Titre : Patriote algérien : paraissant les mardi et samedi / directeur-gérant M. Vidal-Chalom
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1889-06-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32833915w
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 juin 1889 02 juin 1889
Description : 1889/06/02 (A4,N281). 1889/06/02 (A4,N281).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6358753b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-87303
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/10/2012
N* 281. Quatrième annee.
5 CENTIMES
Dimanche, 2 Juin 4889.
Le Pa trio te Algérien
Rcdavttoia: 4) enlace u,"t,-te"{l;
En face la Préfecture. j
PARAISSANT LES MARDI ET SAMEDI
E^ircctioai : 4. I*iac<* Oïïj".I.er.
En face la Préfecture. *
- ABONNEMENTS '"-'
Trois mois. Six mois. Un an..
ALGÉRIE. 3 6 iS
FRANCE ET ÉTRANGER. Port en sus.
Tout ce qui concerne la Rédaction, et ÇAdministration doit être adressé
à la Direction :
4, Place Soult-Berg (en face la Préfecture).
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NE SERONT PAS RENDUS
INSERTIONS
: Légales, 0,18. Diverses, 0,35. Réclames, 1 fr.
Insertions des Annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le i" juin 48b9.
UNE VRAIE GAFFE
Mes lecteurs ont déjà compris que
c'est de la gaffe commise par M. Flan-
din qu'il s'agit. Dans la hâte de l'article
à écrire, j'avais oublié l'autre jour un
détail qui a son importance.
Quand M. Flandin prit possession de
son poste de procureur général, il dit,
répondant à M. Rack qui l'invitait à sé-
vir contre le boulangisme, qu'il y au-
rait la main et que les boulangistes n'au-
raient qu'à bien se tenir.
A la suite de ces déclarations, il ne
faisait doute pour personne que la pre-
mière mesure, sortant du train-train de
la justice ordinaire, serait une mesure
prise contre le parti national revision-
niste.
Or il en a été tout autrement.
C'est contre le Radical, c'est-à-oire
contre le journal le plus nettement et le
plus radicalement anti boulangiste d'Al-
ger que le procureur général a fait ins-
trumenter.
Ce sont contre ceux qui à aucun mo-
ment n'ont tiédi dans leur lutte contre
Boulanger que des vexations ont été
commises.
Si c'est pour opérer de cette façon la
concentration des deux partis républi-
rTffSQ&M* J* ^oQvernement a envoyé
U^/Taiîdin,1# #éut se montrêr satisfait.
il est servi à souhait.
, Encore une ou deux maladresses de
cette sorte et le nombre des mécontents,
suffisamment élevé à Alger, ne fera que
croître et embellir.
M. Flandin, j'avais tort de vous criti-
quer il y a quelques jours. Le Patriote
et son parti vous doivent au contraire
de sincères remerciements.
Vous n'êtes pas nègre nous n'a-
vons encore à Alger que des avocats de
cettecoulenr - vous n'êtes pas officier
non plus, quoique militant, mais je ne
puis vous dire qu'une chose I
Continuez.
Continuez, car vos débuts promettent
merveille. Ils font preuve d'un tel tact,
d'un tel flair, d'un tel esprit d'à-propos,
de cet esprit toujours hautement coté
par le gouvernement qui vous nomme,
qu'il ne sera pas besoin de grande pro-
pagande de notre part pour arriver au
but que nous nous proposons.
BRUNAY.
La Cause d'une Démission
On s'est fort occupé, dans la presse et
hors de la presse, de la démission de M.
Serpaggi de son double mandat de conseil-
ler municipal et d'adjoint.
Nous avons dit exactement, sans rien
omettre ni ajouter, quel accueil le Conseil
avait fait au vœu exprimé par quelques-
uns, que cette démission fut retirée
M. Serpaggi na rien voulu entendre.
Soit parce que l'unanimité de ses collè-
gues ne s'était pas associée à ce vœu, soit
pour toute autre cause.
Ce qu'il y a donc de certain, c'est qu'une
période électorale va être prochainement
ouverte, que les eprils vont s'échauffer,
que la majorité du Conseil municipal va se
trouver probablement amoindrie par de
nouvelles élections et que, par le fait d'élé-
ments nouveaux de discussions, les affaires
de la ville n'iront pas sans à-coups.
S'il se fut agi d'une démission ordinaire,
n'entraînant aucun de ces inconvénients
multiples, nous n'eussions rien dit, esti-
mant qu'il n'est pas toujours nécessaire de
faire connaitre au public le dessous des
cartes. Mais, dans les conditions présentes,
nous croyons au contraire qu'il est bon de
tout dire.
Voici donc à qui incombe la responsabi-
lité de la démission de M. Serpaggi.
Le Conseil municipal et le Conseil géné-
ral, ou du moins la majorité de l'une ou de
l'autre de ces assemblées n'étaient pas d'ac-
cord sur la question des chemins de fer-
tramways ou des tramways-chemin de fer.
Pour applanir si possible les difficul-
tés existantes, pour essayer d'arriver à une
entente, on émit au Conseil général, hors
séance, l'idée de faire nommer une déléga-
tion municipale avec laquelle on discuterait,
mains et dossier sous les yeux.
**̃ L'idée était cerïamëment heureuse, en ce
sens que n'importe quelle détermination
prise, aurait été prise en parfaite connais-
sance de cause et après mûr examen.
