Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1936-07-10
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 juillet 1936 10 juillet 1936
Description : 1936/07/10 (A37,N54). 1936/07/10 (A37,N54).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62654112
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/01/2013
JOURNAL SEII-GUDTIDIEI
Riéacttan & Administrai™ :
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PARIS <20
TÉL. I RICHELIEU 73-04
(2 ligne* IlOuplea)
37e ANNEE. — N° 54.
VENDREDI (13 h. 30) 10 JUILLET 1936
Les Annales Coloniales
Fondateur i Marcel RUEDEL ': Directeur i Raoul MONMARSON
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f rance et
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Etranger. 240 e 123» 7t •
Le Numéro : 3 ) centimes
On s'abonne sans Iras dani
tous les bureaux de poste.
La culture et le commerce
.o..0
de l'arachide au Sénégal devan
les sociétés de prévoyance
IL
La récolte des arachides au Sénégal s'ef-
fectuant, comme je l'ai écrit dans un premier
article, sur une très courte période, les com-
merçants prennent leurs dispositions pour
réaliser leurs achats rapidement. A cause de
la concurrence très vive, leur intérêt est donc
de s'en assurer à l'avance la plus grande
quantité possible et cela par des engage-
ments qui lient les agriculteurs de leur rayon
d'action.
Ici interviennent des facteurs psychologi-
ques important : La mentalité, le degré de
faculté d'organisation des producteurs indi-
gènes.
L'Indigène est insouciant du lendemain et
son inaptitude à la prévoyance, à 1 écono-
mie est d'autant plus fâcheuse qu'il reçoit
d'un seul coup le produit entier de sa ré-
colte annuelle. Si, en principe, cette récolte
lui est payée en argent, pratiquement elle
n'est qu'une base d'échange. En effet, l'in-
digène achète immédiatement tout ce qui le
tente dans Je magasin du commerçant et ce-
lui-ci, connaissant bien le naturel de son
client, à côté du tabac, des étoffes, du riz,
lui présente un choix varié d'articles « de
luxe ». Séduit, ce dernier réduira donc ses
provisions de première nécessité et la récolte
suivante sera encore lointaine qu'il lui fau-
dra s'approvisionner de nouveau.
Imprévoyance et besoin pressant de l'agri-
culteur; intérêt pour le commerçant de s'as-
surer de la récolte prochaine, ont déterminé
des habitudes profondément enracinées
dans les populations agricoles : je veux par-
ler des crédits d'hivernage.
*
* *
Naturellement le commerçant essaya
d'abord d'obtenir des garanties et il y eut
parfois de sérieux abus : certains trafiquants
— en majeure partie asiatiques — allèrent
jusqu'à s'emparer dit bétail pendant l'hiver-
nage. Ces procédés furent d'ailleurs vigou-
-- reusement combattus.
Le crédir sans garantie étant précaire, !e
risque couru contribua à accroître le taux du
prêt qui devint très élevé et finit par être
admis commercialement comme normal.
Certes, le commerce aux colonies ne peut-
être envisagé comme une entreprise philan-
thropique et j'estime que ceux qui n'ont pas
craint de s'expatrier pour subir un climat et
des fatigues pénibles, doivent jouir large-
ment des fruits légitimes de leur activité et
de leur initiative. Mais tous les commer-
çants de lionne foi admettront qu'une
certaine catégorie de trafiquants - - ceux-
ci. "la plupart du temps d'origine étran-
gère — s'est laissée séduire par l'esprit
du lucre, l'appât d'un gain exagéré et ra-
pide. C'est pourquoi les « crédits d'hiver-
nage » qui rendent service à l'indigène s'ils
sont raisonnables, deviennent très vite des
prêts usuraires. Je vais citer quelques chif-
fres que je crois ngoureusemet exacts. Dans
certains cercles du Sénégal, il est arrivé que
des prêts de 50 francs en argent devaient
être remboursés sur ia base de 80 francs « à
14 traite », c'est-à-dire en nature, lors de la
prochaine récolte des arachides.
Si, comme i! arrive le plus souvent, il
s'agit d'achat de marchandises à crédit —
toujours remboursable à la traite — une
pièce d'étoffe passera de 4 francs à 7 fr. 50
le mètre : un pain de sucre sera compté
3 fr. 50 au lieu de 2 fr.. un sac de mil, 75
francs au lieu de 40.
Parfois, le prêteur obtiendra même que
les arachides lui soient livrées lorsque le
cours sera peu élevé. Enfin, pendant la
période d'hivernage, il n'hésitera à se dé-
placer pour aller à domicile provoquer des
crédits dont l'Indigène ne se sentait pas le
besoin.
Bien que le délit d'usure soit punissable
au Sénégal et qu'un récent décret ait fixé
l'intérêt commercial légal à 6 et l'intérêt
conventionnel à 8 il est extrêmement dif-
ficile de sévir d'une façon efficace. En ef-
fets les prêts usuraires atteignent jusqu'à
100 pour six mois, il n'en existe aucune
trace dans les comptabilités et, en définitive,
il n'y a pas prêt d'argent puisque le rem-
boursement des marchandises livrées à cré-
dit s'effectue en graines d'arachide.
Ainsi, lorsqu'il apporte sa récolte à la pe-
sée, le producteur, tenu par son créancier,
reçoit de son produit un prix mieneur au
cours réel. La majeure partie servant im-
médiatement à éteindre sa dette, ce qui lui
reste à toucher est souvent minime. Sa si-
tuation ne peut alors que s'aggraver : ce
qu'il reçoit ne suffira pas pour tous ses be-
soins au cours de l'année et il sera dans
l'obligation d'engager plus tôt et davantage
sa récolte future.
Cet état de choses critique est propre à
décourager complètement l'agriculteur indi-
gène qui se sent pris dans l'engrenage d'un
esclavage sans issue.
Mais une autre conséquence beaucoup
plus grave ai lait surgir. Les commerçants,
se multipliant, et augmentant sans cesse leur
chiffre d'affaires, étaient arrivés à une ca-
pacité d'achat égale à la production. La ré-
colte de 1931 ayant été très déficitaire, les
producteurs endettés, cédant à leurs besoins
les plus immédiats, vendirent même les se-
maices nécessaires pour la saison suivante.
Il leur aurait fallu payer ensuite un prix
de beaucoup supérieur à celui qu'ils avaient
eux-mêmes reçu pour racheter. ces graines
par des crédits d'hivernages. ,.. H"
Le - benehçe de leur future recoite, déjà
fortement obéré par leurs dettes et des in
térêts toujours croissants, aurait été encore
diminué par le fait de cette hausse exces-
sive du prix de revient.
On comprendra dans ces conditions, qu'un
grand nombre aient songé à abandonner dé-
finitivement une culture devenue si peu ré-
munératrice et à se tourner vers les cultures
vivrières prenant de l'extension — le riz par
exemple — dont la production locale tend à
remplacer les importations.
Si je rappelle que le Sénégal est un pays
de monoculture d'exportation, que l'ara-
dlide est sa seule ressource d'échange avec
l'extérieur on peut entrevoir avec anxiété que
l'abandon de la culture de l'arachide mena-
çait de devenir à bref délai, un véritable
désastre pour la colonie et en particulier
pour le commerce.
11 fallait agir et rapidement. Cette situa-
tion alarmante qui aurait pu devenir irré-
parable attira toute l'attention du Gouver-
nement général de l'A. O. F. lequel prit
l'initiative de généraliser et d'amplifier le
fonctionnement des Sociétés indigènes de
prévoyance agricole.
(A suivre.)
Camille Briquet,
Député,
Ancien Vice-Président
de la Commissiqn de l'Algérie.
des Colonies et Protectorats.
Voir les Annales Coloniales du 30 juin.
A la Présidence du Conseil
CONSEIL DE CABINET
Les membres du gouvernement se réunissent
ce matin en conseil de cabinet. Parmi les ques-
tions figurant à l'ordre du jour, notons l'examen
de la situation en Algérie, ainsi que celui des
entretiens de M. Le Beau durant son récent
séjour à Paris.
————————— ) -.. ( —————————
Au Ministère
des Affaires étrangères
Autour de la table
Un déjeuner a été donné mardi au quai d'Or-
say, en l'honneur de la délégation syrienne,
actuellement à Paris, par M. Delbos, ministre
des Affaires étrangères.
