Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-06-17
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11726 Nombre total de vues : 11726
Description : 17 juin 1913 17 juin 1913
Description : 1913/06/17 (A14,N70). 1913/06/17 (A14,N70).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6368155c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
QUATORZIEME ANNEE. N° 70
LE NUMERO, FRANCE ET COLONIES UN FRANC
MARDI 17 JUIN 1913
Les Annales Coloniales
JOURNAL SEMI-QUOTIDIEN
Directeurs : Marcel RUEDEL et L.-G. THÊBÀILT
* RÉDACTION ET ADMINISTRATION
34, rue du Mont-Thabor, PARIS (1er)
kdr.Télégr.; Ancolo Paris.– Code Français : A. Z.– Tél. 319-31
Les Annales Coloniales ne publient que des articles inédits
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NE SONT PAS RENDUS
COLLABORATION iPOLITIQUE de Madaguoitr
Victor AUftAttNEUR, député du Rhône, ancien ministre, ancien gouverneur général de Madagascar ;
Henri AUIlIOL, député de la Haute-Garonne ; Henry BERENGER, sénateur de la Guadeloupe ; Aimé BERTHOD, député du Jura ;
Raoul BRIQUET, député du Pas-de-Calais ; Henri OOSNIER, député de l'Indre ; Lucien CORNET, sénateur de l'Yonne ;
Félix CHAUTEMPI, député de la Savoie, délégué de la Guinée au Conseil supérieur des Colonies ;
8. BOMBROUZE, député de la Gironde; L. MALAVIALLE, député de l'Aude } François IINET. député de la Craui. t
Albart DALIMIER, député de Seine-et-Oise, délégué du Dahomey au Conseil supérieur dex Colonies 1
Louis MARIN, député d6 Meurthe-et-Moselle ; Albert METIN, député du Doubs ; Henri MICHEL, sénateur des Basses-Alpes ;
Charles HUMBERT, sénateur de la Meuse, délégué de la Nouvelle-Calédonie au Conseil supérieur des Colonies ;
Albert PEYRONNET, sénateur de l'Allier ; Joseph PYTHON, député du Puy-de-Dôme ; G. PICARD, député des Vosges a
Maurice VIOLLETTE, député d'Eure-et-Loir, rapporteur du Budget des Colonie).
Directeurs : Marcel. RUEDEL et L.=6. TRËBAULÎ
Un aD 6 ipois
Ait - I France ei Cor,-'Nïe^ ,.. 25 fr. 13 fr.
,Ollnements Af.
Monnement. s ( ETRANGER. - 35 » 20 »
O 'b ( dans tous les Bureaux de Poste
On s a oane t h n - L-b-
e c ez les prmclpaux 1 raire.
Les Annonces et Réclames sont rtvws aux Bureaux du Journal
et dans les Principales Agences de Publicité
1 0 0 0
LTnseigneiDBDt en Afrique Occidentale Française
Comment former des Élèves noirs
Que de fois de braves gens, d'une
conviction, et d'une sincérité d'autant
plus évidentes que leur ignorance de la
A l'école des filles. Au premier plan : la Maternelle
question était totale, ont dit et répété:
« Des écoles en Afrique ! Mais c'est
pure folie! Vous voulez abrutir com-
plètement de jeunes nègres par l'ensei-
gnement de la syntaxe et de l'algèbre,
auquel ils ne comprendront goutte! Et
si, par haard, ils comprennent et se
façonnent des cerveaux d'intellectuels,
au lieu d'avoir simplement perdu votre
temps, vous aurez fait dangereuse be-
sogne en semant de la graine de ré-
voltés. »
L'expérience a démontré le con-
traire. Cette manière d'envisager les
choses ne saurait être un seul instant
prise en considération. Elle n'a aucun
rapport avec la vérité.
D'abord, nos élèves noirs sont bien
loin d'avoir la facilité « d'abrutisse-
ment » qu'on leur suppose volontiers.
