Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-07-20
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 juillet 1913 20 juillet 1913
Description : 1913/07/20 (A4,T12,N91). 1913/07/20 (A4,T12,N91).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6248076d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
REVUE
CONTEMPORAINE
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
QUATRIÈME ANNÉE SAMEDI 20 JUILLET 1913 N2" 91
Editorial !
20 Juillet igij
Il y a quelque trois mois le Monténégro refu-
sait de souscrire aux prescriptions de l'Europe, et,
pour rappeler à l'ordre un petit Etat récalcitrant, il
n'y eut, à très peu d'exceptions près, qu'une seule
voix dans la presse européenne: les arrêts, rendus
par le concert des puissances, sont sacrés; la volonté
collective de l'Europe ne souffre pas de résistance
et, finalement, comme le Monténégro résistait quand
même, une escadre internationale est venue remplir
l'office d'un organe exécutoire.
Le tout constitue un précédent précieux, un cas
de jurisprudence diplomatique qui impose des orien-
tations précises.
Le Monténégro, somme toute, n'a fait que bra-
ver la volonté européenne: il n'a pas failli à sa
signature, puisqu'il n'a rien promis; il n'a déchiré
aucun traité, il n'a trahi aucun pacte; et, pourtant,
il a suffi d'une simple opposition entre ses intérêts,
qu'il considérait comme vitaux, et les préoccupations
d'équilibre des Chancelleries, pour assurer la victoire
à la décision européenne. La Turquie, aujourd'hui,
ne fait pas seulement table rase de cette décision:
elle viole un traité dont l'encre, suivant la parole de
M. Asquith, n'a pu encore sécher, un traité signé
sous les auspices des puissances, un contrat estam-
pillé par l'Europe entière. Et, tandis que des hordes
kurdes s'essayent à une suprême aventure, nous
assistons à un spectacle tout au moins imprévu: une
volte face d'une certaine partie de l'opinion en Europe,
de celle, précisément, qui s'acharnait à stigmatiser
dans le Monténégro un trouble-fête, et qui, en ce
moment, puisqu'il agit de la Turquie des concessions
et des douanes, prêche, en matière diplomatique,
l'abstention rigoureuse et se lamente sur les dangers
d'une action européenne. Vérité en Albanie, erreur
sur le Bosphore: mobilisation de cuirassés contre le
Monténégro et laisser faire, laisser passer les fan-
taisies les plus saugrenues de la Turquie. Il est vrai
que ces flagrantes contradictions se voilent de litté-
rature: la Turquie des financiers, des Comités jaco-
bins et des prononciamentos se drape de Loti et de
Farrère; elle n'est plus que la douce et mélancolique
Désenchantée", derrière le grillage d'un moucha-
rabis; et, en face des Bulgares dont les Bachi-bou-
souks incendient les moissons et massacrent les en-
fants, le cause de la Turquie est identifiée avec celle
de la Civilisation.
Les Bulgares, sans doute, ont un tort très grave:
ils sont malheureux. Hier encore la presse semait de
fleurs épiques les rudes routes glorieuses que sui-
vaient, hallucinées par la vision de Stamboul, les
troupes de Radko Dimitrieff. Aujourd'hui, encerclée
sur tous les fronts, l'armée bulgare ne serait qu'une
horde de pillards et d'assassins. Jamais la religion
du succès n'a été professée avec plus de cynisme.
Jamais plus d'inconscience n'a présidé à des cam-
pagnes de presse plus écœurantes. Le Vœ victis ne
donne pas lieu, au XXe siècle, à un seul geste
théâtral, à un seul cri tragique: on écartèle le vaincu,
on l'abreuve de calomnies, on traîne, dans la boue,
sa renommée, et l'on oublie, à se vautrer aux pieds
du bonheur, que l'on piétine ses enthousiasmes
d'hier.
La Bulgarie a eu beau perdre beaucoup d'amis:
la vérité lui demeure fidèle. Et la vérité, c'est qu'en
face de l'invasion turque, la civilisation se replie
dans les rangs d'une armée trop épuisée par sa
gloire; c'est que l'Asie, une fois refoulée, reprend
sournoisement le chemin de l'Europe. La tragédie
séculaire, interrompue un moment par les Bulgares,
recommence son cauchemar. Et, tandis que des pro-
CONTEMPORAINE
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
QUATRIÈME ANNÉE SAMEDI 20 JUILLET 1913 N2" 91
Editorial !