Y assistaient notamment : Hachem bey Atas-
sy, président de la délégation syrienne ; l'émir
Mustapha Chehabi, M. Homsy, Farès bey
Khouri, Djemil bey Mardam, Saadallah Dja-
bri, MM. Pierre Viénot, sous-secrétaire d'Etat
aux Affaires étrangères ; de Martel, haut com-
missaire en Syrie ; André Philip, député ; Jean
Longuet, ancien député.
AUDIENCES
A L'ELYSEE
M. Albert Lebrun, président de la Répu-
lique, a reçu avant-hier dans l'après-midi le
général Tilho, rentrant du Tchad.
M. Le Beau est de retour à Alger
Le Gouverneur général de l'Algérie est ren-
tré à Alger mercredi par l'hydravion d'Air-
France.
——————————
Visite en leurs Etats
EN TUNISIE
Le Résident général Guillon s'est rendu, le
2 juillet, à Medjez-el-Bab et à Béja.
Après. avoir visité ces deux centres et pris
contact avec les autorités il est rentré dans la
soirée à Tunis.
EN A.E.F.
M. Reste. Gouverneur général, MM. Del-
pech, chef du cabinet, et Ponton, chef du Se-
crétariat particulier, sont rentrés, samedi dernier
(4 juillet) de leur tournée au Gabon.
Le Gouverneur général a dressé sur place
un plan d'urbanisme et de mise en valeur, à
Port-Gentil, à Lambaréné, à N'Djolé, et dans
le Haut-Ogooué, qui, pour la première fois,
était visité par un Gouverneur général. Par-
tout, et surtout dans - ces régions qui, de tous
temps, turent délaissées, le Gouverneur géné-
ral a été accueilli avec des démonstrations tou-
chantes de joie et d'espérance. Il a visité tous
les villages indigènes, et, séduit par la majesté
de la colonie, décriée à la mesure même de
cette majesté, il est disposé à mettre en oeuvre
tous les moyens pour en favoriser la prospérité.
M. Reste compte retourner à la fin du mois
au Gabon, et visiter particulièrement tout l'hin-
terland de Libreville.
L'Allemagne
et l'Abyssinie
/OS
v moment où un nouvel
état de choses s'insti-
tue en Abyssinie, les
promoteurs de ce régi-
me feront bien de ne
pas perdre complète-
ment de vue les con-
voitises que l'Allemagne a longtemps nourries sur
ce pays qu'elle considérait presque ouvertement
comme devant être sien.
En 1911, Maximilien Harden, qui n'était pour-
tant pas un des plus voraces parmi les tenants
des ambitions germaniques, écrivait : « Il faudrait
qu'un nouveau traité au sujet de r Afrique attri-
buât l'Egypte à la zone d'intérêts de la Grande-
Bretagne, le Maroc à celle de la France, l'Abyssi-
nie à celle de l'Allemagne. »
Il y avait pourtant une différence essentielle
entre ces trois pays, à savoir que la Grande-Bre-
tagne tenait l'Egypte, la France tenait le Maroc
mais l'Allemagne ne tenait pas du tout l'Abys-
sinie. Dès 1904, une mission extraordinaire alle-
mande et une mission austro-hongroise furent en-
voyées à Addis-Abeba et aboutirent à deux trai-
tés de commerce entre leurs nations et l'Ethio-
- --.
pie. En peu d années, les conséquences s en affir-
mèrent en faisant passer le trafic d'importation
de l'Allemagne à la Côte française des Somalis, de
zéro à près d'un million, tandis que la « Vossische
Zeitung » écrivait : « Une seule méthode s'offre
à l'Allemagne en Abyssinie : j'y créer des droits,
comme elle Va fait dans l'affaire marocaine. Ré-
pétons-nous que la France, l'Angleterre et l'Italie
n'ont pas plus de droits sur l'Abyssinie que nous-
mêmes. »
Cependant l'établissement de la France sur la
côte des Somalis gênait l'action allemande. Aussi,
le major Schwabe insistait-il au moment où se né-
gociait en 1911 l'accord franco-allemand relatif
au Maroc pour que la Côte française de Djibouti
fût réclamée à titre de compensation.
Quelques mois avant la guerre, le professeur
Hermann Schumacker disait dans une conférence,
à Berlin : « Il faudrait obtenir le Somaliland fran-
çais avec Djibouti comme entrée au sud de la
mer Rouge. »
L'Autriche installait à Addis-Abeba un consul
général dont l'Italie dut réclamer l'expulsion en
1914, en raison de ses intrigues.
L'Allemagne poursuivait en Abyssinie une po-
litique dirigée contre l'Angleterre mais aussi con-
tre l'Italie qui pourtant était alors son alliée. En
juin 1914, elle chercha à persuader le Négus —
et elle y arriva presque — que l'Italie se prépa-
rait à l'attaquer et qu'elle envoyait, dans ce but,
à Massaouah, plusieurs navires chargés d'armes
et de soldats.
Aussi, les récents événements dont l'Abyssinie
a été le théâtre ont-ils causé en Allemagne une
impression très désagréable dont l'Italie aurait
tort de ne pas se rendre compte. - v.
Elle connaît assez l'Allemagne pour savoir que
la doctrine du renoncement n'y est pas en faveur
et que lorsque les événements contrecarrent ses
ambitions, comme il vient d'arriver pour l'Abys-
sinie, elle ne les abandonne pas pour autant. Elle
se contente de les laisser réposer dans un silo,
d'où elle attend l'occasion de les faire surgir à
souhait.
Or, s'il en est une dont elle se soit détachée, ce
n'est certes pas celle de posséder un grand empire
colonial. Elle l'affirme, au contraire, de plus en
plus et l'Abyssinie pourrait bien ne pas être com-
plètement étrangère à ce plan de reconstitution.
Lucien Gtuparin,
député de la Réunion, secrétaire de
la Commission de la Marine Mar-
t'hantlr. membre do, la Commix-
sion des Colonies.
—————————— )1 .-+- ( ——————————
Vers une liaison directe
entre l'Europe
et Saint-Pierre et Miquelon.
.grâce aux navires italiens
.4 la suite de p-ourparlers entre l'Adminis-
trateur de Saint-Pierre et Miqnelon et une
copipagjiic de navigation italienne, il est
(juestion qu'une liaison directe et mensuelle
soit prochainement établie avec la France.
Saint-Pierre et Miquelon, jusqu'à mainte-
nant, n'a pas été gâté en ce qui concerne les
nioyens de communication avec la Métro-
pole. Il faut, en effet, emprunter plusieurs
modes de transport ; maritime dit Havre à
New-York, ferroviaire de New-York à Hali-
fax ou Sydney, et enfin maritime (Xewfound-
land Canada Steamships limited) pour dé-
barquer à Saint-Pierre.
On conçoit de ce fait facilement le prix
élevé des transports puisqu'à deux reprises
on doit avoir recours aux services de pays
étrangers.
Grâce à l'initiative de cette compagnie
italienne le coût du fret diminuera d'une fa-
çon appréciable, et les échanges commer-
ciaux se trouveront certainement facilités.
Regrettons qu'tme compagnie française
n'ait pas envisagé la possibilité dé relier la
Métropole à une de nos plus anciennes pos-
sessions d'outre-mer, certes, la moins favo-
risée dans bien des cas, — climat glacial,
pauvreté du sol -, mais la plus méritante
quant à sa population d'origine bretonne,
basque ou normande, dont la seule ressource
consiste dans Vindustrie de la Pêche.
Créer des élites
« Restez près des peuples que vous aurez
à administrer. Penchez-vous sur eux ! Il
Ainsi s'exprimait dernièrement M. Marius
Moutet en tant que ministre des Colonies
en remettant ses diplômes à la promotion
coloniale 1936.
Il faut savoir se pencher sur eux! 'Quelles
que soient la valeur et la grandeur de l'en-
seignement de notre école de la France d'ou-
tre-mer peut-on, hors de la vie, sur des
bancs d'école, inculquer à des jeunes gens
le sens de l'homme, surtout le --- sens -- de
l'homme différent ?
