Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-09-05
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11726 Nombre total de vues : 11726
Description : 05 septembre 1907 05 septembre 1907
Description : 1907/09/05 (A8,N36)- (A8,N37). 1907/09/05 (A8,N36)- (A8,N37).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6540937n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/09/2013
8* AtNNBE Ng 36-37
Il
PRIXV France :«15 cent.
JEUDI 5 SEPTEMBRE ( -,
V,
0
Les Annales Coloniales
es nne. n.la. es
EN VENTE DANS TOUTES LES GÀÏŒS
Tous les mandats doivent être adressés au nom
de M. l'administrateur, toutes les communica-
tions concernant la rèdaction au nom de M. le
Rédacteur en chef.
TOlTR.N".AL HEBDOMADAIRE
Paraissant tous les Jeudis
Oralerie d'Orléans (Pillais-Royal, PARIS 1er)
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus
ABONNEMENTS
- Un an 6 moii
FRANCE 8 fr. 4 fr. 50
ETRANGER ET COLONIES. 25 » 12 fr, 50
Les Annales Coloniales sont exclusivement aux Colonies et à
l'Etranger un journal d'abonnement.
On s'abonne sans frais dans tous les Bureaux de Poste
Lire aujourd'hui
en première page
Le parti socialiste
ET LA
question mm au mis se
STUTTGART
par Henri HAUSER
Les Dépêohes de la dernière heure.
La Revue de la Presse.
en seconde page
Manœuvres japonaises
en Indo-Chine.
par X.
LETTRES DE CHYPRE
par René DELAPORTE
La Semaine Coloniale.
en troisième page
La Semaine Eoonomique.
PRINCIPAUX COLLABORATEURS
Rédacteur en Chef : v.
HENRI COSNIER
Député de l'Indre
Comte d'Aunay, sénateur de la Niè-
vre, vice-président du groupe colonial du
Sénat.
Maurice Cabart-Danneville, sénateur
de la Manche.
Charles Dupuy, sénateur, ancien pré-
sident du Conseil.
Fleury-Ravarin, sénateur du Rhône.
Jules Godin, sénateur, ancien minis-
tre, président du groupe colonial du Sé-
nat.
François Arago, ministre plénipo-
tentiaire, député.
Armez, député des Côtes-du-Nord.
Maurice Colin, député d'Alger.
Henry Dauthy, député de l'Indre.
li. Delaunay, député du Loiret.
François Deloncle, ministre plénipo-
tentiaire, député.
Etienne Flandin, député de V Yonne,
président de la réunion d'études algé-
riennes.
Lucien Gasparin, député de la Réunion.
Geo Gérald, député de la Charente.
Hippolyte Laroche, ancien résident
général, député.
Jules Legrand, ancien sous-secrétaire
d'Etat, député.
Lemaire, ancien 'gouverneur des
colonies, député de l'Inde.
Pasclial Grousset, député de Paris,
délégué de la Nouvelle-Calédonie au
Conseil supérieur des Colonies.
Georges Ponsot, député du Jura.
Marcel Ribière, député de V Yonne.
Victor Sévère, député de la Martini-
que.
Maurice Ordinaire, ancien député,
directeur de l Office de la Tunisie.
Henri Tournade, député de Paris.
Villault-Ducliesnois, député de la
Manche.
Henri Turot, conseiller municipal de
p aris.
François Bernard, professeur à l'Ecole
nationale d'agriculture de Montpellier.
Georges Blondel, docteur ès lettres
en droit y chargé démissions.
Pierre Callitte, chargé de missions.
Henri-E. Chatenet, licencié ès lettres,
ancien avocat à la cour d'appel de Paris.
Edouard Clavery, consul de France.
Maurice Courant, secrétaire inter-
prète, professeur près la chambre de
commerce de Lyon.
René Delaporte, chargé de mis-
sions.
Léon Deschamps, docteur ès lettres,
professeur au lycée du Mans.
P. Deschamps, ancien directeur de
l'Enseignement à Madagascar, secrétaire
général de la Mission laique française.
G. Desdevises du Dézert, profes-
seur à la Faculté des lettres de l' Uni-
versitè de Clermont Ferrand,
Robert Doucet, docteur en droit.
Camille Fidel, chargé de missions.
Eugène Gallois, explorateur.
Arthur Girault, professeur à la Fa-
culté de droit de Poitiers.
Guillaume Grandidier, docteur ès
sciences, chargé de missions.
Henri Hauser, professeur d la Facul-
té des lettres de V Université de Dijon.
H. Jacob de Cordemoy, chargé de
cours à la Faculté des sciences de
VUniversité de Marseille.
Henri Jumelle, professeur à V Uni-
versité de Marseille.
Charles Lemire, ancien résident
supérieur de France.
Joseph Machat, docteur ès lettres,
professeur agrégé d'histoire et de
géographie au lycée de Bourges.
Paul Meuriot, docteur ès lettres, pro-
fesseur agrégé d'histoire et de géographie
au lycée Lakanal. - -. -, - -
Jacques llanibauu, agrege d histoire
et de géographie, professeur au Col-
lège Sainte-Barbe.
Pierre Rambaud, préparateur de géo-
graphie physique à la Sorbonne.
A. Tournier, ancien résident supé-
rieur de France au Laos.
Gaston Valran, docteur ès lettres,
professeur au lycée d'Aix.
Le baron Carra de Vaux, explora.
teur.
E. de Wildeman, conservateur du
musée botanique de Bruxelles.
-.,.",.
Le parti socialiste
et la question coloniale
au Congrès de Stuttgart.
Les esprits réfléchis ne voyaient pas sans
étonnement, et aussi sans tristesse, un
grand parti comme le parti socialiste se re-
fuser à reconnaître la nécessité d'une poli-
tique coloniale. Un parti qui aspire à gou-
verner demain les principaux pays civili-
sés ne peut, de propos délibéré, renoncer
aux conditions matérielles de la civilisa-
tion.
Aussi avait-on constaté avec plaisir que
le Congrès de Stuttgart allait lever l'inter-
dit qui pesait sur les questions coloniales.
Avec beaucoup de netteté, la majorité de
la commission avait affirmé que le parti
doit avoir une politique coloniale. Le rap-
porteur Van Kol avait montré que la colo-
nisation est un fait qu'il n'est au pouvoir
de personne d'abolir, et qu'il est peu scien-
tifique de considérer comme inexistant.
« Or, s'écriait-il,où est le programme colo-
nial de la social-démocratie allemande ?
Quelles études a-t-elle faites ? Quelles en-
quêtes a-t-elle conduites ?. Les partis
socialistes en France et en Angleterre n'en
ont pas fait davantage ». Et à cette poli-
tique purement négative, Van Kol oppo-
sait l'activité féconde des socialistes hol-
landais, qui ont obtenu des réformes posi-
tives.
