Titre : Le Petit Alger : journal républicain indépendant : paraissant les lundi, mercredi et samedi
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1893-01-20
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32835457x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 20 janvier 1893 20 janvier 1893
Description : 1893/01/20 (A8,N54). 1893/01/20 (A8,N54).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62413004
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-87303
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/07/2013
Huitième année (Nouvelle série). n° 54. CINQ CENTIMES Vendredi 20 Janvier 1893.
ABONTVfSAlKnrrAs ,"
Un an. 12 fr. »
Six mois , ô' 6 fr. »
Trois mois 3 fr. 50
JB. BEMtS, secret, de la Rédaet.1
Les Abonnements partent des 1,10,
-20 et 30 de chaque mois et sont reçus
sans frais dans tous les Bureaux de
Posté. •
,LE, :
'; ,"., JOURNAL POLITIQUE. INDEPENDANT, LITTÉRAIRE & COMMERCIAL
, "'C,r."¡'!",' PARAISSANT LES MARDI, JEUDI ET SAMEDI
< aiiMHiOBfkt
DIVERSES : A FORFAIT
Les manuscrits non iûsérAi ne seron
pas rendus.
Les abonnements et les annoocef
sont reçu A Alger, aux Bureau du
Joumal.
M, ftae irife 4*
Adresser tout ce qui concerne la rédaction, l'administration et la publicité (annonces et réclamer), à M. le DIRECTEUR du « PETIT ALGER », 10, rue Bruce, Alger.
LE PETIT ALGER est désigné pour l'insertion des annonces légales, judiciaires et autres, exigées pour la validité des procédures et contrats
AVIS IMPORTANT
Le PETIT ALGER a organisé
un service télégraphique qui lui per-
mettra, le journal étant régulière-
ment mis en vente sur la voie pu-
blique à onze heures, de donner les
dernières dépêches du matin, qui
ne sont publiées que par les jour-
naux du soir.
lire notre service télégraphi-
que à la SMO page.
ALGER, LE 19 JANVIER 1892.
LE
Discours du Gouverneur
On ne saurait contester, sans parti
pris que le discours prononcé par M.
Cambon, gouverneur général de l'Al-
gérie, à l'ouverture de la session du Con.
seil supérieur, sort du cadre ordinaire
des documents de ce genre et surtout
des allocutions de gracieux équilibriste
que pendant près de dix ans son pré-
décesseur nous a servies en pareilles
circonstances.
Suivant la tradition, cet exposé se
présente avec deux grandes divisions :
ce qui a été fait et ce qui est à faire ;
mais rien n'a été volontairement ou-
blié dftM FéffimératioQ adniinùtrative
da complexe problème de la coloni-
sation algérienne.
On doit donc, avant toute critique,
savoir gré à M. le Gouverneur général
da la preuve de bonne volonté qu'il
vient de donner, suivant les moyens
laissés à sa disposition, et d'une étude
consciencieuse des questions à résou-
dre.
La part qu'il convient d'attribuer
aux colons et celle qu'il faut faire aux
indigènes, M. Cambon la définit par
une expression heureuse : « l'assimila-
tion des intérêts » et, à ce propos, il
constate avec juste raison, la double
erreur commise en 1848 et sous l'em-
pire, quand la France crut qu'il suffi-
sait de proclamer l'Algérie « territoire
français » pour croire que l'élément
européen absorberait les indigènes, et
plus tard,que la création napoléonienne
d'un royaume arabe pouvait être une
solution.
En ce qui concerne plus spéciale-
ment la colonisation européenne, M. le
Gouverneur général fait la même cons-
tatation pénible que son prédécesseur :
la métropole ne met pas à la disposi-
tion de l'Algérie les crédits nécessai-
res, les fonds manquent, et ce qui est
plus grave, manquent aussi les terres
propres à la colonisation. On ne dis-
pose actuellement que de 250,000 hec.
tares sur lesquels 80,000 au plus, sont
susceptibles d'être cultivés.
N'est-ce pas, à bref délai, la condam-
nation par l'impossible de la colonisa*
tion officielle que M. Cambon voudrait
cependant maintenir dans une certaine
mesure parce que « dans un pays de
propriété collective le public a besoin
de l'intervention de l'autorité pour
qu'il puisse acquérir la terre libre de
tous droits ».
