Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-06-19
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11726 Nombre total de vues : 11726
Description : 19 juin 1913 19 juin 1913
Description : 1913/06/19 (A14,N71). 1913/06/19 (A14,N71).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6368156s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
ni a r< )i;zikmk anxf.i:. - N° 7i.; tE NUMERO', FRANCE ET COLONIES : 15 centimes. JEUDI 10 JUIN 1013.
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Les Annales Coloniales
JOURNAL SEMI-QUOTIDIEN
Directeurs : Marcel RUEDEL et L.-Q. TUÉBAUtT
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
34, rue du Mont-Thabor, PARIS (1er)
Adr. Télégr.: Ancolo Paris.- Code Français A. Z.– Tél. 319 31
Les Annales Coloniales ne publient que des articles inédits
LES MANUSCRITS NON INSÉRES l\E SONT PAS RENDUS
COLLABORATION POLITIQUE
Vlotor AUftAQNKUll, député du Rhône, ancien ministre, ancien gouverneur général de Madagascar ;
Hanrl AURIOL, député de la Haute-Garonne ; Henry BERVNGER, sénateur de la Guadeloupe ; Aimé IERTHOD. député du Jura ;
Raoul BRfQUET, député du Pas-de-Calais ; Hanrl SOSNIER, député de l'Indre ; Lucien CORNET, sénateur de l'Yonne ;
Félix OHAUTEMPI, député de la Savoie, délégué de la Guinée au Conseil aupérleur des Colonies ;
8. DOMBROUZE, député de la Gironde; L. MALAVIALLE, député de l'Aude j François BIHET, député de la Creuse }
Alton DALIMIER, député de Selue-et-Olse, délégué du Dahomey au Conseil supérieur des Colonies 1
Louis MARIN, député dfi Meurthe-et-Moselle ; Albert MITIN, député du Doubs ; Henri MICHEL, sénateur des Basses-Alpss ;
Oharlee HUMBERT, sénateur de la Meuse, délégué de la Nouvelle-Calédonie au Conseil supérieur des Colonies ;
Albert PEYRONNET. sénateur de l'Allier ; losoph PYTHON, député du Puy-de-Dôme ; C. PICARD, député des Vosges ;
Maurice VIOLLETTE, député d'Eure-et-Loir, rapporteur dn Budget des Colonies.
Directeurs : Marcel RUIDEL et L.-O. TBÊBADLT
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Le Décret sur la Naturalisation
en Indochine
w -
J'avoue ne rien comprendre au ré-
cent décret sur la naturalisation en In-
dochine. Certes il facilite l'accession
à la nationalité française pour tous les
indigènes qui en sont dignes et c'est
très bien, mais M. Le Myre de Vil-
ters avait mille fois raison, dans un ré-
cent entrefikt de h Dépêche, d'attirer
l'attention sur l'article 5 de ce texte
qu'il déclarait plein d'obscurités.
L'article en question débute par une
erreur de droit invraisemblable. « La
naturalisation française, y est-il dit,
est un bénéfice individuel qui ne s'é-
tend pas de plein droit au conjoint et
à descendance de l'intéressé ».
En droit français, ce n'est pas vrai.
La naturalisation s'étend au contraire
de plein droit au conjoint et aux en-
fants.
Le ministre avait sans doute le droit
d'envisager un bénéfice individuel du
genre de celui stipulé à l'article 5, mais
alors il n'avait pas le droit de dire qu'il
s'agissait là d'une naturalisation?
Et cela n'est pas une simple querelle
de mots, les conséquences sont très
graves. En effet, le code civil est pro-
mulgué en Indochine; or le nouveau
décret n'abroge pas les dispositions du
code civil relatives à la naturalisation.
Il va donc y avoir deux sortcs de na-
turalisations, une qui sera la vraie et
une qui sera la fausse. On va aggra-
ver ainsi le chaos législatif qui rend
le règne du bon plaisir si redoutable
en Indochine, parce que la plupart du
temps personne n'est capable de dire
quelle est la loi applicable.
Rédiger de cette façon un texte lé-
gislatif, c'est tout simplement du sa-
botage.
Supposons un Annamite marié et déjà
père de famille au moment de sa natu-
ralisation, pas de difficulté pour l'ap-
plication du texte. Les enfants ne se-
ront pas naturalisés.
Mais supposons au contraire un
Annamite célibataire au moment de sa
naturalisation. Il se marie ensuite et il
a des enfants. Nonobstant le décret,
les enfants seront parfaitement fondés
à soutenir qu'ils sent Français. « Com-
ment, dironls-iis, nous sommes nés
d'un père franco, c'est-à-dire d'un
homme dent le statut personnel est le
statut français, sa personne et ses
biens sent régis par le code civil. Nous
n'avons donc pas à connaître votre dé-
cret. Il est de l'essence même du ci-
toyen français de faire des Français.
Le code civil est formel. Il n'est pas
abrogé et, au surplus, c'est la loi. Vo-
tre décret est donc illégal, au moins
dans la disposition qui nous préjudi-
cie. Votre décret ne pouvait pas plus
modifier à l'égard des citoyens français
ce qu'on pourrait appeler l'ordre de
dévolution des personnes que l'ordre
de dévolution des biens, ce sont là ma-
tières qui touchent à l'ordre public. »
C'est d'autant plus étrange que le
précédent décret de iSSi déclare for-
mellement que l'indigène naturalisé est
régi ainsi que sa femme et ses enfants
par les lois civiles et politiques appli-
cables aux Français. Or, bien entendu,
le décret de 1913 ne peut pas avoir
d'effet rétroactif.
Mais encore. Le décret vaut pour
toute l'Indochine. Voici donc un Cam-
bodgien naturalisé conformément au
décret de 1913 qui épouse une Cam-
bodgienne. Que va devenir 13 femme?