Il ne peut évidemment pas en être ques-
tion. A ces jeunes gens qui demain. vont
s'éparpiller sous toutes les latitudes ou flotte
notre drapeau, une formation a été donnée :
leur éducation reste à faire.
Tous, certes, ont l'ardeur et la générosité
de leur jeunesse. Déjà beaucoup d'entre eux
sans doute ont-ils derrière eux l'atavisme co-
lonial de parents qui les ont précédés outre-
mer, mais demain ils vont partir avec l'assu-
rance d'être des chefs, avec la garantie que,
dès .maintenant, l'administration, de par - ses
statuts, leur assure.
Maintenant qu'ils sont diplômés, il n'y a
plus d'éliminations à craindre, donc il leur
est permis de considérer qu'ils sont arrivés
à une fin : ils sont entrés dans la carrière.
Là est le danger.
En ayant conscience, le ministre des Co-
lonies leur a dit : cc Rappelez-vous que dans
la vie. nous sommes, tous, toujours des éttt-
diants. »
Oui, jusqu'au dernier jour nous sommes
toujours étudiants à la grande école de la vie,
mais pour y étudier sérieusement il faut l'ai-
guillon des nécessités de l'existence.
- Le danger d'une carrière bien contingen-
tée est qu'elle les supprime. Le seul stimu-
lant qui subsiste est l'ambition. Pour beau-
coup c'est insuffisant.
Partant élève-administrateur, dans deux
ans ils seront titularisés. Deux ans pour affir-
mer sa compréhension des hommes et ses ap-
titudes de chef, c'est peu ! Quant à la titu-
larisation, elle est anatomique.
Pour assurer les cadres d'élites dont nos
colonies ont l'impérieux besoin, il faudrait
qu'une autre sélection puisse jouer, une sé-
lection qui ne laisserait passer que ceux qui
ont réellement la foi et la compétence,
l'ayant prouvé par leur action sur place, en
présence des réalités et des nécessités d'abné-
gation que comporte une carrière coloniale
qui doit être un but et non pas un moyen.
Considérant que notre action directrice sur
nos peuples protégés doit être un apostolat
pour ceux qui aspirent à en être les chefs,
nous réclamons un véritable .noviciat.
Quelque cinq années de séjour effectif
*-'paszéss- dans des postes en contact perma-
nent avec l'indigène nous paraissent pouvoir
constituer une période d'initiation et d'étu-
des suffisante pour donner les connaissances
pratiques permettant la passation d'une
thèse « ès-sciences coloniales » qui assure-
rait la grande sélection nécessaire.
A ces lauréats, et à eux seulement, seraient
réservés les hauts postes de commandement
tout comme l'école de guerre dans l'armée,
permet de décrocher les étoiles.
Administrer une colonie, c'est mener une
campagne pour le mieux-être de l'humanité.
Pour une telle tâche il faut rigoureusement
.sélectionner les chefs qui « sauront se pen-
cher sur eux ».
Pierre Le Verbe.
————————— ) -.- ( ———
A l'Ecole Nationale
de la France d'outre-mer
Voici la liste, par ordre de mérite, des ad-
joints des services civils et commis princi-
paux des secrétariats généraux admis au
stage de l'école, à la suite du concours des
1er et 2 avril dernier :
MM. Dronne (Cameroun), Lattont" (A.O.
F.), Machenaud (Madagascar), Ducaud (Ma-
dagascar), Tourte (A.O.F.), de Vivié de Ré-
gie (A.E.F.), Maclatchy (A.E.F.), Rocca-
Serra (A.O.F.), Fabre (A.O.F), Conso (To-
go), Gavarret (Madagascar), Le Corfec (A.
O.F.;, Maillier (A.O.F.), Vuillaume (Came-
roun), Not (A.O.F.), Bain (Madagascar),
Hervouin (A.O.F.), Granier de Lilliac (A.O.
F.), Monnier (Togo).
> -.. (
Au comité d'action colonisatrice
et de paysannat indigène
M. Marius Moutet, ministre des Colonies,
vient de nommer membres de ce comité
MM. Aimé Quinson, député, vice-président
de la commission des Colonies, de l'Algérie
et des Pays de protectorat ; Paul Rivel, pro-
fesseur d'ethnographie au Muséum d'histoire
naturelle ; Chastenet de Gery, inspecteur de
Ire classe des colonies ; Roland Meyer, ad-
ministrateur de 1" classe des services civils
de l'Indochine, faisant fonctions de secré-
taire du comité ; Delavignette, administra-
teur des colonies, détaché à l'agence écono-
mique de l'Afrique Occidentale française, et
Laurertce, attaché aux agences économiques
de Madagascar et de l'A.E.F.
Trop parler nuit : à la Chambre des Communes, une nouvelle fois,
il fut question le 2 juillet, des colonies allemandes.
Le Comité conservateur — il faut bien qu'il mérite son nom -
des Affaires étrangères s'est prononcé contre tout transfert à une autre
puissance de territoires sous mandat britannique.
Il a émis également l'avis que ce serait une grave erreur de laisser !
croire à F Allemagne que la question du transfert pourrait même être
discutée.
Nous avions cru la question réglée. Il paraît ainsi qu'il n'en est rien.
La Grande-Bretagne semble, en matière coloniale, vis-à-vis de
l'Allemagne, appliquer la méthode Coué. Elle va provoquer à Berlin
une hypntMe. Et le somnanbulilme qui en résultera ne pourra que nous
être funeste.
Si nous demandions à la Grande-Bretagne de faire, sur cette ques-
tion, silence — une fois pour toutes ?
L'hommage
à René Caillé
Un drapeau tricolore voilait un portrait. Un
pagne d'A.O.F. couvrait la table. Et les larges
fresques, peut-être un peu pâles, de la belle
salle du Musée de la France d'outre-mer, cein-
turaient les personnalités coloniales de Paris.
Un enfant du peuple allait être célébré, dont
la légendaire épopée est maintenant familière a
tous. Sur la carte vide, et creuse, de l'A.O.F.,
quelques traits noirs étaient tracés: ils partaient
du Maroc, et tombaient droit au sud, pour pi-
quer ensuite sur l'Atlantique. Le 20 avril 1828,
René Caillé entrait à Tombouctou. Il y a plus
d'un siècle ! Et ceux qui traversèrent le Sahara,
déambulant sur le sol comme des fournis —
mais comme des fourmis rapides — tentaient de
se représenter l'égrenage de ces journées d'iti-
néraire, dam cette zone désertique et torride,
que l' avion éperdu survole aujourd'hui au maxi-
mum de sa puissance.
Le président de la République, qui est l'an-
cien de M. Marius Moutet au ministère, et
M. Marius Moutet, écoulèrent le général de
Trentinian, qui eut l'honneur de faire tomber
les trois couleurs et de nous dévoiler ainsi les
traits du pèlerin solitaire. Nous songions, du-
rant que le général parlait, au mot de Delavi-
gnette. dans le train qui l'emmenait au Soudan,
avec les héros de l'épopée : « les sous-lieute-
nants de la conquête galopaient toujours le
long du train dans lequel ils dormaient à l'état
de vieux. généraux. »
M. Jacobson présenta ensuite René Caillé,
dont M. Moutet dégagea enfin la rare valeur
d'exemple.
René Caillé, avec soixante francs, s'embar-
quant pour la côte africaine 1 De quel cœur fré-
missant, sachant que la solitude grandit singu-
lièrement les âmes fortes, ce jeune homme dut
se mesurer à l'immensité ! Et nous qui fermons
les yeux, jaloux d'un si magnifique destin, nous
imaginons aisément l'exaltation, et cet orgueil
qui devait faire se lever le visage au-dessus des
misérables joies humaines !
La petite-fille de René Caillé, Mme veuve
Deybée, fit don d'une médaille qui porte la
date illustre, et qui accompagnera, au Musée,
le portrait frais et charmant de celui qui mourut
à 38 ans, peut-être- d'avoir trop vécu.
L'exemple n'est pas perdu. Un peuple qui
honore ses héros prépare de riches moissons.
