Titre : Patriote algérien : paraissant les mardi et samedi / directeur-gérant M. Vidal-Chalom
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1889-08-12
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32833915w
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 août 1889 12 août 1889
Description : 1889/08/12 (A4,N306). 1889/08/12 (A4,N306).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6358776b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-87303
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/10/2012
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N« 306. Quatrième annéei CINQ CENTIMES - ; - .; Lundi, 18 Août 18891
N- 306. - Quatrième amée'
LE PATRIOTE ALGERIEN
JOURNAL RÉPUBLICAIN ,; NATIONAL
PRIX DE L'ABONrVEMENT
Trois mois : 4,50 fr. Six mois : 9j fr. Un' an : 18 fr.
POUR LA RÉDACTION, S'ADRESSER à M. p: RÉDACTEUR EN CHEF
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1 Inn - P- e- 8 exigées -POUP l a --- Validité - des proeédures et
Alger, le Il août 1889. j
t
Un grand nombre de nos lecteurs nous
ayant fail connaître qu'il leur avait été
impossible de se procurer la Presse ou
VIntransigeant, dont tous les numéros
avaient été enlevés en un clin, d'œil,
nous publions aujourd'hui in-extenso, le
Manifeste du général Boulanger. j
Us verront, comme le dit un de nps
confrères, « qu'entre le factum, vérita-
ble grimoire de M. Quesnay de Beau-
paire et la réponse que lui fait le général
Boulanger, il y a toute la différence qui
sépare le mensonge de la vérité. Autant
le factum de M. Quesnay de Beaurepaire
est tortueux, alambique et peu sérieux,
autant la réfutation du général est nette,
claire et précise. »
ii rira
MON SEUL JUGE
1
Je m'adresse à tous les honnêtes gens et
non aux juges de la Haute-Cour, dont je
ne reconnais ni la compétence, ni l'impar-
tialité. 1
Si même ce tribunal d'exception, dont
toute la France sait par avance quel sera
l'arrêt, ce tribunal politique chargé de
condamner son adversaire, ce tribunal dont
la sentence ne peut être qu'inique et odieu-
se, s'est contenté de relever contre moi ce
prétendu «rime â'attentaft dont le foépijig
public a déjà fait Justice, je me serais tn,
laissant au pays le soin de juger mes ju-
ges. i
Mais, s'apercevant du ridicule de Paccti-
sation qu'il portait, ne pouvant même fout-
nir à son appui l'ombre d'une preuve, M.
Quesnay dé Beaurepaire, le valet qu'on $t
allé chercher pour faire cette besogne, aju
refus des magistrats, a essayé d'un moyen
habile pour tromper l'opinion. f
Obligé de masquer le vide de son argu-
mentation, ne pouvant même maintenir la
plupart des inventions sur lesquelles il
avait basé la demande de poursuites dépo-
sée sur le bureau de la Chambre, obligé,
par exemple, de ne plus même parler dans
son nouveau réquisitoire de ce voyage aux
Etats-Unis dans lequel, tout d'abord, ill
m'accusait d'avoir commencé à préparer
mon complot, le procureur général d'aven-
ture qui fait les affaires de M. Thévenet a
voulu venger ses maîtres, que la France
tout entière accuse de n'être que des vo-
leurs, et il a tenté de faire croire au pays
que je ne valais pas mieux qu'eux. i
C'est ainsi qu'avec un cynisme inconnu
jusqu'ici chez un magistrat français, ce ro-
mancier sans talent a imaginé le roman
qu'il prétend être un document judiciaire.
Attaqué cette fois dans mon honneur de
soldat, dans mon honneurd'honnête homme,
je ne pouvais plus me taire ; je devais à mes
amis, à moi-même, de confondre les calom-
; nies et le&calomniateurs- ce qui, d'ailleurs
maintenant, n'est pas difficile. t
En effet, un heureux hasard a mis entre
les mains de mes amis tout le dossier de
la Haute Cour, et a dérangé ainsi les plans
de M. de Beaurepaire. f
Sans ce hasard, il m'eût été impossible
de répondre à des accusations que j'ignorais
absolument, dont même je n'aurais pu ja-
mais deviner l'origine, car jamais il ne nie
serait venu la pensée qu'un magistrat quel-
conque, fut-il le plus indigne, eût l'audace
de n'appuyer son réquisitoire calomnieux
que sur les prétendues révélations d'un
agent secret brûlé depuis longtemps, et les
accusations d'un escroc dont M. Constans ia
publiquement avoué avoir payé 7,000 francs
la déposition 1 - -
Car il n'y a que cela dans l'œuvre de M.
le Procureur général ; toutes les autres dé-
positions, les dépositions des honnêtes gens,
, qui confondent les calomnies de l'escroc et
de l'agent secret, cet étonnant magistrat
semble les oublier. i
11 espérait sans doute que, ignorant les
accusations, je ne pourrais y répondre
avant les débats de la Haute Cour, il comp-
tait que,,, le passé de l'escroc Buret étant in-
connu, il aurait, avec cette déposition à sen-
sation, un effet d'audience. ;, "'f f
Il ne pouvait se douter que M. Constatsj
avouerait avoir payé la déposition de ce
faux témoin. D se disait : « On parviendra
sans doute à découvrir, par la suite, la vé-
rité, mais aprtf le jugement, après la con-
damnation. et le coup sera porté. On pourra
dire partout que le général Boulanger a été
convaincu de concussion et qu'il n'a même
pas osé se défendre ! »
Mais les criminels les plus habiles ne sa-
vent pas tout prévoir. M. Quesnay de Beau-
repaire n'avait pas prévu que son dossier
tomberait entre les mains de mes amis avant
l'audience, et maintenant que la Haute Cour
fasse sa besogne, qu'elle rende un jugement
déjà tout rédigé : toute la France saura par
avance avec quelles preuves, avec quels do-
cuments falsifiés, avec quels témoins payés,
se jouera cette parodie de la justice.
La carrière militaire du Général.
Pour confondre le Procureur général, pour
le convaincre de mensonges, je veux, quelle
que soit la longueur de cette réfutation, ré-
pondra point par point à son réquisitoire.