D'après le décret de 1913, elle reste-
rait Cambodgienne, mais d'après la loi
cambodgienne, identique à la loi quasi
universelle, la femme perd la nationa-
lité cambodgienne pour acquérir la na-
tionalité de son mari. Ainsi jugé no-
tamment par arrêt de la Cour de
Saigon du ) janvier 1899.
Alors, qu:V.3 sera la situation de cette
femme, à laquelle la loi cambodgienne
dit: « Tu es Française », pendant que
la loi française prétend lui dire: « Tu
restes Cambodgienne. »
Que sera, au surplus, ce mariage
d'un Français avec une étrangère qui
reste étrangère? S'il n'y a pas de con-
trat de mariage, appliquera-t-on les rè-
gles de la communauté légale? Oui,
puisqu'il s'agit du mariage d'un Fran-
çais justiciable du Code civil. Cepen-
dant la femme peut prétendre qu'elle
conserve son statut personnel.
Et ces deux époux pourront-ils di-
vorcer? Certes, puisque le mari est
Français ; mais la femme pourra soute-
nir que c'est un mariage qui n'en est
pas un, puisque le Code civil ne recon-
naît qu'une seule forme de mariage,
celle dans laquelle la femme suit la na-
tionalité de sen mari.
Je pourrais continuer ainsi long-
temps. Mais il est curieux et navrant
d'observer à quel degré, dans ce minis-
tère où à chaque instant se posent les
questions juridiques les plus délicates,
on est systématiquement ignorant du
droit et on commet sans sourciller les
gaffes les plus monumentales. Quoi
qu'il en soit, il est certain que cet arti-
cle 5 du décret de 1913 doit être abrogé
sans retard, puisqu'on ne peut pas re-
venir sur les principes posés en 18S1,
conformément au Code civil, et que,
d'autre part, ce texte est évidemment
inadmissible, puisqu'il viole les dispo-
sitions fondamentales et d'ordre public
du droit français.
Maurice VIOLL,ETTE
Député d'Eure-et-Loir,
Rapporteur du budget des
Colonies.
.40
SINECURE COLONIALE
Le ministre des Colonies a commu-
niqué aux journaux l'avis suivant :
M. Fetterer, chef du service indus-
triel et commercial en Indochine, dans
la positio/l de disponibilité depuis le
rr mai 1911, a été maintcnu, sur sa
demande, dans ladite position pour
une noue elle période d'une année, à
compter du i mai 1913.
Au moment où une campagne vigou-
reuse est menée contre les emplois inu-
tiles, nous nous demandons de quelle
utilité est. c-e service, dont le chef peut
être absent pendant trois ans.
Il suffira de signaler cet abus à notre
ami Maurice Yiollette pour qu'il ré-
clame la suppression de cette sinécure,
et pour que M. Albert Sarraut fasse
rapidement droit a sa demande.
-- -4» --
A LA RETRAITE
vwwwwwwvw
M. llodier, en permanence dans les
couloirs de la Chambre, annonce de-
puis plusieurs mois un départ immi-
nent pour la Réunion. Son prochain
embarquement serait, déclare-t-il, pour
\.::, 25 de ce mois.
Nous sommes persuadés que M. Jean
Morel ne portera pas un nouveau défi
à l'opinion républicaine en laissant
s'embarquer pour Saint-Denis un fonc-
tionnaire qui a. bénéficié d'un change-
ment de ministère, il y a quatre ans,
pour demeurer en activité, et que M.
ALbert Lebrun avait décidé, en janvier
dernier, de mettre a la retraite. Tout
lui donne droit au repos : l'âge, l'an-
cienneté des services. et les rapports
de l'inspection.
Par décret en date du 17 Jiiai 1913, ren-
du su!- la proposition du Ministre des Cu-
lonies :
Le tarif représentation compris a l'arlifts 108 du
décret du 2 mars 1U10, portant règlement
sur la solde el les accessoires du person-
nel colonial, est. modilié comme suit, en
ce <11 ̃ j cône >rne les Lieulenanls-Gouver-
neui s de l'Afrique Equaloria'le française :
1 .ieut .->;ianl-Gouverneur du Ga-
bon lLOUO
I jeulenanl-Gouvern1' du Moyen-
Congo 15.000
Lieutenant-Gouverneur de l'Ou-
baiigui-Chari-Tcli,id 16.000
Prévoyance et Education
Nous ne cesserons de répéter que
l'enseignement professionnel aux colo-
nies doit souvent s'adresser aux adultes
et leur apprendre à mieux tirer parti de
leur travail et des richesses naturelles.
Aussi classons-nous parmi les œuvres
d'éducation les tentatives encore timi-
des et isolées pour créer des sociétés
agricoles de prévoyance en Afrique oc-
cidentale.
uans la région où l'influence écono-
mique des Européens a le plus pénétré,
au Sénégal, la prospérité budgétaire et
commerciale dépend d'une culiure uni-
que, celle de l'arachide. Or, le noir est
imprévoyant: si les prix de vente sont
avantageux ou s'il éprouve un pressant
besoin d'argent, il n'hésite pas à vendre
toute sa récolte, quitte à emprunter au
moment des semailles les graines qui
lui manquent: !e prêt est consenti à un
taux usuraire.
Pour remédier à ce mal, le gouver-
neur M. de Lamothe, dès 1893, attirait
l'attention des administrateurs sur la
nécessité d'habituer les indigènes à con-
stituer des greniers de réserve pour la
semence. Des circulaires de 1902 pres-
crivirent la constitution de ces établisse-
ments dans tous les villages: elles tu-
rent appliquées plus ou moins sérieuse-
ment, suivant les tendances et l'humeur
des administrateurs..
De 1903 à 1907, les cultivateurs séné-
galais subirent de terribles famines.
L'administration leur fit, en 1905 et
1906, des avances de vivres pour une
valeur de 150.000 francs et des avances
de semences pour 600.000. Les premiè-
res ne rentrèrent pas ou presque pas,
mais les secondes purent être en grande
partie récupérées.
C'est après celic expérience que le
gouvernement général, en 1907, pres-
crivit de créer des sociétés indigènes de
prévoyance, sur le modèle inauguré en
Algérie à la suite de la loi du 14 avril
1893. Quelques-unes furent tentées,
mais toutes ne réussirent pas ; plusieurs
ont été critiquées par l'inspection des
colonies, comme suspectes de virements
et de gestion occulte.
Le décret du 29 juin 1910 est venu
fort à propos mettre un peu d'ordre et
d'uniformité au milieu de tentatives
trop individuelles. Ce décret autorise la
création dans l'Afrique occidentale fran-
çaise de sociétés indigènes de prévoyan-
ce, de secours et de prêts mutuels agri-
coles; le gouvernement général a en-
voyé, pour servir de modèle à la consti-
tution de ces sociétés, des statuts types
qui peuvent être modifiés suivant les
besoins de chaque cercle, dans toutes
les parties qui ne sont pas essentielles.
Une comptabilité sommaire, mais sui-
vie, doit ê!re tenue.
L'intérêt des prêts en argent ne doit
pas dépasser) (. par an; celui des
prêts en nature, 2,5 de la quantité
prêtée. On peut, avec l'inspection,
estimer trop élevé ce dernier taux, qui
permet à la société de doubler en quatre
ans son capital-semence. Dans les so-
ciétés similaires d'Algérie, le maximum
a été, fort sagement, arrêté à 5 I,', dans
tous les cas.
Les quelques sociétés créées ne se
sont pas toutes contentées de constituer
des réserves pour les semences. Avant
le décret de 11)10, il s'en était constitué
une au Baol pour creuser des puits des-
tinés à l'alimentation et à l'irrigation:
malheureusement, elle dépensa le plus
clair de son argent à creuser deux puits
non pour les indigènes, mais pour la
pépinière du cercle, et à construire une
habitation pour un médecin européen.
Ce n'est peut-être pas une raison pour
lancer sur toutes les sociétés analogues
une condamnation un peu sommaire,
comme l'a fait l'inspection des finances.
Il suffirait d'éviter l'emploi abusif des
fonds par l'administrateur, ce qui n'est
pas au-dessus des forces humaines.
Quant au reste, il convient de laisser les
1 organisateurs s'adapter aux besoins lo-
caux.
Peut-être même l:.ourrait-on dépasser
le stade primaire où l'on se tient encore
et créer dans le centre d'élevage qu'est
le Fouta-Djalon des sociétés d'assu-
rance mutuelle contre la mortalité du
bétail.
Nous n'en sommes pas encore là: les
sociétés à forme élémentaire, greniers
de réserve et d'ensemencement, restent
sporadiques au Sénégal; en dehors de
cette vieille colonie, rien n'a été tenté ou
presque rien. Il importe que l'initiative
prise si heureusement par le gouver-
neur général porte ses fruits partout: il
faut aussi que les expériences tentées
en d'autres possessions, surtout en Al-
gérie, soient connues et propagées:
c'est seulement en 1907 qu'on s'est
avisé d'y chercher des modèles, alors
qu'on tàtonnait depuis 1893.
Nous pensons même que les plus
simples de nos organisations agricoles
pourraient être étudiées et leurs prin-
cipes adoptés en Afrique occidentale
française.
C'est une part fort intéressante de
notre action éducative et sociale.
Albert MÉTIN
Député du Doubs.
AU SENAT
T.e Sénat a été saisi dans sa dernière
séance, par le Gouvernement, du 'projet
de loi relatif aux inoidilicalions du tarif
douanier colonial. Le renvoi à la commis-
sion a été ordonné.
UNE COMMISSION
DES AFFAIRES EXTERIEURES
vvvvvwvwwww
La Commission sénatoriale chargée
d'examiner différentes propositions sur la
nomination d'une commission permanente
des affaires extérieures s'est réunie sous
da présidence de M. lkeruis,
M. Decrais, après avoir offert sa dé-
mission de président, étant en désaccord
avec la majorité de la connuission sur
l'opportunité d? la création d'une conmiis-
_"iOll permanente des affaires extérieures,
a été maintenu président à l'unanimité.
M. Guillaume Chastenet, auteur de la
proposition retenue en faveur de la créa-
tion de la commission sénatorial*' des af-
faires extérieures, a été alors chargé de
rédiger le rapport dans un sens favorable.
VOTE PLATONIQUE
----
Pour l:i nlllO fois, lesfinancières de l'Algérie ont voté le
principe du rachat, du réseau île lloiw-
Guelma et en même temps décid0
J'annunce de la construction d'un ré-
seau d'Etat dans le département de
Constantine.
M'ais l'Algérie n'a pas le premier sou
pour réaliser cette gigantesque entre-
prise et compte faire appel au crédit
de la Mère-Patrie a cet effet.
Elle devrait savoir, et M. Ch.. Lu-
taud n'a certainement pas manqué à
son devoir en le lui rappelant que
le Ministère des Travaux publics ne
tolérera pas l'exécution de projets aussi
légèrement conçus, et qui vont à l'en-
contre de la volonté expresse du Par-
lement.
Les ANNALES COT.ONUI.ES publieront ven-
dredi les articles de MM. Victor .\CGM;\El'H,
député d\i Rhône ; Lucien CORNET, sénateur
de rYonne, et Henri MICHEL, sénateur des
Basses-Alpes,
A propos d'un Décret
La Réorganisation de la Justice en A. E. F.
par Joseph PYTHON, député du Puy-de-Dôme.
IL -- Justice indiijène.
