Titre : La Rue : journal quotidien / rédacteur en chef : Jules Vallès
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Sèvres)
Date d'édition : 1870-03-26
Contributeur : Vallès, Jules (1832-1885). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34456585p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 93 Nombre total de vues : 93
Description : 26 mars 1870 26 mars 1870
Description : 1870/03/26 (N10). 1870/03/26 (N10).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k61359836
Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES FOL-LC2-3262
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
5 cent, le numéro
N° 10
I»arls, trois mois : S tv>
LA RUE
Journal Quotidien
36 Mars 1870
N° 10
ProvInoe,trols mois : 6 fr
BUREAUX : I. IUJK DU J>RDINET. 1.
RÉDACTEUR EN CHEF : JULES VALLES
VENTE : 5. RUE DU CROISSANT, 5.
L3B8VAIKCU8
JULES VALLÈS
PROCÈS DE TOURS
À quoi sera-t-il condamné? A quoi? Eh ! que
nous importe!
Nous avions cru devoir servir au peuple le récit
de ce prorès, l'histoire de cet assassinat.
Mais IHH.IS ! 'le plu* rlîli\s q ifî n tu av.i:?nt,3
l'heure où nous écrivions, rassasié la curiosité de
a fouie.
Enfin nous n'avions pas le droit de dire môme
aux roseaux ce qui nous sortait du coeur!
Mieux vaut le silence qui oppresse mais qui
n'humilie pas.
Nous avons eu le tort de croire que nous pour-
rions rester impartial comme les autres, et nous
n'avons fait, ma foi, que d'assez piètre besogne,
obligé que nous étions de mutiler ce qui était
estropié déjà.
Mieux vaut le silence !
Le public ne sera pas volé, et nous, nous souf-
frirons moins.
Demain le verdict, et tout sera dit. Nous gar-
derons le souvenir de Millière ferme et digne, de
Fonvielle téméraire et menaçant, de Mme Louis
Noir en deuil I Et nous attendrons qu'un de
nous tombe encore sous la balle d'un 1 assassin,
mais nous prendrons nos précautions, mainte-
nant!
JULES VALLÈS.
LE MINEUR DU GREUSOT
C'est lui qu'on voit au matin — lj mineur —
avant le lever du soleil, descendant silencieuse-
men; le sentier qui conduit à la mine, noir, ré-
signé, sombre, la pioche sur l'épaule, le crochet
de fc-r au dos, avec son chapeau de buffle bosselé
par les blocs de charbon ; il va encore une fois
s'enfoncer dans le trou béant dont il ne sortira
pas peut-être.
Il est beau, le mineur, dans sa laideur ro-
buste, quand il s'arrête un moment pour aspirer
l'air frais de la montagne, ouvrant sa chemise au
vent qui vient rafraîchir sa poitrine large et velue
— humant le soleil avant de s'engouffrer dans
l'ombre.
Pour lui, point de travail au beau ciel bleu, au
milieu des blés jaunes, quand la charrue grince
et la faux scintille.
La mine est noire, morne et lugubre.
Il est là, la lampe aux dents, à quatre pattes —
ou couché sur le dos, attaquant le charbon du bec
luisant de sa pioche.
Quatorze heures dans cette tombe !
Quatorze heures sans voir le ciel, les genoux dans
la boue, sans autre lumièie que le reflet pâle de
la lampe, avec l'éboulement — le grisou.
Gluants de sueur, les pieds glacés, ils sont là,
respirant quatorze heures la poussière du char-
*cs bon.
Les poumons se pétrifient : les cellules devien
nent houille.
Puis la phti.-ie — la mort.
Pas de cheveux gris chez les mineurs.
. pLe soir, on les aperçoit dans la nuit — reve-
nants sinistres — sortir pêle-mêle du puits, et
remonter par bandes le sentier qui mène à leur
demeure.
Is marchent, ht tête baisséo, harrassés, muets,
les genoux plies, écrasant les pierreî avec leurs
soulie-s ferrés, leurs crochets s'entrechoquent et
font comme un bruit de chaîne.
Puis, ils vont s'entasser pour la nuit dans leurs
casernes, dormant pêle-mêle d'un sommeil de
plomb.
Et cela pendant toute la vie, jusqu'à ce qu'un
jour, on vienne les déposer sanglants, hachés,
défigurés, sur le bord du puits — écrasés par le
bloc de charbon — souvent troués par les
balles.
*
* *
Pauvres gens !
PIERRE LENOIR.
LA FEMME DU PEUPLE
C'est à elle qu'il faut plaire — c'est elle que
nous devons honorer.
La soupe fume sur ht table !