A propos de cette question capitale, on a
vu se réveiller l'antagonisme traditionnel
des deux fractions de la démocratie alle-
mande, le réformisme pratique de Berns-
tein et l'intransigeance de Kautsky.
Kautsky n'a pas, tout d'abord, donné en
personne ; il a d'abord lancé en éclaireur
quelqu'un de plus violent et de plus épais,
le compagnon Ledebour. Celui-ci nie pure-
ment et simplement la légitimité de la co-
lonisation. Il somme les peuples euro-
péens d'abandonner à eux-mêmes les peu-
ples protégés.
Kautsky a voulu donner des axiomes
de Ledebour un semblant de démonstration.
Il a prétendu, dans un langage d'allure
scientifique, que le concept d'une politique
coloniale socialiste impliquait une contra-
diction dans les termes. Puis, avec une
naïveté qui désarmerait si les intérêts les
plus graves n'étaient en jeu, il a déclaré
ceci : « Les peuplades sauvages ne reçoi-
vent volontiers la civilisation des étran-
gers que dans la mesure où l'on vient à
eux amicalement. si nous voulons agir
en civilisateurs, donnons aux peuples la
liberté ».
A quoi Van Kol a spirituellement répon-
du : « Enverrez-vous aux sauvages de
l'Afrique centrale des machines ? Qu'en
feront-ils ? Peut-être qu'ils danserontunc
ronde autour ». Et, au milieu des rires de
l'auditoire, il a poursuivi de son ironie
acérée les utopies des intransigeants : « Il
faudra donc envoyer des Européens avec
les machines, pour enseigner aux indigè-
nes la façon de s'en servir. J'admets la
théorie de Kaustky, que nous devons aller
dans les pays neufs et gagner la confiance
des indigènes. Je suis pl êt à partir avec
lui. Qu'arrivera-t-il ? Je n'en sais rien.
Peut-être que les sauvages nous tueront.
Peut-être qu'ils nous feront pis encore.
En ce cas mon embonpoint me fera passer
avant Kautsky. Les anthropophages, on
le sait, n'aiment pas les maigres, quand
même ceux- ci seraient des marxistes de la
stricte observance. Un autre délégué avait
montré que pour être en tout point fidè-
les au principe de Kautsky, les socialistes
anglais devraient proposer au Pari, ment
de Westminster l'abandon de l'Empire
britannique, les socialistes américains
devraient rendre le territoire de l'U-
nion. aux Peaux-Rouges !
Nos socialistes français sont si peu au
courant de la politique coloniale, ils sont
disons le mot si ignorants en cette
matière,qu'il ne s'est trouvé personne par-
mi eux pour dire sur cette question quel-
que chose de décisif. L'un d'eux, Rouanet,
a mollement soutenu la majorité de la
commission. Mais ni lui ni ses collègues ne
paraissent se douter, par exemple, que
(malgré toutes les erreurs et toutes les ini-
quités commises) la paix française consti-
tue pour les populations de l'Afrique du
Nord un immense bienfait, que la dispari-
tion de notre domination marquerait, pour
six à sept millions de musulmans, un ter-
rible saut en arrière vers la barbarie pri-
mitive sans parler du préjudice que
causerait à nos ouvriers la disparition
d'une société coloniale qui est aujourd'hui
(Tunisie non comprise) au quatrième rang
des clients de la France. Mais nos philoso-
phes socialistes ont-ils le temps d'appren-
dre, en vérité, que l'Algérie est le quatriè-
me client de la France ? Ont-ils le temps
de réfléchir assez à l'exemple marocain
pour comprendre, que, chez les peuples
qui - ne respectent que la force, la ma-
nifestation de la force, est encore le
meilleur moyen d'imposer la paix et de
répandre le progrès ? Les dispensaires et
les écoles doivent être placés sous la sau-
garde des canons. C'est une vérité que le
Dr Mauchamp a écrile de son sang.
Il faut dire que la délégation anglaise
n'a pas brillé plus que la nôtre. Cependant
l'argumentation de Bernstein et de Van
Kol avait été si pressante, que l'on s'at-
tendait à voir le Congrès renoncer à cette
politique « à la Ponce-Pila te » qui a été
jusqu'à présent celle du parti socialiste. Il
en aurait été ainsi, très certainement, si les
délégations des peuples intéressés dans la
question avaient seules voté. Mais une
majorité factice, dans laquelle figurent les
Bulgares, les Serbes, les Polonais, les
Roumains, etc., a décidé que le parti so-
cialiste n'aurait pas de politique coloniale !
Une pareille solution, tout le monde le
comprend, n'en est pas une. Il ne saurait
appartenir à l'Argentine ou à l'Uruguay, à
des pays sans colonies (et qui sont par-
fois ceux où le parti socialiste est le moins
organisé) d'imposer aux socialisles anglais,
pour le cas où ils arriveraient au pouvoir,
l'obligation d'abandonner l'Inde à toutes
les horreurs des guerres de races, de castes
et de religions, d'y laisser rétablir le ma-
riage prématuré des filles ou le suicide des
veuves, d'y ramener la famine (catastrophe
encore aujourd'hui trop fréquente) à l'état
de calamité permanente, d'une de ces ca-
lamités dont on ne songe même plus à se
plaindre, tant elles paraissent fatales et
inéluctables.
A mesure qu'il fera plus de progrès dans
l'art de conquérir le pouvoir, le parti so-
cialiste se rendra mieux compte des réali-
tés. Il comprendra mieux que le devoir de
« l'homme blanc» est de ne pas renoncer à
sa tutelle sur les peuples mineurs avant
d'avoir fait leur éducation, de les avoir mis
en état de se gouverner eux-mêmes. C'est
parce qu'elle donnera cette orientation po-
sitive que la polique coloniale socialiste
diffétera de la polique coloniale capitaliste.
Mais, ou bien le parti socialiste aura une
politique coloniale, ou bien ce parti ne
prendra pas la direction de l'humanité ci-
vilisée. C'est là un dilemme dont tous les
congrès du monde ne réussiront pas à le
faire sortir.
Henri HAUSER.
Manœuvres japonaises en
INDO-CHINE.
Nous avons déjà signalé, ici même, les
faits d'espionnage japonais qui se consta-
tataient en Indo-Chine jusqu'à la veille du
dernier traité.Si le danger que révèlent ces
manœuvres est momentanément écarté,
il n'en reste pas moins nécessaire que l'opi-
nion soit avertie.
