Titre : Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso
Éditeur : Impr. du Journal officiel (Paris)
Date d'édition : 1919-06-11
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328020951
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 208532 Nombre total de vues : 208532
Description : 11 juin 1919 11 juin 1919
Description : 1919/06/11. 1919/06/11.
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Description : Collection numérique : Ministères des Affaires... Collection numérique : Ministères des Affaires étrangères
Description : Collection numérique : Traités, accords et... Collection numérique : Traités, accords et conventions
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIIe République (1870-1914)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IVe République (1946-1958)
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6305556k
Source : Bibliothèque et Archives de l'Assemblée nationale, 2012-7516
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
CHAMBRE DES DÉPUTÉS — 28 SÉANCE DU il JUIN 1919 2631
tion, pouvait attirer les sympathies d'un
peuple qui avait besoin, disait-on, que
l'ordre et la prospérité lui soient rendus,
vous aviez là un terrain d'action admirable.
Au contraire, cette grande ville d'un mil-
lion d'habitants qui souffrait, certes, quand
les Français sont arrivés, souffrait dix fois
plus lorsqu'ils sont partis. A notre arrivée,
le franc s'échangeait à parité avec le rou-
blu ; à notre départ, c'est quatorze ou quinze
roubles qu'il fallait donner pour 1 franc.
Il y avait même parmi les vôtres trop de
spéculateurs. Je n'ai pas de détails, mais
les enquêtes que vous devez ordonner en
fourniront. Dans les journaux de Georgie,
de la Russie du Sud, nous trouvons une
phrase oui semble traduire pour tout le
monde quelque chose de bien connu à la
fois et de déshonorant pour notre pays.
On parle des spéculations et des opéra-
tions géorgiennes de M. Hénot.
Il apparaît donc qu'en matière de ravi-
taillement on a trallqué. On trafique déjà
assez en France. Vous pensez bien que,
loin de la surveillance de l'opinion publi-
que, ceux qui nous affament déjà trop sou-
vent chez nous, doivent s'en donner là-bas
à cœur joie et librement profiter des
circonstances pour s'enrichir sans aucune
limite, limite de crainte ou limite morale.
Vous pourrez peut-être avoir des précisions
sur ce point comme sur beaucoup d'autres.
Pour moi, je suis ici pour vous donner des
renseignements et j'ai toujours l'espoir que
trois mois après, quand nous reprenons le
débat, grâce à eux, vous en savez un peu
plus.
M. le ministre des affaires étrangères.
Î Heureusement, je vérifie. C'est pour cela
que j'en sais un peu plus.
M. Ernest Lafont. Je vous ai pourtant
bien signalé M. Hénot?
M. le ministre des affaires étrangères.
Je vérifierai !
M. Ernest Lafont. Je vous indique que
des bruits désobligeants pour la France.
M. le ministre des affairas étrangères.
Il faudra me les signaler avec précision, et
je' vous assure qu'une enquête sérieuse
sera faite.
M. Ernest Lafont. Je vous indique les
bruits comme je les ai recueillis et les faits
comme je les ai saisis. Quand j'en sais plus,
je vous en dis plus; quand j'ai une préci-
sion, je vous la donne.
Il s agit en ce moment d'un bruit qui a
- été recueilli dans la bouche de nombreux
Français et Russes revenus de là-bas et
également dans des journaux librement
publiés dans tout le bassin de la mer
Noire.
Donc, population affamée, je ne veux pas
dire affamée par vous, mais qui pouvait
justement attribuer sa misère au régime
que vous lui imposiez, parce que vous étiez
venu en sauveur et que vous pouviez vous
opposer aux désordres de la rue. Pas de
patrouilles pour maintenir l'ordre extérieur,
aucune organisation administrative, mais
la faim grandissante.
Tout le monde ne mourait pas de faim,
cependant, et le contraste était encore un
des éléments de l'excitation ou de l'lndigna-
tion. Il y avait, ramassés à Odessa, tous les
pires éléments de la Russie tzariste, et
beaucoup aussi dans l'armée des volon-
taires.
