Titre : Le Monde illustré
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-06-16
Contributeur : Yriarte, Charles (1833-1898). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818319d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 52729 Nombre total de vues : 52729
Description : 16 juin 1860 16 juin 1860
Description : 1860/06/16 (A4,T6,N166). 1860/06/16 (A4,T6,N166).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune
Description : Collection numérique : La Commune de Paris Collection numérique : La Commune de Paris
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62281766
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2943
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/10/2012
394 LE MONDE ILLUSTRÉ
GALILÉE DEVANT L'INQUISITION
(Tableau de M. Robert Fleury.)
En 1632, Galilée, ayant publié des dialogues pour
établir l'immobilité du soleil et le mouvement de la
terre autour de cet astre, est cité à paraître devant le
saint-office à Rome: Galilée, à l'âge de soixante-dix
ans, demande pardon d'avoir soutenu ce qu'il croit la
vérité, et renie à genoux sa foi scientifique, la main sur
l'Évangile; au moment où il se relève, agité par le
remords d'avoir fait un faux serment, les yeux fixés
sur la terre, il dit en la frappant du pied: « Cepen-
dant elle se meut. » (E pur si move.)
Ce sont ces grandes scènes qui séduisent l'intelli-
gence si remarquable de M. Robert Fleury; ce sont
ces pages touchantes de l'histoire que l'éminent mem-
bre de l'Institut retrace par le pinceau dans ces toiles
tant admirées, avec la magie de la composition, du
coloris et de l'harmonie, avec la science profonde des
passions et de l'époque. Nos lecteurs nous sauront gré
d'avoir reproduit dans nos colonnes l'un de ces mer-
veilleux tableaux, l'Abjuration de Galilée, et, très-pro-
chainement, nous reviendrons sur les compositions
émouvantes de M. Robert Fleury.
LÉO DE BERNARD.
Il iBI WMI
La machine Lenoir.
Obtenir une force motrice des gaz qui se dégagent
soit de la poudre, soit des mélanges détonnants de
gaz hydrogène et oxygène, n'est pas une invention
nouvelle. Un grand nombre de tentatives ont été faites
pour la réalisation de cette idée, que devait venir se-
conder l'étincelle électrique, servant à l'ignition de la
poudre ou à la détonation des mélanges gazeux. Il a
été question déjà d'un moteur électro-chimique mû
par la détente instantanée d'un mélange d'oxygène et
et d'hydrogène auquel l'étincelle produite par une
machine électro-magnétique mettait le feu. M. Moeff,
l'inventeur de cet appareil, disait avec une louable
modestie : « Nos machines sont loin d'être parfaites
encore, et nous osons espérer que d'autres expérimen-
tateurs, inspirés par nos essais, pourront marcher sur
nos traces, nous devancer même; nous les verrons
progresser sans jalousie; nous ne pouvons, nous, dans
l'intérêt de tous, que désirer une communauté de lu-
mières et d'énergie capables de faire atteindre le but
le plus tôt possible. » M. Lenoir a atteint aujourd'hui,
nous osons le dire, le but que s'étaient proposé les
premiers chercheurs. Sa machine, que nous allons
décrire, nous semble réaliser le progrès le plus inat-
tendu.
Ce n'est plus ici la détonation violente d'un mélange
d'oxygène et d'hydrogène purs qui produit le mouve-
ment. M. Lenoir n'a recours qu'au gaz d'éclairage ré-
pandu partout aujourd'hui et dont le prix, infiniment
- réduit, fait espérer une économie vraiment fabuleuse.
Tous les gaz inflammables, le gaz hydrogène carboné,
l'hydrogène pur, etc., peuvent être employés. La force
qui fait mouvoir est due à la chaleur développée par
la combustion du gaz que vient enflammer l'électri-
Coupes horizontale et verticale de la machine Lenoir.
A,
cité, combustion qui opère la dilatation : 1° de l'air;
2° du gaz acidecarbonique premier produitde l'ignition;
30 de l'eau produite par ces combinaisons et qui se trans-
forme en vapeur à une certaine tension.
La machine de M. Lenoir a toute l'apparence d'une
machine à vapeur horizontale ordinaire. Le cylindre
est néanmoins muni de deux tiroirs dont chacun a une
fonction distincte ; le premier sert à introduire le gaz
réuni à l'air pris sous la pression de l'atmosphère;
l'autre sert à l'échappement des produits de la dila-
tation après l'action électrique. Expliquons mainte-
nant, à l'aide de notre dessin, la marche de l'ap-
pareil.