Mais un conseiller général, membre de
la commission des chemins de fer, fut d'un
avis opposé.
Laissez-moi faire, dit-il, je suis en ex-
cellents termes avec la municipalité. Je vais
préparer la besogne et suis sûr du succès.
On eut tort d'ajouter foi à de si belles
promesses. Sans doute, le conseiller géné-
ral en question n'est pas une quantité abso-
lument négligeable, et il est hors de dis-
cussion qu'il a un pied dans tous les partis,
au point de faire croire qu'il en a quatre.
Mais parce qu'il à fait de bonnes finances
surtout pour son compte c'est une
erreur de croire qu'il fera de bonne politi-
que.
On l'a vu. Il répondait de tout. Il a
poussé en avant M. Serpaggi, qui y a été
avec la plus entière bonne foi.
Résultat : échec de M. Serpaggi.
MORALE. Méfiez-vous de tous ceux,
grands et petits, myopes ou presbytes, qui
vous diront qu'ils feront da se.
CLOPINBL.
- - 6
• ITALIA 1859-1889- 1
Une brochure sans nom d'auteur,
mais que l'on sait être l'ouvrage de M.
dé Visconti-Venosta, ancien secrétaire
de Cavour, puis trois fois ministre des
affaires étrangères, est citée, discutée,
approuvée ou combattue avec une ex-
trême vivacité par toute la presse ita-
lienne.
Comme l'indique l'antithè e de chiffres
dans son titre, ce livre oppose Magenta
et Solférino au voyage du roi Humbert à
Berlin,
Il rappelle que le changement s'est
produit à vue, dans la politique de Ber-
lin, en <866. Il met à jour la duplicité
personnelle du roi Guillaume et de M.
de Bismarck. Voici, par exemple, trois
dépêches datées du même jour, niant et
affirmant le fait de l'alliance prusso-ita-
lienne :
Au commandeur Nigra, ambassadeur
à Paris.
Florence, 12 juin 1866.
La reine de Prusse, écrivant à l'em-
pereur d'Autriche, lui aurait affirmé que
le roi de Prusse lui avait donné sa pa-
role qu'il n'existait pas de véritable
traité entre la Prusse et l'Italie, et que,
si l'Italie attaquait l'Autriche, la Prusse
n'était pas obligée de la suivre.
Signé : LA MARMORA.
A u comte Nigra
Florence, 22 juin 1866.
Il e t important que l'empereur sache
que M. de Bismarck a proposé à diffé-
rentes reprises à Barrai et à Govone que
nous attaquions l'Autriche.
:-- ',', , "-" "'¡gfië'i'l..i ltfARKCtâAt Õ.
Au général La Marmora.
Pari^, 12 juin 1866.
L'empereur m'a dit que le roi de
Prusse avait donné à l'empereur l'assu-
rance d'honneur qu'il n'avait signé au-
cun traité avec l'Italie, et que, si l'Italie
attaquait l'Autriche, la Prusse n'était pas
obligée de déclarer la guerre.
NIGRA.
Voici une lettre qui démontre que l'l-
talie pouvait obtenir la Vénétie sans
guerre avec l'Autriche :
Paris, 5 mai 1866.
Au général La Marmora
L'empereur m'a fait appeler aujour-
d'hui. Il m'a dit que l'Autriche lui pro-
pose formellement de céder la Vénétie, à
la condition que l'on permette à l'Autri-
che de s'indemniser sur la Prusse. La
cession serait faite à la France, qui la re-
céderait - à l'Italie, - sans conditions.
L empereur m a demandé si nous pou-
vions rompre nos engagements avec la
Prusse. En attendant, gardez le secret
absolu et réfléchissez sérieusement, car
la chose en vaut la peine.
Je vous prie de me télégraphier vos
premières impressions. J'ai mis confi-
dentiellement l'empereur au courant de
nos dernières relations avec la Prusse.
Signé : NIGBA.
CONCLUSION
M. de Visconti-Venosta résume en
ces quelques lignes les résultats de la
politique nouvelle italienne :
« En 1881, nos fluances étaient pros-
pères. Notre badget se soldait avec 51
millions d'excédent. En 1882, date de
la nouvelle alliance, commence un défi-
cit grandissant qui atteint, cette année,
le chiffre effrayant de 461 millions.
» Et ce n'est pas tout. Il était néces-
saire,pour le génie profond qui dirige la
politique allemande, que l'Italie fit plus
encore que de ruiner ses finances pub li-
ques ; il faut qu'elle se sente ruinée
aussi dans sa fortune privée U que cette
ruine, plus sensible que l'autre, puisse
être attribuée per et nefas à une nation
voisine avec laquelle, pour l'intérêt mi-
litaire de l'Allemagne, l'Italie doit être
toujours mortellement divisée. »
+
Revuede la Presse Algérienne
L'Akhbar s'occupe de l'agrandisse-
ment des villages, d'après le projet sou-
mis au gouvernement par le maire de
Montenotte :
« Nulle part, dit-il, du moins que
« nous sachions, l'administratien n'avait
« prévu l'agrandissement du centre
« créé, soit par suite de la venue de
« nouveaux tolons, soit par Faccroisse-
« ment des familles. »
Cela ne nous surprend pas. Avant que
l'administration ait quelque clairvoyance,
nous verrons éclore pas mal de cri-
quets.