Ces constatations n'ouvrent pas une
brillante perspective pour la création
de nouveaux centres favo ables au
peuplement de la Colonie pa. l'élément
français, ce qui est un des éléments
principaux du grand problème à ré-
soudre.
M. le Gouverneur général nous dit
bien que le seul moyen, d'après lui,
propre à augmenter les maigres res-
S;wi^~i3doô*^^>o;w-hr budget dé rAi'
gérie consisterait à créer des ressources
spéciales pour la colonisation, mais il
n'indique pas les moyens de réaliser
ce projet : la commission sénatoriale
en est saisie comme de beancoup d'au-
tres dont nous attendrons probable-
ment longtemps la réalisation.
Une particularité à signaler dans ce
discours et qui le distingue de ses de-
vanciers dans le genre, c'est la sollici-
tude marquée qu'il exprime pour les
questions agricoles qui sont d'un inté-
rêt de premier ordre dans ce pays.
M. Cambon donne ans colons algé-
riens un salutaire avertissement dou-
blé d'un excellent conseil en les mettant
en garde contre les dangers et les dé-
boires de la monoculture. Il serait à
souhaiter que cet avis fut entendu et
que nos colons puissent mettre à profit
les expériences du Dr Trabut chargé
d'un service de botanique appliquée.
Il est deux questions essentielles
sur lesquelles nous ne saurions parta-
ger l'optimisme officiel de M. le Gou-
verneur général : l'instruction des in-
digènes et la sécurité.
Au sujet de la première, tout en
reconnaissant qu'il était difficile de ne
pas entrer dans les mêmes vues à une
fonctionnaire, tant haut placé soit-il,
qui dépend d'un gouvernement métro-
politain imbu d'idées bien arrêtées, on
peut regretter que le gouverneur,
mieux placé qu'on ne l'est à Paris pour
apprécier sainement, n'ait pas dit que
les dépenses folles imposées aux com-
munes pour la construction d'écoles
indigènes sont une charge à la fois trop
lourde et d'une utilité pratique très
contestable.
Quant à l'autre : la sécurité, la sta-
tistique des vols et des crimes dont
nos colons sont victimes chaque jour
n'esc-elle pas là pour dire que la créa-
tion de quelques brigades de sûreté
est chose insuffisante, et pour répondre
que nous sommes encore bien loin de
cet âge d'or qu'entrevoit M. le Gouver-
neur général 1
Nous ne pouvons qu'applaudir au
passage du discours de M. Cambon,
relatif à l'introduction de l'élément
indigène dans le Conseil supérieur,
mais en faisant remarquer que cette
décision: provoquée par le Conseil gé-
néral d'Alger qui désigna un de ses
membres, M. Ali Chérif, est la meil-
leure réponse à ceux qui nous repré-
sentent comme les persécuteurs du
peuple vaincu ou les adversaires déter-
minés et systématiques de son éman-
cipation graduelle.
N'est-il pas permis de rappeler à ce
propos l'initiative féconde que pourrait
avoir le Conseil supérieur si les pou-
voirs de cette haute assemblée dont la
compétence en matière algérienne ne
serait pas discutable étaient plus éten-
dus, si une plus large part dans sa
composition était faite à l'élément
électif.
Tel qu'il est constitué et bien que
son rôle soit limité aux questions bud-
gétaires, il peut encore rendre des ser-
vices appréciables, si les représentants
qui siègent dans notre première assem-
blée algérienne ne se bornent pas à
opiner du bonnet et si, comme nous
avons tout lieu de l'espérer, M. Cam-
bon est sincèrement décidé à lui de-
mander un concours aussi indépendant
que désintéressé.
Dans ces conditions seulement, la
bonne volonté manifestée par le dis-
cours du Gouverneur général pourra
porter ses fruits et se traduire en ré-
sultats pratiques.
PIERRILLON.
JÉCHOS
La majorité de la conférence des
sociétés de chemins de fer suisses s'est
montrée favorable à la proposition du
Conseil fédéral d'abaisser les tarifs
pour les transports de vivres de prove-
naace autrichienne-italienne à desti-
nation de la Suisse, afin de rendre la
Suisse occidentale moins dépendante
de la France. La Société du chemin de
fer central a été chargée d'étudier la
question et de faire un rapport.
- On croit gue ce sont les vins, les
sucres, le betail pt en général les subs-
tances alimentaires qui bénéficieront
des détaxes en question.
Le Conseil fédéral a soumis les jour-
Daux venant de l'étranger, et notam-
ment de France à un droit de poste
afin qu'ils ne jouissent plus d'aucun
avantage sur les journaux suisses.
