Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-09-08
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 septembre 1910 08 septembre 1910
Description : 1910/09/08 (A11,N36). 1910/09/08 (A11,N36).
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65410581
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/09/2013
ONZIÈME ANNÉE N* 36
LE NUMERO : 25 centimes
8 SEPTEMBltE 1910
Les Annales Coloniales
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Les Services coloniaux des Ports
par Honri COSNIER, Député de l'Indre.
A travers le Sahara
par J. LEMAInE,
A Tahiti, par J. AYTET.
Magistrature coloniale, par J. LEMAIRE.
La vie Indo-Chinoise, par A. GuLLRMiN.
Un roi en exil
A travers l'Afrique
L'Algérie à l'Exposition de Bruxelles
Le Tabac
par P. PAIUS.
Le commerce du Congo Belge en 1909
DOUX RÉGIME
Informations économiques
Ce qui se passe aux Colonies et ailleurs
INFORMATIONS FINANCIÈRES
LES SERVICES
COLONIAUX DES PORTS
On sait que dans les ports de Mar-
seille, Bordeaux, Saint-Nazaire et Le
Havre, existent des organismes appe-
lés « services coloniaux », dirigés par
des agents du Ministère des colonies
mis hors cadres et dont le rôle est
d'administrer le personnel de nos pos-
sessions présent en Frarce à quelque
titre que ce soit. Peu à peu et fort sa-
gement, une importance particulière a
été donnée à ces sortes d'offices, qui se
chargent, avec un soin et une compé-
tence indéniables des intérêts des fonc-
tionnaires dont ils ont la charge. Ces
derniers sont enchantés de la simplifi-
cation qui est résultée pour eux de la
création des dits services. Ils sont
unanimes à en louer les directeurs, à
dire la reconnaissance qu'ils ont pour
leur bienveillante amabilité, pour leur
empressement à prendre en mains leurs
droits et à les soutenir. A cet égard,
un grand progrès a été réalisé sur l'é-
poque où le ministère intervenait. Les
coloniaux se trouvent vraiment chez
eux dans les services des ports et c'est
en toute confiance qu'ils s'adressent
aux distingués fonctionnaires par les-
quels ils sont régis.
Mais il semble qu'il y ait lieu de pro-
fiter de l'expérience acquise et d'éten-
dre aux questions du matériel les bien-
faits de l'institution.
Pour ces questions, le ministère inter-
vient directement et, dans les formes ré-
glementaires, procède aux adjudications
et marchés demandés parles services lo-
caux.11 est un intermédiaire éclairé, sans
nul doute, mais d'habitude désespérément
long. L'administration reprend ici tous
ses droits et sacrifie aux traditions. Un
exemple, qui nous est récemment re-
venu, suffirait à prouver que ces tradi-
tions sont dignes d'inspirer la plus sa-
tirique des critiques. Nous n'aurions
pas ajouté foi au récit qu'on va lire s'il
ne nous avait été confirmé par des do-
cuments irréfutables, tant les faits qu'il
rapporte paraissent incroyables.
Un grand service d'une colonie fai-
sant partie d'un gouvernement général
eut besoin, au milieu de 1908, d un ma-
tériel important qu'il avait intérêt à
recevoir d'extrême urgence, la com-
mande fut faite en juillet ; au mois d'oc-
tobre suivant, elle était transmise par
le service compétent du gouvernement
général au ministère. En février 1909,
la commission des marches s'en occu-
pait et. demandait à la colonie d'ori-
gine des renseignements complémen-
taires qui étaient fournis en mai. Or, en
juillet 1910, c'est-à-dire deux ans après
la demande initiale et .urgente, la livrai-
son n'était pas effectuée. Bien mieux,
la colonie n'en avait pas entendu par-
ler, en dépit de plusieurs réclamations.
C'est là un exemple entre cent, car
de tels retards sont la règle. Il semble
donc qu'il y a impossibilité pour le Mi-
nistère à [gérer pratiquement les inté-
rêts de nos possessions.
Pourquoi, dès lors, ne pas rend re plus
aisée l'exécution des commandes et
traiter nos colonies, qui paient tou-
jours et bien, comme de simples parti-
culiers, tout en leur imposant les for-
malités indispensables ?
Les services coloniaux des ports pa-
raissent tout indiqués pour être les in-
termédiaires exclusifs de ces colonies.
Leur emplacement dans nos grands
ports de commerce, l'expérience et les
relations de leurs directeurs abrégeraient
les délais si longs, aujourd'hui, que
certaines administrations locales ris-
quent de ne pouvoir, des mois ou mê-
me des années durant, remplir leur of-
fice.
Ce n est pas une idée nouvelle que de
préconiser des rapports directs entre les
colonies et les services des ports. En
1908, il fut un moment question de les
créer. M. Milliès-Lacroix, séduit par la
logique du système, voulut l'instaurer;
le temps lui manqua pour le faire. M.
Messimy se fit, ainsi que M. Lucien Hu-
bert, le protagoniste d'une réforme
après laquelle tous les gouverneurs sou-
pirent depuis qu'il y a un ministère.
A notre tour, nous insistons pour qu'on
institue des agences coloniales qui re-
présenteraient véritablement nos pos-
sessions et dont l'intervention entraî-
nerait pour celles-ci d'appréciables éco-
nomies de temps et d'argent.
On pourrait, du reste, ne pas s'en te-
nir là Il n'est pas un commerçant en
relations avec les colonies qui ne soit
surpris du rôle assez peu important
joué par l'Office colonial. Ce dernier,
quelles que soient l'initiative et l'activité
de son directeur, aura toujours beaucoup
de peine à devenir un rouage indis-
pensable à la colonisation. Il est, si l'on
peut dire, trop théorique et ses agents
sont par trop réduits à la consultation
et à l'interprétation des rapports offi-
ciels, des statistiques, des relations de
toute nature.A vec le développement ac-
tuel de la publicité et de la presse en
général, il n'est pas un particulier qui
ne puisse trouver sans se déranger les
renseignements dont il a besoin. Les
agences particulières de voyage ou d'ex-
péditions de marchandises, les commis-
sionnaires, suffisent pour instruire par-
faitement le premier venu des moyens
de se rendre dans une colonie ou d'y en-
voyer des produits comme de les rece-
voir.
En attendant, donc, que l'Office colo-
nial soit mis à même de participer au
mouvement économique existant entre
la France et son domaine d'outre-mer,
par une orientation plus pratique de ses
services, ne pourrait-on du moins le
faire seconder par les services des ports ?
Un agent, qui y serait détaché en per-
manence avec mission de se renseigner
sur les besoins du commerce, sur les
demandes de matériel, sur l'opportunité
d'une intervention officielle en vue
d'activer la colonisation d'un pays neuf,
établirait la liaison entre l'Office et nos
grands débouchés. Soit qu'il agisse de
sa propre initiative, soit qu'il le fasse sur
les instructions du directeur de l'Office,
il devrait s'appliquer à faire naître un
mouvement de plus en plus sensible en-
tre son port d'atlache, centre commer-
cial et industriel de premier ordre, et
les colonies relevant du service auprès
duquel il serait affecté. Le directeur de
ce service aurait, d'ailleurs, la plupart
du temps, toute qualité pour être lui-
même cet agent, parce que nul mieux
que lui n'est au courant des nécessités
du commerce dans chacune des posses-
sions qu'il représente. Il deviendrait
ainsi un collaborateur inappréciable de
de l'Office colonial et compléterait son
rôle d'intermédiaire de la meilleure fa-
çon.
