Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-06-23
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 juin 1910 23 juin 1910
Description : 1910/06/23 (A11,N25). 1910/06/23 (A11,N25).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
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Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6541050q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/09/2013
ONZIEME ANNÉE N«*25.
1 2ra centimes
LE NUMÉRO : 26 centimes
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23 JUIN 1910
Les Annales Coloniales
I? A 1 111W
e..,n. e. "nIa e s;
JOURNAL HEBDOMADAIRE DES QUESTIONS EXTERIEURES
EN VENTE DANS TOUTES LES GARES
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Le Port de Grand-Lahou
par Henri COSNtER, Député de l'Indre.
Informations Coloniales
Principes du Gouvernement des Colonies
par François BERNARD.
Fausses Nouvelles Coloniales
La France aux Nouvelles-Hébrides
par Edouard NÉRON. Député de la Haute-Loire.
L'Algérie à l'Exposition de Bruxelles
par P. PARIS.
Adresse et Protestation
Le Nouveau Conseil Impérial dans l'Inde
Au Conseil supérieur de l'Algérie
INFORMATIONS FINANCIÈRES
--"1\1'
Le Port de tirand-Lahou
Le gouvernement de la Côte d'Ivoire
a réalisé depuis deux ans à Grand-
Lahou des progrès remarquables.
Bien que le port de Grand-Lahou
soit appelé, sinon à perdre de son im-
portance, du moins à voir une partie du
trafic de la Haute-Côte absorbée par la
voie ferrée qui reliera prochainement
le nord de la colonie à Abidjan, ce qui
apparaît comme la conséquence iné-
vitable du perfectionnement de l'outil..
lage économique en A, 0. F., il serait
inexact d'en conclure que les grands tra-
vaux en cours ou en projet, tels le per-
cement et la jonction des lagunes de la
Côte d'I voire, puissent avoir pour consé-
quence directe l'arrêt du mouvement
commercial dans le port de Grand-
Lahou au profit exclusif de Grand-
Bassam, quelle que soit d'ailleurs l'ex-
tension dont celui-ci est appelé à béné-
fider par ses moyens d'abord, par sa
situation géographique et le développe-
ment normal du commerce ensuite.
Examinons donc rapidement ce qui a
été fait et ce qui reste à faire dans cette
région. Au mois de juillet 1908, la péné-
tration de l'arrière-pays de Lahou avait
été à peine ébauchée. La plus grande
partie en était inconnue et nous ne pos-
sédions qu'un poste administratif à
Grand-Lahou, chef-lieu du cercle.
A la même époque, l'installation du
poste de Fresco,sur la côte, à 55 kilomè-
tres à. l'ouest de Lahou nous permettait
de suite d'effectuer la reconnaissance to-
pographique du pays, d'entrer en rela-
tion avec des tribus qui échappaient,
jusque-là, d'une façon complète, à l'au-
torité française, et de créer de toutes
pièces un mouvement commercial en-
core inexistant.
En mars 1909, la création du poste
adminislratif de Boudougou, à 80 kilo-
mètres environ au nord de Lahou et à
deux joursi et demi de marche à l'ouest
de Tiassalé nous assurait les mêmes
résultats. La mise en état d'une route
directe entre Lahou et Boudougou,
d'une part, ce dernier poste et Tiassalé,
de l'autre, nous a en effet permis tout
d'abord, et doit nous faciliter ensuite,
dans la plus large mesure, l'accès de
régions entièrement couvertes par la
forêt dense, jusqu'alors inexplorées,
partant inexploitées, et dont les riches-
ses en arbres à caoutchouc et en aca-
jou notamment offrent au commerce un
des plus beaux champs d'action qu'il
soit possible de trouver.
Il y a lieu de remarquer, en effet,
qu'à moins de cent kilomètres de la
Côte, la forêt est très favorisée sous le
rapport de la densité de la population,
que des villages importants sont très
rapprochés et représentent un total de
quarante mille habitants environ.
Avec la paix française, la population
augmentera très certainement et four-
nira au commerce de Lahou, de Tias-
salé et de Fresco une main-d'œuvre
très suffisante au point de vue de la
quantité et susceptible de s'améliorer
assezrapidement au point de vue de la
qualité. Comme complément indispen-
sable deiî pistes en forêt, tant dans la
région de Fresco que dans celle de Bou-
dougou, des travaux de navigabilité ont
été entrepris dans les rivières Goboa et
Nokoboué, tributaires de la. lagune de
Lahou, Ils permettent actuellement aux
vapeurs d'un faible tirant d'eau, en usage
dans la colonie, de remonter, jusqu'à
une certaine distance de la côte pour y
charger les produits du pays, l'huile de
palme, les palmistes et le caoutchouc.
En même temps que ces rivières
étaient, en partie, ouvertes à la naviga-
tion, les travaux effectués dans le che-
nal qui relie les lagunes de Lahou et
de Fresco offraient le passage, sans rom-
pre charge, aux pirogues de fortes dimen-
sions, sauf à la période de très basses
eaux pendant les trois premiers mois de
l'année. L'existence d'un seuil, bien que
très peu important, entre le bassin de la
lagune de Fresco et celui de la lagune
de Lahou empêche d'ailleurs de rendre
le chenal existant praticable aux vapeurs
avant l'exécution des travaux de perce-
ment dont l'étude est activement pour-
suivie et qui mettront en communication
constante la lagune Ebrié avec celles de
Lahou à l'ouest, et d'Assinie à l'est, sur
une distance de 300 kilomètres environ.
Bien que coupées par des rapides non
loin de leur embouchure, les deux plus
importantes rivières du bassin de Fresco,
la Bolo et la Niouniourou, une fois dé-
gagées des troncs d'arbres qui les obs-
truent, deviendront dans leur cours
moyen accessibles aux pirogues chargées
et seront ainsi les véritables voies de
pénétration économique de la partie ouest
du cercle de Lahou, complétant ainsi le
réseau de chemins reliant le poste de
Fresco aux pays du nord, du nord-est et
du nord-ouest.
En même temps que la création et
la mise en étal des voies de communica-
tion dans cette partie de la colonie, le
développement des cultures vivrières, ma-
nioc, maïs, bananes, et les plantations de
cacaoyers sollicitaient l'attention du gou-
vernement de la Côte d'Ivoire, là où la
nature du sol permettait de les tenter
avec chance de succès. Les constatations
faites, portant sur 20.000 pieds environ
de cacao,promettent des résultats satis-
faisants dans l'avenir, malgré de sérieu-
ses difficultés provenant surtout de l'a-
pathio des indigènes et du manque ab-
solu d'autorité de leurs chefs.
En dehors de l'amélioration des voies
navigables, les travaux les plus urgents
qui restent à entreprendre sont tout d'a-
bord la création d'un troisième poste
administratif au nord de Fresco, dans
Fouest-nord-ouest de Boudougou, puis
l'achèvement d'un réseau de routes per-
mettant aux tribus du nord d'apporter
leurs produits à la Côte, dès que la sécu-
rité du pays aura été obtenue d'une fa-
çon définitive.
Il reste donc beaucoup à faire dans la
région, mais en présence des progrès
réels qui ont été accomplis en moins de
deux ans, il est de stricte équité de re-
connaître et d'apprécier comme elle le
méri te l'œuvre entreprise aussi bien dans
cette partie de la colonie que dans son
ensemble par M. le gouverneur Angoul-
vant, pour le plus grand profit du com-
merce, du progrès et de la civilisation.