- .,
- Malgré les résistances d'une sec-
tion de l'état-major général de la
guerre et de l'atelier d'aréostation mili.
taire de Chalais-Meudon, la commis-
sion des inventians utiles à l'armée
présidée par le colonel du génie Sever,
a fait adopter par le ministre le prin-
cipe d'expérience de ballons dirigea-
bles Jen aluminium, dont les inven-
teurs sont des ingénieurs civils, mais
français.
Chaque aérostat du modèle proposé
équivaudrait, pour assurer un service
d'éclaireurs à une division de cavalerie
tout au moins sans présenter les gra-
ves inconvénients de ballons d'étoffe,
et le danger d'une facile destruction.
Les essais, qui auront lieu prochai-
nement, s'effectueront par les soins de
laCommission, et avec le concours de
l'école de Chalais.
Une des premières opérations que
doivent faire les commissaires-enquê-
teurs sur les banques d'émissions ita-
liennes, est de vérifier la circulation
du papier-monnaie. Cette opération a
commencé ce matin dans toutes les
banques. La vérification sera faite dans
les succursales par les inspecteurs des
finances.
Après la tour Eiffel, voici un fro-
mage qui peut presque rivaliser de
grandeur avec elle.
Il a été confectionné par M. Bobert-
son, commissaire des laiteries du Ca-
nada. Destiné à figurer dans nue ex-
position des produits canadiens, il pèse
non moins de 11,000 kilos, et c'est
le produit du lait fourni par dix mille
vaches en un jour.
La confection de ce phénoménal
globe de fromage a paru un évènement
extraordinaire pour être annoncé wb;
et orbi.
Il parait qu'après avoir été exposé
dans le Nouveau-Monde, ce fromage
doit être envoyé à Londres. Il voya-
gera peut-être tout seul.
LES POTS-DE-VIN
Les pots-de-vin étaient d'un usage fréquent
sous l'ancien régime ; Tallemand des Réaux
prétend que le sage Sully était appelé Sire pot-
de-vin dans son entourage. Sans remonter si
loin et en s'attachant à des faits certain, les
contrôleurs généraux de Louis XV recevaient
ostensiblement des fermiers généraux, à cha-
que renouvellement du bail des fermes, eut-à
-dire tous les six ans, un joli pot-de-vin de
100,000 écus. Quelques ministres scrupuleux,
ayant observé qu'il était rare de rester six ans
en place, et roulant réserver une partie de la
„J^ej^^s«e^p»M5 «HÉ&kr&ÈSm'-x
le présent en une gratification annuelle de
50,000 livrés. En 1774, l'abbé Terray revint
aux anciennes coutumes. et empocha d'un
seul coup les 300,000 livres - quelques-uns
disent même 450,000 livres -" pour le renou-
vellement qui devait avoir lieu le fw janvier
1775. Le malheur fit que l'abbé fut chassé
ctnq mois auparavant, le 24 août 1774. Turgot
fit a dégorger la sangsue », et au lieu de s'ap-
proprier la part qui lui revenait de droit, fit
porter le pot-de-vin entier au trésor roya
pour être affecté à une œuvre de charité que
dirigeaient les curés de Paris.
C'est là un exemple de pot-de-vin « régu-
lier »; en voici un d'une autre espèce. Un
des chefs de bureau de Turgot, nommé La*
croix, avait dans ses attributions les finances
de Paris et de Lyon ; il fit retirer à la direc-
trice du spectacle de cette dernière ville le
privilège de son empl i, après s'être fait don-
ner par un concurrent, une somme importante
et s'être fait attribuer une rente de 18,000
livres pour toute la durée de la noavelle ex-
ploitation. La directrice évincée, madame
FEUILLETON DU PETIT ALGER
-. 52
LES ROUGON-MACQUART
Histoire naturelle et sociale d'une famille sous
le second empire.
lA
BÊTE HUMAINE
Aime-moi, aime-moi bien, parce que,
▼ois-tu, il n'y. que ton amour qui
puisse me faire oublier. Maintenant
que je t'ai dit tous mes malheurs,
n'est-ce pas ? il ne faut pas me quitter,
oh ! je t'en conjure!
Jacques était envahi par cet atten-
drissement. Une détente invincible
l'amollissait peu à peu. Il bégaya :
— Non, non, je t'aime, n'aie pas
peur.