Nous nous bornons aujourd'hui à in-
diquer les avantages que l'on pourrait
tirer d'une meilleure utilisation des ser-
vices coloniaux des ports. Nous revien-
drons bien volontiers sur chacun des
points que nous venons d'aborder.
Mais, dès maintenant, nous demandons
au rapporteur du budget des colonies
pour 1911 de tourner son attention vers
les réformes préconisées ci-dessus,
d'étudier la mesure dans laquelle il est
possible de les réaliser et de contribuer
à les faire passer de l'état de projets: à
celui d'organismes existants.
Henri COSNIER,
Député de l'Indre.
-J'V'V'-
A Travers le Sahara
Le transsaharien va entrer dans la pé-
riode de réalisation et nous nous en ré-
jouissons sincèrement, nous qui ne crû-
mes jamais à l'utilité de cette entreprise.
C'est qu'il ne s'agit plus de jete:* un che-
min de fer à travers 2500 kilomètres de
désert et de grever un budget de dépen-
ses aussi lourdes qu'improductives il
s'agit de relier l'Algérie au Soudan par
une ligne d'aéroplanes.
A la bonne heure 1 Voilà qui pourra se
faire à peu de frais, et qui constituera un
moyen rapide de faire la police du grand
désert. La Société de locomotion aérien-
ne et le général Brun, ministre de la
Guerre, ont bien mérité de la France,
une pour avoir propose, 1 autre pour
avoir décidé la création de cette ligne
de navigation aérienne.
Dès le mois de janvier prochain, une
station sera établie dans le Sud Algé-
rien. Il pourra sans peine y avoir deux
termimui, l'un dans le Sud Oranais non
loin de Figuig, l'autre dans le Sud Algé-
rien, vers Ouargla. Il est certain que le
gouvernement général de l'Afrique occi-
dentale ne tardera pas à créer, lui aussi,
une station àTombouctou,d'où l'on pour-
ra s'élancer un jour aussi bien vers Zin-
der et le Tchad que vers l'Algérie.
Les pilotes ne manqueront certes pas
et l'armée saisira avec empressement
cette occasion nouvelle d'utiliser les ini-
tiatives et les audaces dont elle n'a ja-
mais manqué. Avec la télégraphie sans
fil, qui à tout instant tiendrait, car on
solutionnera le problème, les voyageurs
aériens en communication avec des sta-
tions terrestres convenablement situées
et outillées, il semble possible de parer
à toute éventualité. Et même en voyageant
à une certaine hauteur et aux heures
crépusculaires, dans la fraîcheur et la
pureté d'un air irrespiré, la traversée du
Sahara deviendra vite un sport recom-
mandé à tous les neurasthéniques de
France et des colonies.
J. LEMAIRE.
A TAHITI
justice administrative
C'est encore à Tahiti, et sous le même
proconsulat que, sous prétexte de juge-
ment, on homologuait récemment une
interprétation aussi fantaisiste qu'arbi-
traire d'un règlement cependant clair
et précis.
Il est vrai qu'il s'agit, en l'espèce, du
tribunal dit du contentieux, un tribunal
qui, pour juger des affaires entre l'ad-
ministration et les particuliers, man-
que singulièrement de l'indépendance
la plus élémentaire, pour juger avec im-
partialité. C'est bien ici le cas de dire
que l'administration est à la fois juge
et partie.
Sans vouloir, certes, faire injure aux
juges qui composent ce tribunal, nous
devons cependant et malgré tout recon-
naître que leur indépendance est incom-
plète, et nous le prouvons de suite :
Dans le recueil des procès-verbaux du
conseil général de 1895-1896, séance du
29 juin 1896, page 361, à la suite de la
discussion des droits d'octroi de mer, au
dernier paragraphe, on lit :
M. L. Brault demande d'ajouter à la
nomenclature des objets exonérés des
droits « le matériel d'industrie, que les
« particuliers introduisent dans le pays
« et qui n'est pas destiné à être vendu ».
« M. le Directeur de l'intérieur fait
« observer à M. Brault que la nomen-
« clature comporte déjà l'exemption
« qu'il réclame. A la suite des machines
« destinées à l'industrie, il est mention-
« né, en effet, que les accessoires néces-
« saires à la mise en œuvre jouissent de
« la même exonération, or, tout malé-
« riel d'industrie peut être classé dans
« cette catégorie. Il suffit pour cela de
« s'entendre sur l'interprétation à donner
« à la qualification d'accessoires, et rien
e. ne sera plus facile au service des con-
« tributions que de s'arrêter à celle-ci
« si le conseil partage cette manière de
« voir.
« M. le Président consulte le conseil
« sur l'interprétation à donner,dans l'es-
« pèce, au terme accessoires.
( « Le Conseil se range à celle que vient
« d'indiquer M le Directeur de l'Inté-
« rieur.
« M. Brault, que cette solution satis-
« fait, déclare n'avoir plus d'objection
« à faire à l'adoption des projets de dé-
« cret.
« Ces proj els sont mis aux voix et
« adoplés, dans leur ensemble, et pour
« l' assielte des droits, et pour le tarif
« sous la réserve des modifications qui
« précèdent.
« Exemptions et immunités.
« L'éxonération du droit d'octroi de
« mer est exceptionnellement attribuée
« aux objets suivants :
« 1° foutes machines quelconques
« destinées à Vagriculture et à l'industrie,
« y compris les accessoires nécessaires
« à la mise en œuvre. »
20
Un arrêté du 2 juin 1897 promulgua
dans la colonie le décret du 11 mars de
la même année, qui approuve les délibé-
rations du Conseil général dans sesséan-
ces des 29 juin et 6 juillet 1896.
Or, divers matériaux importés dans
la colonie pour les services exclusifs de
l'industrie et de l'agriculture se sont
vu refuser par le gouverneur l'exoné-
ration des droits votés par le conseil
général et approuvés par le décret pré-
cité,bien que ce matériel (rails etwagons
Decauville) fut importé exclusivement
pour le service d'une usine à sucre, par
conséquent pour l'agriculture, et pour
l'exploitation des phosphates de Naka-
téa, affaire industrielle.
Aussi n'est-ce pas sans une réelle stupé-
faction que le 11 juin nous avons entendu
le Conseil du contentieux administratif,
sous la présidence de M. le gouverneur
François, déclarer dans son jugement
que les rails étaient exonérés des droits
d'octroi de mer, mais que les wagons
au contraire devaient payer ces mêmes
droits, comme si les wagons n'étaient
pas, autant que les rails, accesssires de
machines.
Ce jugement bizarre d'un Salomon
égaré viole d'une façon dont l'évidence
saute aux yeux l'esprit et la lettre de
laloi, dont le but indéniable était de
favoriser le développement de l'agri-
culture et de l'industrie ; mais la fisca-
lité de notre administration dont
l'esprit en ce qui concerne les affaires
publiques,apparaît singulièrement étroit
ne s'arrête pas à si peu de chose. Ce
qu'elle désire, c'est de faire rendre à
certains contribuables le plus possib le,
tandis que, pour d'autres, nous l'avons
vu dans l'affaire des terres de Raiatea,elle
n'a que ménagements et complaisances
poussés jusqu au scandale.
L'agriculture, l'industrie et le com-
merce l'intéressent peu, ce n'est pas en
effet de leur développement graduel
qu'elle attend ses ressources, malS d'un
impôt plus immédiat,dût-il écraser,tuer
dans son germe, une industrie naissan-
te
L'administration est toujours très
pressée de dépenser et pour elle dé-
penser, c'est gaspiller. Nous doutons
fort que ce soit là le meilleur mode de
gestion pour les affaires d'un pays.