Ils ont de bonnes petites cervelles bien
organisées et solides, et, comme ils ap-
partiennent à des races jeunes en
ce sens que nulle culture ne les a mû-
ries on ne constate chez eux que
beaucoup de naïveté et très peu de
L'eiilrûu ell classe
dégénérescence, et ils se donnent à no-
tre enseignement avec avidité, avec
confiance, avec bonne foi.
Ensuite, comme tout ou presque tout
est à faire, comme le plus souvent nulle
influence première, hostile à la nôtre,
n'a marqué son empreinte sur leur es-
prit, il n'y a pas de lutte à entrepren-
dre pour les dresser, comme c'est le
cas, par exemple, pour nos protégés
d'Extrême-Asie.
Enfin, lorsque l'instituteur prend des
enfants dont les parents n'ont jamais
été à l'école, des adolescents qui n'ont
entendu jamais qu'un seul idiome, gé-
néralement très simple, la dernière de
ses préoccupations est de se demander
quand il pourra leur enseigner la syn-
taxe et l'algèbre!
Cela viendra peut-être dans deux ou
trois générations, quand les cerveaux
se seront formés à l'étude. Mais.actuel-
lement, bien d'autres soucis guident le
maître.
Et c'est ici que je veux répondre à
cette objection souvent faite et qui nous
reproche de former des déclassés, des
révoltés.
Nous préparons une génération de
braves gens, plus heureux que leurs
pères, tout simplement. Plus heureux,
parce que nous les aurons armés pour
la lutte, que nous leur aurons appris la
joie de l'activité et l'utilité de nos mé-
thodes.
Nous ne nous faisons cependant pas
illusion: le noir est nonchalant et ne
s'éprendra jamais du travail pour la
seule raison qu'il croira s'acquitter
d'un devoir.
Mais, lorsque nous lui aurons fait
comprendre que ses pieds seront pré-
servés des morsures des bêtes veni-
meuses et des blessures des ronces, s'il
met des souliers: qu'il se portera
mieux et que ses enfants mourront
moins, s'il habite des demeures spa-
cieuses et propres, au lieu d'étroites
cases infectes, et s'il se nourrit d'ali-
ments abondants, variés et salubres;
lorsque nous nous serons attaché les
femmes par la coquetterie et l'amour
maternel, les hommes par l'ambition et
l'intérêt, et que nous leur aurons fait
sentir que tout progrès, tout confort, se
paie, nous leur montrerons comment
les gagner.
Le noir, instruit d'une instruction
primaire dans notre langue, sera
bien plus difficilement exploité. Le noir
auquel nous aurons donné un métier
échappera à l'assujettissement des cor-
vées, cessera véritablement d'être es-
clave. Le noir auquel nous aurons ap-
pris nos méthodes de culture doublera
le rapport et la valeur de ses planta-
tions. Le noir dont nous aurons fait un
forgeron ou un menuisier ne vivra plus
dans d'immondes paillottes et em-
ploiera sa dextérité à construire à sa
famille un logis sain, confortable et
propre. Le noir, dont nous aurons fait
un mécanicien ou un ouvrier d'art, et
qui saura exactement à quel salaire il
peut prétendre, verra enfin tomber la
longue méfiance qui l'isole encore de
l'employeur blanc, et il occupera volon-
iiers des fonctions dont il connaîtra par
avance la rémunération.
Nous aurons ainsi été utiles à nos
nationaux comme à nos protégés en
fournissant aux uns le moyen de vivre
mieux, aux autres un personnel labo-
rieux, expert et honnête.
Il faut louer M. William Ponty d'a-
voir tenté un effort sérieux dans ce
sens, d'avoir enfin organisé, sous la
direction d'un chef intelligent et prati-
que, l'enseignement en A.O.F. Il n'est
pas douteux que, soutenu par le con-
cours et la bienveillance du gouverneur
général de l'A.O.F., M. G. Hardy ne
développe heureusement le champ d'ac-
tion où il a dpéré jusqu'à ce jour; qu'il
crée, à côté de l'école des pupilles mé-
caniciens et des écoles professionnelles,
d'autres écoles techniques, pratiques,
auxquelles la Colonie et aussi la Mé-
tropole seront heureuses un jour pro-
chain d'avoir recours.
HENRI COSNIER,
Député de l'Indre.
Grave problème, qui, sur le pont des
bateaux, dans les popotes, un peu par-
tout, fait l'objet de discussions pas-
sionnées.
Devons-nous instruire l'indigène?
Faut-il tenter de le rapprocher de nous
le plus possible en meublant son esprit
à l'exemple du nôtre? Mais n'et-ce pas
trop présumer de sa perfectibilité? Et
ne risque-t-on pas de préparer des gé-
nérations ds culture hâtive, toute en
surface, en prétentions? Comme pour
tous les problèmes graves, on accumule
autour de celui-là les solutions bruta-
les, les affirmations ou les négations
sans nuances. On ne se souvient pas
assez que la vérité réside à l'ordinaire
dans les moyens termes et dans les
solutions intermédiaires ; on ne tient
compte aussi que d'expériences person-
nelles ; on fonde sur des faits isolés ou
périmés des argumentations sans répli-
que ; et, parce que ces questions diffi-
elles exigeraient de la clairvoyance et
du sang-froid, on perd quelquefois, en
les abordant, toute justice et toute jus-
tesse. Aussi ne croyons-nous pas inu-
tile de donner ici des faits, de décrire
sommairement les institutions scolaires
de l'Afrique Occidentale Française et
d'indiquer quelques-unes de leurs ten-
dances.
K a y es (Suiulan.i. Krulu des fils de chefs
1. OBJET DE L'ENSEIGNEMENT
EN A. 0. F.
Dès les débuts de la conquête métho-
dique, le principe d'un enseignement
en Afrique Occidentale française fut
établi. En 1856, Faidherbe ouvrit à
Saint-Louis la première école laïque ; le
colonel Gallieni fonda ensuite celles de
Bakel, Kayes, Médine, Bafoulabé et
Bamako; le Gouvernement général a
fait le reste et l'Afrique Occidentale
française compte aujourd'hui deux cent
cinquante écoles environ, que peuplent
douze mille élèves. Nulle colonie du
groupe n'est restée à l'écart de ce puis-
sant mouvement et les plus jeunes
n'ont pas été les moins actives; à pei-
ne une région est-elle pacifiée que des
écoles s'y installent et grandissent rapi-
dement : déjà celle de Zinder, en plein
territoire militaire, promet beaucoup.
et l'école des fils de chefs de Boutili-
mit, au cœur même de la Mauritanie,
ouvre ses portes cette année même. Il
semble qu'on assiste à une conquête
nouvelle, moins bruyante que la pre-
mière, mais aussi féconde et auda-
cieuse.
Et c'est une conquête, en effet. Sans
l'école, nous pourrions obliger l'indigè-
ne à l'obéissance, mais nous resterions
toujours étrangers à ses idées et ses
sentiments, nous n'aurions sur lui nulle
action durable, notre autorité n'aurait
sur lui d'autre garantie que la force, qui
est la plus instable des garanties. De
son côté, l'indigène perdrait autant que
nous à l'absence de l'école : il paierait
l'impôt sans compensation; il tiendrait
en perpétuelle défiance notre hygiène,
A l'ccole des filles. La leçon de couture
nos méthodes économiques, ou du
moins s'y soumettrait plus lentement.
Pour lui comme pour nous, par esprit
de justice et d'humanité autant que
par souci de sécurité, nous devions en
Afrique Occidentale française faire suc-
céder l'instituteur au soldat, doubler la
conquête et donner aux vaincus nos
raisons d'être vainqueurs.
Or, l'Afrique Occidentale française
est un immense empire; les races les
plus différentes y sont juxtaposées, el-
les parlent des langues qui n'ont entre
elles aucune parenté et qui varient de
l'idiome sans syntaxe, tout en vocabu-
laire, comme le ouolof à la langue eu-
phonique, délicate et proprement lit-
téraire des Foulahs. Parce qu'elles par-
lent des langues diverses, renonceront-
elles à entrer en relations? Quant à
nous, administrateurs, colons, commer-
çants, que nos besognes appellent d'une
région à l'autre, pourrons-nous jamais
nous retrouver dans cette tour de Ba-
bel? Interprètes insuffisants ou men-
teurs, palabres pénibles et sans résul-
tats, il faut en finir avec ces comédies,
Lu l'uu d.e limgage
Le maître indigène : Je lève la main.
