Titre : Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques : hebdomadaire d'information, de critique et de bibliographie / direction : Jacques Guenne et Maurice Martin du Gard
Éditeur : Larousse (Paris)
Date d'édition : 1923-10-27
Contributeur : Guenne, Jacques (1896-1945). Directeur de publication
Contributeur : Martin Du Gard, Maurice (1896-1970). Directeur de publication
Contributeur : Gillon, André (1880-1969). Directeur de publication
Contributeur : Charles, Gilbert (18..-19.. ; poète). Directeur de publication
Contributeur : Lefèvre, Frédéric (1889-1949). Directeur de publication
Contributeur : Charensol, Georges (1899-1995). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328268096
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 octobre 1923 27 octobre 1923
Description : 1923/10/27 (A2,N54). 1923/10/27 (A2,N54).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6442410n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-Z-133
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/10/2013
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LES NOUVELLES LITTÉRAIRES
SAIEDI 27 OCTOBRE 1923
DEUXIÈME ANNÉE N° 84 J
Directioa. Rédaction, Publicité f
6, Rue d» Milan (ge)
AEDÂ3TEUB SN CHSP :
:' 1 Frédéric LEFÈVRB,
..,' : 1 tilnf Il 1181
'; -, T.éWpM– 1 OelMl <3 (M
ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES
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HEBDOMADAIRE D'INFORMATION, DE CRITIQUE ET DE BIBLIOGRAPHIE
Direotioa : JacquM GUENN& et Maupio. MARTIN DU GARD
'0 ) - -ri-
LE NUMÉRO 25yCEMTIMES
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AbonnMMnt «Pou An :
Franc*. e 12 fi». 1 Étrugw.. 18 Viv
- r - t. -
AdmlntotnatiMi «t?V«nto: -.
Librairie LAROUSSE-
13-17, Il. ffai la (C) -
On tfabouM chu toaa laa LI
DEPOSITAIRES de jgurmux
et è la Librairie LAIIOUaE.
Chàaaa Postal W153.83 PaHa.
.TouDE ,
AUTOUR DE THOMAS L'IMPOSTEUR
–-–-– >-oo-c
.: le tiileuce est. une politesse ; il sous-
pntend que le prochain est à même de
saisir d'emblée nos muindres intentions ;
les préfaces pn sont une moins facile.
Elles aident beaucoup la bonne volonté
distraite par des problèmes plus vastes
que nos écrits.
*
",.
Les idées qui, disait Nietzsche, s'avan-
cent. sur des pattes de colombes, aboutis-
sent toujours. Mais que de retards on
évite avec quelques paroles qui fâchent j
trente lecteurs et instruisent les autres. Il
ne faut. pas prendre une réserve excessive
pour de la dignité. A ne s'expliquer ja-
mais, on risque de bâtir entre les esprits
qu'on souhaite atteindre et soi, le mur qui
sépare tant de pères et. tant de fils, mur
dont Jules et Benjamin Constant nous lais-
J;m un exemple illustre.
Vous trouverez sans doute, après lecture
de mon livre, qu'il était inutile de faire
tan* d'embarras. Mais nous vivons, hélas,
une époque où l'ancienne pudeur devient
un ieu de dupes.
Le tumulte, le jazz-band que la sottise
nous attribue, les réclames lumineuses
qui donnent à la nuit des capitales un
visage secoué de tics nerveux, nécessitent
qu'on encadre une intention délicate. Elle
'a.vançait jadis comme une femme dans
un cercle. La délicatesse, la réserve, la
modestie, se transforment avec les moyens 1
de transport, l'éclairage et la valeur de
argent.
1t
Tt*
Mes censeurs me reprochent du brio et
fcies approbateurs craignent que ce brio
ne me nuise. Quel -est ce brio ? Il y a un
monde entre imager ou se servir" d'une
image pour pétrifier de l'abstrait, le faire
passer à l'état concret, le rendre pratique.
.L'image pour l'image, voilà le brio. J'ai
îjois ou quatre images sur la conscience
dans Jt" Grand Ecart. Le reste est J'étoffe
même et non des couleurs ajoutées dessus.
Dans Thomas ce qui pourrait se pren- j
«ire pour un morceau de bravoure : « Le&
Dunes », souligne un caractère.
Retournons au Grand Ecart. Les griefs
Se petite intrigue, de types connus équi-
valent à nous reprocher cette pudeur .fran-
çaise qui habille le sublime, bien choquant
dès qu'on l'exhihe chez nous et seulement
Naturel aux races lourdes.
11
11.
Thomas VImposteur est une « histoire »,
comme Je -{¡¡l-- .ft ,.¡.a
tissu renseigne sur les genres, nout le méi
t rage. La Chartreuse de Parme, deux gros
gros tome.., est une nouvelle.
Nos critiques les meilleurs constatent
que les lettres bougent, mais ils exceptent
les genres. Ils voudraient voir naître une
littérature eu marge. Or. il n'existe ja-
mais de littérature en marge, ni, à dire
vrai, évolution des genres. Les genres
Jugent sua* place et sont d'autant plus
difficiles à reconnaître. Mais ailore, com-
ment les reconnaître ? Au toucher. Au 1
toucher on reconnaît que le Grand Ecart
est un roman.,
W
tf
Le cinématographe devrait dérouler une
psychologie sans texte. J'essaye, avec Tho-
mas, de dérouler un texte sans psycholo-
gie. ou si rudiment-aire qu'elle corres-
ponde aux quelques lignes explicatives
d'un filin modèle. Analyses du faux ro-
man nu et paysages du faux roman des-
criptif se valent.
*
*#
Je connais des personnes qui me blâment
de perdre beaucoup de matière en conver-
sations et de me refuser en écrivant un
coloriage auquel je m'abandonne lorsque
je parle. D'abord la conversation est un
exercice ; je bats les cartes. Ensuite, elle
est à l'œuvre ce que l'argent de poche est
-à ja fortune. Dans Thomas, j'ai tenté de
placer de l'argent de poche, de lui rendre
poids, sérieux et chance de grossir, alors
que dans le Grand Ecart, je convertissais I
du capital.en argent de poche..
*
-' Existe-t-il du courage à faire ce que
nous sommes nés pour faire ? Je n'aime
pas le travail, mais le travail m'aime. Il
me force. J'aurai donc eu le courage auto-
îinatique d'écrire le Grand Ecart. Plain-
Chant,Tlwmas VImposteur, lorsque la jeu-
nesse, mon milieu même, souhaitaient en-
core de la bizarrerie, attendaient que je
raffinasse les règles du jeu. Voici quelques
simples, remède de bonne femme contre
le modernisme. L'offre arrive avant la
demande. Elle devrait la précéder tou-
- jours.
Cette opposition, cet orilre considéré
'comme une anarchie, commencent à dé-
ranger les musicographes, dans leur do-
maine. Un Stravinsky, dont le génie de-
vine tout, ne s'attarde pas une minute.
il sait bien que les snobs nous applaudis-
sent sùr nos propres joues.
Le parti de l'intelligence s'effraye de
voir, en littérature, vieillir en quinze
jours ce qui lui semble le fin du fin. Il
ne verra. pas sans horreur, en musique,
rendre sa place à Charles Gounod, com-
me, en peinture, les cubistes rendirent la
eienne à J.-D. Ingres (1).
Noces est un chef-d'œuvre, sans date.
Selon Stravihsky, c'est un ouvrage d'hier;
.Navra vient ensuite. L'entreprise russe, la
seule qui prenne le vent, monte, cette an-
née La Colombe, Philémon et Beaiicis, Le
Médecin malgré lui.
Pour donner son vrai sens à cet esclan-
dre de suavité, elle créera Les Fdchellx
d'Auric, lesBiches de Poulenc, repren-
dra, j'espère, Mavra de Stravinsky et de
Boris Kochno.
Alors je me réjouirai, la main dans la
main du gros public, par dessus la tête
des dilettanti sutpéfaits.
*
On pourra m'accuser de peindre, dans
Thomas, la guerre sous des couleurs fri-
voles. Je m'en excuse comme la légende
lait Watt eau s'excuser, à. son lit de mort,
auprès du curé de Nogent pour l'avoir
peint en costume de Gilles. Peu après le
même Watteau refuse au même prêtre un
crucinx dont il trouve le Christ mal sculp-
té. J'avoue que certaines atrocités sacrées
me gênent. Je les repousse par respect du
(1) Je ne compare pas Ingres à Gounod. Ce
serait mal lire que le croire.
i :
-
divin. J'ai eu la chance de vivre une pé-
riode de la guerre dans le Nord auprès
du bataillon des fusiliers-marins. Bien
que leur héroïsme ne puisse être mis en
doute, je ne l'ai jamais vu se manifester
sous un angle qui me choquât. On y avait
toujours pied. Il ressemblait au courage
comme le génie que j'aime ressemble au
talent.
Les personnages de Thomas ne pou-
vaient se réunir, faire leur précipité, que
dans le vide du début de la guerre.; Ce
sont les mouches irisées du charnier. Us
entrent et sortent comme Mélisande. La
guerre, vue des coulisses, se trouve dé-
crite en raison d'eux. Eille s'arrête aveu
la mort de Guillaume qui est l'apothéose
d'une féerie : le moment où la biche se
change en princesse. Guillaume tué net,
c'est l'enfant qui joue au cneral, devenu
cheval.
