Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-4145-4208
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
XI- ANNÉE
20 FÉVRIER 1850
5e LIVRAISON
L'ENCLOS DU TEMPLE
( 1G64)
ODIS XIV était dans tout J'éclat desagloire,dans toute la force de sa jeunesse, et le château de Ver- sailles , pour la reconstruction et l'embellissement duquel il venait de dépenser des sommes inouïes, méritait de tout point la.fastueu-
se devise écrite en lettres d'or sur ses élé- gantes façades : Nec pluribus impar.
Le galant monarque célébrait, le mercredi 7 mai 1664, époque où commence notre his- toire, la seconde des fêles qu'il offrit à Alhé- naïs, marquise de Montespan, sous le nom des plaisirs de l'île enchantée. Pendant trois jours, le château fut transformé en palais d'Alcine, et les courtisans, métamorphosés en paladins, rivalisèrent de luxe et de zèle dans
les brillants carrousels, dont un sourire du maître devait être le prix.
Les grands talents que la faveur royale avait fait éclore et fleurir s'étaient réunis dans un fraternel concours pour ajouter aux illu- sions de la richesse le prestige de l'art. Mo- lière avait composé les paroles, Lulli la mu- sique des intermèdes, dont l'exécution était confiée à la fine (leur de la noblesse de France, et Lebrun, premier peintre de la cour, avait eu la courtoisie de dessiner les décors, ainsi que les costumes.
Tout respirait un air de bonheur et de joie dans la noble demeure. Les parterres émaillés de mille fleurs, les massifs couverts de roses et de jasmins mêlaient leur suave senteur au parfum des lilas, dont une brise légère se- couait mollement les grappes odorantes. Les hôtes du château, depuis le duc et pair jus- qu'au garçon jardinier, imitaient, chacun dans sa sphère, les moeurs galantes de leur auguste maître. Dans les grands apparte- ments, les courtisons peignaient, en langage prétentieux, leur flamme aux dames d'atours,
aux demoiselles d'honneur, tandis que sou s les charmilles, pages el chevaux-légers guet- taient les filles de chambre, et que, dans les communs, piqueurs et valets Iutinaient les laitières. Chaque allée, chaque buisson du parc avait son secret, son mystère, et, sur le bord des bassins, les gros tritons à face ré- jouie semblaient eux-mêmes regarder amou- reusement les syrèues vertes enfoncées jus- qu'à la ceinture dans l'eau limpide , où des myriades de poissons rouges agitaient gaie- ment leurs nageoires d'azur.
A une des petites entrées, non loin de l'a- venue de Satory, un corps-de-garde ombragé de tilleuls était occupé par un détachement suisse. Ces dignes enfants de l'Helvétie, rou- ges de nez, d'habit et de figure, appuyés, qui sur sa hallebarde, qui sur sa canne à pomme d'ivoire, écoulaient, en rian t comme des dogues aboient, une bohémienne qui chan- tait en s'accompagnant de son tambour de basque.
Le costume et plus encore les traits de la jeune fille, car elle semblait avoir tout au
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