Et, débordé, il pleura aussi, sous
la fatalité de ce mal abominable qui
venait de le reprendre, dont jamais
il ne guérirait. C'était une honte, un
désespoir sans bornes.
— Aime-moi, aime-moi bien aussi,
oh ! de toute ta force, car j'en ai au-
tant besoin que toi !
Elle frissonna, voulut savoir.
- Tu as des chagrins, il faut me
les dire.
- Non, non, pas des chagrins, des
choses qui n'existent pas, des tristes-
ses qui me rendent horriblement mal-
heureux, sans qu'il soit même possible
d'en causer.
Tous deux s'étreignirent, confondi-
rent l'affreuse mélancolie de leur pei-
ne. C'était une infinie souffrance,
sans oubli possible, sans pardon. Ils
pleuraient, et ils sentaient sur eux les
forces aveugles de la vie, faite de lutte
et de mort.
— Allons, dit Jacques, en se déga-
geant, il est l'heure de songer au dé-
part. Ce soir, tu seras au Havre.
Séverine, sombre, les regards per-
dus, murmura, après un silence :
— Encore, si j'étais libre, si mon 1
mari n'était plus là!. Ah 1 comme
nous oublierions vite !
Il eut un geste violent, il pensa tout
haut.
— Nous ne pouvons pourtant pas le
tuer.
Fixement, elle le regarda, et lui tres-
saillit, étonné d'avoir dit cette chose,
à laquelle - il n'avait jamais songé.
Puisqu'il voulait tuer, pourquoi donc
ne le tuait-il pas, cet homme gênant?
Ec, comme il la quittait enfin, pour
courir au Dépôt, elle le reprit entre
ses bras, le couvrit de baisers.
— Oh! mon chéri, aime-moi bien.
Je t'aimerai plus fort, plus fort en-
core. Va, nous serons heureux.
IX
Au Havre, dès les jours suivants,
Jacques et Séverine se montrèrent d'u-
ne grande prudence, pris d'inquiétude.
Puisque Roubaud savait tout, n'allait-
il pas les guetter, les surprendre, pour
se venger d'eux, dans un éclat ? Ils se
rappelaient ses emportements jalouk
d'autrefois, ses brutalités d'ancien homo
me d'équipe, tapant à poings fermés.
Et, justement, il leur semblait, à le
voir, si lourd, si muet, avec ses yeux
troubles, qu'il devait méditer quelque
farouche sournoiserie, un guet-apens,
où il les tiendrait en sa puissance.
Aussi, pendant le premier mois, ne se
virent-ils qu'avec mille précautions,
toujours en alerte.
Roubaud, cependant, de plus en plus,
s'absentait. Peut-être ne disparaissait-
il ainsi que pour revenir à l'improviste
et les trouver aux bras l'un de l'autre.
Mais cette crainte ne se réalisait pas.
Au contraire, ses absences se prolon-
geaient à un tel point, qu'il n'était
plus jamais là, s'échappant dès qu'il
était libre, ne rentrant qu'à la minute
précise où le service le réclamait. Les
semaines de jour, il trouvait le moyen.,
à dix heures, de déjeuner en cinq mi.
nutes, puis de ne pas reparaître avant
onze heures et demie; et, le soir, à
cinq heures, lorsque son collègue des-
cendait le remplacer, il filait, souvent
pour la nuit entière. A peine prenait-
il quelques heures de sommeil. Il en
était de même des semaines de nuit,
libre alors dès cinq heures du matin,
mangeant et dormant dehors sans dou-
te, en cous cas ne revenant qu'à cinq
heures du soir. Longtemps, dans ce
désarroi, il avait gardé une ponctua-
lité d'employé modèle, toujours présent
à la minute exacte, si éreinté parfois,
qu'il ne tenait pas sur les jambes,
mais debout pourtant, consciencieux à
sa besogne.
Puis, maintenant, des trous se pro-
duisaient. Deux fois déjà, l'autre sous-
chef, Moulin, avait dû l'attendre une
heure ; même, un matin, après le dé-
jeuner, apprenant qu'il ne reparaissait
pas, il était venu le suppléer, en brave
homme, pour lui éviter une répriman.
de. Et tout le service de Roubaud
commençait ainsi à se ressentir de cette
désorganisation lente.