*
**
Que Thomas ne soit pas construit sur
le modèle du Grand Ecart ne marque au-
cun progrès. C'est un autre système.
Le Grand Ecart présente aux spécia-
listes une e&rcassfr-d» montagnes-rusees-
Le lecteur part de haut, tombe assez bas
dans une intrigue médiocre, remonte vite
de sa propre impulsion et parcourt (épi-
logue) quelque distance en terrain plat.,
Le choc des tampons l'arrête au bout.
Mon prochain livre se déplace en accélé-
rant sa vitesse. On dirait, au ralenti, le
trajet entre une fenêtre du cinquième éta-
ge et le trottoir. La victime de cette chut-e
n'en tire pas grand lnéic., Thomas VIm-
posteur pourrait porter comme sous-titre,
mon cher Lefèvre: « Une seconde avec un
poète inconnu » «
*
**
Pour le Grand Ecart, on parle d'auto-
biographie, parce qu'il affecte le genre
autobiographique. Il serait aussi faux de
dire que Thomas est écrit au courant de
la plume, parce que, dans ce livre, où je
m'écarte exprès du genre autobiographi-
que, j'imite le style cursif.
Moi, c'est la manière dont j'envisage,
dont j'utilise les faite. Un roman, une nou-
velle, un 'conte, une histoire ne peuvent
être que de la critique directe. Or, dans
la critique ce qui m'importe n'est pas roeu-
vre critiquée (je la juge bien tout seuil),
mais le critique par rapport à ce dont il
parle. Si son prétexte me touche, l'éclai-
rage sur lui se renforce. Dans le Grand
Ecart, il n'y a pas plus autobiogœphie
gfri^dacs Thorgas, l'Imposteur .-"
,
•*
, Enfin, la question d'obscurité se pose.
Il n'existe aucun ouvrage lumineux qui
n'en tire ses plus belles ombres. Aussi
bien Adolphe, la Princesse de Clèues que
l'Idiot. Mais on a coutume de confondre
l'obscurité de surface et celle de profon-
deur, surtout depuis la grande crise fran-
çaise du rébus (1873-1920).
Epluchons Mallarmé. Sept voiles pré.
cieux recouvrent un objet d'art inodern-
stvle sur sa table de travail.
Cette obscurité de surface intrigue ; oh
la moque. Elle inspire vite une sorte de
respect. Le lecteur de 1923 tremble d'avoir
l'air naïf. •
Rimbaud lui, son miracle consiste à
mettre les deux formes d'obscurité en
oeuvre.
Un ouvrage clair à l'endroit, obscur à
l'envers de toute la-nuit individuelle, sera
maintenant maudit. Les déchiffraurs de
rébus croiront en avoir fait le tour d'un
coup d'ceil.
Donc, nos maitres cachèrent l'objet
sous la poésie. Nous avons prolongé,
compliqué même, ensuite simplifié cet ef-
fort. Notre rôle sera dorénavant de cacher
la poésie - sous l'objet. Voilà pourquoi
je propose des pièges, et point des
pièges inattendus. Qui se douterait en face
de cette petite chose que l'amour, la mort
et la poésie l'habitent ?
C'est pourtant le fait d'une phrase de
Mozart comme celle du duo de Don Juan. :
Là ci darem la mano.
*
**
Paul Valéry me fit l'honneur de me sur-
nommer : Sei de la terre. Je n'en demande
pas tant ; mais j'aimerais qu'on goûtât
dans Thomas une vivacité blanche toute
différente des épices. Etre assez aigu, as-
sez rapide, pour traverser d'un seul coup
le drôle et le douloureux, c'est à quoi je
m'exerce. Je sais que cela me vaut d'être
pris pour un acrobate, peur un clown. Peu
importe. Puissé-je avoir l'âme aussi bien
faite que ces saltimbanques ont le corps.
Jean COCTEAU.
wvvuw –-–
LE THÉATRE -
aux Nouvelles Littéraires
-"1\-
Nous avons le plaisir d'annoncer à nos
lecteurs qu'ils pourront lire dès la se-
conde semaine de novembre, et tous les sa-
medis, un feuilleton de critique dramati-
que qui sera tenu par notre éminent col-
laborateur M. Fernand Gregh.
Indépendamment de cette critique, ils
trouveront comme précédemment la chro-
nique de M. Maurice Boissard et le feuil-
leton sur le théâtre étranger de M. Lugrié-
Poé.
D'autr.3 part, et d'une façon régulière,
nous publierons Les Entretiens dramati-
ques de J. Kessel avec les auteurs, les ar-
tistes et les directeurs de théâtre dont l'ac-
tivité ne doit pas échapper à nos lecteurs,
ainsi que des études et chroniques sur le
théâtre de MM. Claude Berton, Claude Ro-
ger-Marx, Gaston Rageot et Jacques Po-
rel.
En quatrième page :
Une conférence inédite de
PAUL VERLAINE.
Lire en-deuxième page : Les Lettres Fran-
çaise;, par Benjamin Crémieux.
En troisième page y Lqùréole de Joubert,
par 1.J. Brousson. <
En quatrième page : La CKronique artis-
tique, d'Edmond Jaloux ; L'Art Mélanicn,
par Florent Fels.
En cinquième page : Chez M. Fabre, admi.
nistrateur de la Comédie-Française, par J.
Keasei. -
-
OPINIONS JET PORTRAITS
EDMOND JALOUX
Q co 0
J'aime beaucoup 3e Palais-Royal et nous
connaissons tous un grand nombre d'ar-
tistes, d'écrivains, qui ont rêvé d'y habiter,
car c'est, au cœur de Paris, le quartier où
se réfugie le 'silence, chassé par les autobus
de toutes les rues de la ville. Oasis pour les
familles des rues de Valois et de Montpen-
sier, pour d'autres, jardin secret, balcons
gracieux et réguliers, boutiques et cham-
bres meublées, tout s'y mêle avec complai-
sance. On fait ici la barbe aussi bien que
l'amour, on vous tire le portrait et les car-
tes au besoin, tout cela donne au décor un
(Plwto Henri Martinie.)
air intime à la fois et populaire. Sous les
arcades, vous êtes à Milan, Stendhal vous
accompagne : poussez une pointe jusqu'à
1ceœs"'Ml.en,lèvent dangereuses pirogues, et vôtis voi-
là parti, les nègres déjà vous attendent t La
nuit est si bien enfermée dans le jardin du
Palais-Roval et avec une telle autorité par
les gardiens qu'elle n'a pas à broncher et
qu'à peine l'entend-on - rôder autour de
Victor Hugo qui. dort, les yeux ouverts,
dans un vaste encrier. Les chaises, dès le
soir/sont faites prisonnières aussi et l'om-
bre de Camille Desmou,liiis- doit perdre tout
espoir d'en délivrer, au moins une, de ses
chaînes pour grimper sur, elle et haran-
guer.. les étoiles: De temps en temps,- les
tragédiens du Tliéâtre Français s'essayent
à des vocalises, se croyant soudain dans
une foret ou à TOpéra-Comique, mais c'est
assez*- ràre 'Hélas! les appartements du Pa-
lais-Royal sont bien inconfortables. Quand
on veut avoir le téléphone, ou" plus modes-
tement; l'électricité, il faut convoquer un
architecte, qui se - demande toujours si la
maison.. posé le premier piton, ne va pas
s'écrouler comme un livre de M. Doumic, et
il n'y. a pas bien longtemps. les locataires
étaient obligés de déposer, chaque matin,
chez leur concierge, la chaise percée dont
ils devaient se satisfaire. Edmond Jaloux
habite le Palais-Royal depuis mil neuf cent
quatorze: auparavant, il avait, vécu a. Mar-
seille. n'ayant à Paris qu'un pied-à-terre.
Pour arriver jusqu'à lui, il faut prendre un
escalier fort tourmenté et passer devant la
permanence du Comité radical. La Perma-
nence? Oui, c'est là que Caillaux envoi*
toujours en retenue ses amis.
Mais vous êtes au quatrième. C'est un
scaphandrier qui vous accueille, - dans un
bruit de volière. Jaloux, avec ses lunettes
d'écaillé, vient de remonter à la surface,
couvert de pensées, après une longue plon-
gée dans les profondeurs de la mer. Edmond
Jaloux qui, à force de voir partir des ba-
teaux, a pris le goût de l'exotisme,
f a, pour les meubles chinois, de la
prédilection; mais comment fait-il pour
écrire dans cet appartement. On ne peut
pas glisser une jambe sous sa table! Et
on dirait que ce bureau chinois, baroque et
vert, enfle comme la grenouille; quand je
le regarde, j'ai toujours peur de le voir
éclater. Je ne peux pas croire que Jaloux
se contente de cette table ; comment
écrire tant de romans, tant de feuilletons
critiques, tant de chroniques, là-dessus? La
production de cet écrivain dépasse l'imagi-
nation. Il fait toujours trois ou quatre livres
à la fois, il en traduit à peu près autant, il
en lit bien davantage, et il court les expo-
sitions! Je me suis laissé dire qu'il compose
des. romans, aussi sagement, sur un banc,
dans les gares, au milieu de la foule, en at-
tendant les correspondances. Il n'a jamais
l'àir pressé, et il semble défendu par une
:Sog$&. que.