On n'apprendra pas, sans intérêt, par
exemple, que des. Annamites recevaient
récemment (et reçoivent peut-être encore)
du Japon des brochures qu'ils étaient
chargés de répandre dans leur province,
soit en les distribuant gratuitement, soit
en les vendant. Voici le titre de certaines
de ces brochures,rédigées en langue anna-
mite : Histoire de la guerre russo-japonaise,
Affaires chinoises. La perle de l'Indépen-
dance de la Corée, la perte de l'Indépen-
dance annamite. On a essayé de faire passer
ces brochures de province en province, et
quelques paquets ont été saisis à la poste.
Ce qui est plus grave, c'est que de nom-
breux Annamites quittent leur pays pour
se rendre au Japon. Ici, c'est un interprète
qui démissionne pour gagner l'empire du
Soleil-Levant.Là, c'est un candidat manda-
rin qui part au Japon, d'où il envoie à ses
compatriotes des livres destinés à les exci-
ter à la révolte. Un autre, par dépit de se
voir refuser l'autorisation de subir les exa-
mens, prend le même chemin.
Veut-on savoir maintenant ce que sont
ces pamphlets, imprimés, à Tokyo, et
répandus en Indo-Chine ? Voici le résumé
de l'un d'eux,dont l'auteur serait un anna-
mite de la province de Nghé An, actuelle-
ment réfugié au Japon.
« Les Annamites, dit-il, supportent tous
les malheurs et oublient la vengeance .Le
Gouvernement français veut éteindre cette
race pour accaparer les richesses de l'Indo-
Chine, que nous n'avons pas su utiliser ».
Suit une énumération de griefs contre la
« méchanceté » des Européens : « Les im-
pôts augmentent chaque année. Les Euro-
péens louent des serviteurs et ne les paient
pas. Les miliciens sont envoyés dans les
hautes régions, en pays très malsain, et on
ne les paie pas. Beaucoup sont morts à mi-
chemin par suite de l'avidité des chefs. Et
combien de milliers d'ouvriers ont laissé
leur dépouille mortelle sur les deux voies
ferrées ? Leur sang, dit le texte, coule
abondamment et forme un fleuve. Si
nous laissons faire les Français dans dix ans
n'y aura plus d'Annamites en Indo-Chine.
« Les Européens viennent en Indo-Chine
sur de magnifiques bateaux,. reçoivent des
hôtes avec pompe, crééent des hôpitaux
pour leurs malades. Mais ils ne deman-
dent pas aux Annamites comment ils
mangent, comment ils boivent. Ils con-
sidèlent nos demeures comme des cta-
bles à buffles ou comme des basses-couis ;
ils nous prennent pour des bêtes et ils ont
le cœur d'un loup, les mains d'un tigre.»
Après ces lamentations auxquelles nous
avons voulu laisser toute leur saveur,
vient l'appel aux armes et l'évocation de
la grandeur japonaise ; -
« Ils sont venus une première fois nous
perdîmes trois provinces en Cochinchinc ;
une seconde fois six provinces ; une troi-
sième fois le Tonkin ; une quatrième fois
l'Indo-Chine entière. Faisons comme le
Japon. Les Japonais sont très unis entie
eux, tandis que nous avons un roi en dé-
mence tt une famille royale en désordre.
Tâchons de rétablir notre pays comme
firent nos anciens rois. Mettons en com-
mun toutes nos fortunes, notre habileté,
nos talents, pour arriver au but. Agissons
tous en même temps. La France n'est pas
invincible, car tous les Français ne vien-
dront pas en Indo-Chine,et pour un d'en-
tre nous qu'ils écraseront, il y en aura des
milliers d'autres qui lui viendront en aide.
Marchons sur les traces des Japonais, qui
sont devenus une grande puissance.
« Vite, vite, au galop, à la révolte ! Que
les riches nous aident de leur or ; car, s'ils
refusent à le faire, ils n'auront plus rien
dans la suite, ils rencontreront le feu qui les
brûlera comme le dragon brûle l'eau de
pluie. A nous les mandarins, les étudiants
et les lettrés, les tirailleurs et les miliciens
les chrétiens, les vagabonds, les femmes,
les employés, tous les ennemis de la France!
Et que les Annamites réfugiés à l'étranger
leur fournissent des secours ! Que le frère
aîné coupe le bois, que le frère cadet fas se
des palissades. Reprenons enfin notre
pays, l'héritage de nos ancêtres. Réveil-
lons tous les habitants, révoltons-nous vite
contre la France.
« Distribuez des revolvers ou des poi-
gnards aux vagabonds, recommandez-leur
de ne pas se tuer entre eux, mais de mettre
leurs armes dans leur ceinture pour en
frapper les Européens, qu'ils soient mille,
qu'ils soient dix mille.
« Et les femmes 1 N'avons-nous pas eu
jadis des héroïnes ? Dans la guerre russo-
japonaise, n'y eut-il pas une prostituée qui
se donna à un général russe pour savoir ce
qui se passait dans l'armée ? C'est pour
cela (textuel) ! que le Japon fut victorieux
à chaque bataille. C'est grâce à cette fem-
me qu'il fit prisonniers plusieurs généraux
russes. Entre toutes nos femmes n'aura-t-
elle pas une imitatrice ?
« Et vous qui êtes employés chez les Eu-
ropéens, que votre cœur batte pour vos
compatriotes, contre nos ennemis qui ont
tué et insulté vos parents et vos frères. Le
DERNIERE HEURE
Les événements du Maroc
A Casablanca
Le général Drude va mieux. Les
émissaires marocains ne sont toujours
pas venus. La première ascension
du ballon militaire.
Casablanca, 8 septembre.
(Réexpédiée de Tanger le 10, à 7 h. 50
matin, reçue à 1 h. 40 soir.)
Depuis la combat du 3, rien n'est venu
troumer la quiétude et la tranquillité de
la ville.
Le général Drude est presque remis de
l'aocès dé .fièvre qui l'avait momentané-
ment abattu.
Les émissaires annoncés par la lettre
du cheik Maaizi ne sont toujours pas ve-
nus, et on s'attend à une nouvelle recon-
naissance contre les Marocains d'un mo-
ment à l'autre.
Le ballon arrivé samedi est prêt à fonc-
tionner à la première occasion. Le gon-
flement a eu lieu oe matin, sous les or-
dres des lieutenants Bienvenu et Estève.
A 2 heures, le ballon a été transporté
sur la crête située en face du camp où il
a effectué sa première ascension. Le ré-
sultat de cette ascension décidera de ce
qui doit être tenté.
#*# :
Nouvelles officielles
Les renseignements suivants ont été
envoyés par l'amiral Philibert au minis-
tre fie la marine, le 8 septembre.