Les chiffres suivants, en progression
constante,donnent les quantités des prin-
cipaux produits du cru exportés par le
port de Grand Lahou en 1908-1909 et
pendant le premier trimestre de 1910.
iqoS long i« trimestre
Kilog. Kilog. tg io Kilog.
hoire. 6.144 G.864 310
Palmistes. 805.028 836.733 206.400
Hlliledepal. 1.365.640 1.257.852 299.934
Caoutchouc. 185.113 333.335 113.910
Acajou. 1.914.983 3.70ï.8i9 411.691
Etat comparatif des recettes de doua-
nes du bureau de Grand Lahou.
190 8 449.190 fr. 97
1909. 479.869 » 90
1er trimestre 1910. 153.495 » 71
Ces chiffres sont suffisamment élo-
quents.
Henri COSNIER,
Député de l'Indre.
-"'J"V"'J'
Informations Coloniales
Le Ministre des colonies a reçu le capi-
taine de spahis Four a, chef de la section
française de la mission franco-allemande
chargée de procéder à la délimitation de la fron-
tière entre le Togo allemand et le Dahomey.
Le ministre a félicité le capitaine Fourn et
les autres officiers qui Vaccompagnaient des
résultats de la mission dont les travaux ont été
conduits à la satisfaction commune des deux
gouvernements.
***
M. Guillaume Grandidier, qui s'est distin-
gué par ses savants travaux sur Madagascar,
va partir prochainement pour la grande île
africaine afin d'y parfaire ses recherches
scientifiques.
*
M. le docteur Legendre va s'embarquer
pour la Chine afin de poursuivre au Setchouen
ses éludes sur la flore et la faune.
**#
La commission pour la protection et la sau-
vegarde des indigènes s'est réunie au minis-
tère des colonies, sous la présidence de M. Lu-
cien. Hubert, député des Ardcnnes, qui a tendu
compte de la mission dont il avait été chargé
par les ministres des affaires étrangères et des
colonies en vue de pressentir les divers gou-
vernements au sujet de la création éventuelle
d'un bureau international d'ethnographie.
M. illartial Merlin, gouverneur général de
l'Afrique Equatoriale française, a ensuite
fait un exposé documenté et particulièrement
intéressant du programme qu'il a suivi en ma-
tière de politique indigène.
:u:*,",
M. Martial Merlin, gouverneur général de
l'Afrique Equatoriale,rcjoindra son poste par
le paquebot du 25 juin.
M. Marlineau, gouverneur des Etablisse-
ments français de l'Inde, s'est embarqué à
Marseille à destination de Pondichéry,
V
f *
M. Légitimas, député de la Guadeloupe,
vient d'dresser au président du onzième bu-
reau, qui a prononcé son inCJalidalion, une
lettre pour se plaindre de n'avoir pas été en-
tendu, ainsi que ses témoins.
PRINCIPES DU GOUVERNEMENT
DES COLONIES
On a abusé en ces dernières années,
dans les discussions des principes du
gouvernement des colonies, des mots
assimilation et association.
Théoriciens, doctrinaires ou politiciens,
épris-de contingences semblaient avoir
abandonné l'ancien idéal de l'assimila-
tion pour se ranger au principe plus
modeste, plus terre-à-terre et, lëur sem-
blait-il, plus tangible, de l'association.
Aujourd'hui on y pense et on en parle
moins, on parle tout simplement d'ex-
ploitatiôn rationnelle des colonies, d'ins-
truction, d'éducation et de prolection
des indigènes ou mieux d'évolution sui-
vant les nécessités modernes et en te-
nant compte des possibilités locales que
peuvent présenter les différents milieux
géographiques ou les diverses races avec
leurs traditions historiques et leurs
mœurs : c'est plus clair.
Au tond, tout le monde estd accord :
l'idéal à atteindre reste toujours l'assimi-
lation, la politique dite d'association y vise
elle-même, elle prétend même y arriver
plus sûrement par des moyens appro-
priés, d'action stimulanteccrtaine, com-
patibles avec la civilisation et effica-
ces en raison même de l'utilité qui s'im-
pose du progrès dans l'évolution.
La France doit apporter dans ses prin-
cipes de gouvernement colonial la plus
scrupuleuse attention ; elle ne peutson-
ger à inonder de colons les territoires
africains ou asiatiques qui constituent
son domaine. L'Afrique du nord qui ce-
pendant possède déjà une population
indigène assez dense et très vivace, n'est
qu'une heureuse exception ; les autres
colonies, sauf quelques petits territoi-
res disséminés, en Nouvelle-Calédonie,
a Madagascar ou dans quelques îles mi-
nuscules et sans importance, ne con-
viennent guère au peuplement européen,
d'où il résulte qu'elle ne peut agir que
par inllucncc, par ses fonctionnaires,
ses ingénieurs, ses moniteurs, à peine
accrus de quelques commerçants ou
colons libres.
D'ailleurs., sa situation démographi-
que ne lui permet pas d'exporter des ci-
toyens en grand nombre : ceux-ci sont
eux-mêmes peu sollicités par l'expatria-
tion, le pays est riche, et la répartition
de la fortune, que l'on peut rêver meil-
leure, n'est pas si mauvaise qu'en bien
d'autres pays. Les Espagnols par exem-
ple émigrent beaucoup depuis quelques
années en Argentine, cet exutoire est
heureusement choisi pour eux, mais la
métropole y perd momentanément en
force ; le cas est analogue avec quelques
différences l'avenir de la mère-patrie
paraissant moins entravé pour l'Ita-
lie, ce pays jouissant actuellement d'une
situation démographique plus favorable
que l'Espagne et se trouvant beaucoup
plus densément peuplé.
Mais si la France est pauvre en indi-
vidus à exporter ellcestriche d'initiative
et surtout en capitaux à la recherche de
placements que quelques hommes d'ac-
tion suffisent à mettre en entreprises et
à diriger. Depuis 1880, plus de deux mil-
liards ont été placés par les capitalistes
français qui ont servi à activer la mise
en valeur de nos colonies et sur lesquels
il faut estimer à plus de 600 millions
les emprunts publics seuls.
Il faut, en fait, peu d'hommes pour
faire œuvre coloniale. Les Romains ne se
sdut pas fixés en grandes masses dans la
Gaule, nous sommes bien leurs conti-
nuateurs cependant. Avons-nous boudé
la civilisationromaine ? Non, elle a été
imposée à nos aïeux par la force, et ils
l'ont acceptée graduellement par la per-
suasion, parce qu'elle était la civilisa-
tion, parce qu'elle répondait aux aspi-
rations de la nature intime de l'hom-
me (1).
L'œuvre coloniale qui nous incombe
est donc surtout liée à la bonne admi-
nistration des populations indigènes
qu'il faut éduquer, enrichir et civiliser.
L exception même de 1 Afrique du Nord,
où les colons français peuvent s'établir
nombreux et prospérer, comporte aussi,
pour une très large part, et ce n'est pas
la moins délicate, cette mission d'édu-
cation envers les indigènes.
La civilisation a deux objets: le bien-
être des individus et leur avancement
moral. Ce double but est évidemment
difficile à atteindre, mais il est précis, et
l'on doit y tendre avec l'obstination et
l'esprit de suite qui peuvent caractéri-
ser une société de civilisation supé-
rieure.