- Les lettres qu'envoient les écrivains à
leurs très jeunes admirateurs ont toujours
une influence considérable. J'en connais qui
ont envoyé leurs premiers vers à Michel
Zamacoïs et qui en ont reçu des félicita-
tions, ça ne pardonne pas. A onze ans, j'avais
déjà reçu un autographe (si l'on peut dire)
de Paul Fort: je ne courais pas de bien
grands risques. A quatorze ans, Jaloux pou-
vait lire une lettre enthousiaste de Mallarmé ;
ces sortes de satisfactions puériles comptent
datis la vie d'un homme de lettres, et c'est
pourquoi il débuta, en 1896, par un volume
de vers, Nimbes d'Automne, qu'il publia à
Marseille. Comme André Gide. y passait
justement avant de s'embarquer pour l'Al-
gérie, c'était un peu avant Paludes, il en-
tra chez un libraire où il découvrit les vers
symbolistes de Jaloux dont quelques-uns lui
étaient dédiés. Il demanda l'adresse de leur
auteur qu'il alla voir sur-le-champ. Vous
pensez si le jeune Jaloux se montra stupé-
fait de cette aventure féerique! La féerie
a toujours joué un rôle dans ses œuvres.
Et on devine l'attirance qu'exercent sur son
esprit les comédies de Shakespeare. Jaloux
a un humour assez particulier, aussi sage
que son sérieux, et on le sent en réaction
Constante contre la réalité commune
:",¡+QúêÍqilès-UtlS de ses romans sont prdsé-
yment. des comédies féeriques, Fumées dans
lu Campagne,. par exemple, et, plus récem-
ment, L'Escalier d'Or. D'une manière gé-
nérale, tous ses personnages sont des êtres
d'exception et de choix. L'esprit d'Edmond
Jaloux atteint, en ce moment, une maturité
d'une richesse extraordinaire. On put
croire assez longtemps que ce roman-
cier, qui sô dissimulait sous un masque fri-
vole, trop soucieux du décor et du
symbole facile, ne pourrait donner aux émo-
tions sentimentales et aux émotions intel-
lectuelles l'expression et la grandeur qui sa-
tisfont. Mais aujourd'hui, nous nous trou-
vons en présence d'un écrivain qui a re-
jeté complètement les influences symbolis-
tes et abandonné la molie allure de ses pre-
miers ouvrages. Les moralistes français, ies
tragédies grecques. les grands romanciers
russes, anglais, voilà le fond de son esprit.
Quand on a fréquenté Jaloux, on pense
bien que les grands événements de sa vie
ont été les lectures qu'il a faites. C'est,
avant tout, un homme de lettres penché sur
les racines secrètes de la vie. Il ne copie
pas. Il recrée et retrouve les lois profon-
des.
L'être humain, Jaloux le démonte au-
1 -
jourd'hui avec précision. C'est ainsi qu'il ai-
me également démonter les livres et qu'il
est devenu, sans cesser pour cela d'être ro-
mancier, bien au contraire, un très lucide
critique. Méditerranéen, son goût des litté-
ratures étrangères n'est pas récent et je
me souviens avoir lu un numéro de la re-
vue que Jaloux publiait à Marseille et dont
le sommaire groupait des écrivains de tous
les pays. Le plus beau jour de sa vie n'est-
il pas celui où il termina l'Idiot? Pour une
fois, dans ce que j'avance, ne voyez point Il
de malice.
Maurice MARTIN DU GARD.
L'impôt sur les succès littéraires
-
Vous ne voulez pas vous révolter. Fort bien.
Personne ne peut vous y obliger. Connaissez
au moins les moyens légaux que vous possédez
de lutter contre le fisc.
Robert Dieudonné a énuméré, dans une de
ses rapides mais substantielles chroniques, les
frais généraux qu'un écrivain peut invoquer
en déduction de ses revenus, tant généraux
que cédulaires: frais de secrétaire ou de dac-
tylographe, bous de copie, le téléphone et la
correspondance. Il oublie le principaJ: les frais
de prospection, d'investigations, de recherches;
de voyages.
Exemples : Châteaubriant peut établir la
note de frais de ses voyages et de ses séjours
à La Brière, Dorgelès le total de ses dépenses
en pays libéré; Dorsenne, quand il reviendra
de Tahiti, pourra, s'il en rapporte un livre,
fixer le prix de son voyage avant de payer,
l'jmpôt sur les bénéfices éventuels que lui rap-
portera ce livre; Henri Béraud ne paiera, pour
La Gondole aux Faquins, qu'après avoir
défalqué les sommes que les compagnies des
wagons-lits et les hôteliers vénitiens ont exi-
gées pour qu'il se documentât sur place; Mon-
therlant, pour sa Leçon ,de football dans un
parc, mentionnera ses frais de club, d'équi-
pement, de médication, etc.
Voilà donc une presnièr; mesure dont cha-
cun fera largement son profit. Je dis' large-
ment, car je connais d'étonnantes histoires sur
les déclarations de revenu. Le. cerclé. de mes
relations s'étend parmi, les contrôleurs des con-
tributions et je n'en, ai pas rencontré, qui ne se
montrassent pleins de bonnes intentions à notre
égard. "',
Vous ne pourrez imaginer, tant qu'un spé-
cialiste ne vous aura pas donné de claires ex-,
plications; ce qu'est l'assiette de ces impôts.
Elle est vide, toutefois, pour l'Etat, et garnie
de bon beurre frais pour les paysans.
L'impôt est basé sur la valeur locative des
propriétés aux taux de 1910, époque de la der-
nière revision du cadastre! Cela vous parait-
il assez savoureux! L'impôt est perçu au do-
micile du propriétaire. C'est-à-dire que le con-
trôleur de la Madeleine impose M. X. pour
les vignes que ce monsieur possède en pays
d'Andorre, et M. Y. pour des châtaigneraies
situées en Corse, c'est-à-dire, en fin de compte,
que M. X. et M. Y. ne payent rien du tout.
En effet, le contrôleur, de Paris ne sait rien
de ce qui se passe hors de son quartier, et ses
collègues ont trop à faire pour dépouiller les
cadastres provinciaux au profit des contrôles
parisiens !
Les écrivains ne peuvent-ils se réclamer du
même principe? « Pas d'entraves à la produc-
tion.. » Ils produisent le pain de l'esprit, qui
vaut bien le pain du corps.
Maurice Barrés, Herriot, Pierre Rameil, No-
blamaire ou Morucci ont là une victoire facile
et qui leur assurerait la reconnaissance de tous
leurs confrères. Leurs collègues (je veux dire
les députés) ne résisteraient guère. Les succès
littéraires ne sont point si nombreux que
l'Etat ait beaucoup à perdre en les taxant à la
paysanne. Ce serait, pour le Trésor, un petit
saèrifice. Il faut l'exiger sans crainte d'ap-
pauvrir les finances nationales.
Ce sont les campagnes qui font les parle-
ments, dit Henri Béraud, mais ce sont les
villes qui font les révolutions.
Qui de vous la demandera, ô confrères du
PWaia-Bow. bon?
¡. Pierre BONARDL
JEAN MOREAS
-« a–1Qp-g I ms
Clarté, simplicité, concision, pureté, perfec-
tion classique ! Ces qualités éclatent chez les
deux poètes les plus représentatifs du génie
français: chez Racine et chez La Fontaine.
Elles ne sont guère moins évidentes dans
l'œuvre de Jean Moréas.
Or, Moréas n'est pas né à Château-Thierry
ou à la Ferté-Milon, en plein XVII. siècle,, niais
à Athènes, en 1856, de race autochtone. Il n'est
venu en France qu'à vingt-cinq ans, ayant dé-
jà publié en grec des poèmes, des contes, de
la critique.
Suffit-il, pour expliquer cet étrange phéno-
mène, d'alléguer la parenté. le rapport de fille
à mère. ou grand mère qui existe entre la
littérature française et la grecque?.
Voici un écrivain, en tout cas, qui n'a point
de supérieur pour la connaissance du vocabu-
laire et de la syntaxe; (et la lui a-t-on assez
reprochée de son vivant, à Moréas, cette scien-
ce patente de grammairien; l'a-t-on assez invo-
quée pour nier à ce savant les dons de l'artis-
te et la sensibilité méme !). Voici le poète mo-
derne qui se prête le mieux à ce genre de
commentaires auxquels nos classiques incitent
Le masque de Moréas
les professeurs lorsqu'il s'agit de dégager le
sens profond et subtil de notre langue et de
notre prosodie
Hvlasf carur trap. humain, homme de peu de foi,
Aux reejards éblouis d'une lumière en fête,
T" ne sauras jamais comme elle éclaire en moi,
L'ombre que celte allée au noir feuillage y
'e iiii [jette!. l
Plus vous analysez une pièce comme celle-
ci (qui est l'épilogue des Stallces). plus vous
la trouverez bonne. Moréas n'a rien écrit d'im-
parfait (1). Et il ne faut pas séparer ses
Stances du reste. Les qualités de ses derniers
vers sont plus qu'en germe dans ses recueils
de début: Les Syrtes (1884), dont l'art vise à
la discrétion et délicatesse,
C'est le Passé, c'est le Passé 1
Oui pleure lit tendresse morte.