J. AYTET.
J"-
Magistrature coloniale
L'Union Sociale, qui se publie à la
Martinique, dit ce qu'elle pense, et ce
que pensent avec elle beaucoup de ré-
publicains et d'honnêtes gens de la ma-
gistrature qui sévit dans cette colonie.
Loin de nous la pensée de stigmati-
ser ici telle ou telle personnalité. Nous
savons qu'il y a, même aux colonies,
des magistrats qui jugent « en leur âme
et conscience » ; mais tout le monde
sait aussi qu'un vice organique cor-
rompt l'institution tout entière : c'est le
fait de nommer ou laisser comme- juges
dans le cercle restreint de leurs intérêts,
de leurs amitiés, alliances ou parenté,
des hommes qui ne savent ou ne peu-
vent, sur le siège, d'où ils doivent ap-
pliquer la loi, s'abstraire des influences
même des pires, qui les environnent et
cherchent fatalement à inspirer leurs
décisions. -
Ce que L'Union sociale a imprimé,dans
son numéro du 6 août dernier, nous le
reproduisons sans y rien changer, car
nous savons que tout en est exact.
Et nous savons aussi que le mal n'est
pas localisé à la Martinique ; il est à peu
près général, au point que le gouverne-
ment lui-même s'en est ému et a don-
né, aux malheureux justiciables, ce
commencement de satisfaction, cette
lueur d'espoir: il a institué une Commis-
sion de réforme de la magistrature co-
loniale.
Un ancien ministre de la Justice, M.
le Sénateur Vallée, préside cette com-
mission. Il fait mieux : il la convoque,
et comme,chose extraordinaire,on amis
dans son sein des compétences laborieu-
ses, la commission n'est pas une com-
mission d'enterrement. Elle s'est réu-
nie ; elle a discuté des propositions, éla-
boré un texte. Reste à le convertir en
décret.
Plaise à M. le Ministre des colonies
que ce soit bientôt, et que les justicia-
bles des France d'outre-mer ne soient
plus victimes, soit de l'arbitraire in-
conscient ou orgueilleux des proconsuls
soit de la passion politique ou de l'in-
térêt égoïste des magistrats eux-mêmes.
Et nous savons pertinemment que
tous les juges indépendants et honnê-
tes réclament eux-mêmes, à grands cris
la réforme libératrice.
Ceci dit, voici l'article de l' Union So-
ciale. Nous le dédions aux membres de
la commission de réforme.
J. LEMAIRE.
NOTRE MAGISTRATURE j
« Il y a quelque chose de pourri dans
le royaume de Danemark n, disait le scep-
tique Hamlet ; nous pouvons dire comme
lui qu' « Il y a quelque chose de pourri
dans notre petit pays» en considérant
l'action elle-même de la magistrature co*
loniale.
Quelle différence et quel monde sépa-
rent notre magistrature actuelle de l'an-
cienne 1
Nos pères avaient foi dans la Justice
de leur temps, car les magistrats qui
étaient chargés de la rendre étaient des
hommes de haute sapience et de droite
conscience. Ils ne connaissaient que
la Loi : Dura lex sed lex. -
« C'est le texte de la Loi ».'!di s aient-
ils, et ils appliquaient le texte.*!
Ils ne transigeaient jamais avec leur
conscience, l'intérêt général passait
avant le leur, ils n'étaient pas atteints
de la maladie qui sévit parmi nos juges
actuels : l'arrivisme.
Austères et graves, ils accomplissaient
leur « devoir de justice z.
Mais combien les choses et les hom-
mes ont changé depuis 1
Le magistrat actuel nous entendons
le magistrat colonial -- n'envisage
qu'un seul but : arriver et, pour l'attein-
dre, il marche sur sa conscience, sur son
honneur même, il se fait le plat valet
des hommes politiques au pouvoir à
part quelques honorables exceptions.
L'ALGÉRIE
A L'EXPOSITION DE BRUXELLES
LE TABAO
Une des sections les plus visitées du
Pavillon de l'Algérie, à l'Exposition de
Bruxelles, est celle des tabacs dont l'or-
ganisation faite avec beaucoup d'origina-
lité, de goût et même de science mérite
toute l'attention des fabricants. Lors du
congrès des tabacs, les congressistes
se sont empressés de montrer tout l'in-
térêt qu'ils attribuaient à cette manifes-
tation, en allant la visiter en très grand
nombre et en y retournant à plusieurs
reprises pour y prendre des notes et des
adresses. i £
C'est que l'essor pris par FAlgérie de-
puis quelques années dans toutes les
branches du commerce s'est également
manifesté dans celle du tabae. CI
Il ne nous est pas possible de traiter
dans le cadre qui nous est réservé dans
les Annales Coloniales cette importante
question de la culture des tabacs en Al-
gérie ; elle demanderait,pour être conve-
nablement exposée, un développement
considérable.
Les quelques notes qui suivent donne-
ront cependant une idée suffisante de
l'importance de cette industrie, une des
plus anciennes et des plus prospères de
la colonie.
Avant la conquête, l'indigène n'exploi-
tait que pour ses besoins immédiats et
toute son attention se portait sur deux
variétés : le Chebli, de teinte blonde, et
le Krachema, de couleur foncée,très bons
produits.à l'arôme un peu fade, rappelant
le tabac d'Orient, mais dont le rende-
ment était peu élevé.
Il choisissait une terre meuble, bien
abritée et abondamment fumée par les
troupeaux qu'il y tenait parqués une par-
tie de l'année.:!La culture du tabac néces-
site de profonds labours et réclame des
soins délicats, mais est peu pénible en-
suite ; elle répondait bien au caractère
indolent et paresseux de l'Arabe, d'au-
tant plus qu'il pouvait utiliser la main-
d'œuvre de ses femmes et de ses enfants.
Mais, sollicité par les besoins des Eu-
ropéens, l'indigène s'est bientôt consa-
cré à obtenir une production plus consi-
dérable de ses plantations, s'efforçant
d'acclimater les variétés qui lui étaient
le plus demandées. Dérogeant alors. à
ses habitudes légendaires de paresse,
l'Arabe s'est montré là beaucoup plus
persévérant et soigneux, faisant presque
sienne l'exploitation du tabac. Aussi la
culture de cette solanée est-elle de-
venue dans bien des régions une vérita-
ble occupation familiale et il n'est pas
un oued, une seguia, une mare, voire
même une noria dont les bords ne soient
complantés de tabacs, amoureusement
soignés jusqu'au jour de la récolte et de
la vente, car l'indigène sait que cette
dernière lui procurera un bien-être supé-
rieur à celui de ses autres exploitations.
Il faut cependant reconnaître que le dé-
veloppement de la culture indigène et
son rendement à peu près fixe sont dus
à l'initiative et aux conseils de nos co-
Ions qui ont appris aux Arabes les diffé-
rents procédés de croisement dont sont
nés les tabacs actuels si recherchés
par le commerce mondial tels que l'Is-
ser du Paraguay, l'hybride du Mexique
et du tabac hollandais, le Dely havane tta
américain, le Zurcher, etc.