Pour mettre la machine en jeu, on ouvre le robinet 0
placé sur le tuyau M qui amène le gaz. En faisant faire
au volant A un demi-tour, on amène le piston B à la
moitié de sa course. L'espace G se remplit de gaz
mêlé à l'air qui, aspiré par le vide que fait le piston,
s'introduit par l'ouverture V dans la proportion d'en-
viron 95 pour 100 sur 5 pour 100 de gaz. A ce mo-
ment, le tiroir distributeur se ferme et interrompt
toute communication avec l'extérieur, l'étincelle élec-
trique se produit en K aux deux pôles des pisto
Volta, qui amènent, en passant au travers dun
chon non conducteur, le courant d'une machlDeroe le
duction de Ruhmkorff. Cette étincelle enflanRI" le
gaz qui se brûle dans l'air. La dilatation s opèrede le
piston est poussé en avant. Arrivé au bout e ga
course, le second tiroir ouvre l'échappeul ont. Le vO-
lant A fait passer le point mort à la maDive e re'
piston revient de lui-même. Au même instant, le pre,
mier tiroir démasque l'orifice du gaz et de 1a
viennent en aide à la force d'inertie. Le piston a 'jve
au milieu du cylindre où le gaz est enflammé par1
celle. La dilatation a lieu, le piston est poussé a l a 0
extrémité. Le mouvement de va et vient est c
établi.. DOS
Nous ne commettrons pas la faute d'expliquer ais'
lecteurs, comment le mouvement rectiligne d UDétes"
ton se transforme en un mouvement circulaire Ces-
saire pour le travail des différentes industries. L aCsiste
qui a lieu dans l'intérieur du cylindre et qui con
à pousser, au moyen de vapeur ou de gaz, le P1 'est
tantôt vers une extrémité, tantôt vers l'autre, 11gt
tantôt vers une extrémité, tantôt vers l'autre, n -
et le visage pâle de Berthe. Un jour qu'il regardait en-
core à la lucarne dans l'espoir qu'il allait la retrouver,
il entendit quelques voix fraîches et rieuses qui par-
taient du berceau. Gérard écouta, le nom de Berthe
fut le premier qui vint frapper son oreille.
— Voyons, mesdemoiselles, dites-nous, qu'est deve-
nue notre belle affligée ?
— Elle est allée pleurer et faire diète à l'infirmerie.
— Une maladie de cœur?
— Non, une maladie de femme incomprise. Elle ne
trouvait point parmi nous d'âme sœur de la sienne.
Il eût fallu, pour lui plaire, répandre des larmes toute
la journée.
— C'est ici qu'elle daignait asseoir ses douleurs.
- C'est vrai. je me sens déjà tourner à la mélan-
colie.
— Fuyons vite. nous allons gagner un attendris-
sement !
Gérard regardait avec colère toutes ces petites bou-
ches déjà faites à la moquerie et au mépris de toute
douleur. Allons, se dit-il, on a bien raison de dire que
la pension est l'école du monde; la pauvre fille est
malheureuse et malade, ce n'est pas assez pour désar-
mer leurs railleries.
Après s'être sentencieusement débité ce petit mono-
logue plein d'amertume, Gérard ouvrit son code et
s'endormit. Quelques jours après, il retournait dans
sa province avec trois boules blanches et deux boules
noires. Tranquille au sein de sa petite ville et des
cartons d'une étude de notaire, il oublia bientôt l'a-
venture de son entresol. Deux ans s'étaient passés
déjà, depuis qu'il menait ainsi cette existence uniforme
des gens qui n'ont plus d'illusions, ni le désir d'en
avoir.
CHAPITRE PREMIER.
M. ET Mme ODILON DE FRIQUEVAL.
Presque au-dessous de la chaire de l'église de
Champvry, petite sous-préfecture de la Nièvre, se
trouvent deux chaises et deux fauteuils étroitement
unis par une double chaîne d'acier. La tapisserie des
fauteuils a l'intention de représenter l'apothéose d'un
saint et d'une sainte du calendrier, qui ont la peau un
peu rose. Il suffit de jeter un léger coup d'œil sur les
deux noms légalement inséparables qui apparaissent
en lettres majuscules, comme par manière d'enseigne,
au sommet des chaises, pour deviner qu'il s'agit de
saint Odilon et de sainte Odile. Si vous voulez con-
naître les possesseurs de ces confortables prie-Dieu,
soyez là vers neuf heures du matin; vous n'avez pas
besoin d'être exact : si ce sont les premiers arrivés, ce
sont en revanche les derniers partis.