Elle est là, la ménagère!, avec ses bras retrous-
sés jusqu'aux coudes, donnait le dernier coup
d'oeil, astiquant la dernière fourchette d'étain,
surveillant le pot-au«feu qui jette son dernier
bouillon.
Les enfants attendent, assis d'avance autour d«
la table, tambourinant dans les assiettes, leurs
joues roses et fraîches toutes barbouillées, arri-
vant essoufflés de se battre dans la rue ou de
glisser sur les tas de sable.
Ils jettent de temps en temps un coup d'oeil en
arrière pour regarder si la mère ne les voit pat
rayer avec leur couteau la vieille toile cirée de la
table.
Un lit — une commode — une armoire — des
chemises et des chaussettes qui sèchent sur une
longue corde tendue dans la chambre.
Dans un coin le petit berceau d'osier, du der
nier né — pour le prochain. La gibecière du
gamin qui va à l'école est accrochée au mur. Sur
la cheminée, le bouquet de mariage sous un
globe, avec deux pots de fleurs autour, cadeau
des jours de fête.
A travers la fenêtre, on aperçoit la haute che-
minée de l'usine qui se dore au soleil, et fait dans
le ciel sa longue traînée noire.
Au fond de la cour, flambe la forge qui crache
ses étincelles comme des paillettes d'or.
On voit se découper dans l'obscurité les forge-
rons avec leur poitrine large — les muscles sail-
lants comme des cordes sur leurs bras nus et
noircis par le feu.
On entend se croiser sur l'enclume, comme un
craquement de mitraille, les lourds marteaux de
fer.
Poésie grandiose et fière du travail I
C'est là qu'il p:isse sa journée et qu'il usera sa
vie — le travailleur — à manier le marteau et
rougir le fer.
Elle — la femme — a bien assez de ses en-
tants à soigner et de son ménage à entretenir.
La vie lui est dure — à elle aussi.
La cloche de l'usine sonne à six heures. Il faut
se lever à cinq — préparer quelque chose pour
l'homme, lui mettre dans la poche un morceau
de pain avec une tranche de lard ou do boeuf,
qu'arrosera le canon du matin.
Et puis, il faut lever les enfants, faire le raé-
n ge, raccomoder la petite famille, consoler le
bébé qui crie dans un coin ou qui se roule par-
terre.
Le dernier marmot n'est pas plutôt torché que
l'homme rentre l)é.jionze heures, déjà cinq heures
qu'il travaille.
La table est prête.
L'après-midi — c'est le lim-c qu'il faut aller
tordre au lavoir, les provision; à faire, le souper
à préparer.
Enfui — h; soir arrive. Le mari icntr»:, on peut
N° 10
I»arls, trois mois : S tv>
LA RUE
Journal Quotidien
36 Mars 1870
N° 10
ProvInoe,trols mois : 6 fr
BUREAUX : I. IUJK DU J>RDINET. 1.
RÉDACTEUR EN CHEF : JULES VALLES
VENTE : 5. RUE DU CROISSANT, 5.
L3B8VAIKCU8
JULES VALLÈS
PROCÈS DE TOURS
À quoi sera-t-il condamné? A quoi? Eh ! que
nous importe!
Nous avions cru devoir servir au peuple le récit
de ce prorès, l'histoire de cet assassinat.
Mais IHH.IS ! 'le plu* rlîli\s q ifî n tu av.i:?nt,3
l'heure où nous écrivions, rassasié la curiosité de
a fouie.
Enfin nous n'avions pas le droit de dire môme
aux roseaux ce qui nous sortait du coeur!
Mieux vaut le silence qui oppresse mais qui
n'humilie pas.
Nous avons eu le tort de croire que nous pour-
rions rester impartial comme les autres, et nous
n'avons fait, ma foi, que d'assez piètre besogne,
obligé que nous étions de mutiler ce qui était
estropié déjà.
Mieux vaut le silence !
Le public ne sera pas volé, et nous, nous souf-
frirons moins.
Demain le verdict, et tout sera dit. Nous gar-
derons le souvenir de Millière ferme et digne, de
Fonvielle téméraire et menaçant, de Mme Louis
Noir en deuil I Et nous attendrons qu'un de
nous tombe encore sous la balle d'un 1 assassin,
mais nous prendrons nos précautions, mainte-
nant!
JULES VALLÈS.
LE MINEUR DU GREUSOT
C'est lui qu'on voit au matin — lj mineur —
avant le lever du soleil, descendant silencieuse-
men; le sentier qui conduit à la mine, noir, ré-
signé, sombre, la pioche sur l'épaule, le crochet
de fc-r au dos, avec son chapeau de buffle bosselé
par les blocs de charbon ; il va encore une fois
s'enfoncer dans le trou béant dont il ne sortira
pas peut-être.