En supposant - ce qui semblait à
quelq ues-uns, il n'y a pas bien long-
temps, l'aboutissement logique de toute
œuvre coloniale - que les populations
éduquées, enrichies par nos soins, doi-
vent fatalement s'émanciper un jour de
la tutelle de la métropole, n'y a-t-il pas
un avantage immense pour celle-ci à
avoir été la source ou la créatrice de
cette nationalité nouvelle ? N'est-ce pas
un avantage pour l'Angleterre que d'a-
voir donné naissance à cette nation si
vivante, si puissante, siricliedes Etats-
Unis ? L'immense Brésil n'est-il pas
l'émanation dernière, le suprême espoir
du petit Portugal qui se voit revivre et
illustrer par ce jeune fils plein de sève
qui doit perpétuer et amplifier la civili-
sation nationale ? Si la langue espa-
gnole résonne encore surplus de la moi-
tié d'un continent, n'est-ce pas à l'œu-
vre coloniale des conquistadores espa-
gnols du seizième siècle qu'en remonte
la cause ?
Une nation qui a perdu une colonie
par l'émancipation garde toujours avec
celle-ci des rapports intellectuels et com-
merciaux très intenses qu'expliquent la
communauté de langage, de goûts, de
moeurs, d'aspirations. Il en est ainsi,
quoique avec moins d'amplitude, même
lorsque cette colonie a été conquise par
une nalion étrangère.
Dans tous les cas,quand s'est produite,
violente ou pacifique, l'émancipation,
après la crise de la séparation politique,
il n'y a pas division et rivalité, mais
émulation dans l'unité mentale des deux
nations : c'est bien probablement au
Pérou que l'on parle aujourd'hui l'espa-
gnol le plus pur, et, l'on peut considé-
(1) Voir noLrd ouvrage : Pourquoi et comment
coloniser ? Paris, 1906. A - Lliur Rousseau.
rer d'autre part que les Etats-Unis et
l'Angleterre contribuent ensemble à ré-
pandre dans le monde moderne l'in-
fluence anglo-saxonne, en concurrence
avec les influences trop morcelées des
civilisations latines.
L'œuvre coloniale comporte trois pé-
riodes qui ne sont pas nettement sépa-
rées dans le temps, qui chevauchent au
contraire fréquemment l'une sur l'autre,
mais qui n'en sont pas moins distinctes
quand il s'agit de fixer le rôle de la mé-
tropole. Ces trois périodes sont : l'occu-
pation militaire diplomatique et admi-
nistrative, l'organisation économique ou
mise en valeur par l'exploitation des
richesses, la création d* entreprises, l'o u-
verture des voies de communication, etc,
puis enfin l'assimilation politique et
morale. Dans la première et la troisième
de ces périodes, le rôle et l'influence du
gouvernement doivent plus spéciale-
ment s'imposer; dans la seconde, l'ini-
tiative individuelle doit au contraire se
montrer plus agissante et plus active.
« L œuvre de civilisation est vaine,
dit fort justement M. Pierre Baudin,
si elle n'a pour moyen d'expansion que
l'autorité politique ou l'occupation mi-
litaire. Elle n'est sérieuse que si elle
apporte à la fois aux indigènes la sécu-
rité et la prospérité. L'entreprise qui
n'offre pas à un pays, du travail, du
gain, est dénuée de force et laisse ap-
paraître aux yeux de ses habitants les
alteintes à son intégrité politique, reli-
gieuse, à ses préjuges, a ses mœurs. C'est
une civilisation qui contraint,donc c'est
une civilisation abhorrée. »
Il y a assimilation entre deux pays
lorsqu'il y a communauté d'intérêts,
mêmes aspirations, même idéal. Et l'on
peut affirmer que le plus puissant fac-
teur de l'assimilation, c'est un bon gou-
vernement, fort, équitable et bienveil-
lant sans faiblesse, qui impose le respect.
On tend vers l'assimilation par le
temps qui efface les souvenirs violents
de la conquête, qui donne des généra-
tions pacifiques d'une mentalité supé-
rieure. Mais on peut l'accélérer par la
distribution d une justice impartiale
toujours et partout appréciée par la
grandeur des œuvres entreprises : ins-
truction, travaux publics, assainisse-
ment, propagation de l'hygiène, etc. Par
cet ensemble de mesures on fait naître
et apprécier l'idée de la patrie. Il ne
s'agit pas d'identifier les lois,les mœurs
les conditions économiques, trop de
facteurs divers empêchent ou retardent
cette identification; il s'agit de conqué-
rir et de dominer l'esprit, la mentalité
des populations. Contre cette -assimila-
tion toujours possible, rien ne prévaut,
ni la latitude, ni les différences de races
ou de religions.
Quand on a pu y parvenir, mais seule-
ment alors, la patrie est vraiment plus
grande, plusforte, plus riche en territoi-
res et en citoyens ; elle a augmenté
d'autant sa part d'influence 0 sur le
monde : elle a accru en même temps
son patrimoine physique et son patri-
moine moral ; elle a- agrandi son rôle
dans la marche de la civilisation, dans
le progrès de l'humanité.
François Burnâkd.
-J""
La France aux Nouvelles-Hébrides
L'archipel des Nouvelles - Hébrides
mesure plus de 15.000 kilomètres car-
rés. Presque toutes les îles en sontd'u-
ne fertilité extraordinaire. La colonisa-
tion française, au point de vue agricole,
y a beaucoup mieux réussi qu'en Indo-
chine et qu'à Madagascar, par exemple.
Nos compatriotes y ont déployé des ef-
forts prodigieux. Près de la moitié de
l'Archipel appartient a des Français.
La prépondérance des intérêts natio-
naux y est écrasante. Lorsque la ques-
tion de souveraineté se posera, la supé-
riorité de nos droits ne peut que ciéer
a la franco une situation particulière-
ment forte. Mais cet admirable pays est
situé aux antipodes ! Il est inconnu de
la grande majorité de nos compatriotes
et peut-être aussi du Ministre des Colo-
nies lui-même, qui ignore certainement
que l'archipel des Nouvelles-Hébrides,
y compris les îles Banks et les îles Tor-
rès, forme un territoire dont la super-
ficie dépasse celle des Antilles et de La
Réunion. Deux hommes, MM. Higgin-
son et Mercet, ont appliqué toute leur
énergie, toute leur intelligence, le meil-
leur a eux-mêmes, à la conquête pacifi-
que des Hébrides. Qui songe à les re-
mercier ? Qui connait leur œuvre ?
1
Dans les îles du Centre, nos compa-
triotes ont créé des exploitations agri-
coles remarquables. Q tielq ues- unes d'en-
tre elles dépassent 800 hectares. Les
cultures principales sont: le caféier, le
cacaoyer, le maïs, le cocotier, le bana-
nier. Mais beaucoup d'autres cultures
tropicales pourraient y être pratiquées,et
il n'y a pas un pays au monde où les
plantes à parfum soient plus abondan-
tes et plus variées. La terre est, aux Hé-
brides, d'une fertilité telle que des ca-
féières, vieilles de plus de 26 ans et qui
n'ont été jamais fumées,donnent encore,
chaque année, une production qui n'est
pas dépassée au Brésil.
Les colons sent au nombre de plus de
300. Presque toutes les provinces de la
France y sont représentées. Nos compa-
triotes ont mis en œuvre, sur cette ter-
re océanienne, les plus belles qualités
de la race. Les débuts de presque tous
ont été difficiles, daugereux même. Avec
des ressources minimes, des moyens
d'action misérables, à force de patience,
d'énergie,d'ingéniosité, ils ont constitué
une main-d'œuvre, défriché de vastes
élendueSj construit des maisons, acheté
de petits cotres pour pouvoir naviguer
entre lés iles et recruter des travailleurs
indigènes. Ils ont trouvé les conditions
d'adaptation des cultures au sol, ils ont
construit des usines pour la préparation
du café, ils ont dégagé des méthodes d'a-
gronomie et des règles de gérance que
leurs fils n'auront plus qu'à suivre. Et
ces gens, dont les uns étaient cultiva-
teurs, les autres commerçants ou adon-
nés à diverses professions manuelles en
Bretagne, en Normandie,en Bourgogne,
dansleBerry, sont devenus d'habiles
marins.