Le Mytho part cette nuit et arrivera à
Oran le 11 ;
Le Cassini est à Larache ;
Le Galilée, à Casablanca, va partir
Dour le Sud :
4 Le Gueydon va partir pour Rabat ;
De Casablanca,Mazagan,Rabat et Mo-
gador, on ne signale aucun incident.
Situation calme partout sur la côte.
D'autre part, le ministre des affaires
étrangères a reçu hier après-midi le té-
légramme suivant :
Casablanca, 10 septembre.
Tout est calme à Casablanca, où l'on
n'aperçoit que quelques Marocains sur
les crêtes.
Le gonflement du ballon a commencé
hier.
Rien de nouveau à Mazagan.La situa «
tion politique est bonne à Mogador; à Ra-
bat,pas de changement.
Le sultan Abd-el-Aziz quittera Fez le
10 pour aller à Rabat.
L'exhumation et le transport des res-
tes du commandant Provost n'auront pas
lieu avant une quinzaine de jours, car il
faut faire venir d'Oran un cercueil de
plomb.
Le Cassini est à Larache.
Le Gueydon va partir pour Rabat.
***
Renforts et Munitions
Marseille, 10 septembre.
Le paquebot Emir, de la Compagnie
mixte, allant à Tanger,part demain avec
un officier supérieur, plusieurs officiers
suballernes, 91 maîtres et marins et 150
tonnes de matériel et de munitions de
guerre.
En Espagne
Le ministre d'Etat espagnol déclare que
l'entente complète règne entre son
gouvernement et la France
Saint-Sébastien,19 septembre.
Le ministre d'Etat a bien voulu me fai-
re les déclarations qui suivent, après
avoir démenti le bruit de l'ajournement
des manœuvres du 8° corps d'armée en
Galice :
«On a diversement commenté les fré-
«quentes entrevues que M. Matira, prési-
« dent du conseil, et moi-même, a vons
« eues avec notre ambassadeur à Paris,
« afin d'échanger nos impressions sur la
« question du Maroc.
«Le marquis del Muni nous a exposé
«les décisions du gouvernement français
«qui marche complètement d'accord avec
«nous.
u Vous pouvez l'affirmer sans crainte
«d'être démenti,il n'y a nuls motifs de se
«montrer pessimiste ni pour ce qui a trait
«aux affaires intérieures de l'Es pagne,ni
«quant à ses relations avec la France, ni -
«enfin,en ce qui touche à la question du
uMaroc.»
Telles sont les déclarations que le mi-
nistre d'Etat espagnol a bien voulu faire
au représentant du Petit Journal.J'ajou-
terai que le président du conseil, qui se
montre d'une extrême réserve,a recom-
mandé à ses collègues et aux différents
personnages qui l'approchent de l'imiter
sur ce point ; il est donc prudent de]n'ac-
cueillir qu'avec réserve certaines infor-
mations d'origine espagnole et d'allures
tendancieuses.
J'ai recueilli ici l'impression que l'Es-
pagne observera strictement ce que lui
impose l'Acte d'Algésiras, sans excéder
la mission qui lui a été confiée.
Ilparait,toutefois, que le général Pri,
mo ae Rivera,ministre de la guerre, ne
cache pas qu'il est partisan d'une inter-
vention plus directe de ses troupes dans
les incidents que l'avenir poura soulever.
Saint-Sébastien,10 Septembre.
Le président du conseil, ministre d'E-
tat,et l'ambassadeur de France ont con-
féré longuement cet après-midi.
Une brigade de 700 hommes à Tanger
Gibraltar, 10 septembre.
Des ordres sont parvenus hier à Algé-
siras à l'effet de tenir une brigade prête
à s'embarquer demain mercredi sur des
transports pour Tanger. La brigade en
question compte 700 hommes environ sous
le commandement du brigadier général
Cano.
,. *
Dans la presse allemande
Les commentaires sur la réponse au mé-
morandum français
Berlin, 10 septembre.
La presse est sobre de commentaires
au sujet de la réponse allemande au mé-
morandum français.
L'opinion des quelques journaux qui
la commentent est assez bien résumée
dans les quelques lignes suivantes de la
Vossische:
Si nous comprenons bien, dit ce jour-
nal. la déclaration allemande, elle donne
non seulement à la France et à l'Espa-
gne carie blanche pour occuper, ayant
autant de troupes que possible, tous les
ports marocains désignés dans l'acte
d'Algésiras,mais elle les y invite.La Fran-
ce a donc tout lieu d'être satisfaite de la
réponse.
Seule, la Tœglische Rundchau adopte
un autre ton et félicite le gouvernement
allemand de s'être décidé à protester con-
tre un projet inconciliable avec l'acte
d'Algésiras.
***
En Angleterre.
Remerciements de l'Angleterre
au lieutenant de vaisseau de Teyssier
et au second maître Guillon.
Londres,10 septembre.
Une note communiquée aux journaux
dit :
«Nous apprenons que le gouvernement
britannique a bien transmis au gouverne-
ment français, par l'intermédiaire de son
ambassadeur à Paris, l'expression de sa
vive gratitude pour la courageuse con-
duite de M. de Teyssier et de M. Guillon,
du détachement naval français,all cours
de la défense du consulat britannique à
Casablanca.
«Le ministre britannique à Tanger à
transmis aussi à M.de Teyssier un) mes-
sage analogue.»
En Italie.
L'ancien ministre d'Italie à Tanger mis
à la retraite.
Rome,10 septembre.
L'ancien ministre d'Italie à Tanger,M.
Malmusi,actuellement ministre au Caire,
a été mis à la retraite en raison de son
attitude indécise à l'égard du sultan du
Maroc lorsqu'il lui soum:t l'Acte d'Algé-
siras
Les révoltes aux Indes néerlandai-
ses.
Un cablogramme de Batavia annonce
que la population indigène s'est insurgée
à Timor, à l'est de l'archipel des Célèbes.
Deux officiers et neuf soldats européens
et vingt-deux soldats indigènes ont été
massacrés.
Les indigènes des Indes néerlandaises
s'étaient soulevés sur quelques points, et
particulièrement dans l'île de Célèbes.
Une patrouille hollandaise, attaquée, eut
deux tués et plusieurs blessés.
A la suite de ces faits, les autorités hol-
landaises décidèrent une répression. Les
indigènes sont aujourd'hui mis à la raison ;
les troupes néerlandaises ont attaqué, pris
et occupé Tindenga, une des villes princi-
pales de Célèbes et foyer de la rébellion.
- J' J",.,-
Il
PRIXV France :«15 cent.