Les semis de tabac se font en Algérie
vers la fin de décembre ou au commen-
cement de janvier. Comme les graines
sont très petites on les mélange à une
matière inerte telle que du sable fin ou
de la cendre afin de les répandre plus
facilement à la surface du solj, que l'on
tasse^ ensuite, légèrement "pour enterrer
la semence. Le champ, une fois préparé,
est recouvert de branchages de jujubier
épineux ou d'acacia pour le préserver
du passage des troupeaux. Les pieds de
tabac sont repiqués en avril dans les
plaines, ou en mars, sur les coteaux. La
végétation de la plante est de courte du-
rée ; on la surveille chaque jour en éci-
mant chaque pied de tabac de façon à ne
laisser qu'une quinzaine de feuilles ; cette
opération produisant de nouveaux bour-
geons, il faut éviter leur développement
par un ébourgeonnage fréquent. La ma-
turité se signale par l'aspect jaunâtre,
légèrement boursouflé et marbré des
feuilles, qui dégagent en outre à ce mo-
ment une odeur caractéristique. On pro-
cède alors immédiatement à la cueillette
en commençant par les feuilles du bas.
On les place en couches de 15 à 20 centi-
mètres, recouvertes ie paille. C'est
l'opération du iavelage.
Deux ou trois jours après, les feuilles
sont triées et mises à sécher sous des
hangars. Lorsque la dessiccation est ter-
minée, elles sont mises en manoques, at-
tachées aux deux extrémités et livrées
aux acheteurs.
« Les tabacs algériens ont été recon-
« nus comme laissant bien loin derrière
< eux ceux d'Egypte, de Macédoine et de
« Grèce, auxquels on les avait primitive-
« ment assimilés. Les tabacs de Hongrie
« ont un goût moins agréable ; ceux du
« Kentucky ne sont ni plus fins ni plus
« combustibles; enfin, les tabacs deMary-
« land ont un défaut d'élasticité et un
« goût d'amertume qu'on ne saurait re-
« procher à ceux d'Algérie. » (Rapport
officiel 1853.)
Il est donc tout naturel que la métro-
pole, trouvant à ses portes des tabacs
préférables à ceux qu'elle achetait ail-
leurs, demande à la colonie une partie
de ceux dont elle a besoin. Aussi l'admi-
nistration centrale a-t-elle établi des
! --_
stations d'essai où les indigènes ont pu
se rendre pratiquement compte des ré-
sultats à atteindre.
Les superficies cultivées pour le tabac
sont restées longtemps entre 6.000 et
8.000 hectares, produisant selon les an-
nées de 50.000 à 78.000 quintaux, mais
en 1909 cette culture a pris brusque-
ment une extension considérable recou-
vrant 12.009 hectares, qui produisirent
124.569 quintaux contre 6.301 hectares
en 1909 et 50.007 quintaux.
Les principales régions de culture se
trouvent chez les Issers, dans la Kaby-
lie, les environs de Blidah, Attatba, de
Marengo et de Krachenat, d'Affreville et
dans les plaines de Bône ; elle n'occupe
que 2 à300 hectares dans ledépartement
d'Oran qui semble peu propice à l'ex-
ploitation de cette solanée.
Le gouvernement a organisé d'impor-
tants marchés près des grands centres de
production. Le plus important est celui
des Issers qui draine les produits des
Issers et du Sébaou, du littoral, du Djur-
djura jusqu'à Fort-National. Il y trai-
te chaque année des affaires considéra-
bles et l'on estime à plus de deux millions
de kilos les tabacs qui y sont enlevés.
Viennent ensuite les marchés de Bône,
de Blidali, qui centralisent: le premier,
toutes les productions des vallées de la
Seybouse, du massif des Beni-Salah et
du littoral jusqu'à La Calle ; Je second,
les tabacs de la magnifique plaine de la
Mitidja, du Sahel et des pentes de l'At-
las.
La Régie métropolitaine fait chaque
année des achats considérables de tabacs
en feuilles d'Algérie (environ 26 à 27.000
quintaux). Le restant de la production
est destiné à l'exportation vers la France
et les pays étrangers ou est utilisé sur
place par les usines algérienne s. -
Il existe en Algérie des usines et ma-
nufactures pourvues del'outillage mécani-
que le plus moderne et pouvant concurren-
cer avec avantage les établissements si-
milaires de l'étranger. Alger, Blidah,Bône,
Constantine, Oran, Mostaganem sont les
centres les plus importants de cette in-
dustrie et occupent plus de sept mille
ouvriers et ouvrières à la fabrication des
cigares et des cigarettes. Mais en dehors
de ces centres principaux, on trouve dans
les trois départements bien d'autres éta-
blissements de moindre importance qui
font vivre des centaines de person-
nes.
La consommation locale utilise un ta-
bac très finement haché, uniquement
composé de feuilles indigènes. Par con-
tre, les fabricants algériens, afin de sa-
tisfaire leur clientèle cosmopolite, impor-
tent annuellement dans la colonie près
de treize à quatorze mille quintaux de
feuilles d'origine étrangère qui sont mé-
langées avec des feuilles de provenance
algérienne. Cette importation accuse
d'ailleurs de plus en plus une tendance
à la baisse grâce aux soins donnes a la
culture des espèces exploitées dans la Co-
lonie. Les commerçants ont-ils, par suite,
de moins en moins recours pour leurs
mélanges aux tabacs étrangers.
Une des principales branches d'expor-
tation des tabacs manufacturés en Algé-
rie réside dans celle des cigarettes très
appréciées et très demandées en France,
dans les Colonies françaises, la Tunisie,
l'Italie, l'Allemagne et la Belgique. Ce
1 sont des cigarettes de qualité supérieu-
re que nos iabneants parviennent a li-
vrer à des prix très bas et qui vont con-
currencer les produits étrangers jusque
dans leurs pays d'origine. -'
On expédie généralement les dgaret- ]
tes emballées par vingt à la fois. Leur
prix varie entre sept et vingt trancs les
cent paquets selon les qualités. Ces prix
s'entendent franco bord d'un port algé-
rien. Elles sont devenues d'une consom-
1 -
-
m a lion courante et considérable comme
le démontreront les quelques chiffres sui-
vants. Il en fut exporté 3.958 quintaux en
1902 ; les expéditions atteignaient 4.154
quintaux en 1906 et 4.993 en 1908 repré-
sentant, pour cette dernière année,
3.250.000 francs.
Les tabacs hachés sont mis en paquets
de 40 à 50 grammes et sont vendus de
1 fr. 25 à 1 fr. 75 et 2 fr. 25 le kilogram*
me selon les Qualités.
Les exportations de tabacs en feuilles
ont été peu considérables, relativement
s'entend, jusqu'en 1890. C'est la France
qui absorbe la plus grande partie de «es
envois comme le démontre le tableau ci*
joint.
L'Algérie exporte également 'une:cer..
taine quantité de tabacs à priser et£à
mâcher. Les principaux ports exporta*
teurs des tabacs en feuilles sont Algeri
Bône et Bougie ; les tabacs manufactu-
rés sont expédiés par Alger, Bône, Bougie
Mostaganem et Oran.
P. PAlUS.
EXPORTATIONS D'AIIGÉRIE PAR QUINTAUX
TABACS EN FEUILLES TABACS MANUFACTURES
n i
S s" en.a R *–
< - en | en ~5* TOTAUX
< France
1900 23.761 877 24.638 6748 6.404 7.152
LâOl 33.824 6.740 40.565 L781 8.338 9.119
1902 23.794 5.926 29.620 ,684 7.162 7.846
1903 32.385 6.163 38.548 906 7.427 8.333
1904 30.17H 2.036 32.215 6577.688.8,3-15
1905 1 22.455 5.537 27.992 1.074 8.630 9.704
1906 35.500 10.073 45.573 804 9.401 10.205
1907 31.805 3.370 35.115 972 11.441 12.4131
1908 14.563 3.914 18.477 S19 12.169 12.9881
1909 23.902 15,214 39.236 863 12.918 13.5111
LE NUMERO : 25 centimes
8 SEPTEMBltE 1910
Les Annales Coloniales
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Les Services coloniaux des Ports
par Honri COSNIER, Député de l'Indre.