Les élèves : Ze lève la main.
et cette solution s'impose : dans l'inté-
rêt des indigènes comme dans le nôtre,
l'école doit enseigner avant tout le
français parlé.
Elle doit aussi attirer l'attention des
indigènes sur l'utilité du travail ma-
nuel. L'Afrique Occidentale française
ne sera jamais une colonie de peuple-
ment; les ouvriers européens qui s'y
hasardent ne peuvent être que chefs de
chantier, d'atelier ou de culture; pour
nos grands travaux publics, pour nos
plantations, il nous faut compter avant
tout sur la main-d'œuvre indigène.
L'indigène trouvera dans ces occupa-
tions une précieuse ressource; il y
prendra également le goût de l'initiative
et l'habitude de l'effort; on s'imagine
trop souvent, en France, que le noir
peut se passer de confort et qu'en tâ-
chant de le tirer de l'état de nature,
d'éveiller en lui des désirs et de l'ac-
tivité, nous lui révélons les pires as-
pects de la civilisation : si les indigènes
mangeaient mieux, s'ils pouvaient con-
sacrer davantage au confort du vête-
ment et de l'habitation, les proportions
de mortalité diminueraient aussitôt chez
eux. Dans leur intérêt comme dans le
nôtre, il importe donc que l'école leur
révèle le danger des routines et la né-
cessité du travail régulier. Entendons-
nous bien; elle ne sera, sauf excep-
tions, ni une ferme ni une usine : elle
donnera des exemples, elle procédera
par leçons de choses, elle substituera
sans à-coups, aux vieux préjugés de pa-
resse, ce que Guyau eût appelé le pré-
jugé du travail et du progrès.
Accessoirement, et en s'adressant
d'abord aux sujets d'élite, l'école en
Afrique Occidentale française enseigne-
ra la langue française écrite, les élé-
ments du calcul et des sciences natu-
relles, un peu d'histoire et de géogra-
LE NUMERO, FRANCE ET COLONIES UN FRANC
MARDI 17 JUIN 1913
Les Annales Coloniales
JOURNAL SEMI-QUOTIDIEN
Directeurs : Marcel RUEDEL et L.-G. THÊBÀILT
* RÉDACTION ET ADMINISTRATION
34, rue du Mont-Thabor, PARIS (1er)
kdr.Télégr.; Ancolo Paris.– Code Français : A. Z.– Tél. 319-31
Les Annales Coloniales ne publient que des articles inédits
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NE SONT PAS RENDUS
COLLABORATION iPOLITIQUE de Madaguoitr
Victor AUftAttNEUR, député du Rhône, ancien ministre, ancien gouverneur général de Madagascar ;
Henri AUIlIOL, député de la Haute-Garonne ; Henry BERENGER, sénateur de la Guadeloupe ; Aimé BERTHOD, député du Jura ;
Raoul BRIQUET, député du Pas-de-Calais ; Henri OOSNIER, député de l'Indre ; Lucien CORNET, sénateur de l'Yonne ;
Félix CHAUTEMPI, député de la Savoie, délégué de la Guinée au Conseil supérieur des Colonies ;
8. BOMBROUZE, député de la Gironde; L. MALAVIALLE, député de l'Aude } François IINET. député de la Craui. t
Albart DALIMIER, député de Seine-et-Oise, délégué du Dahomey au Conseil supérieur dex Colonies 1
Louis MARIN, député d6 Meurthe-et-Moselle ; Albert METIN, député du Doubs ; Henri MICHEL, sénateur des Basses-Alpes ;
Charles HUMBERT, sénateur de la Meuse, délégué de la Nouvelle-Calédonie au Conseil supérieur des Colonies ;
Albert PEYRONNET, sénateur de l'Allier ; Joseph PYTHON, député du Puy-de-Dôme ; G. PICARD, député des Vosges a
Maurice VIOLLETTE, député d'Eure-et-Loir, rapporteur du Budget des Colonie).