C'est égal, si l'Ak.%bar se met à dau-
ber 1 administration, il n'y aura bientôt
plus que la Dépêche pour avoir le cou-
rage de la défendre. Ce sera peu.
Le même journal l'A khbar, bien
entendu continue ainsi :
En principe, nous l'avons dit bien sou-
vent, nous ne sommes pas partisans des
concessions gratuites, encore moins des
expropriations des indigènes qui ne servent
souvent qu'à creuser le fossé de haine qui
nous sépare des Arabes et qui créent, par
suite de l'attachement de certains indigènes
pour la tene natale, des situations intolé-
rables, comme par exemple, dans une com-
mune non loin d'Alger, où l'on voit des
Arabes cultiver comme fermiers des terres
dont ils étaient légitimes propriétaires il n'y
a pas vingt ans.
Par ce temps d'araphobie, il n'est pas
sans intérêt d'enregistrer des protesta-
tions de ce genre.
Nous avons parlé de la discussion re-
lative à une proposition présentée à la
Chambre des députés par M. Delisse,
concernant les modifications à apporter
au tarif général des douanes sur les bes-
tiaux. :
L'Echo d'Or an dit à ce sujet :
Les viandes abattues n'ayant à acquit-
ter à la douane qu'un modique droit de
trois francs par 100 kilogs, les Allemands
inondent le marché de Paris de leur bé-
tail et particulièrement de leurs moutons
car la production française en moutons est
insuffisante pour assurer la consomma-
tion.
Il est triste de penser que l'Algérie n'est
pas en mesure de combler le déficit de
la production française et qu'il faille aller
chercher les gigots sur les bords de la
Sprée, quand on a là tout prêt des millions
d'hectares de terrain qui se prêtent admi -
rablement à l'élevage des transhumants.
Il faut se mettre à l'œavre, ce ne sont pas
les débouchés qui feront détaul ; il y aura
toujours des amateurs de gigots et de côte-
lettes et il y aura sans doute encore des ex-
positions où il faudra 250,000 moutons par
mois pour rassasier les estomacs des visi-
teurs.
Revenons donc à nos moutons.
Evidemment, ce serait très simple et
très logique, mais les députés ne l'enten-
dent pas ainsi. Les moutons d'Algérie,
qu'est-ce que c'est que cela ? Parlez-leur
des gigots allemands. Peut-être, après
tout, les apprètent-ils à la confiture I.
*
* *
On sait que l'Empereur d'Allemagne a
en un moment l'idée de conduire son
valet Humbert à Strasbourg. Au dernier
moment, il a cru bien de s'abstenir.
Quel dommage dit le Républicain que Iesw.,
quatre frères Aymon, Bismarck et Crispi,
Guillaume et Humbert. ne soient pas allés
à Strasbourg faire leur petite tournée de
gala ! Nous nous nous serions, à coup sûr,
payé une pinte de bon sang. L'écho des sif.
flets qui eussent accueilli la caravane des
quatre compères et les éclaboussures de
pommés cuites auraient assurément dé-
passé la frontière. Nous aurions pu consta-
ter nous-mêmes avec quel enthousiasme les
populations alsacienne et lorraine accla-
maient les coryphées de la Triple Alliance 1
Ce qui est certain, c'est que les quatre co-
pain-pirateries internationales ont re-
noncé à leur projet. Au premier abord, une
imprudence parfaite. Au second mouve-
ment, de la prudence, beaucoup de pru-
dence, la politique de Conra?t : l'abstention.
La première opinion n'est pas, paralt-il.
toujours la meilleure.
Eh bien ! oui, ils ont eu peur de Stras-
bourg. Oui, ils ont craint une explosion
d'indignation, un soulèvement de mépris.
»
* *
L'enlèvement du drapeau rouge dans
les Bureaux du Radical fait dire au Fri-
toulet Oranais.
Nos amis Quercy et Grégoire sont com-
munards, c'est absolument leur droit com-
(26) FEUILLETON DU Patriote Algérien.
MADAME MARCARET
HISTOIRE PARISIENNE
Par ARMAND LAPOINTE.
(Suite)
Félicie n'aperçut pas la jeune femme ;
elle monta sur l'estrade, se déshabilla et
prit la pose que lui indiquait Alexis. A
ce moment, Faustine se leva, fit le tour
do modèle et l'examina curieusement;
celle-ci rougit, sa peau mate et blanche
se colora subitement, et une sensation
pénible la fit frison ner. *
,: - Vous ne gardez pas la pose, Félicie,
lui dit l'artiste.
Je le sais bien, monsieur.
Etes-vous fatiguée ?
- N'on
Ne bougez pas, alors. :
Dans ce cas, monsieur, priez madame
de sortir, son regard me gêne !
Il y avait dans ces mots un sentiment
singulier de pudeur. Cette fille qui, au
milieu d'un atélier, restait impassible et
: '< indUférente, était mal à l'aise sous les
regards d'une femme, et à coup sûr ce
c'était point son amour-propre qui souf-
", Irait de cet examen, car elle possédait
une beauté de formes irréprochable.
Alexis lut frappé de cette observation,
non pas qu'il l'eût prévue, mais il en
comprit le sens et reconnut combien la
présence de sa femme était déplacée.