Dans mon impartialité complète, au cours
d'une précédente discussion, déjà je dis-
tinguais et je disais : il y a là des gens qui
vont se faire casser la figure parce qu'ils
ont le goût de la guerre ou parce que leur
Idée persistante d'une Russie tradition-
nelle leur fait préférer une mort qu'ils
croient glorieuse à un asservissement à un
régime nouveau qu'ils abhorrent. Il y en
avait de ces hommes parmi les volon-
taires.
M. Jules Delahaye. Heureusement !
M. Ernest Lafont. Il y en avait même
autour d'Odessa. Mais à côté de cela, il y
avait dans la ville un état-major innombra-
ble dont a parlé M. de Kerguézec, des colo-
nels à la centaine, des généraux à la dou-
zaine, qui se livraient à la vie de désordre
et de dépense la plus effrénée, sous les
yeux d'un peuple encore trop patient, qui,
lui, continuait à mourir de faim sans qu'un
geste de la France vint un seul instant le
soulager.
Ecoutez une parole très autorisée, c'e^t
celle d'un homme qui n'a pas mes opinions
sur beaucoup de points, dont les rapports
ont été remis à l'ambassade de Russie, k
M. Clemenceau, et dont le hasard à heu-
reusement amené quelques parties entre
mes mains.
Ce Russe, M. Rotenberg, fut choisi par le
général Franchet d'Espérey et le général
Berthelot comme membres du comité de
défense organisé à Odessa à la dernière
heure. Car on a voulu faire quelque chose
tout de même, vers le 25 mars, alors qu'on
y était îàdepuis fin décembre. On a enfin
pensé qu'il serait peut-être bon de faire
un peu d'organisation. Voilà le comique, à
coté du tragique qui, lui, abonde dans cette
affaire, lorsqu'on regarde les choses de
nrès.
- Je lis le rapport de Rotenberg :
« Augmentation affolante du coût de la
vie, famine, froid, obscurité, mort, corrup-
tion, brigandage, vols, assassinats, exécu-
tions.sans jugements, angoisses mortelles
la nuit, absence de toute sécurité même le
jour. Voilà pour la masse delà population.
« A côté de cela, bacchanales de spécula-
teurs se livrant ouvertement et impuné-
ment à leurs vilaines besognes, restaurants
et tripots regorgeant de bandits de toute
espèce, jetant l'argent à profusion, s'adon-
nant à la fête bruyante et à la débauche,
sous les yeux des autorités impuissantes et
compromises, soupçonnées même de com-
plicité jusqu'avec de simples pillards de
rue. »
Ce ne sont pas les autorités bolcheviques
dont on parle ici, mais les autorités réac-
tionnaires russes que vous aviez enrôlées
et que vous abritiez sous les plis du dra-
peau français, ayant vous-même toute au-
torité, partant toute responsabilité.
Celui que je cite est un adversaire vio-
lent des bolchevistes, dans le cours de sa
vie d'homme politique il a montré qu'il
était capable de tous les actes d'énergie,
lorsqu'il les voyait nécessaires pour le bien
de ses idées ou de son parti. Appréciez sa
comparaison.
M. le ministre des affaires étrangères.
De qui parlez-vous?
M. Ernest Lafont. De M. Routenberg.
Vous l'avez peut-être vu. Si vous ne l'avez
pas vu, je vous renverrai.
M. le ministre des affaires étrangères.
Je reçois toujours très volontiers les per-
sonnes que vous m'adressez.
M. Ernest Lafont. Il dit : « J'ai quitté la
Russie bolchevique au milieu de décem-
bre 1918. La vie y était alors tin véritable
enfer. Mais cet enfer paraissait un paradis
à côté de l'existence à Odessa, telle que je
l'ai trouvée occupée par les Français en
janvier 1919. »
Voilà l'opinion d'un homme qui a fait
tous ses efforts à ce moment pour sauver
Odessa et les Français en même temps, qui
a donné tout son temps, toute son activité
pour réorganiser cette ville, que vous aviez
laissé dépérir, du jour de votre arrivée
jusqu'au jour de votre départ forcé.