Mais ils étaient libres. Des adminis-
trateurs tatillons ou fantaisistes ne ve-
naient pas les tracasser et se mettre en
travers de leurs projets. Cette liberté,au
au sein de laquelle ils ont pu déployer
lenr énergie propre, est en effet la prin-
cipale cause de leur succès.
11
La Convention de Londres de 1906t a
institué aux Nouvelles-Hébridc: un
condominium. Un Résident anglais est
placé en face du Résident français. La
France et la Grande-Bretagne se recon-
naissent respectivement souveraines
par indivis de tout l'archipel.
Jusqu'à présent la comparaison des
deux administrations ne nous a pas été
favorable. Le Résident anglais actuel
ne cherche pas à s'en faire accroire. Il
ne pose pas pour la supériorité. C'est
un homme simple, un fonctionnaire la-
borieux et assidu, un loyal serviteur de
son pays. Il n'a pas l'inspiration sou-
daine, mais il connaît son métier, il est
attaché à la tradition, il a du sens com-
mun. Le prédécesseur de M. Ring, le
Cl Hasan, était plus rude, moins conci-
liant en apparence, moins avisé peut-
être aussi, mais il avait à un degré égal
le loyalisme du fonctionnaire britanni-
que et le sens des réalités.
Le Gouvernement français n'a pas
jusqu'ici été toujours heureux dans le
choix de ses représentants aux Nouvcl-
velles-Hébrides.L'initiative privée livrée
à elle-même avait assuré la prédomi-
nence des intérêts français. L'impré-
voyance de nos fonctionnaires est en
passe de nous la faire perdre. Aucun
poste n'est cependant plus enviable
que celui de Résident aux Nouvelles-
Hébrides. On peut y déployer les qua-
lités du diplomate et celles de l'ad-
ministrateur. Dans le domaine adminis-
tratif, par la constitution de municipali-
tés, par l'organisation d'un bon régime
municipal, il nous est loisible de rendre
effective notre supériorité dans toutes
les manifestations delà vie publique.
Dans le domaine écomique, en introdui-
sant dans l'archipel la main-d'œuvre ja-
vanaise, en empêchant les missionnai-
res anglais ou australiens d'agir sur les
indigènes afin de les amener à refuser
en masse d'aller travailler sur les plan-
tations françaises, en organisant le cré-
dit agricole, qui permettrait de sous-
traire les colons aux prises de l'usure,
que l'on pratique aux Hébrides avec
une sorte de cynisme, en obtenant pour
les produits exporlés en France une dé-
taxe en correspondance avec le chiffre
de la récolte, en maintenant parmi les
colons une solidarité étroite, on peut
porter les entreprises agricoles à un de-
gré de prospérité inconnue sur n'im-
porte quel point de notre Empire colo-
nial.
Enfin,dans l'ordre politique,il faudrait
arracher les naturels à la domination
des missionnaires anglais. En matière de
politique indigène, notre échec est la-
mentable. Les missionnaires se compor-
tent, vis-à-vis des tribus, comme des
représentants de l'autorité anglaise. Au
mépris de la convention de Londres, ils
imposent aux tribus où ils ont installé
leurs teacheYs toute une organisation
civile, un code rudimentaire,une échel-
le d'amendes. Les indigènes, sur les-
quels ils ont établi leur autorité,non pas
seulement spirituelle, mais civile, sont
farouchement anglais. Les missionnai-
res, d'accord avec les autorités britan-
niques, sont en train de pénétrer dans
les tribus'païennes de l'intérieur, pour
les soumettre à leur régime et leur don-
ner une nationalité de fait.
111
Au lieu de cela, qu'a-t-on fait ?
Le Résident s'est appliqué à diviser
les colons, à les tracasser, à les irriter
à tel point que, durant quelques jours,
il y eut la guerre morale dans l'île Vaté:
une imprudence pouvait faire partir les
fusils. Les maires furent nommés sans
- -
cennaîtrc le' premier mot de ce qu'on
attendait d'eux. Le maire de Mèlé, qui
avait cessé de plaire, fut révoqué, sans
doute pour donner aux Anglais l'inir
pression que l'harmonie régnait parmi
leurs voisins. L'inspection du travail,
désirable en soi, fut pratiquée de telle
façon qu'elle devint un moyen de satis-
faire des rancunes individuelles. Les
missionnaires anglais étaient considérés,
par le représentant d'un pays qui venait
d'opérer la séparation des Eglises d'a-
vec l'Etat, comme des agents de l'auto-
rité civile et leurs plaintes étaient ac-
cueillies et instruites.
Et, en face de l'administration bri-
tannique, régulière, impartiale, nous
installions l'incohérence et le favori-
tisme. Notre lot était la double inca pa-
cité politique et administrative.
M. Bonhoure, gouverneur intérimaire
de la Nouvelle-Calédonie et Haut-Com-
missaire de la France dans le Pacifique,
se rendit compte de la situation lors-
qu'il vint aux Hébrides. Il fit des obser-
valions à son subordonné. Celui-ci le
trouva mauvais et demanda l'autorisa-
tion de venir s'expliquer à Paris.
Les absents, dit le proverbe, ont tou-.
jours tort Dans le cas présent il a reçu
une nouvelle et exacte application. On
est parvenu à démontrer à l'entourage
du Ministre des Colonies que M. Bon-
houre avait tous les torts, et alors que
M. Milliès-Lacroix lui avait promis sa
titularisation, il vient d'être remplacé
par M. Richard, qui avait quitté la Ca-
lédonie en disgrâce. - - --
Le système est adorable. L intérimaire
qui, dans la colonie, se débat au milieu
des difficultés de la situation que lui a
souvent léguée le titulaire, s'efforce
d'obtenir une nomination définitive, et
le titulaire, qui intrigue à Paris, s'éver-
Lue à démolir l'intérimaire. Les griefs
articulés contre M. Bonhoure ont, pa-
raît-il, été examinés par un Conseil com-
posé de fonctionnaires du Déparlement
des Colonies. Ce Conseil a entendu tous
les ennemis de M. Bonhoure, sans qu'au-
cune voix se fût élevée pour le défen-
dre. 0 justice coloniale !Tous les rap-
ports de M. Bonhoure étaient commu-
niqués à ses ennemis, habiles à trouver
des explications, et le malheureux gou-
verneur, qui travaillait à pacifier les es-
prits aux Nouvelles-Hébrides et à ré-
parer les fautes de son subordonné de-
venu, en quelque manière, son juge, a
été sacrifié aux bonnes traditions ad-
ministratives, au souci de la hiérarchie,
en un mot à la justice coloniale.
Quand l'ancien Résident des Hébri-
des, qui touche son traitement sur le
budget des Hébrides, lequel sert en ou-
tre su solde au Résidentintérimaire, aura
satisfait ses rancunes, car on dit qu'il a
été mis en goût par ce premier succès,
il demandera qu'on sacrifie un gouver-
neur quelconque de l'Afrique Occiden-
tale ou équatoriale, car il a jeté son dé-
volu sur 1 Afrique.
L'honorable M. Trouillotignore tout
cela. L'heure n'est-elle pas venue de
mettre l'opinion au courant de cè qui se
passe dans un pays où des Français, ja-
dis citoyens libres, ont été opprimés par
un jeune proconsul qu'une fortune trop
rapide a grisé, des Français qui nous
chargent de faire entendre leur pro-
testation à la Mère-Patrie.