Il n'osa s'avouer que la pauvre créature
qui lui servait de modèle était plus pu-
dique que Faustine, et ne vit dans la
conduite de celle-ci qu'un acte irréfléchi
ou le sentiment d'une complète inno-
cence.
Je sors, mademoiselle, * dit Faustine,
et vous fais compliment de votre parfaite
beauté.
Elle s'en alla dans le jardin, un peu rê-
veuse, effeuillant les fleurs qu'elle trou-
vait sur son passage.
Après avoir fait tleux ou trois fois le
tour du jardin, elle entra chez sa mère ;
par hasard, Madame Bernard était chez
elle.
Est-ce que ton mari est sorti ! de-
manda Madame Bernard.
- Non.
- Pourquoi n'es-tu pas avec lui ?
- Parçe qu'il y a un modèle dans son
atelier.
–Un homme?
Non : une femme.
- Nue ?
Oui ! dit en souriant Faustine.*
Ah 1 quelle horreur ! Et tu souffres
cela, toi?
Faustine fut surprise de cette question.
Mais je n'y vois aucun mal, dit-elle.
Tous les peintres ont besoin de modèles.
Ah ! l'innocente ! qui accepte de pa-
reils mensonges ! Tous les peintres sont
des débauchés et des scélérats, et ces
prétendues modèles ne sont qu'un pré-
texte à turpitudes. Tu crois que ton mari
est meilleur que les autres ? Quelle
erreur, ma pauvre fille ! Tu es trompée
comme le sont toutes les femmes lorsque
l'amour les aveugle. Je te l'avais dit :
N'aime pas cet homme-là et sois toujours
la maîtresse! Tu n'as pas voulu avoir
confiance en ta mère, c'est bien fait pour
toi.
Je t'assure que tu te trompes, mère.
Soit, je le veux bien ; je ne suis pas
de ces mères qui aiment à semer la dis-
corde dans le ménage de leurs enfants,
mais, moi, à ta place, si je devais subir
les modèles, je ne les laisserais pas seu-
les avec mon mari. -
Je sors à l'instant de l'atelier.
- Pourquoieo es-tu sortie ?
Faustine pâlit et n'osa répondre.
Elle se rappelait que, la veille, Alexis
l'avait presque congédiée, et qu'elle avait
laissé, tout a l'heure, son mari en tête à
tête avec cette belle fille sur l'observation
de celle-ci.
Un instant, le doute troubla son esprit.
Sa mère l'observait curieusement.
Elle est belle, cette drôlesse ? de-
manda-t-elle.
De qûi parles-tu ?
De cette créature qui est dans l'ate-
lier.
- Fort belle 1
Madame Bernard eutjBn sourire d'une
ironie brutale.
Et tu t'imagines que ton mari est là,
de sang-froid. comme Joseph chez Ma-
dame Putiphar?. Ah! jour de Dieu,
que tu connais peu les hommes !
Elle prit son chapeau.
Tu sors ? demanda Faustine.
Oui ; je vais visiter les magasins et
faire des emplettes d'hiver.
Attends-moi un instant, je vais t'ac-
conpagner.
Faustine avait son projet.
Avant que Madame Bernard eût ré-
pondu, elle sortit du pavillon, traversa
le jardin en courant et arriva près de la
maison principale ; elle s'approcha bien
doucement de la baie, qui était fermée
par le rideau, en souleva légèrement un
des côtés, et plongea son regard dans
l'atelier. Le modèle était immobile sur
l'estrade ; Alexis travaillait à la même
place. 4.
J'en étais sûre ! murmura-t-elle.
- - - --.
Et, avec un sourire dont l'interpréta-
tion eût été facile pour un observateur
sagace, elle ajouta :
Oh ! je suis bien tranquille !
Elle monta chez elle, s'habilla et rejoi-
gnit sa mère.
Lorsque les deux femmes furent dans
la voiture, Madame Bernard voulut re.
prendre son thème.
Ne parlons plus de cela, mère, dit
Faustine avec une certaine vivacité, tes
suppositions sont complètement fausses.
au Madame Bernard était toute dépitée de
son insuccès.
Alexis est un saint, dit-elle. Parlons
d'autre chose, je le veux bien.
Elle contempla sa fille et s'écria tout à
coup :
Ah ! mon Dieu ! qu'est-ce que c'est
que cette machine que tu as sur la tête ?
Quoi donc ? demanda Faustine.
Mais, ce chapeau !
Eh bien ?
Il est affreux !
Tu crois ? Alexis et moi nous le
trouvons très gentil.
De quoi se mêle ton mari ? Est-ce
qu'il s'y connaît ? Pourquoi permets-tu
qu'il s'occupe de ta toilette ?
Mais il ne s'en occupe nullement.
C'est moi qui ai commandé cette coiffure.
Chez qui ?
Chez une modiste de la rue Fontaine.
Rue Fontaine ! s'écria madame Ber-
nard d'un ton de mépris inexprimable,
chez une revendeuse à la toilette, sans
doute !
Ah ! mère !
-.Oh ! Je devine ce que tu cherches à
me cacher ; c'est ton mari qui te con-
traint à te coiffer d'un chapeau de dix
francs ! Il ne lui manquait plus d'être
avare ! C'est aussi par avarice qu'il te
garde toute la journée à ses côtés, cela
économise tes toilettes ! Avare, jaloux et
débauché ! Te voilà bien lotie, ma pauvre
Faustine ! Et tu as la faiblesse un pareil homme 1 Ah 1 si j'étais à ta
place !