C'est le bonheur que l'heure emporte.
Les Cantilènes (1886). malgré leur métier
volontairement martelé, barbare parfois
Les pâles filles de l'iii- 'flile
S'en vont hurlant par les chemins.
lit, dans un transport inutile.
Sur leurs seins nus crispent leurs mai",f.
Quant au Pèlerin Passionné, c'est surtout à
propos de cet ouvrage qu'on traitera l'émou-
vant poète de grammairien et rthoriqucltr, Un
bon juge, cependant, trouvera la manière
d'EllIJllC au clair visage, d'Liriphyle plus sa-
vante encore.
Tout est parfait chez Moréas, y compris
Iphigcnie, malgré son échec, que mon bon ami
Rouveyre attribue à « l'impertinence des his-
trions » qui la jouèrent, et dont je rends
responsable, plutôt, l'insuffisante culture de 1
notre âge.
Laissons le ruslre. l'immonde
hmorallf, dénier « notre Apollon le prix.
Des larmes.
Et cette prose de diamant, comme Charles
Maurras la nomme! Esquisses et Souvenirs ha-
bille du manteau de la poésie une substance
critique comme je n'en connais pas de plus ri-
che et répercutante. Bréviaire de style. bréviai-
re de méditation, rempli de pensées comme celle-
ci, où le poète se souvient d'avoir écrit:
Automne malheureux, que j'aime ton visage!
J'ai toujours été la proie de cette saison!.
Qui sait si ce Il 'est point à tort que la tris-
tesse de l'Automne a séduit mon âme! La
belle lumière épandue sur les plaines et sur
la mer, n'est-ce pas elle le véritable aspect tra-
gique de la vie ?
*
**
La nouveauté est comme à jet continu chez
Moréas. Elle s'exerce dans les Syrtes et les
Cantilènes par le canal, notamment ,2), de
Gœthe et d'Henri Heine.
Encouragée par des séjours en Allemagne
(il fut peu de temps étudiant en droit à l'Uni-
versité de Bonn), cette influence colore d'une
nuance, non pas précisément germanique, mais
rlzéllalJe. le' côté moyenâgeux fort important
dans les ouvrages susdits. Elle donne au moyen
âge de -- Moréas -- un -- accent qui est romantique,
certes, mais d'un romantisme plus naturel, plus
authentiquement gothique que ceux de La Lé-
gende des Siècles, ou d'Albertus. C'est que le
sentiment qui anime la partie-gothique des Syr-
tes et des Cantilènes a été pris à la véritable
source, puisé dans ce fleuve légendaire qui
mire les vieux burgs des burgraves, sur les ri-
ves duquel dansent les petits Elfes couronnés
de jonc
Hou! hotl! le héron ricane
Pour faire peur à la caM.
Trap! Trap/ le sorcier galope
Sur le bouc et la varlopc!.
où le Roi des aulnes agite son sceptre magi-
que, et la Lo'relei peigne ses cheveux dorés,
(1) On a vraiment l'embarras du choix avec
lui, mais encore que Moréas soit l'écrivain .c
plus digne d'être lu dans toute son œuvre. Le
Choix de Pofimes du mattrc, que M. Ernest
Raynaud vient de publier aux Editions du Mer-
cure, est rccommandable. ainsi que la préface
dont on le voit' accompagné.
(2) Je dis : notamment, car, outre les influen-
ces françaises. Moréas s'est-adressé, dansvses
poèmes de rlMmt. aux ballades écossaises, au
folklore néo-grec., sans parler de la vie pari-
sienne.
où la Mort chevauche un coursier sorti des
écuries d'Albert Durer
Et les trépassés sont pendus par la chevelure,
Sont pendus par les pieds, à la queue, à l'enco--
[lure.
C'est vers ce moyen âge légendaire et nécro-
mancien, qui tient de Faust, des Lieder. de
Heine, des contes des frères Grimm. que Mo-
réas s'est d'abord tourné. Ce qui n'empêche
pas que les Syrtes et les Cantilènes soient de
langue et de tour aussi purement français que
s'ils étaient écrits par un naturel de l'Ile-de-
France. Mais. bientôt, le poète quitte le Rhin
pour entrer en terre française. Il va aborder
notre - moyen âge à nous. 11 l'aborde, non pas en
se contentant de jeter un coup d'œit îmaginatif
sur les cathédrales, comme on l'avait fa:: en
1830, mais en scrutant les textes. 11 l'aborde,
non pas en artiste, mais en l'rlldit. Ou plutôt.
l'artiste, chez lui. va se greffer sur un savant,
sur un romaniste. La première moitié du Pt4
lerin Passionné offre un ré>unié. une quintes-
sence des poètes de langue romane, aussi bien
ceux d'oïl que ceux d'oc. Et i! était parfaite*
ment autorisé. alors. à appeler Thibaud d<
Champagne son inaitre
El le comte Thibaud n'eut pas de plainte plus
[doucé
Que les lays amoureux qui naissent sous mon
r follet
et à enchâsser, dans des strophes où la préci94
sité ne fait tort à la poésie, mai» la sert, lea
noms de ces troubadours provençaux avec qui
il rivalise eu gai savoir.
Mais l'amour du changement fut sa vertu
cardinale. Trouvères et troubadours lui sont un
pont vers Pétrarque. Il s'arrêtera ensuite à
Ronsard quelques heures, une minute à Mal-
herbe. On le sent bientôt retenu par La Fon-
taine. puis par Chénier. Alors, il retrouvera les
romantiques; il relira Hugo, Lamartine, Vi-
gny, cueillera leur miel, sautera pas dessus
Gautier et Baudelaire. les initiateurs de sa jeu-
nesse, pour trouver son aboutissement, sa dé-
finitive cristallisation avec ses Stances (1807-
1900). Les Stances, mariage de Hugo et Lamar-
tine avec Racine et La Fontaine, ouvrage après
lequel l'opposition «̃ntre le classicisme et le
romantisme n'a plus qu'une signification histo-
rique.
«
**
Cependant, tandis que le pèlerinage s'ac.
complit. une transformation radicale s'est opé-
rée chez Moréas.
X'ai-je pas troll/clli ma main.
Avec des luxures d'artiste,
Sous des chemises de batiste
.? < <'
Embaumant l'ambre e> le jasmin!
La muse sensuelle des Syrtes et celle des
Cantilènes
Bouche vaine de ses carmins
s'est spiritualisée. idéalisée. Kst-ce la fréquen.
tation des trouvères et des iroubadours. che-
valiers de l'amour platonique : « st-ce celle de
Platon, dont le poète traduira, dans Jinonc au
clair visaoe, d'entiers passages du Panauet?
Mais, après avoir changé l'amour profane pour
l'amour chaste. Moréas dira adieu à J'amour
pour ne connaître que la muse.
Car cette spiritualisation. ce rejet de la jouis-
sance sensuelle est dicté par le fanatisme poéti-
que. A son art. le poète sacrifiera une existence
mondaine qui fut ardente. 11 ne - vivra que pour
chanter, et ses intimes pourront le voir. sous
les apparences de son existence de café, sub-
sister d'une vie tout intellectuelle, tout aus-
tère. Il vivra comme une flamme, soucieux de
se consumer avec rapidité et avec force, afin
de s'élever plus vite et plus haut.:.
SaliS plus nous soucier et sans jamais des-
[cendre,
E¡',molli.)'sIJ//S-I/ùIlS! ,-,.
Mais sa substance corporelle seule s 'est éva-
nouie. et l'esprit de Moréas est l'un des corps
poétiques les plus certains et inaltérables.
Marcel COVLO.
vvwiww :
LA LITTÉRATURE FRANÇAISE
A L ÉTRANGER
Une heure
AVEC
M. MASABYK
Président de la République Tchéco-Slovaque
Par FRÉDÉRIC LEFÈVRE
+8+-
Puisque le chef d'une nation alliée qui,
en même temps qu'un homme d'état re-
marquable, est. un lettré et un philosophe,
se trouvait de passage à Paris, nous ne
pouvions manquer d'aller demander à
M. Masaryk, président de la République
Tchécoslovaque, ce qu'il pensait de la lit-,
térature française contemporaine.
M. Masaryk nous accueille avec la
plus grande simplicité mais notre ques-
tion un peu vaste semble l'effrayer :
Si nous nous promenions ensemble,
pendant une nuit étoilée, et que, mon-
trant le ciel. vous me demandiez quelles
sont les étoiles que j'aime te plus, je
vous répondrais : « Rien ne m'émeut
autant que la voûte du ciel criblée de mil-
liers d'étoiles, mais Je ciel cet un tout et
j'aime toutes les étoiles ; je 11e me sens
vraiment pas le goût de choisir:. »
J'insiste :
On n'échappe pas à un interviewer
français, monsieur le président, par une
comparaison !
-- Le président - eourit, -- je - dois - avoir cause
gagnée.
- Quand vous songez à la litlérature
française d'aujourd'hui, pt vos fami-
liers fn'ont avoué que cela arrivait souvent
quels sont les nom., qui se présentent d
volre esprit ?