Le jour, ce n'était plus l'homme
actif, n'expédiant ou ne recevant un
train qu'après avoir tout vu par ses
yeux, consignant les moindres faits
dans son rapport au chef de gare, dur
aux autres ét à lui-même.
(A suivre), EMILE ZOLA
ABONTVfSAlKnrrAs ,"
Un an. 12 fr. »
Six mois , ô' 6 fr. »
Trois mois 3 fr. 50
JB. BEMtS, secret, de la Rédaet.1
Les Abonnements partent des 1,10,
-20 et 30 de chaque mois et sont reçus
sans frais dans tous les Bureaux de
Posté. •
,LE, :
'; ,"., JOURNAL POLITIQUE. INDEPENDANT, LITTÉRAIRE & COMMERCIAL
, "'C,r."¡'!",' PARAISSANT LES MARDI, JEUDI ET SAMEDI
< aiiMHiOBfkt
DIVERSES : A FORFAIT
Les manuscrits non iûsérAi ne seron
pas rendus.
Les abonnements et les annoocef
sont reçu A Alger, aux Bureau du
Joumal.
M, ftae irife 4*
Adresser tout ce qui concerne la rédaction, l'administration et la publicité (annonces et réclamer), à M. le DIRECTEUR du « PETIT ALGER », 10, rue Bruce, Alger.
LE PETIT ALGER est désigné pour l'insertion des annonces légales, judiciaires et autres, exigées pour la validité des procédures et contrats
AVIS IMPORTANT
Le PETIT ALGER a organisé
un service télégraphique qui lui per-
mettra, le journal étant régulière-
ment mis en vente sur la voie pu-
blique à onze heures, de donner les
dernières dépêches du matin, qui
ne sont publiées que par les jour-
naux du soir.
lire notre service télégraphi-
que à la SMO page.
ALGER, LE 19 JANVIER 1892.
LE
Discours du Gouverneur
On ne saurait contester, sans parti
pris que le discours prononcé par M.
Cambon, gouverneur général de l'Al-
gérie, à l'ouverture de la session du Con.
seil supérieur, sort du cadre ordinaire
des documents de ce genre et surtout
des allocutions de gracieux équilibriste
que pendant près de dix ans son pré-
décesseur nous a servies en pareilles
circonstances.
Suivant la tradition, cet exposé se
présente avec deux grandes divisions :
ce qui a été fait et ce qui est à faire ;
mais rien n'a été volontairement ou-
blié dftM FéffimératioQ adniinùtrative
da complexe problème de la coloni-
sation algérienne.
On doit donc, avant toute critique,
savoir gré à M. le Gouverneur général
da la preuve de bonne volonté qu'il
vient de donner, suivant les moyens
laissés à sa disposition, et d'une étude
consciencieuse des questions à résou-
dre.
La part qu'il convient d'attribuer
aux colons et celle qu'il faut faire aux
indigènes, M. Cambon la définit par
une expression heureuse : « l'assimila-
tion des intérêts » et, à ce propos, il
constate avec juste raison, la double
erreur commise en 1848 et sous l'em-
pire, quand la France crut qu'il suffi-
sait de proclamer l'Algérie « territoire
français » pour croire que l'élément
européen absorberait les indigènes, et
plus tard,que la création napoléonienne
d'un royaume arabe pouvait être une
solution.
En ce qui concerne plus spéciale-
ment la colonisation européenne, M. le
Gouverneur général fait la même cons-
tatation pénible que son prédécesseur :
la métropole ne met pas à la disposi-
tion de l'Algérie les crédits nécessai-
res, les fonds manquent, et ce qui est
plus grave, manquent aussi les terres
propres à la colonisation. On ne dis-
pose actuellement que de 250,000 hec.
tares sur lesquels 80,000 au plus, sont
susceptibles d'être cultivés.
N'est-ce pas, à bref délai, la condam-
nation par l'impossible de la colonisa*
tion officielle que M. Cambon voudrait
cependant maintenir dans une certaine
mesure parce que « dans un pays de
propriété collective le public a besoin
de l'intervention de l'autorité pour
qu'il puisse acquérir la terre libre de
tous droits ».
Ces constatations n'ouvrent pas une
brillante perspective pour la création
de nouveaux centres favo ables au
peuplement de la Colonie pa. l'élément
français, ce qui est un des éléments
principaux du grand problème à ré-
soudre.