JEUDI 5 SEPTEMBRE ( -,
V,
0
Les Annales Coloniales
es nne. n.la. es
EN VENTE DANS TOUTES LES GÀÏŒS
Tous les mandats doivent être adressés au nom
de M. l'administrateur, toutes les communica-
tions concernant la rèdaction au nom de M. le
Rédacteur en chef.
TOlTR.N".AL HEBDOMADAIRE
Paraissant tous les Jeudis
Oralerie d'Orléans (Pillais-Royal, PARIS 1er)
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus
ABONNEMENTS
- Un an 6 moii
FRANCE 8 fr. 4 fr. 50
ETRANGER ET COLONIES. 25 » 12 fr, 50
Les Annales Coloniales sont exclusivement aux Colonies et à
l'Etranger un journal d'abonnement.
On s'abonne sans frais dans tous les Bureaux de Poste
Lire aujourd'hui
en première page
Le parti socialiste
ET LA
question mm au mis se
STUTTGART
par Henri HAUSER
Les Dépêohes de la dernière heure.
La Revue de la Presse.
en seconde page
Manœuvres japonaises
en Indo-Chine.
par X.
LETTRES DE CHYPRE
par René DELAPORTE
La Semaine Coloniale.
en troisième page
La Semaine Eoonomique.
PRINCIPAUX COLLABORATEURS
Rédacteur en Chef : v.
HENRI COSNIER
Député de l'Indre
Comte d'Aunay, sénateur de la Niè-
vre, vice-président du groupe colonial du
Sénat.
Maurice Cabart-Danneville, sénateur
de la Manche.
Charles Dupuy, sénateur, ancien pré-
sident du Conseil.
Fleury-Ravarin, sénateur du Rhône.
Jules Godin, sénateur, ancien minis-
tre, président du groupe colonial du Sé-
nat.
François Arago, ministre plénipo-
tentiaire, député.
Armez, député des Côtes-du-Nord.
Maurice Colin, député d'Alger.
Henry Dauthy, député de l'Indre.
li. Delaunay, député du Loiret.
François Deloncle, ministre plénipo-
tentiaire, député.
Etienne Flandin, député de V Yonne,
président de la réunion d'études algé-
riennes.
Lucien Gasparin, député de la Réunion.
Geo Gérald, député de la Charente.
Hippolyte Laroche, ancien résident
général, député.
Jules Legrand, ancien sous-secrétaire
d'Etat, député.
Lemaire, ancien 'gouverneur des
colonies, député de l'Inde.
Pasclial Grousset, député de Paris,
délégué de la Nouvelle-Calédonie au
Conseil supérieur des Colonies.
Georges Ponsot, député du Jura.
Marcel Ribière, député de V Yonne.
Victor Sévère, député de la Martini-
que.
Maurice Ordinaire, ancien député,
directeur de l Office de la Tunisie.
Henri Tournade, député de Paris.
Villault-Ducliesnois, député de la
Manche.
Henri Turot, conseiller municipal de
p aris.
François Bernard, professeur à l'Ecole
nationale d'agriculture de Montpellier.
Georges Blondel, docteur ès lettres
en droit y chargé démissions.
Pierre Callitte, chargé de missions.
Henri-E. Chatenet, licencié ès lettres,
ancien avocat à la cour d'appel de Paris.
Edouard Clavery, consul de France.
Maurice Courant, secrétaire inter-
prète, professeur près la chambre de
commerce de Lyon.
René Delaporte, chargé de mis-
sions.
Léon Deschamps, docteur ès lettres,
professeur au lycée du Mans.
P. Deschamps, ancien directeur de
l'Enseignement à Madagascar, secrétaire
général de la Mission laique française.
G. Desdevises du Dézert, profes-
seur à la Faculté des lettres de l' Uni-
versitè de Clermont Ferrand,
Robert Doucet, docteur en droit.
Camille Fidel, chargé de missions.
Eugène Gallois, explorateur.
Arthur Girault, professeur à la Fa-
culté de droit de Poitiers.
Guillaume Grandidier, docteur ès
sciences, chargé de missions.
Henri Hauser, professeur d la Facul-
té des lettres de V Université de Dijon.
H. Jacob de Cordemoy, chargé de
cours à la Faculté des sciences de
VUniversité de Marseille.
Henri Jumelle, professeur à V Uni-
versité de Marseille.
Charles Lemire, ancien résident
supérieur de France.
Joseph Machat, docteur ès lettres,
professeur agrégé d'histoire et de
géographie au lycée de Bourges.
Paul Meuriot, docteur ès lettres, pro-
fesseur agrégé d'histoire et de géographie
au lycée Lakanal. - -. -, - -
Jacques llanibauu, agrege d histoire
et de géographie, professeur au Col-
lège Sainte-Barbe.
Pierre Rambaud, préparateur de géo-
graphie physique à la Sorbonne.
A. Tournier, ancien résident supé-
rieur de France au Laos.
Gaston Valran, docteur ès lettres,
professeur au lycée d'Aix.
Le baron Carra de Vaux, explora.
teur.
E. de Wildeman, conservateur du
musée botanique de Bruxelles.
-.,.",.
Le parti socialiste
et la question coloniale
au Congrès de Stuttgart.
Les esprits réfléchis ne voyaient pas sans
étonnement, et aussi sans tristesse, un
grand parti comme le parti socialiste se re-
fuser à reconnaître la nécessité d'une poli-
tique coloniale. Un parti qui aspire à gou-
verner demain les principaux pays civili-
sés ne peut, de propos délibéré, renoncer
aux conditions matérielles de la civilisa-
tion.
Aussi avait-on constaté avec plaisir que
le Congrès de Stuttgart allait lever l'inter-
dit qui pesait sur les questions coloniales.
Avec beaucoup de netteté, la majorité de
la commission avait affirmé que le parti
doit avoir une politique coloniale. Le rap-
porteur Van Kol avait montré que la colo-
nisation est un fait qu'il n'est au pouvoir
de personne d'abolir, et qu'il est peu scien-
tifique de considérer comme inexistant.
« Or, s'écriait-il,où est le programme colo-
nial de la social-démocratie allemande ?
Quelles études a-t-elle faites ? Quelles en-
quêtes a-t-elle conduites ?. Les partis
socialistes en France et en Angleterre n'en
ont pas fait davantage ». Et à cette poli-
tique purement négative, Van Kol oppo-
sait l'activité féconde des socialistes hol-
landais, qui ont obtenu des réformes posi-
tives.
A propos de cette question capitale, on a
vu se réveiller l'antagonisme traditionnel
des deux fractions de la démocratie alle-
mande, le réformisme pratique de Berns-
tein et l'intransigeance de Kautsky.