Je vous répondrai donc, mais dites
bien à "O le-cteurs que mes réponses
n'ont rien de dogmatique ni de restrictif.,
Je n'ai aucune relation personnelle parmit
les jeunes écrivains français ; j'essaie
tout simplement de voir où va la France'
intellectuelle. Les écrivains qui matti<
rent le plus sont ceux qui me font révi-
ser certaines idées préconçues : quoi qtte :,
nous fassions, nous avons toujours des --,
idées préconçues ; mais l'homme qui a -
",- - ."-
LES NOUVELLES LITTÉRAIRES
SAIEDI 27 OCTOBRE 1923
DEUXIÈME ANNÉE N° 84 J
Directioa. Rédaction, Publicité f
6, Rue d» Milan (ge)
AEDÂ3TEUB SN CHSP :
:' 1 Frédéric LEFÈVRB,
..,' : 1 tilnf Il 1181
'; -, T.éWpM– 1 OelMl <3 (M
ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES
,':,
HEBDOMADAIRE D'INFORMATION, DE CRITIQUE ET DE BIBLIOGRAPHIE
Direotioa : JacquM GUENN& et Maupio. MARTIN DU GARD
'0 ) - -ri-
LE NUMÉRO 25yCEMTIMES
- - ..:
AbonnMMnt «Pou An :
Franc*. e 12 fi». 1 Étrugw.. 18 Viv
- r - t. -
AdmlntotnatiMi «t?V«nto: -.
Librairie LAROUSSE-
13-17, Il. ffai la (C) -
On tfabouM chu toaa laa LI
DEPOSITAIRES de jgurmux
et è la Librairie LAIIOUaE.
Chàaaa Postal W153.83 PaHa.
.TouDE ,
AUTOUR DE THOMAS L'IMPOSTEUR
–-–-– >-oo-c
.: le tiileuce est. une politesse ; il sous-
pntend que le prochain est à même de
saisir d'emblée nos muindres intentions ;
les préfaces pn sont une moins facile.
Elles aident beaucoup la bonne volonté
distraite par des problèmes plus vastes
que nos écrits.
*
",.
Les idées qui, disait Nietzsche, s'avan-
cent. sur des pattes de colombes, aboutis-
sent toujours. Mais que de retards on
évite avec quelques paroles qui fâchent j
trente lecteurs et instruisent les autres. Il
ne faut. pas prendre une réserve excessive
pour de la dignité. A ne s'expliquer ja-
mais, on risque de bâtir entre les esprits
qu'on souhaite atteindre et soi, le mur qui
sépare tant de pères et. tant de fils, mur
dont Jules et Benjamin Constant nous lais-
J;m un exemple illustre.
Vous trouverez sans doute, après lecture
de mon livre, qu'il était inutile de faire
tan* d'embarras. Mais nous vivons, hélas,
une époque où l'ancienne pudeur devient
un ieu de dupes.
Le tumulte, le jazz-band que la sottise
nous attribue, les réclames lumineuses
qui donnent à la nuit des capitales un
visage secoué de tics nerveux, nécessitent
qu'on encadre une intention délicate. Elle
'a.vançait jadis comme une femme dans
un cercle. La délicatesse, la réserve, la
modestie, se transforment avec les moyens 1
de transport, l'éclairage et la valeur de
argent.
1t
Tt*
Mes censeurs me reprochent du brio et
fcies approbateurs craignent que ce brio
ne me nuise. Quel -est ce brio ? Il y a un
monde entre imager ou se servir" d'une
image pour pétrifier de l'abstrait, le faire
passer à l'état concret, le rendre pratique.
.L'image pour l'image, voilà le brio. J'ai
îjois ou quatre images sur la conscience
dans Jt" Grand Ecart. Le reste est J'étoffe
même et non des couleurs ajoutées dessus.
Dans Thomas ce qui pourrait se pren- j
«ire pour un morceau de bravoure : « Le&
Dunes », souligne un caractère.
Retournons au Grand Ecart. Les griefs
Se petite intrigue, de types connus équi-
valent à nous reprocher cette pudeur .fran-
çaise qui habille le sublime, bien choquant
dès qu'on l'exhihe chez nous et seulement
Naturel aux races lourdes.
11
11.
Thomas VImposteur est une « histoire »,
comme Je -{¡¡l-- .ft ,.¡.a
tissu renseigne sur les genres, nout le méi
t rage. La Chartreuse de Parme, deux gros
gros tome.., est une nouvelle.
Nos critiques les meilleurs constatent
que les lettres bougent, mais ils exceptent
les genres. Ils voudraient voir naître une
littérature eu marge. Or. il n'existe ja-
mais de littérature en marge, ni, à dire
vrai, évolution des genres. Les genres
Jugent sua* place et sont d'autant plus
difficiles à reconnaître. Mais ailore, com-
ment les reconnaître ? Au toucher. Au 1
toucher on reconnaît que le Grand Ecart
est un roman.,
W
tf
Le cinématographe devrait dérouler une
psychologie sans texte. J'essaye, avec Tho-
mas, de dérouler un texte sans psycholo-
gie. ou si rudiment-aire qu'elle corres-
ponde aux quelques lignes explicatives
d'un filin modèle. Analyses du faux ro-
man nu et paysages du faux roman des-
criptif se valent.
*
*#
Je connais des personnes qui me blâment
de perdre beaucoup de matière en conver-
sations et de me refuser en écrivant un
coloriage auquel je m'abandonne lorsque
je parle. D'abord la conversation est un
exercice ; je bats les cartes. Ensuite, elle
est à l'œuvre ce que l'argent de poche est
-à ja fortune. Dans Thomas, j'ai tenté de
placer de l'argent de poche, de lui rendre
poids, sérieux et chance de grossir, alors
que dans le Grand Ecart, je convertissais I
du capital.en argent de poche..
*
-' Existe-t-il du courage à faire ce que
nous sommes nés pour faire ? Je n'aime
pas le travail, mais le travail m'aime. Il
me force. J'aurai donc eu le courage auto-
îinatique d'écrire le Grand Ecart. Plain-
Chant,Tlwmas VImposteur, lorsque la jeu-
nesse, mon milieu même, souhaitaient en-
core de la bizarrerie, attendaient que je
raffinasse les règles du jeu. Voici quelques
simples, remède de bonne femme contre
le modernisme. L'offre arrive avant la
demande. Elle devrait la précéder tou-
- jours.
Cette opposition, cet orilre considéré
'comme une anarchie, commencent à dé-
ranger les musicographes, dans leur do-
maine. Un Stravinsky, dont le génie de-
vine tout, ne s'attarde pas une minute.
il sait bien que les snobs nous applaudis-
sent sùr nos propres joues.
Le parti de l'intelligence s'effraye de
voir, en littérature, vieillir en quinze
jours ce qui lui semble le fin du fin. Il
ne verra. pas sans horreur, en musique,
rendre sa place à Charles Gounod, com-
me, en peinture, les cubistes rendirent la
eienne à J.-D. Ingres (1).
Noces est un chef-d'œuvre, sans date.
Selon Stravihsky, c'est un ouvrage d'hier;
.Navra vient ensuite. L'entreprise russe, la
seule qui prenne le vent, monte, cette an-
née La Colombe, Philémon et Beaiicis, Le
Médecin malgré lui.
Pour donner son vrai sens à cet esclan-
dre de suavité, elle créera Les Fdchellx
d'Auric, lesBiches de Poulenc, repren-
dra, j'espère, Mavra de Stravinsky et de
Boris Kochno.
Alors je me réjouirai, la main dans la
main du gros public, par dessus la tête
des dilettanti sutpéfaits.
*
On pourra m'accuser de peindre, dans
Thomas, la guerre sous des couleurs fri-
voles. Je m'en excuse comme la légende
lait Watt eau s'excuser, à. son lit de mort,
auprès du curé de Nogent pour l'avoir
peint en costume de Gilles. Peu après le
même Watteau refuse au même prêtre un
crucinx dont il trouve le Christ mal sculp-
té. J'avoue que certaines atrocités sacrées
me gênent. Je les repousse par respect du
(1) Je ne compare pas Ingres à Gounod. Ce
serait mal lire que le croire.
i :
-
divin. J'ai eu la chance de vivre une pé-
riode de la guerre dans le Nord auprès
du bataillon des fusiliers-marins. Bien
que leur héroïsme ne puisse être mis en
doute, je ne l'ai jamais vu se manifester
sous un angle qui me choquât. On y avait
toujours pied. Il ressemblait au courage
comme le génie que j'aime ressemble au
talent.
Les personnages de Thomas ne pou-
vaient se réunir, faire leur précipité, que
dans le vide du début de la guerre.; Ce
sont les mouches irisées du charnier. Us
entrent et sortent comme Mélisande. La
guerre, vue des coulisses, se trouve dé-
crite en raison d'eux. Eille s'arrête aveu
la mort de Guillaume qui est l'apothéose
d'une féerie : le moment où la biche se
change en princesse. Guillaume tué net,
c'est l'enfant qui joue au cneral, devenu
cheval.
*
**
Que Thomas ne soit pas construit sur
le modèle du Grand Ecart ne marque au-
cun progrès. C'est un autre système.