Sur l'une des deux chaises est agenouillée une femme
jeune encore, mais affligée d'une de ces physionomies
qui ne laissent pas au temps la peine de les vieillir.
Son visage est pieusement caché par un livre d'heures
d'où part un flot de rubans de mille couleurs ; mais
ses petits yeux gris, familiarisés avec le texte de la
prière qu'ils sont censés parcourir, se lèvent à demi et
ne laissent rien passer sans le voir. Cette femme, à qui
l'air de componction qu'elle se compose n'ôte rien de
la sécheresse de ses traits, cette femme ne sort jamais
de la maison de Dieu qu'indignée. Elle a médiocre®
pensé à ses devoirs de chrétienne, mais elle a vu
jeunes gens qui chuchotaient, des jeunes fillesdistra1 >
une dame est restée assise quand les autres se levale >
elle a remarqué un vide au banc-d'œuvre. ùfs
Près d'elle, un de ces hommes qu'on appelle fa Ursy
au front déprimé, à la figure insignifiante, au teint
couperosé, feuillète machinalement un paroissien CO te
plet, tout en faisant rouler avec une ténacité fatiga
de la joue droite à la joue gauche, un infortuné m
ceau de jujube. Cet homme, c'est le mari de la pIe eS"
dame, c'est M. Odilon de Friqueval, membre cor
pondant de plusieurs académies départementales. e114
Mme de Friqueval était un de ces types qui ne P
vent ressortir d'eux-mêmes que dans une petite V1
on va le comprendre. Désagréable plutôt que lal
aigre d'humeur et de tempérament, dénuée de ce
qu'on aime chez une femme, de grâce, de char >
d'amabilité, elle avait résolu de se créer par l'esprit
un empire que son titre de femme ne pouvait lui c0 p,
stituer. Habile à couvrir un défaut de cœur S,OUi'O'tlt
masque d'une fausse bonhomie qui provoquait t lUs
d'abord l'expansion, elle se rendait maîtresse des p
imperceptibles ridicules, flattant pour mieux mordis
sachant faire rire les uns aux dépens des autres. AJllvie
sante et redoutable par tout ce qu'elle savait de la en
privée de chacun, elle en était venue à imposer ue
quelque sorte son opinion au cercle restreint dont e
était alors, moins par son esprit que par son aplo 13
et sa débonnaireté apparente, l'arbitre et l'oracle. »a
première chose qu'elle haïssait dans une femme, c
tait naturellement la beauté; mais comprenant bl é-
qu'on ne donnerait jamais raison à la laideur, elle Pr
parait ses attaques et corrigeait pour ainsi dire 10
GALILÉE DEVANT L'INQUISITION
(Tableau de M. Robert Fleury.)
En 1632, Galilée, ayant publié des dialogues pour
établir l'immobilité du soleil et le mouvement de la
terre autour de cet astre, est cité à paraître devant le
saint-office à Rome: Galilée, à l'âge de soixante-dix
ans, demande pardon d'avoir soutenu ce qu'il croit la
vérité, et renie à genoux sa foi scientifique, la main sur
l'Évangile; au moment où il se relève, agité par le
remords d'avoir fait un faux serment, les yeux fixés
sur la terre, il dit en la frappant du pied: « Cepen-
dant elle se meut. » (E pur si move.)
Ce sont ces grandes scènes qui séduisent l'intelli-
gence si remarquable de M. Robert Fleury; ce sont
ces pages touchantes de l'histoire que l'éminent mem-
bre de l'Institut retrace par le pinceau dans ces toiles
tant admirées, avec la magie de la composition, du
coloris et de l'harmonie, avec la science profonde des
passions et de l'époque. Nos lecteurs nous sauront gré
d'avoir reproduit dans nos colonnes l'un de ces mer-
veilleux tableaux, l'Abjuration de Galilée, et, très-pro-
chainement, nous reviendrons sur les compositions
émouvantes de M. Robert Fleury.
LÉO DE BERNARD.
Il iBI WMI
La machine Lenoir.