* +
Par une heureuse coïncidence, une exposition
de mobiliers en bois coloniaux fut ensuite inau-
gurée par MM. A Ibert Lebrun et Marius Mou-
tet. Nous avons dit l'initiative de M. Ary Le-
blond, conservateur du Musée, réunissant, sug-
gestionnant nos ébénistes d'art. Nous avons
rendu compte de cet effort et des belles réali-
sations de notre faubourg Saint-Antoine. ainsi
que des signatures de M. Robin, ou de M.
Saddier.
Après l'hommage à René Caillé. cette expo-
sition semblait nous offrir la moisson africaine
que celui-ci avait fait se lever. Quel plus mer-
veilleux symbole, et comme les cœurs pars en
marqueront leur émoi s'ils s'arrêtent un instant
pour confronter l'origine et le résultat !
La romance do Macina
En attendant le roman du Maema, nom
fûmes mardi gratifié de la romance. Et — plai-
sir rare — ce fut M. Bélime qui la chanta. Re-
mercions-en CoIonies-Sciences. L'homme était
à pied-d ottcre, et la carte, griffée de rose ten-
dre, à portée de sa baguette magique.
La France tente sur les rives du Niger Ge
expérience comiJérable, et lorsque nous y son-
geons nous entendons tinter le crincrin de la
chanson comme : « Macina, Macma, f ai fait un
rêve merveilleux. »
A la rJérité, M. Bélime nou a demandé de
lui faire crédit. Il a plus imisté sur la question
sociale que sur les autres questions, qui nous
eussent tout autant intéressé : les crédits, et les
résultats.
Certes l'éducation, la lente tentative tf ticcli-
matemenf, l'édification, comme à une Exposi-
tion universelle, de villages-modèles, la bou-
teille de permanganate en bonne place dam
chaque case, et la charrue toute neuve, aoant
les bœufs, nous donnèrent à entendre que nous
baignions en pleine idylle.
Mais l'expérience a-t-elle réussi ?
Mais le coton du Soudan prendra-t-il en
France la place du coton égyptien ?
+ *
M. Bélime a revendiqué le » droit » — c'est
le mot dont il s'est servi — de continuer ses
travaux afin de prouver la réussite de son ex-
périence poursuivie déjà depuis quinze ans.
C'est-à-dire qu'il aimerait que des crédits dans
l'avenir continuassent à lui être annuellement al-
loués. Il se rend compte qu'à l'heure actuelle
il est en porte-à-faux et que sur les 800.000 hec-
tares préorn il ne paroiendta sans doute pas à
faire camper 800.000 hommes. Le nœud de la
question est là.
Quant au produit — aux premières tentati-
ves de production — il nous parait que le prix
de revient du coton ne nous a pas été donné.
Qu'on nous permette de le faire. En accor-
dant une plus-value de 50 au coton souda-
nais (type sakellaridis), nous le trouverons sur
le marché du Havre à 7 fr. 26 le kilog, alors
que le coton américain vaut, à la même épo-
que 4 fr. 84. Nous noterons également que de
Diré au Havre les frais se montent à Fr. 1,91
par kilo. L'aventure, à ce compte, ne rJaut pas
la peine d'être vécue.
M. Bélime n'a d'ailleurs pas insisté sur le
coton. Il a parlé des rizières. Horreur 1 L'Indo-
chine ne s'étrangle-t-elle déjà point avec son
riz ?
Ainsi, incertitude quant à la destination de
la colonisation, en ce qui concerne le produit
quelle aura à sortir. Incertitude quant à 1.
masse humaine de manœuvre qui sera indispen-
sable pour peupler cette monstrueuse irrigation.
Une seule certitude : le rythme des travaux.
Nous avouons notre inquiétude.
l'ar arrêté du ministre des Colonies, puhli.'
aujourd'hui à l'Officiel. MM. A. de Monzie, dé-
i,tité, ancien ministre, et Lucien Lainé, indus-
triel, ont été nommés membres du Conseil d'ad-
ministration de l'Office du rîîger, en remplace-
ment respectivement de M. Louis Proust, ancien
député, délégué élu dit Soudan au Conseil supé-
rieur dé la France il'Outre-Vfer. et Mathon,
industriel, décédé.
Devant le Conseil supérieur
de la France d'outre-mer
Les idées de M. Lucien Hubert
par Jules Meailles.
, M. Lucien Hubert, sénateur des Ardennes,
vice-président du Sénat, ancien Garde des
Sceaux, qui a toujours fait montre du plus grand
intérêt pour tout ce qui -touche à notre empire
colonial, a bien voulu nous faire part de son
sentiment sur l'organisation du Conseil supérieur
de la France d'outre-mer.
« J'ai lu, nous a-t-il dit, l' article de M. Si-
monneau et les commentaires des Annales Co-
loniales, sur le Conseil supérieur de la France
d'outre-mer. Je sais combien la critique est fa-
cile, même à ceux qui ont eu l' occasion et le
pouvoir de la réduire.
- cc J'ai d'ailleurs signalé moi-même, il y a
trois ans, dans une longue lettre au ministre les
causes essentielles qui gênaient ou annulaient le
bon fonctionnement du Conseil supérieur de la
France d'outre-mer dont j'ai l'honneur, depuis
plus de dix ans, de présider la commission éco-
nomique.
« J'ai tout lieu de croire aujourd'hui qu'un
grand pas a été fait, grâce surtout à l'action de
la Conférence impériale, dans la voie de per-
fectionnement.
— Naturellement, l'utilité du Conseil supé-
rieur vous apparaît grande ?
— L'utilité d'un Conseil supérieur est in-
contestable. Je dirai même qu'il est plus néces-
saire au ministre des Colonies qu'à un autre de
ses collègues.
« Les ministres, en effet, sont couverts par
le Parlement. Ils agissent donc sous l' empire de
la loi. Leur responsabilité reste à l'abri des
Chambres, Seul, le ministre des Colonies admi-
nistre la plupart du temps par décret, c' est-à-
dire sous sa responsabilité personnelle. Nul donc
n' a plus besoin que lui d' un organisme de cou-
verture. V
« Et Maginot l' avait fort bien compris, lui
qui recommandait que les décrets fussent pris
sous la sauvegarde de l'opinion éclairée du
Conseil supérieur.
— Ne pensez-vous pas que le Conseil soit
encore susceptible d'améliorations ?
— Evidemment toute chose est perfectible,
mais une longue expérience me permet d'affir-
mr que le Conseil supérieur tel qu'il est peut
rendre de grands services.
« Sa composition est excellente, elle pourrait
être meilleure encore si l' on en refusait l'accès
à ceux qui ne recherchent là qu'une carte de vi-
site — ils sont d'ailleurs en très petit nombre.
« Ses travaux de premier ordre le témoignent.
La Conférence impériale a mis au point bien des
sujets parce qu'elle avait le pouvoir de conclu-
re, mais j'ose dire qu' elle n'a abordé aucune
question que le Conseil supérieur n'ait traitée
depuis longtemps.
« L'instrument est de qualité, il n'est que de
s'en servir et le ministre ne doit pas oublier
au'il en est le président. C'est son outil et il
est bon.
— Mais ne faut-il pas pour fonctionner bien
qu'il se sente soutenu et encouragé ?
— D' abord, et avant tout, il faut que le
Conseil rencontre la confiance de l' administra-
tion elle-même. Je n'oserais affirmer que cette
première condition soit satisfaite. Et cependant
la part prépondérante qu'il a prise aux travaux
de la Conférence impériale a montré la valeur
de l' organisme.
« La Conférence impériale elle-même l' a
reconnu. Sous son impulsion, un grand progrès
a été réalisé parmi d'autres.
« Elle a, en effet, obtenu la création d'un
bureau permanent auquel un récent décret con-
fère un droit d'initiative dont il a usé immédia-
tement.
— En quoi consiste ce droit d'initiative ?
— Ce pouvoir nouveau et important permet
au bureau permanent de saisir le ministre des
questions qui lui semblent de nature à être
soumises à son examen ou à celui de ses sec-
tions.
« Et il n'a pas attendu longtemps pour user
de cette nouvelle prérogative, notamment en ce
qui concerne la situation des planteurs de caout-
chouc et les règles à imposer dans le déplace-
ment et l'installation de la main-d'œuvre indi-
gène.
« Je me h~ d'ajouter que le ministre a
répondu 4 iwjfF pd. !î y -a-là un progrès d'im-
Riéacttan & Administrai™ :
li im la BOUM
PARIS <20
TÉL. I RICHELIEU 73-04
(2 ligne* IlOuplea)
37e ANNEE. — N° 54.
VENDREDI (13 h. 30) 10 JUILLET 1936
Les Annales Coloniales
Fondateur i Marcel RUEDEL ': Directeur i Raoul MONMARSON
llfNNERENTS
f rance et
C»l»niej 180 « 100. M<
Etranger. 240 e 123» 7t •
Le Numéro : 3 ) centimes
On s'abonne sans Iras dani
tous les bureaux de poste.
La culture et le commerce
.o..0
de l'arachide au Sénégal devan
les sociétés de prévoyance
IL
La récolte des arachides au Sénégal s'ef-
fectuant, comme je l'ai écrit dans un premier
article, sur une très courte période, les com-
merçants prennent leurs dispositions pour
réaliser leurs achats rapidement. A cause de
la concurrence très vive, leur intérêt est donc
de s'en assurer à l'avance la plus grande
quantité possible et cela par des engage-
ments qui lient les agriculteurs de leur rayon
d'action.
Ici interviennent des facteurs psychologi-
ques important : La mentalité, le degré de
faculté d'organisation des producteurs indi-
gènes.
L'Indigène est insouciant du lendemain et
son inaptitude à la prévoyance, à 1 écono-
mie est d'autant plus fâcheuse qu'il reçoit
d'un seul coup le produit entier de sa ré-
colte annuelle. Si, en principe, cette récolte
lui est payée en argent, pratiquement elle
n'est qu'une base d'échange. En effet, l'in-
digène achète immédiatement tout ce qui le
tente dans Je magasin du commerçant et ce-
lui-ci, connaissant bien le naturel de son
client, à côté du tabac, des étoffes, du riz,
lui présente un choix varié d'articles « de
luxe ». Séduit, ce dernier réduira donc ses
provisions de première nécessité et la récolte
suivante sera encore lointaine qu'il lui fau-
dra s'approvisionner de nouveau.
Imprévoyance et besoin pressant de l'agri-
culteur; intérêt pour le commerçant de s'as-
surer de la récolte prochaine, ont déterminé
des habitudes profondément enracinées
dans les populations agricoles : je veux par-
ler des crédits d'hivernage.
*
* *
Naturellement le commerçant essaya
d'abord d'obtenir des garanties et il y eut
parfois de sérieux abus : certains trafiquants
— en majeure partie asiatiques — allèrent
jusqu'à s'emparer dit bétail pendant l'hiver-
nage. Ces procédés furent d'ailleurs vigou-
-- reusement combattus.
Le crédir sans garantie étant précaire, !e
risque couru contribua à accroître le taux du
prêt qui devint très élevé et finit par être
admis commercialement comme normal.
Certes, le commerce aux colonies ne peut-
être envisagé comme une entreprise philan-
thropique et j'estime que ceux qui n'ont pas
craint de s'expatrier pour subir un climat et
des fatigues pénibles, doivent jouir large-
ment des fruits légitimes de leur activité et
de leur initiative. Mais tous les commer-
çants de lionne foi admettront qu'une
certaine catégorie de trafiquants - - ceux-
ci. "la plupart du temps d'origine étran-
gère — s'est laissée séduire par l'esprit
du lucre, l'appât d'un gain exagéré et ra-
pide. C'est pourquoi les « crédits d'hiver-
nage » qui rendent service à l'indigène s'ils
sont raisonnables, deviennent très vite des
prêts usuraires. Je vais citer quelques chif-
fres que je crois ngoureusemet exacts. Dans
certains cercles du Sénégal, il est arrivé que
des prêts de 50 francs en argent devaient
être remboursés sur ia base de 80 francs « à
14 traite », c'est-à-dire en nature, lors de la
prochaine récolte des arachides.
Si, comme i! arrive le plus souvent, il
s'agit d'achat de marchandises à crédit —
toujours remboursable à la traite — une
pièce d'étoffe passera de 4 francs à 7 fr. 50
le mètre : un pain de sucre sera compté
3 fr. 50 au lieu de 2 fr.. un sac de mil, 75
francs au lieu de 40.
Parfois, le prêteur obtiendra même que
les arachides lui soient livrées lorsque le
cours sera peu élevé. Enfin, pendant la
période d'hivernage, il n'hésitera à se dé-
placer pour aller à domicile provoquer des
crédits dont l'Indigène ne se sentait pas le
besoin.
Bien que le délit d'usure soit punissable
au Sénégal et qu'un récent décret ait fixé
l'intérêt commercial légal à 6 et l'intérêt
conventionnel à 8 il est extrêmement dif-
ficile de sévir d'une façon efficace. En ef-
fets les prêts usuraires atteignent jusqu'à
100 pour six mois, il n'en existe aucune
trace dans les comptabilités et, en définitive,
il n'y a pas prêt d'argent puisque le rem-
boursement des marchandises livrées à cré-
dit s'effectue en graines d'arachide.
Ainsi, lorsqu'il apporte sa récolte à la pe-
sée, le producteur, tenu par son créancier,
reçoit de son produit un prix mieneur au
cours réel. La majeure partie servant im-
médiatement à éteindre sa dette, ce qui lui
reste à toucher est souvent minime. Sa si-
tuation ne peut alors que s'aggraver : ce
qu'il reçoit ne suffira pas pour tous ses be-
soins au cours de l'année et il sera dans
l'obligation d'engager plus tôt et davantage
sa récolte future.
Cet état de choses critique est propre à
décourager complètement l'agriculteur indi-
gène qui se sent pris dans l'engrenage d'un
esclavage sans issue.
Mais une autre conséquence beaucoup
plus grave ai lait surgir. Les commerçants,
se multipliant, et augmentant sans cesse leur
chiffre d'affaires, étaient arrivés à une ca-
pacité d'achat égale à la production. La ré-
colte de 1931 ayant été très déficitaire, les
producteurs endettés, cédant à leurs besoins
les plus immédiats, vendirent même les se-
maices nécessaires pour la saison suivante.
Il leur aurait fallu payer ensuite un prix
de beaucoup supérieur à celui qu'ils avaient
eux-mêmes reçu pour racheter. ces graines
par des crédits d'hivernages. ,.. H"
Le - benehçe de leur future recoite, déjà
fortement obéré par leurs dettes et des in
térêts toujours croissants, aurait été encore
diminué par le fait de cette hausse exces-
sive du prix de revient.
On comprendra dans ces conditions, qu'un
grand nombre aient songé à abandonner dé-
finitivement une culture devenue si peu ré-
munératrice et à se tourner vers les cultures
vivrières prenant de l'extension — le riz par
exemple — dont la production locale tend à
remplacer les importations.
Si je rappelle que le Sénégal est un pays
de monoculture d'exportation, que l'ara-
dlide est sa seule ressource d'échange avec
l'extérieur on peut entrevoir avec anxiété que
l'abandon de la culture de l'arachide mena-
çait de devenir à bref délai, un véritable
désastre pour la colonie et en particulier
pour le commerce.
11 fallait agir et rapidement. Cette situa-
tion alarmante qui aurait pu devenir irré-
parable attira toute l'attention du Gouver-
nement général de l'A. O. F. lequel prit
l'initiative de généraliser et d'amplifier le
fonctionnement des Sociétés indigènes de
prévoyance agricole.
(A suivre.)
Camille Briquet,
Député,
Ancien Vice-Président
de la Commissiqn de l'Algérie.
des Colonies et Protectorats.
Voir les Annales Coloniales du 30 juin.
A la Présidence du Conseil
CONSEIL DE CABINET
Les membres du gouvernement se réunissent
ce matin en conseil de cabinet. Parmi les ques-
tions figurant à l'ordre du jour, notons l'examen
de la situation en Algérie, ainsi que celui des
entretiens de M. Le Beau durant son récent
séjour à Paris.
————————— ) -.. ( —————————
Au Ministère
des Affaires étrangères
Autour de la table
Un déjeuner a été donné mardi au quai d'Or-
say, en l'honneur de la délégation syrienne,
actuellement à Paris, par M. Delbos, ministre
des Affaires étrangères.
Y assistaient notamment : Hachem bey Atas-
sy, président de la délégation syrienne ; l'émir
Mustapha Chehabi, M. Homsy, Farès bey
Khouri, Djemil bey Mardam, Saadallah Dja-
bri, MM. Pierre Viénot, sous-secrétaire d'Etat
aux Affaires étrangères ; de Martel, haut com-
missaire en Syrie ; André Philip, député ; Jean
Longuet, ancien député.
AUDIENCES
A L'ELYSEE
M. Albert Lebrun, président de la Répu-
lique, a reçu avant-hier dans l'après-midi le
général Tilho, rentrant du Tchad.
M. Le Beau est de retour à Alger
Le Gouverneur général de l'Algérie est ren-
tré à Alger mercredi par l'hydravion d'Air-
France.
——————————
Visite en leurs Etats
EN TUNISIE
Le Résident général Guillon s'est rendu, le
2 juillet, à Medjez-el-Bab et à Béja.
Après. avoir visité ces deux centres et pris
contact avec les autorités il est rentré dans la
soirée à Tunis.
EN A.E.F.
M. Reste. Gouverneur général, MM. Del-
pech, chef du cabinet, et Ponton, chef du Se-
crétariat particulier, sont rentrés, samedi dernier
(4 juillet) de leur tournée au Gabon.
Le Gouverneur général a dressé sur place
un plan d'urbanisme et de mise en valeur, à
Port-Gentil, à Lambaréné, à N'Djolé, et dans
le Haut-Ogooué, qui, pour la première fois,
était visité par un Gouverneur général. Par-
tout, et surtout dans - ces régions qui, de tous
temps, turent délaissées, le Gouverneur géné-
ral a été accueilli avec des démonstrations tou-
chantes de joie et d'espérance. Il a visité tous
les villages indigènes, et, séduit par la majesté
de la colonie, décriée à la mesure même de
cette majesté, il est disposé à mettre en oeuvre
tous les moyens pour en favoriser la prospérité.
M. Reste compte retourner à la fin du mois
au Gabon, et visiter particulièrement tout l'hin-
terland de Libreville.
L'Allemagne
et l'Abyssinie
/OS
v moment où un nouvel
état de choses s'insti-
tue en Abyssinie, les
promoteurs de ce régi-
me feront bien de ne
pas perdre complète-
ment de vue les con-
voitises que l'Allemagne a longtemps nourries sur
ce pays qu'elle considérait presque ouvertement
comme devant être sien.
En 1911, Maximilien Harden, qui n'était pour-
tant pas un des plus voraces parmi les tenants
des ambitions germaniques, écrivait : « Il faudrait
qu'un nouveau traité au sujet de r Afrique attri-
buât l'Egypte à la zone d'intérêts de la Grande-
Bretagne, le Maroc à celle de la France, l'Abyssi-
nie à celle de l'Allemagne. »
Il y avait pourtant une différence essentielle
entre ces trois pays, à savoir que la Grande-Bre-
tagne tenait l'Egypte, la France tenait le Maroc
mais l'Allemagne ne tenait pas du tout l'Abys-
sinie. Dès 1904, une mission extraordinaire alle-
mande et une mission austro-hongroise furent en-
voyées à Addis-Abeba et aboutirent à deux trai-
tés de commerce entre leurs nations et l'Ethio-
- --.
pie. En peu d années, les conséquences s en affir-
mèrent en faisant passer le trafic d'importation
de l'Allemagne à la Côte française des Somalis, de
zéro à près d'un million, tandis que la « Vossische
Zeitung » écrivait : « Une seule méthode s'offre
à l'Allemagne en Abyssinie : j'y créer des droits,
comme elle Va fait dans l'affaire marocaine. Ré-
pétons-nous que la France, l'Angleterre et l'Italie
n'ont pas plus de droits sur l'Abyssinie que nous-
mêmes. »
Cependant l'établissement de la France sur la
côte des Somalis gênait l'action allemande. Aussi,
le major Schwabe insistait-il au moment où se né-
gociait en 1911 l'accord franco-allemand relatif
au Maroc pour que la Côte française de Djibouti
fût réclamée à titre de compensation.
Quelques mois avant la guerre, le professeur
Hermann Schumacker disait dans une conférence,
à Berlin : « Il faudrait obtenir le Somaliland fran-
çais avec Djibouti comme entrée au sud de la
mer Rouge. »
L'Autriche installait à Addis-Abeba un consul
général dont l'Italie dut réclamer l'expulsion en
1914, en raison de ses intrigues.
L'Allemagne poursuivait en Abyssinie une po-
litique dirigée contre l'Angleterre mais aussi con-
tre l'Italie qui pourtant était alors son alliée. En
juin 1914, elle chercha à persuader le Négus —
et elle y arriva presque — que l'Italie se prépa-
rait à l'attaquer et qu'elle envoyait, dans ce but,
à Massaouah, plusieurs navires chargés d'armes
et de soldats.
Aussi, les récents événements dont l'Abyssinie
a été le théâtre ont-ils causé en Allemagne une
impression très désagréable dont l'Italie aurait
tort de ne pas se rendre compte. - v.
Elle connaît assez l'Allemagne pour savoir que
la doctrine du renoncement n'y est pas en faveur
et que lorsque les événements contrecarrent ses
ambitions, comme il vient d'arriver pour l'Abys-
sinie, elle ne les abandonne pas pour autant. Elle
se contente de les laisser réposer dans un silo,
d'où elle attend l'occasion de les faire surgir à
souhait.
Or, s'il en est une dont elle se soit détachée, ce
n'est certes pas celle de posséder un grand empire
colonial. Elle l'affirme, au contraire, de plus en
plus et l'Abyssinie pourrait bien ne pas être com-
plètement étrangère à ce plan de reconstitution.
Lucien Gtuparin,
député de la Réunion, secrétaire de
la Commission de la Marine Mar-
t'hantlr. membre do, la Commix-
sion des Colonies.
—————————— )1 .-+- ( ——————————
Vers une liaison directe
entre l'Europe
et Saint-Pierre et Miquelon.
.grâce aux navires italiens
.4 la suite de p-ourparlers entre l'Adminis-
trateur de Saint-Pierre et Miqnelon et une
copipagjiic de navigation italienne, il est
(juestion qu'une liaison directe et mensuelle
soit prochainement établie avec la France.
Saint-Pierre et Miquelon, jusqu'à mainte-
nant, n'a pas été gâté en ce qui concerne les
nioyens de communication avec la Métro-
pole. Il faut, en effet, emprunter plusieurs
modes de transport ; maritime dit Havre à
New-York, ferroviaire de New-York à Hali-
fax ou Sydney, et enfin maritime (Xewfound-
land Canada Steamships limited) pour dé-
barquer à Saint-Pierre.
On conçoit de ce fait facilement le prix
élevé des transports puisqu'à deux reprises
on doit avoir recours aux services de pays
étrangers.
Grâce à l'initiative de cette compagnie
italienne le coût du fret diminuera d'une fa-
çon appréciable, et les échanges commer-
ciaux se trouveront certainement facilités.
Regrettons qu'tme compagnie française
n'ait pas envisagé la possibilité dé relier la
Métropole à une de nos plus anciennes pos-
sessions d'outre-mer, certes, la moins favo-
risée dans bien des cas, — climat glacial,
pauvreté du sol -, mais la plus méritante
quant à sa population d'origine bretonne,
basque ou normande, dont la seule ressource
consiste dans Vindustrie de la Pêche.
Créer des élites
« Restez près des peuples que vous aurez
à administrer. Penchez-vous sur eux ! Il
Ainsi s'exprimait dernièrement M. Marius
Moutet en tant que ministre des Colonies
en remettant ses diplômes à la promotion
coloniale 1936.
Il faut savoir se pencher sur eux! 'Quelles
que soient la valeur et la grandeur de l'en-
seignement de notre école de la France d'ou-
tre-mer peut-on, hors de la vie, sur des
bancs d'école, inculquer à des jeunes gens
le sens de l'homme, surtout le --- sens -- de
l'homme différent ?
Il ne peut évidemment pas en être ques-
tion. A ces jeunes gens qui demain. vont
s'éparpiller sous toutes les latitudes ou flotte
notre drapeau, une formation a été donnée :
leur éducation reste à faire.
Tous, certes, ont l'ardeur et la générosité
de leur jeunesse. Déjà beaucoup d'entre eux
sans doute ont-ils derrière eux l'atavisme co-
lonial de parents qui les ont précédés outre-
mer, mais demain ils vont partir avec l'assu-
rance d'être des chefs, avec la garantie que,
dès .maintenant, l'administration, de par - ses
statuts, leur assure.
Maintenant qu'ils sont diplômés, il n'y a
plus d'éliminations à craindre, donc il leur
est permis de considérer qu'ils sont arrivés
à une fin : ils sont entrés dans la carrière.
Là est le danger.
En ayant conscience, le ministre des Co-
lonies leur a dit : cc Rappelez-vous que dans
la vie. nous sommes, tous, toujours des éttt-
diants. »
Oui, jusqu'au dernier jour nous sommes
toujours étudiants à la grande école de la vie,
mais pour y étudier sérieusement il faut l'ai-
guillon des nécessités de l'existence.
- Le danger d'une carrière bien contingen-
tée est qu'elle les supprime. Le seul stimu-
lant qui subsiste est l'ambition. Pour beau-
coup c'est insuffisant.
Partant élève-administrateur, dans deux
ans ils seront titularisés. Deux ans pour affir-
mer sa compréhension des hommes et ses ap-
titudes de chef, c'est peu ! Quant à la titu-
larisation, elle est anatomique.
Pour assurer les cadres d'élites dont nos
colonies ont l'impérieux besoin, il faudrait
qu'une autre sélection puisse jouer, une sé-
lection qui ne laisserait passer que ceux qui
ont réellement la foi et la compétence,
l'ayant prouvé par leur action sur place, en
présence des réalités et des nécessités d'abné-
gation que comporte une carrière coloniale
qui doit être un but et non pas un moyen.
Considérant que notre action directrice sur
nos peuples protégés doit être un apostolat
pour ceux qui aspirent à en être les chefs,
nous réclamons un véritable .noviciat.
Quelque cinq années de séjour effectif
*-'paszéss- dans des postes en contact perma-
nent avec l'indigène nous paraissent pouvoir
constituer une période d'initiation et d'étu-
des suffisante pour donner les connaissances
pratiques permettant la passation d'une
thèse « ès-sciences coloniales » qui assure-
rait la grande sélection nécessaire.
A ces lauréats, et à eux seulement, seraient
réservés les hauts postes de commandement
tout comme l'école de guerre dans l'armée,
permet de décrocher les étoiles.
Administrer une colonie, c'est mener une
campagne pour le mieux-être de l'humanité.
Pour une telle tâche il faut rigoureusement
.sélectionner les chefs qui « sauront se pen-
cher sur eux ».
Pierre Le Verbe.
————————— ) -.- ( ———
A l'Ecole Nationale
de la France d'outre-mer
Voici la liste, par ordre de mérite, des ad-
joints des services civils et commis princi-
paux des secrétariats généraux admis au
stage de l'école, à la suite du concours des
1er et 2 avril dernier :
MM. Dronne (Cameroun), Lattont" (A.O.
F.), Machenaud (Madagascar), Ducaud (Ma-
dagascar), Tourte (A.O.F.), de Vivié de Ré-
gie (A.E.F.), Maclatchy (A.E.F.), Rocca-
Serra (A.O.F.), Fabre (A.O.F), Conso (To-
go), Gavarret (Madagascar), Le Corfec (A.
O.F.;, Maillier (A.O.F.), Vuillaume (Came-
roun), Not (A.O.F.), Bain (Madagascar),
Hervouin (A.O.F.), Granier de Lilliac (A.O.
F.), Monnier (Togo).
> -.. (
Au comité d'action colonisatrice
et de paysannat indigène
M. Marius Moutet, ministre des Colonies,
vient de nommer membres de ce comité
MM. Aimé Quinson, député, vice-président
de la commission des Colonies, de l'Algérie
et des Pays de protectorat ; Paul Rivel, pro-
fesseur d'ethnographie au Muséum d'histoire
naturelle ; Chastenet de Gery, inspecteur de
Ire classe des colonies ; Roland Meyer, ad-
ministrateur de 1" classe des services civils
de l'Indochine, faisant fonctions de secré-
taire du comité ; Delavignette, administra-
teur des colonies, détaché à l'agence écono-
mique de l'Afrique Occidentale française, et
Laurertce, attaché aux agences économiques
de Madagascar et de l'A.E.F.
Trop parler nuit : à la Chambre des Communes, une nouvelle fois,
il fut question le 2 juillet, des colonies allemandes.
Le Comité conservateur — il faut bien qu'il mérite son nom -
des Affaires étrangères s'est prononcé contre tout transfert à une autre
puissance de territoires sous mandat britannique.
Il a émis également l'avis que ce serait une grave erreur de laisser !
croire à F Allemagne que la question du transfert pourrait même être
discutée.
Nous avions cru la question réglée. Il paraît ainsi qu'il n'en est rien.
La Grande-Bretagne semble, en matière coloniale, vis-à-vis de
l'Allemagne, appliquer la méthode Coué. Elle va provoquer à Berlin
une hypntMe. Et le somnanbulilme qui en résultera ne pourra que nous
être funeste.
Si nous demandions à la Grande-Bretagne de faire, sur cette ques-
tion, silence — une fois pour toutes ?
L'hommage
à René Caillé
Un drapeau tricolore voilait un portrait. Un
pagne d'A.O.F. couvrait la table. Et les larges
fresques, peut-être un peu pâles, de la belle
salle du Musée de la France d'outre-mer, cein-
turaient les personnalités coloniales de Paris.
Un enfant du peuple allait être célébré, dont
la légendaire épopée est maintenant familière a
tous. Sur la carte vide, et creuse, de l'A.O.F.,
quelques traits noirs étaient tracés: ils partaient
du Maroc, et tombaient droit au sud, pour pi-
quer ensuite sur l'Atlantique. Le 20 avril 1828,
René Caillé entrait à Tombouctou. Il y a plus
d'un siècle ! Et ceux qui traversèrent le Sahara,
déambulant sur le sol comme des fournis —
mais comme des fourmis rapides — tentaient de
se représenter l'égrenage de ces journées d'iti-
néraire, dam cette zone désertique et torride,
que l' avion éperdu survole aujourd'hui au maxi-
mum de sa puissance.
Le président de la République, qui est l'an-
cien de M. Marius Moutet au ministère, et
M. Marius Moutet, écoulèrent le général de
Trentinian, qui eut l'honneur de faire tomber
les trois couleurs et de nous dévoiler ainsi les
traits du pèlerin solitaire. Nous songions, du-
rant que le général parlait, au mot de Delavi-
gnette. dans le train qui l'emmenait au Soudan,
avec les héros de l'épopée : « les sous-lieute-
nants de la conquête galopaient toujours le
long du train dans lequel ils dormaient à l'état
de vieux. généraux. »
M. Jacobson présenta ensuite René Caillé,
dont M. Moutet dégagea enfin la rare valeur
d'exemple.
René Caillé, avec soixante francs, s'embar-
quant pour la côte africaine 1 De quel cœur fré-
missant, sachant que la solitude grandit singu-
lièrement les âmes fortes, ce jeune homme dut
se mesurer à l'immensité ! Et nous qui fermons
les yeux, jaloux d'un si magnifique destin, nous
imaginons aisément l'exaltation, et cet orgueil
qui devait faire se lever le visage au-dessus des
misérables joies humaines !
La petite-fille de René Caillé, Mme veuve
Deybée, fit don d'une médaille qui porte la
date illustre, et qui accompagnera, au Musée,
le portrait frais et charmant de celui qui mourut
à 38 ans, peut-être- d'avoir trop vécu.
L'exemple n'est pas perdu. Un peuple qui
honore ses héros prépare de riches moissons.