Le Grand Ecart présente aux spécia-
listes une e&rcassfr-d» montagnes-rusees-
Le lecteur part de haut, tombe assez bas
dans une intrigue médiocre, remonte vite
de sa propre impulsion et parcourt (épi-
logue) quelque distance en terrain plat.,
Le choc des tampons l'arrête au bout.
Mon prochain livre se déplace en accélé-
rant sa vitesse. On dirait, au ralenti, le
trajet entre une fenêtre du cinquième éta-
ge et le trottoir. La victime de cette chut-e
n'en tire pas grand lnéic., Thomas VIm-
posteur pourrait porter comme sous-titre,
mon cher Lefèvre: « Une seconde avec un
poète inconnu » «
*
**
Pour le Grand Ecart, on parle d'auto-
biographie, parce qu'il affecte le genre
autobiographique. Il serait aussi faux de
dire que Thomas est écrit au courant de
la plume, parce que, dans ce livre, où je
m'écarte exprès du genre autobiographi-
que, j'imite le style cursif.
Moi, c'est la manière dont j'envisage,
dont j'utilise les faite. Un roman, une nou-
velle, un 'conte, une histoire ne peuvent
être que de la critique directe. Or, dans
la critique ce qui m'importe n'est pas roeu-
vre critiquée (je la juge bien tout seuil),
mais le critique par rapport à ce dont il
parle. Si son prétexte me touche, l'éclai-
rage sur lui se renforce. Dans le Grand
Ecart, il n'y a pas plus autobiogœphie
gfri^dacs Thorgas, l'Imposteur .-"
,
•*
, Enfin, la question d'obscurité se pose.
Il n'existe aucun ouvrage lumineux qui
n'en tire ses plus belles ombres. Aussi
bien Adolphe, la Princesse de Clèues que
l'Idiot. Mais on a coutume de confondre
l'obscurité de surface et celle de profon-
deur, surtout depuis la grande crise fran-
çaise du rébus (1873-1920).
Epluchons Mallarmé. Sept voiles pré.
cieux recouvrent un objet d'art inodern-
stvle sur sa table de travail.
Cette obscurité de surface intrigue ; oh
la moque. Elle inspire vite une sorte de
respect. Le lecteur de 1923 tremble d'avoir
l'air naïf. •
Rimbaud lui, son miracle consiste à
mettre les deux formes d'obscurité en
oeuvre.
Un ouvrage clair à l'endroit, obscur à
l'envers de toute la-nuit individuelle, sera
maintenant maudit. Les déchiffraurs de
rébus croiront en avoir fait le tour d'un
coup d'ceil.
Donc, nos maitres cachèrent l'objet
sous la poésie. Nous avons prolongé,
compliqué même, ensuite simplifié cet ef-
fort. Notre rôle sera dorénavant de cacher
la poésie - sous l'objet. Voilà pourquoi
je propose des pièges, et point des
pièges inattendus. Qui se douterait en face
de cette petite chose que l'amour, la mort
et la poésie l'habitent ?
C'est pourtant le fait d'une phrase de
Mozart comme celle du duo de Don Juan. :
Là ci darem la mano.
*
**
Paul Valéry me fit l'honneur de me sur-
nommer : Sei de la terre. Je n'en demande
pas tant ; mais j'aimerais qu'on goûtât
dans Thomas une vivacité blanche toute
différente des épices. Etre assez aigu, as-
sez rapide, pour traverser d'un seul coup
le drôle et le douloureux, c'est à quoi je
m'exerce. Je sais que cela me vaut d'être
pris pour un acrobate, peur un clown. Peu
importe. Puissé-je avoir l'âme aussi bien
faite que ces saltimbanques ont le corps.
Jean COCTEAU.
wvvuw –-–
LE THÉATRE -
aux Nouvelles Littéraires
-"1\-
Nous avons le plaisir d'annoncer à nos
lecteurs qu'ils pourront lire dès la se-
conde semaine de novembre, et tous les sa-
medis, un feuilleton de critique dramati-
que qui sera tenu par notre éminent col-
laborateur M. Fernand Gregh.
Indépendamment de cette critique, ils
trouveront comme précédemment la chro-
nique de M. Maurice Boissard et le feuil-
leton sur le théâtre étranger de M. Lugrié-
Poé.
D'autr.3 part, et d'une façon régulière,
nous publierons Les Entretiens dramati-
ques de J. Kessel avec les auteurs, les ar-
tistes et les directeurs de théâtre dont l'ac-
tivité ne doit pas échapper à nos lecteurs,
ainsi que des études et chroniques sur le
théâtre de MM. Claude Berton, Claude Ro-
ger-Marx, Gaston Rageot et Jacques Po-
rel.
En quatrième page :
Une conférence inédite de
PAUL VERLAINE.
Lire en-deuxième page : Les Lettres Fran-
çaise;, par Benjamin Crémieux.
En troisième page y Lqùréole de Joubert,
par 1.J. Brousson. <
En quatrième page : La CKronique artis-
tique, d'Edmond Jaloux ; L'Art Mélanicn,
par Florent Fels.
En cinquième page : Chez M. Fabre, admi.
nistrateur de la Comédie-Française, par J.
Keasei. -
-
OPINIONS JET PORTRAITS
EDMOND JALOUX
Q co 0
J'aime beaucoup 3e Palais-Royal et nous
connaissons tous un grand nombre d'ar-
tistes, d'écrivains, qui ont rêvé d'y habiter,
car c'est, au cœur de Paris, le quartier où
se réfugie le 'silence, chassé par les autobus
de toutes les rues de la ville. Oasis pour les
familles des rues de Valois et de Montpen-
sier, pour d'autres, jardin secret, balcons
gracieux et réguliers, boutiques et cham-
bres meublées, tout s'y mêle avec complai-
sance. On fait ici la barbe aussi bien que
l'amour, on vous tire le portrait et les car-
tes au besoin, tout cela donne au décor un
(Plwto Henri Martinie.)
air intime à la fois et populaire. Sous les
arcades, vous êtes à Milan, Stendhal vous
accompagne : poussez une pointe jusqu'à
1ceœs"'Ml.
là parti, les nègres déjà vous attendent t La
nuit est si bien enfermée dans le jardin du
Palais-Roval et avec une telle autorité par
les gardiens qu'elle n'a pas à broncher et
qu'à peine l'entend-on - rôder autour de
Victor Hugo qui. dort, les yeux ouverts,
dans un vaste encrier. Les chaises, dès le
soir/sont faites prisonnières aussi et l'om-
bre de Camille Desmou,liiis- doit perdre tout
espoir d'en délivrer, au moins une, de ses
chaînes pour grimper sur, elle et haran-
guer.. les étoiles: De temps en temps,- les
tragédiens du Tliéâtre Français s'essayent
à des vocalises, se croyant soudain dans
une foret ou à TOpéra-Comique, mais c'est
assez*- ràre 'Hélas! les appartements du Pa-
lais-Royal sont bien inconfortables. Quand
on veut avoir le téléphone, ou" plus modes-
tement; l'électricité, il faut convoquer un
architecte, qui se - demande toujours si la
maison.. posé le premier piton, ne va pas
s'écrouler comme un livre de M. Doumic, et
il n'y. a pas bien longtemps. les locataires
étaient obligés de déposer, chaque matin,
chez leur concierge, la chaise percée dont
ils devaient se satisfaire. Edmond Jaloux
habite le Palais-Royal depuis mil neuf cent
quatorze: auparavant, il avait, vécu a. Mar-
seille. n'ayant à Paris qu'un pied-à-terre.
Pour arriver jusqu'à lui, il faut prendre un
escalier fort tourmenté et passer devant la
permanence du Comité radical. La Perma-
nence? Oui, c'est là que Caillaux envoi*
toujours en retenue ses amis.
Mais vous êtes au quatrième. C'est un
scaphandrier qui vous accueille, - dans un
bruit de volière. Jaloux, avec ses lunettes
d'écaillé, vient de remonter à la surface,
couvert de pensées, après une longue plon-
gée dans les profondeurs de la mer. Edmond
Jaloux qui, à force de voir partir des ba-
teaux, a pris le goût de l'exotisme,
f a, pour les meubles chinois, de la
prédilection; mais comment fait-il pour
écrire dans cet appartement. On ne peut
pas glisser une jambe sous sa table! Et
on dirait que ce bureau chinois, baroque et
vert, enfle comme la grenouille; quand je
le regarde, j'ai toujours peur de le voir
éclater. Je ne peux pas croire que Jaloux
se contente de cette table ; comment
écrire tant de romans, tant de feuilletons
critiques, tant de chroniques, là-dessus? La
production de cet écrivain dépasse l'imagi-
nation. Il fait toujours trois ou quatre livres
à la fois, il en traduit à peu près autant, il
en lit bien davantage, et il court les expo-
sitions! Je me suis laissé dire qu'il compose
des. romans, aussi sagement, sur un banc,
dans les gares, au milieu de la foule, en at-
tendant les correspondances. Il n'a jamais
l'àir pressé, et il semble défendu par une
:Sog$&.