La justice indigène, en Afrique Equa-
toriale française, n'est pas rendue par
des juges de carrière, par des magis-
trats professionnels. A l'exception, en
effet, de la Cour d'appel et de la juri-
diction de contrôle appelée « Chambre
d'homologation », les tribunaux indi-
gènes sont présidés par l'Administra-
teur, l'officier ou le fonctionnaire
commandant la circonscription admi-
nistrative au chef-lieu de laquelle ils
sont institués. Le président est assisté
de deux assesseurs, dont un Européen
citoyen français ce qui semblerait
exclure les citoyens originaires des co-
lonies et un indigène.A défaut d'Eu-
ropéen, les deux assesseurs sont indi-
gènes. Il n'existe, en principe, qu'un
seul tribunal par circonscription. Tou-
tefois, suivant les besoins, il peut en
être créé par arrêté du Gouverneur
général, au chef-lieu des subdivisions.
Cette organisation des tribunaux in-
digènes rappelle, notamment, celle
qui existe à Madagascar. Une différen-
ce importante, toutefois, est à signa-
ler. Alors qu'à Madagascar, il existe,
dans chaque province, deux degrés de
juridiction indigène : le tribunal du
premier degré, siégeant au chef-lieu
de district, et celui du second degré,
établi au chef-lieu de la province, le
décret qui nous occupe ne crée, dans
chaque circonscription administrative,
qu'une seule espèce de tribunaux, con-
naissant, au point de vue civil et com-
mercial, en premier et dernier ressort,
« de tous les litiges dont ils sont saisis
par les individus non justiciables des
tribunaux français » et en matière
répressive de tous les crimes et dé-
lits commis par des indigènes au préju-
dice d'indigènes ou assimilés, ainsi
que ceux commis contre l'ordre public,
l'Etat, la colonie ou une administra-
I tion publique.
Les fonctions judiciaires se trouvent
donc, on le voit, dévolues en grande
partie au personnel administratif de la
Colonie. Tout a été dit, je pense, et
depuis 1,ongtemps,sur les inconvénients
de ce système. La confusion dans les
mêmes mains du pouvoir administra-
tif et judiciaire, si contraire aux prin-
cipes de notre droit public, offre des
dangers que l'expérience n'a déjà,
malheureusement, fait apparaître que
trop réels. A Madagascar, où certains
administrateurs chefs de province sont,
en outre, juges de paix, présidents du
tribunal correctionnel et juges d'ins-
truction, il ne se passe guère de mois
sans qu'une protestation s'élève d £
quelque coin de 1 île contre la manière
dont ces fonctionnaires rendent la jus-
tice, soit au point de vue français, soit
au point de vue indigène. C'est un con-
cert de critiques à peu près ininterrom-
pu. Elles sont, quelquefois, fondées, il
faut le reconnaître. Les fonctions judi-
ciaires exigent une préparation spécia-
le, tant pratique que théorique, qu'un
commandant de cercle, un adminis-
trateur n'a pas le plus souvent reçue.
Il y a même, en quelque sorte, entre
la besogne du juge et celle de l'admi-
nistrateur, une incompatibilité réelle,
une véritable antinomie. Ce dernier
doit faire montre surtout d'initiative et
d'activité, de rapidité dans la décision
et d'énergie dans l'exécution. Le juge,
au contraire, a besoin principalement
d'un jugement droit et d'un esprit pon-
déré. Alors que, la plupart du temps,
l'administrateur peut, sans dommage,
aller vite en besogne, et n'est pas tenu
de tout approfondir, le juge, au con-
traire, doit étudier dans tous leurs dé-
tails, les affaires qui lui sont confiées,
s'entourer de tous les renseignements
possibles, se garder de toute hâte dan-
gereuse et n'agir qu'avec prudence.
L'idéal serait donc, à n'en pas dou-
ter, que, dans toutes les colonies, ain-
si que dans la métropole, la justice fût
exclusivement confiée à des magistrats
de carrière. Exception faite des ancien-
nes colonies, on n'a pu, jusqu'ici, réa-
liser cette réforme qu'en Indochine.
C'est qu'il serait bien difficile, à l'heu-
re actuelle, de l'étendre aux colonies
telles que Madagascar et le Congo. Des
nécessités d'ordre budgétaire, politi-
que et administratif s'y opposent. Une
réforme de ce genre, au surplus, serait
sans doute prématurée dans des pays
où la civilisation est encore trop peu
avancée, et où la mentalité indigène
est encore si éloignée de la nôtre. Il
faut bien le reconnaître : d'une façon
générale il y a de nombreuses ex-
ceptions les administrateurs en ser-
vice depuis longtemps dans une colo-
nie connaissent mieux l'indigène, ses
idées, ses croyances et ses coutumes,
que les magistrats, courant le monde,
d'une colonie à l'autre.
L'organisation actuelle des tribunaux
indigènes en A. E. F. semble donc la
mieux appropriée à l'état du pays, la
plus efficace et la plus pratique. Alors
qu'à Madagascar il est permis, dès à
présent, d'envisager une réforme qui
aurait pour effet de ne confier l'exerci-
ce de la Justice qu'à des juges de car-
rière, l'organisation simplifiée et plus
souple créée pour le Congo par le dé-
cret du 16 avril semble devoir, pen-
dant de longues années encore, répon-
dre aux besoins de cette colonie et
rendre - - les meilleurs services.
Une grande partie des dangers éven-
tuels résultant de la réunion dans les
mêmes mains d'attributions adminis-
tratives et judiciaires se trouve, d'ail-
leurs, écartée par la création de la
Chambre d'homologation, telle qu'elle
est réglementée par les articles 55 et
99 du décret. Cette Chambre, compo-
sée des membres de la Cour d'appel et
de deux fonctionnaires désignés par le
Gouverneur général, assistée d'un
membre du Ministère public et d'un
grffier, a pour mission de contrôler
les décisions rendues par les tribunaux
indigènes en matière répressive. Celles
de ces décisions qui prononcent une
peine supérieure à deux ans d'empri-
sonnement lui sont obligatoirement dé-
férées par le procureur général. Les
condamnations n'excédant pas deux
ans d'emprisonnement, ainsi que les
décisions d'acquittement, bien que pro-
noncées en dernier ressort et défini-
tives, peuvent lui être soumises d'offi-
ce par le chef du service judiciaire qui
peut en demander l'annulation.