M. le Gouverneur général nous dit
bien que le seul moyen, d'après lui,
propre à augmenter les maigres res-
S;wi^~i3doô*^^>o;w-hr budget dé rAi'
gérie consisterait à créer des ressources
spéciales pour la colonisation, mais il
n'indique pas les moyens de réaliser
ce projet : la commission sénatoriale
en est saisie comme de beancoup d'au-
tres dont nous attendrons probable-
ment longtemps la réalisation.
Une particularité à signaler dans ce
discours et qui le distingue de ses de-
vanciers dans le genre, c'est la sollici-
tude marquée qu'il exprime pour les
questions agricoles qui sont d'un inté-
rêt de premier ordre dans ce pays.
M. Cambon donne ans colons algé-
riens un salutaire avertissement dou-
blé d'un excellent conseil en les mettant
en garde contre les dangers et les dé-
boires de la monoculture. Il serait à
souhaiter que cet avis fut entendu et
que nos colons puissent mettre à profit
les expériences du Dr Trabut chargé
d'un service de botanique appliquée.
Il est deux questions essentielles
sur lesquelles nous ne saurions parta-
ger l'optimisme officiel de M. le Gou-
verneur général : l'instruction des in-
digènes et la sécurité.
Au sujet de la première, tout en
reconnaissant qu'il était difficile de ne
pas entrer dans les mêmes vues à une
fonctionnaire, tant haut placé soit-il,
qui dépend d'un gouvernement métro-
politain imbu d'idées bien arrêtées, on
peut regretter que le gouverneur,
mieux placé qu'on ne l'est à Paris pour
apprécier sainement, n'ait pas dit que
les dépenses folles imposées aux com-
munes pour la construction d'écoles
indigènes sont une charge à la fois trop
lourde et d'une utilité pratique très
contestable.
Quant à l'autre : la sécurité, la sta-
tistique des vols et des crimes dont
nos colons sont victimes chaque jour
n'esc-elle pas là pour dire que la créa-
tion de quelques brigades de sûreté
est chose insuffisante, et pour répondre
que nous sommes encore bien loin de
cet âge d'or qu'entrevoit M. le Gouver-
neur général 1
Nous ne pouvons qu'applaudir au
passage du discours de M. Cambon,
relatif à l'introduction de l'élément
indigène dans le Conseil supérieur,
mais en faisant remarquer que cette
décision: provoquée par le Conseil gé-
néral d'Alger qui désigna un de ses
membres, M. Ali Chérif, est la meil-
leure réponse à ceux qui nous repré-
sentent comme les persécuteurs du
peuple vaincu ou les adversaires déter-
minés et systématiques de son éman-
cipation graduelle.
N'est-il pas permis de rappeler à ce
propos l'initiative féconde que pourrait
avoir le Conseil supérieur si les pou-
voirs de cette haute assemblée dont la
compétence en matière algérienne ne
serait pas discutable étaient plus éten-
dus, si une plus large part dans sa
composition était faite à l'élément
électif.
Tel qu'il est constitué et bien que
son rôle soit limité aux questions bud-
gétaires, il peut encore rendre des ser-
vices appréciables, si les représentants
qui siègent dans notre première assem-
blée algérienne ne se bornent pas à
opiner du bonnet et si, comme nous
avons tout lieu de l'espérer, M. Cam-
bon est sincèrement décidé à lui de-
mander un concours aussi indépendant
que désintéressé.
Dans ces conditions seulement, la
bonne volonté manifestée par le dis-
cours du Gouverneur général pourra
porter ses fruits et se traduire en ré-
sultats pratiques.
PIERRILLON.
JÉCHOS
La majorité de la conférence des
sociétés de chemins de fer suisses s'est
montrée favorable à la proposition du
Conseil fédéral d'abaisser les tarifs
pour les transports de vivres de prove-
naace autrichienne-italienne à desti-
nation de la Suisse, afin de rendre la
Suisse occidentale moins dépendante
de la France. La Société du chemin de
fer central a été chargée d'étudier la
question et de faire un rapport.
- On croit gue ce sont les vins, les
sucres, le betail pt en général les subs-
tances alimentaires qui bénéficieront
des détaxes en question.
Le Conseil fédéral a soumis les jour-
Daux venant de l'étranger, et notam-
ment de France à un droit de poste
afin qu'ils ne jouissent plus d'aucun
avantage sur les journaux suisses.