Kautsky n'a pas, tout d'abord, donné en
personne ; il a d'abord lancé en éclaireur
quelqu'un de plus violent et de plus épais,
le compagnon Ledebour. Celui-ci nie pure-
ment et simplement la légitimité de la co-
lonisation. Il somme les peuples euro-
péens d'abandonner à eux-mêmes les peu-
ples protégés.
Kautsky a voulu donner des axiomes
de Ledebour un semblant de démonstration.
Il a prétendu, dans un langage d'allure
scientifique, que le concept d'une politique
coloniale socialiste impliquait une contra-
diction dans les termes. Puis, avec une
naïveté qui désarmerait si les intérêts les
plus graves n'étaient en jeu, il a déclaré
ceci : « Les peuplades sauvages ne reçoi-
vent volontiers la civilisation des étran-
gers que dans la mesure où l'on vient à
eux amicalement. si nous voulons agir
en civilisateurs, donnons aux peuples la
liberté ».
A quoi Van Kol a spirituellement répon-
du : « Enverrez-vous aux sauvages de
l'Afrique centrale des machines ? Qu'en
feront-ils ? Peut-être qu'ils danserontunc
ronde autour ». Et, au milieu des rires de
l'auditoire, il a poursuivi de son ironie
acérée les utopies des intransigeants : « Il
faudra donc envoyer des Européens avec
les machines, pour enseigner aux indigè-
nes la façon de s'en servir. J'admets la
théorie de Kaustky, que nous devons aller
dans les pays neufs et gagner la confiance
des indigènes. Je suis pl êt à partir avec
lui. Qu'arrivera-t-il ? Je n'en sais rien.
Peut-être que les sauvages nous tueront.
Peut-être qu'ils nous feront pis encore.
En ce cas mon embonpoint me fera passer
avant Kautsky. Les anthropophages, on
le sait, n'aiment pas les maigres, quand
même ceux- ci seraient des marxistes de la
stricte observance. Un autre délégué avait
montré que pour être en tout point fidè-
les au principe de Kautsky, les socialistes
anglais devraient proposer au Pari, ment
de Westminster l'abandon de l'Empire
britannique, les socialistes américains
devraient rendre le territoire de l'U-
nion. aux Peaux-Rouges !
Nos socialistes français sont si peu au
courant de la politique coloniale, ils sont
disons le mot si ignorants en cette
matière,qu'il ne s'est trouvé personne par-
mi eux pour dire sur cette question quel-
que chose de décisif. L'un d'eux, Rouanet,
a mollement soutenu la majorité de la
commission. Mais ni lui ni ses collègues ne
paraissent se douter, par exemple, que
(malgré toutes les erreurs et toutes les ini-
quités commises) la paix française consti-
tue pour les populations de l'Afrique du
Nord un immense bienfait, que la dispari-
tion de notre domination marquerait, pour
six à sept millions de musulmans, un ter-
rible saut en arrière vers la barbarie pri-
mitive sans parler du préjudice que
causerait à nos ouvriers la disparition
d'une société coloniale qui est aujourd'hui
(Tunisie non comprise) au quatrième rang
des clients de la France. Mais nos philoso-
phes socialistes ont-ils le temps d'appren-
dre, en vérité, que l'Algérie est le quatriè-
me client de la France ? Ont-ils le temps
de réfléchir assez à l'exemple marocain
pour comprendre, que, chez les peuples
qui - ne respectent que la force, la ma-
nifestation de la force, est encore le
meilleur moyen d'imposer la paix et de
répandre le progrès ? Les dispensaires et
les écoles doivent être placés sous la sau-
garde des canons. C'est une vérité que le
Dr Mauchamp a écrile de son sang.
Il faut dire que la délégation anglaise
n'a pas brillé plus que la nôtre. Cependant
l'argumentation de Bernstein et de Van
Kol avait été si pressante, que l'on s'at-
tendait à voir le Congrès renoncer à cette
politique « à la Ponce-Pila te » qui a été
jusqu'à présent celle du parti socialiste. Il
en aurait été ainsi, très certainement, si les
délégations des peuples intéressés dans la
question avaient seules voté. Mais une
majorité factice, dans laquelle figurent les
Bulgares, les Serbes, les Polonais, les
Roumains, etc., a décidé que le parti so-
cialiste n'aurait pas de politique coloniale !
Une pareille solution, tout le monde le
comprend, n'en est pas une. Il ne saurait
appartenir à l'Argentine ou à l'Uruguay, à
des pays sans colonies (et qui sont par-
fois ceux où le parti socialiste est le moins
organisé) d'imposer aux socialisles anglais,
pour le cas où ils arriveraient au pouvoir,
l'obligation d'abandonner l'Inde à toutes
les horreurs des guerres de races, de castes
et de religions, d'y laisser rétablir le ma-
riage prématuré des filles ou le suicide des
veuves, d'y ramener la famine (catastrophe
encore aujourd'hui trop fréquente) à l'état
de calamité permanente, d'une de ces ca-
lamités dont on ne songe même plus à se
plaindre, tant elles paraissent fatales et
inéluctables.
A mesure qu'il fera plus de progrès dans
l'art de conquérir le pouvoir, le parti so-
cialiste se rendra mieux compte des réali-
tés. Il comprendra mieux que le devoir de
« l'homme blanc» est de ne pas renoncer à
sa tutelle sur les peuples mineurs avant
d'avoir fait leur éducation, de les avoir mis
en état de se gouverner eux-mêmes. C'est
parce qu'elle donnera cette orientation po-
sitive que la polique coloniale socialiste
diffétera de la polique coloniale capitaliste.
Mais, ou bien le parti socialiste aura une
politique coloniale, ou bien ce parti ne
prendra pas la direction de l'humanité ci-
vilisée. C'est là un dilemme dont tous les
congrès du monde ne réussiront pas à le
faire sortir.
Henri HAUSER.
Manœuvres japonaises en
INDO-CHINE.
Nous avons déjà signalé, ici même, les
faits d'espionnage japonais qui se consta-
tataient en Indo-Chine jusqu'à la veille du
dernier traité.Si le danger que révèlent ces
manœuvres est momentanément écarté,
il n'en reste pas moins nécessaire que l'opi-
nion soit avertie.
On n'apprendra pas, sans intérêt, par
exemple, que des. Annamites recevaient
récemment (et reçoivent peut-être encore)
du Japon des brochures qu'ils étaient
chargés de répandre dans leur province,
soit en les distribuant gratuitement, soit
en les vendant. Voici le titre de certaines
de ces brochures,rédigées en langue anna-
mite : Histoire de la guerre russo-japonaise,
Affaires chinoises. La perle de l'Indépen-
dance de la Corée, la perte de l'Indépen-
dance annamite. On a essayé de faire passer
ces brochures de province en province, et
quelques paquets ont été saisis à la poste.