* +
Par une heureuse coïncidence, une exposition
de mobiliers en bois coloniaux fut ensuite inau-
gurée par MM. A Ibert Lebrun et Marius Mou-
tet. Nous avons dit l'initiative de M. Ary Le-
blond, conservateur du Musée, réunissant, sug-
gestionnant nos ébénistes d'art. Nous avons
rendu compte de cet effort et des belles réali-
sations de notre faubourg Saint-Antoine. ainsi
que des signatures de M. Robin, ou de M.
Saddier.
Après l'hommage à René Caillé. cette expo-
sition semblait nous offrir la moisson africaine
que celui-ci avait fait se lever. Quel plus mer-
veilleux symbole, et comme les cœurs pars en
marqueront leur émoi s'ils s'arrêtent un instant
pour confronter l'origine et le résultat !
La romance do Macina
En attendant le roman du Maema, nom
fûmes mardi gratifié de la romance. Et — plai-
sir rare — ce fut M. Bélime qui la chanta. Re-
mercions-en CoIonies-Sciences. L'homme était
à pied-d ottcre, et la carte, griffée de rose ten-
dre, à portée de sa baguette magique.
La France tente sur les rives du Niger Ge
expérience comiJérable, et lorsque nous y son-
geons nous entendons tinter le crincrin de la
chanson comme : « Macina, Macma, f ai fait un
rêve merveilleux. »
A la rJérité, M. Bélime nou a demandé de
lui faire crédit. Il a plus imisté sur la question
sociale que sur les autres questions, qui nous
eussent tout autant intéressé : les crédits, et les
résultats.
Certes l'éducation, la lente tentative tf ticcli-
matemenf, l'édification, comme à une Exposi-
tion universelle, de villages-modèles, la bou-
teille de permanganate en bonne place dam
chaque case, et la charrue toute neuve, aoant
les bœufs, nous donnèrent à entendre que nous
baignions en pleine idylle.
Mais l'expérience a-t-elle réussi ?
Mais le coton du Soudan prendra-t-il en
France la place du coton égyptien ?
+ *
M. Bélime a revendiqué le » droit » — c'est
le mot dont il s'est servi — de continuer ses
travaux afin de prouver la réussite de son ex-
périence poursuivie déjà depuis quinze ans.
C'est-à-dire qu'il aimerait que des crédits dans
l'avenir continuassent à lui être annuellement al-
loués. Il se rend compte qu'à l'heure actuelle
il est en porte-à-faux et que sur les 800.000 hec-
tares préorn il ne paroiendta sans doute pas à
faire camper 800.000 hommes. Le nœud de la
question est là.
Quant au produit — aux premières tentati-
ves de production — il nous parait que le prix
de revient du coton ne nous a pas été donné.
Qu'on nous permette de le faire. En accor-
dant une plus-value de 50 au coton souda-
nais (type sakellaridis), nous le trouverons sur
le marché du Havre à 7 fr. 26 le kilog, alors
que le coton américain vaut, à la même épo-
que 4 fr. 84. Nous noterons également que de
Diré au Havre les frais se montent à Fr. 1,91
par kilo. L'aventure, à ce compte, ne rJaut pas
la peine d'être vécue.
M. Bélime n'a d'ailleurs pas insisté sur le
coton. Il a parlé des rizières. Horreur 1 L'Indo-
chine ne s'étrangle-t-elle déjà point avec son
riz ?
Ainsi, incertitude quant à la destination de
la colonisation, en ce qui concerne le produit
quelle aura à sortir. Incertitude quant à 1.
masse humaine de manœuvre qui sera indispen-
sable pour peupler cette monstrueuse irrigation.
Une seule certitude : le rythme des travaux.
Nous avouons notre inquiétude.
l'ar arrêté du ministre des Colonies, puhli.'
aujourd'hui à l'Officiel. MM. A. de Monzie, dé-
i,tité, ancien ministre, et Lucien Lainé, indus-
triel, ont été nommés membres du Conseil d'ad-
ministration de l'Office du rîîger, en remplace-
ment respectivement de M. Louis Proust, ancien
député, délégué élu dit Soudan au Conseil supé-
rieur dé la France il'Outre-Vfer. et Mathon,
industriel, décédé.
Devant le Conseil supérieur
de la France d'outre-mer
Les idées de M. Lucien Hubert
par Jules Meailles.
, M. Lucien Hubert, sénateur des Ardennes,
vice-président du Sénat, ancien Garde des
Sceaux, qui a toujours fait montre du plus grand
intérêt pour tout ce qui -touche à notre empire
colonial, a bien voulu nous faire part de son
sentiment sur l'organisation du Conseil supérieur
de la France d'outre-mer.
« J'ai lu, nous a-t-il dit, l' article de M. Si-
monneau et les commentaires des Annales Co-
loniales, sur le Conseil supérieur de la France
d'outre-mer. Je sais combien la critique est fa-
cile, même à ceux qui ont eu l' occasion et le
pouvoir de la réduire.
- cc J'ai d'ailleurs signalé moi-même, il y a
trois ans, dans une longue lettre au ministre les
causes essentielles qui gênaient ou annulaient le
bon fonctionnement du Conseil supérieur de la
France d'outre-mer dont j'ai l'honneur, depuis
plus de dix ans, de présider la commission éco-
nomique.
« J'ai tout lieu de croire aujourd'hui qu'un
grand pas a été fait, grâce surtout à l'action de
la Conférence impériale, dans la voie de per-
fectionnement.
— Naturellement, l'utilité du Conseil supé-
rieur vous apparaît grande ?
— L'utilité d'un Conseil supérieur est in-
contestable. Je dirai même qu'il est plus néces-
saire au ministre des Colonies qu'à un autre de
ses collègues.
« Les ministres, en effet, sont couverts par
le Parlement. Ils agissent donc sous l' empire de
la loi. Leur responsabilité reste à l'abri des
Chambres, Seul, le ministre des Colonies admi-
nistre la plupart du temps par décret, c' est-à-
dire sous sa responsabilité personnelle. Nul donc
n' a plus besoin que lui d' un organisme de cou-
verture. V
« Et Maginot l' avait fort bien compris, lui
qui recommandait que les décrets fussent pris
sous la sauvegarde de l'opinion éclairée du
Conseil supérieur.
— Ne pensez-vous pas que le Conseil soit
encore susceptible d'améliorations ?
— Evidemment toute chose est perfectible,
mais une longue expérience me permet d'affir-
mr que le Conseil supérieur tel qu'il est peut
rendre de grands services.
« Sa composition est excellente, elle pourrait
être meilleure encore si l' on en refusait l'accès
à ceux qui ne recherchent là qu'une carte de vi-
site — ils sont d'ailleurs en très petit nombre.
« Ses travaux de premier ordre le témoignent.
La Conférence impériale a mis au point bien des
sujets parce qu'elle avait le pouvoir de conclu-
re, mais j'ose dire qu' elle n'a abordé aucune
question que le Conseil supérieur n'ait traitée
depuis longtemps.
« L'instrument est de qualité, il n'est que de
s'en servir et le ministre ne doit pas oublier
au'il en est le président. C'est son outil et il
est bon.
— Mais ne faut-il pas pour fonctionner bien
qu'il se sente soutenu et encouragé ?
— D' abord, et avant tout, il faut que le
Conseil rencontre la confiance de l' administra-
tion elle-même. Je n'oserais affirmer que cette
première condition soit satisfaite. Et cependant
la part prépondérante qu'il a prise aux travaux
de la Conférence impériale a montré la valeur
de l' organisme.
« La Conférence impériale elle-même l' a
reconnu. Sous son impulsion, un grand progrès
a été réalisé parmi d'autres.
« Elle a, en effet, obtenu la création d'un
bureau permanent auquel un récent décret con-
fère un droit d'initiative dont il a usé immédia-
tement.
— En quoi consiste ce droit d'initiative ?
— Ce pouvoir nouveau et important permet
au bureau permanent de saisir le ministre des
questions qui lui semblent de nature à être
soumises à son examen ou à celui de ses sec-
tions.
« Et il n'a pas attendu longtemps pour user
de cette nouvelle prérogative, notamment en ce
qui concerne la situation des planteurs de caout-
chouc et les règles à imposer dans le déplace-
ment et l'installation de la main-d'œuvre indi-
gène.
« Je me h~ d'ajouter que le ministre a
répondu 4 iwjfF pd. !î y -a-là un progrès d'im-
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