Elle s'arrêta et attendit une interroga-
tion. -
Madame Margaret ne la fit pas.
pas.
5 CENTIMES
Dimanche, 2 Juin 4889.
Le Pa trio te Algérien
Rcdavttoia: 4) enlace u,"t,-te"{l;
En face la Préfecture. j
PARAISSANT LES MARDI ET SAMEDI
E^ircctioai : 4. I*iac<* Oïïj".I.er.
En face la Préfecture. *
- ABONNEMENTS '"-'
Trois mois. Six mois. Un an..
ALGÉRIE. 3 6 iS
FRANCE ET ÉTRANGER. Port en sus.
Tout ce qui concerne la Rédaction, et ÇAdministration doit être adressé
à la Direction :
4, Place Soult-Berg (en face la Préfecture).
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NE SERONT PAS RENDUS
INSERTIONS
: Légales, 0,18. Diverses, 0,35. Réclames, 1 fr.
Insertions des Annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le i" juin 48b9.
UNE VRAIE GAFFE
Mes lecteurs ont déjà compris que
c'est de la gaffe commise par M. Flan-
din qu'il s'agit. Dans la hâte de l'article
à écrire, j'avais oublié l'autre jour un
détail qui a son importance.
Quand M. Flandin prit possession de
son poste de procureur général, il dit,
répondant à M. Rack qui l'invitait à sé-
vir contre le boulangisme, qu'il y au-
rait la main et que les boulangistes n'au-
raient qu'à bien se tenir.
A la suite de ces déclarations, il ne
faisait doute pour personne que la pre-
mière mesure, sortant du train-train de
la justice ordinaire, serait une mesure
prise contre le parti national revision-
niste.
Or il en a été tout autrement.
C'est contre le Radical, c'est-à-oire
contre le journal le plus nettement et le
plus radicalement anti boulangiste d'Al-
ger que le procureur général a fait ins-
trumenter.
Ce sont contre ceux qui à aucun mo-
ment n'ont tiédi dans leur lutte contre
Boulanger que des vexations ont été
commises.
Si c'est pour opérer de cette façon la
concentration des deux partis républi-
rTffSQ&M* J* ^oQvernement a envoyé
U^/Taiîdin,1# #éut se montrêr satisfait.
il est servi à souhait.
, Encore une ou deux maladresses de
cette sorte et le nombre des mécontents,
suffisamment élevé à Alger, ne fera que
croître et embellir.
M. Flandin, j'avais tort de vous criti-
quer il y a quelques jours. Le Patriote
et son parti vous doivent au contraire
de sincères remerciements.
Vous n'êtes pas nègre nous n'a-
vons encore à Alger que des avocats de
cettecoulenr - vous n'êtes pas officier
non plus, quoique militant, mais je ne
puis vous dire qu'une chose I
Continuez.
Continuez, car vos débuts promettent
merveille. Ils font preuve d'un tel tact,
d'un tel flair, d'un tel esprit d'à-propos,
de cet esprit toujours hautement coté
par le gouvernement qui vous nomme,
qu'il ne sera pas besoin de grande pro-
pagande de notre part pour arriver au
but que nous nous proposons.
BRUNAY.
La Cause d'une Démission
On s'est fort occupé, dans la presse et
hors de la presse, de la démission de M.
Serpaggi de son double mandat de conseil-
ler municipal et d'adjoint.
Nous avons dit exactement, sans rien
omettre ni ajouter, quel accueil le Conseil
avait fait au vœu exprimé par quelques-
uns, que cette démission fut retirée
M. Serpaggi na rien voulu entendre.
Soit parce que l'unanimité de ses collè-
gues ne s'était pas associée à ce vœu, soit
pour toute autre cause.
Ce qu'il y a donc de certain, c'est qu'une
période électorale va être prochainement
ouverte, que les eprils vont s'échauffer,
que la majorité du Conseil municipal va se
trouver probablement amoindrie par de
nouvelles élections et que, par le fait d'élé-
ments nouveaux de discussions, les affaires
de la ville n'iront pas sans à-coups.
S'il se fut agi d'une démission ordinaire,
n'entraînant aucun de ces inconvénients
multiples, nous n'eussions rien dit, esti-
mant qu'il n'est pas toujours nécessaire de
faire connaitre au public le dessous des
cartes. Mais, dans les conditions présentes,
nous croyons au contraire qu'il est bon de
tout dire.
Voici donc à qui incombe la responsabi-
lité de la démission de M. Serpaggi.
Le Conseil municipal et le Conseil géné-
ral, ou du moins la majorité de l'une ou de
l'autre de ces assemblées n'étaient pas d'ac-
cord sur la question des chemins de fer-
tramways ou des tramways-chemin de fer.
Pour applanir si possible les difficul-
tés existantes, pour essayer d'arriver à une
entente, on émit au Conseil général, hors
séance, l'idée de faire nommer une déléga-
tion municipale avec laquelle on discuterait,
mains et dossier sous les yeux.
**̃ L'idée était cerïamëment heureuse, en ce
sens que n'importe quelle détermination
prise, aurait été prise en parfaite connais-
sance de cause et après mûr examen.
Mais un conseiller général, membre de
la commission des chemins de fer, fut d'un
avis opposé.
