Titre : La France littéraire, artistique, scientifique / dir. Adrien Peladan
Éditeur : [s.n.] (Lyon)
Date d'édition : 1858-08-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327779296
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 8430 Nombre total de vues : 8430
Description : 14 août 1858 14 août 1858
Description : 1858/08/14 (A2,N46). 1858/08/14 (A2,N46).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6341220s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-4584
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
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LA FRANCE
PRIX
Inn L'*IIOMM!M«NT,
« 9 fr.
& kii.IS 5
l&jfrÉKAMG, AUTISTIQUE, SCIENTIFIQUE.
]*àra\l^mi$les samedis. — Reproduction interdite à moins d'une convention spéciale.
LETTRES PARISIENNES.
TROISIÈME LETTRE.
Monsieur le Directeur,
De même que l'éditeur lyonnais M. Perrin
s'est fait connaître jusque dans la capitale par
ses splendides éditions de Papon et de M.
Soulary , de même M. Poulet-Malassis veut
à la fois illustrer sa personne et la poésie en
publiant d'élégants volumes qui attirent les re-
gards de la foule. Beaux caractères , papier
glacé , portraits d'auteurs, rien n'y manque
sous le rapport matériel ; mais est-il également
heureux dans le choix qu'il présente au public?
c'est ce que je veux examiner , à propos de
ses récentes éditions des poésies de MM. Bau-
delaire , Banville , Boulmier, et Leconte de
Lisle. Ces quatres noms, ainsi accouplés , for-
inent un assemblage assez bizarre. Je me hâte
de les désunir, et de déclarer que je ne suivrai
pas la hiérarchie intellectuelle , en parlant
d'abord de MM. Banville et Baudelaire.
Pour bien juger ces deux écrivains , il est
essentiel de jeter un coup d'oeil sur Je passé,
41e voir d'où ils procèdent , quelles influences
les ont engendrés, et d'où résultent leurs dé-
fauts et leurs qualités , si qualités il y a.
Autrefois, Monsieur le Directeur, on consi-
dérait un poète comme un homme tombé du
ciel , comme un être isolé, qui procédait de lui
même , et qui ne devait rien aux idées de son
temps. Tel était le point de vue du romantis-
me , qui regardait la fantaisie comme son Dieu
suprême , et qui se prétendait parfaitement
indépendant au milieu de ses rêves. Mais les
rêves eux-mêmes, si absurdes qu'ils semblent
en apparence, dépendent de l'état physiologi-
que , des dispositions du cerveau , des affec-
tions du cœur , de mille circonstances qui se
compliquent et s'inchevêtrent de manière à
produire un réseau très-confus. Les poètes
sont,comme les autres rêveurs,soumis aux con-
ditions du milieu. Ils y sont même plus asser-
vis que le reste des hommes , car ils ne font
guère usage de la faculté de la raison , faculté
au moyen de laquelle nous nous affranchissons
des influences extérieures. On a dit que la
poésie était la puissance de créer. Rien n'est
plus faux. Soit que les poètes écrivent des com-
positions épiques dans lesquelles ils racontent
les traditions de l'humanité,soit qu'ils chantent
harmonieusement les émotions de la foule en
croyant reproduire leurs impressions propres,
ils nous apparaissent toujours comme des mi-
roirs magiques qui donnent aux images des
couleurs fort belles sans doute, mais dans
lesquelles on ne verrait que le \idr,si les objets
extérieurs ne venaient s'y refléter.
J'ai comparé le poète à un miroir, et j'ai dit
qu'il embellissait les images ; mais de même
qu'il y a des miroirs où les objets se reflètent dé-
formés , de même il y a des poètes dont l'âme
maladive ne nous envoie les rayons qu'après tes
avoir tronqués et enlaidis. Je ne voudrais pas
ranger dans cette classe M. Théophile Gautier,
dont le style à facettes a tant d'éclat; mais je
crois que cet auteur, qui est la personnification
du romantisme., a ouvert une voie désastreuse,
en subordonnant sans cesse la pensée et le sens
moral à la couleur. Pour cet écrivain, l'àme
hnmaine n'est qu'un paysage où il n'y a que
des effets de clair et d'ombre. Malgré tout son
talent, on peut dire qu'il est resté inconnu com-
me poète, parce que sps inspirations n'ont rien
de spontané; c'était un amateur du moyen-âge;
un rêveur de chic qui s'arrêtait devant les ca-
thédrales, parce que la lune faisait bien sur
les vitraux. C'est ainsi qu'il a écrit la Coméd,
de la mort, composition bizarre qui n'émeut pas
plus qu'une armure rouillée ou un vieux bahut.
Ou regarde un instant, et l'on passe. Mais l'on
peut prendre encore quelque plaisir à consi-
dérer les curiosités des temps féodaux , parce
qu'elles ont été excutées naïvement , tandis
qu'on reste l'roid en présence des poéaies de
M.Théophile Gautier, dont la forme étincelante
ne contient ni idées, ni sentiments. Cette pros
cripfion du sens moral me semble extraordi-
naire chez un homme aussi libéralement doué.
On trouve bien chez l'allemand Hoffmann des
défauts analogues; mais là du moins la théorie
de l'art pour l'art est rachetée par une sensibilité
précieuse. Chez M. Théopile Gautier Je cœur
ne palpite jamais.