Il a fait plus. Il est resté jusqu'à la der-
nière heure avec nos généraux, alors qu'il
savait que, lui, adversaire des bolchevicks,
s'il restait une minute de trop, risquait la
fusillade immédiate, car il devait être mar-
qué.
Voilà pourtant comment il parle du ré-
gime d'Odessa !
D'autres parlent de même façon. Je relève
dans les notes d'un autre Russe extrême-
ment modéré, connu de beaucoup d'entre
vous, qu'on voyait des gens mourir littéra-
lement de faim dans les rues d'Odessa.
Ce spectacle d'Odessa désorganisée, affa-
mée, réduite à la plus étroite misère, pen-
dant que les Français sont là, croyez-vous
que c'était de la propagande bolchevique
ou anti-bolchevique?
Votre fameux cordon sanitaire jouait son
rôle, — c'était le paradis, pour reprendre
le mot de Routenberg, — au delà du cordon
sanitaire, par rapport au régime instauré
en deçà, dans la région que vous condam-
niez à la pire misère. En quoi donc la
Russie qui était sous la protection des
alliés était-elle supérieure à la Russie
bolchevique? •
Les faits sont là hélas ! vos généraux vous
ont prévenu, vous le savez par les rapports
militaires, par les rapports civils.
Est-ce que vous pouviez faire quelque
chose pour Odessa? Est-ce par une impuis-
sance inévitable que vous êtes arrivé, après
la honte de l'occupation, à la honte du dé-
part, à la fuite — car il n'y a pas d'autre
mot.
Est-ce que vous auriez pu par un peu de
prévoyance, un peu d'intelligence et j'ajou-
terai, envers les Russes, un 0 peu de bonne
volonté, car il y a une certaine trahison
dans la façon dont vous vous êtes conduit
à leur égard, éviter ces malheurs?
Le général Berthelot l'a dit, le général
Franchet d'Esperey a du le répéter, il fal-
lait plusiers milliers de tonnes de farine
par mois pour ravitailler Odessa.
On pouvait les trouver dans la région du
Don, on pouvait les trouver dans la région
de la Kouban ; on pouvait les trouver à
Constantinople.
Je l'aftirme, les Américains ont été pres-
que effrayés de voir qu'on ne leur deman-
dait pas de farine pour Odessa alors qu'ils
en avaient beaucoup.
Ce n'est que fin mars que le général
d'Esperey, à Constantinople, s'est retourné
vers l'intendance américaine. J'ai peur, car
ce serait trop honteux, qu'on n'ait déjà su
qu'il fallait évacuer la ville et que les officiers
américains qui ont reçu la proposition ont
été inquiets quand ils ont cru comprendre
que c'était seulement pour faciliter notre
départ qu'on voulait nourrir pendant quel-
ques jours les habitants d'Odessa afin qu'ils
se tinssent tranquilles et que notre fuite
pût se produire sans danger.
Vous n'aviez rien demandé pendant les
mois d'occupation, alors que vous aviez
l'autorité et le pouvoir, vous vous étiez
contenté d'enlever aux gens d'Odessa rhjn.
terland de ravitaillement dont ils dispo-
saient avant l'occupation. Le pain qui valait
1 ou 2 roubles au mois de décembre et de
janvier valait de 12 à li roubles la tivréf
russe en mars à la veille de votre départ.
Tout cela, ce sont des souvenirs qui res-
teront, souvenirs de votre impuissance; de
votre mauvaise volonté.
Et vous croyez peut-être qu'après Odessa,
vous allez pouvoir continuer tranquille-
ment votre politique russe, votre politique
de séduction exercée sur la Russie, en lui
montrant dans vos discours les horreurs du
bolchevisme et les beautés du régime civi-
lisé. On l'a vu à Odessa, alors qu'on notre
région on mourait de faim dix fois plus
tion, pouvait attirer les sympathies d'un
peuple qui avait besoin, disait-on, que
l'ordre et la prospérité lui soient rendus,
vous aviez là un terrain d'action admirable.
Au contraire, cette grande ville d'un mil-
lion d'habitants qui souffrait, certes, quand
les Français sont arrivés, souffrait dix fois
plus lorsqu'ils sont partis. A notre arrivée,
le franc s'échangeait à parité avec le rou-
blu ; à notre départ, c'est quatorze ou quinze
roubles qu'il fallait donner pour 1 franc.
Il y avait même parmi les vôtres trop de
spéculateurs. Je n'ai pas de détails, mais
les enquêtes que vous devez ordonner en
fourniront. Dans les journaux de Georgie,
de la Russie du Sud, nous trouvons une
phrase oui semble traduire pour tout le
monde quelque chose de bien connu à la
fois et de déshonorant pour notre pays.
On parle des spéculations et des opéra-
tions géorgiennes de M. Hénot.
Il apparaît donc qu'en matière de ravi-
taillement on a trallqué. On trafique déjà
assez en France. Vous pensez bien que,
loin de la surveillance de l'opinion publi-
que, ceux qui nous affament déjà trop sou-
vent chez nous, doivent s'en donner là-bas
à cœur joie et librement profiter des
circonstances pour s'enrichir sans aucune
limite, limite de crainte ou limite morale.
Vous pourrez peut-être avoir des précisions
sur ce point comme sur beaucoup d'autres.
Pour moi, je suis ici pour vous donner des
renseignements et j'ai toujours l'espoir que
trois mois après, quand nous reprenons le
débat, grâce à eux, vous en savez un peu
plus.
M. le ministre des affaires étrangères.
Î Heureusement, je vérifie. C'est pour cela
que j'en sais un peu plus.
M. Ernest Lafont. Je vous ai pourtant
bien signalé M. Hénot?
M. le ministre des affaires étrangères.
Je vérifierai !
M. Ernest Lafont. Je vous indique que
des bruits désobligeants pour la France.
M. le ministre des affairas étrangères.
Il faudra me les signaler avec précision, et
je' vous assure qu'une enquête sérieuse
sera faite.
M. Ernest Lafont. Je vous indique les
bruits comme je les ai recueillis et les faits
comme je les ai saisis. Quand j'en sais plus,
je vous en dis plus; quand j'ai une préci-
sion, je vous la donne.
Il s agit en ce moment d'un bruit qui a
- été recueilli dans la bouche de nombreux
Français et Russes revenus de là-bas et
également dans des journaux librement
publiés dans tout le bassin de la mer
Noire.
Donc, population affamée, je ne veux pas
dire affamée par vous, mais qui pouvait
justement attribuer sa misère au régime
que vous lui imposiez, parce que vous étiez
venu en sauveur et que vous pouviez vous
opposer aux désordres de la rue. Pas de
patrouilles pour maintenir l'ordre extérieur,
aucune organisation administrative, mais
la faim grandissante.
Tout le monde ne mourait pas de faim,
cependant, et le contraste était encore un
des éléments de l'excitation ou de l'lndigna-
tion. Il y avait, ramassés à Odessa, tous les
pires éléments de la Russie tzariste, et
beaucoup aussi dans l'armée des volon-
taires.
Dans mon impartialité complète, au cours
d'une précédente discussion, déjà je dis-
tinguais et je disais : il y a là des gens qui
vont se faire casser la figure parce qu'ils
ont le goût de la guerre ou parce que leur
Idée persistante d'une Russie tradition-
nelle leur fait préférer une mort qu'ils
croient glorieuse à un asservissement à un
régime nouveau qu'ils abhorrent. Il y en
avait de ces hommes parmi les volon-
taires.