20 Juillet igij
Il y a quelque trois mois le Monténégro refu-
sait de souscrire aux prescriptions de l'Europe, et,
pour rappeler à l'ordre un petit Etat récalcitrant, il
n'y eut, à très peu d'exceptions près, qu'une seule
voix dans la presse européenne: les arrêts, rendus
par le concert des puissances, sont sacrés; la volonté
collective de l'Europe ne souffre pas de résistance
et, finalement, comme le Monténégro résistait quand
même, une escadre internationale est venue remplir
l'office d'un organe exécutoire.
Le tout constitue un précédent précieux, un cas
de jurisprudence diplomatique qui impose des orien-
tations précises.
Le Monténégro, somme toute, n'a fait que bra-
ver la volonté européenne: il n'a pas failli à sa
signature, puisqu'il n'a rien promis; il n'a déchiré
aucun traité, il n'a trahi aucun pacte; et, pourtant,
il a suffi d'une simple opposition entre ses intérêts,
qu'il considérait comme vitaux, et les préoccupations
d'équilibre des Chancelleries, pour assurer la victoire
à la décision européenne. La Turquie, aujourd'hui,
ne fait pas seulement table rase de cette décision:
elle viole un traité dont l'encre, suivant la parole de
M. Asquith, n'a pu encore sécher, un traité signé
sous les auspices des puissances, un contrat estam-
pillé par l'Europe entière. Et, tandis que des hordes
kurdes s'essayent à une suprême aventure, nous
assistons à un spectacle tout au moins imprévu: une
volte face d'une certaine partie de l'opinion en Europe,
de celle, précisément, qui s'acharnait à stigmatiser
dans le Monténégro un trouble-fête, et qui, en ce
moment, puisqu'il agit de la Turquie des concessions
et des douanes, prêche, en matière diplomatique,
l'abstention rigoureuse et se lamente sur les dangers
d'une action européenne. Vérité en Albanie, erreur
sur le Bosphore: mobilisation de cuirassés contre le
Monténégro et laisser faire, laisser passer les fan-
taisies les plus saugrenues de la Turquie. Il est vrai
que ces flagrantes contradictions se voilent de litté-
rature: la Turquie des financiers, des Comités jaco-
bins et des prononciamentos se drape de Loti et de
Farrère; elle n'est plus que la douce et mélancolique
Désenchantée", derrière le grillage d'un moucha-
rabis; et, en face des Bulgares dont les Bachi-bou-
souks incendient les moissons et massacrent les en-
fants, le cause de la Turquie est identifiée avec celle
de la Civilisation.
Les Bulgares, sans doute, ont un tort très grave:
ils sont malheureux. Hier encore la presse semait de
fleurs épiques les rudes routes glorieuses que sui-
vaient, hallucinées par la vision de Stamboul, les
troupes de Radko Dimitrieff. Aujourd'hui, encerclée
sur tous les fronts, l'armée bulgare ne serait qu'une
horde de pillards et d'assassins. Jamais la religion
du succès n'a été professée avec plus de cynisme.
Jamais plus d'inconscience n'a présidé à des cam-
pagnes de presse plus écœurantes. Le Vœ victis ne
donne pas lieu, au XXe siècle, à un seul geste
théâtral, à un seul cri tragique: on écartèle le vaincu,
on l'abreuve de calomnies, on traîne, dans la boue,
sa renommée, et l'on oublie, à se vautrer aux pieds
du bonheur, que l'on piétine ses enthousiasmes
d'hier.
La Bulgarie a eu beau perdre beaucoup d'amis:
la vérité lui demeure fidèle. Et la vérité, c'est qu'en
face de l'invasion turque, la civilisation se replie
dans les rangs d'une armée trop épuisée par sa
gloire; c'est que l'Asie, une fois refoulée, reprend
sournoisement le chemin de l'Europe. La tragédie
séculaire, interrompue un moment par les Bulgares,
recommence son cauchemar. Et, tandis que des pro-
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