Laissez-moi faire, dit-il, je suis en ex-
cellents termes avec la municipalité. Je vais
préparer la besogne et suis sûr du succès.
On eut tort d'ajouter foi à de si belles
promesses. Sans doute, le conseiller géné-
ral en question n'est pas une quantité abso-
lument négligeable, et il est hors de dis-
cussion qu'il a un pied dans tous les partis,
au point de faire croire qu'il en a quatre.
Mais parce qu'il à fait de bonnes finances
surtout pour son compte c'est une
erreur de croire qu'il fera de bonne politi-
que.
On l'a vu. Il répondait de tout. Il a
poussé en avant M. Serpaggi, qui y a été
avec la plus entière bonne foi.
Résultat : échec de M. Serpaggi.
MORALE. Méfiez-vous de tous ceux,
grands et petits, myopes ou presbytes, qui
vous diront qu'ils feront da se.
CLOPINBL.
- - 6
• ITALIA 1859-1889- 1
Une brochure sans nom d'auteur,
mais que l'on sait être l'ouvrage de M.
dé Visconti-Venosta, ancien secrétaire
de Cavour, puis trois fois ministre des
affaires étrangères, est citée, discutée,
approuvée ou combattue avec une ex-
trême vivacité par toute la presse ita-
lienne.
Comme l'indique l'antithè e de chiffres
dans son titre, ce livre oppose Magenta
et Solférino au voyage du roi Humbert à
Berlin,
Il rappelle que le changement s'est
produit à vue, dans la politique de Ber-
lin, en <866. Il met à jour la duplicité
personnelle du roi Guillaume et de M.
de Bismarck. Voici, par exemple, trois
dépêches datées du même jour, niant et
affirmant le fait de l'alliance prusso-ita-
lienne :
Au commandeur Nigra, ambassadeur
à Paris.
Florence, 12 juin 1866.
La reine de Prusse, écrivant à l'em-
pereur d'Autriche, lui aurait affirmé que
le roi de Prusse lui avait donné sa pa-
role qu'il n'existait pas de véritable
traité entre la Prusse et l'Italie, et que,
si l'Italie attaquait l'Autriche, la Prusse
n'était pas obligée de la suivre.
Signé : LA MARMORA.
A u comte Nigra
Florence, 22 juin 1866.
Il e t important que l'empereur sache
que M. de Bismarck a proposé à diffé-
rentes reprises à Barrai et à Govone que
nous attaquions l'Autriche.
:-- ',', , "-" "'¡gfië'i'l..i ltfARKCtâAt Õ.
Au général La Marmora.
Pari^, 12 juin 1866.
L'empereur m'a dit que le roi de
Prusse avait donné à l'empereur l'assu-
rance d'honneur qu'il n'avait signé au-
cun traité avec l'Italie, et que, si l'Italie
attaquait l'Autriche, la Prusse n'était pas
obligée de déclarer la guerre.
NIGRA.
Voici une lettre qui démontre que l'l-
talie pouvait obtenir la Vénétie sans
guerre avec l'Autriche :
Paris, 5 mai 1866.
Au général La Marmora
L'empereur m'a fait appeler aujour-
d'hui. Il m'a dit que l'Autriche lui pro-
pose formellement de céder la Vénétie, à
la condition que l'on permette à l'Autri-
che de s'indemniser sur la Prusse. La
cession serait faite à la France, qui la re-
céderait - à l'Italie, - sans conditions.
L empereur m a demandé si nous pou-
vions rompre nos engagements avec la
Prusse. En attendant, gardez le secret
absolu et réfléchissez sérieusement, car
la chose en vaut la peine.
Je vous prie de me télégraphier vos
premières impressions. J'ai mis confi-
dentiellement l'empereur au courant de
nos dernières relations avec la Prusse.
Signé : NIGBA.
CONCLUSION
M. de Visconti-Venosta résume en
ces quelques lignes les résultats de la
politique nouvelle italienne :
« En 1881, nos fluances étaient pros-
pères. Notre badget se soldait avec 51
millions d'excédent. En 1882, date de
la nouvelle alliance, commence un défi-
cit grandissant qui atteint, cette année,
le chiffre effrayant de 461 millions.
» Et ce n'est pas tout. Il était néces-
saire,pour le génie profond qui dirige la
politique allemande, que l'Italie fit plus
encore que de ruiner ses finances pub li-
ques ; il faut qu'elle se sente ruinée
aussi dans sa fortune privée U que cette
ruine, plus sensible que l'autre, puisse
être attribuée per et nefas à une nation
voisine avec laquelle, pour l'intérêt mi-
litaire de l'Allemagne, l'Italie doit être
toujours mortellement divisée. »
+
Revuede la Presse Algérienne
L'Akhbar s'occupe de l'agrandisse-
ment des villages, d'après le projet sou-
mis au gouvernement par le maire de
Montenotte :
« Nulle part, dit-il, du moins que
« nous sachions, l'administratien n'avait
« prévu l'agrandissement du centre
« créé, soit par suite de la venue de
« nouveaux tolons, soit par Faccroisse-
« ment des familles. »
Cela ne nous surprend pas. Avant que
l'administration ait quelque clairvoyance,
nous verrons éclore pas mal de cri-
quets.
C'est égal, si l'Ak.%bar se met à dau-
ber 1 administration, il n'y aura bientôt
plus que la Dépêche pour avoir le cou-
rage de la défendre. Ce sera peu.