Cette juridiction, dont le siège est à
Brazzaville, exerce donc, sur toutes
les décisions émanant des tribunaux in-
digènes, un contrôle permanent, ins-
taure, dans la jurisprudence, une fixi-
té indispensable, corrige les erreurs et
les excès et prévient les abus. La
Chambre d'homologation a, en effet,
des pouvoirs très étendus. Elle peut
ordonner tous les compléments d'infor-
mation qui lui paraissent nécessaires
et y faire procéder par le Président du
tribunal indigène. Quand elle annule,
elle indique, en renvoyant l'affaire de-
vant le tribunal qui en a connu: les
points insuffisamment établis ou recon-
nus erronés sur lesquels doit porter le
nouvel examen du tribunal indigène.
Au cas où elle aurait à annuler de nou-
veau, elle évoque l'affaire et statue au
fond. Elle doit alors appliquer les lois
et coutumes locales en ce qu'elles n'ont
pas de contraire aux principes de la ci-
vilisation française, et possède, dans
ce cas, la plénitude de juridiction. La
, ..-r
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ters avait mille fois raison, dans un ré-
cent entrefikt de h Dépêche, d'attirer
l'attention sur l'article 5 de ce texte
qu'il déclarait plein d'obscurités.
L'article en question débute par une
erreur de droit invraisemblable. « La
naturalisation française, y est-il dit,
est un bénéfice individuel qui ne s'é-
tend pas de plein droit au conjoint et
à descendance de l'intéressé ».
En droit français, ce n'est pas vrai.
La naturalisation s'étend au contraire
de plein droit au conjoint et aux en-
fants.
Le ministre avait sans doute le droit
d'envisager un bénéfice individuel du
genre de celui stipulé à l'article 5, mais
alors il n'avait pas le droit de dire qu'il
s'agissait là d'une naturalisation?
Et cela n'est pas une simple querelle
de mots, les conséquences sont très
graves. En effet, le code civil est pro-
mulgué en Indochine; or le nouveau
décret n'abroge pas les dispositions du
code civil relatives à la naturalisation.
Il va donc y avoir deux sortcs de na-
turalisations, une qui sera la vraie et
une qui sera la fausse. On va aggra-
ver ainsi le chaos législatif qui rend
le règne du bon plaisir si redoutable
en Indochine, parce que la plupart du
temps personne n'est capable de dire
quelle est la loi applicable.
Rédiger de cette façon un texte lé-
gislatif, c'est tout simplement du sa-
botage.
Supposons un Annamite marié et déjà
père de famille au moment de sa natu-
ralisation, pas de difficulté pour l'ap-
plication du texte. Les enfants ne se-
ront pas naturalisés.
Mais supposons au contraire un
Annamite célibataire au moment de sa
naturalisation. Il se marie ensuite et il
a des enfants. Nonobstant le décret,
les enfants seront parfaitement fondés
à soutenir qu'ils sent Français. « Com-
ment, dironls-iis, nous sommes nés
d'un père franco, c'est-à-dire d'un
homme dent le statut personnel est le
statut français, sa personne et ses
biens sent régis par le code civil. Nous
n'avons donc pas à connaître votre dé-
cret. Il est de l'essence même du ci-
toyen français de faire des Français.
Le code civil est formel. Il n'est pas
abrogé et, au surplus, c'est la loi. Vo-
tre décret est donc illégal, au moins
dans la disposition qui nous préjudi-
cie. Votre décret ne pouvait pas plus
modifier à l'égard des citoyens français
ce qu'on pourrait appeler l'ordre de
dévolution des personnes que l'ordre
de dévolution des biens, ce sont là ma-
tières qui touchent à l'ordre public. »
C'est d'autant plus étrange que le
précédent décret de iSSi déclare for-
mellement que l'indigène naturalisé est
régi ainsi que sa femme et ses enfants
par les lois civiles et politiques appli-
cables aux Français. Or, bien entendu,
le décret de 1913 ne peut pas avoir
d'effet rétroactif.
Mais encore. Le décret vaut pour
toute l'Indochine. Voici donc un Cam-
bodgien naturalisé conformément au
décret de 1913 qui épouse une Cam-
bodgienne. Que va devenir 13 femme?
D'après le décret de 1913, elle reste-
rait Cambodgienne, mais d'après la loi
cambodgienne, identique à la loi quasi
universelle, la femme perd la nationa-
lité cambodgienne pour acquérir la na-
tionalité de son mari. Ainsi jugé no-
tamment par arrêt de la Cour de
Saigon du ) janvier 1899.
Alors, qu:V.3 sera la situation de cette
femme, à laquelle la loi cambodgienne
dit: « Tu es Française », pendant que
la loi française prétend lui dire: « Tu
restes Cambodgienne. »
Que sera, au surplus, ce mariage
d'un Français avec une étrangère qui
reste étrangère? S'il n'y a pas de con-
trat de mariage, appliquera-t-on les rè-
gles de la communauté légale? Oui,
puisqu'il s'agit du mariage d'un Fran-
çais justiciable du Code civil. Cepen-
dant la femme peut prétendre qu'elle
conserve son statut personnel.
Et ces deux époux pourront-ils di-
vorcer? Certes, puisque le mari est
Français ; mais la femme pourra soute-
nir que c'est un mariage qui n'en est
pas un, puisque le Code civil ne recon-
naît qu'une seule forme de mariage,
celle dans laquelle la femme suit la na-
tionalité de sen mari.