Edouard NÉRON,
Député de la Haute-Loire,
Secrétaire de la Chambre des dépulés.
̃AA^
1 2ra centimes
LE NUMÉRO : 26 centimes
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23 JUIN 1910
Les Annales Coloniales
I? A 1 111W
e..,n. e. "nIa e s;
JOURNAL HEBDOMADAIRE DES QUESTIONS EXTERIEURES
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Le Port de Grand-Lahou
par Henri COSNtER, Député de l'Indre.
Informations Coloniales
Principes du Gouvernement des Colonies
par François BERNARD.
Fausses Nouvelles Coloniales
La France aux Nouvelles-Hébrides
par Edouard NÉRON. Député de la Haute-Loire.
L'Algérie à l'Exposition de Bruxelles
par P. PARIS.
Adresse et Protestation
Le Nouveau Conseil Impérial dans l'Inde
Au Conseil supérieur de l'Algérie
INFORMATIONS FINANCIÈRES
--"1\1'
Le Port de tirand-Lahou
Le gouvernement de la Côte d'Ivoire
a réalisé depuis deux ans à Grand-
Lahou des progrès remarquables.
Bien que le port de Grand-Lahou
soit appelé, sinon à perdre de son im-
portance, du moins à voir une partie du
trafic de la Haute-Côte absorbée par la
voie ferrée qui reliera prochainement
le nord de la colonie à Abidjan, ce qui
apparaît comme la conséquence iné-
vitable du perfectionnement de l'outil..
lage économique en A, 0. F., il serait
inexact d'en conclure que les grands tra-
vaux en cours ou en projet, tels le per-
cement et la jonction des lagunes de la
Côte d'I voire, puissent avoir pour consé-
quence directe l'arrêt du mouvement
commercial dans le port de Grand-
Lahou au profit exclusif de Grand-
Bassam, quelle que soit d'ailleurs l'ex-
tension dont celui-ci est appelé à béné-
fider par ses moyens d'abord, par sa
situation géographique et le développe-
ment normal du commerce ensuite.
Examinons donc rapidement ce qui a
été fait et ce qui reste à faire dans cette
région. Au mois de juillet 1908, la péné-
tration de l'arrière-pays de Lahou avait
été à peine ébauchée. La plus grande
partie en était inconnue et nous ne pos-
sédions qu'un poste administratif à
Grand-Lahou, chef-lieu du cercle.
A la même époque, l'installation du
poste de Fresco,sur la côte, à 55 kilomè-
tres à. l'ouest de Lahou nous permettait
de suite d'effectuer la reconnaissance to-
pographique du pays, d'entrer en rela-
tion avec des tribus qui échappaient,
jusque-là, d'une façon complète, à l'au-
torité française, et de créer de toutes
pièces un mouvement commercial en-
core inexistant.
En mars 1909, la création du poste
adminislratif de Boudougou, à 80 kilo-
mètres environ au nord de Lahou et à
deux joursi et demi de marche à l'ouest
de Tiassalé nous assurait les mêmes
résultats. La mise en état d'une route
directe entre Lahou et Boudougou,
d'une part, ce dernier poste et Tiassalé,
de l'autre, nous a en effet permis tout
d'abord, et doit nous faciliter ensuite,
dans la plus large mesure, l'accès de
régions entièrement couvertes par la
forêt dense, jusqu'alors inexplorées,
partant inexploitées, et dont les riches-
ses en arbres à caoutchouc et en aca-
jou notamment offrent au commerce un
des plus beaux champs d'action qu'il
soit possible de trouver.
Il y a lieu de remarquer, en effet,
qu'à moins de cent kilomètres de la
Côte, la forêt est très favorisée sous le
rapport de la densité de la population,
que des villages importants sont très
rapprochés et représentent un total de
quarante mille habitants environ.
Avec la paix française, la population
augmentera très certainement et four-
nira au commerce de Lahou, de Tias-
salé et de Fresco une main-d'œuvre
très suffisante au point de vue de la
quantité et susceptible de s'améliorer
assezrapidement au point de vue de la
qualité. Comme complément indispen-
sable deiî pistes en forêt, tant dans la
région de Fresco que dans celle de Bou-
dougou, des travaux de navigabilité ont
été entrepris dans les rivières Goboa et
Nokoboué, tributaires de la. lagune de
Lahou, Ils permettent actuellement aux
vapeurs d'un faible tirant d'eau, en usage
dans la colonie, de remonter, jusqu'à
une certaine distance de la côte pour y
charger les produits du pays, l'huile de
palme, les palmistes et le caoutchouc.
En même temps que ces rivières
étaient, en partie, ouvertes à la naviga-
tion, les travaux effectués dans le che-
nal qui relie les lagunes de Lahou et
de Fresco offraient le passage, sans rom-
pre charge, aux pirogues de fortes dimen-
sions, sauf à la période de très basses
eaux pendant les trois premiers mois de
l'année. L'existence d'un seuil, bien que
très peu important, entre le bassin de la
lagune de Fresco et celui de la lagune
de Lahou empêche d'ailleurs de rendre
le chenal existant praticable aux vapeurs
avant l'exécution des travaux de perce-
ment dont l'étude est activement pour-
suivie et qui mettront en communication
constante la lagune Ebrié avec celles de
Lahou à l'ouest, et d'Assinie à l'est, sur
une distance de 300 kilomètres environ.
Bien que coupées par des rapides non
loin de leur embouchure, les deux plus
importantes rivières du bassin de Fresco,
la Bolo et la Niouniourou, une fois dé-
gagées des troncs d'arbres qui les obs-
truent, deviendront dans leur cours
moyen accessibles aux pirogues chargées
et seront ainsi les véritables voies de
pénétration économique de la partie ouest
du cercle de Lahou, complétant ainsi le
réseau de chemins reliant le poste de
Fresco aux pays du nord, du nord-est et
du nord-ouest.
En même temps que la création et
la mise en étal des voies de communica-
tion dans cette partie de la colonie, le
développement des cultures vivrières, ma-
nioc, maïs, bananes, et les plantations de
cacaoyers sollicitaient l'attention du gou-
vernement de la Côte d'Ivoire, là où la
nature du sol permettait de les tenter
avec chance de succès. Les constatations
faites, portant sur 20.000 pieds environ
de cacao,promettent des résultats satis-
faisants dans l'avenir, malgré de sérieu-
ses difficultés provenant surtout de l'a-
pathio des indigènes et du manque ab-
solu d'autorité de leurs chefs.
En dehors de l'amélioration des voies
navigables, les travaux les plus urgents
qui restent à entreprendre sont tout d'a-
bord la création d'un troisième poste
administratif au nord de Fresco, dans
Fouest-nord-ouest de Boudougou, puis
l'achèvement d'un réseau de routes per-
mettant aux tribus du nord d'apporter
leurs produits à la Côte, dès que la sécu-
rité du pays aura été obtenue d'une fa-
çon définitive.
Il reste donc beaucoup à faire dans la
région, mais en présence des progrès
réels qui ont été accomplis en moins de
deux ans, il est de stricte équité de re-
connaître et d'apprécier comme elle le
méri te l'œuvre entreprise aussi bien dans
cette partie de la colonie que dans son
ensemble par M. le gouverneur Angoul-
vant, pour le plus grand profit du com-
merce, du progrès et de la civilisation.