Il est d'ahord étrange que ce magistrat,
qui parle si longuement de la carrière mili-
taire de mon ami Dillon, pour le colomnier
et mentir impudemment, semble ignorer la
mienne. On dirait, à lire son étrange fac-
tum, que ma carrière n'a commencé qu'en
1882.
Cependant, alors, j'avais vingt-huit années
de service, vingt campagnes, quatre blessu-
res et deux citations à l'ordre de l'armée.
Peut-être, après tout, dois-je savoir gré à
M. Quesnay de Beaurepaire de ne pas avoir
dit que, si quatre fois je suis tombé sur le
champ de bataille, c'est que j'ai voulu me
faire blesser tout exprès, dans le but de
conquérir plus tard une popularité mal-
saine !
Toujours est-il qu'en 1882, étant général
de brigade et directeur de l'infanterie, j'a-
vais, d'après M. de Beaurepaire, « des am-
bitions excessives ». On voit bien que -le
procureur de M. Thévenet ignore ce qu'est
la modeste situation d'un général de bri-
gad^ ^i ne péut guère rfvoîr «""des ambi-
tions excessives B.
Les prétendus agents.
Ici, je relève une première accusation
mensongère. M. de Beaurepaire prétend que
j'ai, à cette époque, envoyé un agent à un
libraire militaire, pour le prier de répandre
ma biographie dans l'armée. C'est faux, je
défie le procureur général et le libraire dont
il s'agit, M. Baudoin, de prouver que c'est
moi qui avais envoyé celui qu'on appelle
mon agent.
Le réquisitoire déclare ensûite qu'à Tunis
c j'ai poursuivi l'exécution de mes plans ! »
et que j'ai eu différents agents, entre autres
une femme. Je ne sais si une femme, vieille
ou jeune, est venue me trouver à Tunis ;
mais ce que je sais bien, c'est qu'aucune
femme ne m'a servi d'agent et que, si le fait
eût était exact, mon honorable adversaire
M. Cambon, en eût certainement parlé dans
sa déposition. -
Le faux témoin Buret. 1
En outre, j'aurais eu à Paris, un autre
agent, « un soi-disant journaliste, trois fois
condamné J. Est-ce de Buret que veut
parler M. Quesnay de Beaurepaire, sans se
doater qu'ainsi lui-même démontre ce que
vaut la déposition de cet escroc acheté, par
M. Constans ?
Oui, il semble certain que, à cette époque,
Buret était l'agent de quelqu'un : mais
c'était de M. Constans et non de moi.
N'est-ce pas, en effet, M. Constans qui
confiait à ce Buret la rédaction d'une dépê-
che, dans laquelle il me faisait offrir le mi-
nistère de la guerre, pour la nouvelle com-
binaison dont il venait d'être chargé, com-
binaison qui échoua ? 1
Oui, j'ai connu alors Buret, que j'avais la
faiblesse de croire un honnête homme, par-
ce qu'il m'avait été présenté par un ministre
ou par des députés.
J'ai connu Buret, jusqu'au jour où j'ai
appris qu'il essayait de battre monnaie avec
mon nom, et me suis aperçu qu'il ne venait
au mini&tère que pour se donner une appa-
rence de crédit absolument imaginaire.
C'est même à propos de lui, le jour même
où je le hs mettre à la porte, que j'ordonnai
de fermer le ministère à tous les intrigants.
Oui, ce fut cet incident qui me suggéra
l'idée d'interdire le ministère de la guerre à
tous les faiseurs d'affaires louches, fussent-
ils sénateurs ou députés. J'en appelle au
souvenir de mon chef de cabinet et de tous
les officiers qui m'entouraient. >
Du reste, il ne m'en coûte pas de le dire,
je me repens) profondément d'avoir cru
alors, dans mon ignorance de la politique,
qu'il suffisait d'être l'ami intime de M. Cons-
tans et d'autres députés pour être un hon-
nête homme ; je me repens sincèrement
d'avoir cru trop facilement à l'honorabilité
de Buret.
Mais vous, monsieur le procureur géné-
ral, qui le connaissez bien, qui savez que
le ministre de l'intérieur a payé 7,000 francs
son témoignage, comment pouvez-vous,
comment osez-vous, uniquement sur ce té-
moigne vendu, échafauder d'odieuses accu-
sations de concussion ?
Le « café en tablettes »
Vous dites qu'à Tunis l'argent me man-
quait ? Pourquoi ? Qu'avais-je donc à en
faire ? J'avais, au contraire, une des situa-
tions les plus rétribuées de l'armée. Ici, je
cite textuellement votre acte d'accusation :
« L'argent manquait ; on recourut aux affai
res véreuses pour essayer de s'en procurer.
Son agent et lui convinrent de partager un
pot-de-vin de 210,000 francs s'il faisait ex-
périmenter dans sa division et accepter au
ministère un système de café en tablet-
tes. D
Il est impossible de réunir en moins de
lignes plus de calomnies odieuses et plus
d'absurdités.
Ce que vous avancez comme une accusa-
tion sérieuse, prouvée, n'est basé que sur la
déposition de Buret seul.
Les gens intéressés à cette affaire, entre
autres un M. Maréchal, je crois, vous les
avez fait venir, vous les avez interrogés, et
que vous ont-ils répondu ?
Qu'ils ne m'avaient jamais vu ! Qu'ils ne
m'avaient jamais parlé !
Pour donner un semblant de véracité à
cette accusation odieaeement mensongère,
vous avez saisi au domicile de Buret une
lettre, un bon de commission, dites-vous où
il est question de G. Votre témoin, escroc
vendu, dit que « G. » signifie le général
Boulanger, mais le mensonge est patent !
S'il sejfOt agi de moi, il y aurait eu tout au
moins du G., et, étant donné les autres
dépositions, sans que je veuille insister,
convaincu que Buret a abusé du nom de ce-
Jui-là â6on.insu»-jptoute la France sait déjà que cette initiale
désigne un homme politique que tout le
monde connaît, et non le général Boulanger.