Je pourrais continuer ainsi long-
temps. Mais il est curieux et navrant
d'observer à quel degré, dans ce minis-
tère où à chaque instant se posent les
questions juridiques les plus délicates,
on est systématiquement ignorant du
droit et on commet sans sourciller les
gaffes les plus monumentales. Quoi
qu'il en soit, il est certain que cet arti-
cle 5 du décret de 1913 doit être abrogé
sans retard, puisqu'on ne peut pas re-
venir sur les principes posés en 18S1,
conformément au Code civil, et que,
d'autre part, ce texte est évidemment
inadmissible, puisqu'il viole les dispo-
sitions fondamentales et d'ordre public
du droit français.
Maurice VIOLL,ETTE
Député d'Eure-et-Loir,
Rapporteur du budget des
Colonies.
.40
SINECURE COLONIALE
Le ministre des Colonies a commu-
niqué aux journaux l'avis suivant :
M. Fetterer, chef du service indus-
triel et commercial en Indochine, dans
la positio/l de disponibilité depuis le
rr mai 1911, a été maintcnu, sur sa
demande, dans ladite position pour
une noue elle période d'une année, à
compter du i mai 1913.
Au moment où une campagne vigou-
reuse est menée contre les emplois inu-
tiles, nous nous demandons de quelle
utilité est. c-e service, dont le chef peut
être absent pendant trois ans.
Il suffira de signaler cet abus à notre
ami Maurice Yiollette pour qu'il ré-
clame la suppression de cette sinécure,
et pour que M. Albert Sarraut fasse
rapidement droit a sa demande.
-- -4» --
A LA RETRAITE
vwwwwwwvw
M. llodier, en permanence dans les
couloirs de la Chambre, annonce de-
puis plusieurs mois un départ immi-
nent pour la Réunion. Son prochain
embarquement serait, déclare-t-il, pour
\.::, 25 de ce mois.
Nous sommes persuadés que M. Jean
Morel ne portera pas un nouveau défi
à l'opinion républicaine en laissant
s'embarquer pour Saint-Denis un fonc-
tionnaire qui a. bénéficié d'un change-
ment de ministère, il y a quatre ans,
pour demeurer en activité, et que M.
ALbert Lebrun avait décidé, en janvier
dernier, de mettre a la retraite. Tout
lui donne droit au repos : l'âge, l'an-
cienneté des services. et les rapports
de l'inspection.
Par décret en date du 17 Jiiai 1913, ren-
du su!- la proposition du Ministre des Cu-
lonies :
Le tarif
décret du 2 mars 1U10, portant règlement
sur la solde el les accessoires du person-
nel colonial, est. modilié comme suit, en
ce <11 ̃ j cône >rne les Lieulenanls-Gouver-
neui s de l'Afrique Equaloria'le française :
1 .ieut .->;ianl-Gouverneur du Ga-
bon lLOUO
I jeulenanl-Gouvern1' du Moyen-
Congo 15.000
Lieutenant-Gouverneur de l'Ou-
baiigui-Chari-Tcli,id 16.000
Prévoyance et Education
Nous ne cesserons de répéter que
l'enseignement professionnel aux colo-
nies doit souvent s'adresser aux adultes
et leur apprendre à mieux tirer parti de
leur travail et des richesses naturelles.
Aussi classons-nous parmi les œuvres
d'éducation les tentatives encore timi-
des et isolées pour créer des sociétés
agricoles de prévoyance en Afrique oc-
cidentale.
uans la région où l'influence écono-
mique des Européens a le plus pénétré,
au Sénégal, la prospérité budgétaire et
commerciale dépend d'une culiure uni-
que, celle de l'arachide. Or, le noir est
imprévoyant: si les prix de vente sont
avantageux ou s'il éprouve un pressant
besoin d'argent, il n'hésite pas à vendre
toute sa récolte, quitte à emprunter au
moment des semailles les graines qui
lui manquent: !e prêt est consenti à un
taux usuraire.
Pour remédier à ce mal, le gouver-
neur M. de Lamothe, dès 1893, attirait
l'attention des administrateurs sur la
nécessité d'habituer les indigènes à con-
stituer des greniers de réserve pour la
semence. Des circulaires de 1902 pres-
crivirent la constitution de ces établisse-
ments dans tous les villages: elles tu-
rent appliquées plus ou moins sérieuse-
ment, suivant les tendances et l'humeur
des administrateurs..
De 1903 à 1907, les cultivateurs séné-
galais subirent de terribles famines.
L'administration leur fit, en 1905 et
1906, des avances de vivres pour une
valeur de 150.000 francs et des avances
de semences pour 600.000. Les premiè-
res ne rentrèrent pas ou presque pas,
mais les secondes purent être en grande
partie récupérées.
C'est après celic expérience que le
gouvernement général, en 1907, pres-
crivit de créer des sociétés indigènes de
prévoyance, sur le modèle inauguré en
Algérie à la suite de la loi du 14 avril
1893. Quelques-unes furent tentées,
mais toutes ne réussirent pas ; plusieurs
ont été critiquées par l'inspection des
colonies, comme suspectes de virements
et de gestion occulte.
Le décret du 29 juin 1910 est venu
fort à propos mettre un peu d'ordre et
d'uniformité au milieu de tentatives
trop individuelles. Ce décret autorise la
création dans l'Afrique occidentale fran-
çaise de sociétés indigènes de prévoyan-
ce, de secours et de prêts mutuels agri-
coles; le gouvernement général a en-
voyé, pour servir de modèle à la consti-
tution de ces sociétés, des statuts types
qui peuvent être modifiés suivant les
besoins de chaque cercle, dans toutes
les parties qui ne sont pas essentielles.
Une comptabilité sommaire, mais sui-
vie, doit ê!re tenue.
L'intérêt des prêts en argent ne doit
pas dépasser) (. par an; celui des
prêts en nature, 2,5 de la quantité
prêtée. On peut, avec l'inspection,
estimer trop élevé ce dernier taux, qui
permet à la société de doubler en quatre
ans son capital-semence. Dans les so-
ciétés similaires d'Algérie, le maximum
a été, fort sagement, arrêté à 5 I,', dans
tous les cas.
Les quelques sociétés créées ne se
sont pas toutes contentées de constituer
des réserves pour les semences. Avant
le décret de 11)10, il s'en était constitué
une au Baol pour creuser des puits des-
tinés à l'alimentation et à l'irrigation:
malheureusement, elle dépensa le plus
clair de son argent à creuser deux puits
non pour les indigènes, mais pour la
pépinière du cercle, et à construire une
habitation pour un médecin européen.
Ce n'est peut-être pas une raison pour
lancer sur toutes les sociétés analogues
une condamnation un peu sommaire,
comme l'a fait l'inspection des finances.
Il suffirait d'éviter l'emploi abusif des
fonds par l'administrateur, ce qui n'est
pas au-dessus des forces humaines.
Quant au reste, il convient de laisser les
1 organisateurs s'adapter aux besoins lo-
caux.
Peut-être même l:.ourrait-on dépasser
le stade primaire où l'on se tient encore
et créer dans le centre d'élevage qu'est
le Fouta-Djalon des sociétés d'assu-
rance mutuelle contre la mortalité du
bétail.
Nous n'en sommes pas encore là: les
sociétés à forme élémentaire, greniers
de réserve et d'ensemencement, restent
sporadiques au Sénégal; en dehors de
cette vieille colonie, rien n'a été tenté ou
presque rien. Il importe que l'initiative
prise si heureusement par le gouver-
neur général porte ses fruits partout: il
faut aussi que les expériences tentées
en d'autres possessions, surtout en Al-
gérie, soient connues et propagées:
c'est seulement en 1907 qu'on s'est
avisé d'y chercher des modèles, alors
qu'on tàtonnait depuis 1893.
Nous pensons même que les plus
simples de nos organisations agricoles
pourraient être étudiées et leurs prin-
cipes adoptés en Afrique occidentale
française.
C'est une part fort intéressante de
notre action éducative et sociale.
Albert MÉTIN
Député du Doubs.
AU SENAT
T.e Sénat a été saisi dans sa dernière
séance, par le Gouvernement, du 'projet
de loi relatif aux inoidilicalions du tarif
douanier colonial. Le renvoi à la commis-
sion a été ordonné.
UNE COMMISSION
DES AFFAIRES EXTERIEURES
vvvvvwvwwww
La Commission sénatoriale chargée
d'examiner différentes propositions sur la
nomination d'une commission permanente
des affaires extérieures s'est réunie sous
da présidence de M. lkeruis,
M. Decrais, après avoir offert sa dé-
mission de président, étant en désaccord
avec la majorité de la connuission sur
l'opportunité d? la création d'une conmiis-
_"iOll permanente des affaires extérieures,
a été maintenu président à l'unanimité.
M. Guillaume Chastenet, auteur de la
proposition retenue en faveur de la créa-
tion de la commission sénatorial*' des af-
faires extérieures, a été alors chargé de
rédiger le rapport dans un sens favorable.
VOTE PLATONIQUE
----
Pour l:i nlllO fois, les
principe du rachat, du réseau île lloiw-
Guelma et en même temps décid0
J'annunce de la construction d'un ré-
seau d'Etat dans le département de
Constantine.
M'ais l'Algérie n'a pas le premier sou
pour réaliser cette gigantesque entre-
prise et compte faire appel au crédit
de la Mère-Patrie a cet effet.
Elle devrait savoir, et M. Ch.. Lu-
taud n'a certainement pas manqué à
son devoir en le lui rappelant que
le Ministère des Travaux publics ne
tolérera pas l'exécution de projets aussi
légèrement conçus, et qui vont à l'en-
contre de la volonté expresse du Par-
lement.
Les ANNALES COT.ONUI.ES publieront ven-
dredi les articles de MM. Victor .\CGM;\El'H,
député d\i Rhône ; Lucien CORNET, sénateur
de rYonne, et Henri MICHEL, sénateur des
Basses-Alpes,
A propos d'un Décret
La Réorganisation de la Justice en A. E. F.
par Joseph PYTHON, député du Puy-de-Dôme.
IL -- Justice indiijène.
La justice indigène, en Afrique Equa-
toriale française, n'est pas rendue par
des juges de carrière, par des magis-
trats professionnels. A l'exception, en
effet, de la Cour d'appel et de la juri-
diction de contrôle appelée « Chambre
d'homologation », les tribunaux indi-
gènes sont présidés par l'Administra-
teur, l'officier ou le fonctionnaire
commandant la circonscription admi-
nistrative au chef-lieu de laquelle ils
sont institués. Le président est assisté
de deux assesseurs, dont un Européen
citoyen français ce qui semblerait
exclure les citoyens originaires des co-
lonies et un indigène.A défaut d'Eu-
ropéen, les deux assesseurs sont indi-
gènes. Il n'existe, en principe, qu'un
seul tribunal par circonscription. Tou-
tefois, suivant les besoins, il peut en
être créé par arrêté du Gouverneur
général, au chef-lieu des subdivisions.
Cette organisation des tribunaux in-
digènes rappelle, notamment, celle
qui existe à Madagascar. Une différen-
ce importante, toutefois, est à signa-
ler. Alors qu'à Madagascar, il existe,
dans chaque province, deux degrés de
juridiction indigène : le tribunal du
premier degré, siégeant au chef-lieu
de district, et celui du second degré,
établi au chef-lieu de la province, le
décret qui nous occupe ne crée, dans
chaque circonscription administrative,
qu'une seule espèce de tribunaux, con-
naissant, au point de vue civil et com-
mercial, en premier et dernier ressort,
« de tous les litiges dont ils sont saisis
par les individus non justiciables des
tribunaux français » et en matière
répressive de tous les crimes et dé-
lits commis par des indigènes au préju-
dice d'indigènes ou assimilés, ainsi
que ceux commis contre l'ordre public,
l'Etat, la colonie ou une administra-
I tion publique.
Les fonctions judiciaires se trouvent
donc, on le voit, dévolues en grande
partie au personnel administratif de la
Colonie. Tout a été dit, je pense, et
depuis 1,ongtemps,sur les inconvénients
de ce système. La confusion dans les
mêmes mains du pouvoir administra-
tif et judiciaire, si contraire aux prin-
cipes de notre droit public, offre des
dangers que l'expérience n'a déjà,
malheureusement, fait apparaître que
trop réels. A Madagascar, où certains
administrateurs chefs de province sont,
en outre, juges de paix, présidents du
tribunal correctionnel et juges d'ins-
truction, il ne se passe guère de mois
sans qu'une protestation s'élève d £
quelque coin de 1 île contre la manière
dont ces fonctionnaires rendent la jus-
tice, soit au point de vue français, soit
au point de vue indigène. C'est un con-
cert de critiques à peu près ininterrom-
pu. Elles sont, quelquefois, fondées, il
faut le reconnaître. Les fonctions judi-
ciaires exigent une préparation spécia-
le, tant pratique que théorique, qu'un
commandant de cercle, un adminis-
trateur n'a pas le plus souvent reçue.
Il y a même, en quelque sorte, entre
la besogne du juge et celle de l'admi-
nistrateur, une incompatibilité réelle,
une véritable antinomie. Ce dernier
doit faire montre surtout d'initiative et
d'activité, de rapidité dans la décision
et d'énergie dans l'exécution. Le juge,
au contraire, a besoin principalement
d'un jugement droit et d'un esprit pon-
déré. Alors que, la plupart du temps,
l'administrateur peut, sans dommage,
aller vite en besogne, et n'est pas tenu
de tout approfondir, le juge, au con-
traire, doit étudier dans tous leurs dé-
tails, les affaires qui lui sont confiées,
s'entourer de tous les renseignements
possibles, se garder de toute hâte dan-
gereuse et n'agir qu'avec prudence.
L'idéal serait donc, à n'en pas dou-
ter, que, dans toutes les colonies, ain-
si que dans la métropole, la justice fût
exclusivement confiée à des magistrats
de carrière. Exception faite des ancien-
nes colonies, on n'a pu, jusqu'ici, réa-
liser cette réforme qu'en Indochine.
C'est qu'il serait bien difficile, à l'heu-
re actuelle, de l'étendre aux colonies
telles que Madagascar et le Congo. Des
nécessités d'ordre budgétaire, politi-
que et administratif s'y opposent. Une
réforme de ce genre, au surplus, serait
sans doute prématurée dans des pays
où la civilisation est encore trop peu
avancée, et où la mentalité indigène
est encore si éloignée de la nôtre. Il
faut bien le reconnaître : d'une façon
générale il y a de nombreuses ex-
ceptions les administrateurs en ser-
vice depuis longtemps dans une colo-
nie connaissent mieux l'indigène, ses
idées, ses croyances et ses coutumes,
que les magistrats, courant le monde,
d'une colonie à l'autre.
L'organisation actuelle des tribunaux
indigènes en A. E. F. semble donc la
mieux appropriée à l'état du pays, la
plus efficace et la plus pratique. Alors
qu'à Madagascar il est permis, dès à
présent, d'envisager une réforme qui
aurait pour effet de ne confier l'exerci-
ce de la Justice qu'à des juges de car-
rière, l'organisation simplifiée et plus
souple créée pour le Congo par le dé-
cret du 16 avril semble devoir, pen-
dant de longues années encore, répon-
dre aux besoins de cette colonie et
rendre - - les meilleurs services.
Une grande partie des dangers éven-
tuels résultant de la réunion dans les
mêmes mains d'attributions adminis-
tratives et judiciaires se trouve, d'ail-
leurs, écartée par la création de la
Chambre d'homologation, telle qu'elle
est réglementée par les articles 55 et
99 du décret. Cette Chambre, compo-
sée des membres de la Cour d'appel et
de deux fonctionnaires désignés par le
Gouverneur général, assistée d'un
membre du Ministère public et d'un
grffier, a pour mission de contrôler
les décisions rendues par les tribunaux
indigènes en matière répressive. Celles
de ces décisions qui prononcent une
peine supérieure à deux ans d'empri-
sonnement lui sont obligatoirement dé-
férées par le procureur général. Les
condamnations n'excédant pas deux
ans d'emprisonnement, ainsi que les
décisions d'acquittement, bien que pro-
noncées en dernier ressort et défini-
tives, peuvent lui être soumises d'offi-
ce par le chef du service judiciaire qui
peut en demander l'annulation.
Cette juridiction, dont le siège est à
Brazzaville, exerce donc, sur toutes
les décisions émanant des tribunaux in-
digènes, un contrôle permanent, ins-
taure, dans la jurisprudence, une fixi-
té indispensable, corrige les erreurs et
les excès et prévient les abus. La
Chambre d'homologation a, en effet,
des pouvoirs très étendus. Elle peut
ordonner tous les compléments d'infor-
mation qui lui paraissent nécessaires
et y faire procéder par le Président du
tribunal indigène. Quand elle annule,
elle indique, en renvoyant l'affaire de-
vant le tribunal qui en a connu: les
points insuffisamment établis ou recon-
nus erronés sur lesquels doit porter le
nouvel examen du tribunal indigène.
Au cas où elle aurait à annuler de nou-
veau, elle évoque l'affaire et statue au
fond. Elle doit alors appliquer les lois
et coutumes locales en ce qu'elles n'ont
pas de contraire aux principes de la ci-
vilisation française, et possède, dans
ce cas, la plénitude de juridiction. La
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