Ce qui est plus grave, c'est que de nom-
breux Annamites quittent leur pays pour
se rendre au Japon. Ici, c'est un interprète
qui démissionne pour gagner l'empire du
Soleil-Levant.Là, c'est un candidat manda-
rin qui part au Japon, d'où il envoie à ses
compatriotes des livres destinés à les exci-
ter à la révolte. Un autre, par dépit de se
voir refuser l'autorisation de subir les exa-
mens, prend le même chemin.
Veut-on savoir maintenant ce que sont
ces pamphlets, imprimés, à Tokyo, et
répandus en Indo-Chine ? Voici le résumé
de l'un d'eux,dont l'auteur serait un anna-
mite de la province de Nghé An, actuelle-
ment réfugié au Japon.
« Les Annamites, dit-il, supportent tous
les malheurs et oublient la vengeance .Le
Gouvernement français veut éteindre cette
race pour accaparer les richesses de l'Indo-
Chine, que nous n'avons pas su utiliser ».
Suit une énumération de griefs contre la
« méchanceté » des Européens : « Les im-
pôts augmentent chaque année. Les Euro-
péens louent des serviteurs et ne les paient
pas. Les miliciens sont envoyés dans les
hautes régions, en pays très malsain, et on
ne les paie pas. Beaucoup sont morts à mi-
chemin par suite de l'avidité des chefs. Et
combien de milliers d'ouvriers ont laissé
leur dépouille mortelle sur les deux voies
ferrées ? Leur sang, dit le texte, coule
abondamment et forme un fleuve. Si
nous laissons faire les Français dans dix ans
n'y aura plus d'Annamites en Indo-Chine.
« Les Européens viennent en Indo-Chine
sur de magnifiques bateaux,. reçoivent des
hôtes avec pompe, crééent des hôpitaux
pour leurs malades. Mais ils ne deman-
dent pas aux Annamites comment ils
mangent, comment ils boivent. Ils con-
sidèlent nos demeures comme des cta-
bles à buffles ou comme des basses-couis ;
ils nous prennent pour des bêtes et ils ont
le cœur d'un loup, les mains d'un tigre.»
Après ces lamentations auxquelles nous
avons voulu laisser toute leur saveur,
vient l'appel aux armes et l'évocation de
la grandeur japonaise ; -
« Ils sont venus une première fois nous
perdîmes trois provinces en Cochinchinc ;
une seconde fois six provinces ; une troi-
sième fois le Tonkin ; une quatrième fois
l'Indo-Chine entière. Faisons comme le
Japon. Les Japonais sont très unis entie
eux, tandis que nous avons un roi en dé-
mence tt une famille royale en désordre.
Tâchons de rétablir notre pays comme
firent nos anciens rois. Mettons en com-
mun toutes nos fortunes, notre habileté,
nos talents, pour arriver au but. Agissons
tous en même temps. La France n'est pas
invincible, car tous les Français ne vien-
dront pas en Indo-Chine,et pour un d'en-
tre nous qu'ils écraseront, il y en aura des
milliers d'autres qui lui viendront en aide.
Marchons sur les traces des Japonais, qui
sont devenus une grande puissance.
« Vite, vite, au galop, à la révolte ! Que
les riches nous aident de leur or ; car, s'ils
refusent à le faire, ils n'auront plus rien
dans la suite, ils rencontreront le feu qui les
brûlera comme le dragon brûle l'eau de
pluie. A nous les mandarins, les étudiants
et les lettrés, les tirailleurs et les miliciens
les chrétiens, les vagabonds, les femmes,
les employés, tous les ennemis de la France!
Et que les Annamites réfugiés à l'étranger
leur fournissent des secours ! Que le frère
aîné coupe le bois, que le frère cadet fas se
des palissades. Reprenons enfin notre
pays, l'héritage de nos ancêtres. Réveil-
lons tous les habitants, révoltons-nous vite
contre la France.
« Distribuez des revolvers ou des poi-
gnards aux vagabonds, recommandez-leur
de ne pas se tuer entre eux, mais de mettre
leurs armes dans leur ceinture pour en
frapper les Européens, qu'ils soient mille,
qu'ils soient dix mille.
« Et les femmes 1 N'avons-nous pas eu
jadis des héroïnes ? Dans la guerre russo-
japonaise, n'y eut-il pas une prostituée qui
se donna à un général russe pour savoir ce
qui se passait dans l'armée ? C'est pour
cela (textuel) ! que le Japon fut victorieux
à chaque bataille. C'est grâce à cette fem-
me qu'il fit prisonniers plusieurs généraux
russes. Entre toutes nos femmes n'aura-t-
elle pas une imitatrice ?
« Et vous qui êtes employés chez les Eu-
ropéens, que votre cœur batte pour vos
compatriotes, contre nos ennemis qui ont
tué et insulté vos parents et vos frères. Le
DERNIERE HEURE
Les événements du Maroc
A Casablanca
Le général Drude va mieux. Les
émissaires marocains ne sont toujours
pas venus. La première ascension
du ballon militaire.
Casablanca, 8 septembre.
(Réexpédiée de Tanger le 10, à 7 h. 50
matin, reçue à 1 h. 40 soir.)
Depuis la combat du 3, rien n'est venu
troumer la quiétude et la tranquillité de
la ville.
Le général Drude est presque remis de
l'aocès dé .fièvre qui l'avait momentané-
ment abattu.
Les émissaires annoncés par la lettre
du cheik Maaizi ne sont toujours pas ve-
nus, et on s'attend à une nouvelle recon-
naissance contre les Marocains d'un mo-
ment à l'autre.
Le ballon arrivé samedi est prêt à fonc-
tionner à la première occasion. Le gon-
flement a eu lieu oe matin, sous les or-
dres des lieutenants Bienvenu et Estève.
A 2 heures, le ballon a été transporté
sur la crête située en face du camp où il
a effectué sa première ascension. Le ré-
sultat de cette ascension décidera de ce
qui doit être tenté.
#*# :
Nouvelles officielles
Les renseignements suivants ont été
envoyés par l'amiral Philibert au minis-
tre fie la marine, le 8 septembre.
Le Mytho part cette nuit et arrivera à
Oran le 11 ;
Le Cassini est à Larache ;
Le Galilée, à Casablanca, va partir
Dour le Sud :
4 Le Gueydon va partir pour Rabat ;
De Casablanca,Mazagan,Rabat et Mo-
gador, on ne signale aucun incident.
Situation calme partout sur la côte.
D'autre part, le ministre des affaires
étrangères a reçu hier après-midi le té-
légramme suivant :
Casablanca, 10 septembre.
Tout est calme à Casablanca, où l'on
n'aperçoit que quelques Marocains sur
les crêtes.
Le gonflement du ballon a commencé
hier.
Rien de nouveau à Mazagan.La situa «
tion politique est bonne à Mogador; à Ra-
bat,pas de changement.
Le sultan Abd-el-Aziz quittera Fez le
10 pour aller à Rabat.
L'exhumation et le transport des res-
tes du commandant Provost n'auront pas
lieu avant une quinzaine de jours, car il
faut faire venir d'Oran un cercueil de
plomb.
Le Cassini est à Larache.
Le Gueydon va partir pour Rabat.
***
Renforts et Munitions
Marseille, 10 septembre.
Le paquebot Emir, de la Compagnie
mixte, allant à Tanger,part demain avec
un officier supérieur, plusieurs officiers
suballernes, 91 maîtres et marins et 150
tonnes de matériel et de munitions de
guerre.
En Espagne
Le ministre d'Etat espagnol déclare que
l'entente complète règne entre son
gouvernement et la France
Saint-Sébastien,19 septembre.
Le ministre d'Etat a bien voulu me fai-
re les déclarations qui suivent, après
avoir démenti le bruit de l'ajournement
des manœuvres du 8° corps d'armée en
Galice :
«On a diversement commenté les fré-
«quentes entrevues que M. Matira, prési-
« dent du conseil, et moi-même, a vons
« eues avec notre ambassadeur à Paris,
« afin d'échanger nos impressions sur la
« question du Maroc.
«Le marquis del Muni nous a exposé
«les décisions du gouvernement français
«qui marche complètement d'accord avec
«nous.
u Vous pouvez l'affirmer sans crainte
«d'être démenti,il n'y a nuls motifs de se
«montrer pessimiste ni pour ce qui a trait
«aux affaires intérieures de l'Es pagne,ni
«quant à ses relations avec la France, ni -
«enfin,en ce qui touche à la question du
uMaroc.»
Telles sont les déclarations que le mi-
nistre d'Etat espagnol a bien voulu faire
au représentant du Petit Journal.J'ajou-
terai que le président du conseil, qui se
montre d'une extrême réserve,a recom-
mandé à ses collègues et aux différents
personnages qui l'approchent de l'imiter
sur ce point ; il est donc prudent de]n'ac-
cueillir qu'avec réserve certaines infor-
mations d'origine espagnole et d'allures
tendancieuses.
J'ai recueilli ici l'impression que l'Es-
pagne observera strictement ce que lui
impose l'Acte d'Algésiras, sans excéder
la mission qui lui a été confiée.
Ilparait,toutefois, que le général Pri,
mo ae Rivera,ministre de la guerre, ne
cache pas qu'il est partisan d'une inter-
vention plus directe de ses troupes dans
les incidents que l'avenir poura soulever.
Saint-Sébastien,10 Septembre.
Le président du conseil, ministre d'E-
tat,et l'ambassadeur de France ont con-
féré longuement cet après-midi.
Une brigade de 700 hommes à Tanger
Gibraltar, 10 septembre.
Des ordres sont parvenus hier à Algé-
siras à l'effet de tenir une brigade prête
à s'embarquer demain mercredi sur des
transports pour Tanger. La brigade en
question compte 700 hommes environ sous
le commandement du brigadier général
Cano.
,. *
Dans la presse allemande
Les commentaires sur la réponse au mé-
morandum français
Berlin, 10 septembre.
La presse est sobre de commentaires
au sujet de la réponse allemande au mé-
morandum français.
L'opinion des quelques journaux qui
la commentent est assez bien résumée
dans les quelques lignes suivantes de la
Vossische:
Si nous comprenons bien, dit ce jour-
nal. la déclaration allemande, elle donne
non seulement à la France et à l'Espa-
gne carie blanche pour occuper, ayant
autant de troupes que possible, tous les
ports marocains désignés dans l'acte
d'Algésiras,mais elle les y invite.La Fran-
ce a donc tout lieu d'être satisfaite de la
réponse.
Seule, la Tœglische Rundchau adopte
un autre ton et félicite le gouvernement
allemand de s'être décidé à protester con-
tre un projet inconciliable avec l'acte
d'Algésiras.
***
En Angleterre.
Remerciements de l'Angleterre
au lieutenant de vaisseau de Teyssier
et au second maître Guillon.
Londres,10 septembre.
Une note communiquée aux journaux
dit :
«Nous apprenons que le gouvernement
britannique a bien transmis au gouverne-
ment français, par l'intermédiaire de son
ambassadeur à Paris, l'expression de sa
vive gratitude pour la courageuse con-
duite de M. de Teyssier et de M. Guillon,
du détachement naval français,all cours
de la défense du consulat britannique à
Casablanca.
«Le ministre britannique à Tanger à
transmis aussi à M.de Teyssier un) mes-
sage analogue.»
En Italie.
L'ancien ministre d'Italie à Tanger mis
à la retraite.
Rome,10 septembre.
L'ancien ministre d'Italie à Tanger,M.
Malmusi,actuellement ministre au Caire,
a été mis à la retraite en raison de son
attitude indécise à l'égard du sultan du
Maroc lorsqu'il lui soum:t l'Acte d'Algé-
siras
Les révoltes aux Indes néerlandai-
ses.
Un cablogramme de Batavia annonce
que la population indigène s'est insurgée
à Timor, à l'est de l'archipel des Célèbes.
Deux officiers et neuf soldats européens
et vingt-deux soldats indigènes ont été
massacrés.
Les indigènes des Indes néerlandaises
s'étaient soulevés sur quelques points, et
particulièrement dans l'île de Célèbes.
Une patrouille hollandaise, attaquée, eut
deux tués et plusieurs blessés.
A la suite de ces faits, les autorités hol-
landaises décidèrent une répression. Les
indigènes sont aujourd'hui mis à la raison ;
les troupes néerlandaises ont attaqué, pris
et occupé Tindenga, une des villes princi-
pales de Célèbes et foyer de la rébellion.
- J' J",.,-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 95.37%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 95.37%.
- Collections numériques similaires Bibliothèque Francophone Numérique Bibliothèque Francophone Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RfnEns0"Numba, la bibliothèque numérique du Cirad Numba, la bibliothèque numérique du Cirad /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "NmBA001" Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0"
- Auteurs similaires Ruedel Marcel Ruedel Marcel /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Ruedel Marcel" or dc.contributor adj "Ruedel Marcel")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6540937n/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6540937n/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6540937n/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6540937n/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6540937n
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6540937n
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6540937n/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest