COMPLAINTE ! ! !
AIR de Fualdès.
I
Ecoutez, gens de Mal'seill/
Et de tout le littoral
De l'Océan
La nouvelle sans pareille !
N'ayant pu se déranger,
Mirés y reste étranger.
Il
Ce n'est ni la Joliette,
Ni ce vilain rossignol
Qu'on nomme emprunt espagnol
Que va chanter le poète !
Son sujet est plus joli
Et plus fort que l'aïoli.
III
Aussi sur la Cannebiére,
A Meillan comme au Prado,
On s'en occupera do-
Bénavant, la chose est claire ;
Et Méry, certainement,
En fera quelque roman.
IV
A coup sûr le Sémaphore
Tartinera là-dessus
Des articles bien conçus
Que, dans leur énorme amphore,
Tous les journaux de Pantin
Transvaseront un matin.
V
Mais comme la bouillabaisse
Doit être avalée à point,
Entre nous il ne faut point,
Marseillais, que je vous laisse
Trop longtemps le nez en l'air,
Ou vous diriez : Troun de l'air!
VI
Quelle est donc cette guimbarde
Et son ennuyeux refrain?
Est-ce en cor ton pèlerin,
Notre-Dame de la Garde ?
Pour sûr, ce n'est pas Autran !
J'en conviens, c'est un autre en-
VII
Fant de la muse légère
Qui vient sur un air connu,
Sous les yeux vous mettre à nu
Un charmant propriétaire
Qui d'Israël a le nom
Et, je crois, la nation.
VIII
Jugez-en : notre digne homme
Demande neuf mille francs
Par an pendant vingt-cinq ans,
(Et respectable est la somme!)
De plus que le bail promi
Sans S à monsieur Erny,
[X
Lequel est son locataire
Au bazar phénoménal
Nommé le Palais-Royal,
Quarante-huit, Cannebière,
Qui ferait, tel est son prix,
Un Marseille de Paris,
X
Si Paris, qui ne possède,
En fait de confection,
Que choses d'occasion
Où le mouche au toc succède,
Pouvait s' donner le régal
D'un pareil Palais Royal.
XI
Ça fait deux cent vingt-deux mille
Francs pour l'augmentation;
De quoi prendre en location
La future Mirèsville,
Et d'acheter le bonnet grec
De monsieur Mirès avec.
XII
Aidé d' beautés peu sévères,
A la Réserve, combien
On pourrait, par ce moyen,
Boire dans de petits verres
De grands crûs les mieux connus
De Bacchus et de Vénus!
XIII
Le Clos-Vougeot, l'Henni lage,
Le Chambertin et le Nuits,
L'Aï qui chass' les ennuis,
Le Porto des bords du Tage,
Voire le vin de Noé
Que l' père Aymès a r'trouvé.
X l V
Mais, négoeiant intègre,
Monsieur Emy ne veut pas
Se donner mille tracas,
Et travailler comme un nègre
Pour engraisser annuel-
Lement le pot d'Israël.
XV
Il n' veut pas qu' son bénéfice,
Conquis par de longs travaux
Et de plus toujours nouveaux,
S'en aille en feux d'artifice
Et s' réduise à deux papiers,
Deux quittances de loyers.
XVI -
Aussi quoiqu' sa clientèle
Sur les fleurs guide son char,
Voyez, triomphateur char-
Gé de succès, il détèle !
Et ca vaut mieux- en effet
Que d'enrayer tout à fait.
x vu
Il emport' son industrie
Chez un Vautour moins gênant,
Et, comme un autre Fernand,
Va dans une autre patrie
Pour y chercher le bonheur
En conservant son honneur.
XVIII
Un' calamité pareille
Barbouille son oppresseur —
D'une si noire noirceur
Que tout l' savon de Marseille,
Quand on veut y réfléchir,
Ne pourrait pas le blanchir.
XIX
Et pourtant la ménagère
Estime fort ce savon,
Disant de lui qu'il se fond
En une mousse légère.
Mais, comme dit Martial,
Rev'nons au Palais-Royal.
XX
Avant qu' monsieur Emy parte,
Il convoqu' les Marseillais
A de somptueux banquets
Dont la gigantesque carte
N' contient que primeurs et mets
Chéris des plus fins gourmets.
XXI
Dans ces festins de la mode
Servis en Sedan, Elbeuf,
Et ce que Lyon a d'plus neuf,
On verra, chose commode,
Chacun, sans contestation,
Avoir la part du lion.
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