18 THEATRE DE VICTOR HUGO.
HATTO.
Mon père !
LE DUC GERHARD, à Hatto.
I] raille!
MAGNUS, à Hatto.
Je les ai retournés tous contre la muraille,
Pour qu'ils ne puissent voir la honte de leurs fils.
HATTO, furieux.
Barberousse a puni son grand-oncle Lotffe
Pour un affront moins grand. Puisqu'à bout on me pousse.
MAGIES, tournant à demi la tête vers lIfJUo,
Il me semble qu'on a parlé de Barberousse,
Il me semble qu'on a loué ce compagnotti -
Que devant moi jamais on ne dise Ce nom !
LE COMTE LUPUS, fiUftt. -
Que vous a-t-il donc fait, bonhomme?
MAGNUS.
ÇWBaMceti-Mt
Restez, restez voilés! — Ce qu'il lei fait, me maîtres ?
=- Ne parlais-tu pas, toi, petit comte de Mons? -
Descends les bords du Rhin, du lac jusqu'aux Sept-Monts,
Et compte les châteaux détruits sur les deux rives !
Ce qu'il m'a fait? — Nos sœurs et nos lliês captives,
Gibets impériaux bâtis pour les vaùioufi
Sur nos rochers avec les pierres de nos tours,
Assauts, guerre et carnage à tous tant que nous sommes,
Carcans d'esclave au cou des meilleurs fentilshommes,
Voilà ce qu'il m'a fait ! — et ce qu'il vous a fait ! —
Trente ans, sous ce César, qui toujours triomphait, -
L'incendie et l'exil, les fers, mille aventures,
Les juges, les cachots, les greffiers, les tortures,
Oui, nous avons souffert tout cela! nous avons,
Grand Dieu ! comme des Juifs, comme d8 Esclavonsy
Subi ce long affront, cette longue victoire, ,
Et nos fils dégradés n'en savent plus l'histoire! —
Tout pliait devant lui. — Quand Frédéric premier,
Masqué, mais couvert d'or du talon au cimier,
Surgissant au sommet d'une brèche enflammés,
Jetait son gantelet à toute notre armée,
Tout tremblait, tout fuyait, d'épouvante saisi.
Mon père seul un jour, —
Montrant l'autre vieillard.
mon père, que voici 1 -
Lui barrant le chémin dans une cour étroite,
D'un trèfle au feu rougi lui flétrit la main droite ! —
0 souvenirs ! ô temps ! tout s'est évanoui !
L'éclair a disparu de notre œil ébloui.
Les-barons sont tombés ; les burgs jonchent la plaine.
De toute la forêt il ne reste qu'un chêne,
S'inclinant devant le vieillard.
Et ce chêne, c'est vous, mon père vénéré I
Se redressant.
— Barberousse 1 - Malheur à ce nom abhorré l —
.Nos blasons sont cachés sous l'herbe et les épines.
Le Rhin déshonoré coule entre des ruines! — -'
Oh ! je nous vengerai! - ce sera ma grandeur ! —
Sans trêve, saas merci, sans pitié, sans pudeur,
Sur lui, s'il n'est pas mort, ou du moins sur sa race,
Rien ne m'empêchera de le frapper! —Dieu fasse
Qu'avant d'être au tombeau mon cœur soit soulagé,
Que je ne meure pas avant d'être vengé !
Car, pour avoir enfin cette suprême joie,
Pour sortir de la tombe et ressaisir ma proie,
Pour poivoir revenir s.ur terre après ma mort,
Jeunes gens, je ferais quelque exécrable effort!
Oui, que Dieu veuille ou non, le front haut, le cœur ferme,
Je veux, quelle que soit la porte qui m'enferme,
Porte du paradis ou porte de l'enfer,
La briser v
Etendant les bras.
d'un seul coup de ce poignet de fer ! —
Il s'arrête, s'interrompt, et reste un moment silencieux.
Hélas ! que dis-je là, moi, vieillard solitaire !
Il tombe dans une profonde rêverie, et semble ne plus rien en-
tendre autour de lui.- Peu à peu la joie et la hardiesse renais-
sent parmi les ecrnvives. Les deux vieillards semblent deux
Le vin circule ét les rires recommencent.
HATTO, bill du duc Gerhard en lui montrant les vieillards
-. avec un haussement d'épaules.
Mgê leur a troublé l'esprit.
tu«% hl- au eomte Lupus èftlui montrant Hatto.
"- UR jour mon père
Sera 66ïBnie eux, et fflSi je-serai comme lui.
HATTO; ait duc.
TdUl Iioi soldats leur lotit dévtJués. Quel ennui !
Êejsëfidsiiit Gorlois et quelques pages se sont approchés de la
fenêtre êl fegâfdènt su dehors. Tout à coup Gorlois se re-
tourne,
GORLMS, à Hatto.
Ha ! Jièfêj VieM donc voir CO vieux à barbe blanche!
if HoxfË LUPUS, apurant à la fenêtre.
Comme il monte â pas lents le sentier! son front penche.
GiAfwiLAito, s'approchant.
fiéUlUâ»!
lE ôêMTÈ LUPUS.
te vent souffle aux trousse son manteau.
SORLOIS.
OuJinH qu'il demande ftbri dans le château.
LE MARGRAVE GILISSA.
cr. quelque mendint ! -
LE BBKGRAVE CADWALLA.
Quelque espion !
là FEURGRAVE DARIUS,
Arrière!
HATTO, d la fenêtre.
Qu'on me chasse à l'instant ce drôle à coups de pierre !
LUPUS, GORLOIS et les pages jetant des pierres.
Va-t'en, chien !
MAGNUS, comme se réveillant en sursaut.
En quel temps sommes-nous, Dieu puissant !
Et qu'est-ce donc que ceux qui vivent à présent ?
On chasse à coups de pierre un vieillard qui supplie !
Les gardant tous en face.
De mon temps, — noue avions aussi notre folie,
Nos festins, nos chansons. — On était jeune enfin!
Mais qu'un vieillard, vaincu par l'âge et par la faim,
Au milieu d'un banquet, au milieu d'une wrgie,
Vint à passer, tremblant, la main de frlid rougie,
Soudain on remplissait, cessant tout propos vain,
Un casque de monnaie, un verre de Son vin.
C'était pour ce passant, que Dieu peut-être envoie !
Après, nous reprenions nos chants, car, plein de joie,
Un peu de vin au cœur, un peu d'or dans la main,
Le vieillard souriant poursuivait son chemin.
— Sur ce que nous faisions jugez ce que vous faites !
JOB, se redressant, faisant un pas, et touchant l'épaule
de Magnus.
Jeune homme, taisez-vous.—Démon temps, dans nos fêtes,
Quand nous buvions, chantant plusJiaut que vous encor,
Autour d'un bœuf entier posé sur un plat d'or,
S'il arrivait qu'un vieux passât devant la porte,
Pauvre, en haillons, pieds nus, suppliant; une escorte
HATTO.
Mon père !
LE DUC GERHARD, à Hatto.
I] raille!
MAGNUS, à Hatto.
Je les ai retournés tous contre la muraille,
Pour qu'ils ne puissent voir la honte de leurs fils.
HATTO, furieux.
Barberousse a puni son grand-oncle Lotffe
Pour un affront moins grand. Puisqu'à bout on me pousse.
MAGIES, tournant à demi la tête vers lIfJUo,
Il me semble qu'on a parlé de Barberousse,
Il me semble qu'on a loué ce compagnotti -
Que devant moi jamais on ne dise Ce nom !
LE COMTE LUPUS, fiUftt. -
Que vous a-t-il donc fait, bonhomme?
MAGNUS.
ÇWBaMceti-Mt
Restez, restez voilés! — Ce qu'il lei fait, me maîtres ?
=- Ne parlais-tu pas, toi, petit comte de Mons? -
Descends les bords du Rhin, du lac jusqu'aux Sept-Monts,
Et compte les châteaux détruits sur les deux rives !
Ce qu'il m'a fait? — Nos sœurs et nos lliês captives,
Gibets impériaux bâtis pour les vaùioufi
Sur nos rochers avec les pierres de nos tours,
Assauts, guerre et carnage à tous tant que nous sommes,
Carcans d'esclave au cou des meilleurs fentilshommes,
Voilà ce qu'il m'a fait ! — et ce qu'il vous a fait ! —
Trente ans, sous ce César, qui toujours triomphait, -
L'incendie et l'exil, les fers, mille aventures,
Les juges, les cachots, les greffiers, les tortures,
Oui, nous avons souffert tout cela! nous avons,
Grand Dieu ! comme des Juifs, comme d8 Esclavonsy
Subi ce long affront, cette longue victoire, ,
Et nos fils dégradés n'en savent plus l'histoire! —
Tout pliait devant lui. — Quand Frédéric premier,
Masqué, mais couvert d'or du talon au cimier,
Surgissant au sommet d'une brèche enflammés,
Jetait son gantelet à toute notre armée,
Tout tremblait, tout fuyait, d'épouvante saisi.