Les chiffres suivants, en progression
constante,donnent les quantités des prin-
cipaux produits du cru exportés par le
port de Grand Lahou en 1908-1909 et
pendant le premier trimestre de 1910.
iqoS long i« trimestre
Kilog. Kilog. tg io Kilog.
hoire. 6.144 G.864 310
Palmistes. 805.028 836.733 206.400
Hlliledepal. 1.365.640 1.257.852 299.934
Caoutchouc. 185.113 333.335 113.910
Acajou. 1.914.983 3.70ï.8i9 411.691
Etat comparatif des recettes de doua-
nes du bureau de Grand Lahou.
190 8 449.190 fr. 97
1909. 479.869 » 90
1er trimestre 1910. 153.495 » 71
Ces chiffres sont suffisamment élo-
quents.
Henri COSNIER,
Député de l'Indre.
-"'J"V"'J'
Informations Coloniales
Le Ministre des colonies a reçu le capi-
taine de spahis Four a, chef de la section
française de la mission franco-allemande
chargée de procéder à la délimitation de la fron-
tière entre le Togo allemand et le Dahomey.
Le ministre a félicité le capitaine Fourn et
les autres officiers qui Vaccompagnaient des
résultats de la mission dont les travaux ont été
conduits à la satisfaction commune des deux
gouvernements.
***
M. Guillaume Grandidier, qui s'est distin-
gué par ses savants travaux sur Madagascar,
va partir prochainement pour la grande île
africaine afin d'y parfaire ses recherches
scientifiques.
*
M. le docteur Legendre va s'embarquer
pour la Chine afin de poursuivre au Setchouen
ses éludes sur la flore et la faune.
**#
La commission pour la protection et la sau-
vegarde des indigènes s'est réunie au minis-
tère des colonies, sous la présidence de M. Lu-
cien. Hubert, député des Ardcnnes, qui a tendu
compte de la mission dont il avait été chargé
par les ministres des affaires étrangères et des
colonies en vue de pressentir les divers gou-
vernements au sujet de la création éventuelle
d'un bureau international d'ethnographie.
M. illartial Merlin, gouverneur général de
l'Afrique Equatoriale française, a ensuite
fait un exposé documenté et particulièrement
intéressant du programme qu'il a suivi en ma-
tière de politique indigène.
:u:*,",
M. Martial Merlin, gouverneur général de
l'Afrique Equatoriale,rcjoindra son poste par
le paquebot du 25 juin.
M. Marlineau, gouverneur des Etablisse-
ments français de l'Inde, s'est embarqué à
Marseille à destination de Pondichéry,
V
f *
M. Légitimas, député de la Guadeloupe,
vient d'dresser au président du onzième bu-
reau, qui a prononcé son inCJalidalion, une
lettre pour se plaindre de n'avoir pas été en-
tendu, ainsi que ses témoins.
PRINCIPES DU GOUVERNEMENT
DES COLONIES
On a abusé en ces dernières années,
dans les discussions des principes du
gouvernement des colonies, des mots
assimilation et association.
Théoriciens, doctrinaires ou politiciens,
épris-de contingences semblaient avoir
abandonné l'ancien idéal de l'assimila-
tion pour se ranger au principe plus
modeste, plus terre-à-terre et, lëur sem-
blait-il, plus tangible, de l'association.
Aujourd'hui on y pense et on en parle
moins, on parle tout simplement d'ex-
ploitatiôn rationnelle des colonies, d'ins-
truction, d'éducation et de prolection
des indigènes ou mieux d'évolution sui-
vant les nécessités modernes et en te-
nant compte des possibilités locales que
peuvent présenter les différents milieux
géographiques ou les diverses races avec
leurs traditions historiques et leurs
mœurs : c'est plus clair.
Au tond, tout le monde estd accord :
l'idéal à atteindre reste toujours l'assimi-
lation, la politique dite d'association y vise
elle-même, elle prétend même y arriver
plus sûrement par des moyens appro-
priés, d'action stimulanteccrtaine, com-
patibles avec la civilisation et effica-
ces en raison même de l'utilité qui s'im-
pose du progrès dans l'évolution.
La France doit apporter dans ses prin-
cipes de gouvernement colonial la plus
scrupuleuse attention ; elle ne peutson-
ger à inonder de colons les territoires
africains ou asiatiques qui constituent
son domaine. L'Afrique du nord qui ce-
pendant possède déjà une population
indigène assez dense et très vivace, n'est
qu'une heureuse exception ; les autres
colonies, sauf quelques petits territoi-
res disséminés, en Nouvelle-Calédonie,
a Madagascar ou dans quelques îles mi-
nuscules et sans importance, ne con-
viennent guère au peuplement européen,
d'où il résulte qu'elle ne peut agir que
par inllucncc, par ses fonctionnaires,
ses ingénieurs, ses moniteurs, à peine
accrus de quelques commerçants ou
colons libres.
D'ailleurs., sa situation démographi-
que ne lui permet pas d'exporter des ci-
toyens en grand nombre : ceux-ci sont
eux-mêmes peu sollicités par l'expatria-
tion, le pays est riche, et la répartition
de la fortune, que l'on peut rêver meil-
leure, n'est pas si mauvaise qu'en bien
d'autres pays. Les Espagnols par exem-
ple émigrent beaucoup depuis quelques
années en Argentine, cet exutoire est
heureusement choisi pour eux, mais la
métropole y perd momentanément en
force ; le cas est analogue avec quelques
différences l'avenir de la mère-patrie
paraissant moins entravé pour l'Ita-
lie, ce pays jouissant actuellement d'une
situation démographique plus favorable
que l'Espagne et se trouvant beaucoup
plus densément peuplé.
Mais si la France est pauvre en indi-
vidus à exporter ellcestriche d'initiative
et surtout en capitaux à la recherche de
placements que quelques hommes d'ac-
tion suffisent à mettre en entreprises et
à diriger. Depuis 1880, plus de deux mil-
liards ont été placés par les capitalistes
français qui ont servi à activer la mise
en valeur de nos colonies et sur lesquels
il faut estimer à plus de 600 millions
les emprunts publics seuls.
Il faut, en fait, peu d'hommes pour
faire œuvre coloniale. Les Romains ne se
sdut pas fixés en grandes masses dans la
Gaule, nous sommes bien leurs conti-
nuateurs cependant. Avons-nous boudé
la civilisationromaine ? Non, elle a été
imposée à nos aïeux par la force, et ils
l'ont acceptée graduellement par la per-
suasion, parce qu'elle était la civilisa-
tion, parce qu'elle répondait aux aspi-
rations de la nature intime de l'hom-
me (1).
L'œuvre coloniale qui nous incombe
est donc surtout liée à la bonne admi-
nistration des populations indigènes
qu'il faut éduquer, enrichir et civiliser.
L exception même de 1 Afrique du Nord,
où les colons français peuvent s'établir
nombreux et prospérer, comporte aussi,
pour une très large part, et ce n'est pas
la moins délicate, cette mission d'édu-
cation envers les indigènes.
La civilisation a deux objets: le bien-
être des individus et leur avancement
moral. Ce double but est évidemment
difficile à atteindre, mais il est précis, et
l'on doit y tendre avec l'obstination et
l'esprit de suite qui peuvent caractéri-
ser une société de civilisation supé-
rieure.
En supposant - ce qui semblait à
quelq ues-uns, il n'y a pas bien long-
temps, l'aboutissement logique de toute
œuvre coloniale - que les populations
éduquées, enrichies par nos soins, doi-
vent fatalement s'émanciper un jour de
la tutelle de la métropole, n'y a-t-il pas
un avantage immense pour celle-ci à
avoir été la source ou la créatrice de
cette nationalité nouvelle ? N'est-ce pas
un avantage pour l'Angleterre que d'a-
voir donné naissance à cette nation si
vivante, si puissante, siricliedes Etats-
Unis ? L'immense Brésil n'est-il pas
l'émanation dernière, le suprême espoir
du petit Portugal qui se voit revivre et
illustrer par ce jeune fils plein de sève
qui doit perpétuer et amplifier la civili-
sation nationale ? Si la langue espa-
gnole résonne encore surplus de la moi-
tié d'un continent, n'est-ce pas à l'œu-
vre coloniale des conquistadores espa-
gnols du seizième siècle qu'en remonte
la cause ?
Une nation qui a perdu une colonie
par l'émancipation garde toujours avec
celle-ci des rapports intellectuels et com-
merciaux très intenses qu'expliquent la
communauté de langage, de goûts, de
moeurs, d'aspirations. Il en est ainsi,
quoique avec moins d'amplitude, même
lorsque cette colonie a été conquise par
une nalion étrangère.
Dans tous les cas,quand s'est produite,
violente ou pacifique, l'émancipation,
après la crise de la séparation politique,
il n'y a pas division et rivalité, mais
émulation dans l'unité mentale des deux
nations : c'est bien probablement au
Pérou que l'on parle aujourd'hui l'espa-
gnol le plus pur, et, l'on peut considé-
(1) Voir noLrd ouvrage : Pourquoi et comment
coloniser ? Paris, 1906. A - Lliur Rousseau.
rer d'autre part que les Etats-Unis et
l'Angleterre contribuent ensemble à ré-
pandre dans le monde moderne l'in-
fluence anglo-saxonne, en concurrence
avec les influences trop morcelées des
civilisations latines.
L'œuvre coloniale comporte trois pé-
riodes qui ne sont pas nettement sépa-
rées dans le temps, qui chevauchent au
contraire fréquemment l'une sur l'autre,
mais qui n'en sont pas moins distinctes
quand il s'agit de fixer le rôle de la mé-
tropole. Ces trois périodes sont : l'occu-
pation militaire diplomatique et admi-
nistrative, l'organisation économique ou
mise en valeur par l'exploitation des
richesses, la création d* entreprises, l'o u-
verture des voies de communication, etc,
puis enfin l'assimilation politique et
morale. Dans la première et la troisième
de ces périodes, le rôle et l'influence du
gouvernement doivent plus spéciale-
ment s'imposer; dans la seconde, l'ini-
tiative individuelle doit au contraire se
montrer plus agissante et plus active.
« L œuvre de civilisation est vaine,
dit fort justement M. Pierre Baudin,
si elle n'a pour moyen d'expansion que
l'autorité politique ou l'occupation mi-
litaire. Elle n'est sérieuse que si elle
apporte à la fois aux indigènes la sécu-
rité et la prospérité. L'entreprise qui
n'offre pas à un pays, du travail, du
gain, est dénuée de force et laisse ap-
paraître aux yeux de ses habitants les
alteintes à son intégrité politique, reli-
gieuse, à ses préjuges, a ses mœurs. C'est
une civilisation qui contraint,donc c'est
une civilisation abhorrée. »
Il y a assimilation entre deux pays
lorsqu'il y a communauté d'intérêts,
mêmes aspirations, même idéal. Et l'on
peut affirmer que le plus puissant fac-
teur de l'assimilation, c'est un bon gou-
vernement, fort, équitable et bienveil-
lant sans faiblesse, qui impose le respect.
On tend vers l'assimilation par le
temps qui efface les souvenirs violents
de la conquête, qui donne des généra-
tions pacifiques d'une mentalité supé-
rieure. Mais on peut l'accélérer par la
distribution d une justice impartiale
toujours et partout appréciée par la
grandeur des œuvres entreprises : ins-
truction, travaux publics, assainisse-
ment, propagation de l'hygiène, etc. Par
cet ensemble de mesures on fait naître
et apprécier l'idée de la patrie. Il ne
s'agit pas d'identifier les lois,les mœurs
les conditions économiques, trop de
facteurs divers empêchent ou retardent
cette identification; il s'agit de conqué-
rir et de dominer l'esprit, la mentalité
des populations. Contre cette -assimila-
tion toujours possible, rien ne prévaut,
ni la latitude, ni les différences de races
ou de religions.
Quand on a pu y parvenir, mais seule-
ment alors, la patrie est vraiment plus
grande, plusforte, plus riche en territoi-
res et en citoyens ; elle a augmenté
d'autant sa part d'influence 0 sur le
monde : elle a accru en même temps
son patrimoine physique et son patri-
moine moral ; elle a- agrandi son rôle
dans la marche de la civilisation, dans
le progrès de l'humanité.
François Burnâkd.
-J""
La France aux Nouvelles-Hébrides
L'archipel des Nouvelles - Hébrides
mesure plus de 15.000 kilomètres car-
rés. Presque toutes les îles en sontd'u-
ne fertilité extraordinaire. La colonisa-
tion française, au point de vue agricole,
y a beaucoup mieux réussi qu'en Indo-
chine et qu'à Madagascar, par exemple.
Nos compatriotes y ont déployé des ef-
forts prodigieux. Près de la moitié de
l'Archipel appartient a des Français.
La prépondérance des intérêts natio-
naux y est écrasante. Lorsque la ques-
tion de souveraineté se posera, la supé-
riorité de nos droits ne peut que ciéer
a la franco une situation particulière-
ment forte. Mais cet admirable pays est
situé aux antipodes ! Il est inconnu de
la grande majorité de nos compatriotes
et peut-être aussi du Ministre des Colo-
nies lui-même, qui ignore certainement
que l'archipel des Nouvelles-Hébrides,
y compris les îles Banks et les îles Tor-
rès, forme un territoire dont la super-
ficie dépasse celle des Antilles et de La
Réunion. Deux hommes, MM. Higgin-
son et Mercet, ont appliqué toute leur
énergie, toute leur intelligence, le meil-
leur a eux-mêmes, à la conquête pacifi-
que des Hébrides. Qui songe à les re-
mercier ? Qui connait leur œuvre ?
1
Dans les îles du Centre, nos compa-
triotes ont créé des exploitations agri-
coles remarquables. Q tielq ues- unes d'en-
tre elles dépassent 800 hectares. Les
cultures principales sont: le caféier, le
cacaoyer, le maïs, le cocotier, le bana-
nier. Mais beaucoup d'autres cultures
tropicales pourraient y être pratiquées,et
il n'y a pas un pays au monde où les
plantes à parfum soient plus abondan-
tes et plus variées. La terre est, aux Hé-
brides, d'une fertilité telle que des ca-
féières, vieilles de plus de 26 ans et qui
n'ont été jamais fumées,donnent encore,
chaque année, une production qui n'est
pas dépassée au Brésil.
Les colons sent au nombre de plus de
300. Presque toutes les provinces de la
France y sont représentées. Nos compa-
triotes ont mis en œuvre, sur cette ter-
re océanienne, les plus belles qualités
de la race. Les débuts de presque tous
ont été difficiles, daugereux même. Avec
des ressources minimes, des moyens
d'action misérables, à force de patience,
d'énergie,d'ingéniosité, ils ont constitué
une main-d'œuvre, défriché de vastes
élendueSj construit des maisons, acheté
de petits cotres pour pouvoir naviguer
entre lés iles et recruter des travailleurs
indigènes. Ils ont trouvé les conditions
d'adaptation des cultures au sol, ils ont
construit des usines pour la préparation
du café, ils ont dégagé des méthodes d'a-
gronomie et des règles de gérance que
leurs fils n'auront plus qu'à suivre. Et
ces gens, dont les uns étaient cultiva-
teurs, les autres commerçants ou adon-
nés à diverses professions manuelles en
Bretagne, en Normandie,en Bourgogne,
dansleBerry, sont devenus d'habiles
marins.
Mais ils étaient libres. Des adminis-
trateurs tatillons ou fantaisistes ne ve-
naient pas les tracasser et se mettre en
travers de leurs projets. Cette liberté,au
au sein de laquelle ils ont pu déployer
lenr énergie propre, est en effet la prin-
cipale cause de leur succès.
11
La Convention de Londres de 1906t a
institué aux Nouvelles-Hébridc: un
condominium. Un Résident anglais est
placé en face du Résident français. La
France et la Grande-Bretagne se recon-
naissent respectivement souveraines
par indivis de tout l'archipel.
Jusqu'à présent la comparaison des
deux administrations ne nous a pas été
favorable. Le Résident anglais actuel
ne cherche pas à s'en faire accroire. Il
ne pose pas pour la supériorité. C'est
un homme simple, un fonctionnaire la-
borieux et assidu, un loyal serviteur de
son pays. Il n'a pas l'inspiration sou-
daine, mais il connaît son métier, il est
attaché à la tradition, il a du sens com-
mun. Le prédécesseur de M. Ring, le
Cl Hasan, était plus rude, moins conci-
liant en apparence, moins avisé peut-
être aussi, mais il avait à un degré égal
le loyalisme du fonctionnaire britanni-
que et le sens des réalités.
Le Gouvernement français n'a pas
jusqu'ici été toujours heureux dans le
choix de ses représentants aux Nouvcl-
velles-Hébrides.L'initiative privée livrée
à elle-même avait assuré la prédomi-
nence des intérêts français. L'impré-
voyance de nos fonctionnaires est en
passe de nous la faire perdre. Aucun
poste n'est cependant plus enviable
que celui de Résident aux Nouvelles-
Hébrides. On peut y déployer les qua-
lités du diplomate et celles de l'ad-
ministrateur. Dans le domaine adminis-
tratif, par la constitution de municipali-
tés, par l'organisation d'un bon régime
municipal, il nous est loisible de rendre
effective notre supériorité dans toutes
les manifestations delà vie publique.
Dans le domaine écomique, en introdui-
sant dans l'archipel la main-d'œuvre ja-
vanaise, en empêchant les missionnai-
res anglais ou australiens d'agir sur les
indigènes afin de les amener à refuser
en masse d'aller travailler sur les plan-
tations françaises, en organisant le cré-
dit agricole, qui permettrait de sous-
traire les colons aux prises de l'usure,
que l'on pratique aux Hébrides avec
une sorte de cynisme, en obtenant pour
les produits exporlés en France une dé-
taxe en correspondance avec le chiffre
de la récolte, en maintenant parmi les
colons une solidarité étroite, on peut
porter les entreprises agricoles à un de-
gré de prospérité inconnue sur n'im-
porte quel point de notre Empire colo-
nial.
Enfin,dans l'ordre politique,il faudrait
arracher les naturels à la domination
des missionnaires anglais. En matière de
politique indigène, notre échec est la-
mentable. Les missionnaires se compor-
tent, vis-à-vis des tribus, comme des
représentants de l'autorité anglaise. Au
mépris de la convention de Londres, ils
imposent aux tribus où ils ont installé
leurs teacheYs toute une organisation
civile, un code rudimentaire,une échel-
le d'amendes. Les indigènes, sur les-
quels ils ont établi leur autorité,non pas
seulement spirituelle, mais civile, sont
farouchement anglais. Les missionnai-
res, d'accord avec les autorités britan-
niques, sont en train de pénétrer dans
les tribus'païennes de l'intérieur, pour
les soumettre à leur régime et leur don-
ner une nationalité de fait.
111
Au lieu de cela, qu'a-t-on fait ?
Le Résident s'est appliqué à diviser
les colons, à les tracasser, à les irriter
à tel point que, durant quelques jours,
il y eut la guerre morale dans l'île Vaté:
une imprudence pouvait faire partir les
fusils. Les maires furent nommés sans
- -
cennaîtrc le' premier mot de ce qu'on
attendait d'eux. Le maire de Mèlé, qui
avait cessé de plaire, fut révoqué, sans
doute pour donner aux Anglais l'inir
pression que l'harmonie régnait parmi
leurs voisins. L'inspection du travail,
désirable en soi, fut pratiquée de telle
façon qu'elle devint un moyen de satis-
faire des rancunes individuelles. Les
missionnaires anglais étaient considérés,
par le représentant d'un pays qui venait
d'opérer la séparation des Eglises d'a-
vec l'Etat, comme des agents de l'auto-
rité civile et leurs plaintes étaient ac-
cueillies et instruites.
Et, en face de l'administration bri-
tannique, régulière, impartiale, nous
installions l'incohérence et le favori-
tisme. Notre lot était la double inca pa-
cité politique et administrative.
M. Bonhoure, gouverneur intérimaire
de la Nouvelle-Calédonie et Haut-Com-
missaire de la France dans le Pacifique,
se rendit compte de la situation lors-
qu'il vint aux Hébrides. Il fit des obser-
valions à son subordonné. Celui-ci le
trouva mauvais et demanda l'autorisa-
tion de venir s'expliquer à Paris.
Les absents, dit le proverbe, ont tou-.
jours tort Dans le cas présent il a reçu
une nouvelle et exacte application. On
est parvenu à démontrer à l'entourage
du Ministre des Colonies que M. Bon-
houre avait tous les torts, et alors que
M. Milliès-Lacroix lui avait promis sa
titularisation, il vient d'être remplacé
par M. Richard, qui avait quitté la Ca-
lédonie en disgrâce. - - --
Le système est adorable. L intérimaire
qui, dans la colonie, se débat au milieu
des difficultés de la situation que lui a
souvent léguée le titulaire, s'efforce
d'obtenir une nomination définitive, et
le titulaire, qui intrigue à Paris, s'éver-
Lue à démolir l'intérimaire. Les griefs
articulés contre M. Bonhoure ont, pa-
raît-il, été examinés par un Conseil com-
posé de fonctionnaires du Déparlement
des Colonies. Ce Conseil a entendu tous
les ennemis de M. Bonhoure, sans qu'au-
cune voix se fût élevée pour le défen-
dre. 0 justice coloniale !Tous les rap-
ports de M. Bonhoure étaient commu-
niqués à ses ennemis, habiles à trouver
des explications, et le malheureux gou-
verneur, qui travaillait à pacifier les es-
prits aux Nouvelles-Hébrides et à ré-
parer les fautes de son subordonné de-
venu, en quelque manière, son juge, a
été sacrifié aux bonnes traditions ad-
ministratives, au souci de la hiérarchie,
en un mot à la justice coloniale.
Quand l'ancien Résident des Hébri-
des, qui touche son traitement sur le
budget des Hébrides, lequel sert en ou-
tre su solde au Résidentintérimaire, aura
satisfait ses rancunes, car on dit qu'il a
été mis en goût par ce premier succès,
il demandera qu'on sacrifie un gouver-
neur quelconque de l'Afrique Occiden-
tale ou équatoriale, car il a jeté son dé-
volu sur 1 Afrique.
L'honorable M. Trouillotignore tout
cela. L'heure n'est-elle pas venue de
mettre l'opinion au courant de cè qui se
passe dans un pays où des Français, ja-
dis citoyens libres, ont été opprimés par
un jeune proconsul qu'une fortune trop
rapide a grisé, des Français qui nous
chargent de faire entendre leur pro-
testation à la Mère-Patrie.
Edouard NÉRON,
Député de la Haute-Loire,
Secrétaire de la Chambre des dépulés.
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