- .,
- Malgré les résistances d'une sec-
tion de l'état-major général de la
guerre et de l'atelier d'aréostation mili.
taire de Chalais-Meudon, la commis-
sion des inventians utiles à l'armée
présidée par le colonel du génie Sever,
a fait adopter par le ministre le prin-
cipe d'expérience de ballons dirigea-
bles Jen aluminium, dont les inven-
teurs sont des ingénieurs civils, mais
français.
Chaque aérostat du modèle proposé
équivaudrait, pour assurer un service
d'éclaireurs à une division de cavalerie
tout au moins sans présenter les gra-
ves inconvénients de ballons d'étoffe,
et le danger d'une facile destruction.
Les essais, qui auront lieu prochai-
nement, s'effectueront par les soins de
laCommission, et avec le concours de
l'école de Chalais.
Une des premières opérations que
doivent faire les commissaires-enquê-
teurs sur les banques d'émissions ita-
liennes, est de vérifier la circulation
du papier-monnaie. Cette opération a
commencé ce matin dans toutes les
banques. La vérification sera faite dans
les succursales par les inspecteurs des
finances.
Après la tour Eiffel, voici un fro-
mage qui peut presque rivaliser de
grandeur avec elle.
Il a été confectionné par M. Bobert-
son, commissaire des laiteries du Ca-
nada. Destiné à figurer dans nue ex-
position des produits canadiens, il pèse
non moins de 11,000 kilos, et c'est
le produit du lait fourni par dix mille
vaches en un jour.
La confection de ce phénoménal
globe de fromage a paru un évènement
extraordinaire pour être annoncé wb;
et orbi.
Il parait qu'après avoir été exposé
dans le Nouveau-Monde, ce fromage
doit être envoyé à Londres. Il voya-
gera peut-être tout seul.
LES POTS-DE-VIN
Les pots-de-vin étaient d'un usage fréquent
sous l'ancien régime ; Tallemand des Réaux
prétend que le sage Sully était appelé Sire pot-
de-vin dans son entourage. Sans remonter si
loin et en s'attachant à des faits certain, les
contrôleurs généraux de Louis XV recevaient
ostensiblement des fermiers généraux, à cha-
que renouvellement du bail des fermes, eut-à
-dire tous les six ans, un joli pot-de-vin de
100,000 écus. Quelques ministres scrupuleux,
ayant observé qu'il était rare de rester six ans
en place, et roulant réserver une partie de la
„J^ej^^s«e^p»M5 «HÉ&kr&ÈSm'-x
le présent en une gratification annuelle de
50,000 livrés. En 1774, l'abbé Terray revint
aux anciennes coutumes. et empocha d'un
seul coup les 300,000 livres - quelques-uns
disent même 450,000 livres -" pour le renou-
vellement qui devait avoir lieu le fw janvier
1775. Le malheur fit que l'abbé fut chassé
ctnq mois auparavant, le 24 août 1774. Turgot
fit a dégorger la sangsue », et au lieu de s'ap-
proprier la part qui lui revenait de droit, fit
porter le pot-de-vin entier au trésor roya
pour être affecté à une œuvre de charité que
dirigeaient les curés de Paris.
C'est là un exemple de pot-de-vin « régu-
lier »; en voici un d'une autre espèce. Un
des chefs de bureau de Turgot, nommé La*
croix, avait dans ses attributions les finances
de Paris et de Lyon ; il fit retirer à la direc-
trice du spectacle de cette dernière ville le
privilège de son empl i, après s'être fait don-
ner par un concurrent, une somme importante
et s'être fait attribuer une rente de 18,000
livres pour toute la durée de la noavelle ex-
ploitation. La directrice évincée, madame
FEUILLETON DU PETIT ALGER
-. 52
LES ROUGON-MACQUART
Histoire naturelle et sociale d'une famille sous
le second empire.
lA
BÊTE HUMAINE
Aime-moi, aime-moi bien, parce que,
▼ois-tu, il n'y. que ton amour qui
puisse me faire oublier. Maintenant
que je t'ai dit tous mes malheurs,
n'est-ce pas ? il ne faut pas me quitter,
oh ! je t'en conjure!
Jacques était envahi par cet atten-
drissement. Une détente invincible
l'amollissait peu à peu. Il bégaya :
— Non, non, je t'aime, n'aie pas
peur.
Et, débordé, il pleura aussi, sous
la fatalité de ce mal abominable qui
venait de le reprendre, dont jamais
il ne guérirait. C'était une honte, un
désespoir sans bornes.