- Les lettres qu'envoient les écrivains à
leurs très jeunes admirateurs ont toujours
une influence considérable. J'en connais qui
ont envoyé leurs premiers vers à Michel
Zamacoïs et qui en ont reçu des félicita-
tions, ça ne pardonne pas. A onze ans, j'avais
déjà reçu un autographe (si l'on peut dire)
de Paul Fort: je ne courais pas de bien
grands risques. A quatorze ans, Jaloux pou-
vait lire une lettre enthousiaste de Mallarmé ;
ces sortes de satisfactions puériles comptent
datis la vie d'un homme de lettres, et c'est
pourquoi il débuta, en 1896, par un volume
de vers, Nimbes d'Automne, qu'il publia à
Marseille. Comme André Gide. y passait
justement avant de s'embarquer pour l'Al-
gérie, c'était un peu avant Paludes, il en-
tra chez un libraire où il découvrit les vers
symbolistes de Jaloux dont quelques-uns lui
étaient dédiés. Il demanda l'adresse de leur
auteur qu'il alla voir sur-le-champ. Vous
pensez si le jeune Jaloux se montra stupé-
fait de cette aventure féerique! La féerie
a toujours joué un rôle dans ses œuvres.
Et on devine l'attirance qu'exercent sur son
esprit les comédies de Shakespeare. Jaloux
a un humour assez particulier, aussi sage
que son sérieux, et on le sent en réaction
Constante contre la réalité commune
:",¡+QúêÍqilès-UtlS de ses romans sont prdsé-
yment. des comédies féeriques, Fumées dans
lu Campagne,. par exemple, et, plus récem-
ment, L'Escalier d'Or. D'une manière gé-
nérale, tous ses personnages sont des êtres
d'exception et de choix. L'esprit d'Edmond
Jaloux atteint, en ce moment, une maturité
d'une richesse extraordinaire. On put
croire assez longtemps que ce roman-
cier, qui sô dissimulait sous un masque fri-
vole, trop soucieux du décor et du
symbole facile, ne pourrait donner aux émo-
tions sentimentales et aux émotions intel-
lectuelles l'expression et la grandeur qui sa-
tisfont. Mais aujourd'hui, nous nous trou-
vons en présence d'un écrivain qui a re-
jeté complètement les influences symbolis-
tes et abandonné la molie allure de ses pre-
miers ouvrages. Les moralistes français, ies
tragédies grecques. les grands romanciers
russes, anglais, voilà le fond de son esprit.
Quand on a fréquenté Jaloux, on pense
bien que les grands événements de sa vie
ont été les lectures qu'il a faites. C'est,
avant tout, un homme de lettres penché sur
les racines secrètes de la vie. Il ne copie
pas. Il recrée et retrouve les lois profon-
des.
L'être humain, Jaloux le démonte au-
1 -
jourd'hui avec précision. C'est ainsi qu'il ai-
me également démonter les livres et qu'il
est devenu, sans cesser pour cela d'être ro-
mancier, bien au contraire, un très lucide
critique. Méditerranéen, son goût des litté-
ratures étrangères n'est pas récent et je
me souviens avoir lu un numéro de la re-
vue que Jaloux publiait à Marseille et dont
le sommaire groupait des écrivains de tous
les pays. Le plus beau jour de sa vie n'est-
il pas celui où il termina l'Idiot? Pour une
fois, dans ce que j'avance, ne voyez point Il
de malice.
Maurice MARTIN DU GARD.
L'impôt sur les succès littéraires
-
Vous ne voulez pas vous révolter. Fort bien.
Personne ne peut vous y obliger. Connaissez
au moins les moyens légaux que vous possédez
de lutter contre le fisc.
Robert Dieudonné a énuméré, dans une de
ses rapides mais substantielles chroniques, les
frais généraux qu'un écrivain peut invoquer
en déduction de ses revenus, tant généraux
que cédulaires: frais de secrétaire ou de dac-
tylographe, bous de copie, le téléphone et la
correspondance. Il oublie le principaJ: les frais
de prospection, d'investigations, de recherches;
de voyages.
Exemples : Châteaubriant peut établir la
note de frais de ses voyages et de ses séjours
à La Brière, Dorgelès le total de ses dépenses
en pays libéré; Dorsenne, quand il reviendra
de Tahiti, pourra, s'il en rapporte un livre,
fixer le prix de son voyage avant de payer,
l'jmpôt sur les bénéfices éventuels que lui rap-
portera ce livre; Henri Béraud ne paiera, pour
La Gondole aux Faquins, qu'après avoir
défalqué les sommes que les compagnies des
wagons-lits et les hôteliers vénitiens ont exi-
gées pour qu'il se documentât sur place; Mon-
therlant, pour sa Leçon ,de football dans un
parc, mentionnera ses frais de club, d'équi-
pement, de médication, etc.
Voilà donc une presnièr; mesure dont cha-
cun fera largement son profit. Je dis' large-
ment, car je connais d'étonnantes histoires sur
les déclarations de revenu. Le. cerclé. de mes
relations s'étend parmi, les contrôleurs des con-
tributions et je n'en, ai pas rencontré, qui ne se
montrassent pleins de bonnes intentions à notre
égard. "',
Vous ne pourrez imaginer, tant qu'un spé-
cialiste ne vous aura pas donné de claires ex-,
plications; ce qu'est l'assiette de ces impôts.
Elle est vide, toutefois, pour l'Etat, et garnie
de bon beurre frais pour les paysans.
L'impôt est basé sur la valeur locative des
propriétés aux taux de 1910, époque de la der-
nière revision du cadastre! Cela vous parait-
il assez savoureux! L'impôt est perçu au do-
micile du propriétaire. C'est-à-dire que le con-
trôleur de la Madeleine impose M. X. pour
les vignes que ce monsieur possède en pays
d'Andorre, et M. Y. pour des châtaigneraies
situées en Corse, c'est-à-dire, en fin de compte,
que M. X. et M. Y. ne payent rien du tout.
En effet, le contrôleur, de Paris ne sait rien
de ce qui se passe hors de son quartier, et ses
collègues ont trop à faire pour dépouiller les
cadastres provinciaux au profit des contrôles
parisiens !
Les écrivains ne peuvent-ils se réclamer du
même principe? « Pas d'entraves à la produc-
tion.. » Ils produisent le pain de l'esprit, qui
vaut bien le pain du corps.
Maurice Barrés, Herriot, Pierre Rameil, No-
blamaire ou Morucci ont là une victoire facile
et qui leur assurerait la reconnaissance de tous
leurs confrères. Leurs collègues (je veux dire
les députés) ne résisteraient guère. Les succès
littéraires ne sont point si nombreux que
l'Etat ait beaucoup à perdre en les taxant à la
paysanne. Ce serait, pour le Trésor, un petit
saèrifice. Il faut l'exiger sans crainte d'ap-
pauvrir les finances nationales.
Ce sont les campagnes qui font les parle-
ments, dit Henri Béraud, mais ce sont les
villes qui font les révolutions.
Qui de vous la demandera, ô confrères du
PWaia-Bow. bon?
¡. Pierre BONARDL
JEAN MOREAS
-« a–1Qp-g I ms
Clarté, simplicité, concision, pureté, perfec-
tion classique ! Ces qualités éclatent chez les
deux poètes les plus représentatifs du génie
français: chez Racine et chez La Fontaine.
Elles ne sont guère moins évidentes dans
l'œuvre de Jean Moréas.
Or, Moréas n'est pas né à Château-Thierry
ou à la Ferté-Milon, en plein XVII. siècle,, niais
à Athènes, en 1856, de race autochtone. Il n'est
venu en France qu'à vingt-cinq ans, ayant dé-
jà publié en grec des poèmes, des contes, de
la critique.
Suffit-il, pour expliquer cet étrange phéno-
mène, d'alléguer la parenté. le rapport de fille
à mère. ou grand mère qui existe entre la
littérature française et la grecque?.
Voici un écrivain, en tout cas, qui n'a point
de supérieur pour la connaissance du vocabu-
laire et de la syntaxe; (et la lui a-t-on assez
reprochée de son vivant, à Moréas, cette scien-
ce patente de grammairien; l'a-t-on assez invo-
quée pour nier à ce savant les dons de l'artis-
te et la sensibilité méme !). Voici le poète mo-
derne qui se prête le mieux à ce genre de
commentaires auxquels nos classiques incitent
Le masque de Moréas
les professeurs lorsqu'il s'agit de dégager le
sens profond et subtil de notre langue et de
notre prosodie
Hvlasf carur trap. humain, homme de peu de foi,
Aux reejards éblouis d'une lumière en fête,
T" ne sauras jamais comme elle éclaire en moi,
L'ombre que celte allée au noir feuillage y
'e iiii [jette!. l
Plus vous analysez une pièce comme celle-
ci (qui est l'épilogue des Stallces). plus vous
la trouverez bonne. Moréas n'a rien écrit d'im-
parfait (1). Et il ne faut pas séparer ses
Stances du reste. Les qualités de ses derniers
vers sont plus qu'en germe dans ses recueils
de début: Les Syrtes (1884), dont l'art vise à
la discrétion et délicatesse,
C'est le Passé, c'est le Passé 1
Oui pleure lit tendresse morte.
C'est le bonheur que l'heure emporte.
Les Cantilènes (1886). malgré leur métier
volontairement martelé, barbare parfois
Les pâles filles de l'iii- 'flile
S'en vont hurlant par les chemins.
lit, dans un transport inutile.
Sur leurs seins nus crispent leurs mai",f.
Quant au Pèlerin Passionné, c'est surtout à
propos de cet ouvrage qu'on traitera l'émou-
vant poète de grammairien et rthoriqucltr, Un
bon juge, cependant, trouvera la manière
d'EllIJllC au clair visage, d'Liriphyle plus sa-
vante encore.
Tout est parfait chez Moréas, y compris
Iphigcnie, malgré son échec, que mon bon ami
Rouveyre attribue à « l'impertinence des his-
trions » qui la jouèrent, et dont je rends
responsable, plutôt, l'insuffisante culture de 1
notre âge.
Laissons le ruslre. l'immonde
hmorallf, dénier « notre Apollon le prix.
Des larmes.
Et cette prose de diamant, comme Charles
Maurras la nomme! Esquisses et Souvenirs ha-
bille du manteau de la poésie une substance
critique comme je n'en connais pas de plus ri-
che et répercutante. Bréviaire de style. bréviai-
re de méditation, rempli de pensées comme celle-
ci, où le poète se souvient d'avoir écrit:
Automne malheureux, que j'aime ton visage!
J'ai toujours été la proie de cette saison!.
Qui sait si ce Il 'est point à tort que la tris-
tesse de l'Automne a séduit mon âme! La
belle lumière épandue sur les plaines et sur
la mer, n'est-ce pas elle le véritable aspect tra-
gique de la vie ?
*
**
La nouveauté est comme à jet continu chez
Moréas. Elle s'exerce dans les Syrtes et les
Cantilènes par le canal, notamment ,2), de
Gœthe et d'Henri Heine.
Encouragée par des séjours en Allemagne
(il fut peu de temps étudiant en droit à l'Uni-
versité de Bonn), cette influence colore d'une
nuance, non pas précisément germanique, mais
rlzéllalJe. le' côté moyenâgeux fort important
dans les ouvrages susdits. Elle donne au moyen
âge de -- Moréas -- un -- accent qui est romantique,
certes, mais d'un romantisme plus naturel, plus
authentiquement gothique que ceux de La Lé-
gende des Siècles, ou d'Albertus. C'est que le
sentiment qui anime la partie-gothique des Syr-
tes et des Cantilènes a été pris à la véritable
source, puisé dans ce fleuve légendaire qui
mire les vieux burgs des burgraves, sur les ri-
ves duquel dansent les petits Elfes couronnés
de jonc
Hou! hotl! le héron ricane
Pour faire peur à la caM.
Trap! Trap/ le sorcier galope
Sur le bouc et la varlopc!.
où le Roi des aulnes agite son sceptre magi-
que, et la Lo'relei peigne ses cheveux dorés,
(1) On a vraiment l'embarras du choix avec
lui, mais encore que Moréas soit l'écrivain .c
plus digne d'être lu dans toute son œuvre. Le
Choix de Pofimes du mattrc, que M. Ernest
Raynaud vient de publier aux Editions du Mer-
cure, est rccommandable. ainsi que la préface
dont on le voit' accompagné.
(2) Je dis : notamment, car, outre les influen-
ces françaises. Moréas s'est-adressé, dansvses
poèmes de rlMmt. aux ballades écossaises, au
folklore néo-grec., sans parler de la vie pari-
sienne.
où la Mort chevauche un coursier sorti des
écuries d'Albert Durer
Et les trépassés sont pendus par la chevelure,
Sont pendus par les pieds, à la queue, à l'enco--
[lure.
C'est vers ce moyen âge légendaire et nécro-
mancien, qui tient de Faust, des Lieder. de
Heine, des contes des frères Grimm. que Mo-
réas s'est d'abord tourné. Ce qui n'empêche
pas que les Syrtes et les Cantilènes soient de
langue et de tour aussi purement français que
s'ils étaient écrits par un naturel de l'Ile-de-
France. Mais. bientôt, le poète quitte le Rhin
pour entrer en terre française. Il va aborder
notre - moyen âge à nous. 11 l'aborde, non pas en
se contentant de jeter un coup d'œit îmaginatif
sur les cathédrales, comme on l'avait fa:: en
1830, mais en scrutant les textes. 11 l'aborde,
non pas en artiste, mais en l'rlldit. Ou plutôt.
l'artiste, chez lui. va se greffer sur un savant,
sur un romaniste. La première moitié du Pt4
lerin Passionné offre un ré>unié. une quintes-
sence des poètes de langue romane, aussi bien
ceux d'oïl que ceux d'oc. Et i! était parfaite*
ment autorisé. alors. à appeler Thibaud d<
Champagne son inaitre
El le comte Thibaud n'eut pas de plainte plus
[doucé
Que les lays amoureux qui naissent sous mon
r follet
et à enchâsser, dans des strophes où la préci94
sité ne fait tort à la poésie, mai» la sert, lea
noms de ces troubadours provençaux avec qui
il rivalise eu gai savoir.
Mais l'amour du changement fut sa vertu
cardinale. Trouvères et troubadours lui sont un
pont vers Pétrarque. Il s'arrêtera ensuite à
Ronsard quelques heures, une minute à Mal-
herbe. On le sent bientôt retenu par La Fon-
taine. puis par Chénier. Alors, il retrouvera les
romantiques; il relira Hugo, Lamartine, Vi-
gny, cueillera leur miel, sautera pas dessus
Gautier et Baudelaire. les initiateurs de sa jeu-
nesse, pour trouver son aboutissement, sa dé-
finitive cristallisation avec ses Stances (1807-
1900). Les Stances, mariage de Hugo et Lamar-
tine avec Racine et La Fontaine, ouvrage après
lequel l'opposition «̃ntre le classicisme et le
romantisme n'a plus qu'une signification histo-
rique.
«
**
Cependant, tandis que le pèlerinage s'ac.
complit. une transformation radicale s'est opé-
rée chez Moréas.
X'ai-je pas troll/clli ma main.
Avec des luxures d'artiste,
Sous des chemises de batiste
.? < <'
Embaumant l'ambre e> le jasmin!
La muse sensuelle des Syrtes et celle des
Cantilènes
Bouche vaine de ses carmins
s'est spiritualisée. idéalisée. Kst-ce la fréquen.
tation des trouvères et des iroubadours. che-
valiers de l'amour platonique : « st-ce celle de
Platon, dont le poète traduira, dans Jinonc au
clair visaoe, d'entiers passages du Panauet?
Mais, après avoir changé l'amour profane pour
l'amour chaste. Moréas dira adieu à J'amour
pour ne connaître que la muse.
Car cette spiritualisation. ce rejet de la jouis-
sance sensuelle est dicté par le fanatisme poéti-
que. A son art. le poète sacrifiera une existence
mondaine qui fut ardente. 11 ne - vivra que pour
chanter, et ses intimes pourront le voir. sous
les apparences de son existence de café, sub-
sister d'une vie tout intellectuelle, tout aus-
tère. Il vivra comme une flamme, soucieux de
se consumer avec rapidité et avec force, afin
de s'élever plus vite et plus haut.:.
SaliS plus nous soucier et sans jamais des-
[cendre,
E¡',molli.)'sIJ//S-I/ùIlS! ,-,.
Mais sa substance corporelle seule s 'est éva-
nouie. et l'esprit de Moréas est l'un des corps
poétiques les plus certains et inaltérables.
Marcel COVLO.
vvwiww :
LA LITTÉRATURE FRANÇAISE
A L ÉTRANGER
Une heure
AVEC
M. MASABYK
Président de la République Tchéco-Slovaque
Par FRÉDÉRIC LEFÈVRE
+8+-
Puisque le chef d'une nation alliée qui,
en même temps qu'un homme d'état re-
marquable, est. un lettré et un philosophe,
se trouvait de passage à Paris, nous ne
pouvions manquer d'aller demander à
M. Masaryk, président de la République
Tchécoslovaque, ce qu'il pensait de la lit-,
térature française contemporaine.
M. Masaryk nous accueille avec la
plus grande simplicité mais notre ques-
tion un peu vaste semble l'effrayer :
Si nous nous promenions ensemble,
pendant une nuit étoilée, et que, mon-
trant le ciel. vous me demandiez quelles
sont les étoiles que j'aime te plus, je
vous répondrais : « Rien ne m'émeut
autant que la voûte du ciel criblée de mil-
liers d'étoiles, mais Je ciel cet un tout et
j'aime toutes les étoiles ; je 11e me sens
vraiment pas le goût de choisir:. »
J'insiste :
On n'échappe pas à un interviewer
français, monsieur le président, par une
comparaison !
-- Le président - eourit, -- je - dois - avoir cause
gagnée.
- Quand vous songez à la litlérature
française d'aujourd'hui, pt vos fami-
liers fn'ont avoué que cela arrivait souvent
quels sont les nom., qui se présentent d
volre esprit ?
Je vous répondrai donc, mais dites
bien à "O le-cteurs que mes réponses
n'ont rien de dogmatique ni de restrictif.,
Je n'ai aucune relation personnelle parmit
les jeunes écrivains français ; j'essaie
tout simplement de voir où va la France'
intellectuelle. Les écrivains qui matti<
rent le plus sont ceux qui me font révi-
ser certaines idées préconçues : quoi qtte :,
nous fassions, nous avons toujours des --,
idées préconçues ; mais l'homme qui a -
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