Titre : La Renaissance littéraire et artistique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : on s'abonne chez Lachaud, éditeur (Paris)
Éditeur : à l'Agence généraleà l'Agence générale (Paris)
Éditeur : [Librairie de l'eau-forte][Librairie de l'eau-forte] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-02-08
Contributeur : Aicard, Jean (1848-1921). Directeur de publication
Contributeur : Blémont, Émile (1839-1927). Directeur de publication
Contributeur : Lesclide, Richard (1825-1892). Directeur de publication
Contributeur : Rouquette, Jules (1828-1888). Directeur de publication
Contributeur : Hardy-Polday (1850-1921). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430961x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 698 Nombre total de vues : 698
Description : 08 février 1873 08 février 1873
Description : 1873/02/08 (A2,N1)-1873/12/28 (A2,N47). 1873/02/08 (A2,N1)-1873/12/28 (A2,N47).
Description : Collection numérique : France-Japon Collection numérique : France-Japon
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65803546
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-2277-2278
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/03/2014
LA RENAISSANCE. 135
« — Vous l'avez dit, répondis-je.
« Que pensez-vous qu'elle fit alors? Eh bien! Elle se tourna
vers le mauvais drôle d'Espagnol comme un chat sauvage,
sortit un pistolet de sa poche, et lui brûla la cervelle en pleine
cour.
« C'était vif, il faut l'admettre.
« N'est-ce pas, c'était vif? «répéta le juge avec admiration.»
Je ne voudrais, pour rien au monde, avoir perdu le coup d'œil.
J'ajournai la Cour sur-le-champ ; chacun remit sa redingote et
s'en alla. On fit une collecte pour la veuve et ses petits, et on
les renvoya tous à leurs amis par delà les montagnes.
« Ah ! quelle petite femme vive ! »
Traduit par EMILE BLÉMONT.
NOTES ET PENSÉES
On accuse souvent la langue française de pauvreté. Et pourtant on
trouverait au Dictionnaire assez de mots complètement délaissés pour
former à eux seuls une langue, que je défie aucun Français de com-
prendre.
Ceux qui s'étonnent de la prolixité de certains écrivains ignorent
combien il est plus facile, plus agréable et plus court de développer
sa pensée en deux cents lignes que de la concentrer en vingt.
A dix ans, la femme aime sa poupée, à seize ans, la toilette et le bal,
à vingt ans, son mari, à vingt-cinq ans. quelquefois un ami de son
mari.
Ce qui manque à la femme, c'est le sentiment intermédiaire entre
l'amour et la haine. Elle ne connaît point cette arme de l'homme fort,
l'indifférence.
A qui n'est-il pas arrivé, en suivant paisiblement son chemin,
d'apercevoir une affiche manuscrite derrière les glaces d'un magasin,
de s'approcher, de lire ces mots : Prenez garde à la peinture, et de
constater aussitôt qu'il vient de tacher horriblement de vert et de jaune
ses vêtements, grâce précisément à ce maudit avis?
Rien de dangereux comme certains conseils.
PAUL COURTY.
MUSIQUE
Le samedi 24 mai 1873 était un jour bien mal choisi pour
une première représentation, et ce n'est pas en répandant dans
l'air des préoccupations politiques qu'on peut obtenir une at-
mosphère musicale. Peut-être est-ce à ces-fâcheuses circons-
tances que j'ai dû de ne pas prendre à l'audition de le Roi le
sait autant de plaisir que je m'en étais promis ; peut-être est-ce
pour cela que la pièce m'a paru prétentieusement puérile, les
vers plus que médiocres (le dialogue est en vers), et Mlle Priola
plus qu'insignifiante. Je ne suis pas chargé, grâce au ciel, de
juger la littérature, mais il m'est bien permis de dire que je ne
la comprends pas ainsi, et que, si j'avais le talent d'en faire, je
tâcherai de la faire d'autre façon.
Le point de départ de la pièce, ce monsieur qui se croit
obligé d'avouer au roi l'existence d'un fils imaginaire, ce Je le
savais étourdissant que lui répond le grand monarque, la peine
que se donne ensuite le bourgeois pour ne pas faire mentir la
personne royale, cela est très-amusant et tout à fait du ressort
de la comédie ; mais tout le reste, ces changements de costumes,
ces paysans qui deviennent grands seigneurs, ces mascarades,
ces gens qu'on croit morts ou en prison pendant cinq minutes,
ce demi-jour répandu à dessein sur le tout, qu'est-ce, sinon un
effort visible et bien inutile pour retrouver un genre à jamais
perdu? Genre qui n'était pas plus faux que beaucoup d'autres,
mais dont la fausseté saute aux yeux à présent qu'il est démodé.
Son évolution est finie; l'opéra comique est aussi mort que la
tragédie. Ce système qui consiste à tout effleurer, à n'émouvoir
jamais, à remplacer l'émotion, l'élégance et l'imagination par
la frivolité décorée du nom d'esprit, a fait son temps; ou plutôt
il s'est encanaillé, il est devenu l'Opéra bouffe, il barbotte dans
le ruisseau d'où il ne sortira plus. C'est en vain qu'on l'astique
et qu'on le parfume. Les invraisemblances systématiques de la
pièce qui nous occupe, l'abus des scènes épisodiques, toutes
ces petites filles, ces travestis, et surtout la surabondance des
couplets, tout cela sent l'opéra bouffe d'une lieue; la faute
n'en est point aux auteurs : comme dirait la blonde Hortense,
c'est la fatalité.
On cite toujours les chefs-d'œuvre du genre, le Pré-aux-
Clercs, la Dame Blanche, le Domino Noir, comme si ces ouvrages
n'avaient dû leur puissante vitalité aux qualités sérieuses qui
les distinguent. Le Pré-aux-Clercs est avant tout dramatique ; il
y a mort d'homme à la fin, et on ne peut pas dire que la scène
du bateau ait été traitée « spirituellement » par le compositeur.
Cela fait froid dans le dos, tout simplement. Et la grande scène
de la vente dans la Dame Blanche, est-ce donc si léger? Et dans
le Domino, quand Angèle s'écrie : « Ah! vous m'avez perdue! »
exactement sur le ton, sur les notes même de la Vestale de Spon-
tini, répondant au grand-prêtre qui l'interroge : « Vous ne le
saurez pas! » Et quand Horace chante : « Filles du ciel, priez! »
tout cela est-il donc si drôle? Le véritable genre français mo-
derne, c'est le drame où se mêlent le rire et les larmes, et non
un genre indéfinissable qui érige l'enfantillage en principe. Au-
trement il faudrait dire qu'il n'y a en France ni cœur, ni raison,
ni idéal, ni passion, et que c'est M. Clairville qui représente le
théâtre à notre époque.
Ces critiques n'atteignent pas M. Delibes, dont le talent et la
personne sont également sympathiques. Il a dépensé dans le
Roi le sait des trésors de grâce et d'ingéniosité, et s'il a fait de
la musique très-légère, c'est qu'il n'y avait guère moyen de
faire autre chose sur un canevas si léger; on peut regretter
seulement qu'il ait dépensé tant de talent pour si peu de chose.
M. Gondinet, de son côté, a montré beaucoup d'esprit, et ses
mots partent comme des bouteilles de Champagne ; Mme Réveilly
les lance à merveille : elle est la meilleure de toutes les actrices
qui se démènent dans cette étrange pièce. Sainte-Foy, en
maître à chanter, est désopilant; Lhérie a joué et chanté avec
beaucoup de goût. Les autres montrent un zèle dont on ne sau-
rait trop les louer, si le zèle n'était la pire des qualités.
La direction a grandement fait les choses. Il y a, au troi-
sième acte, un trône qui a dû faire éprouver le supplice de
Tantale aux nombreux monarchistes qui circulaient dans la
salle ; et ce trône est la source d'un tas de quolibets qui emprun-
taient à la situation politique un redoublement de comique au-
quel les auteurs n'avaient pas songé.
Le succès a été très-franc.
PHÉMIUS.
« — Vous l'avez dit, répondis-je.
« Que pensez-vous qu'elle fit alors? Eh bien! Elle se tourna
vers le mauvais drôle d'Espagnol comme un chat sauvage,
sortit un pistolet de sa poche, et lui brûla la cervelle en pleine
cour.
« C'était vif, il faut l'admettre.
« N'est-ce pas, c'était vif? «répéta le juge avec admiration.»
Je ne voudrais, pour rien au monde, avoir perdu le coup d'œil.
J'ajournai la Cour sur-le-champ ; chacun remit sa redingote et
s'en alla. On fit une collecte pour la veuve et ses petits, et on
les renvoya tous à leurs amis par delà les montagnes.
« Ah ! quelle petite femme vive ! »
Traduit par EMILE BLÉMONT.
NOTES ET PENSÉES
On accuse souvent la langue française de pauvreté. Et pourtant on
trouverait au Dictionnaire assez de mots complètement délaissés pour
former à eux seuls une langue, que je défie aucun Français de com-
prendre.
Ceux qui s'étonnent de la prolixité de certains écrivains ignorent
combien il est plus facile, plus agréable et plus court de développer
sa pensée en deux cents lignes que de la concentrer en vingt.
A dix ans, la femme aime sa poupée, à seize ans, la toilette et le bal,
à vingt ans, son mari, à vingt-cinq ans. quelquefois un ami de son
mari.
Ce qui manque à la femme, c'est le sentiment intermédiaire entre
l'amour et la haine. Elle ne connaît point cette arme de l'homme fort,
l'indifférence.
A qui n'est-il pas arrivé, en suivant paisiblement son chemin,
d'apercevoir une affiche manuscrite derrière les glaces d'un magasin,
de s'approcher, de lire ces mots : Prenez garde à la peinture, et de
constater aussitôt qu'il vient de tacher horriblement de vert et de jaune
ses vêtements, grâce précisément à ce maudit avis?
Rien de dangereux comme certains conseils.
PAUL COURTY.
MUSIQUE
Le samedi 24 mai 1873 était un jour bien mal choisi pour
une première représentation, et ce n'est pas en répandant dans
l'air des préoccupations politiques qu'on peut obtenir une at-
mosphère musicale. Peut-être est-ce à ces-fâcheuses circons-
tances que j'ai dû de ne pas prendre à l'audition de le Roi le
sait autant de plaisir que je m'en étais promis ; peut-être est-ce
pour cela que la pièce m'a paru prétentieusement puérile, les
vers plus que médiocres (le dialogue est en vers), et Mlle Priola
plus qu'insignifiante. Je ne suis pas chargé, grâce au ciel, de
juger la littérature, mais il m'est bien permis de dire que je ne
la comprends pas ainsi, et que, si j'avais le talent d'en faire, je
tâcherai de la faire d'autre façon.
Le point de départ de la pièce, ce monsieur qui se croit
obligé d'avouer au roi l'existence d'un fils imaginaire, ce Je le
savais étourdissant que lui répond le grand monarque, la peine
que se donne ensuite le bourgeois pour ne pas faire mentir la
personne royale, cela est très-amusant et tout à fait du ressort
de la comédie ; mais tout le reste, ces changements de costumes,
ces paysans qui deviennent grands seigneurs, ces mascarades,
ces gens qu'on croit morts ou en prison pendant cinq minutes,
ce demi-jour répandu à dessein sur le tout, qu'est-ce, sinon un
effort visible et bien inutile pour retrouver un genre à jamais
perdu? Genre qui n'était pas plus faux que beaucoup d'autres,
mais dont la fausseté saute aux yeux à présent qu'il est démodé.
Son évolution est finie; l'opéra comique est aussi mort que la
tragédie. Ce système qui consiste à tout effleurer, à n'émouvoir
jamais, à remplacer l'émotion, l'élégance et l'imagination par
la frivolité décorée du nom d'esprit, a fait son temps; ou plutôt
il s'est encanaillé, il est devenu l'Opéra bouffe, il barbotte dans
le ruisseau d'où il ne sortira plus. C'est en vain qu'on l'astique
et qu'on le parfume. Les invraisemblances systématiques de la
pièce qui nous occupe, l'abus des scènes épisodiques, toutes
ces petites filles, ces travestis, et surtout la surabondance des
couplets, tout cela sent l'opéra bouffe d'une lieue; la faute
n'en est point aux auteurs : comme dirait la blonde Hortense,
c'est la fatalité.
On cite toujours les chefs-d'œuvre du genre, le Pré-aux-
Clercs, la Dame Blanche, le Domino Noir, comme si ces ouvrages
n'avaient dû leur puissante vitalité aux qualités sérieuses qui
les distinguent. Le Pré-aux-Clercs est avant tout dramatique ; il
y a mort d'homme à la fin, et on ne peut pas dire que la scène
du bateau ait été traitée « spirituellement » par le compositeur.
Cela fait froid dans le dos, tout simplement. Et la grande scène
de la vente dans la Dame Blanche, est-ce donc si léger? Et dans
le Domino, quand Angèle s'écrie : « Ah! vous m'avez perdue! »
exactement sur le ton, sur les notes même de la Vestale de Spon-
tini, répondant au grand-prêtre qui l'interroge : « Vous ne le
saurez pas! » Et quand Horace chante : « Filles du ciel, priez! »
tout cela est-il donc si drôle? Le véritable genre français mo-
derne, c'est le drame où se mêlent le rire et les larmes, et non
un genre indéfinissable qui érige l'enfantillage en principe. Au-
trement il faudrait dire qu'il n'y a en France ni cœur, ni raison,
ni idéal, ni passion, et que c'est M. Clairville qui représente le
théâtre à notre époque.
Ces critiques n'atteignent pas M. Delibes, dont le talent et la
personne sont également sympathiques. Il a dépensé dans le
Roi le sait des trésors de grâce et d'ingéniosité, et s'il a fait de
la musique très-légère, c'est qu'il n'y avait guère moyen de
faire autre chose sur un canevas si léger; on peut regretter
seulement qu'il ait dépensé tant de talent pour si peu de chose.
M. Gondinet, de son côté, a montré beaucoup d'esprit, et ses
mots partent comme des bouteilles de Champagne ; Mme Réveilly
les lance à merveille : elle est la meilleure de toutes les actrices
qui se démènent dans cette étrange pièce. Sainte-Foy, en
maître à chanter, est désopilant; Lhérie a joué et chanté avec
beaucoup de goût. Les autres montrent un zèle dont on ne sau-
rait trop les louer, si le zèle n'était la pire des qualités.
La direction a grandement fait les choses. Il y a, au troi-
sième acte, un trône qui a dû faire éprouver le supplice de
Tantale aux nombreux monarchistes qui circulaient dans la
salle ; et ce trône est la source d'un tas de quolibets qui emprun-
taient à la situation politique un redoublement de comique au-
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