Directeurs : Marcel. RUEDEL et L.=6. TRËBAULÎ
Un aD 6 ipois
Ait - I France ei Cor,-'Nïe^ ,.. 25 fr. 13 fr.
,Ollnements Af.
Monnement. s ( ETRANGER. - 35 » 20 »
O 'b ( dans tous les Bureaux de Poste
On s a oane t h n - L-b-
e c ez les prmclpaux 1 raire.
Les Annonces et Réclames sont rtvws aux Bureaux du Journal
et dans les Principales Agences de Publicité
1 0 0 0
LTnseigneiDBDt en Afrique Occidentale Française
Comment former des Élèves noirs
Que de fois de braves gens, d'une
conviction, et d'une sincérité d'autant
plus évidentes que leur ignorance de la
A l'école des filles. Au premier plan : la Maternelle
question était totale, ont dit et répété:
« Des écoles en Afrique ! Mais c'est
pure folie! Vous voulez abrutir com-
plètement de jeunes nègres par l'ensei-
gnement de la syntaxe et de l'algèbre,
auquel ils ne comprendront goutte! Et
si, par haard, ils comprennent et se
façonnent des cerveaux d'intellectuels,
au lieu d'avoir simplement perdu votre
temps, vous aurez fait dangereuse be-
sogne en semant de la graine de ré-
voltés. »
L'expérience a démontré le con-
traire. Cette manière d'envisager les
choses ne saurait être un seul instant
prise en considération. Elle n'a aucun
rapport avec la vérité.
D'abord, nos élèves noirs sont bien
loin d'avoir la facilité « d'abrutisse-
ment » qu'on leur suppose volontiers.
Ils ont de bonnes petites cervelles bien
organisées et solides, et, comme ils ap-
partiennent à des races jeunes en
ce sens que nulle culture ne les a mû-
ries on ne constate chez eux que
beaucoup de naïveté et très peu de
L'eiilrûu ell classe
dégénérescence, et ils se donnent à no-
tre enseignement avec avidité, avec
confiance, avec bonne foi.
Ensuite, comme tout ou presque tout
est à faire, comme le plus souvent nulle
influence première, hostile à la nôtre,
n'a marqué son empreinte sur leur es-
prit, il n'y a pas de lutte à entrepren-
dre pour les dresser, comme c'est le
cas, par exemple, pour nos protégés
d'Extrême-Asie.
Enfin, lorsque l'instituteur prend des
enfants dont les parents n'ont jamais
été à l'école, des adolescents qui n'ont
entendu jamais qu'un seul idiome, gé-
néralement très simple, la dernière de
ses préoccupations est de se demander
quand il pourra leur enseigner la syn-
taxe et l'algèbre!
Cela viendra peut-être dans deux ou
trois générations, quand les cerveaux
se seront formés à l'étude. Mais.actuel-
lement, bien d'autres soucis guident le
maître.
Et c'est ici que je veux répondre à
cette objection souvent faite et qui nous
reproche de former des déclassés, des
révoltés.
Nous préparons une génération de
braves gens, plus heureux que leurs
pères, tout simplement. Plus heureux,
parce que nous les aurons armés pour
la lutte, que nous leur aurons appris la
joie de l'activité et l'utilité de nos mé-
thodes.
Nous ne nous faisons cependant pas
illusion: le noir est nonchalant et ne
s'éprendra jamais du travail pour la
seule raison qu'il croira s'acquitter
d'un devoir.
Mais, lorsque nous lui aurons fait
comprendre que ses pieds seront pré-
servés des morsures des bêtes veni-
meuses et des blessures des ronces, s'il
met des souliers: qu'il se portera
mieux et que ses enfants mourront
moins, s'il habite des demeures spa-
cieuses et propres, au lieu d'étroites
cases infectes, et s'il se nourrit d'ali-
ments abondants, variés et salubres;
lorsque nous nous serons attaché les
femmes par la coquetterie et l'amour
maternel, les hommes par l'ambition et
l'intérêt, et que nous leur aurons fait
sentir que tout progrès, tout confort, se
paie, nous leur montrerons comment
les gagner.
Le noir, instruit d'une instruction
primaire dans notre langue, sera
bien plus difficilement exploité. Le noir
auquel nous aurons donné un métier
échappera à l'assujettissement des cor-
vées, cessera véritablement d'être es-
clave. Le noir auquel nous aurons ap-
pris nos méthodes de culture doublera
le rapport et la valeur de ses planta-
tions. Le noir dont nous aurons fait un
forgeron ou un menuisier ne vivra plus
dans d'immondes paillottes et em-
ploiera sa dextérité à construire à sa
famille un logis sain, confortable et
propre. Le noir, dont nous aurons fait
un mécanicien ou un ouvrier d'art, et
qui saura exactement à quel salaire il
peut prétendre, verra enfin tomber la
longue méfiance qui l'isole encore de
l'employeur blanc, et il occupera volon-
iiers des fonctions dont il connaîtra par
avance la rémunération.
Nous aurons ainsi été utiles à nos
nationaux comme à nos protégés en
fournissant aux uns le moyen de vivre
mieux, aux autres un personnel labo-
rieux, expert et honnête.
Il faut louer M. William Ponty d'a-
voir tenté un effort sérieux dans ce
sens, d'avoir enfin organisé, sous la
direction d'un chef intelligent et prati-
que, l'enseignement en A.O.F. Il n'est
pas douteux que, soutenu par le con-
cours et la bienveillance du gouverneur
général de l'A.O.F., M. G. Hardy ne
développe heureusement le champ d'ac-
tion où il a dpéré jusqu'à ce jour; qu'il
crée, à côté de l'école des pupilles mé-
caniciens et des écoles professionnelles,
d'autres écoles techniques, pratiques,
auxquelles la Colonie et aussi la Mé-
tropole seront heureuses un jour pro-
chain d'avoir recours.
HENRI COSNIER,
Député de l'Indre.
Grave problème, qui, sur le pont des
bateaux, dans les popotes, un peu par-
tout, fait l'objet de discussions pas-
sionnées.
Devons-nous instruire l'indigène?
Faut-il tenter de le rapprocher de nous
le plus possible en meublant son esprit
à l'exemple du nôtre? Mais n'et-ce pas
trop présumer de sa perfectibilité? Et
ne risque-t-on pas de préparer des gé-
nérations ds culture hâtive, toute en
surface, en prétentions? Comme pour
tous les problèmes graves, on accumule
autour de celui-là les solutions bruta-
les, les affirmations ou les négations
sans nuances. On ne se souvient pas
assez que la vérité réside à l'ordinaire
dans les moyens termes et dans les
solutions intermédiaires ; on ne tient
compte aussi que d'expériences person-
nelles ; on fonde sur des faits isolés ou
périmés des argumentations sans répli-
que ; et, parce que ces questions diffi-
elles exigeraient de la clairvoyance et
du sang-froid, on perd quelquefois, en
les abordant, toute justice et toute jus-
tesse. Aussi ne croyons-nous pas inu-
tile de donner ici des faits, de décrire
sommairement les institutions scolaires
de l'Afrique Occidentale Française et
d'indiquer quelques-unes de leurs ten-
dances.
K a y es (Suiulan.i. Krulu des fils de chefs
1. OBJET DE L'ENSEIGNEMENT
EN A. 0. F.
Dès les débuts de la conquête métho-
dique, le principe d'un enseignement
en Afrique Occidentale française fut
établi. En 1856, Faidherbe ouvrit à
Saint-Louis la première école laïque ; le
colonel Gallieni fonda ensuite celles de
Bakel, Kayes, Médine, Bafoulabé et
Bamako; le Gouvernement général a
fait le reste et l'Afrique Occidentale
française compte aujourd'hui deux cent
cinquante écoles environ, que peuplent
douze mille élèves. Nulle colonie du
groupe n'est restée à l'écart de ce puis-
sant mouvement et les plus jeunes
n'ont pas été les moins actives; à pei-
ne une région est-elle pacifiée que des
écoles s'y installent et grandissent rapi-
dement : déjà celle de Zinder, en plein
territoire militaire, promet beaucoup.
et l'école des fils de chefs de Boutili-
mit, au cœur même de la Mauritanie,
ouvre ses portes cette année même. Il
semble qu'on assiste à une conquête
nouvelle, moins bruyante que la pre-
mière, mais aussi féconde et auda-
cieuse.
Et c'est une conquête, en effet. Sans
l'école, nous pourrions obliger l'indigè-
ne à l'obéissance, mais nous resterions
toujours étrangers à ses idées et ses
sentiments, nous n'aurions sur lui nulle
action durable, notre autorité n'aurait
sur lui d'autre garantie que la force, qui
est la plus instable des garanties. De
son côté, l'indigène perdrait autant que
nous à l'absence de l'école : il paierait
l'impôt sans compensation; il tiendrait
en perpétuelle défiance notre hygiène,
A l'ccole des filles. La leçon de couture
nos méthodes économiques, ou du
moins s'y soumettrait plus lentement.
Pour lui comme pour nous, par esprit
de justice et d'humanité autant que
par souci de sécurité, nous devions en
Afrique Occidentale française faire suc-
céder l'instituteur au soldat, doubler la
conquête et donner aux vaincus nos
raisons d'être vainqueurs.
Or, l'Afrique Occidentale française
est un immense empire; les races les
plus différentes y sont juxtaposées, el-
les parlent des langues qui n'ont entre
elles aucune parenté et qui varient de
l'idiome sans syntaxe, tout en vocabu-
laire, comme le ouolof à la langue eu-
phonique, délicate et proprement lit-
téraire des Foulahs. Parce qu'elles par-
lent des langues diverses, renonceront-
elles à entrer en relations? Quant à
nous, administrateurs, colons, commer-
çants, que nos besognes appellent d'une
région à l'autre, pourrons-nous jamais
nous retrouver dans cette tour de Ba-
bel? Interprètes insuffisants ou men-
teurs, palabres pénibles et sans résul-
tats, il faut en finir avec ces comédies,
Lu l'uu d.e limgage
Le maître indigène : Je lève la main.
Les élèves : Ze lève la main.
et cette solution s'impose : dans l'inté-
rêt des indigènes comme dans le nôtre,
l'école doit enseigner avant tout le
français parlé.
Elle doit aussi attirer l'attention des
indigènes sur l'utilité du travail ma-
nuel. L'Afrique Occidentale française
ne sera jamais une colonie de peuple-
ment; les ouvriers européens qui s'y
hasardent ne peuvent être que chefs de
chantier, d'atelier ou de culture; pour
nos grands travaux publics, pour nos
plantations, il nous faut compter avant
tout sur la main-d'œuvre indigène.
L'indigène trouvera dans ces occupa-
tions une précieuse ressource; il y
prendra également le goût de l'initiative
et l'habitude de l'effort; on s'imagine
trop souvent, en France, que le noir
peut se passer de confort et qu'en tâ-
chant de le tirer de l'état de nature,
d'éveiller en lui des désirs et de l'ac-
tivité, nous lui révélons les pires as-
pects de la civilisation : si les indigènes
mangeaient mieux, s'ils pouvaient con-
sacrer davantage au confort du vête-
ment et de l'habitation, les proportions
de mortalité diminueraient aussitôt chez
eux. Dans leur intérêt comme dans le
nôtre, il importe donc que l'école leur
révèle le danger des routines et la né-
cessité du travail régulier. Entendons-
nous bien; elle ne sera, sauf excep-
tions, ni une ferme ni une usine : elle
donnera des exemples, elle procédera
par leçons de choses, elle substituera
sans à-coups, aux vieux préjugés de pa-
resse, ce que Guyau eût appelé le pré-
jugé du travail et du progrès.
Accessoirement, et en s'adressant
d'abord aux sujets d'élite, l'école en
Afrique Occidentale française enseigne-
ra la langue française écrite, les élé-
ments du calcul et des sciences natu-
relles, un peu d'histoire et de géogra-
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