Jamais je ne me suis occupé de cette
affaire, pas plus que d'aucune autre. On
m'a demandé un jour de faire un essai dans
ma division, comme cela se fait à chaque
instant dans toute l'armée française, les
officiers compétents m'ont répondu que c'é-
tait détestable !
J'ai transmis les rapports et voilà tout !
Avouez que les hommes d'affaires qui
eussent donné 210,000 fr. de commission à
un général pour faire déclarer que leur pro-
duit était détestable, eussent mérité d'aller
à Charenton
Le baron Kohn de Reinach.
La vérité, je commence aujourd'hui à
l'entrevoir, c'est qu'au contraire, dans cette
affaire, ma droiture, la façon dont j'ai sim-
plement transmis au ministre l'opinion dé-
favorable des chefs de corps, m'a créé des
inimitiés toutes particulières, que longtemps
je ce me suis pas expliquées, et dont, au-
jourd'hui, je crois deviner l'origine.
L'homme le plus intéressé à cette affaire
il l'avoue dans sa déposition était M.
le baron Kohn de Rdinach, oncle et beau-
père de Ikf. Joseph Reinach, de la Républi-
que française. Je me suis refusé à faire les
affaires des opportunistes, et c'est pour me
punir qu'on a fait les petites catilinaires !
Je n'ai vu qu'une fois M. le baron de
Reinach, chez Baret -.qui sans doute, je
le comprends aujourd'hui, devait être un de
ses agents. J'avais commis l'imprudence
d'aller dtner chez ce Buret, dont alors je ne
soupçonnais pas encore l'infamie ; mais M.
de Reinach ment quand il parle de ma fa-
miliarité avec son homme. de paille. Au
contraire, m'apercevant que ce dîner avait
un caractère louche, d'affaires véreuses, je
quittai le plus vite possible cette maison,
je commençai à me mettre en garde contre
Buret, et c'est peu de temps après que je
l'expulsai du ministère.
L'affaire des épaulettes.
Je passe maintenant à c l'affaire des épau-
lettes. »
« D'autre part, dites-vous, il mit son au-
c torité et le titre de sa fonction au service
« d'un marchand d'èpaulettes, moyennant
« une commission de vingt centimes par
t paire, à partager entre lui et son cotur-
« tier. »
Vous avez, pour cette affaire, trois dépo-
sitions : celle de Tescroc Buret, qui m'ac-
cuse ; celle du principal intéressé, M. Du-
puy, le marchand d'épaulettes, qui déclare
de la façon la plus formelle que je n'ai ja-
mais été mêlé à tcette louche histoire ; la
déposition d'un ancien' minis d'un dépu-
té, l'honorable M. Granet, qui affirme que
le jour* oit il m'a parlé de « Taffaire Dupuy, »
je lui ai répondu : « Je ne veux pas me mê-
ler de cela, ces sortes de choses ne me re-
gMdent pM. Ditee & M. Dupuy d'aller trou-
ver le directeur compétent. Je ferai ce que
le directeur décidera. à
Eh bien ! entie ces trois dépositions, la-
quelle choisissez-vous ? Vous n'en retenez
qu'une seule : celle du témoin escroc, privé
de ses droits civils et politiques, un témoin
dont M. Constans (il faut le répéter sans
cesse) a avoué publiquement avoir payé le
témoignage 7,000 francs.
Quel ignoble métier faites-vous donc, et
quelle opinion l'étranger aura-t-il désormais
d'un pays oô il se trouve un magistrat ca-
pable d'une semblable infamie ?
Je continue à suivre pas à pas le réquisi-
toire, sur lequel va me juger la Haute Cour
de justice.
Les quarante-quatre portraits.
V ous prétendez, monsieur de Beaurepaire,
qu'étant ministre de la guerre, j'ai fait faire
quarante-quatre portraits de moi et vous
ajoutez perfidement que a j'ai même fait
faire certains de ces portraits en Allema-
gne».
Je suis surpris de ce chiffre de quarante-
quatre portraits, je croyais qu'il y en avait
bien plus ! Mais vous mentez quand vous
prétendez que je les ai fait faire ! Jamais,
je l'affirme, je ne me suis occupé de faire
faire un seul de mes portraits. Il est vrai
que je n ai jamais voulu poursuivre les in-
nombrables industriels qui ont gagné quel-
que argent à vendre des portraits de moi,
plus ou moins ressemblants et parfois ridi-
cules.
Si c'est là un crime, je m'en accuse, et
c'est, du reste, le seul que j'ai commis.
Prétendues subventions.
J'arrive maintenant à la partie la plus
méprisable de votre œuvre, monsieur le
procureur général, attendu que non seu-
lement cette fois vous altérez la vérité, mais
vûcere-vous àT*évéleir^tïifTSIôpj®i
des fonds secrets ce qui devrait rester igno-
ré car c'est peut-être au ministère de la
guerre seul que les fonds secrets ont leur
raison d'être, à la condition, bien entendu,
que leur emploi demeure inconnu.
Votre réquisitoire prétend que j'ai donné
242,693 francs de subvention à la presse.
Nouveau mensonge. Les journaux subven-
tionnés l'étaient par le ministre de l'intérieur
ou le ministre des affaires étrangères, et
non par moi. Il serait étrange d'ailleurs,
qu'ayant fait un si mauvais usage des fonds
secrets, je sois le seul ministre qui en ait
fait tenir une comptabilité exacte. Il saute
aux yeux des plus naïfs que, si j'avais eu
quelque chose à cacher, j'aurais brûlé cette
comptabilité, comme c'était mon droit, et
que vous ne l'eussiez pas retrouvée chez M.
Reichert.
Non, monsieur de Beaurepaire, je n'ai pas
donné une seule subvention ayant un carac-
tère politique pendant que j'étais au minis-
tère de la guerre. Oui, j'ai cru nécessaire;
à une heure grave, d'organiser mon service
de renseignements comme il ne l'avait ja-
mais été, et si mon patriotisme n'était plus
fort même que l'intérêt de ma défense, je
pourrais dire entre quels hommes et moi
étaient intermédiaires les personnes sou-
vent des journalistes dont vous avez re-
trouvé les noms ou les initiales.