Obtenir une force motrice des gaz qui se dégagent
soit de la poudre, soit des mélanges détonnants de
gaz hydrogène et oxygène, n'est pas une invention
nouvelle. Un grand nombre de tentatives ont été faites
pour la réalisation de cette idée, que devait venir se-
conder l'étincelle électrique, servant à l'ignition de la
poudre ou à la détonation des mélanges gazeux. Il a
été question déjà d'un moteur électro-chimique mû
par la détente instantanée d'un mélange d'oxygène et
et d'hydrogène auquel l'étincelle produite par une
machine électro-magnétique mettait le feu. M. Moeff,
l'inventeur de cet appareil, disait avec une louable
modestie : « Nos machines sont loin d'être parfaites
encore, et nous osons espérer que d'autres expérimen-
tateurs, inspirés par nos essais, pourront marcher sur
nos traces, nous devancer même; nous les verrons
progresser sans jalousie; nous ne pouvons, nous, dans
l'intérêt de tous, que désirer une communauté de lu-
mières et d'énergie capables de faire atteindre le but
le plus tôt possible. » M. Lenoir a atteint aujourd'hui,
nous osons le dire, le but que s'étaient proposé les
premiers chercheurs. Sa machine, que nous allons
décrire, nous semble réaliser le progrès le plus inat-
tendu.
Ce n'est plus ici la détonation violente d'un mélange
d'oxygène et d'hydrogène purs qui produit le mouve-
ment. M. Lenoir n'a recours qu'au gaz d'éclairage ré-
pandu partout aujourd'hui et dont le prix, infiniment
- réduit, fait espérer une économie vraiment fabuleuse.
Tous les gaz inflammables, le gaz hydrogène carboné,
l'hydrogène pur, etc., peuvent être employés. La force
qui fait mouvoir est due à la chaleur développée par
la combustion du gaz que vient enflammer l'électri-
Coupes horizontale et verticale de la machine Lenoir.
A,
cité, combustion qui opère la dilatation : 1° de l'air;
2° du gaz acidecarbonique premier produitde l'ignition;
30 de l'eau produite par ces combinaisons et qui se trans-
forme en vapeur à une certaine tension.
La machine de M. Lenoir a toute l'apparence d'une
machine à vapeur horizontale ordinaire. Le cylindre
est néanmoins muni de deux tiroirs dont chacun a une
fonction distincte ; le premier sert à introduire le gaz
réuni à l'air pris sous la pression de l'atmosphère;
l'autre sert à l'échappement des produits de la dila-
tation après l'action électrique. Expliquons mainte-
nant, à l'aide de notre dessin, la marche de l'ap-
pareil.
Pour mettre la machine en jeu, on ouvre le robinet 0
placé sur le tuyau M qui amène le gaz. En faisant faire
au volant A un demi-tour, on amène le piston B à la
moitié de sa course. L'espace G se remplit de gaz
mêlé à l'air qui, aspiré par le vide que fait le piston,
s'introduit par l'ouverture V dans la proportion d'en-
viron 95 pour 100 sur 5 pour 100 de gaz. A ce mo-
ment, le tiroir distributeur se ferme et interrompt
toute communication avec l'extérieur, l'étincelle élec-
trique se produit en K aux deux pôles des pisto
Volta, qui amènent, en passant au travers dun
chon non conducteur, le courant d'une machlDeroe le
duction de Ruhmkorff. Cette étincelle enflanRI" le
gaz qui se brûle dans l'air. La dilatation s opèrede le
piston est poussé en avant. Arrivé au bout e ga
course, le second tiroir ouvre l'échappeul ont. Le vO-
lant A fait passer le point mort à la maDive e re'
piston revient de lui-même. Au même instant, le pre,
mier tiroir démasque l'orifice du gaz et de 1a
viennent en aide à la force d'inertie. Le piston a 'jve
au milieu du cylindre où le gaz est enflammé par1
celle. La dilatation a lieu, le piston est poussé a l a 0
extrémité. Le mouvement de va et vient est c
établi.. DOS
Nous ne commettrons pas la faute d'expliquer ais'
lecteurs, comment le mouvement rectiligne d UDétes"
ton se transforme en un mouvement circulaire Ces-
saire pour le travail des différentes industries. L aCsiste
qui a lieu dans l'intérieur du cylindre et qui con
à pousser, au moyen de vapeur ou de gaz, le P1 'est
tantôt vers une extrémité, tantôt vers l'autre, 11gt
tantôt vers une extrémité, tantôt vers l'autre, n -
et le visage pâle de Berthe. Un jour qu'il regardait en-
core à la lucarne dans l'espoir qu'il allait la retrouver,
il entendit quelques voix fraîches et rieuses qui par-
taient du berceau. Gérard écouta, le nom de Berthe
fut le premier qui vint frapper son oreille.
— Voyons, mesdemoiselles, dites-nous, qu'est deve-
nue notre belle affligée ?
— Elle est allée pleurer et faire diète à l'infirmerie.
— Une maladie de cœur?
— Non, une maladie de femme incomprise. Elle ne
trouvait point parmi nous d'âme sœur de la sienne.