Le même journal l'A khbar, bien
entendu continue ainsi :
En principe, nous l'avons dit bien sou-
vent, nous ne sommes pas partisans des
concessions gratuites, encore moins des
expropriations des indigènes qui ne servent
souvent qu'à creuser le fossé de haine qui
nous sépare des Arabes et qui créent, par
suite de l'attachement de certains indigènes
pour la tene natale, des situations intolé-
rables, comme par exemple, dans une com-
mune non loin d'Alger, où l'on voit des
Arabes cultiver comme fermiers des terres
dont ils étaient légitimes propriétaires il n'y
a pas vingt ans.
Par ce temps d'araphobie, il n'est pas
sans intérêt d'enregistrer des protesta-
tions de ce genre.
Nous avons parlé de la discussion re-
lative à une proposition présentée à la
Chambre des députés par M. Delisse,
concernant les modifications à apporter
au tarif général des douanes sur les bes-
tiaux. :
L'Echo d'Or an dit à ce sujet :
Les viandes abattues n'ayant à acquit-
ter à la douane qu'un modique droit de
trois francs par 100 kilogs, les Allemands
inondent le marché de Paris de leur bé-
tail et particulièrement de leurs moutons
car la production française en moutons est
insuffisante pour assurer la consomma-
tion.
Il est triste de penser que l'Algérie n'est
pas en mesure de combler le déficit de
la production française et qu'il faille aller
chercher les gigots sur les bords de la
Sprée, quand on a là tout prêt des millions
d'hectares de terrain qui se prêtent admi -
rablement à l'élevage des transhumants.
Il faut se mettre à l'œavre, ce ne sont pas
les débouchés qui feront détaul ; il y aura
toujours des amateurs de gigots et de côte-
lettes et il y aura sans doute encore des ex-
positions où il faudra 250,000 moutons par
mois pour rassasier les estomacs des visi-
teurs.
Revenons donc à nos moutons.
Evidemment, ce serait très simple et
très logique, mais les députés ne l'enten-
dent pas ainsi. Les moutons d'Algérie,
qu'est-ce que c'est que cela ? Parlez-leur
des gigots allemands. Peut-être, après
tout, les apprètent-ils à la confiture I.
*
* *
On sait que l'Empereur d'Allemagne a
en un moment l'idée de conduire son
valet Humbert à Strasbourg. Au dernier
moment, il a cru bien de s'abstenir.
Quel dommage dit le Républicain que Iesw.,
quatre frères Aymon, Bismarck et Crispi,
Guillaume et Humbert. ne soient pas allés
à Strasbourg faire leur petite tournée de
gala ! Nous nous nous serions, à coup sûr,
payé une pinte de bon sang. L'écho des sif.
flets qui eussent accueilli la caravane des
quatre compères et les éclaboussures de
pommés cuites auraient assurément dé-
passé la frontière. Nous aurions pu consta-
ter nous-mêmes avec quel enthousiasme les
populations alsacienne et lorraine accla-
maient les coryphées de la Triple Alliance 1
Ce qui est certain, c'est que les quatre co-
pain-pirateries internationales ont re-
noncé à leur projet. Au premier abord, une
imprudence parfaite. Au second mouve-
ment, de la prudence, beaucoup de pru-
dence, la politique de Conra?t : l'abstention.
La première opinion n'est pas, paralt-il.
toujours la meilleure.
Eh bien ! oui, ils ont eu peur de Stras-
bourg. Oui, ils ont craint une explosion
d'indignation, un soulèvement de mépris.
»
* *
L'enlèvement du drapeau rouge dans
les Bureaux du Radical fait dire au Fri-
toulet Oranais.
Nos amis Quercy et Grégoire sont com-
munards, c'est absolument leur droit com-
(26) FEUILLETON DU Patriote Algérien.
MADAME MARCARET
HISTOIRE PARISIENNE
Par ARMAND LAPOINTE.
(Suite)
Félicie n'aperçut pas la jeune femme ;
elle monta sur l'estrade, se déshabilla et
prit la pose que lui indiquait Alexis. A
ce moment, Faustine se leva, fit le tour
do modèle et l'examina curieusement;
celle-ci rougit, sa peau mate et blanche
se colora subitement, et une sensation
pénible la fit frison ner. *
,: - Vous ne gardez pas la pose, Félicie,
lui dit l'artiste.
Je le sais bien, monsieur.
Etes-vous fatiguée ?
- N'on
Ne bougez pas, alors. :
Dans ce cas, monsieur, priez madame
de sortir, son regard me gêne !
Il y avait dans ces mots un sentiment
singulier de pudeur. Cette fille qui, au
milieu d'un atélier, restait impassible et
: '< indUférente, était mal à l'aise sous les
regards d'une femme, et à coup sûr ce
c'était point son amour-propre qui souf-
", Irait de cet examen, car elle possédait
une beauté de formes irréprochable.
Alexis lut frappé de cette observation,
non pas qu'il l'eût prévue, mais il en
comprit le sens et reconnut combien la
présence de sa femme était déplacée.
Il n'osa s'avouer que la pauvre créature
qui lui servait de modèle était plus pu-
dique que Faustine, et ne vit dans la
conduite de celle-ci qu'un acte irréfléchi
ou le sentiment d'une complète inno-
cence.
Je sors, mademoiselle, * dit Faustine,
et vous fais compliment de votre parfaite
beauté.
Elle s'en alla dans le jardin, un peu rê-
veuse, effeuillant les fleurs qu'elle trou-
vait sur son passage.
Après avoir fait tleux ou trois fois le
tour du jardin, elle entra chez sa mère ;
par hasard, Madame Bernard était chez
elle.
Est-ce que ton mari est sorti ! de-
manda Madame Bernard.
- Non.
- Pourquoi n'es-tu pas avec lui ?
- Parçe qu'il y a un modèle dans son
atelier.
–Un homme?
Non : une femme.
- Nue ?
Oui ! dit en souriant Faustine.*
Ah 1 quelle horreur ! Et tu souffres
cela, toi?
Faustine fut surprise de cette question.
Mais je n'y vois aucun mal, dit-elle.
Tous les peintres ont besoin de modèles.
Ah ! l'innocente ! qui accepte de pa-
reils mensonges ! Tous les peintres sont
des débauchés et des scélérats, et ces
prétendues modèles ne sont qu'un pré-
texte à turpitudes. Tu crois que ton mari
est meilleur que les autres ? Quelle
erreur, ma pauvre fille ! Tu es trompée
comme le sont toutes les femmes lorsque
l'amour les aveugle. Je te l'avais dit :
N'aime pas cet homme-là et sois toujours
la maîtresse! Tu n'as pas voulu avoir
confiance en ta mère, c'est bien fait pour
toi.
Je t'assure que tu te trompes, mère.
Soit, je le veux bien ; je ne suis pas
de ces mères qui aiment à semer la dis-
corde dans le ménage de leurs enfants,
mais, moi, à ta place, si je devais subir
les modèles, je ne les laisserais pas seu-
les avec mon mari. -
Je sors à l'instant de l'atelier.
- Pourquoieo es-tu sortie ?
Faustine pâlit et n'osa répondre.
Elle se rappelait que, la veille, Alexis
l'avait presque congédiée, et qu'elle avait
laissé, tout a l'heure, son mari en tête à
tête avec cette belle fille sur l'observation
de celle-ci.
Un instant, le doute troubla son esprit.
Sa mère l'observait curieusement.
Elle est belle, cette drôlesse ? de-
manda-t-elle.
De qûi parles-tu ?
De cette créature qui est dans l'ate-
lier.
- Fort belle 1
Madame Bernard eutjBn sourire d'une
ironie brutale.
Et tu t'imagines que ton mari est là,
de sang-froid. comme Joseph chez Ma-
dame Putiphar?. Ah! jour de Dieu,
que tu connais peu les hommes !
Elle prit son chapeau.
Tu sors ? demanda Faustine.
Oui ; je vais visiter les magasins et
faire des emplettes d'hiver.
Attends-moi un instant, je vais t'ac-
conpagner.
Faustine avait son projet.
Avant que Madame Bernard eût ré-
pondu, elle sortit du pavillon, traversa
le jardin en courant et arriva près de la
maison principale ; elle s'approcha bien
doucement de la baie, qui était fermée
par le rideau, en souleva légèrement un
des côtés, et plongea son regard dans
l'atelier. Le modèle était immobile sur
l'estrade ; Alexis travaillait à la même
place. 4.
J'en étais sûre ! murmura-t-elle.
- - - --.
Et, avec un sourire dont l'interpréta-
tion eût été facile pour un observateur
sagace, elle ajouta :
Oh ! je suis bien tranquille !
Elle monta chez elle, s'habilla et rejoi-
gnit sa mère.
Lorsque les deux femmes furent dans
la voiture, Madame Bernard voulut re.
prendre son thème.
Ne parlons plus de cela, mère, dit
Faustine avec une certaine vivacité, tes
suppositions sont complètement fausses.
au Madame Bernard était toute dépitée de
son insuccès.
Alexis est un saint, dit-elle. Parlons
d'autre chose, je le veux bien.
Elle contempla sa fille et s'écria tout à
coup :
Ah ! mon Dieu ! qu'est-ce que c'est
que cette machine que tu as sur la tête ?
Quoi donc ? demanda Faustine.
Mais, ce chapeau !
Eh bien ?
Il est affreux !
Tu crois ? Alexis et moi nous le
trouvons très gentil.
De quoi se mêle ton mari ? Est-ce
qu'il s'y connaît ? Pourquoi permets-tu
qu'il s'occupe de ta toilette ?
Mais il ne s'en occupe nullement.
C'est moi qui ai commandé cette coiffure.
Chez qui ?
Chez une modiste de la rue Fontaine.
Rue Fontaine ! s'écria madame Ber-
nard d'un ton de mépris inexprimable,
chez une revendeuse à la toilette, sans
doute !
Ah ! mère !
-.Oh ! Je devine ce que tu cherches à
me cacher ; c'est ton mari qui te con-
traint à te coiffer d'un chapeau de dix
francs ! Il ne lui manquait plus d'être
avare ! C'est aussi par avarice qu'il te
garde toute la journée à ses côtés, cela
économise tes toilettes ! Avare, jaloux et
débauché ! Te voilà bien lotie, ma pauvre
Faustine ! Et tu as la faiblesse
place !
Elle s'arrêta et attendit une interroga-
tion. -
Madame Margaret ne la fit pas.
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