J'ai l'orgueil d'avoir fait à cette époque,
tout mon devoir, et de l'avoir Jfcien fait.
Faites-donc cette enquête, si vous l'osez !
Faites venir ces intermédiaires et racontez
à toute l'Europe quels étaient nos agents,
même dans les salons de Berlin ou de Rome !
Mais vous ne l'oserez, parce que vous sa-
vez bien que le pays vous punirait de la
peine des traîtres ! -
Vous parlez d'un homme de main qui
aurait été condamné pour attentat à la pu-
deur. Je n'ai jamais eu d'homme de main,
je ne me suis guère occupé des antécédents
des personnes qui ont écrit sur mon compte
je ne sais même à quelle condamnation
ni à quel personnage vous faites allusion.
J'ignore de même absolument le nom de
l'homme condamné sous mon ministère que,
dites-vous, j'ai recommandé à ses juges.
Jusqu'ici, je n'ai rien trouvé dans les pièces
du dossier de la Haute Cour qui s'y rap-
porte.
Fonds secrets et fonds de réserve.
Mais je reviens à la question des fonds
secrets et à celle du fonds de réserve, vo-
lontairement embrouillées par vous et que
je dois à mes amis de clairement élucider.
Tout d'abord, votre réquisitoire commet
une erreur.
En 1886, je n'ai pas eu 700,000 francs de
fonds secrets, mais bien 740,000 francs, la
marine m'ayant donné 40,000 francs pour
les renseignements très graves et très im-
portants sur cé qui intéressait son départe-
ment.
Il est faux, d'un autre côté, que j'aie eu
plus d'argent & ma disposition que mes pré-
décesseurs ; sans remonter à plus de trois
années, les fonds secrets étaient ;
En 1883, de 924.000 francs.
En 1884, de 1.142.000 »
En 1885, de 902.000 »
Que l'on fasse la différence entre ces
sommes et celles qui étaient à ma disposi-
tion, que l'on se souvienne des événements
graves qui se sont passés pendant mon mi-
nistère, et l'on comprendra facilement com-
ment j'ai été obligé de toucher au fonds de
réserve, et d'y prendre une somme relative-
ment minime.
Les fonds de réserve jasqu'en
1886.
J'y étais d'ailleurs autorisé par l'exemple
de mes prédécesseurs, qui, quand il l'avait
fallu, dans l'intérêt dn pays, avaient puisé
dans ce fonds de réserve et fait leur devoir,
comme l'ai fait le mien.
Vous altérez donc une fois de plus la vé.
rité, monsieur de Beaurepaire. quand vous
dites, en parlant du fonds de réserve:
« Depuis 1872 les ministres se sont fait un
devoir d'y ajouter sans cesse, et de n'y pni
ser jamais. »
Pour vous confondre, il me suffit de pro-
duire depuis 1872 l'état de ce fonds de ré-
serve, qui d'ailleurs jusqu'en 1875 fut appelé
fonds divers, et de 1875 à 1886 fonds de rou-
lement, ce qui indique bien sa nature et sa
destination.
Le 7 mars 1872, il
était de. q 104.304 fr. 78 cent.
Le 1" février 1873,
il était de. t. 177.561 fr. 22 cent.
Le 9 janvier 1874,
il était de. 120.424 fr. 68 cent.
Le 18 décembre
1874, il était dé. 8.175 fr. 17 cent.
Le 23 novembre * :
1876, il était de*»«os**.
Je ferai remarquer qu'en 1874 et 1875 des
événements graves avaient été & la veille de
se produire et que mon prédécesseur a fait
son devoir en prenant presque tout le fonds
de réserve, comme j'aurai cru faire le mien
en prenant la totalité des sommes qui cons-
tituaient ce fonds pendant les évènements
qui ont précédé l'affaire Schnaebelé si
je l'avais juhé utile.
A partir de t876, ce fonds dit de réserve
augmente assez rapidement; en novembre
1877, il est de 227,647 fr. 23 ; mais il conti-
nue à subir de nombreuses fluctuations-
ce qui suffit à prouver combien sont men-
songères vos allégations, monsieur de Beau-
repaire !
Au 13 mars 1876, il est de 108.230 fr. 06.
Au 13 août de la même année, il n'est
plus que de 105, 273 fr. 56.
De 1877 à 1879, il diminue encore au lieu
d'augmenter.
Le 1er septembre 1877, il est de 228,607
fr. 66.
Au 13 janvier 1879, il n'est plus que de
215,606 fr. 80.
Je ne voudrais pas rappeler un fait en-
core plus récent ; mais il le faut bien, puis-
que je dois me détendre. Un de mes prédé-
cesseurs, le général Billot, un de mes juges
d'aujourd'hui, a fait des dépenses dépassant
de 8,046 fr. 42 le chiffre de ses allocations.
J'en ai les preuves en main ; comme j'ai
d'ailleurs celles de tous les chiffres que je
viens de donner. Je n'ai cité que les dates
où fut dressé un bilan officiel du fonds de
réserve.
Est-ce clair ?
Car ces chiffres, ces dates, si vous avez
fait une enquête sérieuse, vous ne devez
pas, vous ne pouvez pas les ignorer plus
que moi, monsieur de Beaurepaire !
De 1885 à 1887.
Passons maintenant à mon ministère.
Quand j'entrai rue Saint-Dominique, le
fonds dit de réserve était de 2,038,255 fr.14.
De ce chiffre, il y a lieu de diminuer, comme
afférents à l'exercice de 1885, 58,880 francs
employés à compléter a un mois de traite-
ment la gratification de fin d'année des em-
ployés dont les appointements sont infé-
rieurs à 3,600 fr., gratification qu'ils avaient
toujours eue, et que ne permettaient pas de
leur donner entièrement, cette année-là, les
allocations budgétaires; or, j'ai toujours
pensé que le devoir d'un ministre était de
défendre les intérêts des petits employés et
d'empêcher qu'ils n'aient à souffrir des ca-
prices budgétaires du : Parlement Ce que
j'ai fait alors, je le Déférais encore ai j'étais
ministre. ;' -,
Le fonds de réserve restait donc de
4,979,575 fr. 14. .;
Le service des renseignements, en plu
de ses dotations habituelles, a absorbé
80,000 fr. Tous les patriotes qui se rappel-
lent les incidents qui ont précédé ou ac-
compagné l'affaire Bchnaebelê, tous les
omciers qui travaillaient avec moi, et qui
savent ce que noua avons fa1\ aIoIJ, voa.