Il est beau, le mineur, dans sa laideur ro-
buste, quand il s'arrête un moment pour aspirer
l'air frais de la montagne, ouvrant sa chemise au
vent qui vient rafraîchir sa poitrine large et velue
— humant le soleil avant de s'engouffrer dans
l'ombre.
Pour lui, point de travail au beau ciel bleu, au
milieu des blés jaunes, quand la charrue grince
et la faux scintille.
La mine est noire, morne et lugubre.
Il est là, la lampe aux dents, à quatre pattes —
ou couché sur le dos, attaquant le charbon du bec
luisant de sa pioche.
Quatorze heures dans cette tombe !
Quatorze heures sans voir le ciel, les genoux dans
la boue, sans autre lumièie que le reflet pâle de
la lampe, avec l'éboulement — le grisou.
Gluants de sueur, les pieds glacés, ils sont là,
respirant quatorze heures la poussière du char-
*cs bon.
Les poumons se pétrifient : les cellules devien
nent houille.
Puis la phti.-ie — la mort.
Pas de cheveux gris chez les mineurs.
. pLe soir, on les aperçoit dans la nuit — reve-
nants sinistres — sortir pêle-mêle du puits, et
remonter par bandes le sentier qui mène à leur
demeure.
Is marchent, ht tête baisséo, harrassés, muets,
les genoux plies, écrasant les pierreî avec leurs
soulie-s ferrés, leurs crochets s'entrechoquent et
font comme un bruit de chaîne.
Puis, ils vont s'entasser pour la nuit dans leurs
casernes, dormant pêle-mêle d'un sommeil de
plomb.
Et cela pendant toute la vie, jusqu'à ce qu'un
jour, on vienne les déposer sanglants, hachés,
défigurés, sur le bord du puits — écrasés par le
bloc de charbon — souvent troués par les
balles.
*
* *
Pauvres gens !
PIERRE LENOIR.
LA FEMME DU PEUPLE
C'est à elle qu'il faut plaire — c'est elle que
nous devons honorer.
La soupe fume sur ht table !
Elle est là, la ménagère!, avec ses bras retrous-
sés jusqu'aux coudes, donnait le dernier coup
d'oeil, astiquant la dernière fourchette d'étain,
surveillant le pot-au«feu qui jette son dernier
bouillon.
Les enfants attendent, assis d'avance autour d«
la table, tambourinant dans les assiettes, leurs
joues roses et fraîches toutes barbouillées, arri-
vant essoufflés de se battre dans la rue ou de
glisser sur les tas de sable.
Ils jettent de temps en temps un coup d'oeil en
arrière pour regarder si la mère ne les voit pat
rayer avec leur couteau la vieille toile cirée de la
table.
Un lit — une commode — une armoire — des
chemises et des chaussettes qui sèchent sur une
longue corde tendue dans la chambre.
Dans un coin le petit berceau d'osier, du der
nier né — pour le prochain. La gibecière du
gamin qui va à l'école est accrochée au mur. Sur
la cheminée, le bouquet de mariage sous un
globe, avec deux pots de fleurs autour, cadeau
des jours de fête.
A travers la fenêtre, on aperçoit la haute che-
minée de l'usine qui se dore au soleil, et fait dans
le ciel sa longue traînée noire.
Au fond de la cour, flambe la forge qui crache
ses étincelles comme des paillettes d'or.
On voit se découper dans l'obscurité les forge-
rons avec leur poitrine large — les muscles sail-
lants comme des cordes sur leurs bras nus et
noircis par le feu.
On entend se croiser sur l'enclume, comme un
craquement de mitraille, les lourds marteaux de
fer.
Poésie grandiose et fière du travail I
C'est là qu'il p:isse sa journée et qu'il usera sa
vie — le travailleur — à manier le marteau et
rougir le fer.
Elle — la femme — a bien assez de ses en-
tants à soigner et de son ménage à entretenir.
La vie lui est dure — à elle aussi.
La cloche de l'usine sonne à six heures. Il faut
se lever à cinq — préparer quelque chose pour
l'homme, lui mettre dans la poche un morceau
de pain avec une tranche de lard ou do boeuf,
qu'arrosera le canon du matin.
Et puis, il faut lever les enfants, faire le raé-
n ge, raccomoder la petite famille, consoler le
bébé qui crie dans un coin ou qui se roule par-
terre.
Le dernier marmot n'est pas plutôt torché que
l'homme rentre l)é.jionze heures, déjà cinq heures
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La table est prête.
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