Il eût fallu, pour lui plaire, répandre des larmes toute
la journée.
— C'est ici qu'elle daignait asseoir ses douleurs.
- C'est vrai. je me sens déjà tourner à la mélan-
colie.
— Fuyons vite. nous allons gagner un attendris-
sement !
Gérard regardait avec colère toutes ces petites bou-
ches déjà faites à la moquerie et au mépris de toute
douleur. Allons, se dit-il, on a bien raison de dire que
la pension est l'école du monde; la pauvre fille est
malheureuse et malade, ce n'est pas assez pour désar-
mer leurs railleries.
Après s'être sentencieusement débité ce petit mono-
logue plein d'amertume, Gérard ouvrit son code et
s'endormit. Quelques jours après, il retournait dans
sa province avec trois boules blanches et deux boules
noires. Tranquille au sein de sa petite ville et des
cartons d'une étude de notaire, il oublia bientôt l'a-
venture de son entresol. Deux ans s'étaient passés
déjà, depuis qu'il menait ainsi cette existence uniforme
des gens qui n'ont plus d'illusions, ni le désir d'en
avoir.
CHAPITRE PREMIER.
M. ET Mme ODILON DE FRIQUEVAL.
Presque au-dessous de la chaire de l'église de
Champvry, petite sous-préfecture de la Nièvre, se
trouvent deux chaises et deux fauteuils étroitement
unis par une double chaîne d'acier. La tapisserie des
fauteuils a l'intention de représenter l'apothéose d'un
saint et d'une sainte du calendrier, qui ont la peau un
peu rose. Il suffit de jeter un léger coup d'œil sur les
deux noms légalement inséparables qui apparaissent
en lettres majuscules, comme par manière d'enseigne,
au sommet des chaises, pour deviner qu'il s'agit de
saint Odilon et de sainte Odile. Si vous voulez con-
naître les possesseurs de ces confortables prie-Dieu,
soyez là vers neuf heures du matin; vous n'avez pas
besoin d'être exact : si ce sont les premiers arrivés, ce
sont en revanche les derniers partis.
Sur l'une des deux chaises est agenouillée une femme
jeune encore, mais affligée d'une de ces physionomies
qui ne laissent pas au temps la peine de les vieillir.
Son visage est pieusement caché par un livre d'heures
d'où part un flot de rubans de mille couleurs ; mais
ses petits yeux gris, familiarisés avec le texte de la
prière qu'ils sont censés parcourir, se lèvent à demi et
ne laissent rien passer sans le voir. Cette femme, à qui
l'air de componction qu'elle se compose n'ôte rien de
la sécheresse de ses traits, cette femme ne sort jamais
de la maison de Dieu qu'indignée. Elle a médiocre®
pensé à ses devoirs de chrétienne, mais elle a vu
jeunes gens qui chuchotaient, des jeunes fillesdistra1 >
une dame est restée assise quand les autres se levale >
elle a remarqué un vide au banc-d'œuvre. ùfs
Près d'elle, un de ces hommes qu'on appelle fa Ursy
au front déprimé, à la figure insignifiante, au teint
couperosé, feuillète machinalement un paroissien CO te
plet, tout en faisant rouler avec une ténacité fatiga
de la joue droite à la joue gauche, un infortuné m
ceau de jujube. Cet homme, c'est le mari de la pIe eS"
dame, c'est M. Odilon de Friqueval, membre cor
pondant de plusieurs académies départementales. e114
Mme de Friqueval était un de ces types qui ne P
vent ressortir d'eux-mêmes que dans une petite V1
on va le comprendre. Désagréable plutôt que lal
aigre d'humeur et de tempérament, dénuée de ce
qu'on aime chez une femme, de grâce, de char >
d'amabilité, elle avait résolu de se créer par l'esprit
un empire que son titre de femme ne pouvait lui c0 p,
stituer. Habile à couvrir un défaut de cœur S,OUi'O'tlt
masque d'une fausse bonhomie qui provoquait t lUs
d'abord l'expansion, elle se rendait maîtresse des p
imperceptibles ridicules, flattant pour mieux mordis
sachant faire rire les uns aux dépens des autres. AJllvie
sante et redoutable par tout ce qu'elle savait de la en
privée de chacun, elle en était venue à imposer ue
quelque sorte son opinion au cercle restreint dont e
était alors, moins par son esprit que par son aplo 13
et sa débonnaireté apparente, l'arbitre et l'oracle. »a
première chose qu'elle haïssait dans une femme, c
tait naturellement la beauté; mais comprenant bl é-
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