N« 306. Quatrième annéei CINQ CENTIMES - ; - .; Lundi, 18 Août 18891
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avaient été enlevés en un clin, d'œil,
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Manifeste du général Boulanger. j
Us verront, comme le dit un de nps
confrères, « qu'entre le factum, vérita-
ble grimoire de M. Quesnay de Beau-
paire et la réponse que lui fait le général
Boulanger, il y a toute la différence qui
sépare le mensonge de la vérité. Autant
le factum de M. Quesnay de Beaurepaire
est tortueux, alambique et peu sérieux,
autant la réfutation du général est nette,
claire et précise. »
ii rira
MON SEUL JUGE
1
Je m'adresse à tous les honnêtes gens et
non aux juges de la Haute-Cour, dont je
ne reconnais ni la compétence, ni l'impar-
tialité. 1
Si même ce tribunal d'exception, dont
toute la France sait par avance quel sera
l'arrêt, ce tribunal politique chargé de
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la sentence ne peut être qu'inique et odieu-
se, s'est contenté de relever contre moi ce
prétendu «rime â'attentaft dont le foépijig
public a déjà fait Justice, je me serais tn,
laissant au pays le soin de juger mes ju-
ges. i
Mais, s'apercevant du ridicule de Paccti-
sation qu'il portait, ne pouvant même fout-
nir à son appui l'ombre d'une preuve, M.
Quesnay dé Beaurepaire, le valet qu'on $t
allé chercher pour faire cette besogne, aju
refus des magistrats, a essayé d'un moyen
habile pour tromper l'opinion. f
Obligé de masquer le vide de son argu-
mentation, ne pouvant même maintenir la
plupart des inventions sur lesquelles il
avait basé la demande de poursuites dépo-
sée sur le bureau de la Chambre, obligé,
par exemple, de ne plus même parler dans
son nouveau réquisitoire de ce voyage aux
Etats-Unis dans lequel, tout d'abord, ill
m'accusait d'avoir commencé à préparer
mon complot, le procureur général d'aven-
ture qui fait les affaires de M. Thévenet a
voulu venger ses maîtres, que la France
tout entière accuse de n'être que des vo-
leurs, et il a tenté de faire croire au pays
que je ne valais pas mieux qu'eux. i
C'est ainsi qu'avec un cynisme inconnu
jusqu'ici chez un magistrat français, ce ro-
mancier sans talent a imaginé le roman
qu'il prétend être un document judiciaire.
Attaqué cette fois dans mon honneur de
soldat, dans mon honneurd'honnête homme,
je ne pouvais plus me taire ; je devais à mes
amis, à moi-même, de confondre les calom-
; nies et le&calomniateurs- ce qui, d'ailleurs
maintenant, n'est pas difficile. t
En effet, un heureux hasard a mis entre
les mains de mes amis tout le dossier de
la Haute Cour, et a dérangé ainsi les plans
de M. de Beaurepaire. f
Sans ce hasard, il m'eût été impossible
de répondre à des accusations que j'ignorais
absolument, dont même je n'aurais pu ja-
mais deviner l'origine, car jamais il ne nie
serait venu la pensée qu'un magistrat quel-
conque, fut-il le plus indigne, eût l'audace
de n'appuyer son réquisitoire calomnieux
que sur les prétendues révélations d'un
agent secret brûlé depuis longtemps, et les
accusations d'un escroc dont M. Constans ia
publiquement avoué avoir payé 7,000 francs
la déposition 1 - -
Car il n'y a que cela dans l'œuvre de M.
le Procureur général ; toutes les autres dé-
positions, les dépositions des honnêtes gens,
, qui confondent les calomnies de l'escroc et
de l'agent secret, cet étonnant magistrat
semble les oublier. i
11 espérait sans doute que, ignorant les
accusations, je ne pourrais y répondre
avant les débats de la Haute Cour, il comp-
tait que,,, le passé de l'escroc Buret étant in-
connu, il aurait, avec cette déposition à sen-
sation, un effet d'audience. ;, "'f f
Il ne pouvait se douter que M. Constatsj
avouerait avoir payé la déposition de ce
faux témoin. D se disait : « On parviendra
sans doute à découvrir, par la suite, la vé-
rité, mais aprtf le jugement, après la con-
damnation. et le coup sera porté. On pourra
dire partout que le général Boulanger a été
convaincu de concussion et qu'il n'a même
pas osé se défendre ! »
Mais les criminels les plus habiles ne sa-
vent pas tout prévoir. M. Quesnay de Beau-
repaire n'avait pas prévu que son dossier
tomberait entre les mains de mes amis avant
l'audience, et maintenant que la Haute Cour
fasse sa besogne, qu'elle rende un jugement
déjà tout rédigé : toute la France saura par
avance avec quelles preuves, avec quels do-
cuments falsifiés, avec quels témoins payés,
se jouera cette parodie de la justice.
La carrière militaire du Général.
Pour confondre le Procureur général, pour
le convaincre de mensonges, je veux, quelle
que soit la longueur de cette réfutation, ré-
pondra point par point à son réquisitoire.
Il est d'ahord étrange que ce magistrat,
qui parle si longuement de la carrière mili-
taire de mon ami Dillon, pour le colomnier
et mentir impudemment, semble ignorer la
mienne. On dirait, à lire son étrange fac-
tum, que ma carrière n'a commencé qu'en
1882.
Cependant, alors, j'avais vingt-huit années
de service, vingt campagnes, quatre blessu-
res et deux citations à l'ordre de l'armée.
