Titre : La Renaissance littéraire et artistique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : on s'abonne chez Lachaud, éditeur (Paris)
Éditeur : à l'Agence généraleà l'Agence générale (Paris)
Éditeur : [Librairie de l'eau-forte][Librairie de l'eau-forte] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-02-08
Contributeur : Aicard, Jean (1848-1921). Directeur de publication
Contributeur : Blémont, Émile (1839-1927). Directeur de publication
Contributeur : Lesclide, Richard (1825-1892). Directeur de publication
Contributeur : Rouquette, Jules (1828-1888). Directeur de publication
Contributeur : Hardy-Polday (1850-1921). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430961x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 698 Nombre total de vues : 698
Description : 08 février 1873 08 février 1873
Description : 1873/02/08 (A2,N1)-1873/12/28 (A2,N47). 1873/02/08 (A2,N1)-1873/12/28 (A2,N47).
Description : Collection numérique : France-Japon Collection numérique : France-Japon
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65803546
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-2277-2278
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/03/2014
LA RENAISSANCE. 77
LE VAL PROFOND
La ville étroite et svelte, au corselet de pierre,
Sur la campagne en fleur se dresse fièrement
D'un élan si hardi, qu'on ferme la paupière,
L'œil saisi, tout d'abord, d'un éblouissement.
La petite cité — comme en plein moyen âge
Elle dominait tout dans la guerre ou la paix —
D'un air seigneurial commande au paysage,
Et guette les grands bois aux feuillages épais.
Fleuve, pont, viaduc unissant deux collines,
La contemplent d'en-bas dans leur humilité ;
Sur les anciennes tours, au lieu de javelines,
Maint rameau vert se penche avec tranquillité.
Je l'ai quittée un jour pour une promenade,
Non par l'âpre zigzag partant des vieux remparts.
Les rossignols de mai donnaient leur sérénade
Parmi les clos en pente et les jardins épars.
Le long des gais jardins, où le lilas embaume
Avec le pommier rose et les hauts marronniers,
Froissant d'un doigt distrait une tige de chaume,
J'ai pris le plus riant des chemins printaniers.
Doux sentier ! Non de ceux qui font les jambes lasses
Et l'haleine oppressée au bout de quelques pas :
C'est comme un escalier très-lent, aux marches basses,
Qui vous attire au loin, mais ne vous brusque pas.
On descend, on descend, et l'on descend encore,
Et l'on ne voit plus rien, ni logis, ni courtil,
Hors le chemin tournant que l'églantier décore ;
Et l'on se dit, songeur : - Où donc me mène-t-il?
Où donc? — Tout à coup s'ouvre, au déclin de l'allée,
Sous vos yeux, sous vos pieds, se creusant comme un nid,
Entre les branches d'arbre, une calme vallée,
Coupe exquise et mignonne aux parois de granit.
Comme un puits de verdure où finirait le monde,
Elle conserve au rêve un éternel abri :
L'homme y perd le souci de sa tâche inféconde ;
Sous l'antique chênaie on n'entend pas un cri.
Une eau ferrugineuse y filtre de la roche
Dans un bassin rustique, où boivent les oiseaux.
Ce coin béni, dont nul sans extase n'approche,
On l'appelle au pays la Fontaine des Eaux.
Je l'avais déjà vu dans mon cœur solitaire
Où, survivant au cours des étés qui s'en vont,
Ma jeunesse d'antan palpite avec mystère,
Comme la source fraîche au creux du val profond !
FÉLIX FRANK.
MUSIQUE
Il y avait une fois, à l'Institut, un fauteuil vacant. Deux can-
didats prétendaient à l'honneur de s'y asseoir : un homme de
génie et un agréable faiseur de chansonnettes, Berlioz et Cla-
pisson. Les bras du fauteuil se tendirent avec amour vers
Clapisson.
Aujourd'hui, l'Institut, ayant à choisir entre MM. Reyer et
Bazin, choisit M. Bazin. Il est resté fidèle à ses traditions.
M. Reyer est loin d'égaler Berlioz, mais M. Bazin est aussi
loin d'égaler Clapisson, et la proportion est gardée.
M. Bazin, professeur de composition au Conservatoire,
membre de l'Institut, admirateur de M. Eugène Diaz, est à
l'apogée de sa gloire; il ne lui reste plus qu'à la mériter.
PHÉMIUS.
LES ANIMAUX
A UN BŒUF DE LA CORNOUAILLE
Je marchais dans la rocailleuse et la triste Cornouaille,
sur la route barrée de granits à fleur de sol. A ma gauche
se dressa, rapprochant brusquement l'horizon, un monticule
aride où faisaient tache quelques plaques clairsemées d'une
bruyère noire. Le sommet en arête coupait un ciel terne,
uniformément gris, ciel toujours bas, toujours lourd, ciel
vieux en harmonie de ton avec l'amer pays qu'il recouvre.
Là, tout en haut, se tenait un grand bœuf à robe noire
et blanche, se profilant immobile, découpé sur les nues.
C'eût été une belle et sombre étude de valeurs, pour
un peintre. Un rayon du soleil déjà tombant perça les
nuages et, frappant horizontalement, mit une bande d'or
sur le large frontal de la bête puissante. Aussi brillèrent
ses cornes grisâtres aux extrémités brunes, très-polies, ses
cornes évasées et contournées. Et le vers de Léon Dierx me
revint en mémoire :
Bœufs résignés, songeurs oublieux de vos cornes!
Oublieux de vos cornes!. Demain, bœuf aux abondants
fanons, aux jarrets fermes, aux côtes arquées solidement!
Samedi, jour de marché, quatorze lieues dans la poussière
vers la ville que tu ne connais pas; la grand' -rue pénible-
ment montée, œil inquiet, corne basse, à travers les boutiques
de toile, les étalages sur le pavé, les groupes qui ne se dé-
rangent pas, la foule des paysans venus de loin, se poussant
et criant et se frappant dans les mains pour conclure les
marchés ; le sifflet aigu — terrifiant — des chemins de fer
déjà proches, puis tout à coup, dans ce tumulte et dans cet
encombrement, les courriers dévalant avec leurs chevaux
en flèche, dans un étourdissant tintement de grelots. Et
c'est la vague peur de tout un monde inconnu, où tu ne sais
ce qu'on vous mène faire, toi et tes compagnons, — mêlée
aux peurs précises des mille accidents du chemin, enfants
armés de pierres, objets de formes insolites, passages ra-
pides de voitures. Ensuite, ô tristes bœufs ! vous serez par-
qués derrière les palissades, près des grands bâtiments qui
ne ressemblent guère aux chaumières de là-bas ; vous serez
poussés un à un sur une étroite planche, vers une sorte
d'étable bizarre, tout en bois, sèche, montée sur des roues ;
faible résistance ! Vous entrerez, vous y resterez, étroite-
ment pressés, sentant à chaque inspiration de vos voisins
leurs côtés s'engager dans les vôtres et les meurtrir. Le
soir, sans nourriture, sans eau depuis vingt-quatre heures
(où les repas de choux et de navets? où la verte avoine? où
le gazon des landes aromatiques? où la claire source sous
les petits chênes forts et feuillus, dans la prairie que
paissent encore vos mères?) le soir, un mouvement autour
de votre prison, un pas au-dessous de vous, un heurt mé-
tallique qui se répète de moment en moment, de loin en
loin, des yeux qui vous regardent précipitamment, vous
comptent; un autre de ces atroces sifflements qui vous ont
obsédés tout le jour, un choc : par l'étroite fente à hauteur
de vos yeux tous les objets qui bordent la route vous appa-
raîtront remuant, défilant, cabriolant dans l'obscurité pro-
fonde. Tout vibre autour de vous; à de certains moments
LE VAL PROFOND
La ville étroite et svelte, au corselet de pierre,
Sur la campagne en fleur se dresse fièrement
D'un élan si hardi, qu'on ferme la paupière,
L'œil saisi, tout d'abord, d'un éblouissement.
La petite cité — comme en plein moyen âge
Elle dominait tout dans la guerre ou la paix —
D'un air seigneurial commande au paysage,
Et guette les grands bois aux feuillages épais.
Fleuve, pont, viaduc unissant deux collines,
La contemplent d'en-bas dans leur humilité ;
Sur les anciennes tours, au lieu de javelines,
Maint rameau vert se penche avec tranquillité.
Je l'ai quittée un jour pour une promenade,
Non par l'âpre zigzag partant des vieux remparts.
Les rossignols de mai donnaient leur sérénade
Parmi les clos en pente et les jardins épars.
Le long des gais jardins, où le lilas embaume
Avec le pommier rose et les hauts marronniers,
Froissant d'un doigt distrait une tige de chaume,
J'ai pris le plus riant des chemins printaniers.
Doux sentier ! Non de ceux qui font les jambes lasses
Et l'haleine oppressée au bout de quelques pas :
C'est comme un escalier très-lent, aux marches basses,
Qui vous attire au loin, mais ne vous brusque pas.
On descend, on descend, et l'on descend encore,
Et l'on ne voit plus rien, ni logis, ni courtil,
Hors le chemin tournant que l'églantier décore ;
Et l'on se dit, songeur : - Où donc me mène-t-il?
Où donc? — Tout à coup s'ouvre, au déclin de l'allée,
Sous vos yeux, sous vos pieds, se creusant comme un nid,
Entre les branches d'arbre, une calme vallée,
Coupe exquise et mignonne aux parois de granit.
Comme un puits de verdure où finirait le monde,
Elle conserve au rêve un éternel abri :
L'homme y perd le souci de sa tâche inféconde ;
Sous l'antique chênaie on n'entend pas un cri.
Une eau ferrugineuse y filtre de la roche
Dans un bassin rustique, où boivent les oiseaux.
Ce coin béni, dont nul sans extase n'approche,
On l'appelle au pays la Fontaine des Eaux.
Je l'avais déjà vu dans mon cœur solitaire
Où, survivant au cours des étés qui s'en vont,
Ma jeunesse d'antan palpite avec mystère,
Comme la source fraîche au creux du val profond !
FÉLIX FRANK.
MUSIQUE
Il y avait une fois, à l'Institut, un fauteuil vacant. Deux can-
didats prétendaient à l'honneur de s'y asseoir : un homme de
génie et un agréable faiseur de chansonnettes, Berlioz et Cla-
pisson. Les bras du fauteuil se tendirent avec amour vers
Clapisson.
Aujourd'hui, l'Institut, ayant à choisir entre MM. Reyer et
Bazin, choisit M. Bazin. Il est resté fidèle à ses traditions.
M. Reyer est loin d'égaler Berlioz, mais M. Bazin est aussi
loin d'égaler Clapisson, et la proportion est gardée.
M. Bazin, professeur de composition au Conservatoire,
membre de l'Institut, admirateur de M. Eugène Diaz, est à
l'apogée de sa gloire; il ne lui reste plus qu'à la mériter.
PHÉMIUS.
LES ANIMAUX
A UN BŒUF DE LA CORNOUAILLE
Je marchais dans la rocailleuse et la triste Cornouaille,
sur la route barrée de granits à fleur de sol. A ma gauche
se dressa, rapprochant brusquement l'horizon, un monticule
aride où faisaient tache quelques plaques clairsemées d'une
bruyère noire. Le sommet en arête coupait un ciel terne,
uniformément gris, ciel toujours bas, toujours lourd, ciel
vieux en harmonie de ton avec l'amer pays qu'il recouvre.
Là, tout en haut, se tenait un grand bœuf à robe noire
et blanche, se profilant immobile, découpé sur les nues.
C'eût été une belle et sombre étude de valeurs, pour
un peintre. Un rayon du soleil déjà tombant perça les
nuages et, frappant horizontalement, mit une bande d'or
sur le large frontal de la bête puissante. Aussi brillèrent
ses cornes grisâtres aux extrémités brunes, très-polies, ses
cornes évasées et contournées. Et le vers de Léon Dierx me
revint en mémoire :
Bœufs résignés, songeurs oublieux de vos cornes!
Oublieux de vos cornes!. Demain, bœuf aux abondants
fanons, aux jarrets fermes, aux côtes arquées solidement!
Samedi, jour de marché, quatorze lieues dans la poussière
vers la ville que tu ne connais pas; la grand' -rue pénible-
ment montée, œil inquiet, corne basse, à travers les boutiques
de toile, les étalages sur le pavé, les groupes qui ne se dé-
rangent pas, la foule des paysans venus de loin, se poussant
et criant et se frappant dans les mains pour conclure les
marchés ; le sifflet aigu — terrifiant — des chemins de fer
déjà proches, puis tout à coup, dans ce tumulte et dans cet
encombrement, les courriers dévalant avec leurs chevaux
en flèche, dans un étourdissant tintement de grelots. Et
c'est la vague peur de tout un monde inconnu, où tu ne sais
ce qu'on vous mène faire, toi et tes compagnons, — mêlée
aux peurs précises des mille accidents du chemin, enfants
armés de pierres, objets de formes insolites, passages ra-
pides de voitures. Ensuite, ô tristes bœufs ! vous serez par-
qués derrière les palissades, près des grands bâtiments qui
ne ressemblent guère aux chaumières de là-bas ; vous serez
poussés un à un sur une étroite planche, vers une sorte
d'étable bizarre, tout en bois, sèche, montée sur des roues ;
faible résistance ! Vous entrerez, vous y resterez, étroite-
ment pressés, sentant à chaque inspiration de vos voisins
leurs côtés s'engager dans les vôtres et les meurtrir. Le
soir, sans nourriture, sans eau depuis vingt-quatre heures
(où les repas de choux et de navets? où la verte avoine? où
le gazon des landes aromatiques? où la claire source sous
les petits chênes forts et feuillus, dans la prairie que
paissent encore vos mères?) le soir, un mouvement autour
de votre prison, un pas au-dessous de vous, un heurt mé-
tallique qui se répète de moment en moment, de loin en
loin, des yeux qui vous regardent précipitamment, vous
comptent; un autre de ces atroces sifflements qui vous ont
obsédés tout le jour, un choc : par l'étroite fente à hauteur
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raîtront remuant, défilant, cabriolant dans l'obscurité pro-
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