A travers le Sahara
par J. LEMAInE,
A Tahiti, par J. AYTET.
Magistrature coloniale, par J. LEMAIRE.
La vie Indo-Chinoise, par A. GuLLRMiN.
Un roi en exil
A travers l'Afrique
L'Algérie à l'Exposition de Bruxelles
Le Tabac
par P. PAIUS.
Le commerce du Congo Belge en 1909
DOUX RÉGIME
Informations économiques
Ce qui se passe aux Colonies et ailleurs
INFORMATIONS FINANCIÈRES
LES SERVICES
COLONIAUX DES PORTS
On sait que dans les ports de Mar-
seille, Bordeaux, Saint-Nazaire et Le
Havre, existent des organismes appe-
lés « services coloniaux », dirigés par
des agents du Ministère des colonies
mis hors cadres et dont le rôle est
d'administrer le personnel de nos pos-
sessions présent en Frarce à quelque
titre que ce soit. Peu à peu et fort sa-
gement, une importance particulière a
été donnée à ces sortes d'offices, qui se
chargent, avec un soin et une compé-
tence indéniables des intérêts des fonc-
tionnaires dont ils ont la charge. Ces
derniers sont enchantés de la simplifi-
cation qui est résultée pour eux de la
création des dits services. Ils sont
unanimes à en louer les directeurs, à
dire la reconnaissance qu'ils ont pour
leur bienveillante amabilité, pour leur
empressement à prendre en mains leurs
droits et à les soutenir. A cet égard,
un grand progrès a été réalisé sur l'é-
poque où le ministère intervenait. Les
coloniaux se trouvent vraiment chez
eux dans les services des ports et c'est
en toute confiance qu'ils s'adressent
aux distingués fonctionnaires par les-
quels ils sont régis.
Mais il semble qu'il y ait lieu de pro-
fiter de l'expérience acquise et d'éten-
dre aux questions du matériel les bien-
faits de l'institution.
Pour ces questions, le ministère inter-
vient directement et, dans les formes ré-
glementaires, procède aux adjudications
et marchés demandés parles services lo-
caux.11 est un intermédiaire éclairé, sans
nul doute, mais d'habitude désespérément
long. L'administration reprend ici tous
ses droits et sacrifie aux traditions. Un
exemple, qui nous est récemment re-
venu, suffirait à prouver que ces tradi-
tions sont dignes d'inspirer la plus sa-
tirique des critiques. Nous n'aurions
pas ajouté foi au récit qu'on va lire s'il
ne nous avait été confirmé par des do-
cuments irréfutables, tant les faits qu'il
rapporte paraissent incroyables.
Un grand service d'une colonie fai-
sant partie d'un gouvernement général
eut besoin, au milieu de 1908, d un ma-
tériel important qu'il avait intérêt à
recevoir d'extrême urgence, la com-
mande fut faite en juillet ; au mois d'oc-
tobre suivant, elle était transmise par
le service compétent du gouvernement
général au ministère. En février 1909,
la commission des marches s'en occu-
pait et. demandait à la colonie d'ori-
gine des renseignements complémen-
taires qui étaient fournis en mai. Or, en
juillet 1910, c'est-à-dire deux ans après
la demande initiale et .urgente, la livrai-
son n'était pas effectuée. Bien mieux,
la colonie n'en avait pas entendu par-
ler, en dépit de plusieurs réclamations.
C'est là un exemple entre cent, car
de tels retards sont la règle. Il semble
donc qu'il y a impossibilité pour le Mi-
nistère à [gérer pratiquement les inté-
rêts de nos possessions.
Pourquoi, dès lors, ne pas rend re plus
aisée l'exécution des commandes et
traiter nos colonies, qui paient tou-
jours et bien, comme de simples parti-
culiers, tout en leur imposant les for-
malités indispensables ?
Les services coloniaux des ports pa-
raissent tout indiqués pour être les in-
termédiaires exclusifs de ces colonies.
Leur emplacement dans nos grands
ports de commerce, l'expérience et les
relations de leurs directeurs abrégeraient
les délais si longs, aujourd'hui, que
certaines administrations locales ris-
quent de ne pouvoir, des mois ou mê-
me des années durant, remplir leur of-
fice.
Ce n est pas une idée nouvelle que de
préconiser des rapports directs entre les
colonies et les services des ports. En
1908, il fut un moment question de les
créer. M. Milliès-Lacroix, séduit par la
logique du système, voulut l'instaurer;
le temps lui manqua pour le faire. M.
Messimy se fit, ainsi que M. Lucien Hu-
bert, le protagoniste d'une réforme
après laquelle tous les gouverneurs sou-
pirent depuis qu'il y a un ministère.
A notre tour, nous insistons pour qu'on
institue des agences coloniales qui re-
présenteraient véritablement nos pos-
sessions et dont l'intervention entraî-
nerait pour celles-ci d'appréciables éco-
nomies de temps et d'argent.
On pourrait, du reste, ne pas s'en te-
nir là Il n'est pas un commerçant en
relations avec les colonies qui ne soit
surpris du rôle assez peu important
joué par l'Office colonial. Ce dernier,
quelles que soient l'initiative et l'activité
de son directeur, aura toujours beaucoup
de peine à devenir un rouage indis-
pensable à la colonisation. Il est, si l'on
peut dire, trop théorique et ses agents
sont par trop réduits à la consultation
et à l'interprétation des rapports offi-
ciels, des statistiques, des relations de
toute nature.A vec le développement ac-
tuel de la publicité et de la presse en
général, il n'est pas un particulier qui
ne puisse trouver sans se déranger les
renseignements dont il a besoin. Les
agences particulières de voyage ou d'ex-
péditions de marchandises, les commis-
sionnaires, suffisent pour instruire par-
faitement le premier venu des moyens
de se rendre dans une colonie ou d'y en-
voyer des produits comme de les rece-
voir.
En attendant, donc, que l'Office colo-
nial soit mis à même de participer au
mouvement économique existant entre
la France et son domaine d'outre-mer,
par une orientation plus pratique de ses
services, ne pourrait-on du moins le
faire seconder par les services des ports ?
Un agent, qui y serait détaché en per-
manence avec mission de se renseigner
sur les besoins du commerce, sur les
demandes de matériel, sur l'opportunité
d'une intervention officielle en vue
d'activer la colonisation d'un pays neuf,
établirait la liaison entre l'Office et nos
grands débouchés. Soit qu'il agisse de
sa propre initiative, soit qu'il le fasse sur
les instructions du directeur de l'Office,
il devrait s'appliquer à faire naître un
mouvement de plus en plus sensible en-
tre son port d'atlache, centre commer-
cial et industriel de premier ordre, et
les colonies relevant du service auprès
duquel il serait affecté. Le directeur de
ce service aurait, d'ailleurs, la plupart
du temps, toute qualité pour être lui-
même cet agent, parce que nul mieux
que lui n'est au courant des nécessités
du commerce dans chacune des posses-
sions qu'il représente. Il deviendrait
ainsi un collaborateur inappréciable de
de l'Office colonial et compléterait son
rôle d'intermédiaire de la meilleure fa-
çon.
Nous nous bornons aujourd'hui à in-
diquer les avantages que l'on pourrait
tirer d'une meilleure utilisation des ser-
vices coloniaux des ports. Nous revien-
drons bien volontiers sur chacun des
points que nous venons d'aborder.