Mon père seul un jour, —
Montrant l'autre vieillard.
mon père, que voici 1 -
Lui barrant le chémin dans une cour étroite,
D'un trèfle au feu rougi lui flétrit la main droite ! —
0 souvenirs ! ô temps ! tout s'est évanoui !
L'éclair a disparu de notre œil ébloui.
Les-barons sont tombés ; les burgs jonchent la plaine.
De toute la forêt il ne reste qu'un chêne,
S'inclinant devant le vieillard.
Et ce chêne, c'est vous, mon père vénéré I
Se redressant.
— Barberousse 1 - Malheur à ce nom abhorré l —
.Nos blasons sont cachés sous l'herbe et les épines.
Le Rhin déshonoré coule entre des ruines! — -'
Oh ! je nous vengerai! - ce sera ma grandeur ! —
Sans trêve, saas merci, sans pitié, sans pudeur,
Sur lui, s'il n'est pas mort, ou du moins sur sa race,
Rien ne m'empêchera de le frapper! —Dieu fasse
Qu'avant d'être au tombeau mon cœur soit soulagé,
Que je ne meure pas avant d'être vengé !
Car, pour avoir enfin cette suprême joie,
Pour sortir de la tombe et ressaisir ma proie,
Pour poivoir revenir s.ur terre après ma mort,
Jeunes gens, je ferais quelque exécrable effort!
Oui, que Dieu veuille ou non, le front haut, le cœur ferme,
Je veux, quelle que soit la porte qui m'enferme,
Porte du paradis ou porte de l'enfer,
La briser v
Etendant les bras.
d'un seul coup de ce poignet de fer ! —
Il s'arrête, s'interrompt, et reste un moment silencieux.
Hélas ! que dis-je là, moi, vieillard solitaire !
Il tombe dans une profonde rêverie, et semble ne plus rien en-
tendre autour de lui.- Peu à peu la joie et la hardiesse renais-
sent parmi les ecrnvives. Les deux vieillards semblent deux
Le vin circule ét les rires recommencent.
HATTO, bill du duc Gerhard en lui montrant les vieillards
-. avec un haussement d'épaules.
Mgê leur a troublé l'esprit.
tu«% hl- au eomte Lupus èftlui montrant Hatto.
"- UR jour mon père
Sera 66ïBnie eux, et fflSi je-serai comme lui.
HATTO; ait duc.
TdUl Iioi soldats leur lotit dévtJués. Quel ennui !
Êejsëfidsiiit Gorlois et quelques pages se sont approchés de la
fenêtre êl fegâfdènt su dehors. Tout à coup Gorlois se re-
tourne,
GORLMS, à Hatto.
Ha ! Jièfêj VieM donc voir CO vieux à barbe blanche!
if HoxfË LUPUS, apurant à la fenêtre.
Comme il monte â pas lents le sentier! son front penche.
GiAfwiLAito, s'approchant.
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lE ôêMTÈ LUPUS.
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SORLOIS.
OuJinH qu'il demande ftbri dans le château.
LE MARGRAVE GILISSA.
cr. quelque mendint ! -
LE BBKGRAVE CADWALLA.
Quelque espion !
là FEURGRAVE DARIUS,
Arrière!
HATTO, d la fenêtre.
Qu'on me chasse à l'instant ce drôle à coups de pierre !
LUPUS, GORLOIS et les pages jetant des pierres.
Va-t'en, chien !
MAGNUS, comme se réveillant en sursaut.
En quel temps sommes-nous, Dieu puissant !
Et qu'est-ce donc que ceux qui vivent à présent ?
On chasse à coups de pierre un vieillard qui supplie !
Les gardant tous en face.
De mon temps, — noue avions aussi notre folie,
Nos festins, nos chansons. — On était jeune enfin!
Mais qu'un vieillard, vaincu par l'âge et par la faim,
Au milieu d'un banquet, au milieu d'une wrgie,
Vint à passer, tremblant, la main de frlid rougie,
Soudain on remplissait, cessant tout propos vain,
Un casque de monnaie, un verre de Son vin.
C'était pour ce passant, que Dieu peut-être envoie !
Après, nous reprenions nos chants, car, plein de joie,
Un peu de vin au cœur, un peu d'or dans la main,
Le vieillard souriant poursuivait son chemin.
— Sur ce que nous faisions jugez ce que vous faites !
JOB, se redressant, faisant un pas, et touchant l'épaule
de Magnus.
Jeune homme, taisez-vous.—Démon temps, dans nos fêtes,
Quand nous buvions, chantant plusJiaut que vous encor,
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