Peut-être, après tout, dois-je savoir gré à
M. Quesnay de Beaurepaire de ne pas avoir
dit que, si quatre fois je suis tombé sur le
champ de bataille, c'est que j'ai voulu me
faire blesser tout exprès, dans le but de
conquérir plus tard une popularité mal-
saine !
Toujours est-il qu'en 1882, étant général
de brigade et directeur de l'infanterie, j'a-
vais, d'après M. de Beaurepaire, « des am-
bitions excessives ». On voit bien que -le
procureur de M. Thévenet ignore ce qu'est
la modeste situation d'un général de bri-
gad^ ^i ne péut guère rfvoîr «""des ambi-
tions excessives B.
Les prétendus agents.
Ici, je relève une première accusation
mensongère. M. de Beaurepaire prétend que
j'ai, à cette époque, envoyé un agent à un
libraire militaire, pour le prier de répandre
ma biographie dans l'armée. C'est faux, je
défie le procureur général et le libraire dont
il s'agit, M. Baudoin, de prouver que c'est
moi qui avais envoyé celui qu'on appelle
mon agent.
Le réquisitoire déclare ensûite qu'à Tunis
c j'ai poursuivi l'exécution de mes plans ! »
et que j'ai eu différents agents, entre autres
une femme. Je ne sais si une femme, vieille
ou jeune, est venue me trouver à Tunis ;
mais ce que je sais bien, c'est qu'aucune
femme ne m'a servi d'agent et que, si le fait
eût était exact, mon honorable adversaire
M. Cambon, en eût certainement parlé dans
sa déposition. -
Le faux témoin Buret. 1
En outre, j'aurais eu à Paris, un autre
agent, « un soi-disant journaliste, trois fois
condamné J. Est-ce de Buret que veut
parler M. Quesnay de Beaurepaire, sans se
doater qu'ainsi lui-même démontre ce que
vaut la déposition de cet escroc acheté, par
M. Constans ?
Oui, il semble certain que, à cette époque,
Buret était l'agent de quelqu'un : mais
c'était de M. Constans et non de moi.
N'est-ce pas, en effet, M. Constans qui
confiait à ce Buret la rédaction d'une dépê-
che, dans laquelle il me faisait offrir le mi-
nistère de la guerre, pour la nouvelle com-
binaison dont il venait d'être chargé, com-
binaison qui échoua ? 1
Oui, j'ai connu alors Buret, que j'avais la
faiblesse de croire un honnête homme, par-
ce qu'il m'avait été présenté par un ministre
ou par des députés.
J'ai connu Buret, jusqu'au jour où j'ai
appris qu'il essayait de battre monnaie avec
mon nom, et me suis aperçu qu'il ne venait
au mini&tère que pour se donner une appa-
rence de crédit absolument imaginaire.
C'est même à propos de lui, le jour même
où je le hs mettre à la porte, que j'ordonnai
de fermer le ministère à tous les intrigants.
Oui, ce fut cet incident qui me suggéra
l'idée d'interdire le ministère de la guerre à
tous les faiseurs d'affaires louches, fussent-
ils sénateurs ou députés. J'en appelle au
souvenir de mon chef de cabinet et de tous
les officiers qui m'entouraient. >
Du reste, il ne m'en coûte pas de le dire,
je me repens) profondément d'avoir cru
alors, dans mon ignorance de la politique,
qu'il suffisait d'être l'ami intime de M. Cons-
tans et d'autres députés pour être un hon-
nête homme ; je me repens sincèrement
d'avoir cru trop facilement à l'honorabilité
de Buret.
Mais vous, monsieur le procureur géné-
ral, qui le connaissez bien, qui savez que
le ministre de l'intérieur a payé 7,000 francs
son témoignage, comment pouvez-vous,
comment osez-vous, uniquement sur ce té-
moigne vendu, échafauder d'odieuses accu-
sations de concussion ?
Le « café en tablettes »
Vous dites qu'à Tunis l'argent me man-
quait ? Pourquoi ? Qu'avais-je donc à en
faire ? J'avais, au contraire, une des situa-
tions les plus rétribuées de l'armée. Ici, je
cite textuellement votre acte d'accusation :
« L'argent manquait ; on recourut aux affai
res véreuses pour essayer de s'en procurer.
Son agent et lui convinrent de partager un
pot-de-vin de 210,000 francs s'il faisait ex-
périmenter dans sa division et accepter au
ministère un système de café en tablet-
tes. D
Il est impossible de réunir en moins de
lignes plus de calomnies odieuses et plus
d'absurdités.
Ce que vous avancez comme une accusa-
tion sérieuse, prouvée, n'est basé que sur la
déposition de Buret seul.
Les gens intéressés à cette affaire, entre
autres un M. Maréchal, je crois, vous les
avez fait venir, vous les avez interrogés, et
que vous ont-ils répondu ?
Qu'ils ne m'avaient jamais vu ! Qu'ils ne
m'avaient jamais parlé !
Pour donner un semblant de véracité à
cette accusation odieaeement mensongère,
vous avez saisi au domicile de Buret une
lettre, un bon de commission, dites-vous où
il est question de G. Votre témoin, escroc
vendu, dit que « G. » signifie le général
Boulanger, mais le mensonge est patent !
S'il sejfOt agi de moi, il y aurait eu tout au
moins du G., et, étant donné les autres
dépositions, sans que je veuille insister,
convaincu que Buret a abusé du nom de ce-
Jui-là â6on.insu»-jptoute la France sait déjà que cette initiale
désigne un homme politique que tout le
monde connaît, et non le général Boulanger.
Jamais je ne me suis occupé de cette
affaire, pas plus que d'aucune autre. On
m'a demandé un jour de faire un essai dans
ma division, comme cela se fait à chaque
instant dans toute l'armée française, les
officiers compétents m'ont répondu que c'é-
tait détestable !
J'ai transmis les rapports et voilà tout !
Avouez que les hommes d'affaires qui
eussent donné 210,000 fr. de commission à
un général pour faire déclarer que leur pro-
duit était détestable, eussent mérité d'aller
à Charenton
Le baron Kohn de Reinach.
La vérité, je commence aujourd'hui à
l'entrevoir, c'est qu'au contraire, dans cette
affaire, ma droiture, la façon dont j'ai sim-
plement transmis au ministre l'opinion dé-
favorable des chefs de corps, m'a créé des
inimitiés toutes particulières, que longtemps
je ce me suis pas expliquées, et dont, au-
jourd'hui, je crois deviner l'origine.
L'homme le plus intéressé à cette affaire
il l'avoue dans sa déposition était M.
le baron Kohn de Rdinach, oncle et beau-
père de Ikf. Joseph Reinach, de la Républi-
que française. Je me suis refusé à faire les
affaires des opportunistes, et c'est pour me
punir qu'on a fait les petites catilinaires !
Je n'ai vu qu'une fois M. le baron de
Reinach, chez Baret -.qui sans doute, je
le comprends aujourd'hui, devait être un de
ses agents. J'avais commis l'imprudence
d'aller dtner chez ce Buret, dont alors je ne
soupçonnais pas encore l'infamie ; mais M.
de Reinach ment quand il parle de ma fa-
miliarité avec son homme. de paille. Au
contraire, m'apercevant que ce dîner avait
un caractère louche, d'affaires véreuses, je
quittai le plus vite possible cette maison,
je commençai à me mettre en garde contre
Buret, et c'est peu de temps après que je
l'expulsai du ministère.
L'affaire des épaulettes.
Je passe maintenant à c l'affaire des épau-
lettes. »
« D'autre part, dites-vous, il mit son au-
c torité et le titre de sa fonction au service
« d'un marchand d'èpaulettes, moyennant
« une commission de vingt centimes par
t paire, à partager entre lui et son cotur-
« tier. »
Vous avez, pour cette affaire, trois dépo-
sitions : celle de Tescroc Buret, qui m'ac-
cuse ; celle du principal intéressé, M. Du-
puy, le marchand d'épaulettes, qui déclare
de la façon la plus formelle que je n'ai ja-
mais été mêlé à tcette louche histoire ; la
déposition d'un ancien' minis d'un dépu-
té, l'honorable M. Granet, qui affirme que
le jour* oit il m'a parlé de « Taffaire Dupuy, »
je lui ai répondu : « Je ne veux pas me mê-
ler de cela, ces sortes de choses ne me re-
gMdent pM. Ditee & M. Dupuy d'aller trou-
ver le directeur compétent. Je ferai ce que
le directeur décidera. à
Eh bien ! entie ces trois dépositions, la-
quelle choisissez-vous ? Vous n'en retenez
qu'une seule : celle du témoin escroc, privé
de ses droits civils et politiques, un témoin
dont M. Constans (il faut le répéter sans
cesse) a avoué publiquement avoir payé le
témoignage 7,000 francs.
Quel ignoble métier faites-vous donc, et
quelle opinion l'étranger aura-t-il désormais
d'un pays oô il se trouve un magistrat ca-
pable d'une semblable infamie ?
Je continue à suivre pas à pas le réquisi-
toire, sur lequel va me juger la Haute Cour
de justice.
Les quarante-quatre portraits.
V ous prétendez, monsieur de Beaurepaire,
qu'étant ministre de la guerre, j'ai fait faire
quarante-quatre portraits de moi et vous
ajoutez perfidement que a j'ai même fait
faire certains de ces portraits en Allema-
gne».
Je suis surpris de ce chiffre de quarante-
quatre portraits, je croyais qu'il y en avait
bien plus ! Mais vous mentez quand vous
prétendez que je les ai fait faire ! Jamais,
je l'affirme, je ne me suis occupé de faire
faire un seul de mes portraits. Il est vrai
que je n ai jamais voulu poursuivre les in-
nombrables industriels qui ont gagné quel-
que argent à vendre des portraits de moi,
plus ou moins ressemblants et parfois ridi-
cules.
Si c'est là un crime, je m'en accuse, et
c'est, du reste, le seul que j'ai commis.
Prétendues subventions.
J'arrive maintenant à la partie la plus
méprisable de votre œuvre, monsieur le
procureur général, attendu que non seu-
lement cette fois vous altérez la vérité, mais
vûcere-vous àT*évéleir^tïifTSIôpj®i
des fonds secrets ce qui devrait rester igno-
ré car c'est peut-être au ministère de la
guerre seul que les fonds secrets ont leur
raison d'être, à la condition, bien entendu,
que leur emploi demeure inconnu.
Votre réquisitoire prétend que j'ai donné
242,693 francs de subvention à la presse.
Nouveau mensonge. Les journaux subven-
tionnés l'étaient par le ministre de l'intérieur
ou le ministre des affaires étrangères, et
non par moi. Il serait étrange d'ailleurs,
qu'ayant fait un si mauvais usage des fonds
secrets, je sois le seul ministre qui en ait
fait tenir une comptabilité exacte. Il saute
aux yeux des plus naïfs que, si j'avais eu
quelque chose à cacher, j'aurais brûlé cette
comptabilité, comme c'était mon droit, et
que vous ne l'eussiez pas retrouvée chez M.
Reichert.
Non, monsieur de Beaurepaire, je n'ai pas
donné une seule subvention ayant un carac-
tère politique pendant que j'étais au minis-
tère de la guerre. Oui, j'ai cru nécessaire;
à une heure grave, d'organiser mon service
de renseignements comme il ne l'avait ja-
mais été, et si mon patriotisme n'était plus
fort même que l'intérêt de ma défense, je
pourrais dire entre quels hommes et moi
étaient intermédiaires les personnes sou-
vent des journalistes dont vous avez re-
trouvé les noms ou les initiales.
J'ai l'orgueil d'avoir fait à cette époque,
tout mon devoir, et de l'avoir Jfcien fait.
Faites-donc cette enquête, si vous l'osez !
Faites venir ces intermédiaires et racontez
à toute l'Europe quels étaient nos agents,
même dans les salons de Berlin ou de Rome !
Mais vous ne l'oserez, parce que vous sa-
vez bien que le pays vous punirait de la
peine des traîtres ! -
Vous parlez d'un homme de main qui
aurait été condamné pour attentat à la pu-
deur. Je n'ai jamais eu d'homme de main,
je ne me suis guère occupé des antécédents
des personnes qui ont écrit sur mon compte
je ne sais même à quelle condamnation
ni à quel personnage vous faites allusion.
J'ignore de même absolument le nom de
l'homme condamné sous mon ministère que,
dites-vous, j'ai recommandé à ses juges.
Jusqu'ici, je n'ai rien trouvé dans les pièces
du dossier de la Haute Cour qui s'y rap-
porte.
Fonds secrets et fonds de réserve.
Mais je reviens à la question des fonds
secrets et à celle du fonds de réserve, vo-
lontairement embrouillées par vous et que
je dois à mes amis de clairement élucider.
Tout d'abord, votre réquisitoire commet
une erreur.
En 1886, je n'ai pas eu 700,000 francs de
fonds secrets, mais bien 740,000 francs, la
marine m'ayant donné 40,000 francs pour
les renseignements très graves et très im-
portants sur cé qui intéressait son départe-
ment.
Il est faux, d'un autre côté, que j'aie eu
plus d'argent & ma disposition que mes pré-
décesseurs ; sans remonter à plus de trois
années, les fonds secrets étaient ;
En 1883, de 924.000 francs.
En 1884, de 1.142.000 »
En 1885, de 902.000 »
Que l'on fasse la différence entre ces
sommes et celles qui étaient à ma disposi-
tion, que l'on se souvienne des événements
graves qui se sont passés pendant mon mi-
nistère, et l'on comprendra facilement com-
ment j'ai été obligé de toucher au fonds de
réserve, et d'y prendre une somme relative-
ment minime.
Les fonds de réserve jasqu'en
1886.
J'y étais d'ailleurs autorisé par l'exemple
de mes prédécesseurs, qui, quand il l'avait
fallu, dans l'intérêt dn pays, avaient puisé
dans ce fonds de réserve et fait leur devoir,
comme l'ai fait le mien.
Vous altérez donc une fois de plus la vé.
rité, monsieur de Beaurepaire. quand vous
dites, en parlant du fonds de réserve:
« Depuis 1872 les ministres se sont fait un
devoir d'y ajouter sans cesse, et de n'y pni
ser jamais. »
Pour vous confondre, il me suffit de pro-
duire depuis 1872 l'état de ce fonds de ré-
serve, qui d'ailleurs jusqu'en 1875 fut appelé
fonds divers, et de 1875 à 1886 fonds de rou-
lement, ce qui indique bien sa nature et sa
destination.
Le 7 mars 1872, il
était de. q 104.304 fr. 78 cent.
Le 1" février 1873,
il était de. t. 177.561 fr. 22 cent.
Le 9 janvier 1874,
il était de. 120.424 fr. 68 cent.
Le 18 décembre
1874, il était dé. 8.175 fr. 17 cent.
Le 23 novembre * :
1876, il était de*»«os**.
Je ferai remarquer qu'en 1874 et 1875 des
événements graves avaient été & la veille de
se produire et que mon prédécesseur a fait
son devoir en prenant presque tout le fonds
de réserve, comme j'aurai cru faire le mien
en prenant la totalité des sommes qui cons-
tituaient ce fonds pendant les évènements
qui ont précédé l'affaire Schnaebelé si
je l'avais juhé utile.
A partir de t876, ce fonds dit de réserve
augmente assez rapidement; en novembre
1877, il est de 227,647 fr. 23 ; mais il conti-
nue à subir de nombreuses fluctuations-
ce qui suffit à prouver combien sont men-
songères vos allégations, monsieur de Beau-
repaire !
Au 13 mars 1876, il est de 108.230 fr. 06.
Au 13 août de la même année, il n'est
plus que de 105, 273 fr. 56.
De 1877 à 1879, il diminue encore au lieu
d'augmenter.
Le 1er septembre 1877, il est de 228,607
fr. 66.
Au 13 janvier 1879, il n'est plus que de
215,606 fr. 80.
Je ne voudrais pas rappeler un fait en-
core plus récent ; mais il le faut bien, puis-
que je dois me détendre. Un de mes prédé-
cesseurs, le général Billot, un de mes juges
d'aujourd'hui, a fait des dépenses dépassant
de 8,046 fr. 42 le chiffre de ses allocations.
J'en ai les preuves en main ; comme j'ai
d'ailleurs celles de tous les chiffres que je
viens de donner. Je n'ai cité que les dates
où fut dressé un bilan officiel du fonds de
réserve.
Est-ce clair ?
Car ces chiffres, ces dates, si vous avez
fait une enquête sérieuse, vous ne devez
pas, vous ne pouvez pas les ignorer plus
que moi, monsieur de Beaurepaire !
De 1885 à 1887.
Passons maintenant à mon ministère.
Quand j'entrai rue Saint-Dominique, le
fonds dit de réserve était de 2,038,255 fr.14.
De ce chiffre, il y a lieu de diminuer, comme
afférents à l'exercice de 1885, 58,880 francs
employés à compléter a un mois de traite-
ment la gratification de fin d'année des em-
ployés dont les appointements sont infé-
rieurs à 3,600 fr., gratification qu'ils avaient
toujours eue, et que ne permettaient pas de
leur donner entièrement, cette année-là, les
allocations budgétaires; or, j'ai toujours
pensé que le devoir d'un ministre était de
défendre les intérêts des petits employés et
d'empêcher qu'ils n'aient à souffrir des ca-
prices budgétaires du : Parlement Ce que
j'ai fait alors, je le Déférais encore ai j'étais
ministre. ;' -,
Le fonds de réserve restait donc de
4,979,575 fr. 14. .;
Le service des renseignements, en plu
de ses dotations habituelles, a absorbé
80,000 fr. Tous les patriotes qui se rappel-
lent les incidents qui ont précédé ou ac-
compagné l'affaire Bchnaebelê, tous les
omciers qui travaillaient avec moi, et qui
savent ce que noua avons fa1\ aIoIJ, voa.
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