Mais, dès maintenant, nous demandons
au rapporteur du budget des colonies
pour 1911 de tourner son attention vers
les réformes préconisées ci-dessus,
d'étudier la mesure dans laquelle il est
possible de les réaliser et de contribuer
à les faire passer de l'état de projets: à
celui d'organismes existants.
Henri COSNIER,
Député de l'Indre.
-J'V'V'-
A Travers le Sahara
Le transsaharien va entrer dans la pé-
riode de réalisation et nous nous en ré-
jouissons sincèrement, nous qui ne crû-
mes jamais à l'utilité de cette entreprise.
C'est qu'il ne s'agit plus de jete:* un che-
min de fer à travers 2500 kilomètres de
désert et de grever un budget de dépen-
ses aussi lourdes qu'improductives il
s'agit de relier l'Algérie au Soudan par
une ligne d'aéroplanes.
A la bonne heure 1 Voilà qui pourra se
faire à peu de frais, et qui constituera un
moyen rapide de faire la police du grand
désert. La Société de locomotion aérien-
ne et le général Brun, ministre de la
Guerre, ont bien mérité de la France,
une pour avoir propose, 1 autre pour
avoir décidé la création de cette ligne
de navigation aérienne.
Dès le mois de janvier prochain, une
station sera établie dans le Sud Algé-
rien. Il pourra sans peine y avoir deux
termimui, l'un dans le Sud Oranais non
loin de Figuig, l'autre dans le Sud Algé-
rien, vers Ouargla. Il est certain que le
gouvernement général de l'Afrique occi-
dentale ne tardera pas à créer, lui aussi,
une station àTombouctou,d'où l'on pour-
ra s'élancer un jour aussi bien vers Zin-
der et le Tchad que vers l'Algérie.
Les pilotes ne manqueront certes pas
et l'armée saisira avec empressement
cette occasion nouvelle d'utiliser les ini-
tiatives et les audaces dont elle n'a ja-
mais manqué. Avec la télégraphie sans
fil, qui à tout instant tiendrait, car on
solutionnera le problème, les voyageurs
aériens en communication avec des sta-
tions terrestres convenablement situées
et outillées, il semble possible de parer
à toute éventualité. Et même en voyageant
à une certaine hauteur et aux heures
crépusculaires, dans la fraîcheur et la
pureté d'un air irrespiré, la traversée du
Sahara deviendra vite un sport recom-
mandé à tous les neurasthéniques de
France et des colonies.
J. LEMAIRE.
A TAHITI
justice administrative
C'est encore à Tahiti, et sous le même
proconsulat que, sous prétexte de juge-
ment, on homologuait récemment une
interprétation aussi fantaisiste qu'arbi-
traire d'un règlement cependant clair
et précis.
Il est vrai qu'il s'agit, en l'espèce, du
tribunal dit du contentieux, un tribunal
qui, pour juger des affaires entre l'ad-
ministration et les particuliers, man-
que singulièrement de l'indépendance
la plus élémentaire, pour juger avec im-
partialité. C'est bien ici le cas de dire
que l'administration est à la fois juge
et partie.
Sans vouloir, certes, faire injure aux
juges qui composent ce tribunal, nous
devons cependant et malgré tout recon-
naître que leur indépendance est incom-
plète, et nous le prouvons de suite :
Dans le recueil des procès-verbaux du
conseil général de 1895-1896, séance du
29 juin 1896, page 361, à la suite de la
discussion des droits d'octroi de mer, au
dernier paragraphe, on lit :
M. L. Brault demande d'ajouter à la
nomenclature des objets exonérés des
droits « le matériel d'industrie, que les
« particuliers introduisent dans le pays
« et qui n'est pas destiné à être vendu ».
« M. le Directeur de l'intérieur fait
« observer à M. Brault que la nomen-
« clature comporte déjà l'exemption
« qu'il réclame. A la suite des machines
« destinées à l'industrie, il est mention-
« né, en effet, que les accessoires néces-
« saires à la mise en œuvre jouissent de
« la même exonération, or, tout malé-
« riel d'industrie peut être classé dans
« cette catégorie. Il suffit pour cela de
« s'entendre sur l'interprétation à donner
« à la qualification d'accessoires, et rien
e. ne sera plus facile au service des con-
« tributions que de s'arrêter à celle-ci
« si le conseil partage cette manière de
« voir.
« M. le Président consulte le conseil
« sur l'interprétation à donner,dans l'es-
« pèce, au terme accessoires.
( « Le Conseil se range à celle que vient
« d'indiquer M le Directeur de l'Inté-
« rieur.
« M. Brault, que cette solution satis-
« fait, déclare n'avoir plus d'objection
« à faire à l'adoption des projets de dé-
« cret.
« Ces proj els sont mis aux voix et
« adoplés, dans leur ensemble, et pour
« l' assielte des droits, et pour le tarif
« sous la réserve des modifications qui
« précèdent.
« Exemptions et immunités.
« L'éxonération du droit d'octroi de
« mer est exceptionnellement attribuée
« aux objets suivants :
« 1° foutes machines quelconques
« destinées à Vagriculture et à l'industrie,
« y compris les accessoires nécessaires
« à la mise en œuvre. »
20
Un arrêté du 2 juin 1897 promulgua
dans la colonie le décret du 11 mars de
la même année, qui approuve les délibé-
rations du Conseil général dans sesséan-
ces des 29 juin et 6 juillet 1896.
Or, divers matériaux importés dans
la colonie pour les services exclusifs de
l'industrie et de l'agriculture se sont
vu refuser par le gouverneur l'exoné-
ration des droits votés par le conseil
général et approuvés par le décret pré-
cité,bien que ce matériel (rails etwagons
Decauville) fut importé exclusivement
pour le service d'une usine à sucre, par
conséquent pour l'agriculture, et pour
l'exploitation des phosphates de Naka-
téa, affaire industrielle.
Aussi n'est-ce pas sans une réelle stupé-
faction que le 11 juin nous avons entendu
le Conseil du contentieux administratif,
sous la présidence de M. le gouverneur
François, déclarer dans son jugement
que les rails étaient exonérés des droits
d'octroi de mer, mais que les wagons
au contraire devaient payer ces mêmes
droits, comme si les wagons n'étaient
pas, autant que les rails, accesssires de
machines.
Ce jugement bizarre d'un Salomon
égaré viole d'une façon dont l'évidence
saute aux yeux l'esprit et la lettre de
laloi, dont le but indéniable était de
favoriser le développement de l'agri-
culture et de l'industrie ; mais la fisca-
lité de notre administration dont
l'esprit en ce qui concerne les affaires
publiques,apparaît singulièrement étroit
ne s'arrête pas à si peu de chose. Ce
qu'elle désire, c'est de faire rendre à
certains contribuables le plus possib le,
tandis que, pour d'autres, nous l'avons
vu dans l'affaire des terres de Raiatea,elle
n'a que ménagements et complaisances
poussés jusqu au scandale.
L'agriculture, l'industrie et le com-
merce l'intéressent peu, ce n'est pas en
effet de leur développement graduel
qu'elle attend ses ressources, malS d'un
impôt plus immédiat,dût-il écraser,tuer
dans son germe, une industrie naissan-
te
L'administration est toujours très
pressée de dépenser et pour elle dé-
penser, c'est gaspiller. Nous doutons
fort que ce soit là le meilleur mode de
gestion pour les affaires d'un pays.
J. AYTET.
J"-
Magistrature coloniale
L'Union Sociale, qui se publie à la
Martinique, dit ce qu'elle pense, et ce
que pensent avec elle beaucoup de ré-
publicains et d'honnêtes gens de la ma-
gistrature qui sévit dans cette colonie.
Loin de nous la pensée de stigmati-
ser ici telle ou telle personnalité. Nous
savons qu'il y a, même aux colonies,
des magistrats qui jugent « en leur âme
et conscience » ; mais tout le monde
sait aussi qu'un vice organique cor-
rompt l'institution tout entière : c'est le
fait de nommer ou laisser comme- juges
dans le cercle restreint de leurs intérêts,
de leurs amitiés, alliances ou parenté,
des hommes qui ne savent ou ne peu-
vent, sur le siège, d'où ils doivent ap-
pliquer la loi, s'abstraire des influences
même des pires, qui les environnent et
cherchent fatalement à inspirer leurs
décisions. -
Ce que L'Union sociale a imprimé,dans
son numéro du 6 août dernier, nous le
reproduisons sans y rien changer, car
nous savons que tout en est exact.
Et nous savons aussi que le mal n'est
pas localisé à la Martinique ; il est à peu
près général, au point que le gouverne-
ment lui-même s'en est ému et a don-
né, aux malheureux justiciables, ce
commencement de satisfaction, cette
lueur d'espoir: il a institué une Commis-
sion de réforme de la magistrature co-
loniale.
Un ancien ministre de la Justice, M.
le Sénateur Vallée, préside cette com-
mission. Il fait mieux : il la convoque,
et comme,chose extraordinaire,on amis
dans son sein des compétences laborieu-
ses, la commission n'est pas une com-
mission d'enterrement. Elle s'est réu-
nie ; elle a discuté des propositions, éla-
boré un texte. Reste à le convertir en
décret.
Plaise à M. le Ministre des colonies
que ce soit bientôt, et que les justicia-
bles des France d'outre-mer ne soient
plus victimes, soit de l'arbitraire in-
conscient ou orgueilleux des proconsuls
soit de la passion politique ou de l'in-
térêt égoïste des magistrats eux-mêmes.
Et nous savons pertinemment que
tous les juges indépendants et honnê-
tes réclament eux-mêmes, à grands cris
la réforme libératrice.
Ceci dit, voici l'article de l' Union So-
ciale. Nous le dédions aux membres de
la commission de réforme.
J. LEMAIRE.
NOTRE MAGISTRATURE j
« Il y a quelque chose de pourri dans
le royaume de Danemark n, disait le scep-
tique Hamlet ; nous pouvons dire comme
lui qu' « Il y a quelque chose de pourri
dans notre petit pays» en considérant
l'action elle-même de la magistrature co*
loniale.
Quelle différence et quel monde sépa-
rent notre magistrature actuelle de l'an-
cienne 1
Nos pères avaient foi dans la Justice
de leur temps, car les magistrats qui
étaient chargés de la rendre étaient des
hommes de haute sapience et de droite
conscience. Ils ne connaissaient que
la Loi : Dura lex sed lex. -
« C'est le texte de la Loi ».'!di s aient-
ils, et ils appliquaient le texte.*!
Ils ne transigeaient jamais avec leur
conscience, l'intérêt général passait
avant le leur, ils n'étaient pas atteints
de la maladie qui sévit parmi nos juges
actuels : l'arrivisme.
Austères et graves, ils accomplissaient
leur « devoir de justice z.
Mais combien les choses et les hom-
mes ont changé depuis 1
Le magistrat actuel nous entendons
le magistrat colonial -- n'envisage
qu'un seul but : arriver et, pour l'attein-
dre, il marche sur sa conscience, sur son
honneur même, il se fait le plat valet
des hommes politiques au pouvoir à
part quelques honorables exceptions.
L'ALGÉRIE
A L'EXPOSITION DE BRUXELLES
LE TABAO
Une des sections les plus visitées du
Pavillon de l'Algérie, à l'Exposition de
Bruxelles, est celle des tabacs dont l'or-
ganisation faite avec beaucoup d'origina-
lité, de goût et même de science mérite
toute l'attention des fabricants. Lors du
congrès des tabacs, les congressistes
se sont empressés de montrer tout l'in-
térêt qu'ils attribuaient à cette manifes-
tation, en allant la visiter en très grand
nombre et en y retournant à plusieurs
reprises pour y prendre des notes et des
adresses. i £
C'est que l'essor pris par FAlgérie de-
puis quelques années dans toutes les
branches du commerce s'est également
manifesté dans celle du tabae. CI
Il ne nous est pas possible de traiter
dans le cadre qui nous est réservé dans
les Annales Coloniales cette importante
question de la culture des tabacs en Al-
gérie ; elle demanderait,pour être conve-
nablement exposée, un développement
considérable.
Les quelques notes qui suivent donne-
ront cependant une idée suffisante de
l'importance de cette industrie, une des
plus anciennes et des plus prospères de
la colonie.
Avant la conquête, l'indigène n'exploi-
tait que pour ses besoins immédiats et
toute son attention se portait sur deux
variétés : le Chebli, de teinte blonde, et
le Krachema, de couleur foncée,très bons
produits.à l'arôme un peu fade, rappelant
le tabac d'Orient, mais dont le rende-
ment était peu élevé.
Il choisissait une terre meuble, bien
abritée et abondamment fumée par les
troupeaux qu'il y tenait parqués une par-
tie de l'année.:!La culture du tabac néces-
site de profonds labours et réclame des
soins délicats, mais est peu pénible en-
suite ; elle répondait bien au caractère
indolent et paresseux de l'Arabe, d'au-
tant plus qu'il pouvait utiliser la main-
d'œuvre de ses femmes et de ses enfants.
Mais, sollicité par les besoins des Eu-
ropéens, l'indigène s'est bientôt consa-
cré à obtenir une production plus consi-
dérable de ses plantations, s'efforçant
d'acclimater les variétés qui lui étaient
le plus demandées. Dérogeant alors. à
ses habitudes légendaires de paresse,
l'Arabe s'est montré là beaucoup plus
persévérant et soigneux, faisant presque
sienne l'exploitation du tabac. Aussi la
culture de cette solanée est-elle de-
venue dans bien des régions une vérita-
ble occupation familiale et il n'est pas
un oued, une seguia, une mare, voire
même une noria dont les bords ne soient
complantés de tabacs, amoureusement
soignés jusqu'au jour de la récolte et de
la vente, car l'indigène sait que cette
dernière lui procurera un bien-être supé-
rieur à celui de ses autres exploitations.
Il faut cependant reconnaître que le dé-
veloppement de la culture indigène et
son rendement à peu près fixe sont dus
à l'initiative et aux conseils de nos co-
Ions qui ont appris aux Arabes les diffé-
rents procédés de croisement dont sont
nés les tabacs actuels si recherchés
par le commerce mondial tels que l'Is-
ser du Paraguay, l'hybride du Mexique
et du tabac hollandais, le Dely havane tta
américain, le Zurcher, etc.
Les semis de tabac se font en Algérie
vers la fin de décembre ou au commen-
cement de janvier. Comme les graines
sont très petites on les mélange à une
matière inerte telle que du sable fin ou
de la cendre afin de les répandre plus
facilement à la surface du solj, que l'on
tasse^ ensuite, légèrement "pour enterrer
la semence. Le champ, une fois préparé,
est recouvert de branchages de jujubier
épineux ou d'acacia pour le préserver
du passage des troupeaux. Les pieds de
tabac sont repiqués en avril dans les
plaines, ou en mars, sur les coteaux. La
végétation de la plante est de courte du-
rée ; on la surveille chaque jour en éci-
mant chaque pied de tabac de façon à ne
laisser qu'une quinzaine de feuilles ; cette
opération produisant de nouveaux bour-
geons, il faut éviter leur développement
par un ébourgeonnage fréquent. La ma-
turité se signale par l'aspect jaunâtre,
légèrement boursouflé et marbré des
feuilles, qui dégagent en outre à ce mo-
ment une odeur caractéristique. On pro-
cède alors immédiatement à la cueillette
en commençant par les feuilles du bas.
On les place en couches de 15 à 20 centi-
mètres, recouvertes ie paille. C'est
l'opération du iavelage.
Deux ou trois jours après, les feuilles
sont triées et mises à sécher sous des
hangars. Lorsque la dessiccation est ter-
minée, elles sont mises en manoques, at-
tachées aux deux extrémités et livrées
aux acheteurs.
« Les tabacs algériens ont été recon-
« nus comme laissant bien loin derrière
< eux ceux d'Egypte, de Macédoine et de
« Grèce, auxquels on les avait primitive-
« ment assimilés. Les tabacs de Hongrie
« ont un goût moins agréable ; ceux du
« Kentucky ne sont ni plus fins ni plus
« combustibles; enfin, les tabacs deMary-
« land ont un défaut d'élasticité et un
« goût d'amertume qu'on ne saurait re-
« procher à ceux d'Algérie. » (Rapport
officiel 1853.)
Il est donc tout naturel que la métro-
pole, trouvant à ses portes des tabacs
préférables à ceux qu'elle achetait ail-
leurs, demande à la colonie une partie
de ceux dont elle a besoin. Aussi l'admi-
nistration centrale a-t-elle établi des
! --_
stations d'essai où les indigènes ont pu
se rendre pratiquement compte des ré-
sultats à atteindre.
Les superficies cultivées pour le tabac
sont restées longtemps entre 6.000 et
8.000 hectares, produisant selon les an-
nées de 50.000 à 78.000 quintaux, mais
en 1909 cette culture a pris brusque-
ment une extension considérable recou-
vrant 12.009 hectares, qui produisirent
124.569 quintaux contre 6.301 hectares
en 1909 et 50.007 quintaux.
Les principales régions de culture se
trouvent chez les Issers, dans la Kaby-
lie, les environs de Blidah, Attatba, de
Marengo et de Krachenat, d'Affreville et
dans les plaines de Bône ; elle n'occupe
que 2 à300 hectares dans ledépartement
d'Oran qui semble peu propice à l'ex-
ploitation de cette solanée.
Le gouvernement a organisé d'impor-
tants marchés près des grands centres de
production. Le plus important est celui
des Issers qui draine les produits des
Issers et du Sébaou, du littoral, du Djur-
djura jusqu'à Fort-National. Il y trai-
te chaque année des affaires considéra-
bles et l'on estime à plus de deux millions
de kilos les tabacs qui y sont enlevés.
Viennent ensuite les marchés de Bône,
de Blidali, qui centralisent: le premier,
toutes les productions des vallées de la
Seybouse, du massif des Beni-Salah et
du littoral jusqu'à La Calle ; Je second,
les tabacs de la magnifique plaine de la
Mitidja, du Sahel et des pentes de l'At-
las.
La Régie métropolitaine fait chaque
année des achats considérables de tabacs
en feuilles d'Algérie (environ 26 à 27.000
quintaux). Le restant de la production
est destiné à l'exportation vers la France
et les pays étrangers ou est utilisé sur
place par les usines algérienne s. -
Il existe en Algérie des usines et ma-
nufactures pourvues del'outillage mécani-
que le plus moderne et pouvant concurren-
cer avec avantage les établissements si-
milaires de l'étranger. Alger, Blidah,Bône,
Constantine, Oran, Mostaganem sont les
centres les plus importants de cette in-
dustrie et occupent plus de sept mille
ouvriers et ouvrières à la fabrication des
cigares et des cigarettes. Mais en dehors
de ces centres principaux, on trouve dans
les trois départements bien d'autres éta-
blissements de moindre importance qui
font vivre des centaines de person-
nes.
La consommation locale utilise un ta-
bac très finement haché, uniquement
composé de feuilles indigènes. Par con-
tre, les fabricants algériens, afin de sa-
tisfaire leur clientèle cosmopolite, impor-
tent annuellement dans la colonie près
de treize à quatorze mille quintaux de
feuilles d'origine étrangère qui sont mé-
langées avec des feuilles de provenance
algérienne. Cette importation accuse
d'ailleurs de plus en plus une tendance
à la baisse grâce aux soins donnes a la
culture des espèces exploitées dans la Co-
lonie. Les commerçants ont-ils, par suite,
de moins en moins recours pour leurs
mélanges aux tabacs étrangers.
Une des principales branches d'expor-
tation des tabacs manufacturés en Algé-
rie réside dans celle des cigarettes très
appréciées et très demandées en France,
dans les Colonies françaises, la Tunisie,
l'Italie, l'Allemagne et la Belgique. Ce
1 sont des cigarettes de qualité supérieu-
re que nos iabneants parviennent a li-
vrer à des prix très bas et qui vont con-
currencer les produits étrangers jusque
dans leurs pays d'origine. -'
On expédie généralement les dgaret- ]
tes emballées par vingt à la fois. Leur
prix varie entre sept et vingt trancs les
cent paquets selon les qualités. Ces prix
s'entendent franco bord d'un port algé-
rien. Elles sont devenues d'une consom-
1 -
-
m a lion courante et considérable comme
le démontreront les quelques chiffres sui-
vants. Il en fut exporté 3.958 quintaux en
1902 ; les expéditions atteignaient 4.154
quintaux en 1906 et 4.993 en 1908 repré-
sentant, pour cette dernière année,
3.250.000 francs.
Les tabacs hachés sont mis en paquets
de 40 à 50 grammes et sont vendus de
1 fr. 25 à 1 fr. 75 et 2 fr. 25 le kilogram*
me selon les Qualités.
Les exportations de tabacs en feuilles
ont été peu considérables, relativement
s'entend, jusqu'en 1890. C'est la France
qui absorbe la plus grande partie de «es
envois comme le démontre le tableau ci*
joint.
L'Algérie exporte également 'une:cer..
taine quantité de tabacs à priser et£à
mâcher. Les principaux ports exporta*
teurs des tabacs en feuilles sont Algeri
Bône et Bougie ; les tabacs manufactu-
rés sont expédiés par Alger, Bône, Bougie
Mostaganem et Oran.
P. PAlUS.
EXPORTATIONS D'AIIGÉRIE PAR QUINTAUX
TABACS EN FEUILLES TABACS MANUFACTURES
n i
S s" en.a R *–
< - en | en ~5* TOTAUX
< France
1900 23.761 877 24.638 6748 6.404 7.152
LâOl 33.824 6.740 40.565 L781 8.338 9.119
1902 23.794 5.926 29.620 ,684 7.162 7.846
1903 32.385 6.163 38.548 906 7.427 8.333
1904 30.17H 2.036 32.215 6577.688.8,3-15
1905 1 22.455 5.537 27.992 1.074 8.630 9.704
1906 35.500 10.073 45.573 804 9.401 10.205
1907 31.805 3.370 35.115 972 11.441 12.4131
1908 14.563 3.914 18.477 S19 12.169 12.9881
1909 23.902 15,214 39.236 863 12.918 13.5111
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