Son élève, M. Banville, a été fidèle aux tra-
ditions du maître. En laissant de côté la couleur
romantique pour s'attacher davantage à la li-
gne et au monde grec il a eu soin de ne met-
tre aucune sensibilité dans son œuvre. Pourquoi
donc s'est-il étonné de voir le public rester si
froid ? C'est alors qu'il a ordonné à la muse de
faire concurrence aux danseurs de corde et
qu'il a écrit les Odes funambulesques, jongle-
rie habile , qui aurait fait confondre le Par-
nasse avec le Petit-Lazari, si M. Banville avait
été aussi fort que son maître. Mais il y a
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LETTRES PARISIENNES.
TROISIÈME LETTRE.
Monsieur le Directeur,
De même que l'éditeur lyonnais M. Perrin
s'est fait connaître jusque dans la capitale par
ses splendides éditions de Papon et de M.
Soulary , de même M. Poulet-Malassis veut
à la fois illustrer sa personne et la poésie en
publiant d'élégants volumes qui attirent les re-
gards de la foule. Beaux caractères , papier
glacé , portraits d'auteurs, rien n'y manque
sous le rapport matériel ; mais est-il également
heureux dans le choix qu'il présente au public?
c'est ce que je veux examiner , à propos de
ses récentes éditions des poésies de MM. Bau-
delaire , Banville , Boulmier, et Leconte de
Lisle. Ces quatres noms, ainsi accouplés , for-
inent un assemblage assez bizarre. Je me hâte
de les désunir, et de déclarer que je ne suivrai
pas la hiérarchie intellectuelle , en parlant
d'abord de MM. Banville et Baudelaire.
Pour bien juger ces deux écrivains , il est
essentiel de jeter un coup d'oeil sur Je passé,
41e voir d'où ils procèdent , quelles influences
les ont engendrés, et d'où résultent leurs dé-
fauts et leurs qualités , si qualités il y a.
Autrefois, Monsieur le Directeur, on consi-
dérait un poète comme un homme tombé du
ciel , comme un être isolé, qui procédait de lui
même , et qui ne devait rien aux idées de son
temps. Tel était le point de vue du romantis-
me , qui regardait la fantaisie comme son Dieu
suprême , et qui se prétendait parfaitement
indépendant au milieu de ses rêves. Mais les
rêves eux-mêmes, si absurdes qu'ils semblent
en apparence, dépendent de l'état physiologi-
que , des dispositions du cerveau , des affec-
tions du cœur , de mille circonstances qui se
compliquent et s'inchevêtrent de manière à
produire un réseau très-confus. Les poètes
sont,comme les autres rêveurs,soumis aux con-
ditions du milieu. Ils y sont même plus asser-
vis que le reste des hommes , car ils ne font
guère usage de la faculté de la raison , faculté
au moyen de laquelle nous nous affranchissons
des influences extérieures. On a dit que la
poésie était la puissance de créer. Rien n'est
plus faux. Soit que les poètes écrivent des com-
positions épiques dans lesquelles ils racontent
les traditions de l'humanité,soit qu'ils chantent
harmonieusement les émotions de la foule en
croyant reproduire leurs impressions propres,
ils nous apparaissent toujours comme des mi-
roirs magiques qui donnent aux images des
couleurs fort belles sans doute, mais dans
lesquelles on ne verrait que le \idr,si les objets
extérieurs ne venaient s'y refléter.
J'ai comparé le poète à un miroir, et j'ai dit
qu'il embellissait les images ; mais de même
qu'il y a des miroirs où les objets se reflètent dé-
formés , de même il y a des poètes dont l'âme
maladive ne nous envoie les rayons qu'après tes
avoir tronqués et enlaidis. Je ne voudrais pas
ranger dans cette classe M. Théophile Gautier,
dont le style à facettes a tant d'éclat; mais je
crois que cet auteur, qui est la personnification
du romantisme., a ouvert une voie désastreuse,
en subordonnant sans cesse la pensée et le sens
moral à la couleur. Pour cet écrivain, l'àme
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des effets de clair et d'ombre. Malgré tout son
talent, on peut dire qu'il est resté inconnu com-
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un rêveur de chic qui s'arrêtait devant les ca-
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les vitraux. C'est ainsi qu'il a écrit la Coméd,
de la mort, composition bizarre qui n'émeut pas
plus qu'une armure rouillée ou un vieux bahut.
Ou regarde un instant, et l'on passe. Mais l'on
peut prendre encore quelque plaisir à consi-
dérer les curiosités des temps féodaux , parce
qu'elles ont été excutées naïvement , tandis
qu'on reste l'roid en présence des poéaies de
M.Théophile Gautier, dont la forme étincelante
ne contient ni idées, ni sentiments. Cette pros
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naire chez un homme aussi libéralement doué.
On trouve bien chez l'allemand Hoffmann des
défauts analogues; mais là du moins la théorie
de l'art pour l'art est rachetée par une sensibilité
précieuse. Chez M. Théopile Gautier Je cœur
ne palpite jamais.
Son élève, M. Banville, a été fidèle aux tra-
ditions du maître. En laissant de côté la couleur
romantique pour s'attacher davantage à la li-
gne et au monde grec il a eu soin de ne met-
tre aucune sensibilité dans son œuvre. Pourquoi
donc s'est-il étonné de voir le public rester si
froid ? C'est alors qu'il a ordonné à la muse de
faire concurrence aux danseurs de corde et
qu'il a écrit les Odes funambulesques, jongle-
rie habile , qui aurait fait confondre le Par-
nasse avec le Petit-Lazari, si M. Banville avait
été aussi fort que son maître. Mais il y a
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