M. Jules Delahaye. Heureusement !
M. Ernest Lafont. Il y en avait même
autour d'Odessa. Mais à côté de cela, il y
avait dans la ville un état-major innombra-
ble dont a parlé M. de Kerguézec, des colo-
nels à la centaine, des généraux à la dou-
zaine, qui se livraient à la vie de désordre
et de dépense la plus effrénée, sous les
yeux d'un peuple encore trop patient, qui,
lui, continuait à mourir de faim sans qu'un
geste de la France vint un seul instant le
soulager.
Ecoutez une parole très autorisée, c'e^t
celle d'un homme qui n'a pas mes opinions
sur beaucoup de points, dont les rapports
ont été remis à l'ambassade de Russie, k
M. Clemenceau, et dont le hasard à heu-
reusement amené quelques parties entre
mes mains.
Ce Russe, M. Rotenberg, fut choisi par le
général Franchet d'Espérey et le général
Berthelot comme membres du comité de
défense organisé à Odessa à la dernière
heure. Car on a voulu faire quelque chose
tout de même, vers le 25 mars, alors qu'on
y était îàdepuis fin décembre. On a enfin
pensé qu'il serait peut-être bon de faire
un peu d'organisation. Voilà le comique, à
coté du tragique qui, lui, abonde dans cette
affaire, lorsqu'on regarde les choses de
nrès.
- Je lis le rapport de Rotenberg :
« Augmentation affolante du coût de la
vie, famine, froid, obscurité, mort, corrup-
tion, brigandage, vols, assassinats, exécu-
tions.sans jugements, angoisses mortelles
la nuit, absence de toute sécurité même le
jour. Voilà pour la masse delà population.
« A côté de cela, bacchanales de spécula-
teurs se livrant ouvertement et impuné-
ment à leurs vilaines besognes, restaurants
et tripots regorgeant de bandits de toute
espèce, jetant l'argent à profusion, s'adon-
nant à la fête bruyante et à la débauche,
sous les yeux des autorités impuissantes et
compromises, soupçonnées même de com-
plicité jusqu'avec de simples pillards de
rue. »
Ce ne sont pas les autorités bolcheviques
dont on parle ici, mais les autorités réac-
tionnaires russes que vous aviez enrôlées
et que vous abritiez sous les plis du dra-
peau français, ayant vous-même toute au-
torité, partant toute responsabilité.
Celui que je cite est un adversaire vio-
lent des bolchevistes, dans le cours de sa
vie d'homme politique il a montré qu'il
était capable de tous les actes d'énergie,
lorsqu'il les voyait nécessaires pour le bien
de ses idées ou de son parti. Appréciez sa
comparaison.
M. le ministre des affaires étrangères.
De qui parlez-vous?
M. Ernest Lafont. De M. Routenberg.
Vous l'avez peut-être vu. Si vous ne l'avez
pas vu, je vous renverrai.
M. le ministre des affaires étrangères.
Je reçois toujours très volontiers les per-
sonnes que vous m'adressez.
M. Ernest Lafont. Il dit : « J'ai quitté la
Russie bolchevique au milieu de décem-
bre 1918. La vie y était alors tin véritable
enfer. Mais cet enfer paraissait un paradis
à côté de l'existence à Odessa, telle que je
l'ai trouvée occupée par les Français en
janvier 1919. »
Voilà l'opinion d'un homme qui a fait
tous ses efforts à ce moment pour sauver
Odessa et les Français en même temps, qui
a donné tout son temps, toute son activité
pour réorganiser cette ville, que vous aviez
laissé dépérir, du jour de votre arrivée
jusqu'au jour de votre départ forcé.
Il a fait plus. Il est resté jusqu'à la der-
nière heure avec nos généraux, alors qu'il
savait que, lui, adversaire des bolchevicks,
s'il restait une minute de trop, risquait la
fusillade immédiate, car il devait être mar-
qué.
Voilà pourtant comment il parle du ré-
gime d'Odessa !
D'autres parlent de même façon. Je relève
dans les notes d'un autre Russe extrême-
ment modéré, connu de beaucoup d'entre
vous, qu'on voyait des gens mourir littéra-
lement de faim dans les rues d'Odessa.
Ce spectacle d'Odessa désorganisée, affa-
mée, réduite à la plus étroite misère, pen-
dant que les Français sont là, croyez-vous
que c'était de la propagande bolchevique
ou anti-bolchevique?
Votre fameux cordon sanitaire jouait son
rôle, — c'était le paradis, pour reprendre
le mot de Routenberg, — au delà du cordon
sanitaire, par rapport au régime instauré
en deçà, dans la région que vous condam-
niez à la pire misère. En quoi donc la
Russie qui était sous la protection des
alliés était-elle supérieure à la Russie
bolchevique? •
Les faits sont là hélas ! vos généraux vous
ont prévenu, vous le savez par les rapports
militaires, par les rapports civils.
Est-ce que vous pouviez faire quelque
chose pour Odessa? Est-ce par une impuis-
sance inévitable que vous êtes arrivé, après
la honte de l'occupation, à la honte du dé-
part, à la fuite — car il n'y a pas d'autre
mot.
Est-ce que vous auriez pu par un peu de
prévoyance, un peu d'intelligence et j'ajou-
terai, envers les Russes, un 0 peu de bonne
volonté, car il y a une certaine trahison
dans la façon dont vous vous êtes conduit
à leur égard, éviter ces malheurs?
Le général Berthelot l'a dit, le général
Franchet d'Esperey a du le répéter, il fal-
lait plusiers milliers de tonnes de farine
par mois pour ravitailler Odessa.
On pouvait les trouver dans la région du
Don, on pouvait les trouver dans la région
de la Kouban ; on pouvait les trouver à
Constantinople.
Je l'aftirme, les Américains ont été pres-
que effrayés de voir qu'on ne leur deman-
dait pas de farine pour Odessa alors qu'ils
en avaient beaucoup.
Ce n'est que fin mars que le général
d'Esperey, à Constantinople, s'est retourné
vers l'intendance américaine. J'ai peur, car
ce serait trop honteux, qu'on n'ait déjà su
qu'il fallait évacuer la ville et que les officiers
américains qui ont reçu la proposition ont
été inquiets quand ils ont cru comprendre
que c'était seulement pour faciliter notre
départ qu'on voulait nourrir pendant quel-
ques jours les habitants d'Odessa afin qu'ils
se tinssent tranquilles et que notre fuite
pût se produire sans danger.
Vous n'aviez rien demandé pendant les
mois d'occupation, alors que vous aviez
l'autorité et le pouvoir, vous vous étiez
contenté d'enlever aux gens d'Odessa rhjn.
terland de ravitaillement dont ils dispo-
saient avant l'occupation. Le pain qui valait
1 ou 2 roubles au mois de décembre et de
janvier valait de 12 à li roubles la tivréf
russe en mars à la veille de votre départ.
Tout cela, ce sont des souvenirs qui res-
teront, souvenirs de votre impuissance; de
votre mauvaise volonté.
Et vous croyez peut-être qu'après Odessa,
vous allez pouvoir continuer tranquille-
ment votre politique russe, votre politique
de séduction exercée sur la Russie, en lui
montrant dans vos discours les horreurs du
bolchevisme et les beautés du régime civi-
lisé. On l'a vu à Odessa, alors qu'on notre
région on mourait de faim dix fois plus
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.02%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.02%.
- Collections numériques similaires Firmin Didot Ambroise Firmin Didot Ambroise /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Firmin Didot Ambroise" or dc.contributor adj "Firmin Didot Ambroise")Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers /ark:/12148/bd6t5863050m.highres Nouvelle revue encyclopédique / publiée par MM. Firmin-Didot frères ; [rédacteurs en chef, Noël Desvergers, Jean Yanoski] /ark:/12148/bpt6k6437148b.highresFirmin Didot Hyacinthe Firmin Didot Hyacinthe /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Firmin Didot Hyacinthe" or dc.contributor adj "Firmin Didot Hyacinthe")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 25/36
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6305556k/f25.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6305556k/f25.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6305556k/f25.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6305556k/f25.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6305556k
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6305556k
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6305556k/f25.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest