduite, à la jeune fille, s'il avait
mieux étudié cette organisation exquise, cette nature simple et passion-
" née, ce caractère grand et noble, que l'adversité n'a pu réussir à dégra
der. Peut-être, s'il l'avait mfeux connue, cette belle créature que le ha
sard a jetée sur sa route, lui serait apparue avec des proportions qui
n'appartiennent pas aux femmes vulgaires, et alors à ce sentiment affec
tueux qu'il nourrissait pour elle, se serait joint cet autre sentiment,
l'admiration qu'un dévoûment sublime peut seul inspirer.
Mais si un court espace de temps, quelques jours, une seule entrevue,
suffisent quelquefois à faire naître un amour réciproque et violent, il
faut des mois et des années peur pouvoir lire couramment dans l'ame de
" ■
(l) Yoirles numéros des 3, 4,7, 8, 9,14, 15 et 16 février.
la personne qui nous est chère, pour y découvrir, dans ses replis cachés,
toutes les perfections, tous lés secrets, tous les germes vicieux qu'elle
recèle, et encore, après une étude persévérante et approfondie, ne trou
ve-1-on pas toujours la clé de ce mystérieux dédale.
Craponne suivait donc la rue Saint-Honoré, cherchant à s'expliquer
le motif de la conduite de Caroline, lorsqu'une main s'appuya familière
ment sur son épaule.
— Vous ici, Monsieur de Brissac? s'écria Craponne en recon naissant
le colonel de la cavalerie légère.
— Moi-même, mon cher Adam, répondit le favori de DiaHe de Poi
tiers; mais vous sortez de chez le marquis de Roehebrune, si je ne me
trompe ?
— Vous ne vous trompez nullement. J'avais apparier au marquis.
— Ne serait-ce pas au sujet du diamant-trouvé en la possession de la
comtesse P
— Peut-être.
— Vous êtes d'une discrétion désespérante, mon eher Craponne; je!
serai plus communicatif que vous, moi, et je vous dirai que depuis une
hèure, depuis mon entretien avec Mme de Nably, entretien dont vous
connaissez le résultat, il s'est passé en haut lieu, des événemens fort
extraordinaires. „
— En vérité P
—"J'étais revenu chez Mme Diane > en sortant de chez la comtesse, k
peint avions-nous échangé quelques paroles que Mme de Nably est sur
venue tout-à-coup. Elle était pâle, égarée, mourante. Lorsqu'elle a pu
surmonter sa faiblesse, la noble dame m'a conjuré de ne pas.rapporter
au roi notre conversation. Elle a ajouté,'qu'elle m'avait déguisé la vérité,
que ce n'était pas du marquis qu'elle tenait le diamant, et qu'elle vou
lait se jeter aux pieds du roi pour lui foire un aveu.complet de ce qui
s'était passé. Henri li se trouve présentement à la Muette. En apprenant
cotte nouvelle, la comtesse est remontée dans son carrosse et s'est dirigée
du côté de cette résidence. Qu'a-t-elle à déclarer au roi P Je l'ignore.
Toujours est-il que tout cela me parait bien extraordinaire et que je
soupçonne fort, malgré les dénégations de Mme de Nably, certain mar
quis de Roehebrune de n'être pas étranger au vol des diamans. N'êtes-
vous pas de cet avis, Monsieur de Craponne ?
— Peut-être , répondit de nouveau le gentilhomme provençal, qui
comptait sur l'entier accomplissement de la condition imposée au mar
quis, et qui ne voulait pas, par une parole inconsidérée , aider à ternir
le nom si glorieux des Roehebrune.
— Allons, allons, je devine, reprit le colonel, que vous en savez plus
long que vous ne voulez l'avouer, Monsieur de Craponne. Mais, par la
mortdieu, il faudra bien que le mystère du vol des diamans soit pénétré.
— Il le sera, vous pouvez y compter.
— En vérité P
— En vérité.
— Bientôt ? *
— Bientôt.
— Demain P
— Ce soir. C'est moi qui vous le promets, et vous savez si je promets
en vain. . ,
Pendant que Craponne prononçait ces dernières paroles, le beau co
lonel suivait d'un œil attentif , deux hommes enveloppés dans de larges
manteaux, et la figure cachée, l'on était dans les jours gras , sous dés
masques de velours. Ces deux hommes paraissaient les examiner avec
soiH, Craponne et lui. La présence de ces personnages mystérieux, leurs
allures sinistres, le regard qui brillait derrière le masque, et qui restait
attaché sur eux, inquiétaient visiblement le colonel.
— Monsieur de Craponne, dit-il à son interlocuteur, remarqHez-veus
ces deux hommes qui ne nous perdent pas de vue , et qui, de temps à
autre, échangent quelques mots à voix basse?
— En effet, ils semblent rôder autour de nous comme des animaux
féroces autour de leur proie , répondit Craponne. Mais . ajouta-t-il aus
sitôt, l'un d'eux, le plus graHd, a toute la tournure du marquis.
— Vous croyez P demanda M. de Brissac, qui parut respirer plus libre
ment, je craignais.... je m'imaginais....
— Je devine.... votre inquiétude m'explique le motif de votre pré
sence en ce lieu. Vous attèndez quelque beauté mystérieuse, sans doute.
Cette beauté est affligée d'un tyran jaloux et soupçonneux, qui pourrait
b'^ji trouver mauvais que sa femme allât rejoindre, aux étuves du com
père Garacciolli, le fringant colonel de la cavalerie légère*
— De la calomnie, M. de Craponne, fit M. de Brissac en souriant.
— Non pas ; de la médisance peut-être.
— Eh bien ! vous avez deviné juste. Oui , Monsieur Adam > les étuves
du signor Caracciolli sont le but où je porte mes pas.... Je dois y re
trouver une femme charmante, la perle des dames de la cour.
— Une déesse , n'est-il pas vrai ? dit Craponne , en faisant allusion à
Mme Diane , qui, nous l'avons déjà observé, avait distingué, dans la
foule de ses adorateurs, le beau-colonel.
M. de Brissac n'entendit pas l'observation de son interlocuteur ; toute
son attention était concentrée, en ce moment, sur une chaise à porteurs
qui s'avançait de son côté. Des rideaux de soie verte, disposés d'une cer
taine façon à la portière droite, lui ont révélé la présence de celle qu'il
attend ; mais il redoute un guet-à-pens, car les deux masques sont toû-
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