— Aime-moi, aime-moi bien aussi,
oh ! de toute ta force, car j'en ai au-
tant besoin que toi !
Elle frissonna, voulut savoir.
- Tu as des chagrins, il faut me
les dire.
- Non, non, pas des chagrins, des
choses qui n'existent pas, des tristes-
ses qui me rendent horriblement mal-
heureux, sans qu'il soit même possible
d'en causer.
Tous deux s'étreignirent, confondi-
rent l'affreuse mélancolie de leur pei-
ne. C'était une infinie souffrance,
sans oubli possible, sans pardon. Ils
pleuraient, et ils sentaient sur eux les
forces aveugles de la vie, faite de lutte
et de mort.
— Allons, dit Jacques, en se déga-
geant, il est l'heure de songer au dé-
part. Ce soir, tu seras au Havre.
Séverine, sombre, les regards per-
dus, murmura, après un silence :
— Encore, si j'étais libre, si mon 1
mari n'était plus là!. Ah 1 comme
nous oublierions vite !
Il eut un geste violent, il pensa tout
haut.
— Nous ne pouvons pourtant pas le
tuer.
Fixement, elle le regarda, et lui tres-
saillit, étonné d'avoir dit cette chose,
à laquelle - il n'avait jamais songé.
Puisqu'il voulait tuer, pourquoi donc
ne le tuait-il pas, cet homme gênant?
Ec, comme il la quittait enfin, pour
courir au Dépôt, elle le reprit entre
ses bras, le couvrit de baisers.
— Oh! mon chéri, aime-moi bien.
Je t'aimerai plus fort, plus fort en-
core. Va, nous serons heureux.
IX
Au Havre, dès les jours suivants,
Jacques et Séverine se montrèrent d'u-
ne grande prudence, pris d'inquiétude.
Puisque Roubaud savait tout, n'allait-
il pas les guetter, les surprendre, pour
se venger d'eux, dans un éclat ? Ils se
rappelaient ses emportements jalouk
d'autrefois, ses brutalités d'ancien homo
me d'équipe, tapant à poings fermés.
Et, justement, il leur semblait, à le
voir, si lourd, si muet, avec ses yeux
troubles, qu'il devait méditer quelque
farouche sournoiserie, un guet-apens,
où il les tiendrait en sa puissance.
Aussi, pendant le premier mois, ne se
virent-ils qu'avec mille précautions,
toujours en alerte.
Roubaud, cependant, de plus en plus,
s'absentait. Peut-être ne disparaissait-
il ainsi que pour revenir à l'improviste
et les trouver aux bras l'un de l'autre.
Mais cette crainte ne se réalisait pas.
Au contraire, ses absences se prolon-
geaient à un tel point, qu'il n'était
plus jamais là, s'échappant dès qu'il
était libre, ne rentrant qu'à la minute
précise où le service le réclamait. Les
semaines de jour, il trouvait le moyen.,
à dix heures, de déjeuner en cinq mi.
nutes, puis de ne pas reparaître avant
onze heures et demie; et, le soir, à
cinq heures, lorsque son collègue des-
cendait le remplacer, il filait, souvent
pour la nuit entière. A peine prenait-
il quelques heures de sommeil. Il en
était de même des semaines de nuit,
libre alors dès cinq heures du matin,
mangeant et dormant dehors sans dou-
te, en cous cas ne revenant qu'à cinq
heures du soir. Longtemps, dans ce
désarroi, il avait gardé une ponctua-
lité d'employé modèle, toujours présent
à la minute exacte, si éreinté parfois,
qu'il ne tenait pas sur les jambes,
mais debout pourtant, consciencieux à
sa besogne.
Puis, maintenant, des trous se pro-
duisaient. Deux fois déjà, l'autre sous-
chef, Moulin, avait dû l'attendre une
heure ; même, un matin, après le dé-
jeuner, apprenant qu'il ne reparaissait
pas, il était venu le suppléer, en brave
homme, pour lui éviter une répriman.
de. Et tout le service de Roubaud
commençait ainsi à se ressentir de cette
désorganisation lente.
Le jour, ce n'était plus l'homme
actif, n'expédiant ou ne recevant un
train qu'après avoir tout vu par ses
yeux, consignant les moindres faits
dans son rapport au chef de gare, dur
aux autres ét à lui-même.
(A suivre), EMILE ZOLA
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k62413004/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k62413004/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k62413004/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k62413004/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k62413004
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k62413004
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k62413004/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest